Speaker #0Son réveil sonne, il est 6h15. Une insomnie de plus cette nuit ? Le stress ? La périménopause ? Les idées qui fusent ? Les projets ? Mais qu'est-ce qui a bien pu la maintenir éveillée une fois de plus ? A moins que ce soit simplement un excès de caféine ? Bon, qu'importe, pas le temps de réfléchir. Mode, routine, activé, faut se lever, lever les enfants. Le petit veut pas, il est trop fatigué. Elle le force, elle finit par se fâcher. Elle sait que s'il manque une matinée de plus, elle aura l'école sur le dos, ils l'ont déjà menacé d'hyper. C'est vrai qu'elle est un peu différente cette maman. L'école l'aperçoit comme un peu trop flex. Elle n'est pas comme les autres. Elle explique les rages de son fils quand on le bouscule, en parlant d'autisme. Cette maman, elle décrit des difficultés pour son fils dans le contact sensoriel imprévu. Elle dit que c'est violent pour son gamin. Et elle demande à ce que son enfant puisse sortir de la classe avant ou après, mais pas... pendant tout le groupe pour éviter ces fameuses bousculades de sortie et d'entrée de classe, et puis pour éviter du coup les réactions si vives de son enfant qui sont si critiquées. L'enseignante, elle, elle en a 28. Entre les enfants qui arrivent écorchés vifs d'un pays en guerre et qui ne parlent pas encore le français, ceux qui arrivent en classe avec des coups, ceux qui s'ennuient, parce qu'ils ont déjà un an d'avance, voire deux. Ceux qui ont un handicap physique et puis la chaise roulante à faire passer partout. Et ceux dont les parents sont en conflit ouvert et ouvrant des plaies béantes dans les âmes de leurs petits. Et puis ceux pour qui il faut adapter les méthodes d'enseignement. Et bien, elle fait ce qu'elle peut, cette enseignante. Avec sur sa tête les injonctions de ses supérieurs. Et puis au milieu de tout ça, il y a sa directrice qui lui refuse à elle des aménagements. A elle, cette enseignante qui a découvert son TSA et son TDAH à 32 ans. Alors la maman, elle arrive au travail. Elle a finalement réussi à laisser son enfant à l'école. Elle a laissé le second aussi. Et juste avant de prendre son poste, elle essaye d'appeler le CMP pour décaler le suivi d'orthophoniste du grand. On lui a déjà refusé sa demi-journée. Et puis, elle sait que le papa ne bougera pas. Bon, raté, le CMP n'est pas encore ouvert. Elle va profiter de la pause clope de ses collègues. pour aller vite aux toilettes et retenter de les joindre. Et sa chef à elle, elle est à cran aussi. Elle a reçu un mail de son supérieur la veille à 21h30, la houspillant, sur le projet qui n'était pas comme il voulait, sans préciser plus ses attentes. Et puis ce matin, il y a le voisin qui lui a encore fait une remarque sur l'AE qui dépasse un peu la limite de propriété. Ensuite, les embouteillages. Et puis ce cycliste qu'elle a réussi à éviter en braquant très rapidement, mais en faisant peur et donc en se faisant insulter par un autre... automobiliste qui, lui, la serrait un peu trop. Alors, quand cette salariée, cette maman lui a demandé encore une fois une demi-journée de RTT, elle a dit stop. Franchement, il faut arrêter là. C'est pas à l'entreprise de s'adapter aux petits besoins de chacun. Vous avez un job, assumez-le. Le privé, ça ne regarde pas l'entreprise. Mais cette maman, elle se verra aussi signifier à l'entretien d'évaluation annuel. Que elle ne s'implique pas assez, madame. Vous devez profiter des séances de méditation yoga en entreprise pour vous détendre. À coup sûr, ça vous rendrait plus sympathique auprès de vos collègues si vous daignez faire acte de présence et porter votre royale personne au milieu de l'équipe. Mais certes, madame, j'entends bien que vous avez deux enfants que vous élevez seuls. Mais bon, vous savez, si vous preniez soin de vous, vous seriez une très belle femme, madame. À coup sûr, vous feriez le bonheur d'un homme. Depuis quand être un objet de désir me rendra la vie plus facile ? se dit cette maman, tout en se demandant si de son chef aussi, il va falloir qu'elle commence à se méfier et en se demandant ce que ce commentaire vient faire au milieu d'un entretien professionnel. Alors cette maman, elle fait du mieux qu'elle peut, globalement avec des conditions de travail de merde et puisqu'on lui offre des cours de yoga avec ses collègues, elle devrait à ce titre être sexy, désirable, souriante et détendue et évidemment beaucoup plus performantes. On est lundi matin, il est 8h42. Ce n'est que le début. Est-ce que vous avez compté le nombre de maltraitances qu'il y a dans ce récit ? Est-ce que notre société est bien traitante ? Bonjour, je suis Maya, et dans ce podcast, au titre un peu provocateur, on essaye de décoder les troubles du spectre de l'autisme pour les non-autistes, mais aussi les réciproques. On essaye de lire ce monde pour mieux le comprendre quand on est autiste. Dans ma famille, je suis entourée d'autistes sans déficience intellectuelle de toute génération. Et finalement, l'autisme et les troubles du neurodéveloppement, avec le TDAH et des choses comme la dyspraxie, la dysgraphie, qu'on n'appelle plus comme ça d'ailleurs aujourd'hui, troubles des apprentissages, ça fait partie de notre univers. Le SED aussi s'est trouvé une place, les troubles anxieux et pas mal d'autres joyeusetés physiques. Bref, la santé mentale s'impassionne et c'était obligé... quand on a une famille aussi dingue que la mienne. Du coup, je me forme, notamment par un diplôme de pérédance familiale professionnelle en ce moment, pour accompagner et soutenir les familles. Et je travaille sur un programme de soutien et de réhabilitation pour les jeunes autistes 16-25 ans. Mais ça, je vous en parlerai plus tard. Allez, c'est parti ! Parfois, et un petit peu à l'opposé pour contrebalancer le récit d'introduction, pour bien traiter les gens et ainsi contribuer à une société mieux traitante, c'est pas si compliqué. Donc, quelques exemples. En fin d'école primaire, j'envoyais parfois mon fils à l'école en vélo. Il avait un kilomètre et demi. On avait fait le trajet ensemble plusieurs fois pour qu'il repère bien les petites rues, vérifier l'absence de voiture avant de passer, qu'il arrête de descendre en trombe en prenant ses virages beaucoup trop larges et qu'il comprenne que même s'il y avait une voiture en face, elle ne le verrait pas à temps. Bref, on a essayé de joindre la sécurité à l'éducation, une dose de confiance aussi maternelle, il en a fallu. Je devais partir plus tôt, il avait sa liste de choses à faire et une alarme pour lui partir à temps. Vous voyez, il commençait à 9h30, ça fait quand même sacrément tard. Un jour, le directeur m'appelle. Il était 10h, il n'était pas arrivé. Alors vous imaginez que mon cœur de maman a manqué de s'arrêter ou de sortir de ma poitrine Ausha. Le directeur était prêt à monter sur le chemin en voiture pour voir s'il était dans un fossé, au mieux. On est en Catalogne, dans un petit village, c'est une toute petite école. Alors je lui ai dit d'attendre et je téléphone sur le fixe de la maison. Mon fils me répond, super détendu, qu'il n'avait pas vu l'heure. Donc il se met en route. Je préviens le directeur, moi j'étais furax. Et cet homme, Johan, cet enseignant de 55 ans, ne l'a pas grandé. Moi j'étais vraiment fâchée. Enfin, j'étais mi-fâchée, mi-inquiète et ensuite... Fâcher de m'être fâchée, oui, ça fait trois moitiés, parce que dans le cœur d'une maman, il y a de la place pour trois moitiés, c'est comme ça. Donc Johan, non seulement ne l'a pas grandé, mais il l'a félicité. En m'expliquant que pour un autiste de dix ans, se responsabiliser le matin et venir à vélo, c'était super, et c'est ça qui compte, et que le retard, ça n'avait aucune importance. Et il a eu raison. D'ailleurs, mon fils s'en voulait déjà largement assez d'avoir zappé le départ, mais moi j'ai pris non pas une claque. mais une caresse de bienveillance, et ça fait un bien fou. Et puis, il y a aussi cette maman, qui après deux ans de parcours de combattant pour identifier les TND chez sa fille, tombe sur une psychiatre qui lui dit « Pourquoi vous venez me voir, madame ? » après avoir reçu l'enfant pendant 20 minutes seule. Alors la maman, elle n'ose rien dire, habituée à des pros qui, quand elle parle de TND, lui répondent de façon très hautaine « Vous êtes psy, madame ? Non ? Bon. » Alors, laissez les pros faire leur métier, posez des diagnostics, parce que ce n'est pas votre rôle. Laissez-nous faire notre travail. Mais cette psy-là, elle insistait, vous pensez à quelque chose, madame ? Alors, la maman, elle n'osait pas répondre, elle était tellement habituée à prendre des claques. Finalement, elle se détend un petit peu, elle ose intimide. J'avais vaguement suspecté un autisme, mais je ne suis pas pro, c'est vous, madame, la professionnelle. Et en fait, la psy a Ausha la tête avec un signe d'approbation, un petit sourire. Tout le monde s'est mis à respirer et le dialogue authentique, franc, ouvert a pu commencer. La maman a pu enfin, librement, vraiment, simplement dire ce qu'elle constatait, ce que vit sa fille sans avoir quelqu'un qui la maltraite en face. Il y a aussi ce couple de retraités qui venait dans leur maison six mois par an et puis entre-temps la famille voisine a eu un chien, une espèce de truc qui saute partout avec un trou plein d'énergie de fou. Et ce chien régulièrement sautait les barrières et allait courser les Ausha dans le terrain des voisins. Alors quand le couple de retraités est arrivé, à sa période habituelle, la famille craignait vraiment la réaction. Ils ont essayé d'anticiper, de s'excuser en disant, écoutez, on est vraiment désolés, on n'a pas encore réussi à éduquer notre jeune chien, on y travaille, mais pour l'instant il saute encore, parfois il vient sur votre terrain. Et le couple de retraités a ri. Fin de l'histoire, ils se sont marrés. Qui ne rêve pas de voisins pareils ? Et puis, je termine avec cet exemple. Il y a cette entreprise qui adapte les horaires à chaque salarié, en fonction de ses besoins et de sa situation familiale, qui sur l'app calendrier interne donne la possibilité de mettre un soleil, un nuage ou un orage, pour que chacun puisse signaler les jours où ça va, mais aussi les jours où ça ne va pas. Que ce soit pour une dispute, parce qu'on a nos règles, parce qu'on vit un deuil ou qu'on a mal dormi. Simplement, sans justification, on peut signaler aux autres que là, c'est pas le bon jour. La personne sera certainement plus sensible ou moins performante. Et c'est ok, et c'est pas grave. Et c'est autre entreprise qui a mis en place la cagnotte de congés menstruels. 10 jours par année et par salarié. Et où les salariés qui ont des douleurs ou des empêchements parce qu'elles ont leurs règles et qu'elles ne sont pas bien, vont piocher un jour de congés sans avoir rien d'autre à justifier. Et vous, quels sont vos exemples de sociétés bien traitantes ? et maltraitante aussi. Alors pourquoi est-ce que cette société est si maltraitante de façon structurelle ? J'ai évidemment pas de réponse complète et globale à cette question, mais on va tenter quelques approches. On commence par les mots du docteur Rougemont-Böcking, psychiatre en Suisse, qui nous explique que rester bloqué sur un événement stressant, c'est un déficit de contextualisation. Et c'est significatif d'un stress post-traumatique, que le cerveau a du mal à réaliser que l'événement stressant qui mettait en jeu la vie n'a plus lieu. Et ce même docteur nous explique que notre société est comme restée bloquée sur la vision, c'est super intéressant je trouve, de la nécessité de travailler pour manger et donc pour survivre. Et ça c'est une croyance qui est très profondément ancrée et qui est violente. Le fait de ne pas avoir le droit à la nourriture et à la vie sociale si on ne travaille pas. C'est fou ça ! Ne pas avoir le droit de vivre, de manger, d'avoir un toit, d'avoir une vie sociale, une famille, des amis, si on ne travaille pas. Et il continue en disant, aujourd'hui, la technologie, les connaissances, nous permettraient, dans une autre façon de vivre notre société, On aurait les moyens et les ressources pour vivre en travaillant nettement moins. Là, moi, j'ajoute, petite remarque personnelle, cette notion de revenu universel. Donc, lui, il continue dans son raisonnement, il dit, notre société, elle est restée bloquée sur cette espèce de traumatisme, travailler pour manger et avoir le droit d'être en lien avec les autres, de mériter une place dans la société. Et donc, notre société est traumatisée. et par la même maltraitante parce qu'elle nous inonde d'injonctions à l'effort, toujours en faire plus pour avoir le droit de vivre. Et la maltraitance aussi par cette croyance qu'on ne mérite ni nourriture ni relation, en fait ça implique une forme d'adaptation par la soumission. On se soumet à cette injonction, bah oui, si j'ai pas de travail. C'est normal que je n'ai pas d'amis, que je n'ai pas mes places dans la société, que je galère économiquement. Du coup, je n'ai pas le droit à la nourriture. Parce qu'on pense que si on ne travaille pas, on est seul à la rue. C'est une violence de fou à laquelle, collectivement, on s'est tous soumis. Et ce même docteur souligne l'importance des croyances à la fois individuelles mais aussi collectives, qui ne sont pas questionnées, qui deviennent des dogmes. Alors... Si je comprends bien, notre société devrait faire collectivement, et ça implique aussi les politiques, ça serait pas mal, des thérapies comportementales et cognitives, ça serait pas mal, pour questionner les pensées automatiques, pour questionner les croyances, et puis pour mettre en place d'autres schémas. Un peu de métaconnition, voire pas mal de métaconnition pour notre société aussi, ça serait pas mal. Toujours le même docteur Rougemont-Bucking parle... D'érotisation, de la souffrance et du sacrifice. Travailler dur, se faire passer après les autres et se tuer à la tâche, se sacrifier pour sa famille ou pour aider les personnes dans une association, surtout quand on est une femme, ça serait beau et ça serait bon. Est-ce qu'au contraire, ça ne serait pas le signe d'une société maltraitante ? Il faudrait être à 100% tout le temps, à fond. Pourquoi finalement ? Pour consommer plus ? Pour continuer à faire tourner l'économie capitaliste et... épuisé la terre et si c'était pas si grave de ne pas être à 100% de ne pas pouvoir consommer autant de vivre plus simplement Bon, je pars dans des rêves d'une société moins basée sur le rendement, l'argent, le pouvoir d'achat, mais rêver et souhaiter des choses plus simples et plus équilibrées pour tous, c'est encore possible ça, non ? Le rythme de l'école imposé à nos enfants et nos ados, l'obligation de faire un effort pour y aller, être le premier arrivé et le dernier à partir au boulot, être à fond, être une femme qui assume et qui assure, être un homme qui assume et qui assure, être à la hauteur, être en couple et avoir assez d'argent. subir un entretien d'embauche, un entretien d'évaluation, de validation, bref, rien qu'à énoncer tout ça, ça me fatigue. Combien d'exigences, de violences inutiles. Pressuriser les soignants jusqu'au burn-out, réquisitionné par gendarmerie, un médecin de campagne qui refuse, épuisé, de continuer à assurer des gardes le soir et le week-end, et qui exige, qui demande, ce médecin, d'avoir ses temps de repos. Un management toxique dans une clinique, qui réussit à obtenir 13 départs de médecins urgentistes sur 14, des sacha-médékinés payés au lance-pierre de façon incomparablement proportionnelle avec la façon dont ils se dédient à leurs patients, des médecins minutés pour les consultations. Est-ce que cette société est bien traitante ? Des enseignants critiqués de toutes parts, qui impriment eux-mêmes les fiches de leurs élèves faute de budget cartouche d'encre de la part de la mairie. qui se forment sur leur temps familial pour tenter de comprendre cette pédagogie universelle nécessaire à l'inclusion de profils tellement variés dans leur classe, ces mêmes enseignants mal payés, changés de département, en manque de moyens et si peu reconnus dans leur mission, ces parents qui sortent de réunions scolaires avec des injonctions de tout ce qu'il faut faire pour l'enfant en question, qui enchaînent sur la réunion pour l'autre enfant, puis la visite du parent vieillissant. qui se font mal voir dans leur travail pour cette énième demi-journée posée et qui se font gronder par leur médecin parce qu'ils sont stressés. Alors qu'ils passent leur temps à jongler entre les suivis de leurs enfants, les impératifs de la famille et des parents vieillissants, tout en essayant de maintenir un travail correct pour ne pas perdre leur emploi. Est-ce que cette société est bien traitante ? On fait porter à l'individu la responsabilité de facteurs extérieurs. J'aime beaucoup cette anecdote d'Albert Moukébert qui racontait dans une conférence Une femme dans la tech qui était très performante, qui avait un super job, elle se fait déboucher par une autre boîte, la mission intéresse, elle y va confiante. Et en fait, à chaque fois qu'elle rentrait dans une salle ou qu'elle était en réunion, ses collègues masculins lui faisaient des commentaires sexistes, lui coupaient la parole, la rabaissaient. Petit à petit, elle perd l'agnac, son métier commence à moins l'intéresser, elle a moins envie d'aller en réunion, elle s'investit sur moins de projets, finalement pour éviter ces situations qui commencent à être vraiment pesantes. lourdes pour elle sa hiérarchie lui reproche sa baisse d'engagement sa baisse de niaque sa hiérarchie la critique commence à lui retirer sa confiance et justement elle perd sa confiance en elle l'estiment d'elle-même elle commence à se trouver nulle elle finit par aller vraiment mal et par expliquer tous ces problèmes à son psy pendant que sa hiérarchie du côté de l'entreprise je lui donne des heures de méditation ou de stage pour qu'elle change son mindset. En fait, qu'est-ce qu'on fait ? On lui a intériorisé le problème qui devient endogène, alors qu'à la base, le problème, il est exogène, il est structurel, il est complètement externe à elle. Elle est entourée de crétins et puis c'est tout. On a le réflexe de chercher à traiter la personne ou ses symptômes. Elle ne va pas bien, cette femme, elle a perdu l'estime d'elle-même, la confiance en elle, la niaque au boulot et tout. On cherche à traiter la personne et les symptômes sans regarder ce qui peut venir de l'extérieur. Donc là, de cette société au sens entreprise, et d'une façon plus générale, de la société, notre organisation humaine. Bon alors, comment on réagit devant tant d'injonctions et de choses qui ne respectent ni nos rythmes, ni nos besoins ? Tony Atwood nous parle des quatre réactions de survie ou d'adaptation des autistes face à ce monde dont ils n'ont pas les codes. certains vont aller dans l'arrogance, se sentir supérieur, voient l'autisme comme un super pouvoir et à ce titre vont se permettre, au nom de leur « honnêteté » , de dire tout ce qu'ils pensent, sans filtre et sans tenir compte de l'effort ou de la blessure chez l'autre. En caricaturant, très rapidement, c'est ce qu'on appelle les arrogants ou ceux qui voient l'autisme comme un super pouvoir. Certains vont se suradapter, étudier les codes, les attentes, les réactions et jouer le jeu attendu pour éviter de se faire mal voir, mal aimer, rejeter ou violenter. Ce sont plutôt les caméléons, les adaptés, les pros du masking. Certains s'enfuient dans leur imaginaire, dans leurs livres, dans leur art, dans leurs pensées. Ils trouvent refuge dans un ailleurs, dans une autre dimension qu'ils vont créer à leur mesure. Et puis les derniers se sentent écrasés par le poids des injonctions, écrasés à essayer de correspondre aux attentes et de ce qu'il faut faire pour être moins violenté. par cette société et par les autres. Et ceux-là, ils auront une nature plus dépressive, ils souffrent beaucoup. Ces quatre réactions, on pourrait les mettre en relief avec les quatre réactions classiques face à l'adversité, le combat, voire l'attaque, la soumission, l'adaptation, la fuite ou le blocage. Ne vous jugez pas, et ne jugez pas cet autiste que vous connaissez, ni l'arrogant, ni le dépressif, ni le suradapté. ni celui qui s'isole dans son monde et se coupe des autres. D'abord parce que c'est hyper simplifié ce que je viens de dire et schématisé, et que bien évidemment la réalité est beaucoup plus complexe et nuancée, mais surtout parce que chacun fait ce qu'il peut avec sa personnalité, avec l'éducation qu'il a reçue, et avec l'environnement dans lequel il a grandi, et enfin avec ce qu'il a dû traverser. Non, on n'est pas égaux. On n'a pas tous été soutenus et protégés de la même manière. On n'a pas tous la capacité. de récupérer en dormant, et certains ont des maladies ou des douleurs chroniques, certains cumulent d'autres troubles du neurodéveloppement avec l'autisme, ou alors des troubles physiques, certains sont passés par le trauma, la maltraitance, d'autres pas. Donc non, on ne compare pas, c'est tout. Comparer, juger, c'est une violence en plus. Et si vous voulez en parler avec d'autres personnes, sur le spectre. Il y a un groupe privé qui s'est monté autour du podcast. Vous m'envoyez un mail sur leschroniquesdemaya.com ou un MP sur les réseaux sociaux. Je vous donnerai le lien. Certains d'entre eux se retrouvent aussi une fois par semaine, le jeudi, pour échanger en live, sans caméra, dans un groupe d'échange. Ça se fait par écrit quand ils veulent, quand on veut. Et puis, il y a le live une fois par semaine. Bon alors, et donc, du concret, je vais vous parler de trois choses pour essayer d'être mieux traitant. Le passing, le droit à l'erreur et le lien social. Le passing, qu'est-ce que c'est ? Ce sont des outils et des pratiques pour adapter votre quotidien en fonction de votre niveau d'énergie disponible. Vous savez, l'histoire des petites cuillères. Le concept de passing, littéralement, adapter son rythme, son allure, ça vient des sports d'endurance. C'est utilisé pour atteindre des objectifs. en contrôlant la fatigue. Donc votre objectif, ce sera de ne pas dépasser votre nombre de cuillères ou votre niveau d'énergie quotidienne disponible. Il y a deux notions pour ce passing. La première, c'est savoir s'arrêter dans une activité ou un impératif avant que vos douleurs ou votre niveau de fatigue ne soient trop importantes. Ça peut être au niveau cognitif, émotionnel, sensoriel, mental, physique et tout ça. Donc avant d'atteindre le seuil qui va générer une crise après ou le lendemain ou le surlendemain. Et puis la deuxième notion, c'est de trouver vos limites à ne pas dépasser, là aussi autant au niveau de votre fatigue cognitive, émotionnelle, sensorielle, qu'au niveau des douleurs physiques, si vous en avez, pour éviter les crises. Alors comment faire ? Vous pouvez découper, évaluer le temps que vous arrivez à donner dans une activité. Et évaluer le temps de repos. Découper, il s'agit de fractionner vos activités physiques ou mentales en faisant régulièrement des pauses. Évaluer le temps que vous pouvez dédier à une activité, donc petit à petit avec la pratique, vous arrivez à dire, tiens, si je jardine 30 minutes c'est bien, mais dès que je dépasse 30 minutes ou que je dépasse 2 heures, après j'ai des douleurs, après j'ai du mal à m'en remettre. Avec la pratique, vous pouvez noter et puis vous allez savoir selon l'activité ou faire les courses dans un petit supermarché. Quand j'ai 20 produits achetés, ça va. Si je dois faire les grosses courses, j'ai besoin de me faire aider ou je ne vais pas pouvoir après faire le deuxième supermarché. Donc ça, petit à petit, vous évaluez. Donc la troisième chose, c'est évaluer le temps de repos nécessaire. Après le jardinage, j'ai besoin d'une après-midi de repos. Après les courses, j'ai besoin de... me poser en regardant une série, en écoutant de la musique ou d'aller marcher avec mon chien. Petit à petit, vous notez tout ça. Vous pouvez vous faire un journal de passing pour ces notions, pour apprendre aussi à vous connaître et savoir jusqu'où vous pouvez aller. Et parfois, vous allez faire dire, là je vais quand même aller à telle rencontre ou je vais faire un énorme effort pour aller à l'anniversaire de cet ami ou il y aura des gens. Mais je sais que derrière, je risque d'avoir besoin de quatre jours de récup. Finalement... Cette notion de temps de récupération, ça fait partie en sport de la performance. On intègre complètement la récup dans la notion de performance. Alors pourquoi pas ? dans la gestion de notre quotidien, y compris pour nos enfants à l'école, au collège, en études. Intégrer cette notion de récupération, période d'examen, derrière, il ne va pas falloir partir en vacances directes, parce que préparer les bagages et le voyage, ça va être beaucoup trop. Ou alors là, il y a une sortie scolaire, on sait que derrière, il y aura de la récup, mais derrière, il y a des examens, il ne peut pas y couper. Est-ce que c'est vraiment nécessaire qu'il aille à la sortie scolaire, sachant qu'il ne va pas pouvoir faire les examens ? Tant pis pour la sortie, mais on privilégie les examens. Donc intégrer cette notion de récupération, y compris pour les repas en famille, les rencontres avec belle-maman et compagnie, à la maison, par rapport au ménage, les activités qu'on a à faire à la maison, au quotidien, tout simplement, évidemment au travail si on peut. Parce que parfois on va être moins efficace, on va être plus lent, on a besoin de tant de créativité aussi, de tant de disponibilité mentale, de temps de repos. d'échanges, de temps de pause. Ça va dépendre de chaque personne. Pour d'autres, ça va être du temps pour penser, pour digérer ou classer les infos, ou simplement pour souffler. Il faut apprendre à se ficher la paix. Et pour se poser, certains vont se dédier à leurs intérêts spécifiques, à leur passion du moment. D'autres vont aller marcher, faire du sport, lire, regarder une série, jouer à un jeu vidéo. Il paraît même que tout ça, ça n'a pour tout temps que bien fait que la méditation, si vous n'êtes pas des grands adeptes de la méditation. Donc allez-y, faites-vous du bien. On a parlé du passing, maintenant j'avais très à cœur aussi de vous parler du droit à l'erreur. Savoir en famille, entre amis, dans un groupe, en couple, dans les études, au travail, en expliquant sa vie chez un professionnel de santé, qu'on a le droit de se tromper. que pour autant on ne va pas être jugé, ni brûlé vif, ni moqué, ni regardé de travers. Et bien c'est super important pour réduire la maltraitance, la possibilité de trauma ou des choses qui vont réactiver un trauma possible. Ça va aider aussi à réduire l'anxiété, la pression, le perfectionnisme. Et en fait pour pouvoir être avec l'autre et s'exprimer, être soi-même et s'exprimer avec un véritable droit à l'erreur. On a besoin de trois choses, de sécurité, d'ouverture et de confiance. La sécurité, quand on est dans un espace relationnel où on n'a pas de sécurité, on va vivre des choses du style « ah bah si tu parles je vais te faire mal, si tu l'ouvres tu le regretteras, oui bah si tu dis ce que tu as sur le cœur je me moquerai de toi » . C'est pas forcément exprimé, ça peut être vécu, expérimenté. Quelque chose aussi qui n'est pas cet espace de parole sécure, c'est... On sait qu'à partir du moment où on dit ce qu'on a sur le cœur, l'autre personne va nous regarder complètement, va complètement changer de regard sur nous. La sécurité, c'est le contraire de tout ça. C'est un espace de parole où on peut être soi, dire authentiquement ce qu'on a sur le cœur, sans que ça nous soit reproché. Tout ce que vous direz sera retenu contre vous. Ça, ce n'est pas sécure du tout. Ensuite, l'ouverture. L'ouverture, c'est la place à la différence. L'inverse, c'est quelqu'un qui dit « t'es trop sensible » , « t'es vachement différent comme ça » , « oh là là, mais qu'est-ce que t'es coincé » , « t'as quand même beaucoup de bizarrerie » , « tu sais, t'es franchement, t'es limite hystérique là » , « ah mais qu'est-ce que t'es excessif » , « non mais là, dès que tu te dis un truc, tu te fermes, tu t'isoles, tu pars dans ta grotte, on peut rien te dire » . Ça, c'est pas de l'ouverture, ça laisse pas de place à la différence. Il y a plein d'autres exemples, vous pouvez y aller en commentaire et sur le Discord si vous préférez que ce soit en privé. Et puis le dernier point, c'est la confiance. Pouvoir être avec l'autre et parler à l'autre, quel que soit le contexte, dans un espace de confiance. L'inverse, c'est quelqu'un qui va utiliser contre nous ce qu'on va lui dire, c'est quelqu'un qui va nous trahir, c'est quelqu'un qui nous ment, c'est quelqu'un qui abuse. C'est quelqu'un aussi qui ne joue pas franc jeu, on a du mal à comprendre la personne, qui change d'attitude, qui n'est pas claire. Les intentions ne sont pas claires là, ça ne donne pas d'espace de confiance. Alors j'ajoute quand même que le droit à l'erreur, il doit être mutuel et réciproque. Je ne vais pas pouvoir exiger de mon conjoint, de mon ami, cet espace de sécurité, de pouvoir tout lui dire sans qu'il me juge, d'ouverture, qui respecte ma différence, ma façon d'être, et de confiance, qu'il n'utilise pas contre moi ce que je lui ai dit, qu'il soit fiable, qu'il soit authentique avec moi. Je ne vais pas pouvoir exiger ça si lui-même ne bénéficie pas auprès de moi du même espace et du même droit à l'erreur. Ça veut dire que... Il faut pouvoir mutuellement accepter nos failles. Moi, je vais demander à l'autre cet espace de confiance, mais oui, mon groupe, mon proche, mon entourage peut me décevoir. Et spoiler, il va me décevoir, et vous aussi, parce qu'on est tous humains et faillibles, donc notre entourage, systématiquement, et même les personnes qu'on aime le plus, on arrive forcément à un moment où on se déçoit les uns les autres. C'est pour ça qu'à un moment donné, on va se sentir jugé par quelqu'un qu'on aime ou quelqu'un dont on attendait tout ça, la sécurité, l'ouverture et la confiance. Et puis on va se dire, en fait, il n'est pas si fiable, il n'est pas assez ouvert, elle m'a critiqué, elle a jugé ma différence. Mais à compte en lui, ce droit, lui ou elle aussi, à l'erreur. On va accepter ses failles et le temps dont il ou elle a besoin pour nous accorder sécurité, ouverture et confiance. Tout ça, c'est un chemin. Si vous avez... des doutes et que vous pensez que la personne est dans la toxicité, dans l'abus, est quelqu'un de pas fiable, vous pouvez écouter la série de trois épisodes assez longs Arrêtez de se faire bouffer quand on est autiste. Alors on a parlé du passing, on a parlé du droit à l'erreur et la dernière chose dont j'avais envie de vous parler pour essayer de réduire la violence des exigences de notre société, c'est créer du lien, être entouré. Qu'on soit de nature plutôt solitaire ou plutôt sociable, on est une espèce sociale et un minimum de lien, c'est bon pour la santé. Dans la famille, que ce soit avec la famille, avec un groupe de proches, dans un groupe de parole entre personnes autistes, ça peut être dans un GEM, G-E-M, les groupes d'entraide mutuelle, un groupe en ligne comme celui dont je vous ai parlé tout à l'heure, qui s'est constitué autour de ce podcast, dans une association. qui se retrouvent pour faire des balades ou des activités communes, avoir des gens qui se soucient de nous et à qui on peut partager nos joies, nos peines, c'est super important. Dans un article que je vous mets aussi en référence, il est expliqué qu'une relation, pour être bonne pour la santé, elle devrait être stable, prévisible et durable. Alors à votre façon, je vous souhaite d'avoir ou de trouver, pourquoi pas via les pistes que je viens de vous donner, un petit groupe ou quelques humains avec qui vous pouvez partager une partie de vous. une partie de ce que vous vivez. Et en conclusion, eh bien oui, il semblerait bien qu'on soit dans une société qui traite assez mal, voire carrément mal ses membres. Ce n'est pas un scoop. Mais ça permet aussi de comprendre que dans toutes les difficultés qu'on vit, dans les choses qu'on supporte, tout ne vient pas de nous. Il y a des choses qui viennent de l'extérieur et sur lesquelles on a peu de prise. Et ça, ce n'est pas fait pour nous déprimer plus. C'est une réalité, hélas, qui est comme ça. Mais l'idée, c'est plutôt qu'on apprenne à se ficher la paix à soi-même, à être un petit peu plus doux, un petit peu moins exigeant, puisque non, tout ne dépend pas de nous. Votre autisme, votre anxiété, vos douleurs chroniques, vos difficultés à entrer en relation ou à maintenir des relations, vos soucis au travail, non, tout n'est pas de votre faute. Et devant tout ça, on réagit comme on peut, en fonction de nos personnalités et de notre vécu. Certains vont attaquer, mordre. D'autres vont se soumettre et se suradapter, certains vont se réfugier dans leur univers et fuient celui-ci, et les derniers vont être écrasés ou immobilisés par le poids des attentes et par le poids de leurs « échecs » . Donc voir ça et identifier comment on réagit soi-même, ça nous permet d'avancer, mais aussi de mieux respecter et de moins juger les autres. Et pour terminer, je vous ai parlé dans cette chronique du passing, de s'accorder et aux autres le droit à l'erreur. en ayant un espace de sécurité, d'ouverture et de confiance, et puis de vivre du lien avec tes relations en présentiel ou en virtuel, qui présentent une forme de stabilité, de prévisibilité et de durabilité. Et je termine en vous disant une fois de plus merci, un grand merci d'être là, merci d'écouter, de suivre et de soutenir ce podcast, merci pour vos mots, pour vos étoiles, pour vos messages, pour vos avis et vos commentaires. Ça me fait super plaisir à chaque fois. J'adore échanger avec vous et je vous dis aussi, si vous ne l'avez pas encore vu passer, que, à mon avis, vous avez déjà vu ça, du 15 au 21 mars aura lieu un événement énorme dans le monde du podcast, c'est le Podcaston. L'an dernier, il y avait 400 podcasts qui ont participé. Cette année, ça s'est ouvert depuis le Canada, d'où vient l'initiative Canada francophone, au monde entier. Et on est près de 1600 podcasts. Donc c'est un événement de fou. chacun d'entre nous, chaque podcasteur parlera d'une association qui vous fera découvrir. Ça va être une semaine où il va y avoir une publication de contenu incroyable. Vous retrouverez tout ça sur chacun des podcasts que vous suivez, mais aussi sur le site du podcastant. Et donc, on vous fera découvrir une association. Pour moi, ça sera l'occasion de vous parler de mon parcours associatif, de mon engagement actuellement dans une association qui m'a beaucoup aidée. et de mon parcours aussi actuel d'employeur, de la vie associative, et puis de mon parcours d'étudiante en santé mentale.