- Speaker #0
Finta, c'est le podcast qui nourrit des esprits, des envies d'agir et des espoirs très concrets à l'échelle locale. Finta part de l'Aveyron pour explorer les voies de la ruralité, à la rencontre de celles et ceux qui incarnent la diversité et l'incroyable vivacité de territoires que l'on croyait oubliés. Je m'appelle Lola Cross, je suis journaliste et je vous emmène dès maintenant. Je repars dans le sud d'Aveyron pour ce nouvel épisode de Finta. Aujourd'hui, je n'ai pas un, mais deux invités. Deux invités qui partagent leur vie, leur métier et leur passion, au pluriel. Il s'agit d'Odi le Baudrier et de Gilles Bertrand. Depuis Millau, ils sont les pionniers du trail en France. Organisateurs du Festival des Templiers, de Trail à Nobraque et de la course du Viaduc de Millau, Odile Baudrier et Gilles Bertrand sont aussi journalistes sportifs. Tous deux ont couvert tous les Jeux Olympiques et compétitions internationales d'athlétisme pendant plus de 20 ans, avant de renoncer, déçus de ces organisations aseptisées. Dans le même temps, ils se sont séparés de leur magazine, VO2, qu'ils avaient créé pour couvrir le même athlétisme, et se sont lancés avec un nouveau site d'info, SP15, un site référence en termes de lutte antidopage. Tandis que l'organisation d'événements sportifs comme Culturelle est mise à mal, en ces temps de Covid, Odile Baudrier et Gilles Bertrand viennent de créer Live Aveyron, un nouveau site d'information local où ils laissent glisser leurs plumes dans les grandes longueurs. Des reportages en hommage à un territoire qui les a accueillis en 78, dont ils sont tombés amoureux depuis et dont ils ont contribué à façonner le paysage. Du Cosse-Noire au Larzac, devenu un spot international pour les amateurs de course à pied. Avec Odile et Gilles, nous avons parlé du trail évidemment, de sa professionnalisation et de ses dérives. de la lutte anti-dopage qui motive leur travail journalistique et de l'épuisement qu'elle peut représenter après maintes menaces reçues. Du territoire aussi et d'informations locales. 3, 2, 1, on est parti. Odile, Gilles, bonjour. Merci de me recevoir ici. Donc on est à Millau. Qu'est-ce qu'elle représente cette ville pour vous ?
- Speaker #1
Millau, c'est un choix de vie. C'est un voyage, un jour, que l'on fait entre Tours et ici. Et ce qu'elle représente, c'est une aspiration de jeunesse, c'est-à-dire vivre à la fois dans une ville, mais à la fois dans un milieu rural. Lorsqu'on ouvre les volets, lorsqu'on ouvre la porte, on peut se sentir à la fois dans un monde urbain, les deux pieds dans la ruralité. J'ai une relation très affective avec la nature, avec la géographie, avec le terrain, essayer de le comprendre, me fondre dedans pour mieux le sentir. Et ici, on fait 500 mètres et... On peut être en immersion, donc ça me convenait pleinement, entre à la fois l'Ecosse et à la fois l'eau, puisque moi je pratique le kayak, donc j'avais tout ici.
- Speaker #2
Quand on a quitté la Touraine pour l'Aveyron, pour moi c'était un peu une résistance aussi sur la ville.
- Speaker #0
C'est en 85 ?
- Speaker #2
En fait, on est arrivé dans l'Aveyron en 78, à Rodez, et ensuite on est arrivé à Millau en 84.
- Speaker #0
Et là, 35 ans après, qu'est-ce qu'il continue de vous apporter, ce territoire en quoi il vous nourrit ?
- Speaker #1
Ce territoire, il a plus fait que nous nourrir, il nous a enrichis. On s'est épanouis dans ce cadre de vie en tant que couple et en tant que famille, mais on s'est aussi épanouis d'un point de vue professionnel. Je n'ai pas envie de dire qu'il nous a tout apporté, parce que nous, on a eu la chance aussi de vivre de notre passion de journaliste dans le monde entier. Mais on a un lien qui est effectivement très fort, c'est très charnel, évidemment.
- Speaker #0
Quand vous arrivez en Aveyron, vous... Vous êtes journaliste ?
- Speaker #2
Non, pas du tout. En fait, on est arrivé dans l'Aveyron parce que moi, j'ai eu une carrière professionnelle avant. J'étais donc cadre à la Banque de France. Donc, j'avais été reçue à un concours. Et donc, c'est là où on avait le choix entre 15 villes. Et on a voulu volontairement s'exiler de la grande ville. Et donc, on avait donc choisi Gap ou Rodez, qu'on ne connaissait pas du tout. Et donc, on est arrivé en avril 1978 à Rodez. On a découvert la ville. à l'époque il n'y avait pas les Google Maps, les Google Street View, etc. pour voir un petit peu avant. C'était assez particulier parce qu'on est arrivé en avril et il a neigé dès le lendemain. On avait pris un petit meublé estival et on n'avait pas de chauffage. Et ensuite après, quelques années plus tard, j'ai été nommée à Mio. Et puis après j'ai démissionné et on a donc bâti avec Gilles la suite de la carrière professionnelle vers le métier de journaliste. Et puis plus tard aussi vers l'organisation. Ça s'est fait en plusieurs temps en fait.
- Speaker #0
Donc toute l'organisation, on va y venir. Toi Gilles, à ce moment-là ?
- Speaker #1
Moi j'ai fait des études de géographie. Enfin j'ai fait modestement une licence. Mais avec ça on ne fait pas grand-chose. Donc je voulais être cartographe, mais j'étais trop nul en maths, donc j'ai renoncé très vite. Donc je me suis cherché un peu. J'ai fait, en arrivant ici, deux emplois. C'est vraiment très riche parce que ça m'a permis de bien découvrir l'Aveyron, l'un à la Chambre d'agriculture, pour coordonner le recensement de l'agriculture. La zone nord de l'Aveyron, c'était la plus intéressante, c'était l'Aubrac. Et puis l'année suivante, j'ai piloté le recensement de la population, là cette fois sur la partie sud-ouest du département. En 1981, 1982, 1983, je fais mes premiers reportages que je vends. Je fais un reportage au Congo. en Tanzanie, en Ethiopie surtout, le plus intéressant. Et c'est comme cela que je me lance. Je prends vraiment pied dans l'univers du running, de la course à pied, qui est renaissant en France, en créant un guide. de la course à pied, qui recensait toutes les épreuves qui étaient naissantes à l'époque. Le marathon de New York renaît, le marathon de Paris renaît, le Sud Aveyron, avec la naissance des 100 kilomètres, il y a une espèce de microcosme qui se crée, avec une myriade de petites épreuves dans tous les villages. Moi j'arrive ici, je découvre cette ambiance, et de suite je me dis, mais moi aussi j'ai envie d'organiser. C'est ce qu'on va faire, d'ailleurs ce sera notre première organisation, bien longtemps avant les Templiers, et en créant cette première épreuve qui s'appelait le petit tour du Ruerg, qui avait lieu entre Rodès et Decazeville. On s'aperçoit que pour communiquer, c'est très difficile. Il n'y a strictement rien. Juste un magazine qui est publié en Suisse tous les deux mois. Pour faire connaître notre épreuve, on ne sait pas vraiment comment faire. Donc on décide, avec un journaliste de La Dépêche qui s'appelle Jean-Pierre Rech, de créer un annuaire qui faisait agenda et guide recensant les premières courses qui existaient en France. Et c'est ce qui m'a ouvert la porte au journalisme et Odile m'a rejoint ensuite.
- Speaker #0
Tu courais à cette époque-là ?
- Speaker #1
Oui, je courais, mais de façon modeste. Je n'ai pas eu vraiment une relation d'amour avec la compétition. Je n'étais pas un grand compétiteur. J'aimais courir. J'ai couru presque 50 ans. J'habitais à Millau. Évidemment, j'ai voulu courir les 100 kilomètres. Notre premier, on l'a fait ensemble. Et Ultra Trail, je ne connaissais pas. Je voulais vraiment savoir ce qui se passait dans la tête des gens quand on court long comme ça. J'ai fait le grand rêve de la Réunion, mais tout ça à un niveau modeste.
- Speaker #0
Et c'est en 1995 que vous créez les Templiers. Qu'est-ce qui vous motive à ce moment-là ? Elle vient d'où l'idée des Templiers vraiment ?
- Speaker #2
Avec Gilles, on avait donc découvert la course de trail aux Etats-Unis lors d'un sujet qui avait été fait pour le magazine qu'on avait à l'époque qui s'appelait VO2 Magazine. Donc Gilles avait été tombé sous le charme de ces épreuves qui se disputent en milieu naturel. Et c'est vrai qu'en rentrant, il a eu de suite l'envie de lancer une épreuve comme... Comme ça par ici, puisque comme il le rappelait, on avait déjà été organisateur du petit tour de Rouer. On avait également créé une épreuve de VTT qui avait lieu sur le coast noir. C'était la Rock'n'Bike. On a attendu quelques années, il y a eu différents rebondissements. Et puis à un moment donné, on a décidé de se lancer. C'est comme ça que l'épreuve est née fin 1995.
- Speaker #0
Et dès la première année, vous avez des 500 coureurs ? 570 classés. D'accord. Et ça va crescendo jusqu'à aujourd'hui ? Aujourd'hui, vous êtes à combien de coureurs sur les Templiers, sur le Grand ?
- Speaker #2
On sera à 10 500 coureurs cette année. Ça fait déjà 3 ou 4 ans, je pense qu'on est à 10 500 coureurs. Au départ, on a eu une progression régulière, mais limitée au fil des années parce qu'on voulait contrôler notre croissance. Au fur et à mesure des années, on a ajouté des épreuves de distances différentes pour pouvoir satisfaire plus de gens. Il ne faut pas avoir que des gens qui soient capables de courir une distance aussi longue que celle des Templiers, qui est pratiquement 80 kilomètres. Donc maintenant, on a une palette de distance qui permet de satisfaire du néophyte au coureur confirmé.
- Speaker #0
Avec tout le développement des Templiers, il y a aussi le trail et la course qui rentrent dans le quotidien de milliers, millions de Français. C'est peut-être le sport le plus pratiqué.
- Speaker #1
Alors les chiffres sont assez farfelus. Les données que nous avons en statistique, c'est entre 7 millions et 10 millions de pratiquants. Donc, admettons que ça soit vrai, oui, c'est le premier des sports pratiqués, notamment encore plus maintenant avec les épisodes de confinement. De nouveau, encore une croissance de cette discipline parce que c'est la plus simple. On part de chez soi, on fait ce qu'on veut, ça ne coûte pas cher, qu'on soit en milieu rural ou en milieu urbain. Ces 30 dernières années, au départ, ça naît dans un but très compétitif. Dans les années 70, c'est purement compétitif. Après, ça devient... Ça se popularise, ça devient plus loisir et puis après ça devient santé. Et aujourd'hui, les gens qui découvrent actuellement le running, la course à pied, pendant ces périodes de confinement, c'est aussi pour leur santé, plutôt mentale. C'est un exutoire et la course à pied a de beaux jours devant elle, oui.
- Speaker #0
Et s'inscrire, même quand on le pratique comme un loisir le soir en sortant du boulot, le fait de s'inscrire à des courses comme les Templiers, c'est quoi ? C'est une recherche de challenge ?
- Speaker #1
On a un public qui va de l'UPR compétiteur. dont certains ont des petits statuts professionnels mais ce sont des SMIC quart de la course à pied, des semi-quarts du sport on va dire. Donc après on a même des hyper compétiteurs d'un niveau régional, même d'un niveau départemental, parce que c'est des gens qui vivent leur passion à fond, mais globalement c'est minoritaire. Après on a des gens qui veulent vivre un rêve, une aventure, donc nous on leur propose cette aventure. Ils vont se donner les moyens, mais juste de finir. Ils vont s'entraîner juste ce qu'il faut. C'est juste pour vivre quelque chose qui va au-delà de tout par rapport à un quotidien qui est assez... codifié. Quand on a 35-40 ans ou 35-50 ans, c'est le profil de nos coureurs, on a une vie plutôt établie mais on a envie d'un truc en plus. On a envie de sentir si on est capable de plus. Et même si on a un job avec beaucoup de responsabilités, on a envie de poser la tête et faire marcher les jambes et en plus dans un cadre comme celui-ci qui est exceptionnel. Puis après, il y a toute une frange de rondeaux-coureurs que nous accueillons. Là, on est plus dans une logique de santé. Après, il faut rajouter tout l'esprit communautaire qu'il y a derrière tout cela. On va courir pour soi, mais on va courir avec d'autres. J'ose l'espérer. C'est comme ça qu'on essaye de le concevoir dans nos courses. Un événement qui est très ouvert. C'est un peu l'auberge espagnole. C'est très convivial.
- Speaker #0
Ça, c'est une ambiance qui est quand même spécifique au trail par rapport au marathon, par exemple, non ?
- Speaker #2
Je pense que c'était un petit peu vrai dans la course sur route aussi. Après c'est vrai que sur notre épreuve, ce qui l'accroît je pense, c'est le fait qu'il y ait justement un mélange de distances, qui fait qu'il y a des gens de tous niveaux, et que ça peut être plus un esprit famille, un esprit groupe, un esprit club, etc. que quand il y a une seule distance, par exemple sur le marathon, ce qui est quand même déjà une distance exigeante qui demande une préparation.
- Speaker #0
Et vous dans l'organisation, quel est le plaisir que vous trouvez alors ?
- Speaker #1
C'est la question qui me fait parler de ça.
- Speaker #2
Ça, c'est une question qu'on se pose souvent quand même, parce qu'il y a un côté un peu obscur et compliqué, et parfois ingrat aussi. Bon, moi, comme je l'ai expliqué une fois, ce qui m'intéresse beaucoup, c'est le fait d'arriver à driver beaucoup de monde dans la même direction, parce que finalement, à un moment donné, je fais souvent la comparaison avec un puzzle, c'est quand même un puzzle avec beaucoup de pièces qu'il faut assembler. et en fait au départ de la manœuvre on s'aperçoit que chacun est un petit peu Sur sa petite position, soit on est coureur, soit on est bénévole, soit on est partenaire, soit on est prestataire. Puis à un moment donné, il faut que tout ça s'oublie. Tout le monde doit s'unir dans la même direction pour que le même projet aboutisse. Et quelque part, ça a un côté qui est quand même très beau quand on a été dans la manœuvre. C'est toujours nouveau parce qu'on a one shot pour réussir dans l'année. Il faut que ce jour-là, il soit réussi. Bon, nous, on a quand même trois jours de course, donc il faut être... à plein régime pendant trois jours.
- Speaker #1
Quand on organise, on est vraiment funambule. On est sur un câble et il ne faut vraiment pas tomber d'un côté ou de l'autre. Il faut aller jusqu'au bout. Après, d'une façon globale, moi ce qui m'intéresse, c'est évidemment le terrain, c'est être capable de maîtriser un territoire. Une course, c'est d'abord la maîtrise d'un lieu qui est relativement grand pour nous, un parc régional, un parc national, plusieurs communes, une intercommunalité. Donc on a plein de villages, on a plein de fermes, on a plein d'associations de chasseurs. On a plein de riverains isolés, on a l'ONF, donc il faut réussir l'alchimie, de se faire accepter, parce qu'on ne peut pas se comporter comme des intrus, ça me plaît. Puis après il y a toutes les rencontres, c'est créer des liens avec les bénévoles, les gens qui vivent ici sur le Kos. C'est ce qui me lie vraiment à la course, c'est pour toute la vie ces moments-là. C'est ce qui fait oublier les grosses peines, les gros chagrins qu'on a des fois, parce que On ne plaît pas à tout le monde. La course telle qu'elle est aujourd'hui, c'est une grosse machine. On est parfois assimilé à un grand cirque, à une opération très marcantile. Donc ça, parfois, ça crée des petites animosités, mais je pense que finalement, au fil du temps, ce carcan s'est brisé.
- Speaker #2
Oui, je pense que quand même, on est dans la bonne direction, mais c'est vrai que ce n'est pas toujours rose non plus, le travail de l'organisateur, si tant est que ce soit d'ailleurs un travail, c'est une mise en orchestration, on va dire. Et c'est vrai qu'il y a des moments qui sont quand même difficiles, il y a des moments où on a l'impression qu'on doit à nouveau convaincre, à nouveau expliquer. Finalement, on le mesure particulièrement depuis l'année dernière et à nouveau cette année, les années Covid, où finalement, depuis quelques années, il y avait une régularité de l'organisation, avec des complications, c'est vrai, mais qui nous permettaient... D'anticiper beaucoup de choses en amont pour aussi atténuer la charge de travail sur la fin. Et là finalement, on est dans une période d'incertitude. On a été dans une période d'incertitude l'année dernière pendant de longs mois. Puis cette année, on se retrouve maintenant bientôt au mois de février avec encore un énorme point d'interrogation. Pour tous les événementiels sportifs, c'est pareil, on n'est pas isolé. On est des milliers dans ce cas-là. L'événementiel culturel aussi, tout ce qui est festival, c'est la même chose. Et ça, pour tous les gens de ce secteur-là, je pense que c'est difficile parce que c'est souvent des gens qui ont un lien particulier avec des événements qu'ils ont créés. Et devoir se dire qu'on avance, on avance, pour peut-être ne pas faire, c'est quand même assez dur à gérer.
- Speaker #0
Quand vous insistez sur ce point-là, que c'est qu'une fois dans l'année, Que vous êtes attendu au tournant d'une certaine manière ? C'est qui qui vous attend au tournant ? Est-ce que c'est les coureurs en premier ?
- Speaker #1
Oui bien sûr, c'est les coureurs parce que c'est les meilleurs français. Il n'y a pas si longtemps on avait encore tous les meilleurs mondiaux. Donc évidemment ces personnes-là mettent un intérêt majeur dans cette course et leur avenir de coureurs. Certains c'est leur carrière, ça peut être aussi pas mal d'argent pour certains, pour des contrats. Nos partenaires aussi nous attendent parce qu'ils ont investi à nos côtés. Ils nous font confiance, donc nous, il faut qu'on soit à la hauteur. Lorsqu'on a eu Decathlon-Calendji à nos côtés pendant 4 ans, c'était un très gros contrat. On a progressé à leur côté parce qu'on savait qu'un groupe comme ça qui vous fait confiance, il faut être bon et il faut convaincre les élus. Et ça, ce n'est pas facile. Surtout que les élus, ça change régulièrement. On a toujours le sentiment que ce qu'on a amené, notre histoire, notre richesse, ce que ça apporte au territoire, ça peut suffire à convaincre, mais non, ça ne suffit pas parce que Un élu, il a plein de choses à décider, il a une enveloppe à dépenser et devant lui, il a plein de gens comme nous, ambitieux, qui défendent leur événement. Il faut réussir au niveau du territoire, il faut que notre épreuve soit irréprochable sur le plan environnemental. On n'a pas droit à l'erreur à ce niveau-là, avec l'ONF, avec le Parc. Donc il y a des enjeux qui sont vraiment multiples. C'est relativement lourd à porter sur les épaules. Mais comme je l'ai expliqué, il y a toujours le petit truc à la fin, la flamme qui brille au fond. qui fait qu'on y va.
- Speaker #0
Là, en 25 ans, vous avez vu le trail évoluer, se professionnaliser. Vous faites partie des premiers à l'avoir implanté en France. Aujourd'hui, on voit le succès que le trail a, le marché commercial qui s'est ouvert autour. Quel regard vous portez sur cette évolution en 25 ans ?
- Speaker #1
Moi, je me rappelle, c'est pas si vieux, c'est la marque ASICS qui fait de la publicité à la télé pour une gamme chaussures. S'affiche le mot trail. On n'a pas inventé, nous, le trail, qui est un mot américain qu'on a amené ici et qui s'est vulgarisé. Donc nous, on a popularisé ce nom. Et de le voir à l'écran, je me rappelle, ça m'a vraiment fait quelque chose. Je me suis dit, quand même, on est pour quelque chose de cette longue histoire. Après, il y a des entreprises qui font de l'argent avec la discipline. Il y a des coureurs qui ont envie de gagner de l'argent aussi, parce qu'ils ont un petit don et ils ont envie de l'exploiter. Il y a des organisateurs qui essaient d'en vivre. Moi, je trouve ça bien, parce que finalement, au final, il y a des démarches de business, ça ne plaît pas à tout le monde, B. Au final, ça a permis à la discipline d'être là où elle est. Et quand on rapporte cela aux bienfaits qu'elle procure, en plus, ce n'est pas une discipline qui est impactante. Elle impacte très peu sur l'environnement. C'est beaucoup de pratiquants, mais c'est beaucoup de pratiquants qui sont très impliqués dans la sauvegarde de l'environnement. C'est des gens hyper responsables. On ne va pas couper la petite fleur qu'il ne faut pas. Le bénéfice, il est bien au-delà des maux que cela peut susciter.
- Speaker #0
Est-ce que ça, c'est une réflexion que vous aviez dès le début ou qui est venue ? Au fil de l'eau, peut-être quand vous avez vu le trail vous échapper à des moments où des grands virages qui ont été pris par la discipline et que vous avez dû serrer la vis, vous, à votre niveau ?
- Speaker #2
Après, moi, sur l'évolution commerciale, on arrive parfois à un excès parce que les gens ont beaucoup de choses. Ils ont parfois deux montres parce qu'une ne suffit pas, etc. Mais bon, voilà, moi, je regarde ça d'un œil amusé. Je pense que je suis amusée mais tolérante. C'est vrai que moi, je cours tout le temps. Je n'ai pas besoin de tout ça, mais je respecte énormément. Les gens qui en ont besoin parce que si ça leur permet de courir et de s'épanouir comme ça, ils ont leur petit moment de bonheur dans la journée. C'est très important pour le mental, pour le corps aussi.
- Speaker #1
Après, le trail, c'est une discipline qui est... C'est un sport qui n'est pas totalement vertueux, notamment toute l'économie qu'il y a derrière. Parce que c'est encore une économie qui fabrique dans le sud-est asiatique. Avec les dérives et les maux que l'on connaît, ça va plutôt dans le bon sens parce qu'il y a des marques qui font de gros progrès par rapport à ça. pour relocaliser. Et nous, organisateurs, on est aussi dans cette démarche, mais on a de l'avance sur les industriels. Nous, ça fait longtemps qu'on est sur une charte. Les organisations comme les nôtres, c'est plein de petits satellites qui permettent de véhiculer un message. Mais quand elles trient bien ces déchets, ça peut peut-être amener un petit pourcentage des coureurs à se dire « Ah ouais ! »
- Speaker #2
C'est vrai que quand la taille de l'événement augmente, évidemment que l'impact est plus important, c'est logique. Donc en affichant la charte aussi, c'est un axe de direction pour tout le monde en fait. C'est là où on en revient à l'idée de cap. On donne un cap parce que le problème de ces gros événements, voilà, c'est que... On a tendance à produire des choses qui sont jetées parce qu'on ne les utilise qu'une fois, donc il faut mener une réflexion. Mais après aussi, au niveau de l'organisation, ça fait maintenant peut-être plus de 10 ans, 10 ou 12 ans, qu'on s'appuie sur un réseau d'associations, miyavoises et autour de miyaux, on va dire, et qui sont engagées sur une cause ou une autre. Alors ça peut être des parents d'élèves, ça peut être des clubs sportifs, ça peut être des gens qui sont liés par exemple à la santé mentale, des choses comme ça. Et donc ces gens-là, ces associations s'impliquent dans l'organisation. Et en contrepartie, leur association reçoit un dédommagement financier. Ça, c'est un engagement aussi parce que ça nous permet, c'est vrai, d'obtenir des bénévoles plus facilement. Mais le coût est de l'ordre de 25 000 euros chaque année. On a à peu près 40 associations qui sont présentes sur les trois jours de course. Je pense que c'est notre nature, c'est notre nature d'être solidaires. c'est l'envie de... De montrer que l'aspect financier, comme le disait Gilles tout à l'heure, on est parfois critiqué sur l'aspect mercantile. C'est peut-être, on va dire, une façon de se dédouaner facilement. C'est comme ça que certains peuvent le voir. Mais pour nous, c'est normal aussi. C'est comme les primes que l'on donne aux coureurs maintenant depuis 10 ans. Pour nous, c'est normal aussi que quand des gens participent à la réussite d'un événement, ils y soient aussi associés financièrement. Donc voilà, c'est la solidarité. Je pense que ça fait partie de nous. d'être proche de certaines causes qui nous émeuvent.
- Speaker #0
Vous avez été obligée de passer par la case chèque pour les gagnants ?
- Speaker #2
Non, on n'a pas été obligée, on a voulu. C'est venu justement quand on a eu plus de budget par l'apport de nouveaux partenaires. Et en fait, on a voulu parce qu'on estimait que c'est une manière de reconnaître aussi qu'ils participent à la réussite en étant présents. Et c'est vrai que le sport... bye bye Il doit quand même admettre que les principaux acteurs, ce sont les sportifs. Ce n'est pas l'économie autour, quelque part. Et donc, ce sont eux, les acteurs, qui génèrent le spectacle. Et donc, c'est normal aussi que ces personnes soient récompensées financièrement. Voilà, on a aussi une politique d'invitation pour les lits.
- Speaker #1
C'est une économie qui est globale. C'est un enrichissement pour beaucoup de monde. Je vais donner l'exemple, par exemple, d'un hôtel ici. Le week-end des Templiers, c'est le week-end le plus important de l'année pour un hôtel de Millau. Et 60 kilomètres tout autour. Donc l'hôtel va faire un chiffre d'affaires relativement conséquent. C'est parfait. Ça ne serait pas très logique que ceux qui ont animé la course, et qui vont l'enrichir, qui vont participer à son histoire, à construire son histoire, à instagrammer des images, ou à facebooker des images qui vont être vues, revues, revues des milliers de fois. Ce n'est pas très logique que cela n'ait pas le petit pourcentage qui leur revient. Donc à un moment donné, on a sauté le pas. On a été un peu critiqués, mais c'est oublié.
- Speaker #0
Là, tu en reviens presque au territoire. C'est tout le territoire qui profite des Templiers, comme des autres courses que vous organisez chaque année. Je voulais peut-être te faire revenir sur ça, Gilles, parce que je crois que c'est ta partie, mais peut-être, Odile, je me trompe. D'une année sur l'autre, vous retravaillez les tracés ?
- Speaker #1
Aujourd'hui, les tracés ne bougent pratiquement plus. Je pense qu'on est arrivé, pas à la perfection, mais on a des contraintes. Donc, on a des endroits où on ne peut pas aller. On ne peut plus aller. même par exemple en dernier On perd encore 8 km de sentiers interdits pour des raisons de sauvegarde de flore et faune. Par rapport à ce territoire qui est vaste mais quand même contraint, petit à petit on est arrivé à dessiner le parcours qui me semble le plus beau, le plus attractif, qui passe là où moi j'aurais envie de passer. C'est-à-dire les plus beaux villages, les plus belles fermes costnardes. Là on va avoir des sensations par exemple sur les falaises du Pompidou ou bien quand on longe les corniches du Rajol. Donc aujourd'hui, nos parcours, ils ne peuvent pratiquement plus évoluer. Et lorsqu'ils évoluent, c'est parce qu'on a des contraintes. Même en changeant le Causse-Noire, puisqu'on est principalement sur le Causse-Noire et les rebords du Larzac, c'est largement suffisant pour faire des choses bien.
- Speaker #0
Je voulais aussi vous rencontrer tous les deux pour votre engagement, qui est indissociable des Templiers. Vous militez ensemble depuis au moins 30 ans pour un sport rigoureux, un sport qui soit propre. D'où il part cet engagement pour vous ?
- Speaker #2
Je ne sais pas en fait. Oui, c'est le sentiment que le sport devrait être un lieu où l'équité règne. Et malheureusement, ce n'est pas toujours le cas. Parfois, des intérêts divers et variés supplantent l'équité sportive. Et c'est vrai que c'est dommage parce qu'on aimerait quand même qu'il y ait une bulle dans la société qui soit liée exclusivement à la performance corporelle, on va dire. J'aimerais me dire que quelque part, un jeune qui veut faire du sport, il puisse y arriver, il puisse réussir s'il a le talent, s'il a aussi la volonté de travailler pour le faire. Son physique et son mental le supportent, sans que des éléments parasitent son évolution. C'est ça qui me motive.
- Speaker #0
C'est une question que vous avez apprivoisée avec le temps ?
- Speaker #2
En fait, moi j'étais néophyte dans le sport en tant que journaliste. J'étais une petite pratiquante de rien du tout, encore moins que Gilles, je courais très peu à l'époque. Et j'ai découvert finalement l'athlétisme quand j'ai commencé à devenir journaliste dans ce sport. Et après, le problème du dopage est apparu au fil du temps. Avec des choses qui étaient surprenantes, parfois des remarques, des résultats qui m'ont choquée. Ce problème est apparu pour moi de façon plus majeure en fait, au point d'arriver à occulter la performance, au point d'occulter le plaisir aussi de suivre une compétition, parce qu'on savait que derrière telle personne, il n'y avait que du faux. Donc c'est devenu quelque chose de plus en plus important. mais bon il est certain que Dans la période où on a travaillé pour le magazine VO2 qu'on avait donc créé, c'était un discours qu'on abordait régulièrement, mais ça ne pouvait pas devenir un thème majeur, dans la mesure où c'était un magazine, on va dire, grand public, qui était vendu et qui dépendait aussi, bien sûr, des espaces publicitaires qui étaient achetés. Il faut dire les choses comme elles sont, c'est-à-dire que si on s'attaque à un athlète qui est... Sponsorisé par une marque Nike qui, dans son magazine, veut investir de l'argent. C'est compliqué d'avoir un discours vrai en fait, surtout quand on est un magazine de presse indépendant comme nous et où on a besoin des rentrées publicitaires. Donc on a abordé ce discours à plusieurs reprises, mais pour moi c'est devenu un thème majeur quand j'ai retrouvé, on va dire, une certaine liberté avec le site Specinz qu'on a créé en 2015. Et au fil des années, je me suis concentrée exclusivement sur ça, puisque c'est un site qui n'est pas monétisé, où je suis libre de mes prises de parole, où j'ai une compte à rendre à personne, puisque personne ne me donne un euro, ni même mes lecteurs d'ailleurs, qui parfois sont quand même très offensifs. Donc c'est devenu un engagement au fil du temps, parce que je pense que c'est quand même un problème majeur. pas beaucoup traité finalement, sauf dans quelques opérations majeures, des opérations où il y a des gros cas. Et c'est dommage parce qu'au fil de l'eau, c'est beaucoup trop occulté dans la presse en général.
- Speaker #0
Tu fais partie de ces journalistes-là, il y en a très peu en France, qui suivent le dopage et les affaires, y compris les petites affaires en région notamment. est-ce que devant l'ampleur du sujet et parfois L'impression d'être seule, est-ce que tu te demandes parfois à quoi bon dénoncer ?
- Speaker #2
Oui, je me le demande et je me le suis particulièrement demandé l'année dernière, quand il y a eu le premier confinement, parce que là, on se rend bien compte qu'on rentre dans un problème de santé publique majeur, très important, avec des équipes médicales qui sont mobilisées partout. Et là, tu te dis, voilà, quelle est l'importance de savoir si les gens se dobbent, pas se dobbent. Donc, je me suis mise au ralenti. J'ai eu du mal à réattaquer. Je me repose à nouveau la question maintenant. C'est normal parce que c'est vrai que c'est quelque chose qui ne s'arrête jamais. Même si je me sens un devoir d'informer, une envie d'informer aussi sur ça, même si j'ai des témoignages qui vont en faveur du travail que je fais. Je supporte aussi beaucoup de dénigrements, beaucoup d'attaques, beaucoup de menaces. Et donc c'est vrai que parfois le balancier, on ne sait pas trop. trop vers où il va osciller. C'est certain que ce n'est pas toujours facile. Je suis quand même isolée. Même si j'ai beaucoup d'informations qui me parviennent parce que j'ai développé un bon réseau d'informateurs. Mais c'est vrai que c'est le monstre du Loch Ness. Ce n'est jamais terminé. C'est vrai que pour travailler dans ce domaine-là, il faut vraiment être très motivé sur la durée. Il y a très peu de gens qui sont engagés depuis longtemps parce qu'au bout d'un moment... Il y a quand même du découragement.
- Speaker #0
Soulever ces sujets-là, c'est s'attaquer à des gros, et avec des gros enjeux financiers.
- Speaker #2
Oui, finalement, le dopage aussi, c'est un trafic comme un autre. C'est comme le trafic de stupéfiants. Parfois, d'ailleurs, certaines personnes sont liées aux deux. Et donc, c'est sûr que le travail d'information dans ce domaine-là, évidemment, il déplait à ces personnes qui... qui profitent de ce système et qui n'aiment pas qu'on dévoile un petit peu leur implication. Donc il y a une très grande omerta, ça c'est sûr, et puis il y a aussi une très grande volonté de menacer pour faire taire, pour ralentir un petit peu le travail d'information. Il y a des enjeux qui sont importants et qu'on ne comprend pas toujours. Au début...
- Speaker #0
La frustration que tu peux avoir, on en a parlé un peu en préparant l'entretien, c'est aussi que les enquêtes policières ne vont pas forcément au bout, en fait.
- Speaker #2
Oui, voilà, le travail policier, c'est normal. C'est le travail surtout de la gendarmerie avec l'Ocleps. Il est encadré par des règles strictes, c'est normal, pour la protection des humains, d'une façon générale, mais c'est vrai que ça avance beaucoup trop lentement et des affaires traînent depuis des années, des affaires sur lesquelles moi j'ai donné des informations. et lesquels j'ai collaboré avec les gendarmes, puisque j'essaye aussi d'apporter un petit peu ma pierre. Et c'est vrai qu'il y a une frustration de voir que ça n'aboutit pas et que finalement, tout ce travail... Enfin, je pense que parfois, les premiers découragés, c'est aussi les gendarmes, parce que parfois, les affaires aboutissent jusque devant la justice, devant le juge, et puis finalement, ça ne suit pas plus. Donc c'est vrai que c'est quand même un domaine qui est frustrant pour beaucoup de personnes, et c'est beaucoup trop long, quoi. beaucoup trop long. Donc finalement, je pense que c'est la justice sportive qui est la plus importante, quelque part, parce que c'est elle qui arrête immédiatement le sportif qui est dopé ou qui est suspecté de dopage et qui ne lui permet plus de sévir dans son environnement professionnel. Après, le côté moral, tout ça, c'est beaucoup plus compliqué à faire aboutir. Donc je pense que le gros du travail, maintenant... Il faut qu'il soit fait par l'agence française de lutte anti-dopage, qui oblige le sportif à être suspendu, et qui fait qu'il ne nuit plus à ses rivaux, puisque finalement, quelque part, le dopage, c'est ça, c'est nuire à ses rivaux en les supplantant artificiellement. Donc c'est important qu'il soit arrêté le plus vite possible, et le plus longtemps possible.
- Speaker #0
On arrive doucement à la transition que vous êtes en train de prendre tous les deux, sans jamais lâcher les temps plis. vous avez euh euh Ces derniers mois, lancé Live Aveyron, un site d'information qui, là encore, illustre votre goût pour l'information, mais on est plutôt au niveau local avec du long reportage. C'est un site que vous avez lancé avec votre fille, Anaïs, qui est journaliste également. Pourquoi ? Pourquoi ce nouveau projet ? Qu'est-ce qui vous motive ?
- Speaker #1
Déjà, c'est un projet qu'on a caressé pendant longtemps. On s'était même mis sur les rangs pour racheter un magazine qui était en difficulté. Il y a quelques années, ça remonte déjà à... il y a longtemps, et moi c'est vrai que j'aurais aimé lancer une télé locale. Dans notre parcours professionnel, on a à peu près tout exploité, la presse écrite, le Minitel, parce qu'il ne faut pas l'oublier, parce que ça a été assez fondateur pour nous, parce qu'on a été pionnier. Après les sites web, on a été également pionnier dès le départ, avec le site VO2 qui a été un vrai succès, l'édition de beaux livres aussi, et une télé locale, oui ça m'aurait plu, je suis très attaché à la... à la vie locale. Alors pourquoi Live Aveyron ? C'est un concours de circonstances mais c'est toute une accumulation de petits faits dans ma vie qui fait qu'un jour vous rencontrez quelqu'un dans la campagne et vous dites ça c'est un bon sujet, je suis journaliste, c'est un bon sujet ça. Par exemple je suis à Saint-Chély d'Aubrac pour la course d'Aubrac, parce que c'est vrai qu'en organisant on a vraiment les deux pieds dedans, dans le rural. Je suis à Saint-Chély-des-Dobracs, je suis en train de valider un parcours là-haut, à côté de Bellevésette. La petite route est étroite, je suis en voiture, je me serre, il y a un tracteur qui arrive, je m'arrête, il s'arrête, on discute. Au bout de quelques minutes, le monsieur me dit... Je vais vous chanter une chanson, en occitant. Donc il se met sur le marche-pied, un pied sur le marche-pied, une main accrochée à une poignée du tracteur, et puis l'autre main comme ça qui balaye l'air, il me chante une chanson. Je dis mais ça c'est un sujet pour moi ça. Donc aujourd'hui, ça, je peux le faire. Après, il y a eu un concours de circonstances. J'ai travaillé en photo, petit texte, sur l'Aveyron. J'avais envie de revenir à du local parce que je pense qu'il y a tout ici. Il y a eu les élections municipales que j'ai couvertes intégralement, tous les jours, quotidiennement. Puis après, on a eu le confinement. Et moi, pendant le confinement, j'ai dit, ça, c'est bon pour moi. J'ai presque honte de le dire, mais c'est vrai que c'était une période... journalistique qui a été extrêmement intense parce que tous les jours je faisais un reportage. J'avais un rythme de vie qui était tout autre que j'ai habituellement avec un équilibre extraordinaire. C'était trouver le sujet, le contact, le réaliser, les photos, traiter les photos, rédiger. Et je fais 32 sujets sur 50 jours je crois. Et là vraiment j'ai du fond pour me lancer un vrai site d'info et c'est ce qu'on a fait. Et donc là on va là où on a envie. pour rencontrer des gens qui chantent en occitan un pied sur un tracteur ou bien faire des sujets d'histoire ou des sujets de société comme odile essaye de les aborder maintenant Là vraiment c'est le journalisme passion, plaisir et territoire. Et puis surtout se laisser aller dans l'écriture, travailler le style, travailler aussi l'approche photo, traduire avec beaucoup de sensibilité ce qu'on voit, les gens, les visages. Quand j'ai travaillé en France pendant deux ans, l'idée c'était un jour en France. J'essayais d'arriver avant que les portes ouvrent. Par exemple je fais le 11 novembre au Père Lachaise. Donc j'arrive. Avant qu'on ouvre les portes, je suis reparti le dernier, avant la nuit tombée. C'est le genre de sujet que j'ai mené en France pendant deux ans et je reproduis la même chose ici. Quand je vais à Entregues, juste avant le confinement, c'était le petit carnaval que les gens essayent de sauver là-bas. C'est pas grand-chose, mais pour le village c'est important. Et puis ça se met en place, puis on se maquille, puis les gamins, et puis les chars. Il y a quelques badauds, c'est pas le carnaval de Nice ni celui de Rio, mais n'empêche ça existe, et ça, ça me plaît. J'ai souvent fait ça, même dans le sport, raconter une histoire d'un jour, et c'est ce que j'essaye de faire dans l'Aveyron. Il y a 365 jours, donc il y a 365 bonnes raisons de faire des belles choses ici.
- Speaker #2
Moi j'y suis venue plus récemment, au début du site je voulais plus m'orienter vers des sujets économiques, mais finalement c'est quand même assez compliqué d'arriver sans carnet d'adresse, contrairement à ce que j'ai dans le domaine du dopage. Et donc du coup, j'ai pris un petit peu de recul et puis là, je me suis remotivée. Là, je veux essayer un petit peu de dupliquer l'actualité nationale au niveau local en trouvant des interlocuteurs ou interlocutrices qui peuvent faire écho à ce qu'on entend en presse nationale. Donc là, j'ai repris plus sur le thème de l'entretien, parce que c'est vrai que les interviews, ça m'a toujours beaucoup motivée dans le domaine du sport aussi. Et par contre, dans le domaine du dopage, c'est quelque chose qu'on peut rarement faire. parce que beaucoup de choses sont secrètes. Donc là, j'ai repris un petit peu plus avec des parcours. J'ai envie de retracer le parcours de personnes que j'ai connues qui ont quitté l'Aveyron. Je vais faire l'inverse, des gens qui sont venus dans l'Aveyron pour y vivre, pour montrer un petit peu le mélange de ce qu'on peut trouver dans l'Aveyron, qui est un département, certes rural, mais représentatif aussi de beaucoup d'énergie. Et donc voilà, c'est un petit peu la nouvelle direction que je vais donner et surtout le domaine sociétal. Là je vais travailler sur un domaine lié justement à l'inceste. Je vais un petit peu dupliquer pour montrer que ce qu'on nous montre aux infos nationales, c'est autour de nous, au quotidien aussi.
- Speaker #1
Je suis en train de rédiger un sujet sur un homme de 54 ans qui est sans domicile fixe, qui vit dans la rue depuis plusieurs années, dans un taudis là, pas très loin d'ici, et qui fait la manche tous les jours dans les rues de Millau. à partir de son petit portrait, sans trop savoir, parce que c'est toujours difficile de tracer un vrai portrait dans des vies aussi chaotiques, mais c'est de le replacer dans un contexte où aujourd'hui ces gens-là sont encore plus oubliés avec la crise. On a totalement occulté que chaque année, on a 500 personnes qui décèdent dans la rue. C'est tellement abject d'imaginer cela que c'est exactement ce qu'expliquait Odile, c'est le sujet qui, parfois, est national. Parfois on en parle quand il fait un petit froid. Les mois de novembre, ça repasse dans les actualités puis on oublie de suite. Ce sujet-là, il est présent devant nos yeux. Et ça, j'ai envie de le mettre en lumière à ma petite échelle.
- Speaker #0
Je voudrais finir l'entretien, Odile, Gilles, sur une question autour des convictions. Qu'est-ce qui fait le liant de tous ces engagements aujourd'hui dans vos vies ? S'il n'y avait... qu'une conviction à retenir, laquelle ce serait pour chacun de vous ?
- Speaker #1
Moi, c'est rester, être en capacité d'écouter les autres, d'être en capacité d'accueillir et d'être accueilli, c'est-à-dire de ne pas mettre tous les filtres qu'on met aujourd'hui pour juger les gens. L'autre fois, je vais sur l'Aubrac, on me donne une adresse d'un vieux monsieur qui avait participé à la construction de la station de Brameloup. Donc j'arrive à nuit tombée, à Borne. Donc on m'indique le chemin, il y avait 80 cm de neige, je toque à la porte. Il y a une vieille dame qui m'ouvre, je rentre, elle me fait asseoir dans la cuisine, j'attends, elle appelle le mari, il est à la cave, il remonte avec ses bottes, il s'assoit devant moi, il me dit bonjour, c'était écoulé un long moment, je dis, je vais quand même vous expliquer pourquoi je suis là. Ça c'est, voilà, là on est dans la vérité, c'est-à-dire que ce monsieur, il n'a pas de filtre, il vous accueille et on parle, et aujourd'hui on est dans une société où... On a de plus en plus de mal à se parler, surtout à mal juger. L'antisémitisme est croissant. On a un vrai problème avec les religions, quelles qu'elles soient. Le SDF dont je viens de parler, c'est compliqué d'aborder ces problématiques, d'aller dialoguer pour savoir quel est son vrai souci. Est-ce qu'on peut faire quelque chose ou pas ? Voilà, c'est le dialogue, c'est en tête de pouvoir encore parler pour désamorcer toutes les bombes qu'on a autour de nous.
- Speaker #2
Moi, je dirais plus que c'est tout simplement l'amour que j'aimerais qu'il règne un petit peu plus entre les gens. le respect, je pense que c'est C'est une valeur très importante pour moi. Le respect les uns des autres, faire l'effort de se comprendre, faire l'effort de ne pas juger trop rapidement, de comprendre que chacun fait de son mieux dans la vie qu'il essaie de mener et tout le monde est malheureusement à armes égales pour y arriver. Il y a beaucoup de fêlures et de plus en plus de fêlures dans la vie des gens. Je pense que c'est important d'être tolérant et j'essaie de l'être de plus en plus. parce que c'est un peu le privilège de la vieillesse, enfin de vieillir, on va dire, de l'âge, de faire preuve de plus de compassion, de plus de compréhension, d'empathie face aux autres. Je pense que les clivages sont trop importants et il y a trop de tensions entre les humains. Et ça nuit à tout le monde, ça nuit à notre société, puis ça nuit d'abord aux humains au quotidien.
- Speaker #0
Merci à tous les deux.
- Speaker #2
C'est pas facile ta question à la fin. Merci beaucoup.
- Speaker #0
Merci. Vous êtes arrivés au bout de ce nouvel épisode de Finta. S'il vous a plu, parlez-en autour de vous, partagez-le à vos amis. C'est le meilleur soutien que vous puissiez apporter à Finta pour qu'il continue son chemin. Retrouvez Finta sur Instagram et sur Facebook, Finta.lepodcast, pour ne rien rater des nouveaux épisodes et de leurs coulisses. On se retrouve dans 15 jours. D'ici là, gardez l'œil ouvert, soyez curieux.
- Speaker #1
Sous