- Speaker #0
Flamme des années 80.
- Speaker #1
Le podcast qui allume la femme.
- Speaker #0
Bonjour, donc on est toujours au mois de novembre, on parle des violences faites aux femmes et aujourd'hui on a la chance de recevoir Anne-Laure Buffet. Est-ce que tu veux te présenter ?
- Speaker #2
Bonjour, alors je m'appelle Anne-Laure Buffet, je suis thérapeute, je travaille sur les violences intrafamiliales depuis 12 ans à peu près. et je vis en Bourgogne, ce qui est très important dans ma vie. Donc je tiens à le dire, puisque c'est une région qui me permet d'entendre plus facilement tout ce que les victimes de violences à train familial ont à apporter dans des consultations et dans des suivis thérapeutiques. Et je suis auteure d'un certain nombre d'ouvrages sur les violences, dont un qui s'appelle L'emprise, qui est sorti chez Que sais-je il y a un an. Et un futur bébé livre, pas un bébé humain, qui arrive pour le 9 janvier sur les violences conjugales.
- Speaker #0
On mettra les liens de toute façon de tous les livres. Et donc, c'est quoi en fait ? Comment on arrive à devenir, l'envie de devenir thérapeute et de se spécialiser dans justement les violences ? C'est une envie, ça s'impose ?
- Speaker #2
Non, c'est pas une envie, ça s'impose. Je ne pense pas que quelqu'un se réveille le matin en disant le sujet des violences, c'est quand même trop génial, j'ai vraiment envie de faire ça dans ma vie. Ça s'impose. À un moment, c'est une évidence qu'on ne peut pas faire autrement que de travailler sur ce type de sujet, avec ce type de public. Et avec la difficulté que ça représente, parce que mine de rien, on absorbe quand même beaucoup, qu'il y a un moment où il faut aussi trouver l'espace pour pouvoir rester à l'écoute, pour pouvoir se libérer de tout ce qu'on va recevoir. Parce que si on prend un exemple assez banal, le mien, où tous les thérapeutes qui travaillent sur les violences intrafamiliales, en gros de 8-9 heures du matin à 20 heures, 21 heures, tous les jours de la semaine, on va entendre parler de viol, de violences, d'incestes, de pénétration sans consentement, d'incompréhension autour des violences toute la journée. Donc il faut aussi pouvoir s'autoriser soit à s'extraire de ça, parce que sinon on n'arrive plus à entendre, donc on n'arrive plus à être une bonne écoute. pour les personnes. Après, comment je suis arrivée à travailler essentiellement sur la question des violences intrafamiliales ? De formation, à l'origine, je suis juriste. Dieu sait que j'aime le droit et Dieu sait que j'ai un grand, énorme respect pour le droit. Mais le droit et la justice ne peuvent pas être justes, puisqu'ils s'adressent à tous. Donc, ils ne peuvent pas traiter facilement le cas particulier dans le droit. il y aura toujours une part de morale dont moi j'ai besoin et que je ne retrouvais pas. Ce qui fait que j'ai pris un virage, pas vraiment à 180 degrés, puisque mine de rien la psychologie et le droit travaillent par moments un peu la main dans la main, mais toujours dans l'idée d'accompagner les victimes de violences, que ce soit les adultes ou les enfants, mais plus du côté de la thérapie, plus du côté de la reconstruction, de la redécouverte de soi. Il y a maintenant un peu plus de 12 ans, un jour où j'étais sans doute plus énervée que la veille contre des auteurs de violences, j'ai ouvert un blog pour parler d'un certain nombre de situations et il s'avère que très rapidement, alors que je ne pensais pas me consacrer, consacrer mon travail à cet angle-là de réflexion, j'ai vu arriver 1, 2, 3, 4, 5, 10 témoignages et puis tant et tant après. De personnes me disant « mais alors je ne suis pas folle, ce que je vis, ça s'appelle vraiment de la violence, j'ai raison d'avoir peur » . Et c'est là qu'il y a quelque chose qui s'est passé dans ma réflexion en me disant « il y a une vraie demande, il y a manifestement un vrai manque de compréhension, de soutien » . C'est important de remettre dans le contexte, là on est en 2024, quand j'ai eu cette espèce de déclic, c'était donc en 2012. Le harcèlement dans le couple, les violences conjugales, enfin tout le système juridique était encore un bébé système juridique. On ne parlait quasi pas du pervers narcissique, on ne parlait quasi pas du harcèlement dans le couple et quasi pas du viol conjugal. Ça n'existait pas, on était encore dans le devoir conjugal. Donc je suis arrivée à un moment où la parole, la libération de la parole des femmes sur les violences psychologiques était encore très très très embryonnaire. Il y a Marie-Francie Rigoyen qui avait écrit « Femmes sous emprise » , entre autres. Il y a Racamier qui avait écrit sur les pervers narcissiques. Mais tout ça, c'était, on va dire, malheureusement très confidentiel. Donc j'ai toute cette vague-là de personnes qui me contactent. Et puis je diffuse sur mon blog une vidéo qui a été faite par le gouvernement belge, qui s'appelle « Fred et Marie » . qui dure 5 minutes et où on voit la relation dans un couple entre Fred et Marie et la manière dont le mari minimise, dénigre, insulte, donc violente verbalement sa femme. C'est sur les violences psychologiques. Je le mets sur mon blog. Alors, le blog, maintenant, c'est un peu quand même le dinosaure d'Internet. Mais c'est rien. À l'époque de Dinosaure, on pouvait suivre les statistiques et je vois en le diffusant Mon blog était tout récent, c'était un bébé, il devait avoir un mois ou deux. Je vois en diffusant cette vidéo, deux jours après, je vais voir les stats et je vois qu'il y avait eu dans la journée 167 000 vues, ce qui est énorme pour un blog.
- Speaker #0
Surtout à l'époque.
- Speaker #2
surtout à l'époque donc je me suis dit sans doute une erreur donc j'ai relancé la machine qui m'annonce toujours le même chiffre qui ne faisait que monter d'ailleurs et puis ça montait très très vite à tel point qu'il a été relayé sur différents sites le fait que mon blog était diffuser Frédéric et Marie. Mais c'est vrai que ça m'a amené à ce moment-là beaucoup de demandes et donc un suivi important. Et puis voilà. Et puis depuis, je ne vais pas dire que c'est ma grande passion parce que c'est tellement inapproprié que presque je m'énerve en disant ça. En tout cas, ce qui est certain, c'est que depuis que je suis enfant, le dysfonctionnement, la psychopathie, le trouble relationnel sont des problématiques qui m'intéressent. Et qu'aujourd'hui, dans la société dans laquelle on vit, pour tant et tant de raisons, j'ai pour le coup envie de continuer à m'investir pleinement parce qu'on a un vrai travail, un profond travail à faire pour accompagner les femmes, pour accompagner les enfants, pour accompagner les hommes qui peuvent être victimes. Et que si on ne le fait pas, on peut faire des grands discours, on peut faire des manifestations, on peut faire plein de choses. Mais si dans le quotidien, on n'est pas là... Et si on n'est pas là dans le quotidien pour dire « je te crois » et « je peux entendre » et « sors de ta honte » , en fait, on laisse sur le carreau les gens. Donc, c'est insuffisant de faire des livres, c'est totalement insuffisant de faire... C'est absolument nécessaire et en même temps, c'est insuffisant de faire tout ce que l'on fait sur le plan médiatisation. Et du coup,
- Speaker #1
là, on s'aperçoit, on s'aperçoit beaucoup en parlant avec plein de femmes ou d'hommes même, que les gens, tant qu'il n'y a pas de coups, ils ne voient pas la violence. Donc, est-ce qu'on pourrait avoir une définition de la violence pour qu'il y ait plein de femmes ou d'hommes qui se disent « Ah, potentiellement, je suis victime de violence, même si je n'ai pas des bleus, même si on ne m'a pas poussé dans l'escalier,
- Speaker #2
même si l'étagère ne s'est pas décrochée du mur toute seule » . La violence s'inscrit dans un système relationnel qui est forcément dysfonctionnel, c'est-à-dire qu'elle ne surgit pas de nulle part, la violence. Il n'y a pas un coup qui va arriver comme ça de nulle part. Avant, il s'est passé quelque chose. Il n'y a pas une insulte qui va arriver de nulle part. Il n'y a pas un harcèlement qui va arriver de nulle part. Ça s'inscrit dans un système. La violence, elle exclut l'amour et la violence, elle exclut le conflit. Quand je dis qu'elle exclut l'amour, c'est que de fait, si on n'est pas capable de s'adresser à l'autre autrement que par la violence, on ne peut pas aimer l'autre. Ce n'est pas vrai, ça n'existe pas. Donc déjà... pour toutes les personnes qui se disent « Oui, mais là, je me suis fait insulter, mais il m'aime quand même, il est quand même... » Il y a à remettre en cause ce comportement-là. Non, on n'insulte pas. On peut se disputer. On n'insulte pas systématiquement, de manière récurrente, une personne. C'est de la violence. Ça exclut donc l'amour. Ça exclut le conflit, parce que le conflit, c'est un rapport qui est horizontal. Il y a une équité dans le conflit. Alors, bien sûr, dans le conflit, on va s'envoyer des noms d'oiseaux à la figure. casser les assiettes, se menacer des pires choses, se quitter en claquant la porte, rester derrière la porte en pleurant parce que c'est quand même très très dur d'avoir quitté l'autre, même si c'est le dernier des aboutis. Mais il y a une équité, c'est-à-dire qu'il faut passer le stade émotionnel quand ça redescend. On peut parler. Dans la violence, on ne peut pas parler. Que le ton soit haut, que le ton soit bas, qu'il n'y ait pas de ton, parce que beaucoup de violents ne parlent pas. On ne peut pas, en tant que potentiellement victime, on ne peut pas s'exprimer. Il n'y a pas de retour. Ça, c'est de la violence. L'autre chose dans la violence, c'est que, je viens de le dire, c'est récurrent. C'est-à-dire qu'il ne va pas y avoir un jour une injure parce qu'on est crevé, on n'en peut plus, on n'est plus d'accord et on reste des êtres humains dans le couple. On est chacun un être humain, donc on n'est pas obligé d'être tout le temps d'accord avec l'autre, aussi merveilleux soit-il. Mais qu'on se dispute une fois, vraiment, avec, encore une fois, des noms d'oiseaux, ça peut arriver. Ce qui rend la chose violente, c'est lorsque c'est récurrent. C'est-à-dire qu'il s'inscrit de façon inconsciente et consciente dans l'esprit de la victime le fait que selon les agissements qu'elle va avoir, selon les paroles qu'elle va avoir, selon les tenues qu'elle va porter, selon l'heure à laquelle elle aura préparé un repas ou pas, en face, il y aura une réaction brutale. Ce n'est pas normal de craindre cette réaction-là. C'est donc bien qu'il y a de la violence. Mais c'est en décortiquant le cours de la relation, c'est en reprenant la chronologie de la relation, qu'on arrive à se dire, là, tel événement, plus tel événement, plus tel événement, qui parfois sont espacés de plusieurs jours ou plusieurs semaines, tels événements sont des événements violents, qu'est-ce que j'en fais ? Maintenant, qu'est-ce que j'en fais, maintenant que je les ai constatés ? Qu'est-ce que j'en fais ? Est-ce que je m'en vais ? Est-ce que je tente d'en parler avec l'autre ? peut-être qu'il peut bénéficier d'une prise en charge. Est-ce que je combats ça ? Qu'est-ce que je fais de ce que j'admets reconnaître, à savoir des épisodes récurrents, répétitifs, où il y a de la violence contre laquelle je ne peux pas m'opposer ?
- Speaker #0
Et souvent, on ne peut pas forcément le voir. Ça met du temps, en fait, à se dire... Parce que j'imagine que tu as plusieurs exemples où toutes les femmes sont un peu différentes. Mais des fois, ça peut durer très longtemps avant de se rendre compte qu'en fait, tout ce qu'on a vécu, c'était de la violence.
- Speaker #2
C'est pour ça que je dis qu'il faut reprendre la chronologie. Parce qu'il y a toujours un moment où il va y avoir un événement qui va créer un déclic, qui va être l'élément déclencheur de la prise de conscience. Et ça peut être quelque chose de complètement anecdotique. Là, je pense à une personne que je suivais il y a quelques années. Le truc qui lui a fait comprendre que ça n'allait pas, c'est parce que pour la énième fois sur des années de mariage longues, son mari est rentré, s'est assis dans le canapé, il a pris le journal, il ne l'a pas écouté. Si on le dit comme ça... effectivement les trois quarts des gens vont dire mais c'est pas de la violence, sauf que elle ce jour là c'est devenu insupportable et elle a remonté son histoire en disant mais en fait il fait ça et puis il fait ça et surtout toutes ces choses inappropriées ou qui me font du tort il les fait mais quand j'essaye de lui dire ça me convient pas, ça me fait de la peine tu me regardes pas, tu m'écoutes pas, tu fais pas attention à moi, il l'envoie bouler ou il ignore, ou il se moque d'elle ou il minimise la chose il n'y a jamais un retour dans le sens de la victime. C'est uniquement dans le sens du violent. Donc c'est là où elle a pris conscience. Elle et tant d'autres. Et c'est très souvent, et c'est aussi une question qu'on pose souvent aux professionnels, de dire, mais mon ami, ma soeur, ma mère est victime d'une situation où il y a de la violence psychologique, comment lui faire prendre conscience ? C'est... extrêmement compliqué parce qu'on ne va pas aller forer le cerveau de quelqu'un en disant attention j'arrive avec ma bienveillance pour t'expliquer que tu es victime de violence. Certainement pas. C'est de la ramener à son histoire, c'est de lui parler d'elle et puis c'est de la laisser être dans son temps à elle où l'événement, très souvent anecdotique, va lui permettre de se dire ça ne me convient plus. Je souffre en fait. Je souffre d'avoir un mari qui est assis sur le canapé en train de lire son journal. Ce n'est pas normal de souffrir de ça. Donc, pourquoi je souffre de ça ? Alors, la première réaction pour les trois quarts des victimes, ça va être de se dire, je suis complètement folle. Je suis complètement folle. Mon mari, il est assis sur le canapé, il ne m'a rien dit et moi, je suis malheureuse.
- Speaker #0
Parce que j'ai un problème.
- Speaker #2
J'ai un problème, oui, donc je suis folle. Pourquoi je me plains ? Il ne me frappe pas, il ne frappe pas les enfants, il ne hurle pas, il ne tape pas sur la table, il ne donne pas de coups. Pourquoi je ne vais pas bien ? Et c'est tout le travail qu'on fait en thérapie d'expliquer, vous n'allez pas bien parce que ça fait tellement longtemps, ça fait tellement de mois, voire d'années, que vous n'existez pas, vous êtes un objet dans votre histoire, vous êtes un objet dans le couple. Monsieur, il utilise la personne que vous êtes, mais vous, votre identité, votre autonomie, votre individualité, vos émotions, vos sentiments, votre désir, votre plaisir, ce qui constitue notre personnalité, notre identité. Il l'ignore. Et ça va même plus loin, puisque beaucoup rapportent en consultation que, par exemple, Monsieur va arriver avec un bouquet de fleurs. Un bouquet de fleurs, c'est toujours génial. Alors, ce qui est hyper étonnant, c'est que soit le bouquet de fleurs arrive juste après que Monsieur ait fait toute une série de reproches, de dénigrements. Mais tout d'un coup, il y a un bouquet de fleurs. En revanche, il n'y a pas de parole. Il n'y a pas « je suis désolée » . Et puis, il n'y a pas « on va en parler » . Et puis, il n'y a pas non plus le « c'est pas normal que moi, l'homme, je réagisse ainsi. Donc, il faudrait peut-être que j'aille consulter » . C'est « tiens, je te file un bouquet de fleurs » . Dans le bouquet de fleurs, il peut y avoir les fleurs que madame n'aime pas. Ce n'est pas les couleurs qu'elle aime ou ce n'est pas les fleurs qu'elle aime. mais elle va rien dire parce qu'il a quand même pensé à apporter un bouquet de fleurs C'est super traître, le bouquet de fleurs. Mais des exemples comme ça, il y en a tant et tant. J'ai eu une patiente. qui voulait se remettre à la photo. L'appareil photo qu'elle voulait était d'une marque bien précise. Son mari lui a acheté un appareil photo d'une autre marque en lui expliquant qu'il avait pris ça parce qu'il savait mieux qu'elle, parce qu'il s'était renseigné. Et elle, elle avait beau se dire, au fond d'elle se dire, mais je ne voulais pas cet appareil-là, je voulais l'appareil que j'avais choisi parce que ça me correspond, parce que j'étais allée le voir en magasin, parce que je sais comment il fonctionne, etc. Elle a passé des semaines à se dire, je suis dingue. Il m'a offert un super cadeau. Et moi, je n'apprécie pas le cadeau parce que je voulais autre chose, l'équivalent, mais dans une autre marque. Mais elle avait le droit, en fait. Et son mari, il savait très bien quelle marque d'appareil photo elle voulait. Donc, il n'a pas fait un truc génial en lui offrant un appareil photo. Il ne l'a pas écouté. Mais en revanche, il s'est mis en avant. C'est de la violence. Parce que s'il n'y avait pas de violence, il y avait simplement de l'amour. soit il serait trompé et elle n'aurait pas eu peur et elle lui aurait dit écoute c'est hyper gentil mais c'est pas la bonne marque donc on va retourner à la boutique et on va changer l'appareil photo soit si surtout que ça coûte cher un appareil photo c'est dommage, ça coûte quand même très cher soit il lui aurait dit écoute je suis désolée effectivement je me suis trompée il y a la possibilité de parler là elle s'est retrouvée avec ce qu'elle ne voulait pas et être coincée avec ça en disant mais je peux surtout pas lui dire parce que Il s'est donné du mal, je vais le baisser. Je suis débile de ne pas vouloir ce cadeau-là parce que j'avais décidé autre chose. Je suis capricieuse, je ne suis qu'une enfant gâtée.
- Speaker #1
Et puis lui, en plus, a dit, je me suis renseignée, c'est mieux pour toi.
- Speaker #2
Et en plus, je t'infantilise parce que tu n'es pas capable, alors que c'est toi qui veux faire la photo, tu n'es pas capable de choisir pour toi. Alors, je parle du bouquet de fleurs, je parle de l'appareil photo. Maintenant, si dans les personnes qui écoutent ce podcast, Il y en a qui cherchent à remonter dans leur histoire. Ça ne va pas être forcément un bouquet de fleurs ou un appareil photo. Ça va être d'essayer de se dire, tout en essayant de conserver une certaine objectivité, mais d'essayer de se dire, dans mon histoire, est-ce qu'il y a des moments comme ça où ça décroche ? C'est-à-dire, ce que je voulais, ce que j'ai pu exprimer n'a jamais été écouté. Ou au contraire, je n'arrive pas à dire ce que je voudrais parce que je ne veux pas le déranger, parce que peut-être qu'il va mal le prendre. Mais en principe, quand on est deux adultes dans un couple, on peut être en désaccord et ça amène à une dispute, à un conflit et puis on règle le conflit. Ça n'amène pas à se taire. Si on se tait, c'est bien qu'il y a véritablement un problème.
- Speaker #1
De toute façon, à partir du moment où il y a de la crainte de l'autre, il y a un problème. Si on a peur de parler à l'autre, si on a peur de sa réaction.
- Speaker #2
La crainte de l'autre, ça veut dire que la relation n'est plus horizontale, elle devient verticale. C'est qu'il y en a un des deux qui impose son autorité. Il y en a un des deux qui ne peut pas être contrarié ou contré. Une des grandes phrases des auteurs de violences psychologiques, c'est « tu me manques de respect » . Parce qu'on a dit « je ne suis pas d'accord » . Le « je ne suis pas d'accord » , c'est un manque de respect. Non, le « je ne suis pas d'accord » , c'est « je suis une personne autonome, adulte, parfois ado » . capable de penser, capable de discernement, et ce que tu dis ne me convient pas. Je ne suis pas en train de te dire que tu es complètement débile. C'est juste, je ne suis pas d'accord. Mais si on ne peut pas dire je ne suis pas d'accord, il faut quand même s'interroger sur la relation. Vraiment s'interroger. Si on n'ose pas dire certaines choses à son conjoint, ou sa conjointe d'ailleurs, si on n'ose pas dire certaines choses au-delà du je ne suis pas d'accord, parce qu'il va peut-être mal le prendre, il va mal réagir, ça va créer un problème. Il ne faut pas que ça se passe devant les enfants, il ne faut pas que ça se passe devant des tiers, parce que les tiers vont penser que ça ne va pas. Tous ces questionnements-là, tout ce qui va encombrer tout d'un coup la tête d'une personne où elle ne va plus oser quoi que ce soit, tout ça, ce sont des signes de violence psychologique. Et pourtant, les trois quarts des personnes qui sont victimes de violents, psychologiquement, vont dire mais ils ne crient jamais, ils n'insultent jamais. il ne hausse pas le ton, en apparence il est très calmé, très gentil, ça se passe très bien. Avec les enfants, ça va à peu près. Toutes, elles vont toutes avoir le même discours.
- Speaker #0
Et est-ce que ce genre de profil, après, il peut glisser vers justement une autre violence où il y a plusieurs types, en fait, il peut rester comme ça toute sa vie ? Ou des fois, est-ce que c'est la porte qui va donner justement la porte ouverte à d'autres violences ?
- Speaker #2
Ce qui est merveilleux avec la nature humaine, c'est que tout est possible. Donc, il y en a certains qui vont rester, je ne dirais pas toutes leurs... Enfin, ils vont rester toute leur vie violente psychologiquement, avec un risque de passage à l'acte quand ils sont quittés. Un risque très fort de passage à l'acte. Donc là, il y a ce qu'on appelle la décompensation, ils n'ont plus de contrôle, et c'est là souvent qu'apparaît de la violence physique. De la violence physique telle qu'on l'entend, c'est-à-dire avec des coups, pas la violence physique dissimulée.
- Speaker #0
C'est quoi du coup la violence physique dissimulée ?
- Speaker #2
Quelqu'un qui va aller taper dans un mur régulièrement, pas une fois, encore une fois, le coup dans un mur, une fois, anecdotiquement, sur... 10, 15, 20 ans de vie commune ne fait pas de quelqu'un un violent. Mais en revanche, de régulièrement taper dans le mur, taper du poing sur la table, faire le geste qu'on va casser un objet, ça amène l'autre à se contracter. Quand on dit j'en ai plein le dos, quand on dit je supporte plus, ça me prend la tête, toutes ces expressions-là, elles ont un sens. Et pourtant... la personne victime n'aura pas été touchée. C'est simplement qu'à force de se replier sur elle-même parce que la violence psychologique qui lui est renvoyée est insupportable, ça devient une violence physique pour elle. Il y a énormément de victimes de violences psychologiques qui développent des pathologies physiques alors qu'elles n'auront pas été touchées. À commencer par les migraines, les ulcères, les troubles articulaires, les troubles musculaires. plus tout le panel de maladies qu'on peut imaginer.
- Speaker #1
Et on entend souvent parler de quatre phases dans la violence, donc pas toujours dans le même ordre.
- Speaker #2
Non, mais c'est moi qui suis la casse-pied, la casse-pied de service avec cet ordre-là, parce que le cycle de la violence a été établi, il est schématisé depuis très longtemps par énormément de gens. D'une certaine manière, avec d'abord la montée de la violence, l'explosion, la crise, et puis la réconciliation, la lune de miel, etc. Tout ça, je suis d'accord avec le fait qu'il y ait un cycle en quatre phases et qu'on peut très facilement trouver dans les livres, sur Internet. C'est très facile, le cycle de la violence, les quatre phases du cycle de la violence, on le trouve partout. La seule chose qui, moi, me dérange, c'est que ce cycle commencerait, d'après les schémas que l'on voit, par quelque chose où il y a déjà une tension. C'est là où moi je tique, parce que quand deux personnes se rencontrent, le début de la relation, il ne peut pas être dans la tension. Il est dans la séduction, il est dans le charme, il est dans le désir, il est dans le faux respect de l'autre, mais en tout cas il y a un sentiment d'altérité. Donc c'est la lune de miel au début. Et puis il va y avoir la tension, et puis il va y avoir l'explosion, et puis il va y avoir l'espèce de fausse réconciliation. et à nouveau une lune de miel. Et c'est parce qu'il y a à nouveau une lune de miel qui va rappeler la première lune de miel que le cycle peut continuer. Puisque la victime, elle va se dire, mais je suis en train de retrouver ce que j'ai connu au départ de la relation. Donc en fait, ça existe vraiment. Donc puisque ça existe vraiment et qu'à un moment, ça a déraillé et qu'il a basculé dans quelque chose qui était violent pour moi, mais qu'il s'est excusé, je mets des guillemets, excusé, et qu'il est redevenu gentil. c'est que j'ai provoqué quelque chose et plus il y a de sites et plus la victime se dit c'est moi qui provoque la tension et l'explosion et la colère et le malaise dans le couple puisque de toute façon il finit par se calmer c'est très très long d'intégrer qu'en fait tout ça, c'est ce qu'on appelle la stratégie enfin ça fait partie de ce que l'on appelle la stratégie de l'agresseur et c'est tout un système qui est presque schématisé c'est un modus operandi qui permet à la fois à l'auteur des violences de contrôler totalement sa victime par les comportements agressifs et de continuer de la contrôler lorsqu'il redevient, je mets des guillemets, gentil et aimant. Puisque la victime, en fait, elle va passer son temps à tenter de retrouver ça. Et tant qu'elle ne l'a pas retrouvée, ou tant qu'elle n'a pas conscience qu'en fait elle est dans un schéma de violence, elle s'enferme dans ces cycles de violence. Je ne dis pas qu'elle les provoque. C'est très différent. Une victime ne provoque jamais un auteur de violence. On va l'entendre mille fois dans la bouche des victimes. C'est de ma faute. Non, c'est le violent qui est violent. C'est la personne dépendante à l'alcool qui consomme de l'alcool. C'est le toxicomane qui consomme de la drogue. Et c'est le violent qui consomme de sa propre violence. On ne provoque jamais la violence de l'autre. Puisque, heureusement, énormément d'êtres humains arrivent à échanger avec d'autres personnes sans être violents. Donc, on ne provoque pas la violence.
- Speaker #0
Et est-ce qu'on peut devenir addict à la violence ? Mais de la part aussi de la de la violenté,
- Speaker #2
pas forcément Oui, mais j'entends bien, la victime alors elle n'est pas addict à la violence puisqu'elle ne va pas nommer ça de la violence Elle ne se dit pas « j'adore la violence » . Ou sinon, il y a un autre problème, c'est qu'elle sombre dans une forme de masochisme. Donc là, pour le coup, elle est certes victime, mais elle a aussi besoin d'un suivi par rapport à un trouble psychiatrique. C'est autre chose. Mais a priori, on ne devient pas masochiste. Ça n'apparaît pas comme ça. En revanche, ce à quoi elle est addict, et c'est pour ça que ce serait bien qu'on travaille de plus en plus avec des addictologues, je trouve. Ce à quoi elle est addict, c'est à la relation. Et à cette ambivalence, où il y a des moments d'explosion de violence et puis des moments de séduction. Et il y a vraiment une addiction, c'est-à-dire qu'il y a vraiment un effet de manque. Quand l'autre n'est plus là, l'autre devient indispensable. Elle va tout faire pour retrouver l'autre, tout en sachant qu'il va lui faire du mal à un moment. Mais il ne faut pas oublier que dans ces relations... Donc, il y a l'auteur des violences, la victime, et logiquement, il y a un entourage, dont la victime est petit à petit coupée par l'auteur des violences. Dans le schéma de la violence psychologique, le violent va isoler la victime. Alors, quand on parle d'isolement, c'est pareil. Beaucoup de gens se disent, elle a un tel ou une telle victime de violence psychologique, elle vit en pleine ville, elle travaille, elle voit des gens toute la journée. Mais l'isolement, il n'est pas... physique, il n'est pas géographique, il est d'abord dans la tête. C'est que petit à petit s'installe dans la pensée de la victime un interdit, c'est interdit d'aller parler à qui que ce soit de ce qu'elle vit. Et si qui que ce soit ose lui dire j'ai l'impression que dans ton couple c'est pas génial, génial, que ton conjoint il est peut-être un peu abusif dans sa façon d'être, la victime va Merci. pour la plupart, en première réaction, avoir envie de défendre son conjoint. Parce que si elle ne le défend pas, ça veut dire qu'elle l'accuse. Ou en tout cas qu'elle reconnaît qu'il est violent. Si elle reconnaît qu'il est violent, elle va devoir prendre une décision. Donc elle va devoir le dénoncer et potentiellement partir. Donc elle est en danger. Donc elle va tout faire pour que ça ne se sache pas. Donc finalement... Et pareil, tout ça dans le schéma de la violence psychologique, c'est malheureusement classique à voir. Toutes ces femmes qui semblent différentes de ce qu'elles étaient, profondément différentes, avec une évolution qui n'est pas normale, avec moins de rapports aux autres, avec moins de contacts, et qui en même temps s'échinent à dire « non mais ça va très bien, mon mari est très gentil, et avec les enfants c'est un super papa » , elles sont en train de faire un appel au secours monumental. C'est « sortez-moi de là sans que je sois en danger » , ce qui est quand même assez compliqué. On ne peut pas extraire comme ça quelqu'un de chez lui. Mais c'est ce qu'elles font. C'est « sortez-moi de là, mais moi, si je dis quoi que ce soit, je suis en danger » .
- Speaker #1
Et puis, il y a le truc de dire aussi, après, parce qu'il y a la honte qui s'insère de raconter des choses. C'est vrai que quand on parle à quelqu'un, souvent, quand on raconte une anecdote, on se rend compte en le disant que ce n'est pas normal. Et quand on se rend compte que ce n'est pas normal en racontant à sa copine ou à sa mère ou à sa sœur, on se dit « non mais en fait, je suis en train de vivre ça » . Donc on a honte, donc on ne le dit plus. Donc on arrête aussi de parler, de communiquer à l'autre ce qui se passe au sein du truc. L'isolement, il vient de là aussi, c'est d'arrêter de parler parce que l'autre nous isole, mais nous aussi on s'auto-isole parce qu'on sait que ce n'est pas normal.
- Speaker #2
De toute façon, toutes les victimes, et je dis bien les victimes, alors oui, principalement ce sont les femmes qui sont victimes, Et de fait, si elles sont mères, les enfants sont autant victimes que leurs mères. Parce que chaque fois, on dit les femmes, les femmes, les femmes. Les enfants, ce n'est pas des potiches qui ne comprennent rien, loin de là. Ils absorbent beaucoup de violence, beaucoup trop de violence. Mais il y a quand même aussi des hommes qui peuvent subir de la violence. Après, les raisons, les systèmes, c'est un sujet qui est tellement vaste qu'il faudrait que vous fassiez 18 podcasts pour pouvoir l'explorer complètement.
- Speaker #0
On t'inviterait tous 8 fois.
- Speaker #2
Je vais dormir là. Alors je reste là, je ne bouge plus. C'est très bien. En plus, c'est très très bien parce qu'on est dans une petite tente avec des jolis coussins, une jolie lumière. Donc c'est parfait, je reste là. Non, sérieusement, toutes ces victimes qui sont petit à petit isolées, qui sont petit à petit éloignées de qui elles sont profondément en fait, à force d'être dénigrées, infantilisées, etc. Elles fonctionnent autour d'un triangle qui est terrible. qui est constituée de peur, de culpabilité et de honte.
- Speaker #0
Alors, pour les différencier très rapidement, la peur, a priori, à peu près tout le monde peut comprendre ce qu'est la peur, mais la peur, c'est la peur de faire, c'est la peur de dire, c'est la peur de ne pas faire, c'est la peur de ne pas dire, c'est la peur d'être toujours décalé et de manière maladroite, voire dysfonctionnelle, c'est-à-dire de toujours subir le jugement de l'autre. Toujours, toujours, toujours, quoi qu'on fasse. Ça ne sera jamais... La bonne robe, le bon pantalon, le bon repas, la bonne lumière, le bon endroit, les bonnes vacances, la bonne décision, la bonne... Jamais. Et ça ne sera pas forcément dit comme ça d'ailleurs par l'auteur des violences. Parce qu'ils ont, à mon avis, on leur livre au berceau un guide de comment parler à sa femme quand on a envie de la détruire. Parce que l'une des phrases les plus classiques, c'est de dire ce style-là de phrase. C'est de dire, ce que tu fais c'est très bien, mais si tu savais faire correctement les choses, tu les ferais mieux. Qu'est-ce qu'on retient de la phrase ? Ce que tu fais est très bien. Super, c'est génial, je suis géniale. Mais si tu savais faire correctement les choses, tu les ferais mieux. Donc, ce que tu fais est très bien, mais je ne sais pas faire correctement les choses. Donc, en fait, je fais très bien à la hauteur de ce que je ne sais pas faire. Donc, en fait, je ne fais pas bien.
- Speaker #1
Donc, je suis nulle.
- Speaker #0
Voilà. Et ça, ça arrive petit à petit. Mais la peur, on peut la comprendre. La honte et la culpabilité, sont deux choses différentes. On est coupable de ce que l'on a fait ou de ce que l'on n'a pas fait, de ce que l'on a dit ou de ce que l'on n'a pas dit. On a honte de qui l'on est. Donc la honte, c'est beaucoup plus profond. Et pour beaucoup, beaucoup, beaucoup de victimes de violences psychologiques ou de violences au sens large, parce que là, je parle moi principalement de violences psychologiques, mais toutes les violences amènent au même traumatisme. Donc se défaire de la culpabilité est long, se défaire de la honte est très long. C'est très très long puisque ça atteint profondément l'identité de la personne. Donc c'est très long de se défaire de la honte. Et le pire, c'est quand on voit les victimes de violences sexuelles, et particulièrement les enfants, qui sont agressés, incestés, etc., et qui ont honte. Ils ont honte d'être l'enfant de ce parent-là, ils ont honte de ne pas avoir su dire non, ils ont honte de qui ils sont parce que profondément ils se sentent salis et sales. il porte une honte très, très ancré les enfants victimes et les enfants victimes de violences sexuelles.
- Speaker #2
Et est-ce que ça, la honte, si on commence à plus en parler, si on commence à plus se dire que ce n'est pas notre... En fait, si on entend le discours, justement, qu'on n'a pas à avoir honte de plus en plus, si les médias, les gens, les thérapeutes, les gens autour de nous en parlent, est-ce qu'on peut désamorcer cette honte, en fait ? Est-ce qu'en en parlant, est-ce qu'on peut avoir moins honte ?
- Speaker #0
On peut. Mais encore une fois, c'est beaucoup plus long que la culpabilité. La culpabilité, ça devient rationnel à un moment. C'est de dire à quelqu'un « est-ce que tu as fait ça ? » Non, alors tu ne peux pas être coupable de ce que tu n'as pas fait. Ou si tu as fait ça, pourquoi tu l'as fait ? On le remet dans le contexte, on rend la chose objective. Donc la culpabilité, je ne dis pas que ça se fait facilement, mais la culpabilité, on peut arriver à s'en défaire relativement facilement en rationalisant les choses. La honte, encore une fois, c'est quelque chose qui est... complètement irrationnel. C'est la honte d'avoir ce mari-là, c'est la honte d'avoir ce père-là pour ses enfants, c'est la honte d'avoir ces parents-là. Comme si c'était en fait les victimes qui devaient porter la responsabilité de la honte à la place du violent. Alors, après, il faut presque le voir sur le plan de la morale, c'est-à-dire que quelqu'un qui est violent, profondément violent, pas celui qui explose une fois, Et où en face, on va dire « Ah, qu'est-ce que t'es violent parce que t'as lancé une assiette contre le mur ? » Le violent ne va pas réfléchir avec un sens de la morale. Il va réfléchir par rapport à lui, par rapport à son intérêt, par rapport à ce qu'il va nourrir sur le plan narcissique profondément. Mais il ne cherche pas à être dans la morale. Les victimes sont dans la morale. Et c'est un piège d'ailleurs pour beaucoup de victimes puisqu'elles essayent de rétablir une morale dans la relation, là où il n'y a pas de morale possible. mais c'est bien parce qu'elles sont dans une forme de morale. qu'il y a la honte qui se développe, puisque ce qu'elles vivent n'est pas moral. Donc, puisqu'elles sont face à une situation qui n'est pas morale et qu'elles ont laissé quelqu'un de violent être dans leur vie, d'une certaine manière, elles se créent l'idée qu'elles acceptent cette violence-là, qu'elles ont participé à cette violence-là, activement. Et la honte s'inscrit là-dedans.
- Speaker #1
Et c'est intéressant parce que souvent, on entend « non mais moi, de toute façon, ça ne m'arrivera jamais » . Enfin, c'est bon, là, le mec, il me met ça, je me casse. Enfin, comment c'est possible ? Et en fait, c'est aussi donner… Est-ce qu'il y a des profils types de gens qui se font avoir, entre guillemets avoir, ou est-ce qu'en fait, ça peut complètement arriver à tout le monde ? Parce que ça s'insère tellement d'une façon insidieuse que ça peut arriver à beaucoup de gens quand même, beaucoup de femmes ou beaucoup d'hommes.
- Speaker #0
En fait, ça peut arriver à tout le monde. C'est la bonne nouvelle du jour. Vous n'avez pas encore été victime de violences psychologiques, mais possiblement vous pouvez l'être un jour. Parce que quand on parle de profil type, il a longtemps été dit que les femmes, alors c'était très schématisé, les femmes victimes de violences psychologiques étaient toutes des femmes extrêmement intelligentes, très empathiques, très généreuses. D'accord. Alors je ne vais pas dire que les femmes victimes de violences psychologiques sont des femmes stupides, égoïstes et... Ce n'est pas le cas du tout. Mais ce n'est pas parce qu'on est empathique, intelligent et généreux qu'on sera victime. En revanche, ce qui crée la possibilité de subir de la violence psychologique, c'est une faille, une vulnérabilité qui arrive soit dès la prime enfance, soit à un moment dans un parcours de vie où on est tellement fragilisé qu'on n'a plus de distance par rapport à l'autre et on a un besoin qu'un autre nous prenne en charge, s'occupe de nous. Je vais vous donner l'exemple. Une personne, les exemples sont parmi les personnes que j'ai suivies, mais une personne dont la vie était, on va dire, heureusement banale. Quand je dis heureusement banale, c'est qu'elle n'avait pas une vie extraordinaire, mais elle n'avait pas une vie entachée d'un drame quel qu'il soit. Mariée, des enfants, il s'avère que grave accident de voiture, son mari meurt, elle se retrouve hospitalisée longtemps. Il y a un médecin qui s'occupe d'elle, beaucoup, qui la prend bien en charge. tellement bien en charge qu'à la fin des soins, de l'hospitalisation, du suivi, de la kiné, etc., une histoire d'amour démarre entre eux et il l'a maltraitée psychologiquement pendant les quatre années qui ont suivi. Il l'a spoliée financièrement, il l'a éloignée de ses enfants. Cette femme-là, le jour où elle était dans sa voiture avec son mari, il n'y aurait pas eu un chauffard en face. Elle serait sans doute restée mariée avec son mari et ça allait très bien dans son couple et ça allait très bien avec les enfants. Et elle était, pour bien la connaître, elle est normalement intelligente, normalement généreuse et normalement empathique. En revanche, elle a eu un effondrement total de sa vie. Et là, elle avait vraiment besoin en plus d'être accompagnée parce qu'hospitalisée, nécessairement, elle avait besoin de personnel soignant autour d'elle.
- Speaker #2
Mais du coup, ça revient à quelque chose qu'on entend souvent, c'est que les femmes qui connaissent ça, c'est des femmes... « faible » . Et en fait, ce que je trouve intéressant, c'est que, dans ce que j'ai vu que tu as dit, et puis souvent, finalement, on se rend compte que quand on enlève toute cette superbe au pervers narcissique, on va l'appeler comme ça parce qu'on parle beaucoup de ça, en fait, c'est juste eux qui ont une faille énorme et avec des schémas tout le temps pareils. En fait, si on désacralise le pervers narcissique, on s'aperçoit que finalement, la femme est forte et il vient lui puiser des choses.
- Speaker #0
Ou l'homme qui va... Oh là là, je ne vais pas me faire des amis là tout de suite. Alors, d'abord, c'est quoi être faible et c'est quoi être fort ? C'est-à-dire que très souvent, on va recevoir des victimes qui vont dire, je ne veux pas pleurer, je dois être forte. Alors, il ne faut pas confondre avoir des émotions et être faible ou ne pas avoir des émotions et être fort. D'autant plus que maintenant, on le sait très bien, la violence va créer des mécanismes psychiques particuliers dans le fonctionnement. des victimes, à commencer par les mécanismes de sidération, de dissociation, qui vont couper la victime de ses émotions, qui vont lui permettre de finalement vivre de manière robotisée, mais vivre son quotidien parce qu'elle n'arrive pas à y échapper. Alors tout ça, je le dis très rapidement, mais pour tous ceux, toutes celles qui ne savent pas ce que c'est que la dissociation et la sidération, c'est vraiment des mécanismes qu'il faut aller lire, qu'il faut essayer de comprendre parce que, en fait, quand tout d'un coup de la violence s'abat sur une personne c'est tellement inconcevable et inacceptable et incompréhensible qu'à ce moment là la victime est sidérée et son schéma de pensée, son schéma cognitif va se développer d'une autre manière avec plein de facteurs qui expliquent ça c'est pour ça que je ne vais pas tout dire maintenant mais il faut vraiment bien comprendre qu'une victime c'est pas c'est une bouteille de canadadry en apparence elle va bien. En apparence, elle vit une vie normale. En apparence, elle va emmener ses enfants à l'école, elle va aller travailler ou elle va faire ses courses, elle va s'occuper de sa mère. En apparence. Mais à l'intérieur, elle est brisée. Il y a un vide complet. Et il y a un vide parce qu'émotionnellement, elle est vidée. Et elle n'a pas le droit d'avoir des émotions, parce que ces émotions vont aller contrarier l'intention de l'auteur des violences. Après, il y a quelque chose qu'il faut aussi que toutes les personnes victimes, potentiellement victimes, ou qui ont été victimes, entendent, c'est qu'on n'est pas victime par hasard. Ça répond à quelque chose. Quelqu'un qui va bien, c'est-à-dire qui est en équilibre dans sa vie, peut bien sûr, pendant quelques temps, être séduit parce qu'on reste des êtres humains, donc être attiré par quelqu'un qui sera beaucoup plus toxique. Mais relativement vite, les ressorts vont apparaître, les ressorts de la toxicité vont apparaître, et relativement vite, la personne qui va bien va dire, en fait, on arrête là, parce que ça dépasse mes limites, parce que ce n'est pas acceptable pour moi, parce que tu me blesses, parce que tu es peut-être... extrêmement beau, extrêmement gentil, extrêmement drôle et extrêmement intelligent, il y a ça et ça et ça qui ne me conviennent pas à moi et à la limite c'est même pas contre toi, c'est moi, ça ne me convient pas donc j'arrête la relation. En revanche une personne qui se retrouve victime d'une relation toxique elle n'est pas faible, elle n'est pas forte elle est fragilisée et encore une fois, je vous ai donné l'exemple de cette femme qui est percutée en voiture et qui perd son mari les enfants de fait, quand ça leur tombe dessus Merci. Quand ils sont tout petits, qu'ils ont un voire deux parents toxiques, c'est leur seul repère, c'est leur seule compréhension du monde. Donc c'est une normalité, mais c'est une vulnérabilité immense puisque la porte est ouverte à recevoir n'importe quelle autorité et à être maltraitée par n'importe qui. mais l'adulte porte les stigmates de son enfance ou porte les stigmates d'un traumatisme vécu à l'adolescence ou jeune adulte ou un peu plus tard et encore une fois, ce qui ouvre la porte à la violence, c'est le fait de ne pas savoir s'y opposer, c'est-à-dire d'avoir un tel besoin d'être réparé, restauré, soigné, considéré, validé, valorisé, tout ce qu'on n'a plus eu ou jamais eu à un moment, que si en face, la personne toxique le perçoit, le comprend, elle rentre dans la brèche et là, pour elle, c'est royal au bar derrière. Donc, on ne peut pas dire que les victimes sont des personnes fortes ou faibles. On ne peut pas dire que les victimes sont incapables. de certaines choses. Les victimes sont en perte à un moment de capacité. En revanche, en travaillant cette capacité-là, on arrive à les aider à avancer. Il y a Alberto Heger qui a écrit, maintenant de nombreuses années, un bouquin qui a fait bondir énormément de gens, parce que c'est le pervers narcissique et son complice. Alors ça, mon Dieu, moi, victime, on vient de me dire que je suis complice de mon bourreau. Sauf que oui, il y a une part de complicité involontaire, inconsciente. qui contrarie même tout le système de pensée de la victime. Et pourtant, cette part de complicité, elle est bien là, parce que c'est avec cette part de complicité que va jouer, qui est, je précise encore une fois, totalement involontaire, mais c'est sur cette part de complicité que va s'appuyer le violent. C'est-à-dire que, d'une certaine façon, la victime ayant besoin de ce que le violent lui promet, non pas de ce qu'il fait, mais de ce qu'il promet. Je suis là pour toi, je vais t'aimer, ça va être tellement bien. On va s'aimer sur une étoile ou sur un oreiller, c'est vraiment... Sauf que la chanson de Gilbert Montagné, ça n'est qu'une chanson, et puis voilà, je vais m'arrêter là. La victime, elle s'accroche à la promesse. Un parent qui dit à son enfant, je te promets de m'occuper de toi, l'enfant, il va le croire, et il n'a pas la capacité de discernement pour se dire, mais en fait, là, le fait de me laisser deux heures dans un coin, c'est pas s'occuper de moi, c'est me maltraiter. Dans sa tête, il se dit, il va arriver, il va s'occuper de moi et il attend. La violence psychologique, elle infantilise. Donc les victimes, ce sont des enfants, pardon, mais ce sont émotionnellement des enfants de 4, 5, 6, 7 ans qui attendent que la promesse se réalise et qui vont tout faire pour que la promesse se réalise. Tout à l'heure, quand tu me parlais du cycle de la violence, pourquoi le cycle y recommence ? C'est que comme à un moment, il y a à nouveau une lune de miel, séduction, lune de miel, youpi ! Elle se dit, ah ben je... peux aider à ce que ça revienne. Et donc, la promesse qui m'a été faite il y a quelque temps d'amour inconditionnel, de bien-être parfait, etc., si j'arrive à maintenir l'équilibre et donc à faire qu'il soit content, lui, il va remplir sa promesse. Le piège, il est là. Il est dans cette espèce de système de bénéfice-risque ou promesse-sanction qui est mis en place par l'auteur des violences. Et c'est je te promets d'aller bien à condition que tu fasses exactement ce que je te dis, mais tu as besoin que je te promette que tu vas aller bien.
- Speaker #1
Et tu as besoin que je lise exactement ce que tu dois faire parce que tu n'es pas capable de le faire tout seul.
- Speaker #0
Exactement. Et ça commence, et si on observe toujours l'évolution de la relation, ce n'est pas un beau matin, monsieur, pardon messieurs, mais généralement les violences sont quand même plus souvent les hommes, qui va se lever en disant, en s'étant couché la veille, en disant je t'aime ma chérie, le lendemain matin c'est une volée de bois vert. Ce n'est pas comme ça, c'est petit à petit, c'est très lent, la violence psychologique. Elle bénéficie d'un temps long. Et c'est bien aussi parce que c'est long que c'est long ensuite à démonter. On ne détricote pas en quelques semaines ce qui a été tricoté pendant des mois ou des années.
- Speaker #2
C'est ça, parce qu'après, ça peut... Souvent, quand une victime se sort de ça, elle n'est pas sortie d'affaire de suite. Ça peut prendre des années pour se...
- Speaker #0
J'ai une deuxième bonne nouvelle. J'en ai plein. Le pire moment pour la victime, c'est la prise de conscience. C'est le pire moment. Parce qu'avant, même si elle n'est pas bien, même si autour d'elle, il y a des gens qui vont lui dire « ça ne va pas bien » , elle n'est pas consciente de vivre son quotidien avec quelqu'un de violent. Maintenant, si je dis à n'importe qui, je dis « tu vis avec quelqu'un de violent, tu es donc en danger » . Je parle à quelqu'un d'infantilisé et je lui dis « tu es en danger » . Quelqu'un qui est infantilisé ne sait plus où aller, ne sait plus vers qui aller. comment réagir, comment se défendre. Elle n'a plus les moyens de ça. Et je lui dis, tu es en danger. Débrouille-toi avec ça. C'est une super nouvelle, quand même. On a tous envie d'entendre ça. Donc, la victime qui prend conscience, elle se dit, mais en fait, toute ma vie est fausse. Toute ma vie est un énorme mensonge. Tout ce que je vis est violent pour moi. De fait, si j'ai des enfants, pour les enfants, je suis donc en partie responsable de la souffrance de mes enfants. Ça, c'est la troisième bonne nouvelle. Et en plus, je ne sais pas du tout qui va pouvoir m'aider. Et bien, pour beaucoup, qu'est-ce qu'elles font à ce moment-là ? Elles restent. Oui. Et qu'est-ce qui se passe autour ? L'entourage se dit, mais en fait, pourquoi tu dis que ça ne va pas ? Puisqu'elles n'ont aucun suivi. Allô ? Tu peux pleurer et tu restes. Mais non, tu ne restes pas. Sauf que je vais aller où ? Et puis, je vais faire quoi ? Je vais faire ce qu'on me dit. Je vais aller porter plainte. J'ai quelle preuve de la violence psychologique ? J'arrive au commissariat, je dis bonjour, je viens vous voir parce que mon mari me dit que je suis trop grosse en jupe. Non, il faut avoir tout un tas d'anecdotes, d'éléments, de preuves, ou en tout cas de faisceaux d'indices à apporter pour pouvoir commencer à porter plainte. Puis après, il se passe quoi ? On ne prend pas madame avec les enfants, on ne la met pas dans un coin en disant là, vous êtes protégée, tout ira bien, et on ne met pas monsieur en prison. Monsieur, il va être informé, il va être convoqué. La violence psychologique, c'est la violence la plus difficile à prouver. Donc forcément, monsieur, il va rentrer avec sa violence et madame, pour laquelle il n'y aura ni ordonnance de protection, ni mesure d'éloignement. C'est extrêmement rare. Déjà, c'est rare quand il y a de la violence physique ou sexuelle. Dans les cas de violence psychologique, c'est extrêmement rare. Le ressort des femmes victimes, il doit être absolument nourri par un accompagnement amical, familial. Il faut que les amis et la famille comprennent que ça va être long, qu'elles vont avoir des comportements qui vont leur sembler complètement paradoxaux, sur lesquels ils ont très peu de moyens d'action, mais que tant qu'elles savent qu'ils sont là, elles ont la possibilité de partir. Tant qu'elles savent qu'il y a quelqu'un qui est là, La victime a la possibilité de partir. Si l'entourage se dit, c'est bon, ça fait des mois qu'elle se plaint, des mois qu'elle ne va pas bien, on est là et elle reste avec son mari, la victime, elle restera avec son mari. Ça vaut mieux d'être avec quelqu'un qui nous maltraite que d'être seule.
- Speaker #1
Et puis, il y a une forme de déni aussi. Refaire toute sa vie, c'est dur aussi, de se dire, je pars et je réinvente tout. Et de se dire, en fait, ça va passer. Maintenant, peut-être que ça va passer. Peut-être que... Est-ce que c'est...
- Speaker #0
Ce n'est pas vraiment du déni, mais il y a la volonté de croire. que ça va aller. D'autant plus que dans ces schémas où la séparation commence à se sentir un peu arrivée, les auteurs de violences en disent, non mais, excuse-moi, j'ai compris, je vais aller consulter. Alors, c'est super, ils vont tous consulter une fois, tous ou presque. Une fois. Peut-être deux. Parfois, deux fois. Et tous, à la fin du premier ou deuxième rendez-vous, vont dire, tu vois, j'y suis allée. j'ai compris, ça va s'arranger, j'ai plus besoin.
- Speaker #1
Est-ce qu'ils mentent pendant qu'ils ont un entretien psy ?
- Speaker #0
De toute façon, ils mentent. Est-ce qu'ils sont conscients de mentir ? Ce n'est pas la même chose. De toute façon, ils mentent. Quand ils disent « je ne suis pas violent » , qu'ils le croient, parce que profondément pour eux, ce n'est pas de la violence ce qu'ils font, ou qu'ils ne le croient pas, qu'ils se savent violents, mais de toute façon, ils mentent. Mais ils sont encore plus forts que ça, parce qu'ils peuvent très bien tout d'un coup, plus ce sont des bons acteurs, être totalement effondrés, dire à leurs compagnes Dire, mais je réalise, je suis désolée, mais on va sauver notre couple, youpi, et double youpi, on va faire une thérapie de couple. Sauf que madame, elle se retrouve chez un thérapeute avec celui qui lui promet que ça va aller mieux. Ils sont chez un thérapeute de couple, mais qui risque quand même de s'énerver à nouveau, de l'insulter à nouveau, de la dénigrer à nouveau. Donc elle ne va pas tout dire devant le thérapeute.
- Speaker #2
Elle est muselée devant le thérapeute.
- Speaker #0
Elle est coincée. Mais elle y va. Parce que si elle n'y va pas, elle va entendre que, tu vois, j'ai compris, en fait, c'est toi qui ne veux pas faire d'efforts. Donc si ça ne va pas dans notre couple, si les enfants ne vont pas bien, c'est ta faute. Parce que moi, je te propose une thérapie. Ça a un sens. En droit, les médiations, lorsque une femme porte plainte pour violences psychologiques, aujourd'hui, les médiations ne doivent plus être proposées. Avant, c'était systématique. C'est une solution facile, on propose une médiation civile, pénale, en fonction des cas. Et puis, si la médiation n'aboutit pas, c'est que c'est un conflit de couple. Aujourd'hui, lorsqu'il y a une plainte pour violence psychologique, il ne doit pas y avoir de médiation de proposée. Madame doit pouvoir la refuser en disant « qu'est-ce que je vais aller être en médiation dans un rapport qui est censé être horizontal avec quelqu'un qui met de la verticalité dans tout ? » Ça n'est pas possible.
- Speaker #1
Est-ce que le chantage au suicide, parce que ces hommes violents, à un moment donné, peuvent menacer de se suicider, est-ce que c'est des choses qui arrivent ?
- Speaker #0
Non, c'est très fréquent. Ils sont très volontaires à dire qu'ils vont mettre fin à leur jour. Le seul truc, c'est que sans que j'ai des statistiques très précises à donner. Mais ils sont très rares à passer à l'acte. En revanche, les victimes sont nombreuses à avoir fait des tentatives de suicide et pour certaines à ne pas en être sorties.
- Speaker #2
On peut mourir de violences psychiques parce qu'on entend parler de plus en plus de la notion de tombeau psychique. Et ça, c'est hyper important de le rappeler.
- Speaker #0
De toute façon, une personne qui n'a plus le droit de parler, plus le droit de parler librement, plus le droit de penser librement, plus le droit de désirer, plus le droit d'aimer, autre que ce que lui impose son bourreau, qui ne se sent plus puissante, c'est-à-dire qui n'a plus de puissance de vie, qui n'a plus de contrôle, qui n'a plus de maîtrise, elle est morte, psychiquement. Alors, je n'irai pas jusqu'à dire qu'elle est morte, psychiquement, parce que la résurrection, c'est compliqué. Elle est sur une voie mortifère. mais oui ça amène et dans la loi aujourd'hui le suicide forcé est entré dans la loi et un conjoint violent peut être condamné pour avoir poussé, enfin pour avoir commis un suicide forcé alors c'est très récent tout ça heureusement l'arsenal juridique s'étoffe, malheureusement c'est très récent donc c'est des bébés lois, c'est des bébés jurisprudence Mais le suicide forcé est entré dans la loi. Donc aujourd'hui, oui, on peut porter plainte si on a réchappé à la tentative de suicide. Ou la famille peut porter plainte. Et d'ailleurs, il y a eu quelques cas qui font jurisprudence. La famille peut porter plainte en argant d'un suicide forcé.
- Speaker #2
Quand on a parlé du suicide forcé, de mort psychique, il y a aussi la vraie mort physique. Du coup, on peut arriver sur des cas de féminicide avec ces violences.
- Speaker #0
Psychique ? Oui. J'allais dire, le féminicide, c'est comme... Enfin, dans l'imagerie populaire, dans la compréhension, c'est comme la violence. C'est-à-dire qu'on imagine une espèce de monstre sanguinaire qui va s'emparer d'un couteau, d'une arme, se jeter sur sa victime et la massacrer. Alors oui, il y a des cas comme ça, bien évidemment. ça beaucoup nourrit, ça continue de nourrir et c'est dramatique les médias. Et où on a des femmes qui sont assassinées en pleine rue par un conjoint ou ex-conjoint, bien évidemment. Ce qu'il faut surtout comprendre avec le féminicide, c'est qu'il se produit au moment où l'auteur des violences comprend qu'il a perdu son jouet. Et que non seulement il a perdu, mais qu'il ne le retrouvera pas. Les femmes dont on a pu voir un certain nombre d'histoires, et d'ailleurs je trouve que tout ce qui est opérations, collages, etc., ça permet de visualiser, de rendre tangible un nombre qui, chaque année depuis MeToo, évolue entre, et c'est dramatique de le dire ainsi, pardon, mais ça évolue entre 115 et 130, et ça perd en fait de sa... de son incarnation. Il faut donner une réalité à ces femmes et donner une réalité à ces enfants. Et donc, au moins, les collages, le fait de donner leur nom, leur prénom, ça leur redonne une réalité, une existence qui leur a été arrachée. Pour en revenir vraiment au féminicide, tous les cas, ou presque, que l'on a vus, qui sont absolument terrifiants, ont été commis par des hommes violents, physiquement violents, avant la rupture. Il y a aussi les hommes qui sont violents psychologiquement. Il y a un cas qui a été quand même assez emblématique cette année, puisque Madame, alors elle n'en est pas morte, mais Madame et Monsieur sont tous les deux professeurs d'université, écrivains. Lui, il était même pris bon cours. Et il a quand même tenté d'assassiner sa femme. Donc, quand on parle de la violence psychologique, on imagine toujours que ça n'ira pas au drame. On imagine très difficilement que, en fait, l'homme violent, qui n'a pas besoin d'user de la violence physique, parce qu'il contrôle pleinement avec la psychologie, avec la manipulation, etc., on n'imagine pas que cet homme-là va passer à l'acte. Ce que l'on oublie, c'est que l'homme, il ne cherche pas à... contrôler. Ils cherchent également à posséder, à détenir et à surtout ne pas être privés de ce qui lui apporte à lui un équilibre. Pourquoi est-ce qu'ils sont tous merveilleux à l'extérieur ? Tous ces hommes dont les femmes disent, à raison, disent, c'est parce que elles sont leur garde-fou, elles sont leur point d'équilibre, elles vont canaliser, bien malgré elles, et sans s'en rendre compte, elles vont canaliser tout ce qu'ils ont de violent et de négatif. Donc, à l'extérieur, Ils sont tous super. Ils sont super. Et j'aurais même tendance à dire, il faut se méfier de l'homme extérieurement super, avec des guillemets, parce que ce n'est pas possible. Personne n'est génial. Ce n'est pas vrai. On a tous des défauts. Donc, on peut dire, entre nous, on peut dire d'une amie ou d'un ami, il est génial, mais de temps en temps, il est lourd. de quelqu'un dont on ne peut jamais dire qu'il est lourd ou pénible ou que là il est allé un peu trop loin peut-être se poser des questions. On dit méfiez-vous des enfants sages, mais méfiez-vous des hommes parfaits. Parce que ça n'est pas possible. Ça n'existe pas. Et en revanche, ils ont cette apparence parfaite, le gendre idéal, le mari qu'on aimerait tellement avoir, le prince charmant qui finalement existe et manque de bol, c'est l'autre qu'il a rencontré, c'est pas nous. Parce que tout ce qu'ils ont de vraiment violent, en fait, ils le déchargent chez eux. et le décharge dans un huis clos qui n'est pas révélé.
- Speaker #1
Merci pour ton témoignage et tout ce que tu as apporté aujourd'hui à toutes les femmes qui nous écoutent et à nous aussi. Merci beaucoup. Est-ce que tu aurais un petit mot de la fin à nous partager ou quelque chose de peut-être une note un peu plus positive ?
- Speaker #0
Déjà, merci à vous deux parce que je pense que c'est indispensable qu'il y ait ce type de podcast. Et merci de donner la parole, à travers la mienne, mais la parole aux femmes qui sont victimes de violences psychologiques et à leurs enfants. Et je n'oublierai jamais les enfants. Je reçois des adultes, je reçois des ados, je ne reçois pas d'enfants, parce que là, c'est ma faille. Et que, autant je peux entendre des histoires qui me sont rapportées sur des enfants, autant si j'ai en face de moi un enfant, je ne suis pas sûre de pouvoir absorber ce qu'il va me dire sans me mettre à pleurer. Et je ne suis pas sûre que ça aide beaucoup un enfant qui est dans une histoire extrêmement complexe et violente de voir un adulte se mettre à pleurer. Donc, je n'aurais pas réglé cette question avec moi-même, je ne recevrais pas d'enfant. Mais c'est vrai qu'à chaque fois qu'on aborde la question des violences psychologiques, c'est la plus sensible parce que l'épreuve, parce que par qui je vais être crue. Alors déjà, la première chose, ce n'est pas parce qu'on peut énumérer plein d'éléments qui semblent très négatifs que les femmes ne s'en sortent pas. La deuxième chose, c'est que toutes les victimes, quelle que soit la violence, espèrent que la justice les reconnaisse en tant que victime. Ce qu'elles doivent vraiment apprendre à espérer, c'est se reconnaître elles en tant que victime, c'est sortir d'un schéma d'infantilisation. La justice, elle peut condamner quand c'est évident, elle ne condamnera pas ce qui n'est pas évident parce que ça n'est pas sa possibilité ni son droit. Donc si elle donnait une condamnation alors que les preuves ne sont pas réunies, le risque c'est que le jugement soit cassé. double, triple, quadruple peine pour la femme. Mais c'est surtout se croire soi, c'est se dire après tout, quand bien même personne ne me croit, je sais ce que j'ai vécu, je sais que j'ai raison, je sais que je dois me battre et je sais que je dois maintenant dire non. Et ça, c'est possible.
- Speaker #1
Merci Anne-Laure. On peut te, parce que tu es dans ta Bourgogne, mais on peut te contacter par visio aussi. C'est important de le dire.
- Speaker #0
Je suis dans ma Bourgogne. Mais je Zoom, je Teams, je Skype, WhatsApp, je Meet et je Messenger s'il le faut. À la fin de la journée, parfois, je me mélange entre Zoom et Skype, mais ce n'est pas très grave, je m'y retrouve. Et il y a des journées où c'est même drôle parce que comme j'ai des personnes qui sont à l'étranger et avec des fuseaux horaires très différents, je peux commencer ma journée en disant bonsoir, finir ma journée en disant bonne journée. et tout ça ce qui est extraordinaire avec toutes les nouvelles technologies, c'est que justement des personnes qui se sentent isolées et qui sont à l'autre bout du monde, elles ont la possibilité, et pas qu'avec moi, loin de là, elles ont la possibilité de se dire ça sera peut-être qu'une demi-heure ou une heure toutes les deux semaines, mais je peux parler à quelqu'un. Ça a sorti quand même beaucoup de femmes expats, ça les a sortis de l'isolement. C'est important à dire aussi.
- Speaker #1
C'est très positif en plus.
- Speaker #2
Et tu nous appelles d'un événement le 22 novembre, est-ce que tu veux ?
- Speaker #0
C'est un événement qui est monté par un collectif qui s'appelle Soutien Civis 1. Donc la Civis, quand elle était encore dirigée par Édouard Durand, Ernestine René, etc. C'est un événement qui va se dérouler à la Communale de Saint-Ouen. À partir de 17h, donc le vendredi 22 novembre, jusqu'à minuit, où va y avoir des auteurs écrivains, des auteurs essayistes. des concerts, des interventions, des lectures, autour principalement du sujet de l'inceste et des violences commises, des violences sexuelles commises sur les enfants, mais nécessairement parmi les intervenants, il y a des personnes qui connaissent, comprennent et peut-être ont vécu des situations de violences conjugales et de violences psychologiques. il faut savoir que je finirai là-dessus même si ce n'est pas la note la plus joyeuse que l'inceste c'est vraiment le... point d'orgue de la violence psychologique puisqu'il y a de la violence physique et de la violence sexuelle dans la ceste, bien évidemment. Mais c'est ce qui va imprimer dans l'idée de l'enfant qu'il doit être dans la loi du silence. Donc c'est le point d'orgue de la violence psychologique. C'est le moment où l'auteur, qui est un adulte, dit à l'enfant, je sais ce qui est bon pour toi, tu vas le vivre et tu vas être heureux.
- Speaker #2
C'est pas une autre république, on va se finir là-dessus. En tout cas, merci.
- Speaker #0
Ce n'est pas une note très gaie pour finir, mais je l'ai dit tout à l'heure, mon combat, c'est surtout les enfants. Bien sûr. C'est important d'en parler. Donc, c'est important aussi, le 22 novembre, à 17h, d'aller à cette très grande manifestation qui est organisée pour les enfants et puis pour les parents qui, peut-être, aussi ont vécu des choses et sont devenus parents.
- Speaker #2
En tout cas, nous, on y sera. Tu y seras aussi. Moi,
- Speaker #0
j'y serai.
- Speaker #2
Alors, à la semaine prochaine.
- Speaker #1
Oui, merci beaucoup.
- Speaker #0
Et merci à vous.
- Speaker #2
Flamme des années 80.
- Speaker #1
Le podcast qui allume la femme.