- Speaker #0
Focus Projet
- Speaker #1
Bienvenue sur Focus Projet, le podcast du management de projet. Le management de projet, qu'est-ce que c'est ? Ça va être les différentes techniques et outils qui vont nous permettre de mener à bien nos projets. Planning, coût, risque, gestion d'équipe, changement, communication, définition du besoin. Au fil des deux épisodes, on va voir tout cela ensemble. Alors que tu sois le directeur de projet de la prochaine Gigafactory, ou que tu te retrouves à t'occuper des projets de ton entreprise en plus de ton travail, abonne-toi. Ce podcast va simplifier la réussite de tes projets. Tes projets sont les outils qui permettent aux structures de changer, d'évoluer, de s'adapter. Mais ce mouvement ne doit pas être désordonné, chaotique, il doit s'inscrire dans une cohérence, être stratégique. Je vous propose aujourd'hui de passer de l'autre côté et de jeter un coup d'œil pour comprendre le point de vue des dirigeants. de voir ensemble quel impact les projets peuvent avoir sur la stratégie d'entreprise. Pour cela, je reçois aujourd'hui un expert de la stratégie, Jean-Philippe Timsit. Bonjour Jean-Philippe, comment ça va ?
- Speaker #0
Bonjour Tanguy, comment vas-tu ?
- Speaker #1
Ça va bien. Tu peux peut-être commencer par te présenter déjà pour nos auditeurs ?
- Speaker #0
Alors, je m'appelle Jean-Philippe Timsit, je suis professeur de stratégie digitale à EM Lyon. Je suis dans le digital, enfin ce qu'on appelle le digital maintenant, qu'on appelait l'informatique ou les systèmes d'information, il y a eu plein de... de terme dans l'évolution. Depuis que je suis enfant, j'ai appris à coder quand j'étais gosse. Et ensuite, j'ai fait du classique, une thèse de doctorat. Et voilà, je suis enseignant en stratégie digitale à l'AM Lyon, où je forme essentiellement des dirigeants. C'est quand même le gros de mon activité.
- Speaker #1
Donc, la stratégie est au cœur de tes activités.
- Speaker #0
C'est ma passion principale. Le digital fait partie du truc, mais oui, mon activité principale, c'est de faire la stratégie. Je fais de la stratégie tous les jours. J'accompagne des décideurs tous les jours. J'écris de la stratégie tous les jours. C'est vraiment le cœur de mon activité.
- Speaker #1
Je décris souvent les projets comme l'outil de transformation des entreprises. Pour commencer, quel est ton point de vue sur le rôle des projets au sein des entreprises ?
- Speaker #0
Oui, c'est tout à fait exact. Il y a cette facette-là. En fait, si on réfléchit bien dans une entreprise, tout est projet puisque tout a un début, un milieu, une fin. Si on regarde bien, même d'ailleurs, une entreprise est un projet parce qu'une entreprise est créée, elle vit et un jour, elle meurt. Toutes les entreprises vont mourir. Ils connaîtront peut-être, peut-être pas, mais la mort de Facebook ou de Google. Les entreprises naissent, vivent et meurent. Un projet est initié. Il fonctionne, ensuite il se termine parce que l'objectif est atteint. Donc en fait, toutes les choses sont inscrites dans le temps. Effectivement, on peut concevoir une entreprise comme un projet et une entreprise comme la sommation d'un très grand nombre de projets. Ensuite se pose la question de l'alignement stratégique. Il y a les objectifs de l'entreprise et en quoi chacun des projets qui composent l'entreprise contribue à la réalisation de cet objectif qui peut être un objectif final ou un objectif intermédiaire. Mais oui, effectivement, le point de vue tout est projet est un point de vue tout à fait valable.
- Speaker #1
Comment on définit la stratégie et dans quelle mesure les projets, qui en quelque sorte sont les moyens, doivent rentrer en compte dans celle-ci ?
- Speaker #0
Alors, il y a plusieurs questions dont on... La première chose, la question de l'évocation de qu'est-ce que la stratégie, c'est une question qui est difficile. Il y a un article de Michael Porter, début 90, je crois, 91 ou 92, où l'article s'appelle What is strategy ? Qu'est-ce que la stratégie ? Dans la réalité, on a un livre d'Henri Mintzberg qui s'appelle Safari en pays stratégique où Mintzberg dit qu'il y a une dizaine de façons de penser différentes de la stratégie, il y a une dizaine d'écoles différentes. Et pour chacune de ces écoles, il y aurait 3, 4, 5, 8, 10 définitions différentes de ce que la stratégie est. Donc on pourrait rentrer dans la finesse en disant la stratégie c'est hyper compliqué, on ne peut pas le définir Non, ce qu'on pourrait dire c'est la stratégie, on va collecter un ensemble de ressources, donc des sortes de briques, on va les combiner et on va essayer, en les mettant en œuvre, d'atteindre un objectif qu'on s'est fixé Donc la stratégie, selon cette approche, c'est plutôt un chemin en fait. C'est, on a fixé un point A, c'est là où on est, avec les ressources qu'on a, avec nos compétences, donc ce qu'on sait faire et ce qu'on peut manipuler, ce qu'on peut combiner. Puis on a fixé un horizon, qui est le point B, et on va essayer d'y arriver. On pourrait dire que c'est ça la stratégie. Donc moi j'aime bien cette vision de stratégie comme un chemin. Parce qu'en fait, ça a une approche beaucoup plus dynamique et puis c'est moins, comment dire, paralysant, par exemple, pour les gens qui créent une entreprise, qui sont tout seuls, ou pour des personnes qui créent une startup à deux ou trois, où on essaie de conquérir le monde. Non, il vaut mieux percevoir le truc comme un chemin. Et c'est là où on voit une corrélation forte entre stratégie et projet, parce qu'un projet, c'est un chemin,
- Speaker #1
en fait.
- Speaker #0
On a une équipe et on va essayer d'aboutir. à ce qui a été fixé en amont, c'est un peu ça la stratégie. Donc ça marche assez bien ensemble.
- Speaker #1
Du coup, c'est le chemin pour arriver à une certaine vision ou à un certain objectif, la stratégie.
- Speaker #0
Oui, c'est ce qu'on appelle le projet rêvé. Votre entreprise, vous montez une boulangerie, par exemple, et vous aimeriez bien vendre un type de pain ou pouvoir vous payer suffisamment. Vous avez les objectifs. Cet objectif là, c'est un avenir rêvé. Vous avez créé votre entreprise, elle a un statut, elle a un type actuel, vous avez un certain nombre de salariés ou alors pas de salariés, vous fabriquez un certain nombre de produits ou alors juste un. Elle a un statut, vous vous projetez dans le futur et vous rêvez un statut futur qui sera ma boulangerie, je veux pouvoir faire de la restauration, je veux avoir 4 ou 5 salariés pour pouvoir dormir le week-end, je veux pouvoir me payer et pouvoir partir en vacances avec ma famille. certains éléments qui sont l'avenir rêvé et tout ce que vous allez mettre en oeuvre c'est pour rejoindre cet avenir rêvé la seule différence peut-être avec les notions de projet c'est là les experts du projet nous répondront dans les commentaires la seule différence c'est peut-être que lorsqu'on est une entreprise qu'on fixe un objectif rêvé on l'atteindra jamais on peut pas l'atteindre il va changer au fur et à mesure où on exécute au fur et à mesure où on fait des choses cet objectif rêvé il va changer parce qu'il y aura des réactions des concurrents parce qu'on a mal mesuré le comportement du consommateur, parce que les gens changent, parce que les consommateurs sont versatiles. Donc, ils changent d'avis, ils changent de comportement. Ça va changer tout ce qu'on va faire. Donc, comme ça va changer, il va y avoir une modification. C'est peut-être moins le cas sur les projets.
- Speaker #1
Notre rêve va changer aussi.
- Speaker #0
Tout à fait.
- Speaker #1
Vu qu'on évolue, on va peut-être vouloir autre chose au cours du temps.
- Speaker #0
Exactement. On va le percevoir. Alors, je connais assez bien la conception de projet dans le secteur de l'informatique et dans le secteur du jeu vidéo. Et... qui se passe très régulièrement, c'est que, bon d'abord, le cloud a changé complètement les pratiques, parce que maintenant, tout le monde peut coder en même temps, alors qu'avant, chacun codait ses bouts, on les mettait ensemble, ça ne marchait pas. Enfin, vraiment, les pratiques ont changé, dans le secteur de l'architecture aussi. Parce que maintenant, on peut dessiner ensemble, il y a le BIM qui a émergé, où maintenant, on peut concevoir des projets où tous les travaux de plomberie, d'électricité, de bâtiment, peuvent être construits ensemble. Donc ça, ça a beaucoup changé. Mais dans l'informatique, il y a quelque chose qui change, c'est qu'en fait, on... On construit un design de jeu, mais pendant ce temps, il y a l'équipe de designers qui peut faire évoluer le gameplay. Ce qui fait que ce qui a été produit va changer. Et en fait, il y a une forme de co-construction en même temps. Et ça, les technologies modernes le permettent. Alors qu'avant, il y a encore 5, 8, je dirais une dizaine d'années, on ne pouvait pas le faire, ça. Donc la co-construction du projet qui se met en phase avec l'évolution de la stratégie de l'entreprise, ça, c'est des choses qui sont assez nouvelles et qui sont très puissantes d'ailleurs.
- Speaker #1
J'ai eu une conférence d'Antonio Neto-Rodriguez qui se rapproche là-dessus et qui incite à faire en sorte que les gens qui mènent les projets soient beaucoup plus intégrés dans la stratégie et dans la définition du besoin et que le but ne soit pas seulement d'avoir des livrables, mais d'avoir de la valeur, des bénéfices.
- Speaker #0
Dans les entreprises modernes, où il y a une forme de digitalisation qui est un peu plus avancée, où ça a été plus réfléchi, normalement on procède... d'une manière qui est un petit peu différente. On commence par caractériser le problème du client. Donc, on commence par faire les personas et on identifie, c'est-à-dire on crée des profils psychologiques de l'audience qu'on cible et on identifie les problèmes. Très souvent, on utilise le terme frustration, mais globalement, on identifie les problèmes. Ça veut donc dire que dans ce cas de figure, la stratégie de l'entreprise ne repose pas sur la conception de projets qui vont produire des livrables. Ce n'est pas ce qu'on fait. On construit des projets. qui vont contribuer à résoudre le problème du client, du prospect identifié. Et donc, on est dans une logique qui est très différente où la plupart des projets convergent vers un enjeu clé qui est le problème du client. Moi, je trouve que c'est une façon plus intelligente de concevoir les projets parce que d'abord, ça implique plus les équipes. Elles ont chacune, chaque équipe projet a moins l'impression d'être un peu isolée, mais de faire partie d'un tout. Et en plus, c'est plus facile d'expliquer que le projet va changer parce qu'en fait, le consommateur, le client, le prospect, il est en train de changer parce qu'il est versatile. Et donc, on a une meilleure harmonie entre la stratégie de l'entreprise et le fonctionnement des projets. Je trouve que ça marche mieux comme ça.
- Speaker #1
Oui, et du coup, avec peut-être une repriorisation, un arbitrage peut-être plus régulier des projets et de leurs objectifs pour s'adapter plus rapidement aux besoins des clients ou de l'entreprise quand c'est des projets de transformation interne.
- Speaker #0
Complètement. Mais ça veut aussi dire que le chef de projet, Il a été formé en stratégie et en marketing. C'est ça que ça veut dire aussi.
- Speaker #1
Ce qui n'est pas forcément le cas. C'est même rarement le cas.
- Speaker #0
Mais c'est honnête, c'est hyper rarement le cas. On demande quoi au chef de projet ? De gérer les livrables et de s'assurer que les livrables sont livrés à l'heure. Alors qu'en fait, on lui demande quoi vraiment ? Vraiment, on lui demande une contribution. Et on demande à un chef de projet de contribuer. Donc en fait, il vaut mieux, dans une logique d'alignement stratégique, il vaut mieux intégrer les chefs de projet et les équipes projet à la stratégie globale de l'entreprise ou de la division ou de l'activité. Ça dépend comment le propos est organisé, ça dépend de sa taille. Mais oui, l'équipe projet pilotée par le chef de projet doivent être intégrées, doivent comprendre la stratégie et doivent y être intégrées. Tout à fait.
- Speaker #1
Donc pour toi, il faut d'une certaine manière que les chefs de projet ou en tout cas les gens qui s'occupent des projets à un certain niveau soient intégrés directement dans la réalisation de la stratégie et dans sa mise en œuvre et sa définition, mais qu'ils soient à partie prenantes en tout cas.
- Speaker #0
C'est le cas dans certains types d'entreprises. On a certains types d'entreprises qui ont développé des stratégies qu'on appelle les stratégies en mode projet. C'est-à-dire qu'ils n'ont pas de stratégie au sens stratégie corporate, stratégie business et tactique. ils ont un certain nombre de projets qui sont pilotés directement par la direction générale et par le board et qui sont des facettes de la réalisation d'un plan plus général c'est le cas où pour les petites entreprises qui se créent qui sont très agile on sort les grands mots là c'est un peu embêtant parce que derrière le terme d'agilité chacun met les propres donc c'est un peu embêtant mais bon voilà on a ou c'est les petites entreprises ou alors ce sont les très grandes entreprises mais ce qu'on appelle les structures plate. Par exemple, Google, dans certaines de ses activités, est une structure plate. Il n'y a pas plus deux dirigeants. Donc, il y a un N plus un, un N plus deux, et il y a les équipes. Et dans les structures plates, l'organisation par projet, ça fonctionne très bien. Ça marche très bien dans certains secteurs aussi. L'architecture, l'informatique, où il y a des projets où on peut définir un périmètre. L'architecture, on va construire un bâtiment, il y a un périmètre. Le secteur du jeu vidéo, on va produire un jeu vidéo, il y a un périmètre. Mais il y a des secteurs où ça marche moins bien. Par exemple, si vous montez une startup ou vous commercialisez des cours en ligne, il n'y a pas de périmètre puisque ça s'inscrit dans le temps. Là, c'est plus difficile. On peut déployer des cours, on peut prendre du cours, du mini-cours. C'est le cas des écoles, par exemple. Ou alors, dans l'industrie agroalimentaire, on a beaucoup moins de périmètre parce qu'on va produire 10 produits pour en commercialiser.
- Speaker #1
C'est plus des produits qu'on va développer dans ce cas-là et on va avoir beaucoup plus de projets qui vont succéder pour mettre en place… les produits, les faire évoluer, le marketing autour et ainsi de suite.
- Speaker #0
Dans ces cas-là, on dit que le niveau d'analyse n'est pas le même. Quand le niveau d'analyse correspond à un périmètre qui est précis, qui est inscrit dans le temps, le mode projet, c'est très efficace. Quand il n'y a pas beaucoup de périmètres et qu'on a un niveau d'analyse qui est plus bas, qui est plutôt orienté produits et services associés, là, ça marche un peu moins bien. Alors oui, il y a toujours des projets qui peuvent... Pardon, Danone pour... concevoir de nouveaux yaourts par exemple, il procède de cette manière là, il y a toujours des projets mais là on peut moins s'organiser sous la forme de projets en tant qu'entreprise, on a plutôt une organisation plus classique qui est stratégie corporate, stratégie business et tactique.
- Speaker #1
Peut-être d'une manière, on a un peu parlé, on a un peu évoqué d'une manière. plus pragmatique ? Comment faire pour décliner de manière pratique dans les faits la stratégie de l'entreprise à travers les projets ? Quels vont être les outils ? Et comment arriver à bien le faire de certaine manière ?
- Speaker #0
Je vais te décevoir, je vais te dire un truc qui est hyper banal. La principale raison d'échec, c'est les problèmes de formation. Il est absolument indispensable qu'au moins le chef de projet, c'est mieux quand c'est toute l'équipe projet, mais au moins le chef de projet comprenne ce qui se passe dans l'entreprise. pour qu'ils comprennent ce qui se passe dans l'entreprise, il faut au moins qu'il ait une formation de base en marketing et en stratégie. Donc ça, c'est un truc qui est vraiment hyper vital. Et comme sur les secteurs qui changent vite, on ne parle pas tant de formation que de formation continue. Il faut former.
- Speaker #1
Oui, c'est qu'il faut que ça soit mis à jour régulièrement.
- Speaker #0
Il faut former les équipes. Donc ça, c'est… Enfin, on a l'impression de prêcher dans le désert, en fait. Je crois que c'est le pays où on forme le moins les dirigeants. C'est comme ça. En Europe, c'est la France où on forme le moins les dirigeants. En Europe occidentale, les statistiques montrent que c'est la France où on forme le moins les dirigeants. Mais globalement, le truc est simple, c'est qu'il faut d'abord former les équipes. Une fois qu'on a compris qu'il fallait former les équipes, là, on a un peu moins de problèmes. Le deuxième point, c'est l'enjeu des managers intermédiaires. On traite souvent les projets comme des boîtes. Des boîtes qui sont… En économie, on utilise le terme boîte noire. On a un intrant… et un extrait et on ne sait pas bien ce qui se passe. Mais on traite souvent les projets comme si c'était une boîte noire qui vise à délivrer, donc à sortir des livrables et on ne sait pas bien ce qui s'y passe et ce n'est pas grave. Et moi, je pense que ce n'est pas une bonne approche. Je pense qu'il faut intégrer les équipes à des process beaucoup plus larges et il faut rentrer dans des logiques de workflow comme des briques en fait. Dans un process, il y a un workflow mais dans l'entreprise, on produit de la valeur sous la forme de workflow et les projets s'imbriquent dans ces workflows. Et à partir du moment où on fait ça, d'abord les équipes projet se sentent beaucoup plus incluses dans un fonctionnement d'entreprise beaucoup plus général. Et puis, on n'a pas dans l'entreprise le fait, là, c'est les gars du projet. Tout le monde est salarié, tout le monde travaille pour la réalisation d'un projet général. Donc, il y a ça, et ça, c'est un enjeu des managers intermédiaires. Le dernier point, il faut que tout le monde sache à quoi servent les projets, en fait. Si on lance un projet avec une équipe, il faut que tout le monde dans le projet et en dehors du projet Sache de quoi on parle. Ça, ça s'appelle la téléologie. C'est la projection dans le futur de à quoi sert ce qu'on fait maintenant. Et ça, c'est souvent très peu expliqué. On ne fait pas de team building pour expliquer qui fait quoi. Dans l'entreprise, ce qu'on entend très souvent, c'est putain, on ne sait pas où on va dans cette boîte Ça, vous l'entendez souvent. On ne sait pas où on va, mais ça se trouve, on va vers un endroit qui est très précis, c'est très clair, mais ce n'est pas clair pour assez de gens. Donc, ça, c'est le troisième point. qu'on pourrait appeler la communication.
- Speaker #1
C'est un manque de vision des équipes.
- Speaker #0
Oui, communication interne. Et on crée de l'harmonie entre les équipes pour que les gens sachent ce qui se passe et pour que chacun sache ce que les autres font. Ça, ça a du sens, en fait. Il y a des outils qui permettent de faire ça. Mais je pense qu'il ne faut pas sous-traiter un Slack, par exemple, ou un WhatsApp entreprise. Je pense que c'est une erreur. Je pense qu'il faut le faire en parlant aux gens et qu'une entreprise, c'est un groupe humain. Et donc, il faut communiquer entre individus qui font partie d'un groupe humain.
- Speaker #1
Je veux dire, on retrouve des choses, des projets. Moi, je répète souvent que les projets sont faits par des humains et que forcément, la communication fait partie d'une grande partie du travail des chefs de projet. C'est un peu pareil pour l'entreprise, du coup.
- Speaker #0
Oui, tout à fait. Il faut vraiment partir du principe que ce sont des gens qui travaillent ensemble. Et comme ce sont des gens qui travaillent ensemble, il faut parler aux gens, il faut s'adresser à eux. On ne communique pas que par mail, on a des conversations. On ne passe pas notre vie en réunion avec des PowerPoint, mais on discute des problèmes qu'on rencontre. On ne parle pas uniquement de work package, mais on détermine ce qu'il y a dedans. On ne parle pas uniquement de délai de livraison, mais on dit, si on a un problème, on l'adresse vraiment. Enfin voilà, je suis prêt à parler.
- Speaker #1
On a souvent beaucoup d'idées, beaucoup de... Projet, comment faire en sorte que les projets qu'on mène soient en ligne avec la stratégie d'entreprise ? Parce que ce que je vois souvent, c'est qu'on a souvent beaucoup de projets qui sont tous prioritaires et au final, on n'a pas forcément les bonnes ressources ou on pêche à vouloir en faire trop. Et les choses qui sont réellement clés ont tendance à ne pas forcément avancer comme il le faudrait.
- Speaker #0
Oui, complètement. Donc, il y a trois facettes dans ce que tu dis là. La première facette la plus proche du projet, c'est je pense qu'il faut former des chefs de projet au management. Alors ça fait partie intégrante de leur job. Beaucoup pensent que ce n'est pas un problème. C'est un problème. Il faut former les gens au management parce que gérer une équipe, ce n'est pas intuitif, c'est un métier. Ce n'est pas parce qu'on était bon dans son job en informatique par exemple et qu'on a été promu chef de projet qu'on sait être chef de projet. Ce n'est pas le même métier.
- Speaker #1
On est d'accord.
- Speaker #0
Comme c'est un autre métier, d'abord, il faut former les gens au management. C'est-à-dire qu'il y a un problème, on a tendance à prendre quelqu'un qui est bon dans son métier et à lui faire faire autre chose. Quelqu'un qui est bon dans son job, lui faire faire autre chose, peut-être qu'il le fera bien s'il est formé. Mais le management, ça ne veut pas dire être chef, ça veut dire être manager. Et être manager, c'est une compétence spécifique, il faut y être formé, c'est la première chose. Le deuxième niveau de ça, c'est qu'on a tendance à déléguer aux outils. Et là, on fait une erreur. On a tendance à penser que parce qu'on a les bons outils, ça va se passer comme il faut. Il y a eu énormément de progrès sur les outils de gestion de projet depuis quelques années, énormément. Et maintenant, il y a des outils où on peut visualiser les workflows. On peut vraiment faire beaucoup de choses. Ce n'est pas parce que les outils sont bien que les gens sont capables de travailler dedans.
- Speaker #1
On est tout à fait d'accord là-dessus.
- Speaker #0
On a eu l'objet de l'avenir il y a une quinzaine d'années où l'outil qui avait été choisi, c'était Lotus. Et Lotus, c'était un cauchemar pour toutes les personnes qui travaillaient dans les projets. Il ne faut pas déléguer à l'outil. Ce n'est pas parce qu'il y a un outil. que les gens vont bien travailler dans l'outil. Il ne faut pas oublier que derrière l'outil, il y a des gens. Donc, la technologie ne doit pas prendre le pas. Ce qui prend le pas, c'est l'usage de la technologie. On ne choisit pas un outil parce qu'il est bon. On choisit un outil parce qu'il est adapté à ce qu'on veut faire. C'est la première chose. Et la deuxième chose, on forme les gens à l'outil. Les gens ne vont pas utiliser l'outil correctement parce que leurs camarades l'utilisent. Ils vont l'utiliser correctement parce qu'on leur a appris à l'utiliser. Donc, c'est la deuxième chose. Les outils sont structurants. Il ne faut pas choisir n'importe lesquels, il faut former les gens. Ça, c'est le deuxième point. Et le troisième point ensuite, il faut qu'il y ait dans un projet des liens avec la direction ou si on est au niveau business, avec la direction des activités, et si on est au niveau corporate, avec la direction générale, il faut que le projet, donc le chef de projet et l'équipe projet, se sentent incluses dans un projet plus global. qui est poussé par l'entreprise. Il ne faut pas avoir l'impression qu'on est une sorte d'ex-croissance ou qu'on est une sorte de groupe d'individus atypiques. Non, non, on fait partie de l'équipe. Et on contribue à ce tout. On contribue à faire avancer ce tout. Voilà, ça, c'est le troisième point. C'est ce qu'on appelle typiquement l'alignement stratégique.
- Speaker #1
Ça fait de la transition avec ma question suivante. Quelles implications les dirigeants doivent-ils mettre dans la réalisation des projets ? À quel point doivent-ils s'impliquer ? Parce que dans certains cas, on a des structures où on revient un peu à la boîte noire. Il faut faire ça, démerde-toi et je ne vais pas en entendre parler d'une certaine manière. Oui,
- Speaker #0
alors là, il y a deux dimensions, bottom-up et top-down. Bon, alors très souvent, il y a énormément d'entreprises qui sont gérées de manière top-down. Les dirigeants, donc le dirigeant ou les dirigeants plus le board décident et c'est exécuté. C'est ça la montée. Bon, ça c'est une erreur dans une structure en mode projet. C'est une erreur la plupart du temps, mais aujourd'hui on parle de mode projet. C'est une erreur. Il faut qu'il y ait au moins une présentation annuelle de la direction générale aux équipes sur ce qui est fait. Et il faut expliquer en quoi contribue chacune des fibres de l'entreprise à l'objectif qui est ciblé. Si le but c'est de devenir leader sur un marché, il faut expliquer en quoi les projets développés, les départements, le service marketing, le service communication contribuent à la réalisation de ce projet. Donc ça, c'est important pour les équipes, parce qu'elles comprennent qu'elles contribuent, et c'est important pour tous les gens qui sont en dehors des équipes pour qu'ils comprennent à quoi chacun contribue. Donc ça, c'est la partie top-down. Il faut qu'elle ne soit pas brutale, mais il faut qu'elle soit en harmonie avec les équipes. Ensuite, il y a une logique bottom-up, qui est chacune des équipes... par leurs actions, elles contribuent à changer un peu la stratégie. Parce qu'en fait, un projet qui a été designé, il ne se déroule jamais exactement comme on a prévu. Et c'est normal, par la fabrication d'un logiciel, par exemple, ou par la conception d'un plan marketing, ou par la réalisation des personnages, on change au fur et à mesure où on agit. Ça conduit à modifier notre point de vue. Chacune des actions d'exécution change notre façon de voir les choses. Cette façon de voir les choses ne doit pas rentrer en conflit avec la stratégie. Elle doit contribuer à la stratégie. Si le projet met en évidence qu'en fait, le marché n'est pas tout à fait comme on avait prévu, eh bien ça, c'est une information très importante qui doit être remontée à la direction. Ça veut donc dire que s'il n'y a pas d'organes, ce qu'on appelle les outils de captation, s'il n'y a pas d'organes qui captent l'information au niveau bottom et qui le remontent, eh bien globalement, on va arriver à quoi ? On lance pas mal de projets. au fur et à mesure de la révolution, ils se désynchronisent de la stratégie générale et on arrive à des crashes. Et ça, c'est classique. Donc, la synchronisation des projets avec la stratégie corporate, c'est absolument fondamental. Et donc, il y a une dimension bottom-up et une dimension top-down.
- Speaker #1
Donc, il faut arriver à ce que les informations importantes remontent bien au niveau supérieur.
- Speaker #0
Remontent, mais il faut qu'il y ait un outil pour les stocker, les analyser et les diffuser. Remonter par la parole, etc., ça ne sert à rien en fait. Il faut pouvoir en parler. Il faut qu'il y ait des lieux de conversation. de ça. Et je ne dis pas qu'il faut multiplier les réunions, mais il faut qu'il y ait des lieux où on parle, où on traite l'information qui remonte. Parce que si on ne la traite pas, les gens vous disent on est au courant, mais on n'en fait rien, on ne change rien et on continue à être désynchronisé
- Speaker #1
On commence à avoir pas mal fait le tour. Je ne sais pas si tu as une question que je n'aurais pas posée à ce sujet, des choses que tu veux rajouter ?
- Speaker #0
Non, il y a... Il y a l'enjeu, il y a la question de la taille des entreprises. Juste un point comme ça. On parle assez peu des projets qui sont conduits par des individus seuls qui montent une entreprise. Il y a beaucoup d'entreprises qui sont conduites originellement par une personne. Amazon, à l'origine, c'est quoi ? Bezos, je crois qu'il était analyste financier dans une banque, ou il était trader, il travaillait dans la finance. Et il est tombé par hasard sur une statistique de croissance de vente en ligne. Et par hasard, il est tombé sur une stat. où la vente en ligne augmentait de plus de 2000%. Et il en parle à tous ses potes, tous ses collègues autour de lui, et personne n'a vu le truc. Il dit, mais ce n'est quand même pas possible, il n'y a que moi qui l'ai vu, ça. Et il se renseigne, il se rend compte que ça explose et que personne ne l'a vu, et il se rend compte qu'en fait, on peut vendre des choses en ligne, seul, mais qu'il y a des problèmes de relations clients. Donc, il décide de vendre le truc qui s'abîme le moins. qui voyage et qui s'emballe le plus facilement des livres. Un livre, c'est rectangulaire, ça s'emballe facilement, ça voyage facilement et ça s'abîme rarement, donc je n'ai pas de service client. Et il a monté la boîte tout seul. Je trouve qu'on parle trop peu des gens qui créent des entreprises seuls parce que ces gens qui créent des entreprises seuls et qui créent des projets donc seuls, ces gens-là, quand ils réussissent, ils créent de l'emploi et ils produisent des dynamiques. Et je trouve qu'on oublie trop souvent quand on parle de gestion de projet, on oublie trop souvent les… Je ne sais pas quel est le terme dans le domaine de la gestion de projet, projet universel, projet individuel, je ne sais pas. Le terme marketing, c'est solopreneur. Je ne sais pas, mais je trouve qu'on n'en parle pas assez, je trouve qu'on devrait en parler plus. Voilà, c'était juste la petite pousse finale sur le fait qu'on sous-estime les gens qui travaillent seuls et qui produisent beaucoup de valeur et qui conduisent des projets donc seuls.
- Speaker #1
Oui, il y en a beaucoup.
- Speaker #0
Il y en a énormément. Il suffit de passer trois minutes sur LinkedIn et on est assaillis. Il y a aussi l'horreur de la bélère, bien sûr. Mais j'en parle souvent, ces choses-là, sur LinkedIn, parce qu'en fait, ce sont des sujets qu'on aborde assez peu.
- Speaker #1
Mais oui, c'est sûr qu'un bon nombre de projets peuvent se faire seuls, surtout dans l'entrepreneuriat, où on commence souvent seul. Oui,
- Speaker #0
complètement. On commence parfois seul, ou alors... à 3 ou 4 sur des projets individuels et on cède, mais on est chacun sur son projet. Et la classe sur une entreprise, c'est un projet, avec plein de choses qu'on aime et plein de choses qu'on n'aime pas. Et oui, c'est un projet. Et je trouve qu'on sous-estime, on parle souvent des très grandes entreprises organisées en mode projet, des projets dans les grandes entreprises. D'ailleurs, j'ai parlé d'architecture et de logiciel, mais on parle trop peu des gens qui créent des boîtes seules. Donc voilà, la touche finale.
- Speaker #1
Très bien. Merci beaucoup en tout cas. Je pense que c'était très intéressant et que ça donne une autre vision des projets plus sous l'œil des dirigeants et de la stratégie d'entreprise.
- Speaker #0
C'est la vision strateuse. Merci de ton invitation Tanguy, j'étais très touché. J'espère que tes auditeurs auront du plaisir à écouter ce podcast.
- Speaker #1
J'espère aussi.
- Speaker #0
Et nous allons continuer la conversation sur LinkedIn.
- Speaker #1
Voilà, on pourra continuer sur LinkedIn la conversation autour de ce sujet. de l'interaction des projets et de la stratégie des entreprises.
- Speaker #0
Merci infiniment.
- Speaker #1
Encore merci Jean-Philippe d'avoir partagé ta vision de la stratégie et de la manière dont les projets doivent y contribuer. J'espère que cela vous permettra d'acquérir un visement plus global de vos projets et de leur place dans votre organisation, et que, par la même occasion, cela convaincra les dirigeants qui nous écoutent de l'importance d'avoir des chefs de projet formés et efficaces. Vous avez des questions ? D'autres conseils pour aligner stratégie et projet ? On se retrouve sur LinkedIn pour en discuter. Si cet épisode vous a plu, transférez-le à vos collègues et n'oubliez pas de vous abonner à Focus Projet. Bonne journée et à bientôt !