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Forum Européen de Bioéthique

Anxiété, dépression et burn-out. Le mal du siècle?

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1h43 |31/01/2025
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Description

Forum Européen de Bioéthique 2025 : Santé mentale & Bioéthique


Anxiété, dépression et burn-out. Le mal du siècle?


Les pressions professionnelles et personnelles ont atteint des niveaux sans précédent. Les exigences de performance, la culture de l'instantanéité et l'isolement numérique sont autant de facteurs contribuant à l'augmentation des cas d'anxiété, de dépression et de burn-out, causant un problème de santé publique majeur ainsi qu’un challenge médical et social.


Avec :


Sarah Kinzelman, élève du Lycée Général Leclerc de Saverne


Anna Kehren, élève du Lycée Général Leclerc de Saverne


Aurélie Fritsch, Psychologue clinicienne, centre Ellipse et libéral, Formatrice et vacataire unistra


Sandrine Guglielmetti, Médiatrice de santé pair CURe Grand Est Lorraine - CPN Nancy


Patrick Légeron, Psychiatre hospitalier, Auteur du rapport de l’Académie de médecine sur le burn-out, Enseignant à Sciences Po Paris


Sarah Sananès, Pédopsychiatre en psychiatrie périnatale, service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg (Pr Carmen Schröder)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonsoir à ceux qui nous rejoignent dans cette salle de l'Aubette et derrière vos écrans sur le site du Forum européen de bioéthique. Nous entamons notre dernière table ronde de cette première journée avec une table qui s'intitule Anxiété, dépression et burn-out, le mal du siècle ? Et je passe la parole à Aurélien Benoît-Lide pour modérer cette table.

  • Speaker #1

    Merci Maud. Quelques mots. La nédonie, c'est l'incapacité à... Ressentir du plaisir, l'abouli, derrière ce mot qui a l'air un peu drôle se cache en réalité la difficulté ou l'impossibilité à avoir du désir ou de l'envie. La clinophilie, un autre mot barbare qui désigne le fait de rester beaucoup en position allongée. La tristesse de l'humeur. La rumination anxieuse, les idées noires, voilà un peu quels étaient les items que j'avais retenus en préparant l'internat pour définir ce qu'est cette espèce de monstre hideux qu'on appelle la dépression. Et qui est en réalité un phénomène qui est connu depuis déjà longtemps. C'était déjà décrit dans le langage médical au 18e siècle. L'hypocrate lui-même l'avait. décrit parmi les troubles mentaux, sans utiliser forcément cette terminologie. Selon l'Organisation mondiale de la santé, la dépression est aujourd'hui la deuxième cause de handicap. Elle se situerait au quatrième rang des maladies en termes de coûts financiers. Ce serait plus de 350 millions de personnes dans le monde chaque année, et en France, selon les études, cela diverge, mais parfois jusqu'à 11% de la population française. C'est dire si oui, effectivement, la dépression, l'anxiété et sa petite sœur, le burn-out, sont des mots qui ont tendance à se développer. Peut-être les observe-t-on davantage, on écoutera ce que nos spécialistes ont à en dire. Mais je crois que le point d'interrogation, il est justifié parce que malheureusement, beaucoup de mots nous agitent. au cours de ce siècle, mais sans nul doute, la dépression, l'anxiété, le burn-out est l'un d'entre eux. On fera également un focus un peu plus particulier sur des populations plus fragiles. On sait par exemple que chez les jeunes... notamment entre 12 et 25 ans, entre 2019 et 2022, on a observé une progression de 60% de la consommation d'antidépresseurs. D'autres populations plus fragiles, les femmes enceintes, le postpartum, les personnes âgées, les personnes isolées sont également davantage touchées. Les causes de cette augmentation de la souffrance globale peuvent être les différentes crises qui nous ont agitées. Crise sanitaire, on en a parlé à l'instant avec cette anxiété vis-à-vis de la crise climatique. Crise sanitaire aussi par rapport au Covid dont on sait qu'il a eu des répercussions tout à fait tragiques, notamment sur les populations les plus jeunes. Crise internationale, crise politique, crise économique et j'en passe. On abordera également la question des différentes prises en charge, qu'elles soient médicamenteuses ou non médicamenteuses. Pour ce faire, nous aurons l'occasion d'écouter ce soir Aurélie Fritsch, qui est psychologue clinicienne. Ensuite, nous écouterons Sandrine Gouglielmiti. qui est médiatrice de santé, puis Sarah Salanès, qui est pédopsychiatre, et Patrick Légeron, qui est psychiatre. Mais avant de leur donner la parole, on a convié, et c'est une habitude au Forum européen de bioéthique, qu'on essaye d'accentuer chaque année, même si ce n'est pas toujours très simple. Nous avons la chance d'accueillir aujourd'hui deux élèves du lycée général Leclerc de Saverne, Sarah Kinselman et Anna Keren. On va bien entendu leur laisser la parole, et je trouve que c'est toujours très important. d'écouter les plus jeunes, notamment sur les questions de santé mentale, où finalement cette nouvelle génération, qu'on appelle aussi la génération Z, a des choses à nous apprendre. Parce que figurez-vous qu'en termes de santé mentale, ils ont parfois l'esprit beaucoup plus ouvert que la génération du dessus. Et il n'est pas rare que dans les cours de récréation ou à l'extérieur du lycée, les jeunes puissent discuter entre eux de manière plus aisée que nous le faisions à leur époque. Aussi parce que le milieu artistique, on se souvient de Stromae, mais il y en a d'autres aussi, qui évoquent plus légèrement et plus facilement les problèmes de santé mentale. Donc je vais vous laisser la parole. On est très heureux de vous accueillir au Forum. Je sais que vous avez travaillé avec vos professeurs, avec l'ensemble des élèves, qu'on aura probablement l'occasion d'écouter dans les questions du public. Merci d'être venu à nous. Je vous laisse la parole.

  • Speaker #2

    Merci à vous. Merci à vous de donner la parole des jeunes et merci de nous écouter ce soir. On vient du lycée de Saverne. Le lycée Leclerc, c'est un lycée dynamique, toujours plein de projets. Donc c'est super pour les jeunes, ça permet d'exprimer notre créativité et de permettre de nous développer dans des meilleures conditions.

  • Speaker #3

    Nous sommes Anna et Sarah, mais aussi tous les terminales du lycée Leclerc. Donc nous sommes des sections euro et des habit-bac, qui nous donnent une ouverture sur le monde, sur les langues et sur les sujets qui peuvent être plus tabous, comme l'anxiété, la dépression ou encore le burn-out. Donc on a essayé de résumer ça en une espèce de synthèse qu'on va vous présenter aujourd'hui sous trois différentes parties. Tout d'abord le Covid, puis ensuite la pression que peuvent avoir les notes et les cours, et puis ensuite l'isolement numérique.

  • Speaker #2

    En effet, on va commencer par le Covid-19 parce qu'on a remarqué dans notre classe que c'était un réel élément de fracture. C'est à ce moment-là que beaucoup de gens ont commencé à sombrer dans ce qu'on appelle l'anxiété. En cinquième, quatrième, c'est là qu'on a eu les confinements. les plus gros, celui de mai. Et pourtant, c'est un moment où les jeunes, on est censé être dans la sociabilité avec les amis. C'est là qu'on est censé se détacher de notre famille. Et pourtant, on est tous enfermés ensemble, c'est là qu'on a vu le plus nos parents. C'est donc une fracture, un mauvais développement. On a été complètement bouleversés. Et même si aujourd'hui le confinement nous paraît loin, on voit qu'il y a encore des restes. Comme par exemple le début de l'isolement. En effet, les réseaux sociaux ont pris une grande place pendant cette période, car c'est les seuls échanges qu'on avait avec l'extérieur. C'est aussi l'explosion des médias, avec l'exposition non-stop des réseaux sociaux.

  • Speaker #3

    On a pu remarquer plusieurs conséquences du Covid. Tout d'abord, il y a la peur de sortir en public, de retrouver une vie normale, revoir des gens, ou retourner même au lycée. Certains ont développé ce qu'on appelle des phobies scolaires. Nous avons vu que reprendre une vie sociale... était nettement plus compliqué qu'avant, retrouver la normalité. Avec l'augmentation des réseaux sociaux, on a aussi vu une augmentation des cas de troubles du comportement alimentaire qui se sont développés chez les jeunes pendant le confinement, mais c'était des habitudes qui étaient déjà présentes bien avant.

  • Speaker #2

    L'anxiété est aussi créée par l'exigence, les performances et les pressions auxquelles on est exposé toute l'année. En effet, le rythme scolaire est très soutenu. avec des trimestres qui nous imposent des résultats fréquents. Dès le réveil, on cherche à devenir la perfection qu'on veut être. En effet, on veut construire une image parfaite et la renvoyer aux autres. On est occupé en permanence à créer et à produire le meilleur de nous-mêmes. Surtout en terminale, où on est exactement dans une vie charnière. On est entre l'adolescence et entre la vie adulte. C'est très compliqué de trouver l'équilibre. On se demande si on va partir avec nos parents pendant les vacances ou si on va devoir faire des recherches d'appartement pour nos prochaines études. De plus, le logiciel Parcoursup nous met face à nous-mêmes. C'est un ordinateur. Il nous cherche donc à être parfaits comme des machines, sauf que c'est complètement inhumain. Ce logiciel cherche des élèves surqualifiés. On a peur de ne pas cocher les cases, de ne pas tout remplir. Il faut être engagé, mais aussi avoir des bonnes notes, avoir des activités extrascolaires. Mais où trouve-t-on le temps ? Les attentes et la perfection frôlent la robotique. La pression des cours nous donne cette peur d'être moins bon que l'autre. Parfois, les élèves se mettent à la pression juste pour 0,2 points de moyenne, de frôler le 15 mais ne pas y être, comparer ses notes, être moins bon que la moyenne générale. La pression des parents peut aussi intervenir. L'avenir dépend des notes, on veut pouvoir faire des grandes études. pour avoir un bon CV, on veut pouvoir gagner de l'argent pour avoir une vie confortable. Mais où sont nos passions ? Si on n'a même plus le temps de penser à nous-mêmes, est-ce qu'on va vraiment s'épanouir dans notre vie future ? Enfin, l'excité est aussi liée aux résultats scolaires et ça entraîne beaucoup de conséquences. Comme nous l'avons dit avant, le fait que nos parents, les professeurs, même par cours sub, nous mettent la pression avec les notes, il n'y a plus de rupture entre le lycée et la vie personnelle. Cela entraîne du manque de sommeil, voire même des insomnies, et donc baisse la productivité des élèves en classe. On rentre alors dans une boucle infernale. La concentration est difficile. On perd nos moyens lors des examens, on n'arrive plus à se concentrer et ça entraîne des mauvaises notes. Cela peut nous décevoir, peut décevoir notre famille et entraîne un sentiment de culpabilité. On entre dans une véritable boucle, un cercle qui se répète peu à peu.

  • Speaker #3

    Cette boucle infernale, elle peut être accentuée via les réseaux sociaux, donc l'isolement numérique, parce qu'on voit qu'il y a une omniprésence de nos jours pour les jeunes. et même en règle générale, donc ça impacte notre vie, notre quotidien et ça prend toute la place autour de nous. Ça nous coupe de la réalité et donc certains peuvent ressentir ce sentiment de solitude malgré le trop d'informations qu'on voit sur les réseaux, sur les médias, ce trop plein peut créer de l'angoisse. De plus, ne pas savoir s'ennuyer est devenu un vrai problème chez les jeunes. On a peur du silence, on a peur de ne rien faire, on a peur de ne... de ne pas être occupé en permanence par de la musique, des séries, des amis. De plus, sur les réseaux sociaux, on voit beaucoup de cyberharcèlement qui sont la continuité d'un harcèlement déjà présent au lycée et donc qui renforce cette peur du public, cette peur de parler, de prendre la parole, cette angoisse qu'on peut tous ressentir. Toute cette perte de contrôle, ça nous emmène dans un cercle vicieux, des pensées bicyclettes redondantes. qui reviennent, qui reviennent. Il y a la comparaison. La comparaison face aux gens qu'on en vit sur les réseaux sociaux. Cet idéal qui n'est pas accessible parce que les réseaux ne sont pas la réalité. Mais c'est très compliqué de l'accepter. Il y a aussi la comparaison qu'on peut faire de corps à corps en voyant quelqu'un qui paraît plus beau mais en fait qui est peut-être retouché sous un meilleur angle, peut-être même fait de plastique. Tout cela renforce un sentiment d'échec qu'on peut recevoir. de ne pas être assez, d'être de trop. De plus, l'amplification du mal-être peut être due aux réseaux sociaux, car on voit en permanence des gens qui sont mal. C'est bien de prendre la parole sur ces choses-là, mais en voir en permanence peut amplifier cet aspect qu'on peut ressentir. Donc l'anxiété est mise en avant et peut mener à des cas de dépression. Donc une grande perte de motivation, un sentiment de vide. qui nous prend au quotidien, des difficultés très compliquées à effectuer des tâches au quotidien qui peuvent paraître très banales pour tout le monde, des sentiments d'autodestruction. Et tout cela peut mener à des troubles du comportement alimentaire une nouvelle fois, des crises d'angoisse qui sont très présentes au lycée, qu'on voit, qu'on certains ont déjà expériencé, ainsi que des troubles du sommeil. On voit que beaucoup ne dorment plus. Tandis que c'est quelque chose de très très important pour notre vie au lycée. Donc on rentre vraiment dans ce cycle infernal qui s'auto-alimente avec tous les facteurs qu'on vient de voir.

  • Speaker #2

    Notre classe a quand même conclu qu'on pouvait aussi se rattacher aux vraies choses. De plus en plus, les gens commencent, nos élèves commencent à faire du coloriage, du tricot, à se rattacher à des activités manuelles qui commençaient peu à peu à disparaître. Peut-être sommes-nous déjà dans une bascule où on essaye de lutter contre toute cette anxiété. On peut aussi se rattacher... à nos amis en faisant des vraies sorties et créant des vrais mouvements. Nous espérons aujourd'hui pouvoir trouver des solutions et nous sommes ravis de pouvoir discuter avec des spécialistes.

  • Speaker #1

    Merci Sarah, merci Anna pour ce constat qui... qui est quand même douloureux, entendre parler de productivité, de pression, de sentiments d'échec. Il faudrait faire intervenir Elon Musk avec son ministère de l'efficacité et de la productivité. C'est vraiment des mots qu'on n'a pas l'habitude d'entendre dans la bouche d'un lycéen, dans la bouche d'une lycéenne, dans la bouche d'un collégien ou d'une collégienne. Et je pense que ça nous remet tous un peu en question sur notre mode de vie et sur les choses qu'il va falloir peut-être envisager et changer. Je vais laisser maintenant la parole à... Aurélie Fritsch, psychologue clinicienne au Centre Ellipse et en Libéral et qui est également formatrice et vacataire à l'Unistra à l'Université de Strasbourg. Aurélie, on te laisse la parole.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup, bonjour à toutes et à tous, et merci de me donner l'opportunité de m'exprimer. Alors, on m'avait dit commis sur des lèvres, attendez, voilà, est-ce que ça va mieux ? Je crois que oui. Il semble bien, effectivement, que l'anxiété, la dépression et le burn-out concernent de plus en plus de gens. Les statistiques, et surtout ce que nous constatons avec les patients, indiquent que de plus en plus de personnes ressentent qu'il est difficile de vivre une vie paisible et cohérente, riche et pleine d'amour. Ça peut sembler un comble, tant on peut avoir l'impression d'évoluer justement dans des contextes qui nous offrent l'inimaginable en matière de confort et de résolution de problèmes, de possibilités et de choix. Nous savons depuis longtemps que la santé est bien plus que l'absence de maladie et cela vaut aussi et surtout en matière de santé mentale. Nous savons aussi que l'humain a besoin de plus que du confort matériel pour s'épanouir, et qu'il a des besoins spécifiques. Ces constats nous amènent à nous poser des questions à la fois simples et ambitieuses. Qu'est-ce que signifie être épanoui ? Qu'est-ce qui permet aux êtres humains de fonctionner idéalement au long cours ? A quels facteurs sociétaux sont liés cette augmentation de la souffrance psychologique, alors que nos quotidiens semblent globalement plus confortables, sur certains points ? que ceux de nos grands-parents. Dans des mondes de plus en plus sophistiqués et complexes, en perpétuelle mutation, il convient peut-être de réfléchir comme jamais aux implications à long terme de ces changements sur notre santé mentale et plus largement l'adaptation de notre espèce. Nous savons bien que le développement psychologique de l'enfant, qui devient de plus en plus sophistiqué en intégrant progressivement le sens de l'identité personnelle, Et la notion des représentations va permettre à la fois des prodiges en matière de raisonnement et d'apprentissage, mais aussi l'accès VIP définitif à une forme de souffrance plus sophistiquée, a priori réservée aux humains, comme la honte, la culpabilité et le sentiment de perte de sens. Est-ce que nos sociétés stimulantes au fonctionnement de plus en plus abstrait, centrées sur la réalisation de soi, la recherche du bien-être, L'optimisation et la résolution de problèmes pourraient induire davantage de possibilités de souffrance émotionnelle alors qu'on ne l'avait même pas vu venir ? Il semble que oui. Il y a eu un effet crise sanitaire sur notre prise de conscience des enjeux spécifiques à la santé mentale des humains. Notre façon de gérer cette crise sur le plan sociétal nous a permis de comprendre qu'un contexte qui entrave la réalisation de certains besoins essentiels à notre santé mentale, favorise le stress prolongé et a des conséquences durables sur les êtres humains qui ne sont pas des mammifères comme les autres. Les méta-analyses, elles aussi sophistiquées, existent dans le contexte de la psychologie dite scientifique et les chercheurs analysent les spécificités des êtres humains et des besoins humains. Ces recherches renvoient à des tentatives de cerner ce qui explique bien-être et souffrance psychologique. et pourraient être davantage connues et prises en compte dans nos sociétés, surtout lorsqu'on en constate une augmentation. Les recherches sur l'attachement, les besoins psychosociaux, la motivation, le bonheur, la satisfaction de vie et la personnalité des êtres humains ont donné lieu à des repères que je vais chercher à résumer ici. L'humain en bonne santé psychologique est celui qui rencontrera, tout d'abord, des contextes lui permettant de nourrir ses besoins innés. Il est précablé pour interagir et partager des moments d'accordage bienveillant si possible et d'interaction avec des figures stables. Il fait des liens car l'environnement est suffisamment structuré pour lui permettre d'en faire. Il s'attend petit à petit à ce qui va se passer et à l'occasion de se rendre compte qu'il est capable de résoudre des problèmes. Ses besoins se combinent alors pour donner lieu à d'autres plus subtils et complexes comme le besoin de confiance au travers de relations sociales positives et prédictibles Le besoin de contrôle au travers de situations où je vais pouvoir, moi, prévoir la bonne façon d'utiliser mes compétences. Le besoin d'estime de soi dans des situations où je vais pouvoir me sentir à la fois accepté et considéré pour mes compétences. Ce type d'expérience optimale vont petit à petit développer l'accès aux superbes besoins, le besoin de cohérence interne, qui renvoie au fait d'avoir un sentiment d'identité plutôt stable et cohérent avec le réel. Je sais qui je suis et les autres voient à peu près la même chose. Et également d'avoir accès à la question du sens, en lien avec la construction de représentation, à propos de comment le monde devrait fonctionner. Je sais ce qui compte dans la vie. C'est ce que l'on appelle avoir une construction de personnalité optimale. Et nous savons que ce socle nous aidera à continuer de développer des expériences fonctionnelles. Les recherches nous disent que l'humain heureux de la vie qu'il a vécue, au sens de la satisfaction profonde, n'est pas celui qui a eu la vie la plus confortable, la plus riche, la plus inspirante sur les réseaux sociaux, mais celui qui a la sensation d'avoir judicieusement, et peut-être surtout raisonnablement, pris soin des différents besoins que je viens de citer. Mais ça ne suffit pas. L'humain, pour rester en bonne santé psychique, devra continuer par la suite à s'occuper de tout ça et à nourrir ses besoins de façon équilibrée. S'il en nourrit certains au détriment d'autres, cela impactera son épanouissement. Pour cela, il devra rester flexible. Plusieurs choses l'y aideront. Être capable de ne rien faire de spécial et de savourer le moment présent. Ne pas trop se laisser embarquer dans les pensées qui ajoutent facilement du désespoir à la douleur. Être capable de tolérer des expériences inconfortables sans en faire systématiquement un problème à résoudre, avoir une relation paisible avec son égo, savoir ce qui compte vraiment et pouvoir agir dans cette direction. C'est ce que l'état des connaissances appelle la flexibilité psychologique, un ensemble de compétences qui nous permet d'accepter les expériences inconfortables, surtout si elles coïncident avec des actions qui nourrissent ce qui compte vraiment pour nous dans la vie. Les recherches dans ce domaine nous disent que le trop est souvent l'ennemi du bien en psychologie et que la majorité des troubles psychologiques peut être mis en lien avec une recherche d'évitement et de contrôle des expériences inconfortables. On peut se demander si notre société est au courant de cet aspect ou si au contraire elle nourrit l'illusion qu'augmenter le niveau de confort et de rentabilité est toujours une bonne idée. Il est en effet assez adapté de porter attention à son alimentation, bien sûr. Il est assez adapté de prendre en compte son bilan carbone. Il est même plutôt adapté de chercher à faire une bonne impression sur les autres. Mais chacun de ces comportements peut également devenir un problème et un authentique trouble psychologique si nous lui donnons trop de place, si nous en faisons une règle de contrôle et de réussite absolue. Il est possible que l'augmentation de la souffrance psychologique soit le symptôme de contextes sociétaux de moins en moins respectueux et propice à la satisfaction raisonnable et équilibrer de nos besoins de base. Comment ressentir le sens de mon investissement professionnel quand je subis des plannings qui malmènent ma vie de famille et quand les nouveaux arrivés sont traités avec plus d'égard dans mon service ? Comment continuer à fournir des efforts pour remplir ce tableur sur cette fameuse plateforme s'il me donne l'impression que le monde n'a pas besoin de moi et que certains accèdent sans effort à ce qu'il y a de plus désirable ? Comment avoir envie de m'investir dans l'avenir si je suis bombardée d'informations contradictoires et anxiogènes qui semblent me dire qu'il est urgent de profiter des plaisirs de la vie avant que tout s'arrête ? Comment construire une relation amoureuse stable si je pense que je dois absolument prioriser la réalisation personnelle de mes aspirations et que je vis le compromis comme une entrave ? Comment développer mes compétences avec les doutes naturels et inconfortables et vivre finalement des expériences de satisfaction ? Quand certaines pensées me disent que ça devrait être plus facile, les innovations induiront de nouveaux changements auxquels il conviendra de s'ajuster. Chaque crise rencontrera nos vulnérabilités, en poussant loin la nécessité d'adaptation pour bon nombre d'entre nous. Il semble essentiel que nous développions une capacité à maintenir des actions équilibrées, surtout bénéfiques à long terme, et connectées à l'essentiel, et que nous résistions ainsi à certaines habitudes confortables et néfastes. à notre épanouissement profond. L'Organisation mondiale de la santé a édité en 2021 un guide en collaboration avec des psychologues et des chercheurs dans le domaine des sciences comportementales et cognitives pour enseigner la flexibilité psychologique dans les contextes humanitaires. Des associations enseignant ces compétences se sont déployées en Sierra Leone à côté des dispositifs plus habituels pour aider la population à trouver la meilleure façon de montrer du respect aux déchets. tout en se protégeant du virus Ebola. Certains professeurs et chercheurs en psychologie parlent de la nécessité de développer une science de l'évolution du fonctionnement humain pour développer des sociétés plus à même de prendre en compte nos vulnérabilités et l'équilibre subtil de nos besoins. Il paraît en effet un peu insouciant que l'on tienne aussi peu compte des conséquences psychiques sur l'humain dans l'organisation et les changements de nos sociétés. Il paraît essentiel que les recherches et les échanges entre les différentes écoles Les différentes disciplines nous aident à comprendre et affiner encore ce qui fait que nous sommes nous, les humains, et à respecter davantage ce qui protège ce que nous avons de plus spécifique et essentiel.

  • Speaker #1

    Merci Aurélie Fritsch. Je vais maintenant laisser la parole à Sandrine Guglielmiti. Vous êtes médiatrice de santé paire au Centre universitaire support de remédiation cognitive et rétablissement du pôle hospitalier universitaire de psychiatrie d'adultes et d'addictologie du Grand Nancy. Vous allez nous expliquer probablement ce qu'est une médiatrice de santé paire. Ce sont de nouvelles formations, ce sont de nouvelles compétences et ce sont pour tous les patients et tous les praticiens de nouvelles cordes à leurs arcs.

  • Speaker #4

    Oui, tout à fait. C'est un nouveau professionnel. de santé au sein des structures sanitaires et médico-sociales et aussi dans le monde associatif. Et moi j'ai choisi de faire cette reconversion à l'aube de mes 50 ans, après une carrière dans le commercial, le marketing, qui m'a apporté beaucoup de stress. Et donc j'ai voulu mettre mon expérience au service des patients, mais aussi des professionnels du soin. Une expérience de vécu douloureux. avec une entrée dans la maladie de façon très progressive et très vicieuse. Donc j'ai envie de démarrer par ça, de vous dire qu'on n'est pas tous égaux face au stress et c'est ce que j'aurais aimé entendre à mes 27 ans lorsque je suis rentrée dans la psychiatrie et ça m'aurait aidé beaucoup à continuer mon chemin, à ne pas me perdre et peut-être à ne pas développer un trouble de l'humeur très tardivement. J'ai eu un diagnostic très tard, à 46 ans, et je considère que j'ai peut-être perdu beaucoup de temps par méconnaissance. J'ai voulu faire de ce parcours douloureux mon métier, et cette expérience, je la mets au service des autres. Un médiateur de santé-père, c'est une personne qui est concernée par un trouble psychique, et qui a un problème psychique. par des problématiques d'addiction ou de précarité et qui réussit à vivre avec, qui arrive à contrôler ses symptômes. Même aujourd'hui, moi j'ai parfois le sentiment que j'ai rêvé des chapitres entiers de ma vie, comme si ça n'avait jamais existé. C'est assez irréel. J'ai fait ce qu'on appelle un chemin de rétablissement et c'est cet espoir-là que je porte auprès des personnes que j'accompagne, mais aussi auprès de mes collègues. C'est important de... que mes collègues aussi portent cet espoir. Je travaille à Nancy, en psychiatrie, dans ce centre-cure, auprès d'une équipe très engagée, très investie. Je pratique ce qu'on appelle la pérédance, qui est une discipline basée sur l'entraide mutuelle. C'est quelque chose de très puissant. On se tire vers le haut quand on se rencontre dans l'expérience, quand on partage notre vécu. Il y a une reconnaissance mutuelle qui est très forte. On se reconnaît dans le vocabulaire et dans l'expérience intime. Et dans mon métier, je pratique la médiation. Ça consiste à accompagner vers le soin en faveur de l'alliance thérapeutique. C'est très important. Et avec mon regard, celui d'une personne qui vit la psychiatrie de l'intérieur, je veille à soutenir le pouvoir d'agir des personnes et je veille à ce que leurs droits... et leur dignité soient respectées et je porte leurs paroles pour qu'ils soient entendus. Voilà, j'ai mon propre prisme. Alors oui, le rétablissement, c'est être dans le contrôle de ses symptômes. On devient expert de son propre trouble et à un moment donné, on arrive à dépasser la stigmatisation. En tout cas, dans la paire aidant, c'est très important ce regard que l'on porte sur l'autre. en le considérant comme une personne et non pas comme une maladie ou le voir au travers de ses symptômes. Et pas plus tard qu'hier, une personne qui est chère à mon cœur, pour revenir un peu sur le sujet, qui est très proche de moi, qui me disait encore je ne sais toujours pas après quoi je cours

  • Speaker #0

    Il a 56 ans, 57 ans,

  • Speaker #1

    épuisé par le travail,

  • Speaker #0

    le stress. Et il m'a dit une parole qui m'a fait chaud au cœur. Il m'a dit finalement, c'est moi le malade, c'est pas toi. Toi, t'as eu un stop, t'as été obligé. C'est ce que je considère aujourd'hui. On est obligé, quand on est concerné par un truc comme ça, de faire un gros travail d'improspection, de faire un travail sur soi. qui nous met parfois en décalage par rapport à la société. Mais finalement, aujourd'hui, j'en fais une force parce que j'arrive à me recentrer sur ce qui est le plus important dans ma vie. Voilà, donc je vais vous raconter un petit peu ce que je partage avec les gens lorsque je rencontre des patients dans mon métier. Ils me disent souvent que c'est la société qui les a rendus malades, avec la difficulté de devoir s'y adapter, avec en plus de cela des traumatismes personnels vécus, des casseroles de vie. Il y a une vraie appréhension quand il s'agit de reprendre une activité professionnelle. Et donc on s'apaise quand on conscientise tout ça, que finalement on n'est pas la folie, parce qu'il y a une représentation quand même autour des maladies psychiques, on n'est pas la folie, mais la société telle qu'elle évolue, et nos casseroles de vie nous ont fisturés quelque part. La société peut rendre fou par ses excès, ses injonctions, et ses exigences aux pseudonormes sociales. En tout cas, c'est ce que l'on croit. On essaie de se détacher de ça. Alors les réseaux sociaux nous amènent à nous comparer. Il n'y a jamais de repos de l'esprit, vraiment. Et quand on écoute des discours, c'est extrêmement culpabilisant. On ne fait pas assez d'enfants, on ne fait pas assez de sport, on n'est pas assez colo, on n'est jamais assez. On peut choisir de ne pas vivre cela, en tout cas en tant que personne concernée par un trouble psychique. On est quand même amené à réfléchir sur nous et on peut être accompagné vers cela en essayant de porter notre attention sur ce qui nous est bénéfique, avec la conscience de notre vulnérabilité, en ne se mentant pas à soi-même avant qu'il ne soit trop tard. Alors le burn-out, oui, maladie du siècle du fait de l'évolution de l'organisation du travail. et du temps qu'on doit partager entre notre vie perso, professionnelle, avec l'idée d'être irréprochable partout. C'est ce que j'ai vécu, c'est ce qui m'a menée, moi, à ma bipolarité. On se retrouve dans des conflits de valeurs. Par exemple, j'ai atterri à l'hôpital. Je n'avais plus envie de souffrir et de voir ce monde. Surtout, j'étais dans un étau. Par l'incapacité de dire que mon travail ne correspondait pas à mes valeurs plutôt que de m'affirmer. Je vendais des appartements, à l'époque, dans lesquels je n'aurais jamais pu vivre. Oui, il faut être fou pour se faire du mal à soi-même. J'étais dans l'incapacité de m'affirmer. Pour la dépression, ça peut être une réponse à une incapacité à s'adapter à un changement de vie, à une perte de repère, une nouvelle organisation du travail, des chocs émotionnels. couplée à une vulnérabilité génétique et un système immunitaire fragile, ce qui était mon cas. J'ai été souvent hospitalisée pour des problèmes somatiques, on ne parle pas du corps, on ne parle jamais du corps. Donc la dépression, le mal du siècle, pas forcément, parce que l'homme a dû gérer des changements d'environnement pendant des siècles et des siècles, et s'y adapter, s'adapter à une nouvelle réalité. Et c'est vrai qu'aujourd'hui le travail fait souffrir. Alors voilà, en tant que personne concernée, on prend conscience que c'est inévitable de faire face à des choses douloureuses, c'est quand même notre destinée. Ce qui se passe dans la société aujourd'hui, c'est qu'on est connecté avec le monde entier, mais pas à soi-même. Le mal de ce siècle ne serait-il pas la perte d'attention à l'autre, qui est tout près de nous, qui est notre réalité, dans notre couple, notre famille, et à soi-même ? Et puis aussi notre façon de communiquer, on ne se rencontre plus, on ne s'écoute plus, ou alors très mal. Il y a des stimuli incessants, le téléphone, les attentes des SMS qui ne viennent pas, du stress, et on gâche du temps disponible à soi et aux autres. Alors moi en tant que médiatrice de santé paire, et en tant que personne concernée, j'ai fait une belle découverte qui m'a un petit peu sauvé la vie, et j'ai pratiqué grâce à une amie qui m'est chère. la méditation comme point d'ancrage apprendre à faire avec des choses qu'on ne peut pas changer j'ai commencé à ressentir mon corps vivant c'est ce que j'ai vécu la prise de conscience que mon coeur battait et que mon corps était fatigué et douloureux et que ce qui était réel c'était le présent et que mes enfants avaient besoin de moi encore un petit peu Le passé n'est plus, l'avenir n'est pas encore, j'ai regoutté au moment simple. C'est un outil très puissant qui m'a permis de me sevrer des anxiolytiques, dont la consommation devenait hallucinante, et sans la possibilité de me confronter à la douleur. Parce qu'on les prend par anticipation de ce qui peut nous blesser, et on ne nous apprend pas suffisamment à faire avec. Et puis, dans mon travail aussi, On axe beaucoup sur les valeurs. Moi aujourd'hui, ce qui me permet de me stabiliser, c'est donc cette méditation, mais aussi d'être toujours en phase avec mes valeurs, pour être le moins possible en décalage avec moi-même, dans un monde qui de toute façon va bouger tout le temps, de manière assez inéluctable. On est obligé de suivre le mouvement. Donc il faut se trouver un point d'ancrage. Ce point d'ancrage, ce sont les valeurs. Choisir son environnement de vie quand on le peut. Alors le Covid, pardon, moi je me suis dit les gens vont prendre conscience, ça me donnait beaucoup d'espoir aussi. Certains ont quand même pris des décisions de changement de vie, c'était très positif tout ça. Et puis ce qui me semble important c'est s'entourer de personnes qui posent un regard positif sur nous. C'est un petit peu le message que j'avais envie de vous transmettre aujourd'hui. Puis c'est ce qu'on porte dans notre structure à Cure, d'accompagner les personnes vers cette gestion de stress qui devrait faire partie intégrante au niveau de la scolarité, au niveau de l'éducation, comment gérer son stress, parce que c'est ce qui peut nous mener à des maladies très invalidantes.

  • Speaker #2

    Merci, c'est un parfait exemple que le soin peut se faire aussi dans l'horizontalité et pas forcément dans la verticalité d'un soignant, d'un soignant avec une patiente ou un patient. Je vais maintenant laisser la parole à Sarah Sananès. Tu es pédopsychiatre en psychiatrie périnatale, service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent du professeur Carmen Schroeder aux hôpitaux universitaires de Strasbourg. Un peu comme la session précédente avec Maya, on aime toujours t'entendre parler des petits-enfants et parfois aussi de la relation avec les parents qui feront probablement l'objet de ton intervention. Là c'est sur des aspects qui sont peut-être plus difficiles. C'est vrai que je pense que la dépression du postpartum est encore très différente du baby blues et c'est quelque chose que je l'ai découvert assez récemment et tout de même très fréquent. Donc on est très content de t'écouter.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup et je remercie les organisateurs de cette invitation parce que c'est un réel plaisir pour moi d'être ici parmi vous et de participer à ces échanges. Alors je vais commencer par rebondir sur les propos de Sarah et Anna qui évoquent des pressions scolaires. On parle aussi, et on en parlera, de la pression professionnelle, personnelle. Je me demande ce qu'on pourrait dire des pressions qui pèsent sur la parentalité. Vous nous avez parlé de parcours sup qui amène à une exigence de performance, une pression supplémentaire. Je crois qu'on peut s'interroger aussi sur les exigences en matière de parentalité. Ces exigences finalement à bien faire grandir les bébés. Alors, je vous partage qu'on peut se demander quels effets ça peut avoir justement sur les bébés, sur leurs parents. Est-ce que les évolutions de société ont des effets sur cette période périnatale ? Et puis, est-ce que je suis psychiatre, pédopsychiatre sur ces troubles ? On l'entend, et c'est le thème de cette table ronde, l'anxiété, la dépression, le burn-out, c'est un enjeu de santé publique. Alors justement... Si on pose le regard en psychiatrie périnatale, qui est le champ dans lequel j'ai la chance d'exercer, la meilleure connaissance de la dépression du postpartum s'est passée par le constat et la preuve qu'il s'agit d'un enjeu majeur de santé publique. Enjeu majeur de santé publique, et tu le disais Aurélien, par la haute fréquence de ces troubles. C'est environ 10 à 20% des femmes qui souffrent de dépression périnatale. Et c'est également le cas de 5 à 10% des hommes. Enjeu majeur de santé publique par ses risques, risques pour le bébé, risques pour les liens, risques pour les parents. Évoquer ses risques, c'est toujours prendre garde, éviter tout causalisme, ça a été évoqué tout à l'heure. Les premiers temps de la vie sont reconnus comme une période sensible du développement, donc la question de ses risques est essentielle à aborder, mais évidemment sans faire des raccourcis causalistes et être réducteur. Et puis enjeu majeur de santé publique du fait d'un risque terrible, le risque de suicide en période périnatale, puisque les enquêtes nationales sur la mortalité maternelle nous indiquent que le suicide est la première cause de décès maternel dans la première année qui suit la naissance. Enjeu majeur de santé publique aussi par les coûts humains, économiques, qui sont engendrés par les troubles psychiatriques en période périnatale. Tout à l'heure, j'ai beaucoup aimé entendre parler du coût de l'inaction. Alors, ces questions de calcul de coût en prévention, cette mise en relation du coût des soins à ce temps-là de la vie en perspective des coûts vie entière. Alors, je vous parle de troubles psychiatriques en période périnatale. Je vais faire un focus parce que c'est plus simple et parce que c'est le plus connu sur la dépression du postpartum. Maternelle, maternelle, mais bien sûr, on le sait, d'autres troubles psychiatriques se déclenchent pour la première fois ou rechutent à ce moment-là de la vie. C'est une période de haute vulnérabilité, période de haute vulnérabilité, période sensible pour les bébés qui arrivent. peut-être des raisons pour moi de me pencher avec autant d'intérêt sur cette période de la vie. La dépression périnatale, donc, c'est un diagnostic clinique qui associe différents symptômes. Tu en as mentionné tout à l'heure. Tu parlais d'anédonie. Alors voilà, cette perte d'intérêt, d'envie, la tristesse, la douleur morale et puis l'épuisement qui est délicat à entendre à ce moment de la vie où il y a bien des raisons d'être fatigué. Quelques signes parmi d'autres. J'aimerais m'arrêter un instant sur la douleur morale qui est associée à la dépression. C'est un symptôme très intense. Quand on entend les expériences vécues, on entend que cette douleur morale est décrite comme une épreuve très intense. Et s'il est très douloureux d'être déprimé à tout moment de la vie, alors que dire de la dépression à un moment de la vie où il est attendu ? de vivre des émotions heureuses. Les patients, les parents en témoignent dans ce moment de la vie où on accueille un bébé. Un parent qui souffre de dépression du postpartum ressent souvent la peur de ne pas arriver à s'occuper de son bébé, de ne pas en être capable. Et on a face à nous des mères et des pères qui ont l'impression de ne pas répondre aux besoins de leur bébé, qui ne s'en sentent pas capables, qui l'expriment. ceux-ci alors même qu'ils prennent le plus souvent soin de leur bébé de manière adéquate. On peut donc se retrouver face à des mères, des pères qui expriment ne pas arriver à faire les soins à leur bébé, mais les assurer dans le même temps. Donc un trouble fréquent, grave, par la douleur morale qu'elle génère, grave par ses risques d'effet, et pourtant... La dépression du postpartum est insuffisamment dépistée, insuffisamment repérée, insuffisamment diagnostiquée, insuffisamment traitée. Alors, il s'agit ici de dépistage. On sait qu'on souffre à l'hôpital de manière générale du manque de moyens. Ça nous a été rappelé tout récemment, dans les derniers jours, par le rapport du Comité national d'éthique. On nous indique que c'est une crise grave, profonde, systémique. Et ces manques marquent également la psychiatrie périnatale, la pédopsychiatrie évidemment, et ça sera abordé je pense dans des tables rondes ultérieures. Mais ces manques marquent aussi les réseaux, les institutions avec lesquelles on œuvre en période périnatale. Et parmi ces difficultés, il y a eu quand même... Par cette prise de conscience récente de l'importance de la prise en compte de la santé mentale en période périnatale, le définancement d'unités, une prise en compte peut-être de sociétés ou politiques, et puis ces financements ont eu lieu. Alors on peut se réjouir, parce que je faisais un tableau un peu son, mais aussi souhaiter que ça se poursuive. Je vous parlais du dépistage, c'est probablement moins de la moitié des femmes qui traversent une dépression du postpartum qui sont diagnostiquées. et une très insuffisante proportion d'entre elles accèdent à des soins adaptés à leur état. Alors voilà, c'est des constats assez difficiles. La dépression périnatale est de ce fait-là un enjeu majeur de santé publique, essentiel à dépister, accompagner, et ça l'est pour les bébés, pour les bébés, les enfants et les adultes qu'ils deviendront, pour les liens entre les bébés et parents, et puis bien sûr pour les parents eux-mêmes. Alors si je parle des bébés ici... indépendamment du fait que je suis pédopsychiatre et que vous aurez entendu, quand on s'occupe de bébés, on a très envie d'en parler, que ce soit en recherche ou en clinique. Mais c'est aussi parce que quand on pense à la santé mentale parentale, on pense les liens entre les bébés et les parents. Et en fait, c'est une façon de penser l'environnement dans lequel les bébés grandissent et se développent. On a parlé de périodes sensibles de développement. Prendre soin de l'environnement affectif des bébés à ce moment-là de la vie, c'est prendre soin des liens. dans lesquelles ils naissent et grandissent. Et c'est donc aussi prendre soin de la santé mentale parentale, c'est aussi prendre soin de cet environnement affectif. Et puis, de toute façon, on est dans un forum sur la santé mentale et je crois que c'est difficile de parler de santé mentale sans parler de construction psychique précoce. Donc, nous y voilà. La table ronde pose la question de savoir si c'est le mal du siècle. Les troubles psychiatriques en période périnatale, ils étaient déjà mentionnés par Louis-Victor Marcé en 1858 dans un traité de la folie des femmes enceintes et des nouvelles accouchées et des nourrices. Et pourtant, c'est une spécialité assez récente, en pleine mutation, en plein développement. Les soins conjoints ont été définis tout récemment dans le Code de santé publique en 2022. La formation spécialisée pour les internes a vu le jour tout récemment aussi cette année universitaire. Alors, c'est une spécialité de l'interaction et on voit que les définitions, les soins se spécifient. Récemment, dans les actions qui ont permis de mieux connaître la période périnatale, il y avait eu cette commission des mille jours, dont on a entendu une des expertes juste avant. Des parents ont été entendus par la commission d'experts et une des difficultés rapportées fréquemment était la solitude. On parlait aussi de cette question des liens de la solitude ou de l'isolement. Et je dois dire que dans les consultations que nous avons auprès des parents qui souffrent de dépression périnatale, c'est quelque chose qui revient très fréquemment. Et puis, c'est d'ailleurs un des axes de soins d'essayer de mobiliser autour de ses parents des ressources affectives et sociales. Alors... On peut aussi en période périnatale s'interroger, est-ce que la fragilisation psychique en période périnatale est liée aux mutations de la société qui ont été évoquées ? Est-ce que ce serait le mal d'une société en mutation ? Est-ce que l'isolement des parents est effectivement plus important qu'avant ? Est-ce que l'évolution des liens dans nos sociétés de manière générale a un impact sur les troubles psychiatriques en période périnatale ? On peut penser ici aux cultures au sein desquelles l'accueil du bébé est un fait collectif, au sein desquelles les bébés et leur mère sont portés par le groupe. Ces sociétés au sein desquelles porter un bébé au monde est une responsabilité collective. On peut penser aussi à ce proverbe selon lequel il faut tout un village pour élever un enfant. Alors quel relais dans nos sociétés qu'à l'accueil des bébés, ces êtres néotènes qui naissent dépendants des adultes qui prendront soin d'eux ? Comment accompagner au plus juste les parents dont la santé mentale se trouble alors qu'ils font face à ce petit être dépendant d'eux, et parfois face au vertige que cette dépendance peut engendrer ? On voit bien qu'à travers cette question de la dépression périnatale, il y a des questions plus sociétales, politiques. Et puis je crois qu'il y a, comme dans toutes les questions qui sont traversées dans ce forum, la question de l'information, la diffusion de l'information. puisque l'information est un axe essentiel de prévention. On dépiste bien que les troubles connus, les troubles qui peuvent être reconnus, qui ne sont donc plus tus, qui ne sont plus tabous. Donc briser le tabou autour de la santé mentale a été une étape cruciale. On a actuellement une information en plein essor, avec des contenus divers sur des supports variés, et dans lesquels les associations d'usagers ont d'ailleurs une place essentielle. C'est précieux, mais ça va poser toutes les questions qui vont... de manière générale avec l'information et la façon dont elle nous parvient avec la sélection de contenus, le risque d'être piégé dans une bulle de filtre et d'être peut-être enfermé au sein d'informations qui sont à risque d'entretenir doute et anxiété. Comment informer sans angoisser ? C'est une question en toile de fond permanente dans nos pratiques de soins, une exigence que je trouve forte, délicate. En tant que clinicien, une tension éthique peut-être entre information et risque de culpabilisation. Comment donc informer les parents sans les culpabiliser ? Comment dépister sans stigmatiser ? Vous en parliez. Comment dire la fréquence sans banaliser ? Utiliser ce terme de dépression sans risquer l'usage d'un terme qui amalgame ou une appellation qui ne dit plus un trouble et un diagnostic clinique. Comment dire l'importance sans effrayer ? Comment évoquer le risque d'impact sur les liens parents-enfants sans terrifier ou être causaliste ? Comment prendre soin sans effracter ? Et puis peut-être également comment accompagner la mise en récit du bébé par la famille lorsque les troubles et les soins s'invitent. Voilà, toutes les questions, quelques-unes des questions que m'a évoquées ce thème, et puis des questions qui traversent nos pratiques cliniques au quotidien en psychiatrie périnatale. Alors, je ne sais pas si la dépression est le mal du siècle. En tout cas, je crois que la dépression périnatale est un enjeu majeur de santé, crucial, un enjeu collectif sûrement, politique peut-être, dans l'intérêt des bébés. Et puis, qui dit mal fut-il du siècle dit remède, alors je voudrais vous partager, et je m'arrêterai. Quelques mots de ce qui peut composer le remède qu'on propose en soins conjoints de psychiatrie périnatale. En soins, on œuvre ensemble, dans les liens, en présence, en équipe, auprès des bébés et de leurs parents. Il s'agit de soins de psychiatrie curatifs pour les parents, attentifs pour les interactions, préventifs pour les bébés. On tente de soutenir des facteurs de protection, dont les soins font partie, protection donc autour des bébés. facteurs de protection qui peuvent, et on l'espère, contrer les risques liés aux facteurs d'adversité lorsqu'ils sont relevés. C'est une affaire d'équipe, c'est une affaire de réflexion sur nos soins pour éviter qu'il ne s'agisse que d'actes de soins. Et puis, je crois que c'est avant tout, on l'a entendu à travers vos témoignages, une affaire d'accueil, d'écoute, accueillir la souffrance, l'écouter, accueillir nos patients, ses bébés et leurs parents. Merci.

  • Speaker #2

    Merci, Sarah. C'est vrai que la terminologie mal du siècle, point d'interrogation, c'est comme mythe ou réalité. Point d'interrogation, c'est des choses qu'on utilise allègrement en bioéthique, mais peut-être dont on essaiera de se passer ultérieurement. Je vais maintenant laisser la parole à Patrick Légeron, qui est psychiatre hospitalier, auteur du rapport de l'Académie de médecine. Sur le burn-out, vous êtes enseignant à Sciences Po Paris, vous êtes également l'auteur de nombreux livres sur le stress au travail, les risques psychosociaux, la peur des autres, la maladie du travail. Donc on a bien compris que la dépression du post-partum n'est pas le baby blues, le burn-out n'est probablement pas le blues du businessman. Qu'est-ce que vous pouvez nous dire de cette entité qu'on connaît finalement assez mal sur le plan médical ?

  • Speaker #3

    Oui, merci d'abord aux organisateurs d'avoir choisi une thématique aussi riche et aussi complexe. Merci de m'avoir invité. Vous parliez du travail maladie, mais c'est Coluche qui disait Le travail est une maladie, la preuve, il y a des médecins du travail Donc, je ne reviendrai pas sur des chiffres évidemment inquiétants, à savoir le problème de la santé mentale. La santé mentale, il faut le reconnaître, c'est le parent pauvre de la médecine. C'est vraiment le parent très pauvre et ce n'est pas les grandes annonces de grandes causes nationales en 2025, comme il y a eu les grandes causes des assises nationales de la psychiatrie en 2021 qui ont quasiment débouché sur rien, sinon de donner quelques consultations de psychologue pour des jeunes. Mais donc le problème de la santé mentale au travail, c'est vraiment en plus le parent pauvre de la santé mentale tout court, c'est-à-dire la santé mentale au travail, il a complètement délaissé. Pourtant, les chiffres sont inquiétants. Une grande étude réalisée par la Fondation de Nikkeur, dont Raphaël Gaillard est le président et qui intervenait hier, et qui a été communiquée au CESE, montre qu'à peu près la moitié des actifs aujourd'hui ne sont pas dans un bien-être mental, au sens de la définition de l'OMS. Je rappelle que le bien-être mental et la définition de la santé mentale de l'OMS, ce n'est pas simplement l'absence de maladie. Les chiffres concernant les troubles... purement pathologiques sont également inquiétants. Le cabinet stimulus, dans une étude aussi, indiquait qu'environ un quart des salariés présentent sans doute des troubles mentaux de type anxio ou dépressif. Et Santé publique France a indiqué, ça a été dit à plusieurs reprises, que l'épidémie de Covid a non seulement augmenté en population générale, mais également chez les salariés et chez les actifs, toutes ces problématiques. Aujourd'hui, la santé mentale au travail est un enjeu considérable. Il faut rappeler aussi, par exemple, que c'est la première cause d'invalidité au travail. C'est la première cause d'invalidité. Et c'est également le deuxième motif, après les problèmes rhumatoïdes, c'est le deuxième motif d'arrêt de maladies de longue durée. Donc, on voit un petit peu l'impact qu'a la santé mentale sur le travail. Alors, on parle beaucoup, et vous avez cité, de maladies du siècle. Chacun s'est amusé à trouver des références anciennes. Moi, j'irai encore plus loin que vous. Dans l'Ancien Testament, alors c'est loin de l'Ancien Testament, dans le Grand Livre des Rois, la grande fatigue du prophète Élie, qui essayait de prêcher dans le désert pour convaincre, s'épuise. Et quand on lit le Livre des Rois, je ne sais pas si c'est votre lecture préférée de l'Ancien Testament, la description qu'on a de la grande fatigue du prophète Élie, c'est un cas de burn-out pour les psychiatres d'aujourd'hui. Alors, le burn-out pose un vrai problème. Parce que d'abord, l'approche médicale est relativement récente, c'est-à-dire que c'est dans les années 70 qu'un Français parle pour la première fois de l'épuisement professionnel et le terme de burn-out est utilisé par un psychiatre américain dans les années 70, Fredenberger. Il est très intéressant d'écrire des jeunes qui travaillent dans des free clinics, c'est-à-dire des cliniques où on accueille des jeunes toxicomanes qui arrivent... battant tout feu tout flamme, excusez-moi ce mauvais jeu de mots, pour aider ces pauvres toxicomanes à s'en sortir et qui s'effondrent, complètement brûlés de l'intérieur. Et d'ailleurs le terme de burn-out est forgé par ce psychiatre américain il y a maintenant plus de 50 ans. Et puis ensuite on a commencé à construire avec des chercheurs dans les années 80 la conception. Aujourd'hui la conception du burn-out c'est pas simplement un épuisement, c'est pour ça que la traduction française en épuisement du burn-out est une traduction Assez erroné, parce que dans un burn-out, il y a non seulement un épuisement physique et psychologique, on ne peut plus rien faire, on ne peut plus se concentrer, le corps et l'esprit ne réagissent plus, mais il y a également une brûlure des émotions, on devient insensible à plein de choses, on ne réagit plus, on devient cynique. Moi, j'ai l'exemple d'une infirmière en burn-out qui m'expliquait, elle travaillait dans un service d'enfants cancéreux, elle me disait que ça ne faisait plus rien, c'était des objets. Elle déshumanisait un petit peu les relations aux autres, le cynisme. la perte d'intérêt, la brûlure des émotions, et puis également le sentiment d'être complètement incapable. Donc c'est intéressant de voir que cette maladie est maintenant un peu mieux codifiée, mais c'est encore un vrai problème parce qu'elle n'est absolument pas reconnue dans aucun manuel de psychiatrie, et l'OMS qui s'est penché plusieurs fois sur la question n'a toujours pas reconnu dans ses dernières classifications la notion de burn-out comme une maladie. C'est juste classé comme un phénomène lié au travail. Et donc c'est extrêmement intéressant de voir que nous avons beaucoup de difficultés. Et ceci dit... Si on entre dans le burn-out, toute la problématique que je voudrais un petit peu élargir de ces troubles anxieux, de ces troubles dépressifs, de ces burn-out, etc., on s'aperçoit finalement qu'il touche un nombre important de salariés. Les derniers chiffres de Santé publique France, qui est notre grand organisme d'épidémiologie de la santé, comme vous le savez, indiquaient qu'on estime à près de 500 000 cas par an de personnes qui tombent malades. mentalement, simplement pas en souffrance, mais dans une vraie pathologie, que ce soit des anxios dépressifs, des anxios purs, des dépressions, des stress post-traumatiques, des choses comme ça, liées au travail. 500 000, c'est donc relativement considérable et je voudrais juste vous soumettre un autre chiffre qui est également à mettre en relation et qui est très perturbant, c'est qu'il y a 1000, seulement 1000 de ces cas qui sont reconnus comme maladies professionnelles, c'est-à-dire qui sont reconnus comme étant causés par le travail. Donc vous voyez, le décalage entre... 500 000 cas reconnus comme étant liés au travail et 1000 seulement qui vont être pris en charge par la branche des maladies professionnelles de l'assurance maladie. Donc on a un véritable problème à ce niveau-là sur lequel je reviendrai un petit peu plus tard. Si on comprend encore mal un petit peu le burn-out, on sait maintenant son mécanisme. Et en fait, le mot a été prononcé plein de fois. Et là, à mon avis, c'est le terme qu'il faudrait utiliser pour le mal du siècle, c'est le mot stress. Le stress, c'est une réaction naturelle que nous avons tous face à une difficulté, que les mammifères ont aussi. Mais c'est le stress qui s'est développé à une vitesse grand V dans nos environnements professionnels. Et aujourd'hui, la conception du burn-out, c'est finalement la dernière phase ultime d'un processus de stress qui se répète dans le temps et dans l'intensité. C'est-à-dire que le stress est une réaction normale. Ensuite, quand il devient excessif, on entre en hyper-stress, c'est-à-dire dans un fonctionnement qui déjà nous alerte. Et puis ensuite, il y a l'effondrement. Et donc l'hyperstress est l'antichambre de la réaction de burnout. Et donc la problématique du stress est une problématique centrale dans la compréhension du burnout. Ce qui est très intéressant...

  • Speaker #0

    C'est que des grands organismes, aussi bien de santé comme l'Organisation mondiale de la santé, mais des organismes aussi comme le travail, le Bureau international du travail, deux grands organismes, comme vous le savez, dépendants de l'ONU, l'un sur la santé, l'autre sur le travail, ont indiqué depuis maintenant une quinzaine d'années que le stress au travail est le premier risque pour la santé des travailleurs. C'est le premier risque. Pendant longtemps, les risques pour la santé au travail, c'était des risques physiques, on pouvait tomber d'une échelle, c'était encore bien sûr des risques biologiques ou... ou chimiques, l'amiante a fait beaucoup parler d'elle, etc. Mais maintenant, c'est le stress. Et c'est quelque chose qui est extrêmement inquiétant. C'est d'autant plus inquiétant que dans des pays comme la France, toutes les enquêtes européennes, j'ai la chance de travailler un peu avec la Commission européenne qui n'est pas loin d'ici, qui se tient des fois, de temps en temps, ici au Parlement, mais à Bruxelles aussi, eh bien, on s'aperçoit que la France est le pays qui a le record au niveau de stress des salariés. Les salariés français sont les plus stressés dans toutes les grandes enquêtes européennes. Et j'aimerais rebondir sur nos deux jeunes lycéennes qui sont là. Le record aussi européen sur le stress des lycéens, c'est nous qui l'avons. Nous avons le double record des résultats les plus médiocres, classement PISA, et les plus stressés. Vous voyez, le résultat est beau. Vous avez à l'opposé, vous avez les Finlandais, les Finlandais, les Finlandais qui sont peu stressés. qui sont peu stressés et qui ont les meilleurs résultats. Et puis vous avez le japonais, qui sont très stressés mais qui ont de bons résultats aussi. En tout cas, nous on est très mauvais et je trouve dans le travail, il y a une grande comparaison avec les lycéens. Donc vous voyez, vous êtes encore au lycée mais quand vous serez au travail, vous recouvrez un petit peu cette notion que vous avez très bien décrite à l'école. Ne vous inquiétez pas, votre parcours est maintenant bien tracé concernant le stress. Alors quand on a dit ça, on a fait un constat important. Et maintenant, il faut comprendre un petit peu quelles sont les sources de stress au travail. Et là, les recherches sont également très développées depuis maintenant une trentaine ou une quarantaine d'années sur qu'est-ce qui stresse au travail, qu'est-ce qui fait qu'on est stressé au travail. Alors évidemment, ce n'est pas le fait qu'on a toujours des environnements pénibles. Par exemple, évidemment, quand on travaille dans des usines avec du bruit relisé germinal, pour comprendre que ce n'était pas un long fleuve tranquille de travailler. Mais aujourd'hui, vous pouvez être stressé en étant dans des beaux bureaux climatisés, avec des plantes vertes, avec une belle cafétéria pour manger à la pause, etc. Non, les causes de stress au travail sont dans deux domaines. D'abord, des organisations du travail qui sont complètement délirantes. Aujourd'hui, la pression... Et vous retrouverez ça aussi dans le milieu du travail. La pression des résultats et de la performance, vous serez jugé avec des objectifs à atteindre. La pression des personnes, les quantités de travail considérables, mais vous avez également des organisations de travail qui, par exemple, vous rendent impossible d'être autonome, c'est-à-dire le manque d'autonomie. Vous avez également des organisations de travail qui vous poussent à, j'allais dire, sacrifier la vie personnelle et la vie professionnelle. Vous avez des organisations de travail qui vous empêchent de vous développer. Vous êtes presque des robots. Ou alors, vous avez des organisations du travail qui vous mettent au placard. Et on est dans un autre concept qui est celui de bore out, c'est-à-dire d'épuisement. Cette fois, sinon plus par une surcharge de travail, mais un épuisement, j'allais dire par ennui, par aucune valeur. On a parlé de l'absence de sens au travail. Et madame, tout à l'heure, indiquait que lorsqu'on vous demande de faire des choses qui sont contre vos propres valeurs, etc., vous avez tout ça. Donc, ce problème d'organisation du travail est un problème central. Il y a un deuxième grand axe. de cause de travail, et la France, là encore, excusez-moi, nous avons beaucoup de record-man dans les statistiques européennes, c'est le management. Le management français est une catastrophe aujourd'hui. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est les rapports européens, c'est l'OCDE aussi, c'est les rapports de l'Agence européenne de santé et de sécurité au travail. Juste un exemple, dans les grandes enquêtes européennes, il y a une question toute simple que vous pouvez vous poser vous-même. Votre manager est-il une source de stress pour vous ? 60% des français répondent oui. En Norvège, ils sont 10%. Avez-vous le sentiment d'être reconnu au travail ? Nous sommes dans les dernières positions. Donc on a un management qui est complètement défaillant, un management qui est plus là pour surveiller, épier. et punir plutôt que d'accompagner, etc. Ce problème du management, c'est un problème majeur qui s'est accru d'ailleurs avec le problème de la Covid, puisque les travailleurs ont été amenés à travailler souvent en télétravail à distance. Et là encore, le télétravail à distance avec des managers relativement défaillants a causé beaucoup de soucis concernant le bien-être des salariés, et d'ailleurs plus globalement. Et là, l'Agence européenne, avant même l'apparition de la Covid, c'est-à-dire en 2019, alertait. sur le risque pour la santé mentale du développement des techniques nouvelles qu'on appelle la digitalisation du travail, le numérique. Le tout début, c'était le télétravail. Aujourd'hui, beaucoup de chercheurs se posent la question de ce qui va devenir avec l'intelligence artificielle. Est-ce que ça va être quelque chose qui va être bon ou pas bon pour la santé mentale ? Pour l'instant, on est tous plus en train de réfléchir à savoir qu'est-ce qui va modifier le travail. On pourrait se poser une question de savoir si ça va être bon ou pas bon pour l'être humain et pas simplement pour le travail. Voilà un petit peu toutes ces facteurs. toutes ces causes de stress. Alors ce qui est la bonne nouvelle quand même, c'est que nous avons des exemples. Moi, j'ai la chance de travailler avec pas mal de pays européens, avec le Québec aussi, qui est un pays, on en parlait tout à l'heure, qui est un pays modèle et facile à comprendre puisqu'il parle notre langue en plus, ou presque. On ne peut pas demander d'aller regarder ce qui se passe en Finlande parce que si vous ne parlez pas le finlandais, et même s'ils traduisent en anglais, au Québec, c'est des bons exemples. On sait ce qu'il faut faire. Il faut faire plusieurs choses. Premièrement, Il faut que les entreprises s'investissent là-dedans. C'est-à-dire que les entreprises doivent complètement avoir des évaluations de ce qu'on appelle les risques psychosociaux. Là encore, dans les grandes enquêtes européennes, la France est quasiment la dernière à avoir des indicateurs, à avoir des données pour piloter, c'est-à-dire quelle est la charge de travail de mes salariés, ont-ils de la reconnaissance, ont-ils de l'autonomie, arrivent-ils à équilibrer vie personnelle, professionnelle ? Quand on va dans les entreprises, comme j'ai la chance de le faire assez fréquemment, et bien on s'aperçoit qu'ils n'ont pas d'indicateurs. Rendez-vous compte, les entreprises ont des indicateurs sur tout, leur stock de marchandises, la performance économique, mais n'ont aucun indicateur sur cette thématique centrale qu'est-ce qu'il y a à dire les risques psychosociaux. Ça, c'est la première chose. La deuxième chose, c'est qu'il faut revisiter complètement les pratiques managériales. Et quand on regarde ce que font les pays d'Europe du Nord, c'est un exemple. Allez faire un tour en Finlande, allez faire un tour en Suède, vous allez voir ce qu'ils appellent le healthy management c'est-à-dire le management sain, de même qu'il y a une nourriture saine qui vous fait du bien. mais qui vous nourrit quand même. Il y a un management sain, c'est-à-dire qui ne fait pas de mal aux individus et qui, en même temps, manage, car il faut quand même manager les équipes. Ce management sain, c'est simple. C'est d'abord l'écoute, l'empathie, la gestion des émotions, la reconnaissance au travail, le soutien, etc. Donc, vous avez ça également à faire pour les entreprises. Les entreprises ont un rôle extraordinairement important là-dedans. Malheureusement, les entreprises ne font pas grand-chose parce que ça ne leur coûte quasiment rien. Les coûts, comme je vous l'ai dit, lorsque les gens s'effondrent au travail, c'est l'assurance maladie, vous et moi, le régime général qui paye, et rarement la caisse d'assurance maladie professionnelle qui, elle, est complètement financée par l'employeur. Ça, c'est le rôle des entreprises. Et là encore, ce n'est pas étonnant lorsqu'on pose un sondage européen. Est-ce que vous avez le sentiment que votre entreprise s'intéresse à votre santé mentale et votre bien-être ? 38% des salariés français disent non, pas du tout. Ils sont que 17%. en Allemagne. Et lorsqu'ils vous disent oui, c'est vrai, ils s'intéressent à mon travail, 55% vous disent oui, une façon superficielle, en ayant installé un baby-food, ou en nous faisant quelques séances de massage le week-end. Donc vous voyez qu'on a une vraie problématique de perception de l'intérêt que portent les entreprises à la santé mentale des salariés. Ça c'est le rôle de l'entreprise. Le deuxième rôle, c'est le rôle de l'État. Là encore, l'État français, les politiques de santé en France mentale, sont complètement désertées. la problématique de la santé mentale au travail, avec plusieurs choses. D'abord, le débat sur les maladies professionnelles, reconnaître comme maladies professionnelles les troubles mentaux, ça a été enterré deux fois par le Parlement, et là, ce n'est pas l'ordre du jour de remettre ça sur le tapis. Parce qu'il faudrait un jour ou non qu'on applique le principe très simple, pollueur égale payeur, c'est-à-dire ceux qui cassent les individus, doivent les réparer financièrement. On a fait ça pour l'environnement, à la table précédente, on parlait de l'environnement, maintenant pollueur et payeur. Il y a 30 ans, une usine polluait une rivière. C'était la collectivité qui réparait. Maintenant, une entreprise pollue une rivière, c'est l'entreprise qui paye. Pollueur égale payeur. Ils n'ont pas simplement 1 000 pris en charge par l'employeur, alors qu'ils sont 500 000. Ça, c'est la première chose. La deuxième chose qu'il faut faire, et ça, c'est une suggestion que commencent à faire certains pays, un peu comme on a fait dans le monde du travail un index de l'égalité homme-femme, c'est-à-dire qu'on a des critères qui permettent de dire, là, une entreprise qui est bien, parce qu'elles s'orientent vers l'égalité hommes-femmes au travail, eh bien, il faudrait un index, j'allais dire, de bien-être au travail. Et ça, c'est important. Et la deuxième chose aussi qu'il faudrait faire, c'est que les pouvoirs publics organisent vraiment des missions interministérielles. Il y a une mission ministérielle sur la psychiatrie, mais il faudrait une mission interministérielle. parce que j'ai été l'objet de plusieurs rapports pour le gouvernement. Je peux vous dire que le ministère du Travail et le ministère de la Santé travaillent complètement séparément, alors que c'est un problème à la fois de santé et de travail. Je voudrais terminer en disant que l'individu aussi doit se protéger. Et l'exemple que vous avez donné vous a montré que vous avez compris qu'il fallait se protéger soi-même. Vous parlez de la gestion du stress. C'est appris dans les écoles finlandaises dès la petite école. Maintenant, nos pouvoirs publics veulent apprendre l'empathie, veulent apprendre la gestion des émotions. Nous devons tous savoir gérer des situations difficiles. Nous devons tous aussi ne pas nous investir de manière excessive au travail. Vous savez, quand on regarde quels sont les gens qui sont effondrés au travail, eh bien, ce ne sont pas les gens qui, en général, surinvestissent. Moi, j'étais l'auteur d'un rapport pour le ministère du Travail après l'affaire de France Télécom. Et puis, on s'aperçoit que les gens qui sont suicidés, on a beaucoup parlé du suicide, mais le nombre considérable de burn-out qu'il y a eu après l'affaire de France Télécom nous montrait que c'était des gens qui étaient surinvestis. Le surinvestissement est dangereux. Donc, il faut apprendre aux gens à ne pas tout mettre ses oeufs dans le même panier. Et en effet, développer des hobbies, des choses comme ça. La pratique de la relaxation, l'activité physique, l'alimentation. Là encore, il y a une éducation sanitaire à faire sur la santé mentale. Où sont les programmes grand public ? Où sont les programmes qui vous expliquent comment se protéger au niveau santé mentale ? On vous explique comment faire pour ne pas avoir un infarctus, le régime, le cholestérol. Il n'y a aucun programme de santé publique sur la santé mentale. Et je voudrais terminer en disant que ces problématiques, et certains l'ont dit avant moi, donc l'inconvénient de passer en dernier, c'est qu'on répète des choses qui ont déjà été dites, c'est qu'il ne s'agit pas simplement d'un problème de santé, c'est un problème économique. Les pays d'Europe du Nord qui ont développé la notion de bien-être au travail, qui ont voulu lutter contre la souffrance psychologique, les troubles mentaux au travail, ont une approche business. Ils m'ont dit that's good for business c'est-à-dire qu'ils ont calculé que 1 euro investi à prévenir ces problèmes au travail, à les gérer, à travailler en amont, à les résilier, eh bien permettait d'éviter d'en perdre 3. Et ça, ça a été dit également tout à l'heure, que c'est l'inaction qui va coûter de plus en plus cher. Et là encore, cette approche business est importante. Aujourd'hui, le dernier rapport publié dans le Financial Times, vous voyez que mes lectures, ce n'est pas que les livres médicaux, le Financial Times m'explique que le problème de la santé mentale au travail, c'est des trillions de dollars. Je ne sais pas si vous savez que ce sont des trillions de dollars, c'est des milliers de milliards. C'est ça le coût dans le monde, et en France, ça n'échappe pas à tout cela. Donc on a des vraies problématiques. Et là encore, à défaut. de s'intéresser aux individus. Je ne suis quand même pas naïf en pensant que les entreprises ne s'intéressent qu'aux individus. On pourrait au moins s'intéresser au business. À une époque, on parle du travail, de la valeur travail, que les gens doivent travailler, etc. On devrait aussi se poser la question non pas simplement de l'emploi, du salaire, ou de l'augmentation du temps de travail, ou de manger à la retraite. On devrait s'interroger sur la question du travail, quelle qualité il a au travail. Et vous savez, ce n'est pas un problème si les Français sont ceux qui perçoivent le travail comme le plus stressant, le plus pénible, etc. Et ce n'est pas non plus quelque chose qui surprend, c'est que c'est les Français qui aussi, on l'a bien vu dans les débats politiques, les disent le plus souvent vivement la retraite. Je m'arrêterai là.

  • Speaker #1

    Merci. Alors, Sarah, Anna, je pense que rassurez-vous un peu quand même. Je pense que vous êtes d'une génération, de ce que j'observe chez les jeunes étudiants, ceux qui arrivent sur le marché du travail. Vous êtes d'une génération qui ne se laisse plus faire et vous posez aussi des exigences. Quand vous arrivez devant un employeur qui recrute, je ne sais pas ce que c'est peut être un pari sur l'avenir, mais en tout cas, cette impression que les choses, que les choses évoluent. Je vais vous laisser réagir à ce qui a été dit avec brièvement, puisqu'après, on va laisser la parole au public avec peut être comme seul point d'ancrage la prise en charge. Et qu'est ce qu'on fait pour les patients anxieux, déprimés avec ? C'est vrai, c'est l'œil du médecin qui parle. Le grand absent de ces débats, ce sont les traitements. la seule fois où on a évoqué les traitements c'était pour dire que c'était difficile d'arrêter le traitement anxiolytique or la consommation de psychotropes d'antidépresseurs, d'anxiolytiques notamment chez les populations les plus jeunes est en pleine explosion donc c'est vrai qu'on n'en a pas du tout parlé et peut-être aussi dire un petit mot sur pas d'espoir si il n'y en a pas mais de dire qu'est-ce qu'on peut proposer aussi pour ces patientes et ces patients-là Aurélie, peut-être on commence.

  • Speaker #2

    Sur les traitements ?

  • Speaker #1

    Pas forcément les traitements médicamenteux, mais les traitements.

  • Speaker #2

    Ah oui, à la psychothérapie. Les traitements plutôt non médicamenteux, je vais plutôt m'exprimer là-dessus. Les traitements, ça va être finalement, je crois, de la psychothérapie dans ce contexte-là, je crois que ça va être justement d'essayer de voir... les bonnes raisons qui font que la personne se retrouve dans cet état-là et de chercher avec elle finalement en quoi ses réponses, ses réactions peuvent être adaptées à un certain contexte qui peut lui être inadapté à ses besoins de base. Donc ça va être d'échanger, de discuter, d'essayer de comprendre, comme je disais, les bonnes raisons qui font qu'il y a eu à un moment donné une symptomatologie, un épuisement, un burn-out, et de pouvoir justement se poser... oser se poser, je crois qu'on n'a pas trop le choix d'ailleurs à ce moment-là, oser se poser des questions existentielles. On en a entendu parler. C'est peut-être le moment où jamais, au moment de la crise, quelle qu'elle soit, de se poser des questions existentielles et de se demander, qu'est-ce que j'ai besoin de prioriser là maintenant, tout de suite ? Et si on était dans le cadre d'une psychothérapie, dans le contexte de la dépression, des troubles anxieux ou de l'épuisement, ou le fameux burn-out, on chercherait finalement Là aussi, à faire le point, à comprendre quelles sont les bonnes raisons, qu'est-ce qui fait qu'on en arrive là, et du coup, une fois que je comprends qu'est-ce qui fait que j'en arrive là, de quoi j'aurai besoin comme changement. Sachant qu'on peut attendre et espérer des changements qui viennent de l'extérieur, mais on va chercher, comme on l'a entendu à plein de reprises, à aller plutôt du côté des changements qui sont sous mon contrôle. Tout sauf l'impuissance acquise, tout sauf l'impression de résignation. Et donc je crois que... Pour ma part, c'est ce que j'essaie de faire avec les patients que j'accompagne. C'est de voir, on a entendu parler de boussole à un moment donné, où peut être la boussole, qu'est-ce qui compte, comment prioriser et de mettre des garde-fous aussi. Il y a des patients qui disent, j'ai vraiment besoin de mettre des garde-fous, sinon le travail va tout manger. Et donc, de mettre stratégiquement parfois des garde-fous, qui s'appellent pratique de la chorale, certains loisirs, etc., pour éviter qu'on laisse le travail tout manger. Je dirais ça,

  • Speaker #0

    pour ma part.

  • Speaker #1

    Merci. Sandrine, vous êtes père aidant. Et donc forcément, les gens vous parlent forcément aussi des médicaments. Et c'est aussi dans votre expertise à vous de dire par quoi vous êtes passée. Et c'est vrai que comme on en a très peu parlé, vous avez parlé de la méditation. En quoi vous pouvez les aider dans ces périodes-là ?

  • Speaker #3

    Alors moi, j'ai l'habitude de dire, pour ne pas être trop fataliste par rapport à la prise de traitement, parce que c'est vrai qu'il y a des personnes qui... Enfin moi, j'ai pris des périodes de ma vie d'écrire des traités. très lourd et je n'étais pas du tout accompagnée par des pères aidantes qui m'auraient donné l'espoir peut-être de pouvoir à un moment donné diminuer mon traitement. Mais donc je dirais qu'il y a les traitements du moment de la crise qui sont un petit peu inévitables. Après on essaie de comprendre ce qui nous arrive, on a de la psychoéducation aussi par rapport à une pathologie donc on s'éduque nous-mêmes et à un moment donné on peut envisager effectivement une réduction du traitement. Je dirais que moi, j'ai un traitement de fond, par exemple, mais il ne faut pas miser tout sur un traitement. Il faut aussi savoir affronter des choses, mais il faut reprendre des forces. Et donc, c'est tout ce moment-là où on est sous antidépresseur, on digère son histoire, on essaie de retrouver des repères. Et justement, on travaille avec les professionnels de santé pour trouver des outils. trouver des outils d'apaisement, trouver des outils pour s'équilibrer, se réguler émotionnellement, réenvisager de refaire du sport, on a parlé de l'alimentation qui est fondamentale, on n'a pas parlé de la nature, moi la nature c'est quelque chose qui est tellement évident, qu'on respire mieux dans la forêt que dans un appartement, donc c'est des choses que j'aimerais beaucoup que ce soit davantage, dans les hôpitaux, dans les structures de soins, parce que c'est tellement une évidence que la nature fait du bien, et puis qu'on peut se ressourcer, et puis que c'est bon pour oxygéner son cerveau. Donc le traitement, oui, le traitement est important. Donc il ne faut pas arrêter son traitement, il faut en prendre un quand on en a besoin. Mais je pense qu'il y a aussi d'autres outils qu'on peut utiliser, qui sont sous la main, j'ai envie de dire, qui sont facilement accessibles, et il ne faut pas s'en priver. Donc c'est un équilibre entre traitement et puis... un équilibre qu'on trouve dans sa vie au travers de nos activités, de la sociabilisation, de l'emploi, du bénévolat. Mais l'isolement aussi est très néfaste à la santé mentale.

  • Speaker #1

    Sarah Salanès, vous voulez réagir ?

  • Speaker #4

    Alors en psychiatrie périnatale, on a un focus un peu particulier. Il y a la question de la santé mentale périnatale dont il doit prendre soin pour la perspective des bébés. J'en parlais tout à l'heure. Et puis quand les patients arrivent à nous rencontrer, on est dans des problématiques le plus souvent plus psychiatriques et plus sévères. Ce qui a évolué dans les dernières années, c'est les connaissances en matière de sécurité de certaines prescriptions. On a beaucoup plus de recul. Et finalement, un des grands risques qui était pris en période périnatale et à la découverte d'une grossesse, c'était l'arrêt de traitement qui était tout à fait nécessaire. Notre objectif principal, et en particulier dans la diffusion d'informations et dans le développement d'unités et de dispositifs spécialisés autour de ces questions-là, c'est de viser la stabilité. Parce qu'en fait, on a vraiment besoin d'avoir une stabilité psychique en période périnatale, à tout moment de la vie certainement, mais en période périnatale parce qu'il faut être hautement disponible. On traite quand on a besoin, on essaye d'informer pour que l'adhésion puisse se faire comme à d'autres moments.

  • Speaker #1

    Patrick Egeron.

  • Speaker #0

    Écoutez, la France est première dans le traitement des maladies cardiovasculaires et en énième position dans la prévention des maladies cardiovasculaires. Donc j'ai envie de dire prévenir avant, prévenir, prévenir, prévenir. Sur le burn-out, il n'y a qu'une action, prévenir. Quand on a un burn-out, au sens médical, quand on a un burn-out, c'est au moins deux ans avant de reprendre une activité. C'est une psychothérapie qui dure, c'est des médicaments. Prévenir, prévenir, prévenir. La prévention, ça se passe d'abord très tôt. En psychiatrie au général, les psychiatres sont étonnés dans les artistiques. Des fois, il faut 15 ans avant qu'une personne qui commence à avoir des signes, par exemple de phobie sociale, aille consulter, ou un trouble obsessionnel compulsif. 15 ans ! Pourquoi ? En général, vous commencez à tousser, vous allez voir un médecin. Vous n'allez pas attendre 15 ans à cracher du sang ou à pisser du sang. Donc il y a un vrai problème à ce niveau-là. Et là encore, le dépistage assez récent des premiers symptômes permet. Puis alors après, quand il y a des cas qui évidemment n'ont pas été suffisamment prévenus, mais toute l'action doit être mise sur la prévention. D'ailleurs, je soulignais qu'il y a un éphémère ministre, on a tellement eu une ministre de la Santé ces derniers temps que je ne sais plus lequel, mais un éphémère, celui qui a duré trois mois, avait intitulé son ministère de la santé et de la prévention. C'est fini, ça a été enlevé, c'est maintenant le ministère de la santé et de l'offre des soins. La prévention, out, il n'y a plus de prévention. Donc lorsqu'il y a besoin de traiter, il faut traiter parfois, il y a des guidelines très bien. Il y a des médicaments, il y a des psychothérapies, il y a des approches non médicamenteuses, il y a des approches qui sont plus de coaching, d'accompagnement, etc. Il y a plein de choses et je pense qu'il y a suffisamment de diversité pour trouver son chemin. Mais là encore, mon seul message, en tout cas pour le burn-out, c'est prévenir. On ne peut pas rester simplement sur le fait que nous sommes, comme je disais, champions des soins, mais en même temps, pas du tout dans prévention.

  • Speaker #4

    Sarah Sananès qui voulait ajouter un petit mot avant qu'on passe la parole à la salle. Oui, j'ai répondu sur la question des traitements médicamenteux. Il faut interpeller en psychiatrie périnatale quand on sent qu'on est en difficulté et bien évidemment, les traitements sont prescrits lorsqu'ils sont indiqués. Du coup, je réagis aussi pour... On encourage à ce que les interpellations se fassent. Il ne faut pas que ça soit effrayant. C'est quand une indication est posée.

  • Speaker #0

    Merci.

  • Speaker #2

    On va maintenant laisser la parole au public pour les questions.

  • Speaker #5

    Je vais m'arroger le droit de la première question à Patrick Légeron. Quand on vous entend parler, on trouve presque scandaleux la situation des entreprises françaises et l'absence de bienveillance au travail. Il y a pourtant eu une condamnation de grands barons de l'industrie française pour des épidémies de suicide, notamment, je pense à France Télécom. Mais il y a eu d'autres condamnations. Est-ce que depuis ces condamnations, il y a une prise de conscience dans le management français que quand il y a une personne qui se suicide dans une boîte, il y a des conséquences négatives pour les patrons ? Parce que c'est quand même par la sanction qu'on peut avoir le plus d'effets ou les plus rapidement. Parce que former les managers, c'est pour demain. Mais ceux qui sont en place, ils sont encore au cnout. Donc est-ce que... qu'il y a eu un effet des condamnations ?

  • Speaker #0

    Il y a eu deux temps. Moi, ça fait plus de 30 ans que je travaille sur ces thématiques de santé mentale au travail. Le silence absolu, le déni complet jusqu'à France Télécom. France Télécom, c'est 2006, 2007, 2008. À ce moment-là, le choc de France Télécom, l'interpellation des dirigeants, qui ont été définitivement complanés en appel de cassation. Le 19 décembre dernier, c'est-à-dire il y a un mois, 15 ans d'instruction, enfin la justice est lente, condamné définitivement. Il y a eu un choc. Avant, après. Après France Télécom, qu'est-ce qu'on a vu ? Et ce n'est pas moi qui le dis uniquement, c'est évidemment tous les rapports européens. C'est très intéressant de se comparer aux autres, parce que les problèmes dont on parle, je pense qu'ils existent aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne, en Italie, en Espagne, enfin dans toute l'Union. Et au-delà de l'Union, en Norvège, en Suisse, ce ne sont pas des pays de l'Union, mais enfin, qui sont quand même européens. Eh bien, nous sommes très en retard. Dans les années 70, les premiers travaux, par exemple, d'accord dans les entreprises sur le stress, la fin des années 70, étaient publiés par les partenaires sociaux au Danemark. Et en Suède, fin des années 70, il a fallu attendre 2008, 2008, juste après France Télécom, pour que les partenaires sociaux, c'est-à-dire les organisations syndicales de salariés et le patronat, signent des accords de prévention. Ces accords de prévention sont pas très contraignants, à la suite des accords européens d'ailleurs. Ils sont pas très contraignants, ils sont pas contraignants, et aujourd'hui, après le déni jusqu'à France Télécom, on est rentré, ce que j'appellerais dans le faux semblant. Les entreprises mettent en place un ligne verte. Vous allez mal vous appeler. On appelle pas ça de la prévention primaire ça, on attend que les gens vont mal, c'est comme si on disait quand il y a le feu il y a une issue de secours, il vaut mieux agir en amont sur le feu. Ou alors ils ont mis en place des alternatives que je citais, un baby-foot, des choses comme ça, donc il n'y a pas vraiment d'action, là encore dans la qualité des actions. Alors c'est vrai que le droit a augmenté, d'ailleurs M. Lombard, puisque c'est lui le président de France Télécom de l'époque, a été condamné, des peines relativement restreintes parce qu'à l'époque, c'était un peu durci. Mais à l'époque, c'était un an avec sursis et à quelques dizaines de milliers d'euros. Moi, j'ai le souvenir épouvantable d'un dirigeant d'entreprise épouvantable qui a vu un suicide, des burn-out dans son équipe. Il m'a dit j'étais condamné. Il a dit à la personne qui était en burn-out, vous m'avez coûté moins cher que ma boîte de cigares.

  • Speaker #1

    dans le public.

  • Speaker #0

    Bonsoir, alors d'abord merci beaucoup pour vos interventions et je voulais vous demander si d'après vous il existe des solutions pour réduire l'anxiété au niveau scolaire, donc dans les établissements scolaires, collèges, lycées.

  • Speaker #1

    Alors qui veut répondre ? Qui voit des enfants à la table ? Monsieur Légeron ?

  • Speaker #0

    Je ne vais pas répondre à l'exemple finlandais. D'abord, la compétition n'existe pas. Le travail est collectif. En tant que médecin, on a connu ce que c'est que la compétition. L'internat, c'est la pire des choses. Au Québec, moi, j'ai fini mes études aux États-Unis. J'étais étonné que je n'étais pas noté. On travaillait tous ensemble. C'était le groupe qui était noté. Il n'y a plus une pression sur l'individu, sur les résultats. Et ils forment des médecins tout aussi bien que chez nous. Et en Finlande, c'est pareil. C'est-à-dire que l'individualisation... L'individuation des évaluations est épouvantable. Il faut faire travailler en groupe, etc. Et puis aussi, davantage axer sur les résultats positifs que négatifs. Moi, juste une anecdote, quand je suis arrivé aux États-Unis, j'ai fait une université de médecine, c'est la fin des années 70, début des années 80, c'est long time ago comme on dit. Dans la famille d'accueil, c'était la rentrée des classes. Ils reviennent avec un devoir. Avec plein de choses soulignées en rouge. Et tout le monde s'est extasié. Je disais, ah bon ? Oui, on fait une dictée. Et la maîtresse a souligné plein de trucs en rouge. Alors, je disais, mais pourquoi tout le monde se réjouit ? Ah non, mais à la première dictée, on ne regarde pas les fautes. On regarde simplement ce qui aurait pu être une faute qui n'a pas eu lieu. Nous sommes dans une autre culture. Et au travail, c'est ça, les managers, qu'est-ce qu'ils font ? Ils sont là plus davantage pour vous critiquer que pour vous reconnaître. D'ailleurs, dans les sondages européens, nous sommes le pays dans lequel la reconnaissance est considérée comme la plus faible.

  • Speaker #1

    Question du public.

  • Speaker #6

    Merci à vous pour vos interventions. Vous avez parlé tout à l'heure d'indicateurs qui permettaient de mesurer la qualité de vie au travail. Et je voulais savoir si ces indicateurs étaient aussi mesurés dans le système scolaire et si parmi eux, on prenait en considération le rythme biologique des individus. Leur phase de sommeil et d'éveil, et vous, comment vous vous sentez par rapport à ça au quotidien, sur votre fatigue et sur d'autres indicateurs ?

  • Speaker #7

    C'est bon, super. Alors clairement au niveau du sommeil, je pense que dès qu'on arrive au lycée, il y a un gros changement. On est quasiment sur des journées de 10 heures. Comme on disait au début, nous sommes des classes avec des options en plus, par exemple la section européenne. Donc on a des emplois du temps vraiment très fournis. On fait quasiment du 8h-18h tous les jours. Vous rajoutez une heure de cantine, où en général on doit se dépêcher, donc ce n'est même pas vraiment une pause. En plus, on rajoute le matin, où tout le monde a les transports, donc on se lève en général vers 6h, voire avant. Et le temps de rentrer, de faire les devoirs, profiter un tout petit peu peut-être de notre famille.

  • Speaker #0

    On va se coucher 22h30 au plus tôt et encore je suis optimiste. Donc c'est clair que le manque de sommeil est très présent, ça peut peut-être se voir sur mon visage, j'espère pas trop. Mais on va rattraper je pense pendant les week-ends et quand on en a discuté rapidement en classe, on remarque même qu'on gâche notre week-end à dormir. Alors je sais pas si c'est gâché ou si c'est une mauvaise optimisation du temps, mais c'est comme ça qu'on récupère je pense le sommeil. Après, c'est sûr que ça nous fait perdre de la lucidité. Parfois, certains somnolent même en cours. On peut peut-être penser qu'il faudrait alléger les emplois du temps. Est-ce que faire du bourrage de crâne de cette manière est vraiment très réfléchi ? On parlait avant d'autres exemples en Europe. Nous avons eu la chance en seconde d'avoir fait un voyage en Suède avec des correspondants. Et nous avons découvert leur manière de travailler. Nous avons passé une semaine dans leur lycée. Et en fait, c'était... Un autre monde, un autre univers, vraiment. Les gens venaient en crocs au lycée. Juste pour ça, on était déjà étonnés. Et il n'y a pas du tout cet esprit de compétition. Les profs sont moins sur une stalle que chez nous. Ils les tutoient, ils les appellent par leur prénom. C'est plus des partenaires que des sages qui ont la science infuse. Et je crois que là-bas, ça aide vraiment à développer les élèves. Et on le voit d'ailleurs dans leurs compétences, ils parlent l'anglais de manière complètement bilingue, alors que chez nous, on mélange le franglais et on impose notre culture quand on va aux Etats-Unis. En tout cas, je pense qu'on a vraiment à apprendre des pays européens, surtout du Nord, comme disait Monsieur, et que nos emplois du temps doivent être réfléchis à nouveau, même pour les primaires, qui ont même le mercredi matin maintenant les cours. On n'a plus du tout de pause, à part le week-end dans nos semaines. Après peut-être qu'il faut s'adapter parce qu'on sait que plus tard ça sera la même chose, on aura des 36 heures voire plus. Et on a cette société qui nous pousse toujours à travailler plus, comprendre plus, apprendre plus, mais est-ce qu'on ne devrait pas le faire mieux ?

  • Speaker #1

    J'espère que vous êtes bien payée au moins. Sandrine, vous vouliez réagir ?

  • Speaker #2

    C'est vrai qu'on a tardé à parler du sommeil, il est arrivé qu'en fin de... de ce débat, mais en fait, je me rends compte de plus en plus, je ne sais pas si c'est typiquement français, mais on ne prend vraiment pas soin de nous au niveau du sommeil. Je veux dire, vous rentrez chez vous, si je prends l'exemple des Suisses qui mangent à 6h30, et je pense qu'ils ont bien raison de manger très tôt, parce que ça facilite quand même le sommeil quand on peut digérer correctement avant. Nous, on rentre déjà très tard, et puis on nous met des émissions qui démarrent, je regardais l'autre soir, 21h20, 21h30, moi, je laisse tomber. En tant que personne concernée, le sommeil, c'est fondamental. Je ne peux pas me permettre de me coucher après un film, donc il faut se respecter une fois de plus. Je pense qu'en France, on ne fait pas du tout attention à ça. Donc, se coucher après 23h, 23h30, ça devient quelque chose d'assez périlleux pour la santé mentale.

  • Speaker #1

    Madame ?

  • Speaker #2

    Merci à vous pour vos interventions. Moi, j'avais une question par rapport à l'industrie pharmaceutique. et la prévention ou en tout cas la prise en charge de la santé mentale. Est-ce qu'il y a un réel intérêt pour l'industrie pharmaceutique à faire en sorte qu'on prenne en charge d'une façon peut-être différente sans systématiquement pousser à la médication dans la prise en charge, même si celle-ci est parfois effectivement nécessaire ? J'en ai également besoin au quotidien en ce qui me concerne. Alors qui veut réagir ?

  • Speaker #1

    Je pense d'abord qu'il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain, comme on dit. Les médicaments sont extrêmement utiles dans certains cas. Il y a eu des grandes révolutions quand même que j'ai connues. Quand j'ai commencé ma psychiatrie, on commençait toujours à avoir des nouveaux antidépresseurs, à comprendre que certains sérieux énergiques, en parlant savant... On pouvait aider dans des troubles anxieux, enfin toutes ces choses-là. Donc c'est utile. Et on a développé maintenant rapidement des guidelines, c'est-à-dire des référentiels très clairs pour le traitement. Ces référentiels ont posé des problèmes, je ne veux pas jeter la pierre ni d'être trop brutal, mais parce que des fois ils étaient rédigés par des experts qui travaillaient aussi pour l'industrie médicamenteuse. Il y a eu des fois des conflits d'intérêts qui n'étaient pas déclarés. On a essayé de mettre un petit peu d'ordre là-dedans, maintenant il faut déclarer les conflits d'intérêts. Mais je pense que l'industrie pharmaceutique devrait vraiment faire attention à ce qu'il y ait des critères très précis qui soient définis concernant leurs médicaments, que ce ne soit pas eux comme ils le faisaient à une époque, qui décidaient de la manière dont les médicaments sont distribués. Ceci dit, entre la surconsommation de médicaments du système nerveux central, c'est-à-dire les psychotropes, il a... et la soukup, ce sont des chiffres vous savez Moi je me souviens qu'un expert psychiatre disait juste que on parle de surconsommation, mais en même temps on sait que la moitié des gens qui ont des vraies dépressions ne sont pas soignés par des médicaments. Donc il y a en même temps une sous-consommation. Il y a une surconsommation, sous-consommation. Je préfère parler d'une dis-consommation. Il y a des gens qui prennent par exemple du Prozac ou des choses comme ça simplement pour se doper un peu, et puis il y a des gens qui ont vraiment besoin de ça qui ne le prennent pas. Donc il y a un problème de clarification. Et l'industrie pharmaceutique ne doit pas être la seule à définir. les bonnes règles d'utilisation des médicaments, ce qu'elle a trop souvent fait. Et là, je vais être violent avec l'accord, le soutien des experts qui n'étaient pas neutres, qui sont financièrement engagés. Je n'irai pas plus loin parce qu'on va dire que je fais de la diffamation. Encore une question dans le public.

  • Speaker #2

    Bonsoir, merci pour vos interventions. Effectivement, je me sens très privilégié d'avoir pu écouter tout ça. Et si je parle de privilège, c'est parce qu'avec, on le voit en ce moment, la montée des extrêmes. Je ne suis pas sûr que toute personne puisse avoir accès à ces informations ou aux soins. Donc j'ai vraiment l'impression qu'il y a la justice sociale qui est intrinsèquement liée à toutes ces problématiques. Quelle est votre vision des choses par rapport à ce qui se passe actuellement dans le monde ? Vaste question.

  • Speaker #1

    qui veut s'essayer à la réponse. Il y a un dernier rapport de l'OMS sur la santé mentale dans le monde. Évidemment, nous sommes des pays privilégiés, mais en santé en général. Et c'est vrai que la santé mentale dans des pays en voie de développement ou des pays vraiment dans la misère, c'est quelque chose dont on ne parle même pas. C'est la survie. Donc, véritablement, l'OMS essaye de travailler tant bien que mal là-dessus. Je ne vais pas vous rappeler l'actualité, l'OMS est en difficulté puisque son premier mailleur veut s'en retirer. Donc ça ne va pas arranger en effet parce que l'OMS avait quand même une vision de prioriser souvent les pays en voie de développement, les pays dans la misère, concernant les actions de santé. Puis après il y a les ONG aussi, les organisations gouvernementales qui travaillent là-dessus. Ils ont des chantiers tellement énormes. Mais c'est vrai, en parlant d'un pays comme la France, il y a également des différences sociales. on s'aperçoit que l'accès aux soins de psychiatrie sont complètement différents suivant que vous êtes dans un beau quartier du 16e arrondissement de Paris ou si vous êtes dans le 9-3. Sarah Salanès, vous pouvez... Ecoutez-moi faire des références franciliens.

  • Speaker #2

    Et on doit défendre nos soins de psychiatrie, mais pas que. Nos soins hospitaliers, l'accessibilité de ces soins, le maintien des moyens, l'attractibilité de ces métiers parce qu'on en a besoin. Sarah Kinselman,

  • Speaker #1

    Anna Keren, je voudrais vous laisser, si vous en avez envie, le mot de la fin.

  • Speaker #0

    Moi, j'aimerais revenir sur quelque chose dont vous avez beaucoup parlé. Vous avez beaucoup parlé des traitements, de comment aller mieux. Mais est-ce qu'on peut se réintégrer dans la société intégralement après avoir atteint des points de non-retour ? Est-ce que, par exemple, lorsqu'on a fait un postpartum en tant que jeunes parents, on peut devenir des parents épanouis ? Est-ce qu'après la détection d'un burn-out, on peut redevenir des travailleurs qui aiment travailler et aiment aller au travail ? Est-ce qu'on peut retrouver cette vie normale

  • Speaker #2

    Absolument, on peut, bien sûr on peut, et on essaye de vrai vers ça. Les épisodes psychiques, psychiatriques en période périnatale, ça peut être très difficile et ça peut se remettre de la même façon très rapidement et de manière très favorable. C'est ce que je disais, de développer les facteurs de protection, les soins en font partie, mais pas seulement. Donc, œuvrer de manière collective. C'est tout le réseau qui travaille en période périnatale pour mettre en place tout ce qui peut protéger et permettre le rétablissement le plus rapide possible. C'est de nature à permettre que le récit de l'arrivée au monde de ce bébé ne soit pas trop marqué par ces difficultés où le récit pour les parents de cette accession à la parentalité. Mais la plupart des familles que nous rencontrons font mieux ensuite, absolument. Et d'ailleurs, on peut être préventif et quand on l'est, on évite toutes ces questions-là. Et sur la question ?

  • Speaker #1

    Sur le travail,

  • Speaker #2

    est-ce qu'on peut y revenir ?

  • Speaker #1

    Oui, de toute façon, là encore, prévention bien sûr, mais aussi dépistage le plus tôt. C'est-à-dire que quand les premiers symptômes apparaissent, il faut agir. Donc il y a une campagne d'information et je trouve qu'il y a des campagnes d'information. Par exemple, en Grande-Bretagne, ils ont développé des grandes campagnes d'information concernant les individus, mais les proches. C'est-à-dire, j'ai vu des grandes campagnes dans le métro, vous voyez quelqu'un qui s'isole, qui parle moins, augmente sa consommation de tabac. Attention, allez lui parler, peut-être qu'il va mal. De même qu'en médecine, on vous dit si ça sert ici, vous voyez, c'est pas un infarctus. Il y a tout ça. Mais sinon, il y a des pathologies pour lesquelles, heureusement, nous avons des succès. Moi, j'ai une pléthore de patients qui ont eu des problèmes de burn-out, qui s'en sont remis, qui représentent des fois, qui reprennent une autre vie. D'ailleurs, comme dit l'adage, ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort. Ça s'applique. On s'aperçoit des gens qui remettent en question. Moi, j'ai vu des cadres bancaires qui... Après un burn-out et deux ans d'arrêt, ils se sont posé des questions sur le sens de leur activité, sur le sens de leur vie. Et je pense à quelqu'un avec qui j'ai des relations un peu amicales maintenant, qui a créé une petite épicerie bio en périphérie de Paris et qui est très heureux. Il s'est dit, excusez-moi d'être vulgaire, il disait, j'y vais comme un con, comme un cadre bancaire, je gagnais ma vie. J'étais stressé tous les matins en arrivant, la peur au ventre, je ne dormais plus, etc. Je gagnais bien ma vie, là j'y gagnais un peu moins ma vie. Mais qu'est-ce qu'elle est bien ! Donc les gens peuvent rebondir, des fois en se reposant d'autres questions. Mais la psychiatrie a quand même des résultats, on peut s'en remettre, on peut s'en remettre évidemment.

  • Speaker #2

    Et puis la lutte contre la stigmatisation, c'est aussi faciliter, accélérer l'accès aux soins, parce que c'est encore très stigmatisant d'aller voir un psychiatre. Donc je pense qu'il y a aussi un gros travail à faire. À faire à ce niveau-là, moi je me souviens d'un épisode où j'avais été hospitalisée et mon compagnon de l'époque ne disait même pas que j'étais hospitalisée, donc j'étais nulle part. Donc il y a encore un gros travail à faire par rapport à ça, la stigmatisation, au regard de toute pathologie psychiatrique, pour inciter les gens à aller consulter quand ils ne vont pas bien. C'est fondamental, ça change tout.

  • Speaker #0

    Moi je trouve qu'il y a encore tout ce tabou qui est autour des maladies psychiatriques, notamment le fait d'avoir peur d'en parler autour de soi,

  • Speaker #2

    d'avoir peur d'être pris pour des fous,

  • Speaker #0

    ce mot qui revient très souvent dans les cadres d'hospitalisation. Et je trouve qu'il faudrait regarder autour de soi, voir le nombre de gens qui souffrent de toutes ces maladies, parce que c'est réellement des maladies, on l'oublie souvent, et se rendre compte de ce qui est en train de se passer. Se rendre compte du nombre de personnes qui sont touchées, de toutes les répercussions que ça peut avoir sur la vie de la personne, mais aussi sur tout son entourage. Et du coup, je pense que la prévention, c'est vraiment ce qui pourrait nous aider au mieux à vaincre tout ça.

  • Speaker #1

    Les médias ont un rôle à jouer, parce que quand vous regardez les informations, quand il y a un trouble mental, c'est le forcené, le détraqué, le truc machin bidule. En tout cas, il me reste à vous remercier pour cette table ronde et pour tous les éléments que vous nous avez apportés. Merci aussi à tout le lycée général Leclerc de Saverne pour avoir travaillé la question.

Description

Forum Européen de Bioéthique 2025 : Santé mentale & Bioéthique


Anxiété, dépression et burn-out. Le mal du siècle?


Les pressions professionnelles et personnelles ont atteint des niveaux sans précédent. Les exigences de performance, la culture de l'instantanéité et l'isolement numérique sont autant de facteurs contribuant à l'augmentation des cas d'anxiété, de dépression et de burn-out, causant un problème de santé publique majeur ainsi qu’un challenge médical et social.


Avec :


Sarah Kinzelman, élève du Lycée Général Leclerc de Saverne


Anna Kehren, élève du Lycée Général Leclerc de Saverne


Aurélie Fritsch, Psychologue clinicienne, centre Ellipse et libéral, Formatrice et vacataire unistra


Sandrine Guglielmetti, Médiatrice de santé pair CURe Grand Est Lorraine - CPN Nancy


Patrick Légeron, Psychiatre hospitalier, Auteur du rapport de l’Académie de médecine sur le burn-out, Enseignant à Sciences Po Paris


Sarah Sananès, Pédopsychiatre en psychiatrie périnatale, service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg (Pr Carmen Schröder)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonsoir à ceux qui nous rejoignent dans cette salle de l'Aubette et derrière vos écrans sur le site du Forum européen de bioéthique. Nous entamons notre dernière table ronde de cette première journée avec une table qui s'intitule Anxiété, dépression et burn-out, le mal du siècle ? Et je passe la parole à Aurélien Benoît-Lide pour modérer cette table.

  • Speaker #1

    Merci Maud. Quelques mots. La nédonie, c'est l'incapacité à... Ressentir du plaisir, l'abouli, derrière ce mot qui a l'air un peu drôle se cache en réalité la difficulté ou l'impossibilité à avoir du désir ou de l'envie. La clinophilie, un autre mot barbare qui désigne le fait de rester beaucoup en position allongée. La tristesse de l'humeur. La rumination anxieuse, les idées noires, voilà un peu quels étaient les items que j'avais retenus en préparant l'internat pour définir ce qu'est cette espèce de monstre hideux qu'on appelle la dépression. Et qui est en réalité un phénomène qui est connu depuis déjà longtemps. C'était déjà décrit dans le langage médical au 18e siècle. L'hypocrate lui-même l'avait. décrit parmi les troubles mentaux, sans utiliser forcément cette terminologie. Selon l'Organisation mondiale de la santé, la dépression est aujourd'hui la deuxième cause de handicap. Elle se situerait au quatrième rang des maladies en termes de coûts financiers. Ce serait plus de 350 millions de personnes dans le monde chaque année, et en France, selon les études, cela diverge, mais parfois jusqu'à 11% de la population française. C'est dire si oui, effectivement, la dépression, l'anxiété et sa petite sœur, le burn-out, sont des mots qui ont tendance à se développer. Peut-être les observe-t-on davantage, on écoutera ce que nos spécialistes ont à en dire. Mais je crois que le point d'interrogation, il est justifié parce que malheureusement, beaucoup de mots nous agitent. au cours de ce siècle, mais sans nul doute, la dépression, l'anxiété, le burn-out est l'un d'entre eux. On fera également un focus un peu plus particulier sur des populations plus fragiles. On sait par exemple que chez les jeunes... notamment entre 12 et 25 ans, entre 2019 et 2022, on a observé une progression de 60% de la consommation d'antidépresseurs. D'autres populations plus fragiles, les femmes enceintes, le postpartum, les personnes âgées, les personnes isolées sont également davantage touchées. Les causes de cette augmentation de la souffrance globale peuvent être les différentes crises qui nous ont agitées. Crise sanitaire, on en a parlé à l'instant avec cette anxiété vis-à-vis de la crise climatique. Crise sanitaire aussi par rapport au Covid dont on sait qu'il a eu des répercussions tout à fait tragiques, notamment sur les populations les plus jeunes. Crise internationale, crise politique, crise économique et j'en passe. On abordera également la question des différentes prises en charge, qu'elles soient médicamenteuses ou non médicamenteuses. Pour ce faire, nous aurons l'occasion d'écouter ce soir Aurélie Fritsch, qui est psychologue clinicienne. Ensuite, nous écouterons Sandrine Gouglielmiti. qui est médiatrice de santé, puis Sarah Salanès, qui est pédopsychiatre, et Patrick Légeron, qui est psychiatre. Mais avant de leur donner la parole, on a convié, et c'est une habitude au Forum européen de bioéthique, qu'on essaye d'accentuer chaque année, même si ce n'est pas toujours très simple. Nous avons la chance d'accueillir aujourd'hui deux élèves du lycée général Leclerc de Saverne, Sarah Kinselman et Anna Keren. On va bien entendu leur laisser la parole, et je trouve que c'est toujours très important. d'écouter les plus jeunes, notamment sur les questions de santé mentale, où finalement cette nouvelle génération, qu'on appelle aussi la génération Z, a des choses à nous apprendre. Parce que figurez-vous qu'en termes de santé mentale, ils ont parfois l'esprit beaucoup plus ouvert que la génération du dessus. Et il n'est pas rare que dans les cours de récréation ou à l'extérieur du lycée, les jeunes puissent discuter entre eux de manière plus aisée que nous le faisions à leur époque. Aussi parce que le milieu artistique, on se souvient de Stromae, mais il y en a d'autres aussi, qui évoquent plus légèrement et plus facilement les problèmes de santé mentale. Donc je vais vous laisser la parole. On est très heureux de vous accueillir au Forum. Je sais que vous avez travaillé avec vos professeurs, avec l'ensemble des élèves, qu'on aura probablement l'occasion d'écouter dans les questions du public. Merci d'être venu à nous. Je vous laisse la parole.

  • Speaker #2

    Merci à vous. Merci à vous de donner la parole des jeunes et merci de nous écouter ce soir. On vient du lycée de Saverne. Le lycée Leclerc, c'est un lycée dynamique, toujours plein de projets. Donc c'est super pour les jeunes, ça permet d'exprimer notre créativité et de permettre de nous développer dans des meilleures conditions.

  • Speaker #3

    Nous sommes Anna et Sarah, mais aussi tous les terminales du lycée Leclerc. Donc nous sommes des sections euro et des habit-bac, qui nous donnent une ouverture sur le monde, sur les langues et sur les sujets qui peuvent être plus tabous, comme l'anxiété, la dépression ou encore le burn-out. Donc on a essayé de résumer ça en une espèce de synthèse qu'on va vous présenter aujourd'hui sous trois différentes parties. Tout d'abord le Covid, puis ensuite la pression que peuvent avoir les notes et les cours, et puis ensuite l'isolement numérique.

  • Speaker #2

    En effet, on va commencer par le Covid-19 parce qu'on a remarqué dans notre classe que c'était un réel élément de fracture. C'est à ce moment-là que beaucoup de gens ont commencé à sombrer dans ce qu'on appelle l'anxiété. En cinquième, quatrième, c'est là qu'on a eu les confinements. les plus gros, celui de mai. Et pourtant, c'est un moment où les jeunes, on est censé être dans la sociabilité avec les amis. C'est là qu'on est censé se détacher de notre famille. Et pourtant, on est tous enfermés ensemble, c'est là qu'on a vu le plus nos parents. C'est donc une fracture, un mauvais développement. On a été complètement bouleversés. Et même si aujourd'hui le confinement nous paraît loin, on voit qu'il y a encore des restes. Comme par exemple le début de l'isolement. En effet, les réseaux sociaux ont pris une grande place pendant cette période, car c'est les seuls échanges qu'on avait avec l'extérieur. C'est aussi l'explosion des médias, avec l'exposition non-stop des réseaux sociaux.

  • Speaker #3

    On a pu remarquer plusieurs conséquences du Covid. Tout d'abord, il y a la peur de sortir en public, de retrouver une vie normale, revoir des gens, ou retourner même au lycée. Certains ont développé ce qu'on appelle des phobies scolaires. Nous avons vu que reprendre une vie sociale... était nettement plus compliqué qu'avant, retrouver la normalité. Avec l'augmentation des réseaux sociaux, on a aussi vu une augmentation des cas de troubles du comportement alimentaire qui se sont développés chez les jeunes pendant le confinement, mais c'était des habitudes qui étaient déjà présentes bien avant.

  • Speaker #2

    L'anxiété est aussi créée par l'exigence, les performances et les pressions auxquelles on est exposé toute l'année. En effet, le rythme scolaire est très soutenu. avec des trimestres qui nous imposent des résultats fréquents. Dès le réveil, on cherche à devenir la perfection qu'on veut être. En effet, on veut construire une image parfaite et la renvoyer aux autres. On est occupé en permanence à créer et à produire le meilleur de nous-mêmes. Surtout en terminale, où on est exactement dans une vie charnière. On est entre l'adolescence et entre la vie adulte. C'est très compliqué de trouver l'équilibre. On se demande si on va partir avec nos parents pendant les vacances ou si on va devoir faire des recherches d'appartement pour nos prochaines études. De plus, le logiciel Parcoursup nous met face à nous-mêmes. C'est un ordinateur. Il nous cherche donc à être parfaits comme des machines, sauf que c'est complètement inhumain. Ce logiciel cherche des élèves surqualifiés. On a peur de ne pas cocher les cases, de ne pas tout remplir. Il faut être engagé, mais aussi avoir des bonnes notes, avoir des activités extrascolaires. Mais où trouve-t-on le temps ? Les attentes et la perfection frôlent la robotique. La pression des cours nous donne cette peur d'être moins bon que l'autre. Parfois, les élèves se mettent à la pression juste pour 0,2 points de moyenne, de frôler le 15 mais ne pas y être, comparer ses notes, être moins bon que la moyenne générale. La pression des parents peut aussi intervenir. L'avenir dépend des notes, on veut pouvoir faire des grandes études. pour avoir un bon CV, on veut pouvoir gagner de l'argent pour avoir une vie confortable. Mais où sont nos passions ? Si on n'a même plus le temps de penser à nous-mêmes, est-ce qu'on va vraiment s'épanouir dans notre vie future ? Enfin, l'excité est aussi liée aux résultats scolaires et ça entraîne beaucoup de conséquences. Comme nous l'avons dit avant, le fait que nos parents, les professeurs, même par cours sub, nous mettent la pression avec les notes, il n'y a plus de rupture entre le lycée et la vie personnelle. Cela entraîne du manque de sommeil, voire même des insomnies, et donc baisse la productivité des élèves en classe. On rentre alors dans une boucle infernale. La concentration est difficile. On perd nos moyens lors des examens, on n'arrive plus à se concentrer et ça entraîne des mauvaises notes. Cela peut nous décevoir, peut décevoir notre famille et entraîne un sentiment de culpabilité. On entre dans une véritable boucle, un cercle qui se répète peu à peu.

  • Speaker #3

    Cette boucle infernale, elle peut être accentuée via les réseaux sociaux, donc l'isolement numérique, parce qu'on voit qu'il y a une omniprésence de nos jours pour les jeunes. et même en règle générale, donc ça impacte notre vie, notre quotidien et ça prend toute la place autour de nous. Ça nous coupe de la réalité et donc certains peuvent ressentir ce sentiment de solitude malgré le trop d'informations qu'on voit sur les réseaux, sur les médias, ce trop plein peut créer de l'angoisse. De plus, ne pas savoir s'ennuyer est devenu un vrai problème chez les jeunes. On a peur du silence, on a peur de ne rien faire, on a peur de ne... de ne pas être occupé en permanence par de la musique, des séries, des amis. De plus, sur les réseaux sociaux, on voit beaucoup de cyberharcèlement qui sont la continuité d'un harcèlement déjà présent au lycée et donc qui renforce cette peur du public, cette peur de parler, de prendre la parole, cette angoisse qu'on peut tous ressentir. Toute cette perte de contrôle, ça nous emmène dans un cercle vicieux, des pensées bicyclettes redondantes. qui reviennent, qui reviennent. Il y a la comparaison. La comparaison face aux gens qu'on en vit sur les réseaux sociaux. Cet idéal qui n'est pas accessible parce que les réseaux ne sont pas la réalité. Mais c'est très compliqué de l'accepter. Il y a aussi la comparaison qu'on peut faire de corps à corps en voyant quelqu'un qui paraît plus beau mais en fait qui est peut-être retouché sous un meilleur angle, peut-être même fait de plastique. Tout cela renforce un sentiment d'échec qu'on peut recevoir. de ne pas être assez, d'être de trop. De plus, l'amplification du mal-être peut être due aux réseaux sociaux, car on voit en permanence des gens qui sont mal. C'est bien de prendre la parole sur ces choses-là, mais en voir en permanence peut amplifier cet aspect qu'on peut ressentir. Donc l'anxiété est mise en avant et peut mener à des cas de dépression. Donc une grande perte de motivation, un sentiment de vide. qui nous prend au quotidien, des difficultés très compliquées à effectuer des tâches au quotidien qui peuvent paraître très banales pour tout le monde, des sentiments d'autodestruction. Et tout cela peut mener à des troubles du comportement alimentaire une nouvelle fois, des crises d'angoisse qui sont très présentes au lycée, qu'on voit, qu'on certains ont déjà expériencé, ainsi que des troubles du sommeil. On voit que beaucoup ne dorment plus. Tandis que c'est quelque chose de très très important pour notre vie au lycée. Donc on rentre vraiment dans ce cycle infernal qui s'auto-alimente avec tous les facteurs qu'on vient de voir.

  • Speaker #2

    Notre classe a quand même conclu qu'on pouvait aussi se rattacher aux vraies choses. De plus en plus, les gens commencent, nos élèves commencent à faire du coloriage, du tricot, à se rattacher à des activités manuelles qui commençaient peu à peu à disparaître. Peut-être sommes-nous déjà dans une bascule où on essaye de lutter contre toute cette anxiété. On peut aussi se rattacher... à nos amis en faisant des vraies sorties et créant des vrais mouvements. Nous espérons aujourd'hui pouvoir trouver des solutions et nous sommes ravis de pouvoir discuter avec des spécialistes.

  • Speaker #1

    Merci Sarah, merci Anna pour ce constat qui... qui est quand même douloureux, entendre parler de productivité, de pression, de sentiments d'échec. Il faudrait faire intervenir Elon Musk avec son ministère de l'efficacité et de la productivité. C'est vraiment des mots qu'on n'a pas l'habitude d'entendre dans la bouche d'un lycéen, dans la bouche d'une lycéenne, dans la bouche d'un collégien ou d'une collégienne. Et je pense que ça nous remet tous un peu en question sur notre mode de vie et sur les choses qu'il va falloir peut-être envisager et changer. Je vais laisser maintenant la parole à... Aurélie Fritsch, psychologue clinicienne au Centre Ellipse et en Libéral et qui est également formatrice et vacataire à l'Unistra à l'Université de Strasbourg. Aurélie, on te laisse la parole.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup, bonjour à toutes et à tous, et merci de me donner l'opportunité de m'exprimer. Alors, on m'avait dit commis sur des lèvres, attendez, voilà, est-ce que ça va mieux ? Je crois que oui. Il semble bien, effectivement, que l'anxiété, la dépression et le burn-out concernent de plus en plus de gens. Les statistiques, et surtout ce que nous constatons avec les patients, indiquent que de plus en plus de personnes ressentent qu'il est difficile de vivre une vie paisible et cohérente, riche et pleine d'amour. Ça peut sembler un comble, tant on peut avoir l'impression d'évoluer justement dans des contextes qui nous offrent l'inimaginable en matière de confort et de résolution de problèmes, de possibilités et de choix. Nous savons depuis longtemps que la santé est bien plus que l'absence de maladie et cela vaut aussi et surtout en matière de santé mentale. Nous savons aussi que l'humain a besoin de plus que du confort matériel pour s'épanouir, et qu'il a des besoins spécifiques. Ces constats nous amènent à nous poser des questions à la fois simples et ambitieuses. Qu'est-ce que signifie être épanoui ? Qu'est-ce qui permet aux êtres humains de fonctionner idéalement au long cours ? A quels facteurs sociétaux sont liés cette augmentation de la souffrance psychologique, alors que nos quotidiens semblent globalement plus confortables, sur certains points ? que ceux de nos grands-parents. Dans des mondes de plus en plus sophistiqués et complexes, en perpétuelle mutation, il convient peut-être de réfléchir comme jamais aux implications à long terme de ces changements sur notre santé mentale et plus largement l'adaptation de notre espèce. Nous savons bien que le développement psychologique de l'enfant, qui devient de plus en plus sophistiqué en intégrant progressivement le sens de l'identité personnelle, Et la notion des représentations va permettre à la fois des prodiges en matière de raisonnement et d'apprentissage, mais aussi l'accès VIP définitif à une forme de souffrance plus sophistiquée, a priori réservée aux humains, comme la honte, la culpabilité et le sentiment de perte de sens. Est-ce que nos sociétés stimulantes au fonctionnement de plus en plus abstrait, centrées sur la réalisation de soi, la recherche du bien-être, L'optimisation et la résolution de problèmes pourraient induire davantage de possibilités de souffrance émotionnelle alors qu'on ne l'avait même pas vu venir ? Il semble que oui. Il y a eu un effet crise sanitaire sur notre prise de conscience des enjeux spécifiques à la santé mentale des humains. Notre façon de gérer cette crise sur le plan sociétal nous a permis de comprendre qu'un contexte qui entrave la réalisation de certains besoins essentiels à notre santé mentale, favorise le stress prolongé et a des conséquences durables sur les êtres humains qui ne sont pas des mammifères comme les autres. Les méta-analyses, elles aussi sophistiquées, existent dans le contexte de la psychologie dite scientifique et les chercheurs analysent les spécificités des êtres humains et des besoins humains. Ces recherches renvoient à des tentatives de cerner ce qui explique bien-être et souffrance psychologique. et pourraient être davantage connues et prises en compte dans nos sociétés, surtout lorsqu'on en constate une augmentation. Les recherches sur l'attachement, les besoins psychosociaux, la motivation, le bonheur, la satisfaction de vie et la personnalité des êtres humains ont donné lieu à des repères que je vais chercher à résumer ici. L'humain en bonne santé psychologique est celui qui rencontrera, tout d'abord, des contextes lui permettant de nourrir ses besoins innés. Il est précablé pour interagir et partager des moments d'accordage bienveillant si possible et d'interaction avec des figures stables. Il fait des liens car l'environnement est suffisamment structuré pour lui permettre d'en faire. Il s'attend petit à petit à ce qui va se passer et à l'occasion de se rendre compte qu'il est capable de résoudre des problèmes. Ses besoins se combinent alors pour donner lieu à d'autres plus subtils et complexes comme le besoin de confiance au travers de relations sociales positives et prédictibles Le besoin de contrôle au travers de situations où je vais pouvoir, moi, prévoir la bonne façon d'utiliser mes compétences. Le besoin d'estime de soi dans des situations où je vais pouvoir me sentir à la fois accepté et considéré pour mes compétences. Ce type d'expérience optimale vont petit à petit développer l'accès aux superbes besoins, le besoin de cohérence interne, qui renvoie au fait d'avoir un sentiment d'identité plutôt stable et cohérent avec le réel. Je sais qui je suis et les autres voient à peu près la même chose. Et également d'avoir accès à la question du sens, en lien avec la construction de représentation, à propos de comment le monde devrait fonctionner. Je sais ce qui compte dans la vie. C'est ce que l'on appelle avoir une construction de personnalité optimale. Et nous savons que ce socle nous aidera à continuer de développer des expériences fonctionnelles. Les recherches nous disent que l'humain heureux de la vie qu'il a vécue, au sens de la satisfaction profonde, n'est pas celui qui a eu la vie la plus confortable, la plus riche, la plus inspirante sur les réseaux sociaux, mais celui qui a la sensation d'avoir judicieusement, et peut-être surtout raisonnablement, pris soin des différents besoins que je viens de citer. Mais ça ne suffit pas. L'humain, pour rester en bonne santé psychique, devra continuer par la suite à s'occuper de tout ça et à nourrir ses besoins de façon équilibrée. S'il en nourrit certains au détriment d'autres, cela impactera son épanouissement. Pour cela, il devra rester flexible. Plusieurs choses l'y aideront. Être capable de ne rien faire de spécial et de savourer le moment présent. Ne pas trop se laisser embarquer dans les pensées qui ajoutent facilement du désespoir à la douleur. Être capable de tolérer des expériences inconfortables sans en faire systématiquement un problème à résoudre, avoir une relation paisible avec son égo, savoir ce qui compte vraiment et pouvoir agir dans cette direction. C'est ce que l'état des connaissances appelle la flexibilité psychologique, un ensemble de compétences qui nous permet d'accepter les expériences inconfortables, surtout si elles coïncident avec des actions qui nourrissent ce qui compte vraiment pour nous dans la vie. Les recherches dans ce domaine nous disent que le trop est souvent l'ennemi du bien en psychologie et que la majorité des troubles psychologiques peut être mis en lien avec une recherche d'évitement et de contrôle des expériences inconfortables. On peut se demander si notre société est au courant de cet aspect ou si au contraire elle nourrit l'illusion qu'augmenter le niveau de confort et de rentabilité est toujours une bonne idée. Il est en effet assez adapté de porter attention à son alimentation, bien sûr. Il est assez adapté de prendre en compte son bilan carbone. Il est même plutôt adapté de chercher à faire une bonne impression sur les autres. Mais chacun de ces comportements peut également devenir un problème et un authentique trouble psychologique si nous lui donnons trop de place, si nous en faisons une règle de contrôle et de réussite absolue. Il est possible que l'augmentation de la souffrance psychologique soit le symptôme de contextes sociétaux de moins en moins respectueux et propice à la satisfaction raisonnable et équilibrer de nos besoins de base. Comment ressentir le sens de mon investissement professionnel quand je subis des plannings qui malmènent ma vie de famille et quand les nouveaux arrivés sont traités avec plus d'égard dans mon service ? Comment continuer à fournir des efforts pour remplir ce tableur sur cette fameuse plateforme s'il me donne l'impression que le monde n'a pas besoin de moi et que certains accèdent sans effort à ce qu'il y a de plus désirable ? Comment avoir envie de m'investir dans l'avenir si je suis bombardée d'informations contradictoires et anxiogènes qui semblent me dire qu'il est urgent de profiter des plaisirs de la vie avant que tout s'arrête ? Comment construire une relation amoureuse stable si je pense que je dois absolument prioriser la réalisation personnelle de mes aspirations et que je vis le compromis comme une entrave ? Comment développer mes compétences avec les doutes naturels et inconfortables et vivre finalement des expériences de satisfaction ? Quand certaines pensées me disent que ça devrait être plus facile, les innovations induiront de nouveaux changements auxquels il conviendra de s'ajuster. Chaque crise rencontrera nos vulnérabilités, en poussant loin la nécessité d'adaptation pour bon nombre d'entre nous. Il semble essentiel que nous développions une capacité à maintenir des actions équilibrées, surtout bénéfiques à long terme, et connectées à l'essentiel, et que nous résistions ainsi à certaines habitudes confortables et néfastes. à notre épanouissement profond. L'Organisation mondiale de la santé a édité en 2021 un guide en collaboration avec des psychologues et des chercheurs dans le domaine des sciences comportementales et cognitives pour enseigner la flexibilité psychologique dans les contextes humanitaires. Des associations enseignant ces compétences se sont déployées en Sierra Leone à côté des dispositifs plus habituels pour aider la population à trouver la meilleure façon de montrer du respect aux déchets. tout en se protégeant du virus Ebola. Certains professeurs et chercheurs en psychologie parlent de la nécessité de développer une science de l'évolution du fonctionnement humain pour développer des sociétés plus à même de prendre en compte nos vulnérabilités et l'équilibre subtil de nos besoins. Il paraît en effet un peu insouciant que l'on tienne aussi peu compte des conséquences psychiques sur l'humain dans l'organisation et les changements de nos sociétés. Il paraît essentiel que les recherches et les échanges entre les différentes écoles Les différentes disciplines nous aident à comprendre et affiner encore ce qui fait que nous sommes nous, les humains, et à respecter davantage ce qui protège ce que nous avons de plus spécifique et essentiel.

  • Speaker #1

    Merci Aurélie Fritsch. Je vais maintenant laisser la parole à Sandrine Guglielmiti. Vous êtes médiatrice de santé paire au Centre universitaire support de remédiation cognitive et rétablissement du pôle hospitalier universitaire de psychiatrie d'adultes et d'addictologie du Grand Nancy. Vous allez nous expliquer probablement ce qu'est une médiatrice de santé paire. Ce sont de nouvelles formations, ce sont de nouvelles compétences et ce sont pour tous les patients et tous les praticiens de nouvelles cordes à leurs arcs.

  • Speaker #4

    Oui, tout à fait. C'est un nouveau professionnel. de santé au sein des structures sanitaires et médico-sociales et aussi dans le monde associatif. Et moi j'ai choisi de faire cette reconversion à l'aube de mes 50 ans, après une carrière dans le commercial, le marketing, qui m'a apporté beaucoup de stress. Et donc j'ai voulu mettre mon expérience au service des patients, mais aussi des professionnels du soin. Une expérience de vécu douloureux. avec une entrée dans la maladie de façon très progressive et très vicieuse. Donc j'ai envie de démarrer par ça, de vous dire qu'on n'est pas tous égaux face au stress et c'est ce que j'aurais aimé entendre à mes 27 ans lorsque je suis rentrée dans la psychiatrie et ça m'aurait aidé beaucoup à continuer mon chemin, à ne pas me perdre et peut-être à ne pas développer un trouble de l'humeur très tardivement. J'ai eu un diagnostic très tard, à 46 ans, et je considère que j'ai peut-être perdu beaucoup de temps par méconnaissance. J'ai voulu faire de ce parcours douloureux mon métier, et cette expérience, je la mets au service des autres. Un médiateur de santé-père, c'est une personne qui est concernée par un trouble psychique, et qui a un problème psychique. par des problématiques d'addiction ou de précarité et qui réussit à vivre avec, qui arrive à contrôler ses symptômes. Même aujourd'hui, moi j'ai parfois le sentiment que j'ai rêvé des chapitres entiers de ma vie, comme si ça n'avait jamais existé. C'est assez irréel. J'ai fait ce qu'on appelle un chemin de rétablissement et c'est cet espoir-là que je porte auprès des personnes que j'accompagne, mais aussi auprès de mes collègues. C'est important de... que mes collègues aussi portent cet espoir. Je travaille à Nancy, en psychiatrie, dans ce centre-cure, auprès d'une équipe très engagée, très investie. Je pratique ce qu'on appelle la pérédance, qui est une discipline basée sur l'entraide mutuelle. C'est quelque chose de très puissant. On se tire vers le haut quand on se rencontre dans l'expérience, quand on partage notre vécu. Il y a une reconnaissance mutuelle qui est très forte. On se reconnaît dans le vocabulaire et dans l'expérience intime. Et dans mon métier, je pratique la médiation. Ça consiste à accompagner vers le soin en faveur de l'alliance thérapeutique. C'est très important. Et avec mon regard, celui d'une personne qui vit la psychiatrie de l'intérieur, je veille à soutenir le pouvoir d'agir des personnes et je veille à ce que leurs droits... et leur dignité soient respectées et je porte leurs paroles pour qu'ils soient entendus. Voilà, j'ai mon propre prisme. Alors oui, le rétablissement, c'est être dans le contrôle de ses symptômes. On devient expert de son propre trouble et à un moment donné, on arrive à dépasser la stigmatisation. En tout cas, dans la paire aidant, c'est très important ce regard que l'on porte sur l'autre. en le considérant comme une personne et non pas comme une maladie ou le voir au travers de ses symptômes. Et pas plus tard qu'hier, une personne qui est chère à mon cœur, pour revenir un peu sur le sujet, qui est très proche de moi, qui me disait encore je ne sais toujours pas après quoi je cours

  • Speaker #0

    Il a 56 ans, 57 ans,

  • Speaker #1

    épuisé par le travail,

  • Speaker #0

    le stress. Et il m'a dit une parole qui m'a fait chaud au cœur. Il m'a dit finalement, c'est moi le malade, c'est pas toi. Toi, t'as eu un stop, t'as été obligé. C'est ce que je considère aujourd'hui. On est obligé, quand on est concerné par un truc comme ça, de faire un gros travail d'improspection, de faire un travail sur soi. qui nous met parfois en décalage par rapport à la société. Mais finalement, aujourd'hui, j'en fais une force parce que j'arrive à me recentrer sur ce qui est le plus important dans ma vie. Voilà, donc je vais vous raconter un petit peu ce que je partage avec les gens lorsque je rencontre des patients dans mon métier. Ils me disent souvent que c'est la société qui les a rendus malades, avec la difficulté de devoir s'y adapter, avec en plus de cela des traumatismes personnels vécus, des casseroles de vie. Il y a une vraie appréhension quand il s'agit de reprendre une activité professionnelle. Et donc on s'apaise quand on conscientise tout ça, que finalement on n'est pas la folie, parce qu'il y a une représentation quand même autour des maladies psychiques, on n'est pas la folie, mais la société telle qu'elle évolue, et nos casseroles de vie nous ont fisturés quelque part. La société peut rendre fou par ses excès, ses injonctions, et ses exigences aux pseudonormes sociales. En tout cas, c'est ce que l'on croit. On essaie de se détacher de ça. Alors les réseaux sociaux nous amènent à nous comparer. Il n'y a jamais de repos de l'esprit, vraiment. Et quand on écoute des discours, c'est extrêmement culpabilisant. On ne fait pas assez d'enfants, on ne fait pas assez de sport, on n'est pas assez colo, on n'est jamais assez. On peut choisir de ne pas vivre cela, en tout cas en tant que personne concernée par un trouble psychique. On est quand même amené à réfléchir sur nous et on peut être accompagné vers cela en essayant de porter notre attention sur ce qui nous est bénéfique, avec la conscience de notre vulnérabilité, en ne se mentant pas à soi-même avant qu'il ne soit trop tard. Alors le burn-out, oui, maladie du siècle du fait de l'évolution de l'organisation du travail. et du temps qu'on doit partager entre notre vie perso, professionnelle, avec l'idée d'être irréprochable partout. C'est ce que j'ai vécu, c'est ce qui m'a menée, moi, à ma bipolarité. On se retrouve dans des conflits de valeurs. Par exemple, j'ai atterri à l'hôpital. Je n'avais plus envie de souffrir et de voir ce monde. Surtout, j'étais dans un étau. Par l'incapacité de dire que mon travail ne correspondait pas à mes valeurs plutôt que de m'affirmer. Je vendais des appartements, à l'époque, dans lesquels je n'aurais jamais pu vivre. Oui, il faut être fou pour se faire du mal à soi-même. J'étais dans l'incapacité de m'affirmer. Pour la dépression, ça peut être une réponse à une incapacité à s'adapter à un changement de vie, à une perte de repère, une nouvelle organisation du travail, des chocs émotionnels. couplée à une vulnérabilité génétique et un système immunitaire fragile, ce qui était mon cas. J'ai été souvent hospitalisée pour des problèmes somatiques, on ne parle pas du corps, on ne parle jamais du corps. Donc la dépression, le mal du siècle, pas forcément, parce que l'homme a dû gérer des changements d'environnement pendant des siècles et des siècles, et s'y adapter, s'adapter à une nouvelle réalité. Et c'est vrai qu'aujourd'hui le travail fait souffrir. Alors voilà, en tant que personne concernée, on prend conscience que c'est inévitable de faire face à des choses douloureuses, c'est quand même notre destinée. Ce qui se passe dans la société aujourd'hui, c'est qu'on est connecté avec le monde entier, mais pas à soi-même. Le mal de ce siècle ne serait-il pas la perte d'attention à l'autre, qui est tout près de nous, qui est notre réalité, dans notre couple, notre famille, et à soi-même ? Et puis aussi notre façon de communiquer, on ne se rencontre plus, on ne s'écoute plus, ou alors très mal. Il y a des stimuli incessants, le téléphone, les attentes des SMS qui ne viennent pas, du stress, et on gâche du temps disponible à soi et aux autres. Alors moi en tant que médiatrice de santé paire, et en tant que personne concernée, j'ai fait une belle découverte qui m'a un petit peu sauvé la vie, et j'ai pratiqué grâce à une amie qui m'est chère. la méditation comme point d'ancrage apprendre à faire avec des choses qu'on ne peut pas changer j'ai commencé à ressentir mon corps vivant c'est ce que j'ai vécu la prise de conscience que mon coeur battait et que mon corps était fatigué et douloureux et que ce qui était réel c'était le présent et que mes enfants avaient besoin de moi encore un petit peu Le passé n'est plus, l'avenir n'est pas encore, j'ai regoutté au moment simple. C'est un outil très puissant qui m'a permis de me sevrer des anxiolytiques, dont la consommation devenait hallucinante, et sans la possibilité de me confronter à la douleur. Parce qu'on les prend par anticipation de ce qui peut nous blesser, et on ne nous apprend pas suffisamment à faire avec. Et puis, dans mon travail aussi, On axe beaucoup sur les valeurs. Moi aujourd'hui, ce qui me permet de me stabiliser, c'est donc cette méditation, mais aussi d'être toujours en phase avec mes valeurs, pour être le moins possible en décalage avec moi-même, dans un monde qui de toute façon va bouger tout le temps, de manière assez inéluctable. On est obligé de suivre le mouvement. Donc il faut se trouver un point d'ancrage. Ce point d'ancrage, ce sont les valeurs. Choisir son environnement de vie quand on le peut. Alors le Covid, pardon, moi je me suis dit les gens vont prendre conscience, ça me donnait beaucoup d'espoir aussi. Certains ont quand même pris des décisions de changement de vie, c'était très positif tout ça. Et puis ce qui me semble important c'est s'entourer de personnes qui posent un regard positif sur nous. C'est un petit peu le message que j'avais envie de vous transmettre aujourd'hui. Puis c'est ce qu'on porte dans notre structure à Cure, d'accompagner les personnes vers cette gestion de stress qui devrait faire partie intégrante au niveau de la scolarité, au niveau de l'éducation, comment gérer son stress, parce que c'est ce qui peut nous mener à des maladies très invalidantes.

  • Speaker #2

    Merci, c'est un parfait exemple que le soin peut se faire aussi dans l'horizontalité et pas forcément dans la verticalité d'un soignant, d'un soignant avec une patiente ou un patient. Je vais maintenant laisser la parole à Sarah Sananès. Tu es pédopsychiatre en psychiatrie périnatale, service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent du professeur Carmen Schroeder aux hôpitaux universitaires de Strasbourg. Un peu comme la session précédente avec Maya, on aime toujours t'entendre parler des petits-enfants et parfois aussi de la relation avec les parents qui feront probablement l'objet de ton intervention. Là c'est sur des aspects qui sont peut-être plus difficiles. C'est vrai que je pense que la dépression du postpartum est encore très différente du baby blues et c'est quelque chose que je l'ai découvert assez récemment et tout de même très fréquent. Donc on est très content de t'écouter.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup et je remercie les organisateurs de cette invitation parce que c'est un réel plaisir pour moi d'être ici parmi vous et de participer à ces échanges. Alors je vais commencer par rebondir sur les propos de Sarah et Anna qui évoquent des pressions scolaires. On parle aussi, et on en parlera, de la pression professionnelle, personnelle. Je me demande ce qu'on pourrait dire des pressions qui pèsent sur la parentalité. Vous nous avez parlé de parcours sup qui amène à une exigence de performance, une pression supplémentaire. Je crois qu'on peut s'interroger aussi sur les exigences en matière de parentalité. Ces exigences finalement à bien faire grandir les bébés. Alors, je vous partage qu'on peut se demander quels effets ça peut avoir justement sur les bébés, sur leurs parents. Est-ce que les évolutions de société ont des effets sur cette période périnatale ? Et puis, est-ce que je suis psychiatre, pédopsychiatre sur ces troubles ? On l'entend, et c'est le thème de cette table ronde, l'anxiété, la dépression, le burn-out, c'est un enjeu de santé publique. Alors justement... Si on pose le regard en psychiatrie périnatale, qui est le champ dans lequel j'ai la chance d'exercer, la meilleure connaissance de la dépression du postpartum s'est passée par le constat et la preuve qu'il s'agit d'un enjeu majeur de santé publique. Enjeu majeur de santé publique, et tu le disais Aurélien, par la haute fréquence de ces troubles. C'est environ 10 à 20% des femmes qui souffrent de dépression périnatale. Et c'est également le cas de 5 à 10% des hommes. Enjeu majeur de santé publique par ses risques, risques pour le bébé, risques pour les liens, risques pour les parents. Évoquer ses risques, c'est toujours prendre garde, éviter tout causalisme, ça a été évoqué tout à l'heure. Les premiers temps de la vie sont reconnus comme une période sensible du développement, donc la question de ses risques est essentielle à aborder, mais évidemment sans faire des raccourcis causalistes et être réducteur. Et puis enjeu majeur de santé publique du fait d'un risque terrible, le risque de suicide en période périnatale, puisque les enquêtes nationales sur la mortalité maternelle nous indiquent que le suicide est la première cause de décès maternel dans la première année qui suit la naissance. Enjeu majeur de santé publique aussi par les coûts humains, économiques, qui sont engendrés par les troubles psychiatriques en période périnatale. Tout à l'heure, j'ai beaucoup aimé entendre parler du coût de l'inaction. Alors, ces questions de calcul de coût en prévention, cette mise en relation du coût des soins à ce temps-là de la vie en perspective des coûts vie entière. Alors, je vous parle de troubles psychiatriques en période périnatale. Je vais faire un focus parce que c'est plus simple et parce que c'est le plus connu sur la dépression du postpartum. Maternelle, maternelle, mais bien sûr, on le sait, d'autres troubles psychiatriques se déclenchent pour la première fois ou rechutent à ce moment-là de la vie. C'est une période de haute vulnérabilité, période de haute vulnérabilité, période sensible pour les bébés qui arrivent. peut-être des raisons pour moi de me pencher avec autant d'intérêt sur cette période de la vie. La dépression périnatale, donc, c'est un diagnostic clinique qui associe différents symptômes. Tu en as mentionné tout à l'heure. Tu parlais d'anédonie. Alors voilà, cette perte d'intérêt, d'envie, la tristesse, la douleur morale et puis l'épuisement qui est délicat à entendre à ce moment de la vie où il y a bien des raisons d'être fatigué. Quelques signes parmi d'autres. J'aimerais m'arrêter un instant sur la douleur morale qui est associée à la dépression. C'est un symptôme très intense. Quand on entend les expériences vécues, on entend que cette douleur morale est décrite comme une épreuve très intense. Et s'il est très douloureux d'être déprimé à tout moment de la vie, alors que dire de la dépression à un moment de la vie où il est attendu ? de vivre des émotions heureuses. Les patients, les parents en témoignent dans ce moment de la vie où on accueille un bébé. Un parent qui souffre de dépression du postpartum ressent souvent la peur de ne pas arriver à s'occuper de son bébé, de ne pas en être capable. Et on a face à nous des mères et des pères qui ont l'impression de ne pas répondre aux besoins de leur bébé, qui ne s'en sentent pas capables, qui l'expriment. ceux-ci alors même qu'ils prennent le plus souvent soin de leur bébé de manière adéquate. On peut donc se retrouver face à des mères, des pères qui expriment ne pas arriver à faire les soins à leur bébé, mais les assurer dans le même temps. Donc un trouble fréquent, grave, par la douleur morale qu'elle génère, grave par ses risques d'effet, et pourtant... La dépression du postpartum est insuffisamment dépistée, insuffisamment repérée, insuffisamment diagnostiquée, insuffisamment traitée. Alors, il s'agit ici de dépistage. On sait qu'on souffre à l'hôpital de manière générale du manque de moyens. Ça nous a été rappelé tout récemment, dans les derniers jours, par le rapport du Comité national d'éthique. On nous indique que c'est une crise grave, profonde, systémique. Et ces manques marquent également la psychiatrie périnatale, la pédopsychiatrie évidemment, et ça sera abordé je pense dans des tables rondes ultérieures. Mais ces manques marquent aussi les réseaux, les institutions avec lesquelles on œuvre en période périnatale. Et parmi ces difficultés, il y a eu quand même... Par cette prise de conscience récente de l'importance de la prise en compte de la santé mentale en période périnatale, le définancement d'unités, une prise en compte peut-être de sociétés ou politiques, et puis ces financements ont eu lieu. Alors on peut se réjouir, parce que je faisais un tableau un peu son, mais aussi souhaiter que ça se poursuive. Je vous parlais du dépistage, c'est probablement moins de la moitié des femmes qui traversent une dépression du postpartum qui sont diagnostiquées. et une très insuffisante proportion d'entre elles accèdent à des soins adaptés à leur état. Alors voilà, c'est des constats assez difficiles. La dépression périnatale est de ce fait-là un enjeu majeur de santé publique, essentiel à dépister, accompagner, et ça l'est pour les bébés, pour les bébés, les enfants et les adultes qu'ils deviendront, pour les liens entre les bébés et parents, et puis bien sûr pour les parents eux-mêmes. Alors si je parle des bébés ici... indépendamment du fait que je suis pédopsychiatre et que vous aurez entendu, quand on s'occupe de bébés, on a très envie d'en parler, que ce soit en recherche ou en clinique. Mais c'est aussi parce que quand on pense à la santé mentale parentale, on pense les liens entre les bébés et les parents. Et en fait, c'est une façon de penser l'environnement dans lequel les bébés grandissent et se développent. On a parlé de périodes sensibles de développement. Prendre soin de l'environnement affectif des bébés à ce moment-là de la vie, c'est prendre soin des liens. dans lesquelles ils naissent et grandissent. Et c'est donc aussi prendre soin de la santé mentale parentale, c'est aussi prendre soin de cet environnement affectif. Et puis, de toute façon, on est dans un forum sur la santé mentale et je crois que c'est difficile de parler de santé mentale sans parler de construction psychique précoce. Donc, nous y voilà. La table ronde pose la question de savoir si c'est le mal du siècle. Les troubles psychiatriques en période périnatale, ils étaient déjà mentionnés par Louis-Victor Marcé en 1858 dans un traité de la folie des femmes enceintes et des nouvelles accouchées et des nourrices. Et pourtant, c'est une spécialité assez récente, en pleine mutation, en plein développement. Les soins conjoints ont été définis tout récemment dans le Code de santé publique en 2022. La formation spécialisée pour les internes a vu le jour tout récemment aussi cette année universitaire. Alors, c'est une spécialité de l'interaction et on voit que les définitions, les soins se spécifient. Récemment, dans les actions qui ont permis de mieux connaître la période périnatale, il y avait eu cette commission des mille jours, dont on a entendu une des expertes juste avant. Des parents ont été entendus par la commission d'experts et une des difficultés rapportées fréquemment était la solitude. On parlait aussi de cette question des liens de la solitude ou de l'isolement. Et je dois dire que dans les consultations que nous avons auprès des parents qui souffrent de dépression périnatale, c'est quelque chose qui revient très fréquemment. Et puis, c'est d'ailleurs un des axes de soins d'essayer de mobiliser autour de ses parents des ressources affectives et sociales. Alors... On peut aussi en période périnatale s'interroger, est-ce que la fragilisation psychique en période périnatale est liée aux mutations de la société qui ont été évoquées ? Est-ce que ce serait le mal d'une société en mutation ? Est-ce que l'isolement des parents est effectivement plus important qu'avant ? Est-ce que l'évolution des liens dans nos sociétés de manière générale a un impact sur les troubles psychiatriques en période périnatale ? On peut penser ici aux cultures au sein desquelles l'accueil du bébé est un fait collectif, au sein desquelles les bébés et leur mère sont portés par le groupe. Ces sociétés au sein desquelles porter un bébé au monde est une responsabilité collective. On peut penser aussi à ce proverbe selon lequel il faut tout un village pour élever un enfant. Alors quel relais dans nos sociétés qu'à l'accueil des bébés, ces êtres néotènes qui naissent dépendants des adultes qui prendront soin d'eux ? Comment accompagner au plus juste les parents dont la santé mentale se trouble alors qu'ils font face à ce petit être dépendant d'eux, et parfois face au vertige que cette dépendance peut engendrer ? On voit bien qu'à travers cette question de la dépression périnatale, il y a des questions plus sociétales, politiques. Et puis je crois qu'il y a, comme dans toutes les questions qui sont traversées dans ce forum, la question de l'information, la diffusion de l'information. puisque l'information est un axe essentiel de prévention. On dépiste bien que les troubles connus, les troubles qui peuvent être reconnus, qui ne sont donc plus tus, qui ne sont plus tabous. Donc briser le tabou autour de la santé mentale a été une étape cruciale. On a actuellement une information en plein essor, avec des contenus divers sur des supports variés, et dans lesquels les associations d'usagers ont d'ailleurs une place essentielle. C'est précieux, mais ça va poser toutes les questions qui vont... de manière générale avec l'information et la façon dont elle nous parvient avec la sélection de contenus, le risque d'être piégé dans une bulle de filtre et d'être peut-être enfermé au sein d'informations qui sont à risque d'entretenir doute et anxiété. Comment informer sans angoisser ? C'est une question en toile de fond permanente dans nos pratiques de soins, une exigence que je trouve forte, délicate. En tant que clinicien, une tension éthique peut-être entre information et risque de culpabilisation. Comment donc informer les parents sans les culpabiliser ? Comment dépister sans stigmatiser ? Vous en parliez. Comment dire la fréquence sans banaliser ? Utiliser ce terme de dépression sans risquer l'usage d'un terme qui amalgame ou une appellation qui ne dit plus un trouble et un diagnostic clinique. Comment dire l'importance sans effrayer ? Comment évoquer le risque d'impact sur les liens parents-enfants sans terrifier ou être causaliste ? Comment prendre soin sans effracter ? Et puis peut-être également comment accompagner la mise en récit du bébé par la famille lorsque les troubles et les soins s'invitent. Voilà, toutes les questions, quelques-unes des questions que m'a évoquées ce thème, et puis des questions qui traversent nos pratiques cliniques au quotidien en psychiatrie périnatale. Alors, je ne sais pas si la dépression est le mal du siècle. En tout cas, je crois que la dépression périnatale est un enjeu majeur de santé, crucial, un enjeu collectif sûrement, politique peut-être, dans l'intérêt des bébés. Et puis, qui dit mal fut-il du siècle dit remède, alors je voudrais vous partager, et je m'arrêterai. Quelques mots de ce qui peut composer le remède qu'on propose en soins conjoints de psychiatrie périnatale. En soins, on œuvre ensemble, dans les liens, en présence, en équipe, auprès des bébés et de leurs parents. Il s'agit de soins de psychiatrie curatifs pour les parents, attentifs pour les interactions, préventifs pour les bébés. On tente de soutenir des facteurs de protection, dont les soins font partie, protection donc autour des bébés. facteurs de protection qui peuvent, et on l'espère, contrer les risques liés aux facteurs d'adversité lorsqu'ils sont relevés. C'est une affaire d'équipe, c'est une affaire de réflexion sur nos soins pour éviter qu'il ne s'agisse que d'actes de soins. Et puis, je crois que c'est avant tout, on l'a entendu à travers vos témoignages, une affaire d'accueil, d'écoute, accueillir la souffrance, l'écouter, accueillir nos patients, ses bébés et leurs parents. Merci.

  • Speaker #2

    Merci, Sarah. C'est vrai que la terminologie mal du siècle, point d'interrogation, c'est comme mythe ou réalité. Point d'interrogation, c'est des choses qu'on utilise allègrement en bioéthique, mais peut-être dont on essaiera de se passer ultérieurement. Je vais maintenant laisser la parole à Patrick Légeron, qui est psychiatre hospitalier, auteur du rapport de l'Académie de médecine. Sur le burn-out, vous êtes enseignant à Sciences Po Paris, vous êtes également l'auteur de nombreux livres sur le stress au travail, les risques psychosociaux, la peur des autres, la maladie du travail. Donc on a bien compris que la dépression du post-partum n'est pas le baby blues, le burn-out n'est probablement pas le blues du businessman. Qu'est-ce que vous pouvez nous dire de cette entité qu'on connaît finalement assez mal sur le plan médical ?

  • Speaker #3

    Oui, merci d'abord aux organisateurs d'avoir choisi une thématique aussi riche et aussi complexe. Merci de m'avoir invité. Vous parliez du travail maladie, mais c'est Coluche qui disait Le travail est une maladie, la preuve, il y a des médecins du travail Donc, je ne reviendrai pas sur des chiffres évidemment inquiétants, à savoir le problème de la santé mentale. La santé mentale, il faut le reconnaître, c'est le parent pauvre de la médecine. C'est vraiment le parent très pauvre et ce n'est pas les grandes annonces de grandes causes nationales en 2025, comme il y a eu les grandes causes des assises nationales de la psychiatrie en 2021 qui ont quasiment débouché sur rien, sinon de donner quelques consultations de psychologue pour des jeunes. Mais donc le problème de la santé mentale au travail, c'est vraiment en plus le parent pauvre de la santé mentale tout court, c'est-à-dire la santé mentale au travail, il a complètement délaissé. Pourtant, les chiffres sont inquiétants. Une grande étude réalisée par la Fondation de Nikkeur, dont Raphaël Gaillard est le président et qui intervenait hier, et qui a été communiquée au CESE, montre qu'à peu près la moitié des actifs aujourd'hui ne sont pas dans un bien-être mental, au sens de la définition de l'OMS. Je rappelle que le bien-être mental et la définition de la santé mentale de l'OMS, ce n'est pas simplement l'absence de maladie. Les chiffres concernant les troubles... purement pathologiques sont également inquiétants. Le cabinet stimulus, dans une étude aussi, indiquait qu'environ un quart des salariés présentent sans doute des troubles mentaux de type anxio ou dépressif. Et Santé publique France a indiqué, ça a été dit à plusieurs reprises, que l'épidémie de Covid a non seulement augmenté en population générale, mais également chez les salariés et chez les actifs, toutes ces problématiques. Aujourd'hui, la santé mentale au travail est un enjeu considérable. Il faut rappeler aussi, par exemple, que c'est la première cause d'invalidité au travail. C'est la première cause d'invalidité. Et c'est également le deuxième motif, après les problèmes rhumatoïdes, c'est le deuxième motif d'arrêt de maladies de longue durée. Donc, on voit un petit peu l'impact qu'a la santé mentale sur le travail. Alors, on parle beaucoup, et vous avez cité, de maladies du siècle. Chacun s'est amusé à trouver des références anciennes. Moi, j'irai encore plus loin que vous. Dans l'Ancien Testament, alors c'est loin de l'Ancien Testament, dans le Grand Livre des Rois, la grande fatigue du prophète Élie, qui essayait de prêcher dans le désert pour convaincre, s'épuise. Et quand on lit le Livre des Rois, je ne sais pas si c'est votre lecture préférée de l'Ancien Testament, la description qu'on a de la grande fatigue du prophète Élie, c'est un cas de burn-out pour les psychiatres d'aujourd'hui. Alors, le burn-out pose un vrai problème. Parce que d'abord, l'approche médicale est relativement récente, c'est-à-dire que c'est dans les années 70 qu'un Français parle pour la première fois de l'épuisement professionnel et le terme de burn-out est utilisé par un psychiatre américain dans les années 70, Fredenberger. Il est très intéressant d'écrire des jeunes qui travaillent dans des free clinics, c'est-à-dire des cliniques où on accueille des jeunes toxicomanes qui arrivent... battant tout feu tout flamme, excusez-moi ce mauvais jeu de mots, pour aider ces pauvres toxicomanes à s'en sortir et qui s'effondrent, complètement brûlés de l'intérieur. Et d'ailleurs le terme de burn-out est forgé par ce psychiatre américain il y a maintenant plus de 50 ans. Et puis ensuite on a commencé à construire avec des chercheurs dans les années 80 la conception. Aujourd'hui la conception du burn-out c'est pas simplement un épuisement, c'est pour ça que la traduction française en épuisement du burn-out est une traduction Assez erroné, parce que dans un burn-out, il y a non seulement un épuisement physique et psychologique, on ne peut plus rien faire, on ne peut plus se concentrer, le corps et l'esprit ne réagissent plus, mais il y a également une brûlure des émotions, on devient insensible à plein de choses, on ne réagit plus, on devient cynique. Moi, j'ai l'exemple d'une infirmière en burn-out qui m'expliquait, elle travaillait dans un service d'enfants cancéreux, elle me disait que ça ne faisait plus rien, c'était des objets. Elle déshumanisait un petit peu les relations aux autres, le cynisme. la perte d'intérêt, la brûlure des émotions, et puis également le sentiment d'être complètement incapable. Donc c'est intéressant de voir que cette maladie est maintenant un peu mieux codifiée, mais c'est encore un vrai problème parce qu'elle n'est absolument pas reconnue dans aucun manuel de psychiatrie, et l'OMS qui s'est penché plusieurs fois sur la question n'a toujours pas reconnu dans ses dernières classifications la notion de burn-out comme une maladie. C'est juste classé comme un phénomène lié au travail. Et donc c'est extrêmement intéressant de voir que nous avons beaucoup de difficultés. Et ceci dit... Si on entre dans le burn-out, toute la problématique que je voudrais un petit peu élargir de ces troubles anxieux, de ces troubles dépressifs, de ces burn-out, etc., on s'aperçoit finalement qu'il touche un nombre important de salariés. Les derniers chiffres de Santé publique France, qui est notre grand organisme d'épidémiologie de la santé, comme vous le savez, indiquaient qu'on estime à près de 500 000 cas par an de personnes qui tombent malades. mentalement, simplement pas en souffrance, mais dans une vraie pathologie, que ce soit des anxios dépressifs, des anxios purs, des dépressions, des stress post-traumatiques, des choses comme ça, liées au travail. 500 000, c'est donc relativement considérable et je voudrais juste vous soumettre un autre chiffre qui est également à mettre en relation et qui est très perturbant, c'est qu'il y a 1000, seulement 1000 de ces cas qui sont reconnus comme maladies professionnelles, c'est-à-dire qui sont reconnus comme étant causés par le travail. Donc vous voyez, le décalage entre... 500 000 cas reconnus comme étant liés au travail et 1000 seulement qui vont être pris en charge par la branche des maladies professionnelles de l'assurance maladie. Donc on a un véritable problème à ce niveau-là sur lequel je reviendrai un petit peu plus tard. Si on comprend encore mal un petit peu le burn-out, on sait maintenant son mécanisme. Et en fait, le mot a été prononcé plein de fois. Et là, à mon avis, c'est le terme qu'il faudrait utiliser pour le mal du siècle, c'est le mot stress. Le stress, c'est une réaction naturelle que nous avons tous face à une difficulté, que les mammifères ont aussi. Mais c'est le stress qui s'est développé à une vitesse grand V dans nos environnements professionnels. Et aujourd'hui, la conception du burn-out, c'est finalement la dernière phase ultime d'un processus de stress qui se répète dans le temps et dans l'intensité. C'est-à-dire que le stress est une réaction normale. Ensuite, quand il devient excessif, on entre en hyper-stress, c'est-à-dire dans un fonctionnement qui déjà nous alerte. Et puis ensuite, il y a l'effondrement. Et donc l'hyperstress est l'antichambre de la réaction de burnout. Et donc la problématique du stress est une problématique centrale dans la compréhension du burnout. Ce qui est très intéressant...

  • Speaker #0

    C'est que des grands organismes, aussi bien de santé comme l'Organisation mondiale de la santé, mais des organismes aussi comme le travail, le Bureau international du travail, deux grands organismes, comme vous le savez, dépendants de l'ONU, l'un sur la santé, l'autre sur le travail, ont indiqué depuis maintenant une quinzaine d'années que le stress au travail est le premier risque pour la santé des travailleurs. C'est le premier risque. Pendant longtemps, les risques pour la santé au travail, c'était des risques physiques, on pouvait tomber d'une échelle, c'était encore bien sûr des risques biologiques ou... ou chimiques, l'amiante a fait beaucoup parler d'elle, etc. Mais maintenant, c'est le stress. Et c'est quelque chose qui est extrêmement inquiétant. C'est d'autant plus inquiétant que dans des pays comme la France, toutes les enquêtes européennes, j'ai la chance de travailler un peu avec la Commission européenne qui n'est pas loin d'ici, qui se tient des fois, de temps en temps, ici au Parlement, mais à Bruxelles aussi, eh bien, on s'aperçoit que la France est le pays qui a le record au niveau de stress des salariés. Les salariés français sont les plus stressés dans toutes les grandes enquêtes européennes. Et j'aimerais rebondir sur nos deux jeunes lycéennes qui sont là. Le record aussi européen sur le stress des lycéens, c'est nous qui l'avons. Nous avons le double record des résultats les plus médiocres, classement PISA, et les plus stressés. Vous voyez, le résultat est beau. Vous avez à l'opposé, vous avez les Finlandais, les Finlandais, les Finlandais qui sont peu stressés. qui sont peu stressés et qui ont les meilleurs résultats. Et puis vous avez le japonais, qui sont très stressés mais qui ont de bons résultats aussi. En tout cas, nous on est très mauvais et je trouve dans le travail, il y a une grande comparaison avec les lycéens. Donc vous voyez, vous êtes encore au lycée mais quand vous serez au travail, vous recouvrez un petit peu cette notion que vous avez très bien décrite à l'école. Ne vous inquiétez pas, votre parcours est maintenant bien tracé concernant le stress. Alors quand on a dit ça, on a fait un constat important. Et maintenant, il faut comprendre un petit peu quelles sont les sources de stress au travail. Et là, les recherches sont également très développées depuis maintenant une trentaine ou une quarantaine d'années sur qu'est-ce qui stresse au travail, qu'est-ce qui fait qu'on est stressé au travail. Alors évidemment, ce n'est pas le fait qu'on a toujours des environnements pénibles. Par exemple, évidemment, quand on travaille dans des usines avec du bruit relisé germinal, pour comprendre que ce n'était pas un long fleuve tranquille de travailler. Mais aujourd'hui, vous pouvez être stressé en étant dans des beaux bureaux climatisés, avec des plantes vertes, avec une belle cafétéria pour manger à la pause, etc. Non, les causes de stress au travail sont dans deux domaines. D'abord, des organisations du travail qui sont complètement délirantes. Aujourd'hui, la pression... Et vous retrouverez ça aussi dans le milieu du travail. La pression des résultats et de la performance, vous serez jugé avec des objectifs à atteindre. La pression des personnes, les quantités de travail considérables, mais vous avez également des organisations de travail qui, par exemple, vous rendent impossible d'être autonome, c'est-à-dire le manque d'autonomie. Vous avez également des organisations de travail qui vous poussent à, j'allais dire, sacrifier la vie personnelle et la vie professionnelle. Vous avez des organisations de travail qui vous empêchent de vous développer. Vous êtes presque des robots. Ou alors, vous avez des organisations du travail qui vous mettent au placard. Et on est dans un autre concept qui est celui de bore out, c'est-à-dire d'épuisement. Cette fois, sinon plus par une surcharge de travail, mais un épuisement, j'allais dire par ennui, par aucune valeur. On a parlé de l'absence de sens au travail. Et madame, tout à l'heure, indiquait que lorsqu'on vous demande de faire des choses qui sont contre vos propres valeurs, etc., vous avez tout ça. Donc, ce problème d'organisation du travail est un problème central. Il y a un deuxième grand axe. de cause de travail, et la France, là encore, excusez-moi, nous avons beaucoup de record-man dans les statistiques européennes, c'est le management. Le management français est une catastrophe aujourd'hui. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est les rapports européens, c'est l'OCDE aussi, c'est les rapports de l'Agence européenne de santé et de sécurité au travail. Juste un exemple, dans les grandes enquêtes européennes, il y a une question toute simple que vous pouvez vous poser vous-même. Votre manager est-il une source de stress pour vous ? 60% des français répondent oui. En Norvège, ils sont 10%. Avez-vous le sentiment d'être reconnu au travail ? Nous sommes dans les dernières positions. Donc on a un management qui est complètement défaillant, un management qui est plus là pour surveiller, épier. et punir plutôt que d'accompagner, etc. Ce problème du management, c'est un problème majeur qui s'est accru d'ailleurs avec le problème de la Covid, puisque les travailleurs ont été amenés à travailler souvent en télétravail à distance. Et là encore, le télétravail à distance avec des managers relativement défaillants a causé beaucoup de soucis concernant le bien-être des salariés, et d'ailleurs plus globalement. Et là, l'Agence européenne, avant même l'apparition de la Covid, c'est-à-dire en 2019, alertait. sur le risque pour la santé mentale du développement des techniques nouvelles qu'on appelle la digitalisation du travail, le numérique. Le tout début, c'était le télétravail. Aujourd'hui, beaucoup de chercheurs se posent la question de ce qui va devenir avec l'intelligence artificielle. Est-ce que ça va être quelque chose qui va être bon ou pas bon pour la santé mentale ? Pour l'instant, on est tous plus en train de réfléchir à savoir qu'est-ce qui va modifier le travail. On pourrait se poser une question de savoir si ça va être bon ou pas bon pour l'être humain et pas simplement pour le travail. Voilà un petit peu toutes ces facteurs. toutes ces causes de stress. Alors ce qui est la bonne nouvelle quand même, c'est que nous avons des exemples. Moi, j'ai la chance de travailler avec pas mal de pays européens, avec le Québec aussi, qui est un pays, on en parlait tout à l'heure, qui est un pays modèle et facile à comprendre puisqu'il parle notre langue en plus, ou presque. On ne peut pas demander d'aller regarder ce qui se passe en Finlande parce que si vous ne parlez pas le finlandais, et même s'ils traduisent en anglais, au Québec, c'est des bons exemples. On sait ce qu'il faut faire. Il faut faire plusieurs choses. Premièrement, Il faut que les entreprises s'investissent là-dedans. C'est-à-dire que les entreprises doivent complètement avoir des évaluations de ce qu'on appelle les risques psychosociaux. Là encore, dans les grandes enquêtes européennes, la France est quasiment la dernière à avoir des indicateurs, à avoir des données pour piloter, c'est-à-dire quelle est la charge de travail de mes salariés, ont-ils de la reconnaissance, ont-ils de l'autonomie, arrivent-ils à équilibrer vie personnelle, professionnelle ? Quand on va dans les entreprises, comme j'ai la chance de le faire assez fréquemment, et bien on s'aperçoit qu'ils n'ont pas d'indicateurs. Rendez-vous compte, les entreprises ont des indicateurs sur tout, leur stock de marchandises, la performance économique, mais n'ont aucun indicateur sur cette thématique centrale qu'est-ce qu'il y a à dire les risques psychosociaux. Ça, c'est la première chose. La deuxième chose, c'est qu'il faut revisiter complètement les pratiques managériales. Et quand on regarde ce que font les pays d'Europe du Nord, c'est un exemple. Allez faire un tour en Finlande, allez faire un tour en Suède, vous allez voir ce qu'ils appellent le healthy management c'est-à-dire le management sain, de même qu'il y a une nourriture saine qui vous fait du bien. mais qui vous nourrit quand même. Il y a un management sain, c'est-à-dire qui ne fait pas de mal aux individus et qui, en même temps, manage, car il faut quand même manager les équipes. Ce management sain, c'est simple. C'est d'abord l'écoute, l'empathie, la gestion des émotions, la reconnaissance au travail, le soutien, etc. Donc, vous avez ça également à faire pour les entreprises. Les entreprises ont un rôle extraordinairement important là-dedans. Malheureusement, les entreprises ne font pas grand-chose parce que ça ne leur coûte quasiment rien. Les coûts, comme je vous l'ai dit, lorsque les gens s'effondrent au travail, c'est l'assurance maladie, vous et moi, le régime général qui paye, et rarement la caisse d'assurance maladie professionnelle qui, elle, est complètement financée par l'employeur. Ça, c'est le rôle des entreprises. Et là encore, ce n'est pas étonnant lorsqu'on pose un sondage européen. Est-ce que vous avez le sentiment que votre entreprise s'intéresse à votre santé mentale et votre bien-être ? 38% des salariés français disent non, pas du tout. Ils sont que 17%. en Allemagne. Et lorsqu'ils vous disent oui, c'est vrai, ils s'intéressent à mon travail, 55% vous disent oui, une façon superficielle, en ayant installé un baby-food, ou en nous faisant quelques séances de massage le week-end. Donc vous voyez qu'on a une vraie problématique de perception de l'intérêt que portent les entreprises à la santé mentale des salariés. Ça c'est le rôle de l'entreprise. Le deuxième rôle, c'est le rôle de l'État. Là encore, l'État français, les politiques de santé en France mentale, sont complètement désertées. la problématique de la santé mentale au travail, avec plusieurs choses. D'abord, le débat sur les maladies professionnelles, reconnaître comme maladies professionnelles les troubles mentaux, ça a été enterré deux fois par le Parlement, et là, ce n'est pas l'ordre du jour de remettre ça sur le tapis. Parce qu'il faudrait un jour ou non qu'on applique le principe très simple, pollueur égale payeur, c'est-à-dire ceux qui cassent les individus, doivent les réparer financièrement. On a fait ça pour l'environnement, à la table précédente, on parlait de l'environnement, maintenant pollueur et payeur. Il y a 30 ans, une usine polluait une rivière. C'était la collectivité qui réparait. Maintenant, une entreprise pollue une rivière, c'est l'entreprise qui paye. Pollueur égale payeur. Ils n'ont pas simplement 1 000 pris en charge par l'employeur, alors qu'ils sont 500 000. Ça, c'est la première chose. La deuxième chose qu'il faut faire, et ça, c'est une suggestion que commencent à faire certains pays, un peu comme on a fait dans le monde du travail un index de l'égalité homme-femme, c'est-à-dire qu'on a des critères qui permettent de dire, là, une entreprise qui est bien, parce qu'elles s'orientent vers l'égalité hommes-femmes au travail, eh bien, il faudrait un index, j'allais dire, de bien-être au travail. Et ça, c'est important. Et la deuxième chose aussi qu'il faudrait faire, c'est que les pouvoirs publics organisent vraiment des missions interministérielles. Il y a une mission ministérielle sur la psychiatrie, mais il faudrait une mission interministérielle. parce que j'ai été l'objet de plusieurs rapports pour le gouvernement. Je peux vous dire que le ministère du Travail et le ministère de la Santé travaillent complètement séparément, alors que c'est un problème à la fois de santé et de travail. Je voudrais terminer en disant que l'individu aussi doit se protéger. Et l'exemple que vous avez donné vous a montré que vous avez compris qu'il fallait se protéger soi-même. Vous parlez de la gestion du stress. C'est appris dans les écoles finlandaises dès la petite école. Maintenant, nos pouvoirs publics veulent apprendre l'empathie, veulent apprendre la gestion des émotions. Nous devons tous savoir gérer des situations difficiles. Nous devons tous aussi ne pas nous investir de manière excessive au travail. Vous savez, quand on regarde quels sont les gens qui sont effondrés au travail, eh bien, ce ne sont pas les gens qui, en général, surinvestissent. Moi, j'étais l'auteur d'un rapport pour le ministère du Travail après l'affaire de France Télécom. Et puis, on s'aperçoit que les gens qui sont suicidés, on a beaucoup parlé du suicide, mais le nombre considérable de burn-out qu'il y a eu après l'affaire de France Télécom nous montrait que c'était des gens qui étaient surinvestis. Le surinvestissement est dangereux. Donc, il faut apprendre aux gens à ne pas tout mettre ses oeufs dans le même panier. Et en effet, développer des hobbies, des choses comme ça. La pratique de la relaxation, l'activité physique, l'alimentation. Là encore, il y a une éducation sanitaire à faire sur la santé mentale. Où sont les programmes grand public ? Où sont les programmes qui vous expliquent comment se protéger au niveau santé mentale ? On vous explique comment faire pour ne pas avoir un infarctus, le régime, le cholestérol. Il n'y a aucun programme de santé publique sur la santé mentale. Et je voudrais terminer en disant que ces problématiques, et certains l'ont dit avant moi, donc l'inconvénient de passer en dernier, c'est qu'on répète des choses qui ont déjà été dites, c'est qu'il ne s'agit pas simplement d'un problème de santé, c'est un problème économique. Les pays d'Europe du Nord qui ont développé la notion de bien-être au travail, qui ont voulu lutter contre la souffrance psychologique, les troubles mentaux au travail, ont une approche business. Ils m'ont dit that's good for business c'est-à-dire qu'ils ont calculé que 1 euro investi à prévenir ces problèmes au travail, à les gérer, à travailler en amont, à les résilier, eh bien permettait d'éviter d'en perdre 3. Et ça, ça a été dit également tout à l'heure, que c'est l'inaction qui va coûter de plus en plus cher. Et là encore, cette approche business est importante. Aujourd'hui, le dernier rapport publié dans le Financial Times, vous voyez que mes lectures, ce n'est pas que les livres médicaux, le Financial Times m'explique que le problème de la santé mentale au travail, c'est des trillions de dollars. Je ne sais pas si vous savez que ce sont des trillions de dollars, c'est des milliers de milliards. C'est ça le coût dans le monde, et en France, ça n'échappe pas à tout cela. Donc on a des vraies problématiques. Et là encore, à défaut. de s'intéresser aux individus. Je ne suis quand même pas naïf en pensant que les entreprises ne s'intéressent qu'aux individus. On pourrait au moins s'intéresser au business. À une époque, on parle du travail, de la valeur travail, que les gens doivent travailler, etc. On devrait aussi se poser la question non pas simplement de l'emploi, du salaire, ou de l'augmentation du temps de travail, ou de manger à la retraite. On devrait s'interroger sur la question du travail, quelle qualité il a au travail. Et vous savez, ce n'est pas un problème si les Français sont ceux qui perçoivent le travail comme le plus stressant, le plus pénible, etc. Et ce n'est pas non plus quelque chose qui surprend, c'est que c'est les Français qui aussi, on l'a bien vu dans les débats politiques, les disent le plus souvent vivement la retraite. Je m'arrêterai là.

  • Speaker #1

    Merci. Alors, Sarah, Anna, je pense que rassurez-vous un peu quand même. Je pense que vous êtes d'une génération, de ce que j'observe chez les jeunes étudiants, ceux qui arrivent sur le marché du travail. Vous êtes d'une génération qui ne se laisse plus faire et vous posez aussi des exigences. Quand vous arrivez devant un employeur qui recrute, je ne sais pas ce que c'est peut être un pari sur l'avenir, mais en tout cas, cette impression que les choses, que les choses évoluent. Je vais vous laisser réagir à ce qui a été dit avec brièvement, puisqu'après, on va laisser la parole au public avec peut être comme seul point d'ancrage la prise en charge. Et qu'est ce qu'on fait pour les patients anxieux, déprimés avec ? C'est vrai, c'est l'œil du médecin qui parle. Le grand absent de ces débats, ce sont les traitements. la seule fois où on a évoqué les traitements c'était pour dire que c'était difficile d'arrêter le traitement anxiolytique or la consommation de psychotropes d'antidépresseurs, d'anxiolytiques notamment chez les populations les plus jeunes est en pleine explosion donc c'est vrai qu'on n'en a pas du tout parlé et peut-être aussi dire un petit mot sur pas d'espoir si il n'y en a pas mais de dire qu'est-ce qu'on peut proposer aussi pour ces patientes et ces patients-là Aurélie, peut-être on commence.

  • Speaker #2

    Sur les traitements ?

  • Speaker #1

    Pas forcément les traitements médicamenteux, mais les traitements.

  • Speaker #2

    Ah oui, à la psychothérapie. Les traitements plutôt non médicamenteux, je vais plutôt m'exprimer là-dessus. Les traitements, ça va être finalement, je crois, de la psychothérapie dans ce contexte-là, je crois que ça va être justement d'essayer de voir... les bonnes raisons qui font que la personne se retrouve dans cet état-là et de chercher avec elle finalement en quoi ses réponses, ses réactions peuvent être adaptées à un certain contexte qui peut lui être inadapté à ses besoins de base. Donc ça va être d'échanger, de discuter, d'essayer de comprendre, comme je disais, les bonnes raisons qui font qu'il y a eu à un moment donné une symptomatologie, un épuisement, un burn-out, et de pouvoir justement se poser... oser se poser, je crois qu'on n'a pas trop le choix d'ailleurs à ce moment-là, oser se poser des questions existentielles. On en a entendu parler. C'est peut-être le moment où jamais, au moment de la crise, quelle qu'elle soit, de se poser des questions existentielles et de se demander, qu'est-ce que j'ai besoin de prioriser là maintenant, tout de suite ? Et si on était dans le cadre d'une psychothérapie, dans le contexte de la dépression, des troubles anxieux ou de l'épuisement, ou le fameux burn-out, on chercherait finalement Là aussi, à faire le point, à comprendre quelles sont les bonnes raisons, qu'est-ce qui fait qu'on en arrive là, et du coup, une fois que je comprends qu'est-ce qui fait que j'en arrive là, de quoi j'aurai besoin comme changement. Sachant qu'on peut attendre et espérer des changements qui viennent de l'extérieur, mais on va chercher, comme on l'a entendu à plein de reprises, à aller plutôt du côté des changements qui sont sous mon contrôle. Tout sauf l'impuissance acquise, tout sauf l'impression de résignation. Et donc je crois que... Pour ma part, c'est ce que j'essaie de faire avec les patients que j'accompagne. C'est de voir, on a entendu parler de boussole à un moment donné, où peut être la boussole, qu'est-ce qui compte, comment prioriser et de mettre des garde-fous aussi. Il y a des patients qui disent, j'ai vraiment besoin de mettre des garde-fous, sinon le travail va tout manger. Et donc, de mettre stratégiquement parfois des garde-fous, qui s'appellent pratique de la chorale, certains loisirs, etc., pour éviter qu'on laisse le travail tout manger. Je dirais ça,

  • Speaker #0

    pour ma part.

  • Speaker #1

    Merci. Sandrine, vous êtes père aidant. Et donc forcément, les gens vous parlent forcément aussi des médicaments. Et c'est aussi dans votre expertise à vous de dire par quoi vous êtes passée. Et c'est vrai que comme on en a très peu parlé, vous avez parlé de la méditation. En quoi vous pouvez les aider dans ces périodes-là ?

  • Speaker #3

    Alors moi, j'ai l'habitude de dire, pour ne pas être trop fataliste par rapport à la prise de traitement, parce que c'est vrai qu'il y a des personnes qui... Enfin moi, j'ai pris des périodes de ma vie d'écrire des traités. très lourd et je n'étais pas du tout accompagnée par des pères aidantes qui m'auraient donné l'espoir peut-être de pouvoir à un moment donné diminuer mon traitement. Mais donc je dirais qu'il y a les traitements du moment de la crise qui sont un petit peu inévitables. Après on essaie de comprendre ce qui nous arrive, on a de la psychoéducation aussi par rapport à une pathologie donc on s'éduque nous-mêmes et à un moment donné on peut envisager effectivement une réduction du traitement. Je dirais que moi, j'ai un traitement de fond, par exemple, mais il ne faut pas miser tout sur un traitement. Il faut aussi savoir affronter des choses, mais il faut reprendre des forces. Et donc, c'est tout ce moment-là où on est sous antidépresseur, on digère son histoire, on essaie de retrouver des repères. Et justement, on travaille avec les professionnels de santé pour trouver des outils. trouver des outils d'apaisement, trouver des outils pour s'équilibrer, se réguler émotionnellement, réenvisager de refaire du sport, on a parlé de l'alimentation qui est fondamentale, on n'a pas parlé de la nature, moi la nature c'est quelque chose qui est tellement évident, qu'on respire mieux dans la forêt que dans un appartement, donc c'est des choses que j'aimerais beaucoup que ce soit davantage, dans les hôpitaux, dans les structures de soins, parce que c'est tellement une évidence que la nature fait du bien, et puis qu'on peut se ressourcer, et puis que c'est bon pour oxygéner son cerveau. Donc le traitement, oui, le traitement est important. Donc il ne faut pas arrêter son traitement, il faut en prendre un quand on en a besoin. Mais je pense qu'il y a aussi d'autres outils qu'on peut utiliser, qui sont sous la main, j'ai envie de dire, qui sont facilement accessibles, et il ne faut pas s'en priver. Donc c'est un équilibre entre traitement et puis... un équilibre qu'on trouve dans sa vie au travers de nos activités, de la sociabilisation, de l'emploi, du bénévolat. Mais l'isolement aussi est très néfaste à la santé mentale.

  • Speaker #1

    Sarah Salanès, vous voulez réagir ?

  • Speaker #4

    Alors en psychiatrie périnatale, on a un focus un peu particulier. Il y a la question de la santé mentale périnatale dont il doit prendre soin pour la perspective des bébés. J'en parlais tout à l'heure. Et puis quand les patients arrivent à nous rencontrer, on est dans des problématiques le plus souvent plus psychiatriques et plus sévères. Ce qui a évolué dans les dernières années, c'est les connaissances en matière de sécurité de certaines prescriptions. On a beaucoup plus de recul. Et finalement, un des grands risques qui était pris en période périnatale et à la découverte d'une grossesse, c'était l'arrêt de traitement qui était tout à fait nécessaire. Notre objectif principal, et en particulier dans la diffusion d'informations et dans le développement d'unités et de dispositifs spécialisés autour de ces questions-là, c'est de viser la stabilité. Parce qu'en fait, on a vraiment besoin d'avoir une stabilité psychique en période périnatale, à tout moment de la vie certainement, mais en période périnatale parce qu'il faut être hautement disponible. On traite quand on a besoin, on essaye d'informer pour que l'adhésion puisse se faire comme à d'autres moments.

  • Speaker #1

    Patrick Egeron.

  • Speaker #0

    Écoutez, la France est première dans le traitement des maladies cardiovasculaires et en énième position dans la prévention des maladies cardiovasculaires. Donc j'ai envie de dire prévenir avant, prévenir, prévenir, prévenir. Sur le burn-out, il n'y a qu'une action, prévenir. Quand on a un burn-out, au sens médical, quand on a un burn-out, c'est au moins deux ans avant de reprendre une activité. C'est une psychothérapie qui dure, c'est des médicaments. Prévenir, prévenir, prévenir. La prévention, ça se passe d'abord très tôt. En psychiatrie au général, les psychiatres sont étonnés dans les artistiques. Des fois, il faut 15 ans avant qu'une personne qui commence à avoir des signes, par exemple de phobie sociale, aille consulter, ou un trouble obsessionnel compulsif. 15 ans ! Pourquoi ? En général, vous commencez à tousser, vous allez voir un médecin. Vous n'allez pas attendre 15 ans à cracher du sang ou à pisser du sang. Donc il y a un vrai problème à ce niveau-là. Et là encore, le dépistage assez récent des premiers symptômes permet. Puis alors après, quand il y a des cas qui évidemment n'ont pas été suffisamment prévenus, mais toute l'action doit être mise sur la prévention. D'ailleurs, je soulignais qu'il y a un éphémère ministre, on a tellement eu une ministre de la Santé ces derniers temps que je ne sais plus lequel, mais un éphémère, celui qui a duré trois mois, avait intitulé son ministère de la santé et de la prévention. C'est fini, ça a été enlevé, c'est maintenant le ministère de la santé et de l'offre des soins. La prévention, out, il n'y a plus de prévention. Donc lorsqu'il y a besoin de traiter, il faut traiter parfois, il y a des guidelines très bien. Il y a des médicaments, il y a des psychothérapies, il y a des approches non médicamenteuses, il y a des approches qui sont plus de coaching, d'accompagnement, etc. Il y a plein de choses et je pense qu'il y a suffisamment de diversité pour trouver son chemin. Mais là encore, mon seul message, en tout cas pour le burn-out, c'est prévenir. On ne peut pas rester simplement sur le fait que nous sommes, comme je disais, champions des soins, mais en même temps, pas du tout dans prévention.

  • Speaker #4

    Sarah Sananès qui voulait ajouter un petit mot avant qu'on passe la parole à la salle. Oui, j'ai répondu sur la question des traitements médicamenteux. Il faut interpeller en psychiatrie périnatale quand on sent qu'on est en difficulté et bien évidemment, les traitements sont prescrits lorsqu'ils sont indiqués. Du coup, je réagis aussi pour... On encourage à ce que les interpellations se fassent. Il ne faut pas que ça soit effrayant. C'est quand une indication est posée.

  • Speaker #0

    Merci.

  • Speaker #2

    On va maintenant laisser la parole au public pour les questions.

  • Speaker #5

    Je vais m'arroger le droit de la première question à Patrick Légeron. Quand on vous entend parler, on trouve presque scandaleux la situation des entreprises françaises et l'absence de bienveillance au travail. Il y a pourtant eu une condamnation de grands barons de l'industrie française pour des épidémies de suicide, notamment, je pense à France Télécom. Mais il y a eu d'autres condamnations. Est-ce que depuis ces condamnations, il y a une prise de conscience dans le management français que quand il y a une personne qui se suicide dans une boîte, il y a des conséquences négatives pour les patrons ? Parce que c'est quand même par la sanction qu'on peut avoir le plus d'effets ou les plus rapidement. Parce que former les managers, c'est pour demain. Mais ceux qui sont en place, ils sont encore au cnout. Donc est-ce que... qu'il y a eu un effet des condamnations ?

  • Speaker #0

    Il y a eu deux temps. Moi, ça fait plus de 30 ans que je travaille sur ces thématiques de santé mentale au travail. Le silence absolu, le déni complet jusqu'à France Télécom. France Télécom, c'est 2006, 2007, 2008. À ce moment-là, le choc de France Télécom, l'interpellation des dirigeants, qui ont été définitivement complanés en appel de cassation. Le 19 décembre dernier, c'est-à-dire il y a un mois, 15 ans d'instruction, enfin la justice est lente, condamné définitivement. Il y a eu un choc. Avant, après. Après France Télécom, qu'est-ce qu'on a vu ? Et ce n'est pas moi qui le dis uniquement, c'est évidemment tous les rapports européens. C'est très intéressant de se comparer aux autres, parce que les problèmes dont on parle, je pense qu'ils existent aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne, en Italie, en Espagne, enfin dans toute l'Union. Et au-delà de l'Union, en Norvège, en Suisse, ce ne sont pas des pays de l'Union, mais enfin, qui sont quand même européens. Eh bien, nous sommes très en retard. Dans les années 70, les premiers travaux, par exemple, d'accord dans les entreprises sur le stress, la fin des années 70, étaient publiés par les partenaires sociaux au Danemark. Et en Suède, fin des années 70, il a fallu attendre 2008, 2008, juste après France Télécom, pour que les partenaires sociaux, c'est-à-dire les organisations syndicales de salariés et le patronat, signent des accords de prévention. Ces accords de prévention sont pas très contraignants, à la suite des accords européens d'ailleurs. Ils sont pas très contraignants, ils sont pas contraignants, et aujourd'hui, après le déni jusqu'à France Télécom, on est rentré, ce que j'appellerais dans le faux semblant. Les entreprises mettent en place un ligne verte. Vous allez mal vous appeler. On appelle pas ça de la prévention primaire ça, on attend que les gens vont mal, c'est comme si on disait quand il y a le feu il y a une issue de secours, il vaut mieux agir en amont sur le feu. Ou alors ils ont mis en place des alternatives que je citais, un baby-foot, des choses comme ça, donc il n'y a pas vraiment d'action, là encore dans la qualité des actions. Alors c'est vrai que le droit a augmenté, d'ailleurs M. Lombard, puisque c'est lui le président de France Télécom de l'époque, a été condamné, des peines relativement restreintes parce qu'à l'époque, c'était un peu durci. Mais à l'époque, c'était un an avec sursis et à quelques dizaines de milliers d'euros. Moi, j'ai le souvenir épouvantable d'un dirigeant d'entreprise épouvantable qui a vu un suicide, des burn-out dans son équipe. Il m'a dit j'étais condamné. Il a dit à la personne qui était en burn-out, vous m'avez coûté moins cher que ma boîte de cigares.

  • Speaker #1

    dans le public.

  • Speaker #0

    Bonsoir, alors d'abord merci beaucoup pour vos interventions et je voulais vous demander si d'après vous il existe des solutions pour réduire l'anxiété au niveau scolaire, donc dans les établissements scolaires, collèges, lycées.

  • Speaker #1

    Alors qui veut répondre ? Qui voit des enfants à la table ? Monsieur Légeron ?

  • Speaker #0

    Je ne vais pas répondre à l'exemple finlandais. D'abord, la compétition n'existe pas. Le travail est collectif. En tant que médecin, on a connu ce que c'est que la compétition. L'internat, c'est la pire des choses. Au Québec, moi, j'ai fini mes études aux États-Unis. J'étais étonné que je n'étais pas noté. On travaillait tous ensemble. C'était le groupe qui était noté. Il n'y a plus une pression sur l'individu, sur les résultats. Et ils forment des médecins tout aussi bien que chez nous. Et en Finlande, c'est pareil. C'est-à-dire que l'individualisation... L'individuation des évaluations est épouvantable. Il faut faire travailler en groupe, etc. Et puis aussi, davantage axer sur les résultats positifs que négatifs. Moi, juste une anecdote, quand je suis arrivé aux États-Unis, j'ai fait une université de médecine, c'est la fin des années 70, début des années 80, c'est long time ago comme on dit. Dans la famille d'accueil, c'était la rentrée des classes. Ils reviennent avec un devoir. Avec plein de choses soulignées en rouge. Et tout le monde s'est extasié. Je disais, ah bon ? Oui, on fait une dictée. Et la maîtresse a souligné plein de trucs en rouge. Alors, je disais, mais pourquoi tout le monde se réjouit ? Ah non, mais à la première dictée, on ne regarde pas les fautes. On regarde simplement ce qui aurait pu être une faute qui n'a pas eu lieu. Nous sommes dans une autre culture. Et au travail, c'est ça, les managers, qu'est-ce qu'ils font ? Ils sont là plus davantage pour vous critiquer que pour vous reconnaître. D'ailleurs, dans les sondages européens, nous sommes le pays dans lequel la reconnaissance est considérée comme la plus faible.

  • Speaker #1

    Question du public.

  • Speaker #6

    Merci à vous pour vos interventions. Vous avez parlé tout à l'heure d'indicateurs qui permettaient de mesurer la qualité de vie au travail. Et je voulais savoir si ces indicateurs étaient aussi mesurés dans le système scolaire et si parmi eux, on prenait en considération le rythme biologique des individus. Leur phase de sommeil et d'éveil, et vous, comment vous vous sentez par rapport à ça au quotidien, sur votre fatigue et sur d'autres indicateurs ?

  • Speaker #7

    C'est bon, super. Alors clairement au niveau du sommeil, je pense que dès qu'on arrive au lycée, il y a un gros changement. On est quasiment sur des journées de 10 heures. Comme on disait au début, nous sommes des classes avec des options en plus, par exemple la section européenne. Donc on a des emplois du temps vraiment très fournis. On fait quasiment du 8h-18h tous les jours. Vous rajoutez une heure de cantine, où en général on doit se dépêcher, donc ce n'est même pas vraiment une pause. En plus, on rajoute le matin, où tout le monde a les transports, donc on se lève en général vers 6h, voire avant. Et le temps de rentrer, de faire les devoirs, profiter un tout petit peu peut-être de notre famille.

  • Speaker #0

    On va se coucher 22h30 au plus tôt et encore je suis optimiste. Donc c'est clair que le manque de sommeil est très présent, ça peut peut-être se voir sur mon visage, j'espère pas trop. Mais on va rattraper je pense pendant les week-ends et quand on en a discuté rapidement en classe, on remarque même qu'on gâche notre week-end à dormir. Alors je sais pas si c'est gâché ou si c'est une mauvaise optimisation du temps, mais c'est comme ça qu'on récupère je pense le sommeil. Après, c'est sûr que ça nous fait perdre de la lucidité. Parfois, certains somnolent même en cours. On peut peut-être penser qu'il faudrait alléger les emplois du temps. Est-ce que faire du bourrage de crâne de cette manière est vraiment très réfléchi ? On parlait avant d'autres exemples en Europe. Nous avons eu la chance en seconde d'avoir fait un voyage en Suède avec des correspondants. Et nous avons découvert leur manière de travailler. Nous avons passé une semaine dans leur lycée. Et en fait, c'était... Un autre monde, un autre univers, vraiment. Les gens venaient en crocs au lycée. Juste pour ça, on était déjà étonnés. Et il n'y a pas du tout cet esprit de compétition. Les profs sont moins sur une stalle que chez nous. Ils les tutoient, ils les appellent par leur prénom. C'est plus des partenaires que des sages qui ont la science infuse. Et je crois que là-bas, ça aide vraiment à développer les élèves. Et on le voit d'ailleurs dans leurs compétences, ils parlent l'anglais de manière complètement bilingue, alors que chez nous, on mélange le franglais et on impose notre culture quand on va aux Etats-Unis. En tout cas, je pense qu'on a vraiment à apprendre des pays européens, surtout du Nord, comme disait Monsieur, et que nos emplois du temps doivent être réfléchis à nouveau, même pour les primaires, qui ont même le mercredi matin maintenant les cours. On n'a plus du tout de pause, à part le week-end dans nos semaines. Après peut-être qu'il faut s'adapter parce qu'on sait que plus tard ça sera la même chose, on aura des 36 heures voire plus. Et on a cette société qui nous pousse toujours à travailler plus, comprendre plus, apprendre plus, mais est-ce qu'on ne devrait pas le faire mieux ?

  • Speaker #1

    J'espère que vous êtes bien payée au moins. Sandrine, vous vouliez réagir ?

  • Speaker #2

    C'est vrai qu'on a tardé à parler du sommeil, il est arrivé qu'en fin de... de ce débat, mais en fait, je me rends compte de plus en plus, je ne sais pas si c'est typiquement français, mais on ne prend vraiment pas soin de nous au niveau du sommeil. Je veux dire, vous rentrez chez vous, si je prends l'exemple des Suisses qui mangent à 6h30, et je pense qu'ils ont bien raison de manger très tôt, parce que ça facilite quand même le sommeil quand on peut digérer correctement avant. Nous, on rentre déjà très tard, et puis on nous met des émissions qui démarrent, je regardais l'autre soir, 21h20, 21h30, moi, je laisse tomber. En tant que personne concernée, le sommeil, c'est fondamental. Je ne peux pas me permettre de me coucher après un film, donc il faut se respecter une fois de plus. Je pense qu'en France, on ne fait pas du tout attention à ça. Donc, se coucher après 23h, 23h30, ça devient quelque chose d'assez périlleux pour la santé mentale.

  • Speaker #1

    Madame ?

  • Speaker #2

    Merci à vous pour vos interventions. Moi, j'avais une question par rapport à l'industrie pharmaceutique. et la prévention ou en tout cas la prise en charge de la santé mentale. Est-ce qu'il y a un réel intérêt pour l'industrie pharmaceutique à faire en sorte qu'on prenne en charge d'une façon peut-être différente sans systématiquement pousser à la médication dans la prise en charge, même si celle-ci est parfois effectivement nécessaire ? J'en ai également besoin au quotidien en ce qui me concerne. Alors qui veut réagir ?

  • Speaker #1

    Je pense d'abord qu'il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain, comme on dit. Les médicaments sont extrêmement utiles dans certains cas. Il y a eu des grandes révolutions quand même que j'ai connues. Quand j'ai commencé ma psychiatrie, on commençait toujours à avoir des nouveaux antidépresseurs, à comprendre que certains sérieux énergiques, en parlant savant... On pouvait aider dans des troubles anxieux, enfin toutes ces choses-là. Donc c'est utile. Et on a développé maintenant rapidement des guidelines, c'est-à-dire des référentiels très clairs pour le traitement. Ces référentiels ont posé des problèmes, je ne veux pas jeter la pierre ni d'être trop brutal, mais parce que des fois ils étaient rédigés par des experts qui travaillaient aussi pour l'industrie médicamenteuse. Il y a eu des fois des conflits d'intérêts qui n'étaient pas déclarés. On a essayé de mettre un petit peu d'ordre là-dedans, maintenant il faut déclarer les conflits d'intérêts. Mais je pense que l'industrie pharmaceutique devrait vraiment faire attention à ce qu'il y ait des critères très précis qui soient définis concernant leurs médicaments, que ce ne soit pas eux comme ils le faisaient à une époque, qui décidaient de la manière dont les médicaments sont distribués. Ceci dit, entre la surconsommation de médicaments du système nerveux central, c'est-à-dire les psychotropes, il a... et la soukup, ce sont des chiffres vous savez Moi je me souviens qu'un expert psychiatre disait juste que on parle de surconsommation, mais en même temps on sait que la moitié des gens qui ont des vraies dépressions ne sont pas soignés par des médicaments. Donc il y a en même temps une sous-consommation. Il y a une surconsommation, sous-consommation. Je préfère parler d'une dis-consommation. Il y a des gens qui prennent par exemple du Prozac ou des choses comme ça simplement pour se doper un peu, et puis il y a des gens qui ont vraiment besoin de ça qui ne le prennent pas. Donc il y a un problème de clarification. Et l'industrie pharmaceutique ne doit pas être la seule à définir. les bonnes règles d'utilisation des médicaments, ce qu'elle a trop souvent fait. Et là, je vais être violent avec l'accord, le soutien des experts qui n'étaient pas neutres, qui sont financièrement engagés. Je n'irai pas plus loin parce qu'on va dire que je fais de la diffamation. Encore une question dans le public.

  • Speaker #2

    Bonsoir, merci pour vos interventions. Effectivement, je me sens très privilégié d'avoir pu écouter tout ça. Et si je parle de privilège, c'est parce qu'avec, on le voit en ce moment, la montée des extrêmes. Je ne suis pas sûr que toute personne puisse avoir accès à ces informations ou aux soins. Donc j'ai vraiment l'impression qu'il y a la justice sociale qui est intrinsèquement liée à toutes ces problématiques. Quelle est votre vision des choses par rapport à ce qui se passe actuellement dans le monde ? Vaste question.

  • Speaker #1

    qui veut s'essayer à la réponse. Il y a un dernier rapport de l'OMS sur la santé mentale dans le monde. Évidemment, nous sommes des pays privilégiés, mais en santé en général. Et c'est vrai que la santé mentale dans des pays en voie de développement ou des pays vraiment dans la misère, c'est quelque chose dont on ne parle même pas. C'est la survie. Donc, véritablement, l'OMS essaye de travailler tant bien que mal là-dessus. Je ne vais pas vous rappeler l'actualité, l'OMS est en difficulté puisque son premier mailleur veut s'en retirer. Donc ça ne va pas arranger en effet parce que l'OMS avait quand même une vision de prioriser souvent les pays en voie de développement, les pays dans la misère, concernant les actions de santé. Puis après il y a les ONG aussi, les organisations gouvernementales qui travaillent là-dessus. Ils ont des chantiers tellement énormes. Mais c'est vrai, en parlant d'un pays comme la France, il y a également des différences sociales. on s'aperçoit que l'accès aux soins de psychiatrie sont complètement différents suivant que vous êtes dans un beau quartier du 16e arrondissement de Paris ou si vous êtes dans le 9-3. Sarah Salanès, vous pouvez... Ecoutez-moi faire des références franciliens.

  • Speaker #2

    Et on doit défendre nos soins de psychiatrie, mais pas que. Nos soins hospitaliers, l'accessibilité de ces soins, le maintien des moyens, l'attractibilité de ces métiers parce qu'on en a besoin. Sarah Kinselman,

  • Speaker #1

    Anna Keren, je voudrais vous laisser, si vous en avez envie, le mot de la fin.

  • Speaker #0

    Moi, j'aimerais revenir sur quelque chose dont vous avez beaucoup parlé. Vous avez beaucoup parlé des traitements, de comment aller mieux. Mais est-ce qu'on peut se réintégrer dans la société intégralement après avoir atteint des points de non-retour ? Est-ce que, par exemple, lorsqu'on a fait un postpartum en tant que jeunes parents, on peut devenir des parents épanouis ? Est-ce qu'après la détection d'un burn-out, on peut redevenir des travailleurs qui aiment travailler et aiment aller au travail ? Est-ce qu'on peut retrouver cette vie normale

  • Speaker #2

    Absolument, on peut, bien sûr on peut, et on essaye de vrai vers ça. Les épisodes psychiques, psychiatriques en période périnatale, ça peut être très difficile et ça peut se remettre de la même façon très rapidement et de manière très favorable. C'est ce que je disais, de développer les facteurs de protection, les soins en font partie, mais pas seulement. Donc, œuvrer de manière collective. C'est tout le réseau qui travaille en période périnatale pour mettre en place tout ce qui peut protéger et permettre le rétablissement le plus rapide possible. C'est de nature à permettre que le récit de l'arrivée au monde de ce bébé ne soit pas trop marqué par ces difficultés où le récit pour les parents de cette accession à la parentalité. Mais la plupart des familles que nous rencontrons font mieux ensuite, absolument. Et d'ailleurs, on peut être préventif et quand on l'est, on évite toutes ces questions-là. Et sur la question ?

  • Speaker #1

    Sur le travail,

  • Speaker #2

    est-ce qu'on peut y revenir ?

  • Speaker #1

    Oui, de toute façon, là encore, prévention bien sûr, mais aussi dépistage le plus tôt. C'est-à-dire que quand les premiers symptômes apparaissent, il faut agir. Donc il y a une campagne d'information et je trouve qu'il y a des campagnes d'information. Par exemple, en Grande-Bretagne, ils ont développé des grandes campagnes d'information concernant les individus, mais les proches. C'est-à-dire, j'ai vu des grandes campagnes dans le métro, vous voyez quelqu'un qui s'isole, qui parle moins, augmente sa consommation de tabac. Attention, allez lui parler, peut-être qu'il va mal. De même qu'en médecine, on vous dit si ça sert ici, vous voyez, c'est pas un infarctus. Il y a tout ça. Mais sinon, il y a des pathologies pour lesquelles, heureusement, nous avons des succès. Moi, j'ai une pléthore de patients qui ont eu des problèmes de burn-out, qui s'en sont remis, qui représentent des fois, qui reprennent une autre vie. D'ailleurs, comme dit l'adage, ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort. Ça s'applique. On s'aperçoit des gens qui remettent en question. Moi, j'ai vu des cadres bancaires qui... Après un burn-out et deux ans d'arrêt, ils se sont posé des questions sur le sens de leur activité, sur le sens de leur vie. Et je pense à quelqu'un avec qui j'ai des relations un peu amicales maintenant, qui a créé une petite épicerie bio en périphérie de Paris et qui est très heureux. Il s'est dit, excusez-moi d'être vulgaire, il disait, j'y vais comme un con, comme un cadre bancaire, je gagnais ma vie. J'étais stressé tous les matins en arrivant, la peur au ventre, je ne dormais plus, etc. Je gagnais bien ma vie, là j'y gagnais un peu moins ma vie. Mais qu'est-ce qu'elle est bien ! Donc les gens peuvent rebondir, des fois en se reposant d'autres questions. Mais la psychiatrie a quand même des résultats, on peut s'en remettre, on peut s'en remettre évidemment.

  • Speaker #2

    Et puis la lutte contre la stigmatisation, c'est aussi faciliter, accélérer l'accès aux soins, parce que c'est encore très stigmatisant d'aller voir un psychiatre. Donc je pense qu'il y a aussi un gros travail à faire. À faire à ce niveau-là, moi je me souviens d'un épisode où j'avais été hospitalisée et mon compagnon de l'époque ne disait même pas que j'étais hospitalisée, donc j'étais nulle part. Donc il y a encore un gros travail à faire par rapport à ça, la stigmatisation, au regard de toute pathologie psychiatrique, pour inciter les gens à aller consulter quand ils ne vont pas bien. C'est fondamental, ça change tout.

  • Speaker #0

    Moi je trouve qu'il y a encore tout ce tabou qui est autour des maladies psychiatriques, notamment le fait d'avoir peur d'en parler autour de soi,

  • Speaker #2

    d'avoir peur d'être pris pour des fous,

  • Speaker #0

    ce mot qui revient très souvent dans les cadres d'hospitalisation. Et je trouve qu'il faudrait regarder autour de soi, voir le nombre de gens qui souffrent de toutes ces maladies, parce que c'est réellement des maladies, on l'oublie souvent, et se rendre compte de ce qui est en train de se passer. Se rendre compte du nombre de personnes qui sont touchées, de toutes les répercussions que ça peut avoir sur la vie de la personne, mais aussi sur tout son entourage. Et du coup, je pense que la prévention, c'est vraiment ce qui pourrait nous aider au mieux à vaincre tout ça.

  • Speaker #1

    Les médias ont un rôle à jouer, parce que quand vous regardez les informations, quand il y a un trouble mental, c'est le forcené, le détraqué, le truc machin bidule. En tout cas, il me reste à vous remercier pour cette table ronde et pour tous les éléments que vous nous avez apportés. Merci aussi à tout le lycée général Leclerc de Saverne pour avoir travaillé la question.

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Description

Forum Européen de Bioéthique 2025 : Santé mentale & Bioéthique


Anxiété, dépression et burn-out. Le mal du siècle?


Les pressions professionnelles et personnelles ont atteint des niveaux sans précédent. Les exigences de performance, la culture de l'instantanéité et l'isolement numérique sont autant de facteurs contribuant à l'augmentation des cas d'anxiété, de dépression et de burn-out, causant un problème de santé publique majeur ainsi qu’un challenge médical et social.


Avec :


Sarah Kinzelman, élève du Lycée Général Leclerc de Saverne


Anna Kehren, élève du Lycée Général Leclerc de Saverne


Aurélie Fritsch, Psychologue clinicienne, centre Ellipse et libéral, Formatrice et vacataire unistra


Sandrine Guglielmetti, Médiatrice de santé pair CURe Grand Est Lorraine - CPN Nancy


Patrick Légeron, Psychiatre hospitalier, Auteur du rapport de l’Académie de médecine sur le burn-out, Enseignant à Sciences Po Paris


Sarah Sananès, Pédopsychiatre en psychiatrie périnatale, service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg (Pr Carmen Schröder)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonsoir à ceux qui nous rejoignent dans cette salle de l'Aubette et derrière vos écrans sur le site du Forum européen de bioéthique. Nous entamons notre dernière table ronde de cette première journée avec une table qui s'intitule Anxiété, dépression et burn-out, le mal du siècle ? Et je passe la parole à Aurélien Benoît-Lide pour modérer cette table.

  • Speaker #1

    Merci Maud. Quelques mots. La nédonie, c'est l'incapacité à... Ressentir du plaisir, l'abouli, derrière ce mot qui a l'air un peu drôle se cache en réalité la difficulté ou l'impossibilité à avoir du désir ou de l'envie. La clinophilie, un autre mot barbare qui désigne le fait de rester beaucoup en position allongée. La tristesse de l'humeur. La rumination anxieuse, les idées noires, voilà un peu quels étaient les items que j'avais retenus en préparant l'internat pour définir ce qu'est cette espèce de monstre hideux qu'on appelle la dépression. Et qui est en réalité un phénomène qui est connu depuis déjà longtemps. C'était déjà décrit dans le langage médical au 18e siècle. L'hypocrate lui-même l'avait. décrit parmi les troubles mentaux, sans utiliser forcément cette terminologie. Selon l'Organisation mondiale de la santé, la dépression est aujourd'hui la deuxième cause de handicap. Elle se situerait au quatrième rang des maladies en termes de coûts financiers. Ce serait plus de 350 millions de personnes dans le monde chaque année, et en France, selon les études, cela diverge, mais parfois jusqu'à 11% de la population française. C'est dire si oui, effectivement, la dépression, l'anxiété et sa petite sœur, le burn-out, sont des mots qui ont tendance à se développer. Peut-être les observe-t-on davantage, on écoutera ce que nos spécialistes ont à en dire. Mais je crois que le point d'interrogation, il est justifié parce que malheureusement, beaucoup de mots nous agitent. au cours de ce siècle, mais sans nul doute, la dépression, l'anxiété, le burn-out est l'un d'entre eux. On fera également un focus un peu plus particulier sur des populations plus fragiles. On sait par exemple que chez les jeunes... notamment entre 12 et 25 ans, entre 2019 et 2022, on a observé une progression de 60% de la consommation d'antidépresseurs. D'autres populations plus fragiles, les femmes enceintes, le postpartum, les personnes âgées, les personnes isolées sont également davantage touchées. Les causes de cette augmentation de la souffrance globale peuvent être les différentes crises qui nous ont agitées. Crise sanitaire, on en a parlé à l'instant avec cette anxiété vis-à-vis de la crise climatique. Crise sanitaire aussi par rapport au Covid dont on sait qu'il a eu des répercussions tout à fait tragiques, notamment sur les populations les plus jeunes. Crise internationale, crise politique, crise économique et j'en passe. On abordera également la question des différentes prises en charge, qu'elles soient médicamenteuses ou non médicamenteuses. Pour ce faire, nous aurons l'occasion d'écouter ce soir Aurélie Fritsch, qui est psychologue clinicienne. Ensuite, nous écouterons Sandrine Gouglielmiti. qui est médiatrice de santé, puis Sarah Salanès, qui est pédopsychiatre, et Patrick Légeron, qui est psychiatre. Mais avant de leur donner la parole, on a convié, et c'est une habitude au Forum européen de bioéthique, qu'on essaye d'accentuer chaque année, même si ce n'est pas toujours très simple. Nous avons la chance d'accueillir aujourd'hui deux élèves du lycée général Leclerc de Saverne, Sarah Kinselman et Anna Keren. On va bien entendu leur laisser la parole, et je trouve que c'est toujours très important. d'écouter les plus jeunes, notamment sur les questions de santé mentale, où finalement cette nouvelle génération, qu'on appelle aussi la génération Z, a des choses à nous apprendre. Parce que figurez-vous qu'en termes de santé mentale, ils ont parfois l'esprit beaucoup plus ouvert que la génération du dessus. Et il n'est pas rare que dans les cours de récréation ou à l'extérieur du lycée, les jeunes puissent discuter entre eux de manière plus aisée que nous le faisions à leur époque. Aussi parce que le milieu artistique, on se souvient de Stromae, mais il y en a d'autres aussi, qui évoquent plus légèrement et plus facilement les problèmes de santé mentale. Donc je vais vous laisser la parole. On est très heureux de vous accueillir au Forum. Je sais que vous avez travaillé avec vos professeurs, avec l'ensemble des élèves, qu'on aura probablement l'occasion d'écouter dans les questions du public. Merci d'être venu à nous. Je vous laisse la parole.

  • Speaker #2

    Merci à vous. Merci à vous de donner la parole des jeunes et merci de nous écouter ce soir. On vient du lycée de Saverne. Le lycée Leclerc, c'est un lycée dynamique, toujours plein de projets. Donc c'est super pour les jeunes, ça permet d'exprimer notre créativité et de permettre de nous développer dans des meilleures conditions.

  • Speaker #3

    Nous sommes Anna et Sarah, mais aussi tous les terminales du lycée Leclerc. Donc nous sommes des sections euro et des habit-bac, qui nous donnent une ouverture sur le monde, sur les langues et sur les sujets qui peuvent être plus tabous, comme l'anxiété, la dépression ou encore le burn-out. Donc on a essayé de résumer ça en une espèce de synthèse qu'on va vous présenter aujourd'hui sous trois différentes parties. Tout d'abord le Covid, puis ensuite la pression que peuvent avoir les notes et les cours, et puis ensuite l'isolement numérique.

  • Speaker #2

    En effet, on va commencer par le Covid-19 parce qu'on a remarqué dans notre classe que c'était un réel élément de fracture. C'est à ce moment-là que beaucoup de gens ont commencé à sombrer dans ce qu'on appelle l'anxiété. En cinquième, quatrième, c'est là qu'on a eu les confinements. les plus gros, celui de mai. Et pourtant, c'est un moment où les jeunes, on est censé être dans la sociabilité avec les amis. C'est là qu'on est censé se détacher de notre famille. Et pourtant, on est tous enfermés ensemble, c'est là qu'on a vu le plus nos parents. C'est donc une fracture, un mauvais développement. On a été complètement bouleversés. Et même si aujourd'hui le confinement nous paraît loin, on voit qu'il y a encore des restes. Comme par exemple le début de l'isolement. En effet, les réseaux sociaux ont pris une grande place pendant cette période, car c'est les seuls échanges qu'on avait avec l'extérieur. C'est aussi l'explosion des médias, avec l'exposition non-stop des réseaux sociaux.

  • Speaker #3

    On a pu remarquer plusieurs conséquences du Covid. Tout d'abord, il y a la peur de sortir en public, de retrouver une vie normale, revoir des gens, ou retourner même au lycée. Certains ont développé ce qu'on appelle des phobies scolaires. Nous avons vu que reprendre une vie sociale... était nettement plus compliqué qu'avant, retrouver la normalité. Avec l'augmentation des réseaux sociaux, on a aussi vu une augmentation des cas de troubles du comportement alimentaire qui se sont développés chez les jeunes pendant le confinement, mais c'était des habitudes qui étaient déjà présentes bien avant.

  • Speaker #2

    L'anxiété est aussi créée par l'exigence, les performances et les pressions auxquelles on est exposé toute l'année. En effet, le rythme scolaire est très soutenu. avec des trimestres qui nous imposent des résultats fréquents. Dès le réveil, on cherche à devenir la perfection qu'on veut être. En effet, on veut construire une image parfaite et la renvoyer aux autres. On est occupé en permanence à créer et à produire le meilleur de nous-mêmes. Surtout en terminale, où on est exactement dans une vie charnière. On est entre l'adolescence et entre la vie adulte. C'est très compliqué de trouver l'équilibre. On se demande si on va partir avec nos parents pendant les vacances ou si on va devoir faire des recherches d'appartement pour nos prochaines études. De plus, le logiciel Parcoursup nous met face à nous-mêmes. C'est un ordinateur. Il nous cherche donc à être parfaits comme des machines, sauf que c'est complètement inhumain. Ce logiciel cherche des élèves surqualifiés. On a peur de ne pas cocher les cases, de ne pas tout remplir. Il faut être engagé, mais aussi avoir des bonnes notes, avoir des activités extrascolaires. Mais où trouve-t-on le temps ? Les attentes et la perfection frôlent la robotique. La pression des cours nous donne cette peur d'être moins bon que l'autre. Parfois, les élèves se mettent à la pression juste pour 0,2 points de moyenne, de frôler le 15 mais ne pas y être, comparer ses notes, être moins bon que la moyenne générale. La pression des parents peut aussi intervenir. L'avenir dépend des notes, on veut pouvoir faire des grandes études. pour avoir un bon CV, on veut pouvoir gagner de l'argent pour avoir une vie confortable. Mais où sont nos passions ? Si on n'a même plus le temps de penser à nous-mêmes, est-ce qu'on va vraiment s'épanouir dans notre vie future ? Enfin, l'excité est aussi liée aux résultats scolaires et ça entraîne beaucoup de conséquences. Comme nous l'avons dit avant, le fait que nos parents, les professeurs, même par cours sub, nous mettent la pression avec les notes, il n'y a plus de rupture entre le lycée et la vie personnelle. Cela entraîne du manque de sommeil, voire même des insomnies, et donc baisse la productivité des élèves en classe. On rentre alors dans une boucle infernale. La concentration est difficile. On perd nos moyens lors des examens, on n'arrive plus à se concentrer et ça entraîne des mauvaises notes. Cela peut nous décevoir, peut décevoir notre famille et entraîne un sentiment de culpabilité. On entre dans une véritable boucle, un cercle qui se répète peu à peu.

  • Speaker #3

    Cette boucle infernale, elle peut être accentuée via les réseaux sociaux, donc l'isolement numérique, parce qu'on voit qu'il y a une omniprésence de nos jours pour les jeunes. et même en règle générale, donc ça impacte notre vie, notre quotidien et ça prend toute la place autour de nous. Ça nous coupe de la réalité et donc certains peuvent ressentir ce sentiment de solitude malgré le trop d'informations qu'on voit sur les réseaux, sur les médias, ce trop plein peut créer de l'angoisse. De plus, ne pas savoir s'ennuyer est devenu un vrai problème chez les jeunes. On a peur du silence, on a peur de ne rien faire, on a peur de ne... de ne pas être occupé en permanence par de la musique, des séries, des amis. De plus, sur les réseaux sociaux, on voit beaucoup de cyberharcèlement qui sont la continuité d'un harcèlement déjà présent au lycée et donc qui renforce cette peur du public, cette peur de parler, de prendre la parole, cette angoisse qu'on peut tous ressentir. Toute cette perte de contrôle, ça nous emmène dans un cercle vicieux, des pensées bicyclettes redondantes. qui reviennent, qui reviennent. Il y a la comparaison. La comparaison face aux gens qu'on en vit sur les réseaux sociaux. Cet idéal qui n'est pas accessible parce que les réseaux ne sont pas la réalité. Mais c'est très compliqué de l'accepter. Il y a aussi la comparaison qu'on peut faire de corps à corps en voyant quelqu'un qui paraît plus beau mais en fait qui est peut-être retouché sous un meilleur angle, peut-être même fait de plastique. Tout cela renforce un sentiment d'échec qu'on peut recevoir. de ne pas être assez, d'être de trop. De plus, l'amplification du mal-être peut être due aux réseaux sociaux, car on voit en permanence des gens qui sont mal. C'est bien de prendre la parole sur ces choses-là, mais en voir en permanence peut amplifier cet aspect qu'on peut ressentir. Donc l'anxiété est mise en avant et peut mener à des cas de dépression. Donc une grande perte de motivation, un sentiment de vide. qui nous prend au quotidien, des difficultés très compliquées à effectuer des tâches au quotidien qui peuvent paraître très banales pour tout le monde, des sentiments d'autodestruction. Et tout cela peut mener à des troubles du comportement alimentaire une nouvelle fois, des crises d'angoisse qui sont très présentes au lycée, qu'on voit, qu'on certains ont déjà expériencé, ainsi que des troubles du sommeil. On voit que beaucoup ne dorment plus. Tandis que c'est quelque chose de très très important pour notre vie au lycée. Donc on rentre vraiment dans ce cycle infernal qui s'auto-alimente avec tous les facteurs qu'on vient de voir.

  • Speaker #2

    Notre classe a quand même conclu qu'on pouvait aussi se rattacher aux vraies choses. De plus en plus, les gens commencent, nos élèves commencent à faire du coloriage, du tricot, à se rattacher à des activités manuelles qui commençaient peu à peu à disparaître. Peut-être sommes-nous déjà dans une bascule où on essaye de lutter contre toute cette anxiété. On peut aussi se rattacher... à nos amis en faisant des vraies sorties et créant des vrais mouvements. Nous espérons aujourd'hui pouvoir trouver des solutions et nous sommes ravis de pouvoir discuter avec des spécialistes.

  • Speaker #1

    Merci Sarah, merci Anna pour ce constat qui... qui est quand même douloureux, entendre parler de productivité, de pression, de sentiments d'échec. Il faudrait faire intervenir Elon Musk avec son ministère de l'efficacité et de la productivité. C'est vraiment des mots qu'on n'a pas l'habitude d'entendre dans la bouche d'un lycéen, dans la bouche d'une lycéenne, dans la bouche d'un collégien ou d'une collégienne. Et je pense que ça nous remet tous un peu en question sur notre mode de vie et sur les choses qu'il va falloir peut-être envisager et changer. Je vais laisser maintenant la parole à... Aurélie Fritsch, psychologue clinicienne au Centre Ellipse et en Libéral et qui est également formatrice et vacataire à l'Unistra à l'Université de Strasbourg. Aurélie, on te laisse la parole.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup, bonjour à toutes et à tous, et merci de me donner l'opportunité de m'exprimer. Alors, on m'avait dit commis sur des lèvres, attendez, voilà, est-ce que ça va mieux ? Je crois que oui. Il semble bien, effectivement, que l'anxiété, la dépression et le burn-out concernent de plus en plus de gens. Les statistiques, et surtout ce que nous constatons avec les patients, indiquent que de plus en plus de personnes ressentent qu'il est difficile de vivre une vie paisible et cohérente, riche et pleine d'amour. Ça peut sembler un comble, tant on peut avoir l'impression d'évoluer justement dans des contextes qui nous offrent l'inimaginable en matière de confort et de résolution de problèmes, de possibilités et de choix. Nous savons depuis longtemps que la santé est bien plus que l'absence de maladie et cela vaut aussi et surtout en matière de santé mentale. Nous savons aussi que l'humain a besoin de plus que du confort matériel pour s'épanouir, et qu'il a des besoins spécifiques. Ces constats nous amènent à nous poser des questions à la fois simples et ambitieuses. Qu'est-ce que signifie être épanoui ? Qu'est-ce qui permet aux êtres humains de fonctionner idéalement au long cours ? A quels facteurs sociétaux sont liés cette augmentation de la souffrance psychologique, alors que nos quotidiens semblent globalement plus confortables, sur certains points ? que ceux de nos grands-parents. Dans des mondes de plus en plus sophistiqués et complexes, en perpétuelle mutation, il convient peut-être de réfléchir comme jamais aux implications à long terme de ces changements sur notre santé mentale et plus largement l'adaptation de notre espèce. Nous savons bien que le développement psychologique de l'enfant, qui devient de plus en plus sophistiqué en intégrant progressivement le sens de l'identité personnelle, Et la notion des représentations va permettre à la fois des prodiges en matière de raisonnement et d'apprentissage, mais aussi l'accès VIP définitif à une forme de souffrance plus sophistiquée, a priori réservée aux humains, comme la honte, la culpabilité et le sentiment de perte de sens. Est-ce que nos sociétés stimulantes au fonctionnement de plus en plus abstrait, centrées sur la réalisation de soi, la recherche du bien-être, L'optimisation et la résolution de problèmes pourraient induire davantage de possibilités de souffrance émotionnelle alors qu'on ne l'avait même pas vu venir ? Il semble que oui. Il y a eu un effet crise sanitaire sur notre prise de conscience des enjeux spécifiques à la santé mentale des humains. Notre façon de gérer cette crise sur le plan sociétal nous a permis de comprendre qu'un contexte qui entrave la réalisation de certains besoins essentiels à notre santé mentale, favorise le stress prolongé et a des conséquences durables sur les êtres humains qui ne sont pas des mammifères comme les autres. Les méta-analyses, elles aussi sophistiquées, existent dans le contexte de la psychologie dite scientifique et les chercheurs analysent les spécificités des êtres humains et des besoins humains. Ces recherches renvoient à des tentatives de cerner ce qui explique bien-être et souffrance psychologique. et pourraient être davantage connues et prises en compte dans nos sociétés, surtout lorsqu'on en constate une augmentation. Les recherches sur l'attachement, les besoins psychosociaux, la motivation, le bonheur, la satisfaction de vie et la personnalité des êtres humains ont donné lieu à des repères que je vais chercher à résumer ici. L'humain en bonne santé psychologique est celui qui rencontrera, tout d'abord, des contextes lui permettant de nourrir ses besoins innés. Il est précablé pour interagir et partager des moments d'accordage bienveillant si possible et d'interaction avec des figures stables. Il fait des liens car l'environnement est suffisamment structuré pour lui permettre d'en faire. Il s'attend petit à petit à ce qui va se passer et à l'occasion de se rendre compte qu'il est capable de résoudre des problèmes. Ses besoins se combinent alors pour donner lieu à d'autres plus subtils et complexes comme le besoin de confiance au travers de relations sociales positives et prédictibles Le besoin de contrôle au travers de situations où je vais pouvoir, moi, prévoir la bonne façon d'utiliser mes compétences. Le besoin d'estime de soi dans des situations où je vais pouvoir me sentir à la fois accepté et considéré pour mes compétences. Ce type d'expérience optimale vont petit à petit développer l'accès aux superbes besoins, le besoin de cohérence interne, qui renvoie au fait d'avoir un sentiment d'identité plutôt stable et cohérent avec le réel. Je sais qui je suis et les autres voient à peu près la même chose. Et également d'avoir accès à la question du sens, en lien avec la construction de représentation, à propos de comment le monde devrait fonctionner. Je sais ce qui compte dans la vie. C'est ce que l'on appelle avoir une construction de personnalité optimale. Et nous savons que ce socle nous aidera à continuer de développer des expériences fonctionnelles. Les recherches nous disent que l'humain heureux de la vie qu'il a vécue, au sens de la satisfaction profonde, n'est pas celui qui a eu la vie la plus confortable, la plus riche, la plus inspirante sur les réseaux sociaux, mais celui qui a la sensation d'avoir judicieusement, et peut-être surtout raisonnablement, pris soin des différents besoins que je viens de citer. Mais ça ne suffit pas. L'humain, pour rester en bonne santé psychique, devra continuer par la suite à s'occuper de tout ça et à nourrir ses besoins de façon équilibrée. S'il en nourrit certains au détriment d'autres, cela impactera son épanouissement. Pour cela, il devra rester flexible. Plusieurs choses l'y aideront. Être capable de ne rien faire de spécial et de savourer le moment présent. Ne pas trop se laisser embarquer dans les pensées qui ajoutent facilement du désespoir à la douleur. Être capable de tolérer des expériences inconfortables sans en faire systématiquement un problème à résoudre, avoir une relation paisible avec son égo, savoir ce qui compte vraiment et pouvoir agir dans cette direction. C'est ce que l'état des connaissances appelle la flexibilité psychologique, un ensemble de compétences qui nous permet d'accepter les expériences inconfortables, surtout si elles coïncident avec des actions qui nourrissent ce qui compte vraiment pour nous dans la vie. Les recherches dans ce domaine nous disent que le trop est souvent l'ennemi du bien en psychologie et que la majorité des troubles psychologiques peut être mis en lien avec une recherche d'évitement et de contrôle des expériences inconfortables. On peut se demander si notre société est au courant de cet aspect ou si au contraire elle nourrit l'illusion qu'augmenter le niveau de confort et de rentabilité est toujours une bonne idée. Il est en effet assez adapté de porter attention à son alimentation, bien sûr. Il est assez adapté de prendre en compte son bilan carbone. Il est même plutôt adapté de chercher à faire une bonne impression sur les autres. Mais chacun de ces comportements peut également devenir un problème et un authentique trouble psychologique si nous lui donnons trop de place, si nous en faisons une règle de contrôle et de réussite absolue. Il est possible que l'augmentation de la souffrance psychologique soit le symptôme de contextes sociétaux de moins en moins respectueux et propice à la satisfaction raisonnable et équilibrer de nos besoins de base. Comment ressentir le sens de mon investissement professionnel quand je subis des plannings qui malmènent ma vie de famille et quand les nouveaux arrivés sont traités avec plus d'égard dans mon service ? Comment continuer à fournir des efforts pour remplir ce tableur sur cette fameuse plateforme s'il me donne l'impression que le monde n'a pas besoin de moi et que certains accèdent sans effort à ce qu'il y a de plus désirable ? Comment avoir envie de m'investir dans l'avenir si je suis bombardée d'informations contradictoires et anxiogènes qui semblent me dire qu'il est urgent de profiter des plaisirs de la vie avant que tout s'arrête ? Comment construire une relation amoureuse stable si je pense que je dois absolument prioriser la réalisation personnelle de mes aspirations et que je vis le compromis comme une entrave ? Comment développer mes compétences avec les doutes naturels et inconfortables et vivre finalement des expériences de satisfaction ? Quand certaines pensées me disent que ça devrait être plus facile, les innovations induiront de nouveaux changements auxquels il conviendra de s'ajuster. Chaque crise rencontrera nos vulnérabilités, en poussant loin la nécessité d'adaptation pour bon nombre d'entre nous. Il semble essentiel que nous développions une capacité à maintenir des actions équilibrées, surtout bénéfiques à long terme, et connectées à l'essentiel, et que nous résistions ainsi à certaines habitudes confortables et néfastes. à notre épanouissement profond. L'Organisation mondiale de la santé a édité en 2021 un guide en collaboration avec des psychologues et des chercheurs dans le domaine des sciences comportementales et cognitives pour enseigner la flexibilité psychologique dans les contextes humanitaires. Des associations enseignant ces compétences se sont déployées en Sierra Leone à côté des dispositifs plus habituels pour aider la population à trouver la meilleure façon de montrer du respect aux déchets. tout en se protégeant du virus Ebola. Certains professeurs et chercheurs en psychologie parlent de la nécessité de développer une science de l'évolution du fonctionnement humain pour développer des sociétés plus à même de prendre en compte nos vulnérabilités et l'équilibre subtil de nos besoins. Il paraît en effet un peu insouciant que l'on tienne aussi peu compte des conséquences psychiques sur l'humain dans l'organisation et les changements de nos sociétés. Il paraît essentiel que les recherches et les échanges entre les différentes écoles Les différentes disciplines nous aident à comprendre et affiner encore ce qui fait que nous sommes nous, les humains, et à respecter davantage ce qui protège ce que nous avons de plus spécifique et essentiel.

  • Speaker #1

    Merci Aurélie Fritsch. Je vais maintenant laisser la parole à Sandrine Guglielmiti. Vous êtes médiatrice de santé paire au Centre universitaire support de remédiation cognitive et rétablissement du pôle hospitalier universitaire de psychiatrie d'adultes et d'addictologie du Grand Nancy. Vous allez nous expliquer probablement ce qu'est une médiatrice de santé paire. Ce sont de nouvelles formations, ce sont de nouvelles compétences et ce sont pour tous les patients et tous les praticiens de nouvelles cordes à leurs arcs.

  • Speaker #4

    Oui, tout à fait. C'est un nouveau professionnel. de santé au sein des structures sanitaires et médico-sociales et aussi dans le monde associatif. Et moi j'ai choisi de faire cette reconversion à l'aube de mes 50 ans, après une carrière dans le commercial, le marketing, qui m'a apporté beaucoup de stress. Et donc j'ai voulu mettre mon expérience au service des patients, mais aussi des professionnels du soin. Une expérience de vécu douloureux. avec une entrée dans la maladie de façon très progressive et très vicieuse. Donc j'ai envie de démarrer par ça, de vous dire qu'on n'est pas tous égaux face au stress et c'est ce que j'aurais aimé entendre à mes 27 ans lorsque je suis rentrée dans la psychiatrie et ça m'aurait aidé beaucoup à continuer mon chemin, à ne pas me perdre et peut-être à ne pas développer un trouble de l'humeur très tardivement. J'ai eu un diagnostic très tard, à 46 ans, et je considère que j'ai peut-être perdu beaucoup de temps par méconnaissance. J'ai voulu faire de ce parcours douloureux mon métier, et cette expérience, je la mets au service des autres. Un médiateur de santé-père, c'est une personne qui est concernée par un trouble psychique, et qui a un problème psychique. par des problématiques d'addiction ou de précarité et qui réussit à vivre avec, qui arrive à contrôler ses symptômes. Même aujourd'hui, moi j'ai parfois le sentiment que j'ai rêvé des chapitres entiers de ma vie, comme si ça n'avait jamais existé. C'est assez irréel. J'ai fait ce qu'on appelle un chemin de rétablissement et c'est cet espoir-là que je porte auprès des personnes que j'accompagne, mais aussi auprès de mes collègues. C'est important de... que mes collègues aussi portent cet espoir. Je travaille à Nancy, en psychiatrie, dans ce centre-cure, auprès d'une équipe très engagée, très investie. Je pratique ce qu'on appelle la pérédance, qui est une discipline basée sur l'entraide mutuelle. C'est quelque chose de très puissant. On se tire vers le haut quand on se rencontre dans l'expérience, quand on partage notre vécu. Il y a une reconnaissance mutuelle qui est très forte. On se reconnaît dans le vocabulaire et dans l'expérience intime. Et dans mon métier, je pratique la médiation. Ça consiste à accompagner vers le soin en faveur de l'alliance thérapeutique. C'est très important. Et avec mon regard, celui d'une personne qui vit la psychiatrie de l'intérieur, je veille à soutenir le pouvoir d'agir des personnes et je veille à ce que leurs droits... et leur dignité soient respectées et je porte leurs paroles pour qu'ils soient entendus. Voilà, j'ai mon propre prisme. Alors oui, le rétablissement, c'est être dans le contrôle de ses symptômes. On devient expert de son propre trouble et à un moment donné, on arrive à dépasser la stigmatisation. En tout cas, dans la paire aidant, c'est très important ce regard que l'on porte sur l'autre. en le considérant comme une personne et non pas comme une maladie ou le voir au travers de ses symptômes. Et pas plus tard qu'hier, une personne qui est chère à mon cœur, pour revenir un peu sur le sujet, qui est très proche de moi, qui me disait encore je ne sais toujours pas après quoi je cours

  • Speaker #0

    Il a 56 ans, 57 ans,

  • Speaker #1

    épuisé par le travail,

  • Speaker #0

    le stress. Et il m'a dit une parole qui m'a fait chaud au cœur. Il m'a dit finalement, c'est moi le malade, c'est pas toi. Toi, t'as eu un stop, t'as été obligé. C'est ce que je considère aujourd'hui. On est obligé, quand on est concerné par un truc comme ça, de faire un gros travail d'improspection, de faire un travail sur soi. qui nous met parfois en décalage par rapport à la société. Mais finalement, aujourd'hui, j'en fais une force parce que j'arrive à me recentrer sur ce qui est le plus important dans ma vie. Voilà, donc je vais vous raconter un petit peu ce que je partage avec les gens lorsque je rencontre des patients dans mon métier. Ils me disent souvent que c'est la société qui les a rendus malades, avec la difficulté de devoir s'y adapter, avec en plus de cela des traumatismes personnels vécus, des casseroles de vie. Il y a une vraie appréhension quand il s'agit de reprendre une activité professionnelle. Et donc on s'apaise quand on conscientise tout ça, que finalement on n'est pas la folie, parce qu'il y a une représentation quand même autour des maladies psychiques, on n'est pas la folie, mais la société telle qu'elle évolue, et nos casseroles de vie nous ont fisturés quelque part. La société peut rendre fou par ses excès, ses injonctions, et ses exigences aux pseudonormes sociales. En tout cas, c'est ce que l'on croit. On essaie de se détacher de ça. Alors les réseaux sociaux nous amènent à nous comparer. Il n'y a jamais de repos de l'esprit, vraiment. Et quand on écoute des discours, c'est extrêmement culpabilisant. On ne fait pas assez d'enfants, on ne fait pas assez de sport, on n'est pas assez colo, on n'est jamais assez. On peut choisir de ne pas vivre cela, en tout cas en tant que personne concernée par un trouble psychique. On est quand même amené à réfléchir sur nous et on peut être accompagné vers cela en essayant de porter notre attention sur ce qui nous est bénéfique, avec la conscience de notre vulnérabilité, en ne se mentant pas à soi-même avant qu'il ne soit trop tard. Alors le burn-out, oui, maladie du siècle du fait de l'évolution de l'organisation du travail. et du temps qu'on doit partager entre notre vie perso, professionnelle, avec l'idée d'être irréprochable partout. C'est ce que j'ai vécu, c'est ce qui m'a menée, moi, à ma bipolarité. On se retrouve dans des conflits de valeurs. Par exemple, j'ai atterri à l'hôpital. Je n'avais plus envie de souffrir et de voir ce monde. Surtout, j'étais dans un étau. Par l'incapacité de dire que mon travail ne correspondait pas à mes valeurs plutôt que de m'affirmer. Je vendais des appartements, à l'époque, dans lesquels je n'aurais jamais pu vivre. Oui, il faut être fou pour se faire du mal à soi-même. J'étais dans l'incapacité de m'affirmer. Pour la dépression, ça peut être une réponse à une incapacité à s'adapter à un changement de vie, à une perte de repère, une nouvelle organisation du travail, des chocs émotionnels. couplée à une vulnérabilité génétique et un système immunitaire fragile, ce qui était mon cas. J'ai été souvent hospitalisée pour des problèmes somatiques, on ne parle pas du corps, on ne parle jamais du corps. Donc la dépression, le mal du siècle, pas forcément, parce que l'homme a dû gérer des changements d'environnement pendant des siècles et des siècles, et s'y adapter, s'adapter à une nouvelle réalité. Et c'est vrai qu'aujourd'hui le travail fait souffrir. Alors voilà, en tant que personne concernée, on prend conscience que c'est inévitable de faire face à des choses douloureuses, c'est quand même notre destinée. Ce qui se passe dans la société aujourd'hui, c'est qu'on est connecté avec le monde entier, mais pas à soi-même. Le mal de ce siècle ne serait-il pas la perte d'attention à l'autre, qui est tout près de nous, qui est notre réalité, dans notre couple, notre famille, et à soi-même ? Et puis aussi notre façon de communiquer, on ne se rencontre plus, on ne s'écoute plus, ou alors très mal. Il y a des stimuli incessants, le téléphone, les attentes des SMS qui ne viennent pas, du stress, et on gâche du temps disponible à soi et aux autres. Alors moi en tant que médiatrice de santé paire, et en tant que personne concernée, j'ai fait une belle découverte qui m'a un petit peu sauvé la vie, et j'ai pratiqué grâce à une amie qui m'est chère. la méditation comme point d'ancrage apprendre à faire avec des choses qu'on ne peut pas changer j'ai commencé à ressentir mon corps vivant c'est ce que j'ai vécu la prise de conscience que mon coeur battait et que mon corps était fatigué et douloureux et que ce qui était réel c'était le présent et que mes enfants avaient besoin de moi encore un petit peu Le passé n'est plus, l'avenir n'est pas encore, j'ai regoutté au moment simple. C'est un outil très puissant qui m'a permis de me sevrer des anxiolytiques, dont la consommation devenait hallucinante, et sans la possibilité de me confronter à la douleur. Parce qu'on les prend par anticipation de ce qui peut nous blesser, et on ne nous apprend pas suffisamment à faire avec. Et puis, dans mon travail aussi, On axe beaucoup sur les valeurs. Moi aujourd'hui, ce qui me permet de me stabiliser, c'est donc cette méditation, mais aussi d'être toujours en phase avec mes valeurs, pour être le moins possible en décalage avec moi-même, dans un monde qui de toute façon va bouger tout le temps, de manière assez inéluctable. On est obligé de suivre le mouvement. Donc il faut se trouver un point d'ancrage. Ce point d'ancrage, ce sont les valeurs. Choisir son environnement de vie quand on le peut. Alors le Covid, pardon, moi je me suis dit les gens vont prendre conscience, ça me donnait beaucoup d'espoir aussi. Certains ont quand même pris des décisions de changement de vie, c'était très positif tout ça. Et puis ce qui me semble important c'est s'entourer de personnes qui posent un regard positif sur nous. C'est un petit peu le message que j'avais envie de vous transmettre aujourd'hui. Puis c'est ce qu'on porte dans notre structure à Cure, d'accompagner les personnes vers cette gestion de stress qui devrait faire partie intégrante au niveau de la scolarité, au niveau de l'éducation, comment gérer son stress, parce que c'est ce qui peut nous mener à des maladies très invalidantes.

  • Speaker #2

    Merci, c'est un parfait exemple que le soin peut se faire aussi dans l'horizontalité et pas forcément dans la verticalité d'un soignant, d'un soignant avec une patiente ou un patient. Je vais maintenant laisser la parole à Sarah Sananès. Tu es pédopsychiatre en psychiatrie périnatale, service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent du professeur Carmen Schroeder aux hôpitaux universitaires de Strasbourg. Un peu comme la session précédente avec Maya, on aime toujours t'entendre parler des petits-enfants et parfois aussi de la relation avec les parents qui feront probablement l'objet de ton intervention. Là c'est sur des aspects qui sont peut-être plus difficiles. C'est vrai que je pense que la dépression du postpartum est encore très différente du baby blues et c'est quelque chose que je l'ai découvert assez récemment et tout de même très fréquent. Donc on est très content de t'écouter.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup et je remercie les organisateurs de cette invitation parce que c'est un réel plaisir pour moi d'être ici parmi vous et de participer à ces échanges. Alors je vais commencer par rebondir sur les propos de Sarah et Anna qui évoquent des pressions scolaires. On parle aussi, et on en parlera, de la pression professionnelle, personnelle. Je me demande ce qu'on pourrait dire des pressions qui pèsent sur la parentalité. Vous nous avez parlé de parcours sup qui amène à une exigence de performance, une pression supplémentaire. Je crois qu'on peut s'interroger aussi sur les exigences en matière de parentalité. Ces exigences finalement à bien faire grandir les bébés. Alors, je vous partage qu'on peut se demander quels effets ça peut avoir justement sur les bébés, sur leurs parents. Est-ce que les évolutions de société ont des effets sur cette période périnatale ? Et puis, est-ce que je suis psychiatre, pédopsychiatre sur ces troubles ? On l'entend, et c'est le thème de cette table ronde, l'anxiété, la dépression, le burn-out, c'est un enjeu de santé publique. Alors justement... Si on pose le regard en psychiatrie périnatale, qui est le champ dans lequel j'ai la chance d'exercer, la meilleure connaissance de la dépression du postpartum s'est passée par le constat et la preuve qu'il s'agit d'un enjeu majeur de santé publique. Enjeu majeur de santé publique, et tu le disais Aurélien, par la haute fréquence de ces troubles. C'est environ 10 à 20% des femmes qui souffrent de dépression périnatale. Et c'est également le cas de 5 à 10% des hommes. Enjeu majeur de santé publique par ses risques, risques pour le bébé, risques pour les liens, risques pour les parents. Évoquer ses risques, c'est toujours prendre garde, éviter tout causalisme, ça a été évoqué tout à l'heure. Les premiers temps de la vie sont reconnus comme une période sensible du développement, donc la question de ses risques est essentielle à aborder, mais évidemment sans faire des raccourcis causalistes et être réducteur. Et puis enjeu majeur de santé publique du fait d'un risque terrible, le risque de suicide en période périnatale, puisque les enquêtes nationales sur la mortalité maternelle nous indiquent que le suicide est la première cause de décès maternel dans la première année qui suit la naissance. Enjeu majeur de santé publique aussi par les coûts humains, économiques, qui sont engendrés par les troubles psychiatriques en période périnatale. Tout à l'heure, j'ai beaucoup aimé entendre parler du coût de l'inaction. Alors, ces questions de calcul de coût en prévention, cette mise en relation du coût des soins à ce temps-là de la vie en perspective des coûts vie entière. Alors, je vous parle de troubles psychiatriques en période périnatale. Je vais faire un focus parce que c'est plus simple et parce que c'est le plus connu sur la dépression du postpartum. Maternelle, maternelle, mais bien sûr, on le sait, d'autres troubles psychiatriques se déclenchent pour la première fois ou rechutent à ce moment-là de la vie. C'est une période de haute vulnérabilité, période de haute vulnérabilité, période sensible pour les bébés qui arrivent. peut-être des raisons pour moi de me pencher avec autant d'intérêt sur cette période de la vie. La dépression périnatale, donc, c'est un diagnostic clinique qui associe différents symptômes. Tu en as mentionné tout à l'heure. Tu parlais d'anédonie. Alors voilà, cette perte d'intérêt, d'envie, la tristesse, la douleur morale et puis l'épuisement qui est délicat à entendre à ce moment de la vie où il y a bien des raisons d'être fatigué. Quelques signes parmi d'autres. J'aimerais m'arrêter un instant sur la douleur morale qui est associée à la dépression. C'est un symptôme très intense. Quand on entend les expériences vécues, on entend que cette douleur morale est décrite comme une épreuve très intense. Et s'il est très douloureux d'être déprimé à tout moment de la vie, alors que dire de la dépression à un moment de la vie où il est attendu ? de vivre des émotions heureuses. Les patients, les parents en témoignent dans ce moment de la vie où on accueille un bébé. Un parent qui souffre de dépression du postpartum ressent souvent la peur de ne pas arriver à s'occuper de son bébé, de ne pas en être capable. Et on a face à nous des mères et des pères qui ont l'impression de ne pas répondre aux besoins de leur bébé, qui ne s'en sentent pas capables, qui l'expriment. ceux-ci alors même qu'ils prennent le plus souvent soin de leur bébé de manière adéquate. On peut donc se retrouver face à des mères, des pères qui expriment ne pas arriver à faire les soins à leur bébé, mais les assurer dans le même temps. Donc un trouble fréquent, grave, par la douleur morale qu'elle génère, grave par ses risques d'effet, et pourtant... La dépression du postpartum est insuffisamment dépistée, insuffisamment repérée, insuffisamment diagnostiquée, insuffisamment traitée. Alors, il s'agit ici de dépistage. On sait qu'on souffre à l'hôpital de manière générale du manque de moyens. Ça nous a été rappelé tout récemment, dans les derniers jours, par le rapport du Comité national d'éthique. On nous indique que c'est une crise grave, profonde, systémique. Et ces manques marquent également la psychiatrie périnatale, la pédopsychiatrie évidemment, et ça sera abordé je pense dans des tables rondes ultérieures. Mais ces manques marquent aussi les réseaux, les institutions avec lesquelles on œuvre en période périnatale. Et parmi ces difficultés, il y a eu quand même... Par cette prise de conscience récente de l'importance de la prise en compte de la santé mentale en période périnatale, le définancement d'unités, une prise en compte peut-être de sociétés ou politiques, et puis ces financements ont eu lieu. Alors on peut se réjouir, parce que je faisais un tableau un peu son, mais aussi souhaiter que ça se poursuive. Je vous parlais du dépistage, c'est probablement moins de la moitié des femmes qui traversent une dépression du postpartum qui sont diagnostiquées. et une très insuffisante proportion d'entre elles accèdent à des soins adaptés à leur état. Alors voilà, c'est des constats assez difficiles. La dépression périnatale est de ce fait-là un enjeu majeur de santé publique, essentiel à dépister, accompagner, et ça l'est pour les bébés, pour les bébés, les enfants et les adultes qu'ils deviendront, pour les liens entre les bébés et parents, et puis bien sûr pour les parents eux-mêmes. Alors si je parle des bébés ici... indépendamment du fait que je suis pédopsychiatre et que vous aurez entendu, quand on s'occupe de bébés, on a très envie d'en parler, que ce soit en recherche ou en clinique. Mais c'est aussi parce que quand on pense à la santé mentale parentale, on pense les liens entre les bébés et les parents. Et en fait, c'est une façon de penser l'environnement dans lequel les bébés grandissent et se développent. On a parlé de périodes sensibles de développement. Prendre soin de l'environnement affectif des bébés à ce moment-là de la vie, c'est prendre soin des liens. dans lesquelles ils naissent et grandissent. Et c'est donc aussi prendre soin de la santé mentale parentale, c'est aussi prendre soin de cet environnement affectif. Et puis, de toute façon, on est dans un forum sur la santé mentale et je crois que c'est difficile de parler de santé mentale sans parler de construction psychique précoce. Donc, nous y voilà. La table ronde pose la question de savoir si c'est le mal du siècle. Les troubles psychiatriques en période périnatale, ils étaient déjà mentionnés par Louis-Victor Marcé en 1858 dans un traité de la folie des femmes enceintes et des nouvelles accouchées et des nourrices. Et pourtant, c'est une spécialité assez récente, en pleine mutation, en plein développement. Les soins conjoints ont été définis tout récemment dans le Code de santé publique en 2022. La formation spécialisée pour les internes a vu le jour tout récemment aussi cette année universitaire. Alors, c'est une spécialité de l'interaction et on voit que les définitions, les soins se spécifient. Récemment, dans les actions qui ont permis de mieux connaître la période périnatale, il y avait eu cette commission des mille jours, dont on a entendu une des expertes juste avant. Des parents ont été entendus par la commission d'experts et une des difficultés rapportées fréquemment était la solitude. On parlait aussi de cette question des liens de la solitude ou de l'isolement. Et je dois dire que dans les consultations que nous avons auprès des parents qui souffrent de dépression périnatale, c'est quelque chose qui revient très fréquemment. Et puis, c'est d'ailleurs un des axes de soins d'essayer de mobiliser autour de ses parents des ressources affectives et sociales. Alors... On peut aussi en période périnatale s'interroger, est-ce que la fragilisation psychique en période périnatale est liée aux mutations de la société qui ont été évoquées ? Est-ce que ce serait le mal d'une société en mutation ? Est-ce que l'isolement des parents est effectivement plus important qu'avant ? Est-ce que l'évolution des liens dans nos sociétés de manière générale a un impact sur les troubles psychiatriques en période périnatale ? On peut penser ici aux cultures au sein desquelles l'accueil du bébé est un fait collectif, au sein desquelles les bébés et leur mère sont portés par le groupe. Ces sociétés au sein desquelles porter un bébé au monde est une responsabilité collective. On peut penser aussi à ce proverbe selon lequel il faut tout un village pour élever un enfant. Alors quel relais dans nos sociétés qu'à l'accueil des bébés, ces êtres néotènes qui naissent dépendants des adultes qui prendront soin d'eux ? Comment accompagner au plus juste les parents dont la santé mentale se trouble alors qu'ils font face à ce petit être dépendant d'eux, et parfois face au vertige que cette dépendance peut engendrer ? On voit bien qu'à travers cette question de la dépression périnatale, il y a des questions plus sociétales, politiques. Et puis je crois qu'il y a, comme dans toutes les questions qui sont traversées dans ce forum, la question de l'information, la diffusion de l'information. puisque l'information est un axe essentiel de prévention. On dépiste bien que les troubles connus, les troubles qui peuvent être reconnus, qui ne sont donc plus tus, qui ne sont plus tabous. Donc briser le tabou autour de la santé mentale a été une étape cruciale. On a actuellement une information en plein essor, avec des contenus divers sur des supports variés, et dans lesquels les associations d'usagers ont d'ailleurs une place essentielle. C'est précieux, mais ça va poser toutes les questions qui vont... de manière générale avec l'information et la façon dont elle nous parvient avec la sélection de contenus, le risque d'être piégé dans une bulle de filtre et d'être peut-être enfermé au sein d'informations qui sont à risque d'entretenir doute et anxiété. Comment informer sans angoisser ? C'est une question en toile de fond permanente dans nos pratiques de soins, une exigence que je trouve forte, délicate. En tant que clinicien, une tension éthique peut-être entre information et risque de culpabilisation. Comment donc informer les parents sans les culpabiliser ? Comment dépister sans stigmatiser ? Vous en parliez. Comment dire la fréquence sans banaliser ? Utiliser ce terme de dépression sans risquer l'usage d'un terme qui amalgame ou une appellation qui ne dit plus un trouble et un diagnostic clinique. Comment dire l'importance sans effrayer ? Comment évoquer le risque d'impact sur les liens parents-enfants sans terrifier ou être causaliste ? Comment prendre soin sans effracter ? Et puis peut-être également comment accompagner la mise en récit du bébé par la famille lorsque les troubles et les soins s'invitent. Voilà, toutes les questions, quelques-unes des questions que m'a évoquées ce thème, et puis des questions qui traversent nos pratiques cliniques au quotidien en psychiatrie périnatale. Alors, je ne sais pas si la dépression est le mal du siècle. En tout cas, je crois que la dépression périnatale est un enjeu majeur de santé, crucial, un enjeu collectif sûrement, politique peut-être, dans l'intérêt des bébés. Et puis, qui dit mal fut-il du siècle dit remède, alors je voudrais vous partager, et je m'arrêterai. Quelques mots de ce qui peut composer le remède qu'on propose en soins conjoints de psychiatrie périnatale. En soins, on œuvre ensemble, dans les liens, en présence, en équipe, auprès des bébés et de leurs parents. Il s'agit de soins de psychiatrie curatifs pour les parents, attentifs pour les interactions, préventifs pour les bébés. On tente de soutenir des facteurs de protection, dont les soins font partie, protection donc autour des bébés. facteurs de protection qui peuvent, et on l'espère, contrer les risques liés aux facteurs d'adversité lorsqu'ils sont relevés. C'est une affaire d'équipe, c'est une affaire de réflexion sur nos soins pour éviter qu'il ne s'agisse que d'actes de soins. Et puis, je crois que c'est avant tout, on l'a entendu à travers vos témoignages, une affaire d'accueil, d'écoute, accueillir la souffrance, l'écouter, accueillir nos patients, ses bébés et leurs parents. Merci.

  • Speaker #2

    Merci, Sarah. C'est vrai que la terminologie mal du siècle, point d'interrogation, c'est comme mythe ou réalité. Point d'interrogation, c'est des choses qu'on utilise allègrement en bioéthique, mais peut-être dont on essaiera de se passer ultérieurement. Je vais maintenant laisser la parole à Patrick Légeron, qui est psychiatre hospitalier, auteur du rapport de l'Académie de médecine. Sur le burn-out, vous êtes enseignant à Sciences Po Paris, vous êtes également l'auteur de nombreux livres sur le stress au travail, les risques psychosociaux, la peur des autres, la maladie du travail. Donc on a bien compris que la dépression du post-partum n'est pas le baby blues, le burn-out n'est probablement pas le blues du businessman. Qu'est-ce que vous pouvez nous dire de cette entité qu'on connaît finalement assez mal sur le plan médical ?

  • Speaker #3

    Oui, merci d'abord aux organisateurs d'avoir choisi une thématique aussi riche et aussi complexe. Merci de m'avoir invité. Vous parliez du travail maladie, mais c'est Coluche qui disait Le travail est une maladie, la preuve, il y a des médecins du travail Donc, je ne reviendrai pas sur des chiffres évidemment inquiétants, à savoir le problème de la santé mentale. La santé mentale, il faut le reconnaître, c'est le parent pauvre de la médecine. C'est vraiment le parent très pauvre et ce n'est pas les grandes annonces de grandes causes nationales en 2025, comme il y a eu les grandes causes des assises nationales de la psychiatrie en 2021 qui ont quasiment débouché sur rien, sinon de donner quelques consultations de psychologue pour des jeunes. Mais donc le problème de la santé mentale au travail, c'est vraiment en plus le parent pauvre de la santé mentale tout court, c'est-à-dire la santé mentale au travail, il a complètement délaissé. Pourtant, les chiffres sont inquiétants. Une grande étude réalisée par la Fondation de Nikkeur, dont Raphaël Gaillard est le président et qui intervenait hier, et qui a été communiquée au CESE, montre qu'à peu près la moitié des actifs aujourd'hui ne sont pas dans un bien-être mental, au sens de la définition de l'OMS. Je rappelle que le bien-être mental et la définition de la santé mentale de l'OMS, ce n'est pas simplement l'absence de maladie. Les chiffres concernant les troubles... purement pathologiques sont également inquiétants. Le cabinet stimulus, dans une étude aussi, indiquait qu'environ un quart des salariés présentent sans doute des troubles mentaux de type anxio ou dépressif. Et Santé publique France a indiqué, ça a été dit à plusieurs reprises, que l'épidémie de Covid a non seulement augmenté en population générale, mais également chez les salariés et chez les actifs, toutes ces problématiques. Aujourd'hui, la santé mentale au travail est un enjeu considérable. Il faut rappeler aussi, par exemple, que c'est la première cause d'invalidité au travail. C'est la première cause d'invalidité. Et c'est également le deuxième motif, après les problèmes rhumatoïdes, c'est le deuxième motif d'arrêt de maladies de longue durée. Donc, on voit un petit peu l'impact qu'a la santé mentale sur le travail. Alors, on parle beaucoup, et vous avez cité, de maladies du siècle. Chacun s'est amusé à trouver des références anciennes. Moi, j'irai encore plus loin que vous. Dans l'Ancien Testament, alors c'est loin de l'Ancien Testament, dans le Grand Livre des Rois, la grande fatigue du prophète Élie, qui essayait de prêcher dans le désert pour convaincre, s'épuise. Et quand on lit le Livre des Rois, je ne sais pas si c'est votre lecture préférée de l'Ancien Testament, la description qu'on a de la grande fatigue du prophète Élie, c'est un cas de burn-out pour les psychiatres d'aujourd'hui. Alors, le burn-out pose un vrai problème. Parce que d'abord, l'approche médicale est relativement récente, c'est-à-dire que c'est dans les années 70 qu'un Français parle pour la première fois de l'épuisement professionnel et le terme de burn-out est utilisé par un psychiatre américain dans les années 70, Fredenberger. Il est très intéressant d'écrire des jeunes qui travaillent dans des free clinics, c'est-à-dire des cliniques où on accueille des jeunes toxicomanes qui arrivent... battant tout feu tout flamme, excusez-moi ce mauvais jeu de mots, pour aider ces pauvres toxicomanes à s'en sortir et qui s'effondrent, complètement brûlés de l'intérieur. Et d'ailleurs le terme de burn-out est forgé par ce psychiatre américain il y a maintenant plus de 50 ans. Et puis ensuite on a commencé à construire avec des chercheurs dans les années 80 la conception. Aujourd'hui la conception du burn-out c'est pas simplement un épuisement, c'est pour ça que la traduction française en épuisement du burn-out est une traduction Assez erroné, parce que dans un burn-out, il y a non seulement un épuisement physique et psychologique, on ne peut plus rien faire, on ne peut plus se concentrer, le corps et l'esprit ne réagissent plus, mais il y a également une brûlure des émotions, on devient insensible à plein de choses, on ne réagit plus, on devient cynique. Moi, j'ai l'exemple d'une infirmière en burn-out qui m'expliquait, elle travaillait dans un service d'enfants cancéreux, elle me disait que ça ne faisait plus rien, c'était des objets. Elle déshumanisait un petit peu les relations aux autres, le cynisme. la perte d'intérêt, la brûlure des émotions, et puis également le sentiment d'être complètement incapable. Donc c'est intéressant de voir que cette maladie est maintenant un peu mieux codifiée, mais c'est encore un vrai problème parce qu'elle n'est absolument pas reconnue dans aucun manuel de psychiatrie, et l'OMS qui s'est penché plusieurs fois sur la question n'a toujours pas reconnu dans ses dernières classifications la notion de burn-out comme une maladie. C'est juste classé comme un phénomène lié au travail. Et donc c'est extrêmement intéressant de voir que nous avons beaucoup de difficultés. Et ceci dit... Si on entre dans le burn-out, toute la problématique que je voudrais un petit peu élargir de ces troubles anxieux, de ces troubles dépressifs, de ces burn-out, etc., on s'aperçoit finalement qu'il touche un nombre important de salariés. Les derniers chiffres de Santé publique France, qui est notre grand organisme d'épidémiologie de la santé, comme vous le savez, indiquaient qu'on estime à près de 500 000 cas par an de personnes qui tombent malades. mentalement, simplement pas en souffrance, mais dans une vraie pathologie, que ce soit des anxios dépressifs, des anxios purs, des dépressions, des stress post-traumatiques, des choses comme ça, liées au travail. 500 000, c'est donc relativement considérable et je voudrais juste vous soumettre un autre chiffre qui est également à mettre en relation et qui est très perturbant, c'est qu'il y a 1000, seulement 1000 de ces cas qui sont reconnus comme maladies professionnelles, c'est-à-dire qui sont reconnus comme étant causés par le travail. Donc vous voyez, le décalage entre... 500 000 cas reconnus comme étant liés au travail et 1000 seulement qui vont être pris en charge par la branche des maladies professionnelles de l'assurance maladie. Donc on a un véritable problème à ce niveau-là sur lequel je reviendrai un petit peu plus tard. Si on comprend encore mal un petit peu le burn-out, on sait maintenant son mécanisme. Et en fait, le mot a été prononcé plein de fois. Et là, à mon avis, c'est le terme qu'il faudrait utiliser pour le mal du siècle, c'est le mot stress. Le stress, c'est une réaction naturelle que nous avons tous face à une difficulté, que les mammifères ont aussi. Mais c'est le stress qui s'est développé à une vitesse grand V dans nos environnements professionnels. Et aujourd'hui, la conception du burn-out, c'est finalement la dernière phase ultime d'un processus de stress qui se répète dans le temps et dans l'intensité. C'est-à-dire que le stress est une réaction normale. Ensuite, quand il devient excessif, on entre en hyper-stress, c'est-à-dire dans un fonctionnement qui déjà nous alerte. Et puis ensuite, il y a l'effondrement. Et donc l'hyperstress est l'antichambre de la réaction de burnout. Et donc la problématique du stress est une problématique centrale dans la compréhension du burnout. Ce qui est très intéressant...

  • Speaker #0

    C'est que des grands organismes, aussi bien de santé comme l'Organisation mondiale de la santé, mais des organismes aussi comme le travail, le Bureau international du travail, deux grands organismes, comme vous le savez, dépendants de l'ONU, l'un sur la santé, l'autre sur le travail, ont indiqué depuis maintenant une quinzaine d'années que le stress au travail est le premier risque pour la santé des travailleurs. C'est le premier risque. Pendant longtemps, les risques pour la santé au travail, c'était des risques physiques, on pouvait tomber d'une échelle, c'était encore bien sûr des risques biologiques ou... ou chimiques, l'amiante a fait beaucoup parler d'elle, etc. Mais maintenant, c'est le stress. Et c'est quelque chose qui est extrêmement inquiétant. C'est d'autant plus inquiétant que dans des pays comme la France, toutes les enquêtes européennes, j'ai la chance de travailler un peu avec la Commission européenne qui n'est pas loin d'ici, qui se tient des fois, de temps en temps, ici au Parlement, mais à Bruxelles aussi, eh bien, on s'aperçoit que la France est le pays qui a le record au niveau de stress des salariés. Les salariés français sont les plus stressés dans toutes les grandes enquêtes européennes. Et j'aimerais rebondir sur nos deux jeunes lycéennes qui sont là. Le record aussi européen sur le stress des lycéens, c'est nous qui l'avons. Nous avons le double record des résultats les plus médiocres, classement PISA, et les plus stressés. Vous voyez, le résultat est beau. Vous avez à l'opposé, vous avez les Finlandais, les Finlandais, les Finlandais qui sont peu stressés. qui sont peu stressés et qui ont les meilleurs résultats. Et puis vous avez le japonais, qui sont très stressés mais qui ont de bons résultats aussi. En tout cas, nous on est très mauvais et je trouve dans le travail, il y a une grande comparaison avec les lycéens. Donc vous voyez, vous êtes encore au lycée mais quand vous serez au travail, vous recouvrez un petit peu cette notion que vous avez très bien décrite à l'école. Ne vous inquiétez pas, votre parcours est maintenant bien tracé concernant le stress. Alors quand on a dit ça, on a fait un constat important. Et maintenant, il faut comprendre un petit peu quelles sont les sources de stress au travail. Et là, les recherches sont également très développées depuis maintenant une trentaine ou une quarantaine d'années sur qu'est-ce qui stresse au travail, qu'est-ce qui fait qu'on est stressé au travail. Alors évidemment, ce n'est pas le fait qu'on a toujours des environnements pénibles. Par exemple, évidemment, quand on travaille dans des usines avec du bruit relisé germinal, pour comprendre que ce n'était pas un long fleuve tranquille de travailler. Mais aujourd'hui, vous pouvez être stressé en étant dans des beaux bureaux climatisés, avec des plantes vertes, avec une belle cafétéria pour manger à la pause, etc. Non, les causes de stress au travail sont dans deux domaines. D'abord, des organisations du travail qui sont complètement délirantes. Aujourd'hui, la pression... Et vous retrouverez ça aussi dans le milieu du travail. La pression des résultats et de la performance, vous serez jugé avec des objectifs à atteindre. La pression des personnes, les quantités de travail considérables, mais vous avez également des organisations de travail qui, par exemple, vous rendent impossible d'être autonome, c'est-à-dire le manque d'autonomie. Vous avez également des organisations de travail qui vous poussent à, j'allais dire, sacrifier la vie personnelle et la vie professionnelle. Vous avez des organisations de travail qui vous empêchent de vous développer. Vous êtes presque des robots. Ou alors, vous avez des organisations du travail qui vous mettent au placard. Et on est dans un autre concept qui est celui de bore out, c'est-à-dire d'épuisement. Cette fois, sinon plus par une surcharge de travail, mais un épuisement, j'allais dire par ennui, par aucune valeur. On a parlé de l'absence de sens au travail. Et madame, tout à l'heure, indiquait que lorsqu'on vous demande de faire des choses qui sont contre vos propres valeurs, etc., vous avez tout ça. Donc, ce problème d'organisation du travail est un problème central. Il y a un deuxième grand axe. de cause de travail, et la France, là encore, excusez-moi, nous avons beaucoup de record-man dans les statistiques européennes, c'est le management. Le management français est une catastrophe aujourd'hui. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est les rapports européens, c'est l'OCDE aussi, c'est les rapports de l'Agence européenne de santé et de sécurité au travail. Juste un exemple, dans les grandes enquêtes européennes, il y a une question toute simple que vous pouvez vous poser vous-même. Votre manager est-il une source de stress pour vous ? 60% des français répondent oui. En Norvège, ils sont 10%. Avez-vous le sentiment d'être reconnu au travail ? Nous sommes dans les dernières positions. Donc on a un management qui est complètement défaillant, un management qui est plus là pour surveiller, épier. et punir plutôt que d'accompagner, etc. Ce problème du management, c'est un problème majeur qui s'est accru d'ailleurs avec le problème de la Covid, puisque les travailleurs ont été amenés à travailler souvent en télétravail à distance. Et là encore, le télétravail à distance avec des managers relativement défaillants a causé beaucoup de soucis concernant le bien-être des salariés, et d'ailleurs plus globalement. Et là, l'Agence européenne, avant même l'apparition de la Covid, c'est-à-dire en 2019, alertait. sur le risque pour la santé mentale du développement des techniques nouvelles qu'on appelle la digitalisation du travail, le numérique. Le tout début, c'était le télétravail. Aujourd'hui, beaucoup de chercheurs se posent la question de ce qui va devenir avec l'intelligence artificielle. Est-ce que ça va être quelque chose qui va être bon ou pas bon pour la santé mentale ? Pour l'instant, on est tous plus en train de réfléchir à savoir qu'est-ce qui va modifier le travail. On pourrait se poser une question de savoir si ça va être bon ou pas bon pour l'être humain et pas simplement pour le travail. Voilà un petit peu toutes ces facteurs. toutes ces causes de stress. Alors ce qui est la bonne nouvelle quand même, c'est que nous avons des exemples. Moi, j'ai la chance de travailler avec pas mal de pays européens, avec le Québec aussi, qui est un pays, on en parlait tout à l'heure, qui est un pays modèle et facile à comprendre puisqu'il parle notre langue en plus, ou presque. On ne peut pas demander d'aller regarder ce qui se passe en Finlande parce que si vous ne parlez pas le finlandais, et même s'ils traduisent en anglais, au Québec, c'est des bons exemples. On sait ce qu'il faut faire. Il faut faire plusieurs choses. Premièrement, Il faut que les entreprises s'investissent là-dedans. C'est-à-dire que les entreprises doivent complètement avoir des évaluations de ce qu'on appelle les risques psychosociaux. Là encore, dans les grandes enquêtes européennes, la France est quasiment la dernière à avoir des indicateurs, à avoir des données pour piloter, c'est-à-dire quelle est la charge de travail de mes salariés, ont-ils de la reconnaissance, ont-ils de l'autonomie, arrivent-ils à équilibrer vie personnelle, professionnelle ? Quand on va dans les entreprises, comme j'ai la chance de le faire assez fréquemment, et bien on s'aperçoit qu'ils n'ont pas d'indicateurs. Rendez-vous compte, les entreprises ont des indicateurs sur tout, leur stock de marchandises, la performance économique, mais n'ont aucun indicateur sur cette thématique centrale qu'est-ce qu'il y a à dire les risques psychosociaux. Ça, c'est la première chose. La deuxième chose, c'est qu'il faut revisiter complètement les pratiques managériales. Et quand on regarde ce que font les pays d'Europe du Nord, c'est un exemple. Allez faire un tour en Finlande, allez faire un tour en Suède, vous allez voir ce qu'ils appellent le healthy management c'est-à-dire le management sain, de même qu'il y a une nourriture saine qui vous fait du bien. mais qui vous nourrit quand même. Il y a un management sain, c'est-à-dire qui ne fait pas de mal aux individus et qui, en même temps, manage, car il faut quand même manager les équipes. Ce management sain, c'est simple. C'est d'abord l'écoute, l'empathie, la gestion des émotions, la reconnaissance au travail, le soutien, etc. Donc, vous avez ça également à faire pour les entreprises. Les entreprises ont un rôle extraordinairement important là-dedans. Malheureusement, les entreprises ne font pas grand-chose parce que ça ne leur coûte quasiment rien. Les coûts, comme je vous l'ai dit, lorsque les gens s'effondrent au travail, c'est l'assurance maladie, vous et moi, le régime général qui paye, et rarement la caisse d'assurance maladie professionnelle qui, elle, est complètement financée par l'employeur. Ça, c'est le rôle des entreprises. Et là encore, ce n'est pas étonnant lorsqu'on pose un sondage européen. Est-ce que vous avez le sentiment que votre entreprise s'intéresse à votre santé mentale et votre bien-être ? 38% des salariés français disent non, pas du tout. Ils sont que 17%. en Allemagne. Et lorsqu'ils vous disent oui, c'est vrai, ils s'intéressent à mon travail, 55% vous disent oui, une façon superficielle, en ayant installé un baby-food, ou en nous faisant quelques séances de massage le week-end. Donc vous voyez qu'on a une vraie problématique de perception de l'intérêt que portent les entreprises à la santé mentale des salariés. Ça c'est le rôle de l'entreprise. Le deuxième rôle, c'est le rôle de l'État. Là encore, l'État français, les politiques de santé en France mentale, sont complètement désertées. la problématique de la santé mentale au travail, avec plusieurs choses. D'abord, le débat sur les maladies professionnelles, reconnaître comme maladies professionnelles les troubles mentaux, ça a été enterré deux fois par le Parlement, et là, ce n'est pas l'ordre du jour de remettre ça sur le tapis. Parce qu'il faudrait un jour ou non qu'on applique le principe très simple, pollueur égale payeur, c'est-à-dire ceux qui cassent les individus, doivent les réparer financièrement. On a fait ça pour l'environnement, à la table précédente, on parlait de l'environnement, maintenant pollueur et payeur. Il y a 30 ans, une usine polluait une rivière. C'était la collectivité qui réparait. Maintenant, une entreprise pollue une rivière, c'est l'entreprise qui paye. Pollueur égale payeur. Ils n'ont pas simplement 1 000 pris en charge par l'employeur, alors qu'ils sont 500 000. Ça, c'est la première chose. La deuxième chose qu'il faut faire, et ça, c'est une suggestion que commencent à faire certains pays, un peu comme on a fait dans le monde du travail un index de l'égalité homme-femme, c'est-à-dire qu'on a des critères qui permettent de dire, là, une entreprise qui est bien, parce qu'elles s'orientent vers l'égalité hommes-femmes au travail, eh bien, il faudrait un index, j'allais dire, de bien-être au travail. Et ça, c'est important. Et la deuxième chose aussi qu'il faudrait faire, c'est que les pouvoirs publics organisent vraiment des missions interministérielles. Il y a une mission ministérielle sur la psychiatrie, mais il faudrait une mission interministérielle. parce que j'ai été l'objet de plusieurs rapports pour le gouvernement. Je peux vous dire que le ministère du Travail et le ministère de la Santé travaillent complètement séparément, alors que c'est un problème à la fois de santé et de travail. Je voudrais terminer en disant que l'individu aussi doit se protéger. Et l'exemple que vous avez donné vous a montré que vous avez compris qu'il fallait se protéger soi-même. Vous parlez de la gestion du stress. C'est appris dans les écoles finlandaises dès la petite école. Maintenant, nos pouvoirs publics veulent apprendre l'empathie, veulent apprendre la gestion des émotions. Nous devons tous savoir gérer des situations difficiles. Nous devons tous aussi ne pas nous investir de manière excessive au travail. Vous savez, quand on regarde quels sont les gens qui sont effondrés au travail, eh bien, ce ne sont pas les gens qui, en général, surinvestissent. Moi, j'étais l'auteur d'un rapport pour le ministère du Travail après l'affaire de France Télécom. Et puis, on s'aperçoit que les gens qui sont suicidés, on a beaucoup parlé du suicide, mais le nombre considérable de burn-out qu'il y a eu après l'affaire de France Télécom nous montrait que c'était des gens qui étaient surinvestis. Le surinvestissement est dangereux. Donc, il faut apprendre aux gens à ne pas tout mettre ses oeufs dans le même panier. Et en effet, développer des hobbies, des choses comme ça. La pratique de la relaxation, l'activité physique, l'alimentation. Là encore, il y a une éducation sanitaire à faire sur la santé mentale. Où sont les programmes grand public ? Où sont les programmes qui vous expliquent comment se protéger au niveau santé mentale ? On vous explique comment faire pour ne pas avoir un infarctus, le régime, le cholestérol. Il n'y a aucun programme de santé publique sur la santé mentale. Et je voudrais terminer en disant que ces problématiques, et certains l'ont dit avant moi, donc l'inconvénient de passer en dernier, c'est qu'on répète des choses qui ont déjà été dites, c'est qu'il ne s'agit pas simplement d'un problème de santé, c'est un problème économique. Les pays d'Europe du Nord qui ont développé la notion de bien-être au travail, qui ont voulu lutter contre la souffrance psychologique, les troubles mentaux au travail, ont une approche business. Ils m'ont dit that's good for business c'est-à-dire qu'ils ont calculé que 1 euro investi à prévenir ces problèmes au travail, à les gérer, à travailler en amont, à les résilier, eh bien permettait d'éviter d'en perdre 3. Et ça, ça a été dit également tout à l'heure, que c'est l'inaction qui va coûter de plus en plus cher. Et là encore, cette approche business est importante. Aujourd'hui, le dernier rapport publié dans le Financial Times, vous voyez que mes lectures, ce n'est pas que les livres médicaux, le Financial Times m'explique que le problème de la santé mentale au travail, c'est des trillions de dollars. Je ne sais pas si vous savez que ce sont des trillions de dollars, c'est des milliers de milliards. C'est ça le coût dans le monde, et en France, ça n'échappe pas à tout cela. Donc on a des vraies problématiques. Et là encore, à défaut. de s'intéresser aux individus. Je ne suis quand même pas naïf en pensant que les entreprises ne s'intéressent qu'aux individus. On pourrait au moins s'intéresser au business. À une époque, on parle du travail, de la valeur travail, que les gens doivent travailler, etc. On devrait aussi se poser la question non pas simplement de l'emploi, du salaire, ou de l'augmentation du temps de travail, ou de manger à la retraite. On devrait s'interroger sur la question du travail, quelle qualité il a au travail. Et vous savez, ce n'est pas un problème si les Français sont ceux qui perçoivent le travail comme le plus stressant, le plus pénible, etc. Et ce n'est pas non plus quelque chose qui surprend, c'est que c'est les Français qui aussi, on l'a bien vu dans les débats politiques, les disent le plus souvent vivement la retraite. Je m'arrêterai là.

  • Speaker #1

    Merci. Alors, Sarah, Anna, je pense que rassurez-vous un peu quand même. Je pense que vous êtes d'une génération, de ce que j'observe chez les jeunes étudiants, ceux qui arrivent sur le marché du travail. Vous êtes d'une génération qui ne se laisse plus faire et vous posez aussi des exigences. Quand vous arrivez devant un employeur qui recrute, je ne sais pas ce que c'est peut être un pari sur l'avenir, mais en tout cas, cette impression que les choses, que les choses évoluent. Je vais vous laisser réagir à ce qui a été dit avec brièvement, puisqu'après, on va laisser la parole au public avec peut être comme seul point d'ancrage la prise en charge. Et qu'est ce qu'on fait pour les patients anxieux, déprimés avec ? C'est vrai, c'est l'œil du médecin qui parle. Le grand absent de ces débats, ce sont les traitements. la seule fois où on a évoqué les traitements c'était pour dire que c'était difficile d'arrêter le traitement anxiolytique or la consommation de psychotropes d'antidépresseurs, d'anxiolytiques notamment chez les populations les plus jeunes est en pleine explosion donc c'est vrai qu'on n'en a pas du tout parlé et peut-être aussi dire un petit mot sur pas d'espoir si il n'y en a pas mais de dire qu'est-ce qu'on peut proposer aussi pour ces patientes et ces patients-là Aurélie, peut-être on commence.

  • Speaker #2

    Sur les traitements ?

  • Speaker #1

    Pas forcément les traitements médicamenteux, mais les traitements.

  • Speaker #2

    Ah oui, à la psychothérapie. Les traitements plutôt non médicamenteux, je vais plutôt m'exprimer là-dessus. Les traitements, ça va être finalement, je crois, de la psychothérapie dans ce contexte-là, je crois que ça va être justement d'essayer de voir... les bonnes raisons qui font que la personne se retrouve dans cet état-là et de chercher avec elle finalement en quoi ses réponses, ses réactions peuvent être adaptées à un certain contexte qui peut lui être inadapté à ses besoins de base. Donc ça va être d'échanger, de discuter, d'essayer de comprendre, comme je disais, les bonnes raisons qui font qu'il y a eu à un moment donné une symptomatologie, un épuisement, un burn-out, et de pouvoir justement se poser... oser se poser, je crois qu'on n'a pas trop le choix d'ailleurs à ce moment-là, oser se poser des questions existentielles. On en a entendu parler. C'est peut-être le moment où jamais, au moment de la crise, quelle qu'elle soit, de se poser des questions existentielles et de se demander, qu'est-ce que j'ai besoin de prioriser là maintenant, tout de suite ? Et si on était dans le cadre d'une psychothérapie, dans le contexte de la dépression, des troubles anxieux ou de l'épuisement, ou le fameux burn-out, on chercherait finalement Là aussi, à faire le point, à comprendre quelles sont les bonnes raisons, qu'est-ce qui fait qu'on en arrive là, et du coup, une fois que je comprends qu'est-ce qui fait que j'en arrive là, de quoi j'aurai besoin comme changement. Sachant qu'on peut attendre et espérer des changements qui viennent de l'extérieur, mais on va chercher, comme on l'a entendu à plein de reprises, à aller plutôt du côté des changements qui sont sous mon contrôle. Tout sauf l'impuissance acquise, tout sauf l'impression de résignation. Et donc je crois que... Pour ma part, c'est ce que j'essaie de faire avec les patients que j'accompagne. C'est de voir, on a entendu parler de boussole à un moment donné, où peut être la boussole, qu'est-ce qui compte, comment prioriser et de mettre des garde-fous aussi. Il y a des patients qui disent, j'ai vraiment besoin de mettre des garde-fous, sinon le travail va tout manger. Et donc, de mettre stratégiquement parfois des garde-fous, qui s'appellent pratique de la chorale, certains loisirs, etc., pour éviter qu'on laisse le travail tout manger. Je dirais ça,

  • Speaker #0

    pour ma part.

  • Speaker #1

    Merci. Sandrine, vous êtes père aidant. Et donc forcément, les gens vous parlent forcément aussi des médicaments. Et c'est aussi dans votre expertise à vous de dire par quoi vous êtes passée. Et c'est vrai que comme on en a très peu parlé, vous avez parlé de la méditation. En quoi vous pouvez les aider dans ces périodes-là ?

  • Speaker #3

    Alors moi, j'ai l'habitude de dire, pour ne pas être trop fataliste par rapport à la prise de traitement, parce que c'est vrai qu'il y a des personnes qui... Enfin moi, j'ai pris des périodes de ma vie d'écrire des traités. très lourd et je n'étais pas du tout accompagnée par des pères aidantes qui m'auraient donné l'espoir peut-être de pouvoir à un moment donné diminuer mon traitement. Mais donc je dirais qu'il y a les traitements du moment de la crise qui sont un petit peu inévitables. Après on essaie de comprendre ce qui nous arrive, on a de la psychoéducation aussi par rapport à une pathologie donc on s'éduque nous-mêmes et à un moment donné on peut envisager effectivement une réduction du traitement. Je dirais que moi, j'ai un traitement de fond, par exemple, mais il ne faut pas miser tout sur un traitement. Il faut aussi savoir affronter des choses, mais il faut reprendre des forces. Et donc, c'est tout ce moment-là où on est sous antidépresseur, on digère son histoire, on essaie de retrouver des repères. Et justement, on travaille avec les professionnels de santé pour trouver des outils. trouver des outils d'apaisement, trouver des outils pour s'équilibrer, se réguler émotionnellement, réenvisager de refaire du sport, on a parlé de l'alimentation qui est fondamentale, on n'a pas parlé de la nature, moi la nature c'est quelque chose qui est tellement évident, qu'on respire mieux dans la forêt que dans un appartement, donc c'est des choses que j'aimerais beaucoup que ce soit davantage, dans les hôpitaux, dans les structures de soins, parce que c'est tellement une évidence que la nature fait du bien, et puis qu'on peut se ressourcer, et puis que c'est bon pour oxygéner son cerveau. Donc le traitement, oui, le traitement est important. Donc il ne faut pas arrêter son traitement, il faut en prendre un quand on en a besoin. Mais je pense qu'il y a aussi d'autres outils qu'on peut utiliser, qui sont sous la main, j'ai envie de dire, qui sont facilement accessibles, et il ne faut pas s'en priver. Donc c'est un équilibre entre traitement et puis... un équilibre qu'on trouve dans sa vie au travers de nos activités, de la sociabilisation, de l'emploi, du bénévolat. Mais l'isolement aussi est très néfaste à la santé mentale.

  • Speaker #1

    Sarah Salanès, vous voulez réagir ?

  • Speaker #4

    Alors en psychiatrie périnatale, on a un focus un peu particulier. Il y a la question de la santé mentale périnatale dont il doit prendre soin pour la perspective des bébés. J'en parlais tout à l'heure. Et puis quand les patients arrivent à nous rencontrer, on est dans des problématiques le plus souvent plus psychiatriques et plus sévères. Ce qui a évolué dans les dernières années, c'est les connaissances en matière de sécurité de certaines prescriptions. On a beaucoup plus de recul. Et finalement, un des grands risques qui était pris en période périnatale et à la découverte d'une grossesse, c'était l'arrêt de traitement qui était tout à fait nécessaire. Notre objectif principal, et en particulier dans la diffusion d'informations et dans le développement d'unités et de dispositifs spécialisés autour de ces questions-là, c'est de viser la stabilité. Parce qu'en fait, on a vraiment besoin d'avoir une stabilité psychique en période périnatale, à tout moment de la vie certainement, mais en période périnatale parce qu'il faut être hautement disponible. On traite quand on a besoin, on essaye d'informer pour que l'adhésion puisse se faire comme à d'autres moments.

  • Speaker #1

    Patrick Egeron.

  • Speaker #0

    Écoutez, la France est première dans le traitement des maladies cardiovasculaires et en énième position dans la prévention des maladies cardiovasculaires. Donc j'ai envie de dire prévenir avant, prévenir, prévenir, prévenir. Sur le burn-out, il n'y a qu'une action, prévenir. Quand on a un burn-out, au sens médical, quand on a un burn-out, c'est au moins deux ans avant de reprendre une activité. C'est une psychothérapie qui dure, c'est des médicaments. Prévenir, prévenir, prévenir. La prévention, ça se passe d'abord très tôt. En psychiatrie au général, les psychiatres sont étonnés dans les artistiques. Des fois, il faut 15 ans avant qu'une personne qui commence à avoir des signes, par exemple de phobie sociale, aille consulter, ou un trouble obsessionnel compulsif. 15 ans ! Pourquoi ? En général, vous commencez à tousser, vous allez voir un médecin. Vous n'allez pas attendre 15 ans à cracher du sang ou à pisser du sang. Donc il y a un vrai problème à ce niveau-là. Et là encore, le dépistage assez récent des premiers symptômes permet. Puis alors après, quand il y a des cas qui évidemment n'ont pas été suffisamment prévenus, mais toute l'action doit être mise sur la prévention. D'ailleurs, je soulignais qu'il y a un éphémère ministre, on a tellement eu une ministre de la Santé ces derniers temps que je ne sais plus lequel, mais un éphémère, celui qui a duré trois mois, avait intitulé son ministère de la santé et de la prévention. C'est fini, ça a été enlevé, c'est maintenant le ministère de la santé et de l'offre des soins. La prévention, out, il n'y a plus de prévention. Donc lorsqu'il y a besoin de traiter, il faut traiter parfois, il y a des guidelines très bien. Il y a des médicaments, il y a des psychothérapies, il y a des approches non médicamenteuses, il y a des approches qui sont plus de coaching, d'accompagnement, etc. Il y a plein de choses et je pense qu'il y a suffisamment de diversité pour trouver son chemin. Mais là encore, mon seul message, en tout cas pour le burn-out, c'est prévenir. On ne peut pas rester simplement sur le fait que nous sommes, comme je disais, champions des soins, mais en même temps, pas du tout dans prévention.

  • Speaker #4

    Sarah Sananès qui voulait ajouter un petit mot avant qu'on passe la parole à la salle. Oui, j'ai répondu sur la question des traitements médicamenteux. Il faut interpeller en psychiatrie périnatale quand on sent qu'on est en difficulté et bien évidemment, les traitements sont prescrits lorsqu'ils sont indiqués. Du coup, je réagis aussi pour... On encourage à ce que les interpellations se fassent. Il ne faut pas que ça soit effrayant. C'est quand une indication est posée.

  • Speaker #0

    Merci.

  • Speaker #2

    On va maintenant laisser la parole au public pour les questions.

  • Speaker #5

    Je vais m'arroger le droit de la première question à Patrick Légeron. Quand on vous entend parler, on trouve presque scandaleux la situation des entreprises françaises et l'absence de bienveillance au travail. Il y a pourtant eu une condamnation de grands barons de l'industrie française pour des épidémies de suicide, notamment, je pense à France Télécom. Mais il y a eu d'autres condamnations. Est-ce que depuis ces condamnations, il y a une prise de conscience dans le management français que quand il y a une personne qui se suicide dans une boîte, il y a des conséquences négatives pour les patrons ? Parce que c'est quand même par la sanction qu'on peut avoir le plus d'effets ou les plus rapidement. Parce que former les managers, c'est pour demain. Mais ceux qui sont en place, ils sont encore au cnout. Donc est-ce que... qu'il y a eu un effet des condamnations ?

  • Speaker #0

    Il y a eu deux temps. Moi, ça fait plus de 30 ans que je travaille sur ces thématiques de santé mentale au travail. Le silence absolu, le déni complet jusqu'à France Télécom. France Télécom, c'est 2006, 2007, 2008. À ce moment-là, le choc de France Télécom, l'interpellation des dirigeants, qui ont été définitivement complanés en appel de cassation. Le 19 décembre dernier, c'est-à-dire il y a un mois, 15 ans d'instruction, enfin la justice est lente, condamné définitivement. Il y a eu un choc. Avant, après. Après France Télécom, qu'est-ce qu'on a vu ? Et ce n'est pas moi qui le dis uniquement, c'est évidemment tous les rapports européens. C'est très intéressant de se comparer aux autres, parce que les problèmes dont on parle, je pense qu'ils existent aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne, en Italie, en Espagne, enfin dans toute l'Union. Et au-delà de l'Union, en Norvège, en Suisse, ce ne sont pas des pays de l'Union, mais enfin, qui sont quand même européens. Eh bien, nous sommes très en retard. Dans les années 70, les premiers travaux, par exemple, d'accord dans les entreprises sur le stress, la fin des années 70, étaient publiés par les partenaires sociaux au Danemark. Et en Suède, fin des années 70, il a fallu attendre 2008, 2008, juste après France Télécom, pour que les partenaires sociaux, c'est-à-dire les organisations syndicales de salariés et le patronat, signent des accords de prévention. Ces accords de prévention sont pas très contraignants, à la suite des accords européens d'ailleurs. Ils sont pas très contraignants, ils sont pas contraignants, et aujourd'hui, après le déni jusqu'à France Télécom, on est rentré, ce que j'appellerais dans le faux semblant. Les entreprises mettent en place un ligne verte. Vous allez mal vous appeler. On appelle pas ça de la prévention primaire ça, on attend que les gens vont mal, c'est comme si on disait quand il y a le feu il y a une issue de secours, il vaut mieux agir en amont sur le feu. Ou alors ils ont mis en place des alternatives que je citais, un baby-foot, des choses comme ça, donc il n'y a pas vraiment d'action, là encore dans la qualité des actions. Alors c'est vrai que le droit a augmenté, d'ailleurs M. Lombard, puisque c'est lui le président de France Télécom de l'époque, a été condamné, des peines relativement restreintes parce qu'à l'époque, c'était un peu durci. Mais à l'époque, c'était un an avec sursis et à quelques dizaines de milliers d'euros. Moi, j'ai le souvenir épouvantable d'un dirigeant d'entreprise épouvantable qui a vu un suicide, des burn-out dans son équipe. Il m'a dit j'étais condamné. Il a dit à la personne qui était en burn-out, vous m'avez coûté moins cher que ma boîte de cigares.

  • Speaker #1

    dans le public.

  • Speaker #0

    Bonsoir, alors d'abord merci beaucoup pour vos interventions et je voulais vous demander si d'après vous il existe des solutions pour réduire l'anxiété au niveau scolaire, donc dans les établissements scolaires, collèges, lycées.

  • Speaker #1

    Alors qui veut répondre ? Qui voit des enfants à la table ? Monsieur Légeron ?

  • Speaker #0

    Je ne vais pas répondre à l'exemple finlandais. D'abord, la compétition n'existe pas. Le travail est collectif. En tant que médecin, on a connu ce que c'est que la compétition. L'internat, c'est la pire des choses. Au Québec, moi, j'ai fini mes études aux États-Unis. J'étais étonné que je n'étais pas noté. On travaillait tous ensemble. C'était le groupe qui était noté. Il n'y a plus une pression sur l'individu, sur les résultats. Et ils forment des médecins tout aussi bien que chez nous. Et en Finlande, c'est pareil. C'est-à-dire que l'individualisation... L'individuation des évaluations est épouvantable. Il faut faire travailler en groupe, etc. Et puis aussi, davantage axer sur les résultats positifs que négatifs. Moi, juste une anecdote, quand je suis arrivé aux États-Unis, j'ai fait une université de médecine, c'est la fin des années 70, début des années 80, c'est long time ago comme on dit. Dans la famille d'accueil, c'était la rentrée des classes. Ils reviennent avec un devoir. Avec plein de choses soulignées en rouge. Et tout le monde s'est extasié. Je disais, ah bon ? Oui, on fait une dictée. Et la maîtresse a souligné plein de trucs en rouge. Alors, je disais, mais pourquoi tout le monde se réjouit ? Ah non, mais à la première dictée, on ne regarde pas les fautes. On regarde simplement ce qui aurait pu être une faute qui n'a pas eu lieu. Nous sommes dans une autre culture. Et au travail, c'est ça, les managers, qu'est-ce qu'ils font ? Ils sont là plus davantage pour vous critiquer que pour vous reconnaître. D'ailleurs, dans les sondages européens, nous sommes le pays dans lequel la reconnaissance est considérée comme la plus faible.

  • Speaker #1

    Question du public.

  • Speaker #6

    Merci à vous pour vos interventions. Vous avez parlé tout à l'heure d'indicateurs qui permettaient de mesurer la qualité de vie au travail. Et je voulais savoir si ces indicateurs étaient aussi mesurés dans le système scolaire et si parmi eux, on prenait en considération le rythme biologique des individus. Leur phase de sommeil et d'éveil, et vous, comment vous vous sentez par rapport à ça au quotidien, sur votre fatigue et sur d'autres indicateurs ?

  • Speaker #7

    C'est bon, super. Alors clairement au niveau du sommeil, je pense que dès qu'on arrive au lycée, il y a un gros changement. On est quasiment sur des journées de 10 heures. Comme on disait au début, nous sommes des classes avec des options en plus, par exemple la section européenne. Donc on a des emplois du temps vraiment très fournis. On fait quasiment du 8h-18h tous les jours. Vous rajoutez une heure de cantine, où en général on doit se dépêcher, donc ce n'est même pas vraiment une pause. En plus, on rajoute le matin, où tout le monde a les transports, donc on se lève en général vers 6h, voire avant. Et le temps de rentrer, de faire les devoirs, profiter un tout petit peu peut-être de notre famille.

  • Speaker #0

    On va se coucher 22h30 au plus tôt et encore je suis optimiste. Donc c'est clair que le manque de sommeil est très présent, ça peut peut-être se voir sur mon visage, j'espère pas trop. Mais on va rattraper je pense pendant les week-ends et quand on en a discuté rapidement en classe, on remarque même qu'on gâche notre week-end à dormir. Alors je sais pas si c'est gâché ou si c'est une mauvaise optimisation du temps, mais c'est comme ça qu'on récupère je pense le sommeil. Après, c'est sûr que ça nous fait perdre de la lucidité. Parfois, certains somnolent même en cours. On peut peut-être penser qu'il faudrait alléger les emplois du temps. Est-ce que faire du bourrage de crâne de cette manière est vraiment très réfléchi ? On parlait avant d'autres exemples en Europe. Nous avons eu la chance en seconde d'avoir fait un voyage en Suède avec des correspondants. Et nous avons découvert leur manière de travailler. Nous avons passé une semaine dans leur lycée. Et en fait, c'était... Un autre monde, un autre univers, vraiment. Les gens venaient en crocs au lycée. Juste pour ça, on était déjà étonnés. Et il n'y a pas du tout cet esprit de compétition. Les profs sont moins sur une stalle que chez nous. Ils les tutoient, ils les appellent par leur prénom. C'est plus des partenaires que des sages qui ont la science infuse. Et je crois que là-bas, ça aide vraiment à développer les élèves. Et on le voit d'ailleurs dans leurs compétences, ils parlent l'anglais de manière complètement bilingue, alors que chez nous, on mélange le franglais et on impose notre culture quand on va aux Etats-Unis. En tout cas, je pense qu'on a vraiment à apprendre des pays européens, surtout du Nord, comme disait Monsieur, et que nos emplois du temps doivent être réfléchis à nouveau, même pour les primaires, qui ont même le mercredi matin maintenant les cours. On n'a plus du tout de pause, à part le week-end dans nos semaines. Après peut-être qu'il faut s'adapter parce qu'on sait que plus tard ça sera la même chose, on aura des 36 heures voire plus. Et on a cette société qui nous pousse toujours à travailler plus, comprendre plus, apprendre plus, mais est-ce qu'on ne devrait pas le faire mieux ?

  • Speaker #1

    J'espère que vous êtes bien payée au moins. Sandrine, vous vouliez réagir ?

  • Speaker #2

    C'est vrai qu'on a tardé à parler du sommeil, il est arrivé qu'en fin de... de ce débat, mais en fait, je me rends compte de plus en plus, je ne sais pas si c'est typiquement français, mais on ne prend vraiment pas soin de nous au niveau du sommeil. Je veux dire, vous rentrez chez vous, si je prends l'exemple des Suisses qui mangent à 6h30, et je pense qu'ils ont bien raison de manger très tôt, parce que ça facilite quand même le sommeil quand on peut digérer correctement avant. Nous, on rentre déjà très tard, et puis on nous met des émissions qui démarrent, je regardais l'autre soir, 21h20, 21h30, moi, je laisse tomber. En tant que personne concernée, le sommeil, c'est fondamental. Je ne peux pas me permettre de me coucher après un film, donc il faut se respecter une fois de plus. Je pense qu'en France, on ne fait pas du tout attention à ça. Donc, se coucher après 23h, 23h30, ça devient quelque chose d'assez périlleux pour la santé mentale.

  • Speaker #1

    Madame ?

  • Speaker #2

    Merci à vous pour vos interventions. Moi, j'avais une question par rapport à l'industrie pharmaceutique. et la prévention ou en tout cas la prise en charge de la santé mentale. Est-ce qu'il y a un réel intérêt pour l'industrie pharmaceutique à faire en sorte qu'on prenne en charge d'une façon peut-être différente sans systématiquement pousser à la médication dans la prise en charge, même si celle-ci est parfois effectivement nécessaire ? J'en ai également besoin au quotidien en ce qui me concerne. Alors qui veut réagir ?

  • Speaker #1

    Je pense d'abord qu'il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain, comme on dit. Les médicaments sont extrêmement utiles dans certains cas. Il y a eu des grandes révolutions quand même que j'ai connues. Quand j'ai commencé ma psychiatrie, on commençait toujours à avoir des nouveaux antidépresseurs, à comprendre que certains sérieux énergiques, en parlant savant... On pouvait aider dans des troubles anxieux, enfin toutes ces choses-là. Donc c'est utile. Et on a développé maintenant rapidement des guidelines, c'est-à-dire des référentiels très clairs pour le traitement. Ces référentiels ont posé des problèmes, je ne veux pas jeter la pierre ni d'être trop brutal, mais parce que des fois ils étaient rédigés par des experts qui travaillaient aussi pour l'industrie médicamenteuse. Il y a eu des fois des conflits d'intérêts qui n'étaient pas déclarés. On a essayé de mettre un petit peu d'ordre là-dedans, maintenant il faut déclarer les conflits d'intérêts. Mais je pense que l'industrie pharmaceutique devrait vraiment faire attention à ce qu'il y ait des critères très précis qui soient définis concernant leurs médicaments, que ce ne soit pas eux comme ils le faisaient à une époque, qui décidaient de la manière dont les médicaments sont distribués. Ceci dit, entre la surconsommation de médicaments du système nerveux central, c'est-à-dire les psychotropes, il a... et la soukup, ce sont des chiffres vous savez Moi je me souviens qu'un expert psychiatre disait juste que on parle de surconsommation, mais en même temps on sait que la moitié des gens qui ont des vraies dépressions ne sont pas soignés par des médicaments. Donc il y a en même temps une sous-consommation. Il y a une surconsommation, sous-consommation. Je préfère parler d'une dis-consommation. Il y a des gens qui prennent par exemple du Prozac ou des choses comme ça simplement pour se doper un peu, et puis il y a des gens qui ont vraiment besoin de ça qui ne le prennent pas. Donc il y a un problème de clarification. Et l'industrie pharmaceutique ne doit pas être la seule à définir. les bonnes règles d'utilisation des médicaments, ce qu'elle a trop souvent fait. Et là, je vais être violent avec l'accord, le soutien des experts qui n'étaient pas neutres, qui sont financièrement engagés. Je n'irai pas plus loin parce qu'on va dire que je fais de la diffamation. Encore une question dans le public.

  • Speaker #2

    Bonsoir, merci pour vos interventions. Effectivement, je me sens très privilégié d'avoir pu écouter tout ça. Et si je parle de privilège, c'est parce qu'avec, on le voit en ce moment, la montée des extrêmes. Je ne suis pas sûr que toute personne puisse avoir accès à ces informations ou aux soins. Donc j'ai vraiment l'impression qu'il y a la justice sociale qui est intrinsèquement liée à toutes ces problématiques. Quelle est votre vision des choses par rapport à ce qui se passe actuellement dans le monde ? Vaste question.

  • Speaker #1

    qui veut s'essayer à la réponse. Il y a un dernier rapport de l'OMS sur la santé mentale dans le monde. Évidemment, nous sommes des pays privilégiés, mais en santé en général. Et c'est vrai que la santé mentale dans des pays en voie de développement ou des pays vraiment dans la misère, c'est quelque chose dont on ne parle même pas. C'est la survie. Donc, véritablement, l'OMS essaye de travailler tant bien que mal là-dessus. Je ne vais pas vous rappeler l'actualité, l'OMS est en difficulté puisque son premier mailleur veut s'en retirer. Donc ça ne va pas arranger en effet parce que l'OMS avait quand même une vision de prioriser souvent les pays en voie de développement, les pays dans la misère, concernant les actions de santé. Puis après il y a les ONG aussi, les organisations gouvernementales qui travaillent là-dessus. Ils ont des chantiers tellement énormes. Mais c'est vrai, en parlant d'un pays comme la France, il y a également des différences sociales. on s'aperçoit que l'accès aux soins de psychiatrie sont complètement différents suivant que vous êtes dans un beau quartier du 16e arrondissement de Paris ou si vous êtes dans le 9-3. Sarah Salanès, vous pouvez... Ecoutez-moi faire des références franciliens.

  • Speaker #2

    Et on doit défendre nos soins de psychiatrie, mais pas que. Nos soins hospitaliers, l'accessibilité de ces soins, le maintien des moyens, l'attractibilité de ces métiers parce qu'on en a besoin. Sarah Kinselman,

  • Speaker #1

    Anna Keren, je voudrais vous laisser, si vous en avez envie, le mot de la fin.

  • Speaker #0

    Moi, j'aimerais revenir sur quelque chose dont vous avez beaucoup parlé. Vous avez beaucoup parlé des traitements, de comment aller mieux. Mais est-ce qu'on peut se réintégrer dans la société intégralement après avoir atteint des points de non-retour ? Est-ce que, par exemple, lorsqu'on a fait un postpartum en tant que jeunes parents, on peut devenir des parents épanouis ? Est-ce qu'après la détection d'un burn-out, on peut redevenir des travailleurs qui aiment travailler et aiment aller au travail ? Est-ce qu'on peut retrouver cette vie normale

  • Speaker #2

    Absolument, on peut, bien sûr on peut, et on essaye de vrai vers ça. Les épisodes psychiques, psychiatriques en période périnatale, ça peut être très difficile et ça peut se remettre de la même façon très rapidement et de manière très favorable. C'est ce que je disais, de développer les facteurs de protection, les soins en font partie, mais pas seulement. Donc, œuvrer de manière collective. C'est tout le réseau qui travaille en période périnatale pour mettre en place tout ce qui peut protéger et permettre le rétablissement le plus rapide possible. C'est de nature à permettre que le récit de l'arrivée au monde de ce bébé ne soit pas trop marqué par ces difficultés où le récit pour les parents de cette accession à la parentalité. Mais la plupart des familles que nous rencontrons font mieux ensuite, absolument. Et d'ailleurs, on peut être préventif et quand on l'est, on évite toutes ces questions-là. Et sur la question ?

  • Speaker #1

    Sur le travail,

  • Speaker #2

    est-ce qu'on peut y revenir ?

  • Speaker #1

    Oui, de toute façon, là encore, prévention bien sûr, mais aussi dépistage le plus tôt. C'est-à-dire que quand les premiers symptômes apparaissent, il faut agir. Donc il y a une campagne d'information et je trouve qu'il y a des campagnes d'information. Par exemple, en Grande-Bretagne, ils ont développé des grandes campagnes d'information concernant les individus, mais les proches. C'est-à-dire, j'ai vu des grandes campagnes dans le métro, vous voyez quelqu'un qui s'isole, qui parle moins, augmente sa consommation de tabac. Attention, allez lui parler, peut-être qu'il va mal. De même qu'en médecine, on vous dit si ça sert ici, vous voyez, c'est pas un infarctus. Il y a tout ça. Mais sinon, il y a des pathologies pour lesquelles, heureusement, nous avons des succès. Moi, j'ai une pléthore de patients qui ont eu des problèmes de burn-out, qui s'en sont remis, qui représentent des fois, qui reprennent une autre vie. D'ailleurs, comme dit l'adage, ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort. Ça s'applique. On s'aperçoit des gens qui remettent en question. Moi, j'ai vu des cadres bancaires qui... Après un burn-out et deux ans d'arrêt, ils se sont posé des questions sur le sens de leur activité, sur le sens de leur vie. Et je pense à quelqu'un avec qui j'ai des relations un peu amicales maintenant, qui a créé une petite épicerie bio en périphérie de Paris et qui est très heureux. Il s'est dit, excusez-moi d'être vulgaire, il disait, j'y vais comme un con, comme un cadre bancaire, je gagnais ma vie. J'étais stressé tous les matins en arrivant, la peur au ventre, je ne dormais plus, etc. Je gagnais bien ma vie, là j'y gagnais un peu moins ma vie. Mais qu'est-ce qu'elle est bien ! Donc les gens peuvent rebondir, des fois en se reposant d'autres questions. Mais la psychiatrie a quand même des résultats, on peut s'en remettre, on peut s'en remettre évidemment.

  • Speaker #2

    Et puis la lutte contre la stigmatisation, c'est aussi faciliter, accélérer l'accès aux soins, parce que c'est encore très stigmatisant d'aller voir un psychiatre. Donc je pense qu'il y a aussi un gros travail à faire. À faire à ce niveau-là, moi je me souviens d'un épisode où j'avais été hospitalisée et mon compagnon de l'époque ne disait même pas que j'étais hospitalisée, donc j'étais nulle part. Donc il y a encore un gros travail à faire par rapport à ça, la stigmatisation, au regard de toute pathologie psychiatrique, pour inciter les gens à aller consulter quand ils ne vont pas bien. C'est fondamental, ça change tout.

  • Speaker #0

    Moi je trouve qu'il y a encore tout ce tabou qui est autour des maladies psychiatriques, notamment le fait d'avoir peur d'en parler autour de soi,

  • Speaker #2

    d'avoir peur d'être pris pour des fous,

  • Speaker #0

    ce mot qui revient très souvent dans les cadres d'hospitalisation. Et je trouve qu'il faudrait regarder autour de soi, voir le nombre de gens qui souffrent de toutes ces maladies, parce que c'est réellement des maladies, on l'oublie souvent, et se rendre compte de ce qui est en train de se passer. Se rendre compte du nombre de personnes qui sont touchées, de toutes les répercussions que ça peut avoir sur la vie de la personne, mais aussi sur tout son entourage. Et du coup, je pense que la prévention, c'est vraiment ce qui pourrait nous aider au mieux à vaincre tout ça.

  • Speaker #1

    Les médias ont un rôle à jouer, parce que quand vous regardez les informations, quand il y a un trouble mental, c'est le forcené, le détraqué, le truc machin bidule. En tout cas, il me reste à vous remercier pour cette table ronde et pour tous les éléments que vous nous avez apportés. Merci aussi à tout le lycée général Leclerc de Saverne pour avoir travaillé la question.

Description

Forum Européen de Bioéthique 2025 : Santé mentale & Bioéthique


Anxiété, dépression et burn-out. Le mal du siècle?


Les pressions professionnelles et personnelles ont atteint des niveaux sans précédent. Les exigences de performance, la culture de l'instantanéité et l'isolement numérique sont autant de facteurs contribuant à l'augmentation des cas d'anxiété, de dépression et de burn-out, causant un problème de santé publique majeur ainsi qu’un challenge médical et social.


Avec :


Sarah Kinzelman, élève du Lycée Général Leclerc de Saverne


Anna Kehren, élève du Lycée Général Leclerc de Saverne


Aurélie Fritsch, Psychologue clinicienne, centre Ellipse et libéral, Formatrice et vacataire unistra


Sandrine Guglielmetti, Médiatrice de santé pair CURe Grand Est Lorraine - CPN Nancy


Patrick Légeron, Psychiatre hospitalier, Auteur du rapport de l’Académie de médecine sur le burn-out, Enseignant à Sciences Po Paris


Sarah Sananès, Pédopsychiatre en psychiatrie périnatale, service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg (Pr Carmen Schröder)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonsoir à ceux qui nous rejoignent dans cette salle de l'Aubette et derrière vos écrans sur le site du Forum européen de bioéthique. Nous entamons notre dernière table ronde de cette première journée avec une table qui s'intitule Anxiété, dépression et burn-out, le mal du siècle ? Et je passe la parole à Aurélien Benoît-Lide pour modérer cette table.

  • Speaker #1

    Merci Maud. Quelques mots. La nédonie, c'est l'incapacité à... Ressentir du plaisir, l'abouli, derrière ce mot qui a l'air un peu drôle se cache en réalité la difficulté ou l'impossibilité à avoir du désir ou de l'envie. La clinophilie, un autre mot barbare qui désigne le fait de rester beaucoup en position allongée. La tristesse de l'humeur. La rumination anxieuse, les idées noires, voilà un peu quels étaient les items que j'avais retenus en préparant l'internat pour définir ce qu'est cette espèce de monstre hideux qu'on appelle la dépression. Et qui est en réalité un phénomène qui est connu depuis déjà longtemps. C'était déjà décrit dans le langage médical au 18e siècle. L'hypocrate lui-même l'avait. décrit parmi les troubles mentaux, sans utiliser forcément cette terminologie. Selon l'Organisation mondiale de la santé, la dépression est aujourd'hui la deuxième cause de handicap. Elle se situerait au quatrième rang des maladies en termes de coûts financiers. Ce serait plus de 350 millions de personnes dans le monde chaque année, et en France, selon les études, cela diverge, mais parfois jusqu'à 11% de la population française. C'est dire si oui, effectivement, la dépression, l'anxiété et sa petite sœur, le burn-out, sont des mots qui ont tendance à se développer. Peut-être les observe-t-on davantage, on écoutera ce que nos spécialistes ont à en dire. Mais je crois que le point d'interrogation, il est justifié parce que malheureusement, beaucoup de mots nous agitent. au cours de ce siècle, mais sans nul doute, la dépression, l'anxiété, le burn-out est l'un d'entre eux. On fera également un focus un peu plus particulier sur des populations plus fragiles. On sait par exemple que chez les jeunes... notamment entre 12 et 25 ans, entre 2019 et 2022, on a observé une progression de 60% de la consommation d'antidépresseurs. D'autres populations plus fragiles, les femmes enceintes, le postpartum, les personnes âgées, les personnes isolées sont également davantage touchées. Les causes de cette augmentation de la souffrance globale peuvent être les différentes crises qui nous ont agitées. Crise sanitaire, on en a parlé à l'instant avec cette anxiété vis-à-vis de la crise climatique. Crise sanitaire aussi par rapport au Covid dont on sait qu'il a eu des répercussions tout à fait tragiques, notamment sur les populations les plus jeunes. Crise internationale, crise politique, crise économique et j'en passe. On abordera également la question des différentes prises en charge, qu'elles soient médicamenteuses ou non médicamenteuses. Pour ce faire, nous aurons l'occasion d'écouter ce soir Aurélie Fritsch, qui est psychologue clinicienne. Ensuite, nous écouterons Sandrine Gouglielmiti. qui est médiatrice de santé, puis Sarah Salanès, qui est pédopsychiatre, et Patrick Légeron, qui est psychiatre. Mais avant de leur donner la parole, on a convié, et c'est une habitude au Forum européen de bioéthique, qu'on essaye d'accentuer chaque année, même si ce n'est pas toujours très simple. Nous avons la chance d'accueillir aujourd'hui deux élèves du lycée général Leclerc de Saverne, Sarah Kinselman et Anna Keren. On va bien entendu leur laisser la parole, et je trouve que c'est toujours très important. d'écouter les plus jeunes, notamment sur les questions de santé mentale, où finalement cette nouvelle génération, qu'on appelle aussi la génération Z, a des choses à nous apprendre. Parce que figurez-vous qu'en termes de santé mentale, ils ont parfois l'esprit beaucoup plus ouvert que la génération du dessus. Et il n'est pas rare que dans les cours de récréation ou à l'extérieur du lycée, les jeunes puissent discuter entre eux de manière plus aisée que nous le faisions à leur époque. Aussi parce que le milieu artistique, on se souvient de Stromae, mais il y en a d'autres aussi, qui évoquent plus légèrement et plus facilement les problèmes de santé mentale. Donc je vais vous laisser la parole. On est très heureux de vous accueillir au Forum. Je sais que vous avez travaillé avec vos professeurs, avec l'ensemble des élèves, qu'on aura probablement l'occasion d'écouter dans les questions du public. Merci d'être venu à nous. Je vous laisse la parole.

  • Speaker #2

    Merci à vous. Merci à vous de donner la parole des jeunes et merci de nous écouter ce soir. On vient du lycée de Saverne. Le lycée Leclerc, c'est un lycée dynamique, toujours plein de projets. Donc c'est super pour les jeunes, ça permet d'exprimer notre créativité et de permettre de nous développer dans des meilleures conditions.

  • Speaker #3

    Nous sommes Anna et Sarah, mais aussi tous les terminales du lycée Leclerc. Donc nous sommes des sections euro et des habit-bac, qui nous donnent une ouverture sur le monde, sur les langues et sur les sujets qui peuvent être plus tabous, comme l'anxiété, la dépression ou encore le burn-out. Donc on a essayé de résumer ça en une espèce de synthèse qu'on va vous présenter aujourd'hui sous trois différentes parties. Tout d'abord le Covid, puis ensuite la pression que peuvent avoir les notes et les cours, et puis ensuite l'isolement numérique.

  • Speaker #2

    En effet, on va commencer par le Covid-19 parce qu'on a remarqué dans notre classe que c'était un réel élément de fracture. C'est à ce moment-là que beaucoup de gens ont commencé à sombrer dans ce qu'on appelle l'anxiété. En cinquième, quatrième, c'est là qu'on a eu les confinements. les plus gros, celui de mai. Et pourtant, c'est un moment où les jeunes, on est censé être dans la sociabilité avec les amis. C'est là qu'on est censé se détacher de notre famille. Et pourtant, on est tous enfermés ensemble, c'est là qu'on a vu le plus nos parents. C'est donc une fracture, un mauvais développement. On a été complètement bouleversés. Et même si aujourd'hui le confinement nous paraît loin, on voit qu'il y a encore des restes. Comme par exemple le début de l'isolement. En effet, les réseaux sociaux ont pris une grande place pendant cette période, car c'est les seuls échanges qu'on avait avec l'extérieur. C'est aussi l'explosion des médias, avec l'exposition non-stop des réseaux sociaux.

  • Speaker #3

    On a pu remarquer plusieurs conséquences du Covid. Tout d'abord, il y a la peur de sortir en public, de retrouver une vie normale, revoir des gens, ou retourner même au lycée. Certains ont développé ce qu'on appelle des phobies scolaires. Nous avons vu que reprendre une vie sociale... était nettement plus compliqué qu'avant, retrouver la normalité. Avec l'augmentation des réseaux sociaux, on a aussi vu une augmentation des cas de troubles du comportement alimentaire qui se sont développés chez les jeunes pendant le confinement, mais c'était des habitudes qui étaient déjà présentes bien avant.

  • Speaker #2

    L'anxiété est aussi créée par l'exigence, les performances et les pressions auxquelles on est exposé toute l'année. En effet, le rythme scolaire est très soutenu. avec des trimestres qui nous imposent des résultats fréquents. Dès le réveil, on cherche à devenir la perfection qu'on veut être. En effet, on veut construire une image parfaite et la renvoyer aux autres. On est occupé en permanence à créer et à produire le meilleur de nous-mêmes. Surtout en terminale, où on est exactement dans une vie charnière. On est entre l'adolescence et entre la vie adulte. C'est très compliqué de trouver l'équilibre. On se demande si on va partir avec nos parents pendant les vacances ou si on va devoir faire des recherches d'appartement pour nos prochaines études. De plus, le logiciel Parcoursup nous met face à nous-mêmes. C'est un ordinateur. Il nous cherche donc à être parfaits comme des machines, sauf que c'est complètement inhumain. Ce logiciel cherche des élèves surqualifiés. On a peur de ne pas cocher les cases, de ne pas tout remplir. Il faut être engagé, mais aussi avoir des bonnes notes, avoir des activités extrascolaires. Mais où trouve-t-on le temps ? Les attentes et la perfection frôlent la robotique. La pression des cours nous donne cette peur d'être moins bon que l'autre. Parfois, les élèves se mettent à la pression juste pour 0,2 points de moyenne, de frôler le 15 mais ne pas y être, comparer ses notes, être moins bon que la moyenne générale. La pression des parents peut aussi intervenir. L'avenir dépend des notes, on veut pouvoir faire des grandes études. pour avoir un bon CV, on veut pouvoir gagner de l'argent pour avoir une vie confortable. Mais où sont nos passions ? Si on n'a même plus le temps de penser à nous-mêmes, est-ce qu'on va vraiment s'épanouir dans notre vie future ? Enfin, l'excité est aussi liée aux résultats scolaires et ça entraîne beaucoup de conséquences. Comme nous l'avons dit avant, le fait que nos parents, les professeurs, même par cours sub, nous mettent la pression avec les notes, il n'y a plus de rupture entre le lycée et la vie personnelle. Cela entraîne du manque de sommeil, voire même des insomnies, et donc baisse la productivité des élèves en classe. On rentre alors dans une boucle infernale. La concentration est difficile. On perd nos moyens lors des examens, on n'arrive plus à se concentrer et ça entraîne des mauvaises notes. Cela peut nous décevoir, peut décevoir notre famille et entraîne un sentiment de culpabilité. On entre dans une véritable boucle, un cercle qui se répète peu à peu.

  • Speaker #3

    Cette boucle infernale, elle peut être accentuée via les réseaux sociaux, donc l'isolement numérique, parce qu'on voit qu'il y a une omniprésence de nos jours pour les jeunes. et même en règle générale, donc ça impacte notre vie, notre quotidien et ça prend toute la place autour de nous. Ça nous coupe de la réalité et donc certains peuvent ressentir ce sentiment de solitude malgré le trop d'informations qu'on voit sur les réseaux, sur les médias, ce trop plein peut créer de l'angoisse. De plus, ne pas savoir s'ennuyer est devenu un vrai problème chez les jeunes. On a peur du silence, on a peur de ne rien faire, on a peur de ne... de ne pas être occupé en permanence par de la musique, des séries, des amis. De plus, sur les réseaux sociaux, on voit beaucoup de cyberharcèlement qui sont la continuité d'un harcèlement déjà présent au lycée et donc qui renforce cette peur du public, cette peur de parler, de prendre la parole, cette angoisse qu'on peut tous ressentir. Toute cette perte de contrôle, ça nous emmène dans un cercle vicieux, des pensées bicyclettes redondantes. qui reviennent, qui reviennent. Il y a la comparaison. La comparaison face aux gens qu'on en vit sur les réseaux sociaux. Cet idéal qui n'est pas accessible parce que les réseaux ne sont pas la réalité. Mais c'est très compliqué de l'accepter. Il y a aussi la comparaison qu'on peut faire de corps à corps en voyant quelqu'un qui paraît plus beau mais en fait qui est peut-être retouché sous un meilleur angle, peut-être même fait de plastique. Tout cela renforce un sentiment d'échec qu'on peut recevoir. de ne pas être assez, d'être de trop. De plus, l'amplification du mal-être peut être due aux réseaux sociaux, car on voit en permanence des gens qui sont mal. C'est bien de prendre la parole sur ces choses-là, mais en voir en permanence peut amplifier cet aspect qu'on peut ressentir. Donc l'anxiété est mise en avant et peut mener à des cas de dépression. Donc une grande perte de motivation, un sentiment de vide. qui nous prend au quotidien, des difficultés très compliquées à effectuer des tâches au quotidien qui peuvent paraître très banales pour tout le monde, des sentiments d'autodestruction. Et tout cela peut mener à des troubles du comportement alimentaire une nouvelle fois, des crises d'angoisse qui sont très présentes au lycée, qu'on voit, qu'on certains ont déjà expériencé, ainsi que des troubles du sommeil. On voit que beaucoup ne dorment plus. Tandis que c'est quelque chose de très très important pour notre vie au lycée. Donc on rentre vraiment dans ce cycle infernal qui s'auto-alimente avec tous les facteurs qu'on vient de voir.

  • Speaker #2

    Notre classe a quand même conclu qu'on pouvait aussi se rattacher aux vraies choses. De plus en plus, les gens commencent, nos élèves commencent à faire du coloriage, du tricot, à se rattacher à des activités manuelles qui commençaient peu à peu à disparaître. Peut-être sommes-nous déjà dans une bascule où on essaye de lutter contre toute cette anxiété. On peut aussi se rattacher... à nos amis en faisant des vraies sorties et créant des vrais mouvements. Nous espérons aujourd'hui pouvoir trouver des solutions et nous sommes ravis de pouvoir discuter avec des spécialistes.

  • Speaker #1

    Merci Sarah, merci Anna pour ce constat qui... qui est quand même douloureux, entendre parler de productivité, de pression, de sentiments d'échec. Il faudrait faire intervenir Elon Musk avec son ministère de l'efficacité et de la productivité. C'est vraiment des mots qu'on n'a pas l'habitude d'entendre dans la bouche d'un lycéen, dans la bouche d'une lycéenne, dans la bouche d'un collégien ou d'une collégienne. Et je pense que ça nous remet tous un peu en question sur notre mode de vie et sur les choses qu'il va falloir peut-être envisager et changer. Je vais laisser maintenant la parole à... Aurélie Fritsch, psychologue clinicienne au Centre Ellipse et en Libéral et qui est également formatrice et vacataire à l'Unistra à l'Université de Strasbourg. Aurélie, on te laisse la parole.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup, bonjour à toutes et à tous, et merci de me donner l'opportunité de m'exprimer. Alors, on m'avait dit commis sur des lèvres, attendez, voilà, est-ce que ça va mieux ? Je crois que oui. Il semble bien, effectivement, que l'anxiété, la dépression et le burn-out concernent de plus en plus de gens. Les statistiques, et surtout ce que nous constatons avec les patients, indiquent que de plus en plus de personnes ressentent qu'il est difficile de vivre une vie paisible et cohérente, riche et pleine d'amour. Ça peut sembler un comble, tant on peut avoir l'impression d'évoluer justement dans des contextes qui nous offrent l'inimaginable en matière de confort et de résolution de problèmes, de possibilités et de choix. Nous savons depuis longtemps que la santé est bien plus que l'absence de maladie et cela vaut aussi et surtout en matière de santé mentale. Nous savons aussi que l'humain a besoin de plus que du confort matériel pour s'épanouir, et qu'il a des besoins spécifiques. Ces constats nous amènent à nous poser des questions à la fois simples et ambitieuses. Qu'est-ce que signifie être épanoui ? Qu'est-ce qui permet aux êtres humains de fonctionner idéalement au long cours ? A quels facteurs sociétaux sont liés cette augmentation de la souffrance psychologique, alors que nos quotidiens semblent globalement plus confortables, sur certains points ? que ceux de nos grands-parents. Dans des mondes de plus en plus sophistiqués et complexes, en perpétuelle mutation, il convient peut-être de réfléchir comme jamais aux implications à long terme de ces changements sur notre santé mentale et plus largement l'adaptation de notre espèce. Nous savons bien que le développement psychologique de l'enfant, qui devient de plus en plus sophistiqué en intégrant progressivement le sens de l'identité personnelle, Et la notion des représentations va permettre à la fois des prodiges en matière de raisonnement et d'apprentissage, mais aussi l'accès VIP définitif à une forme de souffrance plus sophistiquée, a priori réservée aux humains, comme la honte, la culpabilité et le sentiment de perte de sens. Est-ce que nos sociétés stimulantes au fonctionnement de plus en plus abstrait, centrées sur la réalisation de soi, la recherche du bien-être, L'optimisation et la résolution de problèmes pourraient induire davantage de possibilités de souffrance émotionnelle alors qu'on ne l'avait même pas vu venir ? Il semble que oui. Il y a eu un effet crise sanitaire sur notre prise de conscience des enjeux spécifiques à la santé mentale des humains. Notre façon de gérer cette crise sur le plan sociétal nous a permis de comprendre qu'un contexte qui entrave la réalisation de certains besoins essentiels à notre santé mentale, favorise le stress prolongé et a des conséquences durables sur les êtres humains qui ne sont pas des mammifères comme les autres. Les méta-analyses, elles aussi sophistiquées, existent dans le contexte de la psychologie dite scientifique et les chercheurs analysent les spécificités des êtres humains et des besoins humains. Ces recherches renvoient à des tentatives de cerner ce qui explique bien-être et souffrance psychologique. et pourraient être davantage connues et prises en compte dans nos sociétés, surtout lorsqu'on en constate une augmentation. Les recherches sur l'attachement, les besoins psychosociaux, la motivation, le bonheur, la satisfaction de vie et la personnalité des êtres humains ont donné lieu à des repères que je vais chercher à résumer ici. L'humain en bonne santé psychologique est celui qui rencontrera, tout d'abord, des contextes lui permettant de nourrir ses besoins innés. Il est précablé pour interagir et partager des moments d'accordage bienveillant si possible et d'interaction avec des figures stables. Il fait des liens car l'environnement est suffisamment structuré pour lui permettre d'en faire. Il s'attend petit à petit à ce qui va se passer et à l'occasion de se rendre compte qu'il est capable de résoudre des problèmes. Ses besoins se combinent alors pour donner lieu à d'autres plus subtils et complexes comme le besoin de confiance au travers de relations sociales positives et prédictibles Le besoin de contrôle au travers de situations où je vais pouvoir, moi, prévoir la bonne façon d'utiliser mes compétences. Le besoin d'estime de soi dans des situations où je vais pouvoir me sentir à la fois accepté et considéré pour mes compétences. Ce type d'expérience optimale vont petit à petit développer l'accès aux superbes besoins, le besoin de cohérence interne, qui renvoie au fait d'avoir un sentiment d'identité plutôt stable et cohérent avec le réel. Je sais qui je suis et les autres voient à peu près la même chose. Et également d'avoir accès à la question du sens, en lien avec la construction de représentation, à propos de comment le monde devrait fonctionner. Je sais ce qui compte dans la vie. C'est ce que l'on appelle avoir une construction de personnalité optimale. Et nous savons que ce socle nous aidera à continuer de développer des expériences fonctionnelles. Les recherches nous disent que l'humain heureux de la vie qu'il a vécue, au sens de la satisfaction profonde, n'est pas celui qui a eu la vie la plus confortable, la plus riche, la plus inspirante sur les réseaux sociaux, mais celui qui a la sensation d'avoir judicieusement, et peut-être surtout raisonnablement, pris soin des différents besoins que je viens de citer. Mais ça ne suffit pas. L'humain, pour rester en bonne santé psychique, devra continuer par la suite à s'occuper de tout ça et à nourrir ses besoins de façon équilibrée. S'il en nourrit certains au détriment d'autres, cela impactera son épanouissement. Pour cela, il devra rester flexible. Plusieurs choses l'y aideront. Être capable de ne rien faire de spécial et de savourer le moment présent. Ne pas trop se laisser embarquer dans les pensées qui ajoutent facilement du désespoir à la douleur. Être capable de tolérer des expériences inconfortables sans en faire systématiquement un problème à résoudre, avoir une relation paisible avec son égo, savoir ce qui compte vraiment et pouvoir agir dans cette direction. C'est ce que l'état des connaissances appelle la flexibilité psychologique, un ensemble de compétences qui nous permet d'accepter les expériences inconfortables, surtout si elles coïncident avec des actions qui nourrissent ce qui compte vraiment pour nous dans la vie. Les recherches dans ce domaine nous disent que le trop est souvent l'ennemi du bien en psychologie et que la majorité des troubles psychologiques peut être mis en lien avec une recherche d'évitement et de contrôle des expériences inconfortables. On peut se demander si notre société est au courant de cet aspect ou si au contraire elle nourrit l'illusion qu'augmenter le niveau de confort et de rentabilité est toujours une bonne idée. Il est en effet assez adapté de porter attention à son alimentation, bien sûr. Il est assez adapté de prendre en compte son bilan carbone. Il est même plutôt adapté de chercher à faire une bonne impression sur les autres. Mais chacun de ces comportements peut également devenir un problème et un authentique trouble psychologique si nous lui donnons trop de place, si nous en faisons une règle de contrôle et de réussite absolue. Il est possible que l'augmentation de la souffrance psychologique soit le symptôme de contextes sociétaux de moins en moins respectueux et propice à la satisfaction raisonnable et équilibrer de nos besoins de base. Comment ressentir le sens de mon investissement professionnel quand je subis des plannings qui malmènent ma vie de famille et quand les nouveaux arrivés sont traités avec plus d'égard dans mon service ? Comment continuer à fournir des efforts pour remplir ce tableur sur cette fameuse plateforme s'il me donne l'impression que le monde n'a pas besoin de moi et que certains accèdent sans effort à ce qu'il y a de plus désirable ? Comment avoir envie de m'investir dans l'avenir si je suis bombardée d'informations contradictoires et anxiogènes qui semblent me dire qu'il est urgent de profiter des plaisirs de la vie avant que tout s'arrête ? Comment construire une relation amoureuse stable si je pense que je dois absolument prioriser la réalisation personnelle de mes aspirations et que je vis le compromis comme une entrave ? Comment développer mes compétences avec les doutes naturels et inconfortables et vivre finalement des expériences de satisfaction ? Quand certaines pensées me disent que ça devrait être plus facile, les innovations induiront de nouveaux changements auxquels il conviendra de s'ajuster. Chaque crise rencontrera nos vulnérabilités, en poussant loin la nécessité d'adaptation pour bon nombre d'entre nous. Il semble essentiel que nous développions une capacité à maintenir des actions équilibrées, surtout bénéfiques à long terme, et connectées à l'essentiel, et que nous résistions ainsi à certaines habitudes confortables et néfastes. à notre épanouissement profond. L'Organisation mondiale de la santé a édité en 2021 un guide en collaboration avec des psychologues et des chercheurs dans le domaine des sciences comportementales et cognitives pour enseigner la flexibilité psychologique dans les contextes humanitaires. Des associations enseignant ces compétences se sont déployées en Sierra Leone à côté des dispositifs plus habituels pour aider la population à trouver la meilleure façon de montrer du respect aux déchets. tout en se protégeant du virus Ebola. Certains professeurs et chercheurs en psychologie parlent de la nécessité de développer une science de l'évolution du fonctionnement humain pour développer des sociétés plus à même de prendre en compte nos vulnérabilités et l'équilibre subtil de nos besoins. Il paraît en effet un peu insouciant que l'on tienne aussi peu compte des conséquences psychiques sur l'humain dans l'organisation et les changements de nos sociétés. Il paraît essentiel que les recherches et les échanges entre les différentes écoles Les différentes disciplines nous aident à comprendre et affiner encore ce qui fait que nous sommes nous, les humains, et à respecter davantage ce qui protège ce que nous avons de plus spécifique et essentiel.

  • Speaker #1

    Merci Aurélie Fritsch. Je vais maintenant laisser la parole à Sandrine Guglielmiti. Vous êtes médiatrice de santé paire au Centre universitaire support de remédiation cognitive et rétablissement du pôle hospitalier universitaire de psychiatrie d'adultes et d'addictologie du Grand Nancy. Vous allez nous expliquer probablement ce qu'est une médiatrice de santé paire. Ce sont de nouvelles formations, ce sont de nouvelles compétences et ce sont pour tous les patients et tous les praticiens de nouvelles cordes à leurs arcs.

  • Speaker #4

    Oui, tout à fait. C'est un nouveau professionnel. de santé au sein des structures sanitaires et médico-sociales et aussi dans le monde associatif. Et moi j'ai choisi de faire cette reconversion à l'aube de mes 50 ans, après une carrière dans le commercial, le marketing, qui m'a apporté beaucoup de stress. Et donc j'ai voulu mettre mon expérience au service des patients, mais aussi des professionnels du soin. Une expérience de vécu douloureux. avec une entrée dans la maladie de façon très progressive et très vicieuse. Donc j'ai envie de démarrer par ça, de vous dire qu'on n'est pas tous égaux face au stress et c'est ce que j'aurais aimé entendre à mes 27 ans lorsque je suis rentrée dans la psychiatrie et ça m'aurait aidé beaucoup à continuer mon chemin, à ne pas me perdre et peut-être à ne pas développer un trouble de l'humeur très tardivement. J'ai eu un diagnostic très tard, à 46 ans, et je considère que j'ai peut-être perdu beaucoup de temps par méconnaissance. J'ai voulu faire de ce parcours douloureux mon métier, et cette expérience, je la mets au service des autres. Un médiateur de santé-père, c'est une personne qui est concernée par un trouble psychique, et qui a un problème psychique. par des problématiques d'addiction ou de précarité et qui réussit à vivre avec, qui arrive à contrôler ses symptômes. Même aujourd'hui, moi j'ai parfois le sentiment que j'ai rêvé des chapitres entiers de ma vie, comme si ça n'avait jamais existé. C'est assez irréel. J'ai fait ce qu'on appelle un chemin de rétablissement et c'est cet espoir-là que je porte auprès des personnes que j'accompagne, mais aussi auprès de mes collègues. C'est important de... que mes collègues aussi portent cet espoir. Je travaille à Nancy, en psychiatrie, dans ce centre-cure, auprès d'une équipe très engagée, très investie. Je pratique ce qu'on appelle la pérédance, qui est une discipline basée sur l'entraide mutuelle. C'est quelque chose de très puissant. On se tire vers le haut quand on se rencontre dans l'expérience, quand on partage notre vécu. Il y a une reconnaissance mutuelle qui est très forte. On se reconnaît dans le vocabulaire et dans l'expérience intime. Et dans mon métier, je pratique la médiation. Ça consiste à accompagner vers le soin en faveur de l'alliance thérapeutique. C'est très important. Et avec mon regard, celui d'une personne qui vit la psychiatrie de l'intérieur, je veille à soutenir le pouvoir d'agir des personnes et je veille à ce que leurs droits... et leur dignité soient respectées et je porte leurs paroles pour qu'ils soient entendus. Voilà, j'ai mon propre prisme. Alors oui, le rétablissement, c'est être dans le contrôle de ses symptômes. On devient expert de son propre trouble et à un moment donné, on arrive à dépasser la stigmatisation. En tout cas, dans la paire aidant, c'est très important ce regard que l'on porte sur l'autre. en le considérant comme une personne et non pas comme une maladie ou le voir au travers de ses symptômes. Et pas plus tard qu'hier, une personne qui est chère à mon cœur, pour revenir un peu sur le sujet, qui est très proche de moi, qui me disait encore je ne sais toujours pas après quoi je cours

  • Speaker #0

    Il a 56 ans, 57 ans,

  • Speaker #1

    épuisé par le travail,

  • Speaker #0

    le stress. Et il m'a dit une parole qui m'a fait chaud au cœur. Il m'a dit finalement, c'est moi le malade, c'est pas toi. Toi, t'as eu un stop, t'as été obligé. C'est ce que je considère aujourd'hui. On est obligé, quand on est concerné par un truc comme ça, de faire un gros travail d'improspection, de faire un travail sur soi. qui nous met parfois en décalage par rapport à la société. Mais finalement, aujourd'hui, j'en fais une force parce que j'arrive à me recentrer sur ce qui est le plus important dans ma vie. Voilà, donc je vais vous raconter un petit peu ce que je partage avec les gens lorsque je rencontre des patients dans mon métier. Ils me disent souvent que c'est la société qui les a rendus malades, avec la difficulté de devoir s'y adapter, avec en plus de cela des traumatismes personnels vécus, des casseroles de vie. Il y a une vraie appréhension quand il s'agit de reprendre une activité professionnelle. Et donc on s'apaise quand on conscientise tout ça, que finalement on n'est pas la folie, parce qu'il y a une représentation quand même autour des maladies psychiques, on n'est pas la folie, mais la société telle qu'elle évolue, et nos casseroles de vie nous ont fisturés quelque part. La société peut rendre fou par ses excès, ses injonctions, et ses exigences aux pseudonormes sociales. En tout cas, c'est ce que l'on croit. On essaie de se détacher de ça. Alors les réseaux sociaux nous amènent à nous comparer. Il n'y a jamais de repos de l'esprit, vraiment. Et quand on écoute des discours, c'est extrêmement culpabilisant. On ne fait pas assez d'enfants, on ne fait pas assez de sport, on n'est pas assez colo, on n'est jamais assez. On peut choisir de ne pas vivre cela, en tout cas en tant que personne concernée par un trouble psychique. On est quand même amené à réfléchir sur nous et on peut être accompagné vers cela en essayant de porter notre attention sur ce qui nous est bénéfique, avec la conscience de notre vulnérabilité, en ne se mentant pas à soi-même avant qu'il ne soit trop tard. Alors le burn-out, oui, maladie du siècle du fait de l'évolution de l'organisation du travail. et du temps qu'on doit partager entre notre vie perso, professionnelle, avec l'idée d'être irréprochable partout. C'est ce que j'ai vécu, c'est ce qui m'a menée, moi, à ma bipolarité. On se retrouve dans des conflits de valeurs. Par exemple, j'ai atterri à l'hôpital. Je n'avais plus envie de souffrir et de voir ce monde. Surtout, j'étais dans un étau. Par l'incapacité de dire que mon travail ne correspondait pas à mes valeurs plutôt que de m'affirmer. Je vendais des appartements, à l'époque, dans lesquels je n'aurais jamais pu vivre. Oui, il faut être fou pour se faire du mal à soi-même. J'étais dans l'incapacité de m'affirmer. Pour la dépression, ça peut être une réponse à une incapacité à s'adapter à un changement de vie, à une perte de repère, une nouvelle organisation du travail, des chocs émotionnels. couplée à une vulnérabilité génétique et un système immunitaire fragile, ce qui était mon cas. J'ai été souvent hospitalisée pour des problèmes somatiques, on ne parle pas du corps, on ne parle jamais du corps. Donc la dépression, le mal du siècle, pas forcément, parce que l'homme a dû gérer des changements d'environnement pendant des siècles et des siècles, et s'y adapter, s'adapter à une nouvelle réalité. Et c'est vrai qu'aujourd'hui le travail fait souffrir. Alors voilà, en tant que personne concernée, on prend conscience que c'est inévitable de faire face à des choses douloureuses, c'est quand même notre destinée. Ce qui se passe dans la société aujourd'hui, c'est qu'on est connecté avec le monde entier, mais pas à soi-même. Le mal de ce siècle ne serait-il pas la perte d'attention à l'autre, qui est tout près de nous, qui est notre réalité, dans notre couple, notre famille, et à soi-même ? Et puis aussi notre façon de communiquer, on ne se rencontre plus, on ne s'écoute plus, ou alors très mal. Il y a des stimuli incessants, le téléphone, les attentes des SMS qui ne viennent pas, du stress, et on gâche du temps disponible à soi et aux autres. Alors moi en tant que médiatrice de santé paire, et en tant que personne concernée, j'ai fait une belle découverte qui m'a un petit peu sauvé la vie, et j'ai pratiqué grâce à une amie qui m'est chère. la méditation comme point d'ancrage apprendre à faire avec des choses qu'on ne peut pas changer j'ai commencé à ressentir mon corps vivant c'est ce que j'ai vécu la prise de conscience que mon coeur battait et que mon corps était fatigué et douloureux et que ce qui était réel c'était le présent et que mes enfants avaient besoin de moi encore un petit peu Le passé n'est plus, l'avenir n'est pas encore, j'ai regoutté au moment simple. C'est un outil très puissant qui m'a permis de me sevrer des anxiolytiques, dont la consommation devenait hallucinante, et sans la possibilité de me confronter à la douleur. Parce qu'on les prend par anticipation de ce qui peut nous blesser, et on ne nous apprend pas suffisamment à faire avec. Et puis, dans mon travail aussi, On axe beaucoup sur les valeurs. Moi aujourd'hui, ce qui me permet de me stabiliser, c'est donc cette méditation, mais aussi d'être toujours en phase avec mes valeurs, pour être le moins possible en décalage avec moi-même, dans un monde qui de toute façon va bouger tout le temps, de manière assez inéluctable. On est obligé de suivre le mouvement. Donc il faut se trouver un point d'ancrage. Ce point d'ancrage, ce sont les valeurs. Choisir son environnement de vie quand on le peut. Alors le Covid, pardon, moi je me suis dit les gens vont prendre conscience, ça me donnait beaucoup d'espoir aussi. Certains ont quand même pris des décisions de changement de vie, c'était très positif tout ça. Et puis ce qui me semble important c'est s'entourer de personnes qui posent un regard positif sur nous. C'est un petit peu le message que j'avais envie de vous transmettre aujourd'hui. Puis c'est ce qu'on porte dans notre structure à Cure, d'accompagner les personnes vers cette gestion de stress qui devrait faire partie intégrante au niveau de la scolarité, au niveau de l'éducation, comment gérer son stress, parce que c'est ce qui peut nous mener à des maladies très invalidantes.

  • Speaker #2

    Merci, c'est un parfait exemple que le soin peut se faire aussi dans l'horizontalité et pas forcément dans la verticalité d'un soignant, d'un soignant avec une patiente ou un patient. Je vais maintenant laisser la parole à Sarah Sananès. Tu es pédopsychiatre en psychiatrie périnatale, service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent du professeur Carmen Schroeder aux hôpitaux universitaires de Strasbourg. Un peu comme la session précédente avec Maya, on aime toujours t'entendre parler des petits-enfants et parfois aussi de la relation avec les parents qui feront probablement l'objet de ton intervention. Là c'est sur des aspects qui sont peut-être plus difficiles. C'est vrai que je pense que la dépression du postpartum est encore très différente du baby blues et c'est quelque chose que je l'ai découvert assez récemment et tout de même très fréquent. Donc on est très content de t'écouter.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup et je remercie les organisateurs de cette invitation parce que c'est un réel plaisir pour moi d'être ici parmi vous et de participer à ces échanges. Alors je vais commencer par rebondir sur les propos de Sarah et Anna qui évoquent des pressions scolaires. On parle aussi, et on en parlera, de la pression professionnelle, personnelle. Je me demande ce qu'on pourrait dire des pressions qui pèsent sur la parentalité. Vous nous avez parlé de parcours sup qui amène à une exigence de performance, une pression supplémentaire. Je crois qu'on peut s'interroger aussi sur les exigences en matière de parentalité. Ces exigences finalement à bien faire grandir les bébés. Alors, je vous partage qu'on peut se demander quels effets ça peut avoir justement sur les bébés, sur leurs parents. Est-ce que les évolutions de société ont des effets sur cette période périnatale ? Et puis, est-ce que je suis psychiatre, pédopsychiatre sur ces troubles ? On l'entend, et c'est le thème de cette table ronde, l'anxiété, la dépression, le burn-out, c'est un enjeu de santé publique. Alors justement... Si on pose le regard en psychiatrie périnatale, qui est le champ dans lequel j'ai la chance d'exercer, la meilleure connaissance de la dépression du postpartum s'est passée par le constat et la preuve qu'il s'agit d'un enjeu majeur de santé publique. Enjeu majeur de santé publique, et tu le disais Aurélien, par la haute fréquence de ces troubles. C'est environ 10 à 20% des femmes qui souffrent de dépression périnatale. Et c'est également le cas de 5 à 10% des hommes. Enjeu majeur de santé publique par ses risques, risques pour le bébé, risques pour les liens, risques pour les parents. Évoquer ses risques, c'est toujours prendre garde, éviter tout causalisme, ça a été évoqué tout à l'heure. Les premiers temps de la vie sont reconnus comme une période sensible du développement, donc la question de ses risques est essentielle à aborder, mais évidemment sans faire des raccourcis causalistes et être réducteur. Et puis enjeu majeur de santé publique du fait d'un risque terrible, le risque de suicide en période périnatale, puisque les enquêtes nationales sur la mortalité maternelle nous indiquent que le suicide est la première cause de décès maternel dans la première année qui suit la naissance. Enjeu majeur de santé publique aussi par les coûts humains, économiques, qui sont engendrés par les troubles psychiatriques en période périnatale. Tout à l'heure, j'ai beaucoup aimé entendre parler du coût de l'inaction. Alors, ces questions de calcul de coût en prévention, cette mise en relation du coût des soins à ce temps-là de la vie en perspective des coûts vie entière. Alors, je vous parle de troubles psychiatriques en période périnatale. Je vais faire un focus parce que c'est plus simple et parce que c'est le plus connu sur la dépression du postpartum. Maternelle, maternelle, mais bien sûr, on le sait, d'autres troubles psychiatriques se déclenchent pour la première fois ou rechutent à ce moment-là de la vie. C'est une période de haute vulnérabilité, période de haute vulnérabilité, période sensible pour les bébés qui arrivent. peut-être des raisons pour moi de me pencher avec autant d'intérêt sur cette période de la vie. La dépression périnatale, donc, c'est un diagnostic clinique qui associe différents symptômes. Tu en as mentionné tout à l'heure. Tu parlais d'anédonie. Alors voilà, cette perte d'intérêt, d'envie, la tristesse, la douleur morale et puis l'épuisement qui est délicat à entendre à ce moment de la vie où il y a bien des raisons d'être fatigué. Quelques signes parmi d'autres. J'aimerais m'arrêter un instant sur la douleur morale qui est associée à la dépression. C'est un symptôme très intense. Quand on entend les expériences vécues, on entend que cette douleur morale est décrite comme une épreuve très intense. Et s'il est très douloureux d'être déprimé à tout moment de la vie, alors que dire de la dépression à un moment de la vie où il est attendu ? de vivre des émotions heureuses. Les patients, les parents en témoignent dans ce moment de la vie où on accueille un bébé. Un parent qui souffre de dépression du postpartum ressent souvent la peur de ne pas arriver à s'occuper de son bébé, de ne pas en être capable. Et on a face à nous des mères et des pères qui ont l'impression de ne pas répondre aux besoins de leur bébé, qui ne s'en sentent pas capables, qui l'expriment. ceux-ci alors même qu'ils prennent le plus souvent soin de leur bébé de manière adéquate. On peut donc se retrouver face à des mères, des pères qui expriment ne pas arriver à faire les soins à leur bébé, mais les assurer dans le même temps. Donc un trouble fréquent, grave, par la douleur morale qu'elle génère, grave par ses risques d'effet, et pourtant... La dépression du postpartum est insuffisamment dépistée, insuffisamment repérée, insuffisamment diagnostiquée, insuffisamment traitée. Alors, il s'agit ici de dépistage. On sait qu'on souffre à l'hôpital de manière générale du manque de moyens. Ça nous a été rappelé tout récemment, dans les derniers jours, par le rapport du Comité national d'éthique. On nous indique que c'est une crise grave, profonde, systémique. Et ces manques marquent également la psychiatrie périnatale, la pédopsychiatrie évidemment, et ça sera abordé je pense dans des tables rondes ultérieures. Mais ces manques marquent aussi les réseaux, les institutions avec lesquelles on œuvre en période périnatale. Et parmi ces difficultés, il y a eu quand même... Par cette prise de conscience récente de l'importance de la prise en compte de la santé mentale en période périnatale, le définancement d'unités, une prise en compte peut-être de sociétés ou politiques, et puis ces financements ont eu lieu. Alors on peut se réjouir, parce que je faisais un tableau un peu son, mais aussi souhaiter que ça se poursuive. Je vous parlais du dépistage, c'est probablement moins de la moitié des femmes qui traversent une dépression du postpartum qui sont diagnostiquées. et une très insuffisante proportion d'entre elles accèdent à des soins adaptés à leur état. Alors voilà, c'est des constats assez difficiles. La dépression périnatale est de ce fait-là un enjeu majeur de santé publique, essentiel à dépister, accompagner, et ça l'est pour les bébés, pour les bébés, les enfants et les adultes qu'ils deviendront, pour les liens entre les bébés et parents, et puis bien sûr pour les parents eux-mêmes. Alors si je parle des bébés ici... indépendamment du fait que je suis pédopsychiatre et que vous aurez entendu, quand on s'occupe de bébés, on a très envie d'en parler, que ce soit en recherche ou en clinique. Mais c'est aussi parce que quand on pense à la santé mentale parentale, on pense les liens entre les bébés et les parents. Et en fait, c'est une façon de penser l'environnement dans lequel les bébés grandissent et se développent. On a parlé de périodes sensibles de développement. Prendre soin de l'environnement affectif des bébés à ce moment-là de la vie, c'est prendre soin des liens. dans lesquelles ils naissent et grandissent. Et c'est donc aussi prendre soin de la santé mentale parentale, c'est aussi prendre soin de cet environnement affectif. Et puis, de toute façon, on est dans un forum sur la santé mentale et je crois que c'est difficile de parler de santé mentale sans parler de construction psychique précoce. Donc, nous y voilà. La table ronde pose la question de savoir si c'est le mal du siècle. Les troubles psychiatriques en période périnatale, ils étaient déjà mentionnés par Louis-Victor Marcé en 1858 dans un traité de la folie des femmes enceintes et des nouvelles accouchées et des nourrices. Et pourtant, c'est une spécialité assez récente, en pleine mutation, en plein développement. Les soins conjoints ont été définis tout récemment dans le Code de santé publique en 2022. La formation spécialisée pour les internes a vu le jour tout récemment aussi cette année universitaire. Alors, c'est une spécialité de l'interaction et on voit que les définitions, les soins se spécifient. Récemment, dans les actions qui ont permis de mieux connaître la période périnatale, il y avait eu cette commission des mille jours, dont on a entendu une des expertes juste avant. Des parents ont été entendus par la commission d'experts et une des difficultés rapportées fréquemment était la solitude. On parlait aussi de cette question des liens de la solitude ou de l'isolement. Et je dois dire que dans les consultations que nous avons auprès des parents qui souffrent de dépression périnatale, c'est quelque chose qui revient très fréquemment. Et puis, c'est d'ailleurs un des axes de soins d'essayer de mobiliser autour de ses parents des ressources affectives et sociales. Alors... On peut aussi en période périnatale s'interroger, est-ce que la fragilisation psychique en période périnatale est liée aux mutations de la société qui ont été évoquées ? Est-ce que ce serait le mal d'une société en mutation ? Est-ce que l'isolement des parents est effectivement plus important qu'avant ? Est-ce que l'évolution des liens dans nos sociétés de manière générale a un impact sur les troubles psychiatriques en période périnatale ? On peut penser ici aux cultures au sein desquelles l'accueil du bébé est un fait collectif, au sein desquelles les bébés et leur mère sont portés par le groupe. Ces sociétés au sein desquelles porter un bébé au monde est une responsabilité collective. On peut penser aussi à ce proverbe selon lequel il faut tout un village pour élever un enfant. Alors quel relais dans nos sociétés qu'à l'accueil des bébés, ces êtres néotènes qui naissent dépendants des adultes qui prendront soin d'eux ? Comment accompagner au plus juste les parents dont la santé mentale se trouble alors qu'ils font face à ce petit être dépendant d'eux, et parfois face au vertige que cette dépendance peut engendrer ? On voit bien qu'à travers cette question de la dépression périnatale, il y a des questions plus sociétales, politiques. Et puis je crois qu'il y a, comme dans toutes les questions qui sont traversées dans ce forum, la question de l'information, la diffusion de l'information. puisque l'information est un axe essentiel de prévention. On dépiste bien que les troubles connus, les troubles qui peuvent être reconnus, qui ne sont donc plus tus, qui ne sont plus tabous. Donc briser le tabou autour de la santé mentale a été une étape cruciale. On a actuellement une information en plein essor, avec des contenus divers sur des supports variés, et dans lesquels les associations d'usagers ont d'ailleurs une place essentielle. C'est précieux, mais ça va poser toutes les questions qui vont... de manière générale avec l'information et la façon dont elle nous parvient avec la sélection de contenus, le risque d'être piégé dans une bulle de filtre et d'être peut-être enfermé au sein d'informations qui sont à risque d'entretenir doute et anxiété. Comment informer sans angoisser ? C'est une question en toile de fond permanente dans nos pratiques de soins, une exigence que je trouve forte, délicate. En tant que clinicien, une tension éthique peut-être entre information et risque de culpabilisation. Comment donc informer les parents sans les culpabiliser ? Comment dépister sans stigmatiser ? Vous en parliez. Comment dire la fréquence sans banaliser ? Utiliser ce terme de dépression sans risquer l'usage d'un terme qui amalgame ou une appellation qui ne dit plus un trouble et un diagnostic clinique. Comment dire l'importance sans effrayer ? Comment évoquer le risque d'impact sur les liens parents-enfants sans terrifier ou être causaliste ? Comment prendre soin sans effracter ? Et puis peut-être également comment accompagner la mise en récit du bébé par la famille lorsque les troubles et les soins s'invitent. Voilà, toutes les questions, quelques-unes des questions que m'a évoquées ce thème, et puis des questions qui traversent nos pratiques cliniques au quotidien en psychiatrie périnatale. Alors, je ne sais pas si la dépression est le mal du siècle. En tout cas, je crois que la dépression périnatale est un enjeu majeur de santé, crucial, un enjeu collectif sûrement, politique peut-être, dans l'intérêt des bébés. Et puis, qui dit mal fut-il du siècle dit remède, alors je voudrais vous partager, et je m'arrêterai. Quelques mots de ce qui peut composer le remède qu'on propose en soins conjoints de psychiatrie périnatale. En soins, on œuvre ensemble, dans les liens, en présence, en équipe, auprès des bébés et de leurs parents. Il s'agit de soins de psychiatrie curatifs pour les parents, attentifs pour les interactions, préventifs pour les bébés. On tente de soutenir des facteurs de protection, dont les soins font partie, protection donc autour des bébés. facteurs de protection qui peuvent, et on l'espère, contrer les risques liés aux facteurs d'adversité lorsqu'ils sont relevés. C'est une affaire d'équipe, c'est une affaire de réflexion sur nos soins pour éviter qu'il ne s'agisse que d'actes de soins. Et puis, je crois que c'est avant tout, on l'a entendu à travers vos témoignages, une affaire d'accueil, d'écoute, accueillir la souffrance, l'écouter, accueillir nos patients, ses bébés et leurs parents. Merci.

  • Speaker #2

    Merci, Sarah. C'est vrai que la terminologie mal du siècle, point d'interrogation, c'est comme mythe ou réalité. Point d'interrogation, c'est des choses qu'on utilise allègrement en bioéthique, mais peut-être dont on essaiera de se passer ultérieurement. Je vais maintenant laisser la parole à Patrick Légeron, qui est psychiatre hospitalier, auteur du rapport de l'Académie de médecine. Sur le burn-out, vous êtes enseignant à Sciences Po Paris, vous êtes également l'auteur de nombreux livres sur le stress au travail, les risques psychosociaux, la peur des autres, la maladie du travail. Donc on a bien compris que la dépression du post-partum n'est pas le baby blues, le burn-out n'est probablement pas le blues du businessman. Qu'est-ce que vous pouvez nous dire de cette entité qu'on connaît finalement assez mal sur le plan médical ?

  • Speaker #3

    Oui, merci d'abord aux organisateurs d'avoir choisi une thématique aussi riche et aussi complexe. Merci de m'avoir invité. Vous parliez du travail maladie, mais c'est Coluche qui disait Le travail est une maladie, la preuve, il y a des médecins du travail Donc, je ne reviendrai pas sur des chiffres évidemment inquiétants, à savoir le problème de la santé mentale. La santé mentale, il faut le reconnaître, c'est le parent pauvre de la médecine. C'est vraiment le parent très pauvre et ce n'est pas les grandes annonces de grandes causes nationales en 2025, comme il y a eu les grandes causes des assises nationales de la psychiatrie en 2021 qui ont quasiment débouché sur rien, sinon de donner quelques consultations de psychologue pour des jeunes. Mais donc le problème de la santé mentale au travail, c'est vraiment en plus le parent pauvre de la santé mentale tout court, c'est-à-dire la santé mentale au travail, il a complètement délaissé. Pourtant, les chiffres sont inquiétants. Une grande étude réalisée par la Fondation de Nikkeur, dont Raphaël Gaillard est le président et qui intervenait hier, et qui a été communiquée au CESE, montre qu'à peu près la moitié des actifs aujourd'hui ne sont pas dans un bien-être mental, au sens de la définition de l'OMS. Je rappelle que le bien-être mental et la définition de la santé mentale de l'OMS, ce n'est pas simplement l'absence de maladie. Les chiffres concernant les troubles... purement pathologiques sont également inquiétants. Le cabinet stimulus, dans une étude aussi, indiquait qu'environ un quart des salariés présentent sans doute des troubles mentaux de type anxio ou dépressif. Et Santé publique France a indiqué, ça a été dit à plusieurs reprises, que l'épidémie de Covid a non seulement augmenté en population générale, mais également chez les salariés et chez les actifs, toutes ces problématiques. Aujourd'hui, la santé mentale au travail est un enjeu considérable. Il faut rappeler aussi, par exemple, que c'est la première cause d'invalidité au travail. C'est la première cause d'invalidité. Et c'est également le deuxième motif, après les problèmes rhumatoïdes, c'est le deuxième motif d'arrêt de maladies de longue durée. Donc, on voit un petit peu l'impact qu'a la santé mentale sur le travail. Alors, on parle beaucoup, et vous avez cité, de maladies du siècle. Chacun s'est amusé à trouver des références anciennes. Moi, j'irai encore plus loin que vous. Dans l'Ancien Testament, alors c'est loin de l'Ancien Testament, dans le Grand Livre des Rois, la grande fatigue du prophète Élie, qui essayait de prêcher dans le désert pour convaincre, s'épuise. Et quand on lit le Livre des Rois, je ne sais pas si c'est votre lecture préférée de l'Ancien Testament, la description qu'on a de la grande fatigue du prophète Élie, c'est un cas de burn-out pour les psychiatres d'aujourd'hui. Alors, le burn-out pose un vrai problème. Parce que d'abord, l'approche médicale est relativement récente, c'est-à-dire que c'est dans les années 70 qu'un Français parle pour la première fois de l'épuisement professionnel et le terme de burn-out est utilisé par un psychiatre américain dans les années 70, Fredenberger. Il est très intéressant d'écrire des jeunes qui travaillent dans des free clinics, c'est-à-dire des cliniques où on accueille des jeunes toxicomanes qui arrivent... battant tout feu tout flamme, excusez-moi ce mauvais jeu de mots, pour aider ces pauvres toxicomanes à s'en sortir et qui s'effondrent, complètement brûlés de l'intérieur. Et d'ailleurs le terme de burn-out est forgé par ce psychiatre américain il y a maintenant plus de 50 ans. Et puis ensuite on a commencé à construire avec des chercheurs dans les années 80 la conception. Aujourd'hui la conception du burn-out c'est pas simplement un épuisement, c'est pour ça que la traduction française en épuisement du burn-out est une traduction Assez erroné, parce que dans un burn-out, il y a non seulement un épuisement physique et psychologique, on ne peut plus rien faire, on ne peut plus se concentrer, le corps et l'esprit ne réagissent plus, mais il y a également une brûlure des émotions, on devient insensible à plein de choses, on ne réagit plus, on devient cynique. Moi, j'ai l'exemple d'une infirmière en burn-out qui m'expliquait, elle travaillait dans un service d'enfants cancéreux, elle me disait que ça ne faisait plus rien, c'était des objets. Elle déshumanisait un petit peu les relations aux autres, le cynisme. la perte d'intérêt, la brûlure des émotions, et puis également le sentiment d'être complètement incapable. Donc c'est intéressant de voir que cette maladie est maintenant un peu mieux codifiée, mais c'est encore un vrai problème parce qu'elle n'est absolument pas reconnue dans aucun manuel de psychiatrie, et l'OMS qui s'est penché plusieurs fois sur la question n'a toujours pas reconnu dans ses dernières classifications la notion de burn-out comme une maladie. C'est juste classé comme un phénomène lié au travail. Et donc c'est extrêmement intéressant de voir que nous avons beaucoup de difficultés. Et ceci dit... Si on entre dans le burn-out, toute la problématique que je voudrais un petit peu élargir de ces troubles anxieux, de ces troubles dépressifs, de ces burn-out, etc., on s'aperçoit finalement qu'il touche un nombre important de salariés. Les derniers chiffres de Santé publique France, qui est notre grand organisme d'épidémiologie de la santé, comme vous le savez, indiquaient qu'on estime à près de 500 000 cas par an de personnes qui tombent malades. mentalement, simplement pas en souffrance, mais dans une vraie pathologie, que ce soit des anxios dépressifs, des anxios purs, des dépressions, des stress post-traumatiques, des choses comme ça, liées au travail. 500 000, c'est donc relativement considérable et je voudrais juste vous soumettre un autre chiffre qui est également à mettre en relation et qui est très perturbant, c'est qu'il y a 1000, seulement 1000 de ces cas qui sont reconnus comme maladies professionnelles, c'est-à-dire qui sont reconnus comme étant causés par le travail. Donc vous voyez, le décalage entre... 500 000 cas reconnus comme étant liés au travail et 1000 seulement qui vont être pris en charge par la branche des maladies professionnelles de l'assurance maladie. Donc on a un véritable problème à ce niveau-là sur lequel je reviendrai un petit peu plus tard. Si on comprend encore mal un petit peu le burn-out, on sait maintenant son mécanisme. Et en fait, le mot a été prononcé plein de fois. Et là, à mon avis, c'est le terme qu'il faudrait utiliser pour le mal du siècle, c'est le mot stress. Le stress, c'est une réaction naturelle que nous avons tous face à une difficulté, que les mammifères ont aussi. Mais c'est le stress qui s'est développé à une vitesse grand V dans nos environnements professionnels. Et aujourd'hui, la conception du burn-out, c'est finalement la dernière phase ultime d'un processus de stress qui se répète dans le temps et dans l'intensité. C'est-à-dire que le stress est une réaction normale. Ensuite, quand il devient excessif, on entre en hyper-stress, c'est-à-dire dans un fonctionnement qui déjà nous alerte. Et puis ensuite, il y a l'effondrement. Et donc l'hyperstress est l'antichambre de la réaction de burnout. Et donc la problématique du stress est une problématique centrale dans la compréhension du burnout. Ce qui est très intéressant...

  • Speaker #0

    C'est que des grands organismes, aussi bien de santé comme l'Organisation mondiale de la santé, mais des organismes aussi comme le travail, le Bureau international du travail, deux grands organismes, comme vous le savez, dépendants de l'ONU, l'un sur la santé, l'autre sur le travail, ont indiqué depuis maintenant une quinzaine d'années que le stress au travail est le premier risque pour la santé des travailleurs. C'est le premier risque. Pendant longtemps, les risques pour la santé au travail, c'était des risques physiques, on pouvait tomber d'une échelle, c'était encore bien sûr des risques biologiques ou... ou chimiques, l'amiante a fait beaucoup parler d'elle, etc. Mais maintenant, c'est le stress. Et c'est quelque chose qui est extrêmement inquiétant. C'est d'autant plus inquiétant que dans des pays comme la France, toutes les enquêtes européennes, j'ai la chance de travailler un peu avec la Commission européenne qui n'est pas loin d'ici, qui se tient des fois, de temps en temps, ici au Parlement, mais à Bruxelles aussi, eh bien, on s'aperçoit que la France est le pays qui a le record au niveau de stress des salariés. Les salariés français sont les plus stressés dans toutes les grandes enquêtes européennes. Et j'aimerais rebondir sur nos deux jeunes lycéennes qui sont là. Le record aussi européen sur le stress des lycéens, c'est nous qui l'avons. Nous avons le double record des résultats les plus médiocres, classement PISA, et les plus stressés. Vous voyez, le résultat est beau. Vous avez à l'opposé, vous avez les Finlandais, les Finlandais, les Finlandais qui sont peu stressés. qui sont peu stressés et qui ont les meilleurs résultats. Et puis vous avez le japonais, qui sont très stressés mais qui ont de bons résultats aussi. En tout cas, nous on est très mauvais et je trouve dans le travail, il y a une grande comparaison avec les lycéens. Donc vous voyez, vous êtes encore au lycée mais quand vous serez au travail, vous recouvrez un petit peu cette notion que vous avez très bien décrite à l'école. Ne vous inquiétez pas, votre parcours est maintenant bien tracé concernant le stress. Alors quand on a dit ça, on a fait un constat important. Et maintenant, il faut comprendre un petit peu quelles sont les sources de stress au travail. Et là, les recherches sont également très développées depuis maintenant une trentaine ou une quarantaine d'années sur qu'est-ce qui stresse au travail, qu'est-ce qui fait qu'on est stressé au travail. Alors évidemment, ce n'est pas le fait qu'on a toujours des environnements pénibles. Par exemple, évidemment, quand on travaille dans des usines avec du bruit relisé germinal, pour comprendre que ce n'était pas un long fleuve tranquille de travailler. Mais aujourd'hui, vous pouvez être stressé en étant dans des beaux bureaux climatisés, avec des plantes vertes, avec une belle cafétéria pour manger à la pause, etc. Non, les causes de stress au travail sont dans deux domaines. D'abord, des organisations du travail qui sont complètement délirantes. Aujourd'hui, la pression... Et vous retrouverez ça aussi dans le milieu du travail. La pression des résultats et de la performance, vous serez jugé avec des objectifs à atteindre. La pression des personnes, les quantités de travail considérables, mais vous avez également des organisations de travail qui, par exemple, vous rendent impossible d'être autonome, c'est-à-dire le manque d'autonomie. Vous avez également des organisations de travail qui vous poussent à, j'allais dire, sacrifier la vie personnelle et la vie professionnelle. Vous avez des organisations de travail qui vous empêchent de vous développer. Vous êtes presque des robots. Ou alors, vous avez des organisations du travail qui vous mettent au placard. Et on est dans un autre concept qui est celui de bore out, c'est-à-dire d'épuisement. Cette fois, sinon plus par une surcharge de travail, mais un épuisement, j'allais dire par ennui, par aucune valeur. On a parlé de l'absence de sens au travail. Et madame, tout à l'heure, indiquait que lorsqu'on vous demande de faire des choses qui sont contre vos propres valeurs, etc., vous avez tout ça. Donc, ce problème d'organisation du travail est un problème central. Il y a un deuxième grand axe. de cause de travail, et la France, là encore, excusez-moi, nous avons beaucoup de record-man dans les statistiques européennes, c'est le management. Le management français est une catastrophe aujourd'hui. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est les rapports européens, c'est l'OCDE aussi, c'est les rapports de l'Agence européenne de santé et de sécurité au travail. Juste un exemple, dans les grandes enquêtes européennes, il y a une question toute simple que vous pouvez vous poser vous-même. Votre manager est-il une source de stress pour vous ? 60% des français répondent oui. En Norvège, ils sont 10%. Avez-vous le sentiment d'être reconnu au travail ? Nous sommes dans les dernières positions. Donc on a un management qui est complètement défaillant, un management qui est plus là pour surveiller, épier. et punir plutôt que d'accompagner, etc. Ce problème du management, c'est un problème majeur qui s'est accru d'ailleurs avec le problème de la Covid, puisque les travailleurs ont été amenés à travailler souvent en télétravail à distance. Et là encore, le télétravail à distance avec des managers relativement défaillants a causé beaucoup de soucis concernant le bien-être des salariés, et d'ailleurs plus globalement. Et là, l'Agence européenne, avant même l'apparition de la Covid, c'est-à-dire en 2019, alertait. sur le risque pour la santé mentale du développement des techniques nouvelles qu'on appelle la digitalisation du travail, le numérique. Le tout début, c'était le télétravail. Aujourd'hui, beaucoup de chercheurs se posent la question de ce qui va devenir avec l'intelligence artificielle. Est-ce que ça va être quelque chose qui va être bon ou pas bon pour la santé mentale ? Pour l'instant, on est tous plus en train de réfléchir à savoir qu'est-ce qui va modifier le travail. On pourrait se poser une question de savoir si ça va être bon ou pas bon pour l'être humain et pas simplement pour le travail. Voilà un petit peu toutes ces facteurs. toutes ces causes de stress. Alors ce qui est la bonne nouvelle quand même, c'est que nous avons des exemples. Moi, j'ai la chance de travailler avec pas mal de pays européens, avec le Québec aussi, qui est un pays, on en parlait tout à l'heure, qui est un pays modèle et facile à comprendre puisqu'il parle notre langue en plus, ou presque. On ne peut pas demander d'aller regarder ce qui se passe en Finlande parce que si vous ne parlez pas le finlandais, et même s'ils traduisent en anglais, au Québec, c'est des bons exemples. On sait ce qu'il faut faire. Il faut faire plusieurs choses. Premièrement, Il faut que les entreprises s'investissent là-dedans. C'est-à-dire que les entreprises doivent complètement avoir des évaluations de ce qu'on appelle les risques psychosociaux. Là encore, dans les grandes enquêtes européennes, la France est quasiment la dernière à avoir des indicateurs, à avoir des données pour piloter, c'est-à-dire quelle est la charge de travail de mes salariés, ont-ils de la reconnaissance, ont-ils de l'autonomie, arrivent-ils à équilibrer vie personnelle, professionnelle ? Quand on va dans les entreprises, comme j'ai la chance de le faire assez fréquemment, et bien on s'aperçoit qu'ils n'ont pas d'indicateurs. Rendez-vous compte, les entreprises ont des indicateurs sur tout, leur stock de marchandises, la performance économique, mais n'ont aucun indicateur sur cette thématique centrale qu'est-ce qu'il y a à dire les risques psychosociaux. Ça, c'est la première chose. La deuxième chose, c'est qu'il faut revisiter complètement les pratiques managériales. Et quand on regarde ce que font les pays d'Europe du Nord, c'est un exemple. Allez faire un tour en Finlande, allez faire un tour en Suède, vous allez voir ce qu'ils appellent le healthy management c'est-à-dire le management sain, de même qu'il y a une nourriture saine qui vous fait du bien. mais qui vous nourrit quand même. Il y a un management sain, c'est-à-dire qui ne fait pas de mal aux individus et qui, en même temps, manage, car il faut quand même manager les équipes. Ce management sain, c'est simple. C'est d'abord l'écoute, l'empathie, la gestion des émotions, la reconnaissance au travail, le soutien, etc. Donc, vous avez ça également à faire pour les entreprises. Les entreprises ont un rôle extraordinairement important là-dedans. Malheureusement, les entreprises ne font pas grand-chose parce que ça ne leur coûte quasiment rien. Les coûts, comme je vous l'ai dit, lorsque les gens s'effondrent au travail, c'est l'assurance maladie, vous et moi, le régime général qui paye, et rarement la caisse d'assurance maladie professionnelle qui, elle, est complètement financée par l'employeur. Ça, c'est le rôle des entreprises. Et là encore, ce n'est pas étonnant lorsqu'on pose un sondage européen. Est-ce que vous avez le sentiment que votre entreprise s'intéresse à votre santé mentale et votre bien-être ? 38% des salariés français disent non, pas du tout. Ils sont que 17%. en Allemagne. Et lorsqu'ils vous disent oui, c'est vrai, ils s'intéressent à mon travail, 55% vous disent oui, une façon superficielle, en ayant installé un baby-food, ou en nous faisant quelques séances de massage le week-end. Donc vous voyez qu'on a une vraie problématique de perception de l'intérêt que portent les entreprises à la santé mentale des salariés. Ça c'est le rôle de l'entreprise. Le deuxième rôle, c'est le rôle de l'État. Là encore, l'État français, les politiques de santé en France mentale, sont complètement désertées. la problématique de la santé mentale au travail, avec plusieurs choses. D'abord, le débat sur les maladies professionnelles, reconnaître comme maladies professionnelles les troubles mentaux, ça a été enterré deux fois par le Parlement, et là, ce n'est pas l'ordre du jour de remettre ça sur le tapis. Parce qu'il faudrait un jour ou non qu'on applique le principe très simple, pollueur égale payeur, c'est-à-dire ceux qui cassent les individus, doivent les réparer financièrement. On a fait ça pour l'environnement, à la table précédente, on parlait de l'environnement, maintenant pollueur et payeur. Il y a 30 ans, une usine polluait une rivière. C'était la collectivité qui réparait. Maintenant, une entreprise pollue une rivière, c'est l'entreprise qui paye. Pollueur égale payeur. Ils n'ont pas simplement 1 000 pris en charge par l'employeur, alors qu'ils sont 500 000. Ça, c'est la première chose. La deuxième chose qu'il faut faire, et ça, c'est une suggestion que commencent à faire certains pays, un peu comme on a fait dans le monde du travail un index de l'égalité homme-femme, c'est-à-dire qu'on a des critères qui permettent de dire, là, une entreprise qui est bien, parce qu'elles s'orientent vers l'égalité hommes-femmes au travail, eh bien, il faudrait un index, j'allais dire, de bien-être au travail. Et ça, c'est important. Et la deuxième chose aussi qu'il faudrait faire, c'est que les pouvoirs publics organisent vraiment des missions interministérielles. Il y a une mission ministérielle sur la psychiatrie, mais il faudrait une mission interministérielle. parce que j'ai été l'objet de plusieurs rapports pour le gouvernement. Je peux vous dire que le ministère du Travail et le ministère de la Santé travaillent complètement séparément, alors que c'est un problème à la fois de santé et de travail. Je voudrais terminer en disant que l'individu aussi doit se protéger. Et l'exemple que vous avez donné vous a montré que vous avez compris qu'il fallait se protéger soi-même. Vous parlez de la gestion du stress. C'est appris dans les écoles finlandaises dès la petite école. Maintenant, nos pouvoirs publics veulent apprendre l'empathie, veulent apprendre la gestion des émotions. Nous devons tous savoir gérer des situations difficiles. Nous devons tous aussi ne pas nous investir de manière excessive au travail. Vous savez, quand on regarde quels sont les gens qui sont effondrés au travail, eh bien, ce ne sont pas les gens qui, en général, surinvestissent. Moi, j'étais l'auteur d'un rapport pour le ministère du Travail après l'affaire de France Télécom. Et puis, on s'aperçoit que les gens qui sont suicidés, on a beaucoup parlé du suicide, mais le nombre considérable de burn-out qu'il y a eu après l'affaire de France Télécom nous montrait que c'était des gens qui étaient surinvestis. Le surinvestissement est dangereux. Donc, il faut apprendre aux gens à ne pas tout mettre ses oeufs dans le même panier. Et en effet, développer des hobbies, des choses comme ça. La pratique de la relaxation, l'activité physique, l'alimentation. Là encore, il y a une éducation sanitaire à faire sur la santé mentale. Où sont les programmes grand public ? Où sont les programmes qui vous expliquent comment se protéger au niveau santé mentale ? On vous explique comment faire pour ne pas avoir un infarctus, le régime, le cholestérol. Il n'y a aucun programme de santé publique sur la santé mentale. Et je voudrais terminer en disant que ces problématiques, et certains l'ont dit avant moi, donc l'inconvénient de passer en dernier, c'est qu'on répète des choses qui ont déjà été dites, c'est qu'il ne s'agit pas simplement d'un problème de santé, c'est un problème économique. Les pays d'Europe du Nord qui ont développé la notion de bien-être au travail, qui ont voulu lutter contre la souffrance psychologique, les troubles mentaux au travail, ont une approche business. Ils m'ont dit that's good for business c'est-à-dire qu'ils ont calculé que 1 euro investi à prévenir ces problèmes au travail, à les gérer, à travailler en amont, à les résilier, eh bien permettait d'éviter d'en perdre 3. Et ça, ça a été dit également tout à l'heure, que c'est l'inaction qui va coûter de plus en plus cher. Et là encore, cette approche business est importante. Aujourd'hui, le dernier rapport publié dans le Financial Times, vous voyez que mes lectures, ce n'est pas que les livres médicaux, le Financial Times m'explique que le problème de la santé mentale au travail, c'est des trillions de dollars. Je ne sais pas si vous savez que ce sont des trillions de dollars, c'est des milliers de milliards. C'est ça le coût dans le monde, et en France, ça n'échappe pas à tout cela. Donc on a des vraies problématiques. Et là encore, à défaut. de s'intéresser aux individus. Je ne suis quand même pas naïf en pensant que les entreprises ne s'intéressent qu'aux individus. On pourrait au moins s'intéresser au business. À une époque, on parle du travail, de la valeur travail, que les gens doivent travailler, etc. On devrait aussi se poser la question non pas simplement de l'emploi, du salaire, ou de l'augmentation du temps de travail, ou de manger à la retraite. On devrait s'interroger sur la question du travail, quelle qualité il a au travail. Et vous savez, ce n'est pas un problème si les Français sont ceux qui perçoivent le travail comme le plus stressant, le plus pénible, etc. Et ce n'est pas non plus quelque chose qui surprend, c'est que c'est les Français qui aussi, on l'a bien vu dans les débats politiques, les disent le plus souvent vivement la retraite. Je m'arrêterai là.

  • Speaker #1

    Merci. Alors, Sarah, Anna, je pense que rassurez-vous un peu quand même. Je pense que vous êtes d'une génération, de ce que j'observe chez les jeunes étudiants, ceux qui arrivent sur le marché du travail. Vous êtes d'une génération qui ne se laisse plus faire et vous posez aussi des exigences. Quand vous arrivez devant un employeur qui recrute, je ne sais pas ce que c'est peut être un pari sur l'avenir, mais en tout cas, cette impression que les choses, que les choses évoluent. Je vais vous laisser réagir à ce qui a été dit avec brièvement, puisqu'après, on va laisser la parole au public avec peut être comme seul point d'ancrage la prise en charge. Et qu'est ce qu'on fait pour les patients anxieux, déprimés avec ? C'est vrai, c'est l'œil du médecin qui parle. Le grand absent de ces débats, ce sont les traitements. la seule fois où on a évoqué les traitements c'était pour dire que c'était difficile d'arrêter le traitement anxiolytique or la consommation de psychotropes d'antidépresseurs, d'anxiolytiques notamment chez les populations les plus jeunes est en pleine explosion donc c'est vrai qu'on n'en a pas du tout parlé et peut-être aussi dire un petit mot sur pas d'espoir si il n'y en a pas mais de dire qu'est-ce qu'on peut proposer aussi pour ces patientes et ces patients-là Aurélie, peut-être on commence.

  • Speaker #2

    Sur les traitements ?

  • Speaker #1

    Pas forcément les traitements médicamenteux, mais les traitements.

  • Speaker #2

    Ah oui, à la psychothérapie. Les traitements plutôt non médicamenteux, je vais plutôt m'exprimer là-dessus. Les traitements, ça va être finalement, je crois, de la psychothérapie dans ce contexte-là, je crois que ça va être justement d'essayer de voir... les bonnes raisons qui font que la personne se retrouve dans cet état-là et de chercher avec elle finalement en quoi ses réponses, ses réactions peuvent être adaptées à un certain contexte qui peut lui être inadapté à ses besoins de base. Donc ça va être d'échanger, de discuter, d'essayer de comprendre, comme je disais, les bonnes raisons qui font qu'il y a eu à un moment donné une symptomatologie, un épuisement, un burn-out, et de pouvoir justement se poser... oser se poser, je crois qu'on n'a pas trop le choix d'ailleurs à ce moment-là, oser se poser des questions existentielles. On en a entendu parler. C'est peut-être le moment où jamais, au moment de la crise, quelle qu'elle soit, de se poser des questions existentielles et de se demander, qu'est-ce que j'ai besoin de prioriser là maintenant, tout de suite ? Et si on était dans le cadre d'une psychothérapie, dans le contexte de la dépression, des troubles anxieux ou de l'épuisement, ou le fameux burn-out, on chercherait finalement Là aussi, à faire le point, à comprendre quelles sont les bonnes raisons, qu'est-ce qui fait qu'on en arrive là, et du coup, une fois que je comprends qu'est-ce qui fait que j'en arrive là, de quoi j'aurai besoin comme changement. Sachant qu'on peut attendre et espérer des changements qui viennent de l'extérieur, mais on va chercher, comme on l'a entendu à plein de reprises, à aller plutôt du côté des changements qui sont sous mon contrôle. Tout sauf l'impuissance acquise, tout sauf l'impression de résignation. Et donc je crois que... Pour ma part, c'est ce que j'essaie de faire avec les patients que j'accompagne. C'est de voir, on a entendu parler de boussole à un moment donné, où peut être la boussole, qu'est-ce qui compte, comment prioriser et de mettre des garde-fous aussi. Il y a des patients qui disent, j'ai vraiment besoin de mettre des garde-fous, sinon le travail va tout manger. Et donc, de mettre stratégiquement parfois des garde-fous, qui s'appellent pratique de la chorale, certains loisirs, etc., pour éviter qu'on laisse le travail tout manger. Je dirais ça,

  • Speaker #0

    pour ma part.

  • Speaker #1

    Merci. Sandrine, vous êtes père aidant. Et donc forcément, les gens vous parlent forcément aussi des médicaments. Et c'est aussi dans votre expertise à vous de dire par quoi vous êtes passée. Et c'est vrai que comme on en a très peu parlé, vous avez parlé de la méditation. En quoi vous pouvez les aider dans ces périodes-là ?

  • Speaker #3

    Alors moi, j'ai l'habitude de dire, pour ne pas être trop fataliste par rapport à la prise de traitement, parce que c'est vrai qu'il y a des personnes qui... Enfin moi, j'ai pris des périodes de ma vie d'écrire des traités. très lourd et je n'étais pas du tout accompagnée par des pères aidantes qui m'auraient donné l'espoir peut-être de pouvoir à un moment donné diminuer mon traitement. Mais donc je dirais qu'il y a les traitements du moment de la crise qui sont un petit peu inévitables. Après on essaie de comprendre ce qui nous arrive, on a de la psychoéducation aussi par rapport à une pathologie donc on s'éduque nous-mêmes et à un moment donné on peut envisager effectivement une réduction du traitement. Je dirais que moi, j'ai un traitement de fond, par exemple, mais il ne faut pas miser tout sur un traitement. Il faut aussi savoir affronter des choses, mais il faut reprendre des forces. Et donc, c'est tout ce moment-là où on est sous antidépresseur, on digère son histoire, on essaie de retrouver des repères. Et justement, on travaille avec les professionnels de santé pour trouver des outils. trouver des outils d'apaisement, trouver des outils pour s'équilibrer, se réguler émotionnellement, réenvisager de refaire du sport, on a parlé de l'alimentation qui est fondamentale, on n'a pas parlé de la nature, moi la nature c'est quelque chose qui est tellement évident, qu'on respire mieux dans la forêt que dans un appartement, donc c'est des choses que j'aimerais beaucoup que ce soit davantage, dans les hôpitaux, dans les structures de soins, parce que c'est tellement une évidence que la nature fait du bien, et puis qu'on peut se ressourcer, et puis que c'est bon pour oxygéner son cerveau. Donc le traitement, oui, le traitement est important. Donc il ne faut pas arrêter son traitement, il faut en prendre un quand on en a besoin. Mais je pense qu'il y a aussi d'autres outils qu'on peut utiliser, qui sont sous la main, j'ai envie de dire, qui sont facilement accessibles, et il ne faut pas s'en priver. Donc c'est un équilibre entre traitement et puis... un équilibre qu'on trouve dans sa vie au travers de nos activités, de la sociabilisation, de l'emploi, du bénévolat. Mais l'isolement aussi est très néfaste à la santé mentale.

  • Speaker #1

    Sarah Salanès, vous voulez réagir ?

  • Speaker #4

    Alors en psychiatrie périnatale, on a un focus un peu particulier. Il y a la question de la santé mentale périnatale dont il doit prendre soin pour la perspective des bébés. J'en parlais tout à l'heure. Et puis quand les patients arrivent à nous rencontrer, on est dans des problématiques le plus souvent plus psychiatriques et plus sévères. Ce qui a évolué dans les dernières années, c'est les connaissances en matière de sécurité de certaines prescriptions. On a beaucoup plus de recul. Et finalement, un des grands risques qui était pris en période périnatale et à la découverte d'une grossesse, c'était l'arrêt de traitement qui était tout à fait nécessaire. Notre objectif principal, et en particulier dans la diffusion d'informations et dans le développement d'unités et de dispositifs spécialisés autour de ces questions-là, c'est de viser la stabilité. Parce qu'en fait, on a vraiment besoin d'avoir une stabilité psychique en période périnatale, à tout moment de la vie certainement, mais en période périnatale parce qu'il faut être hautement disponible. On traite quand on a besoin, on essaye d'informer pour que l'adhésion puisse se faire comme à d'autres moments.

  • Speaker #1

    Patrick Egeron.

  • Speaker #0

    Écoutez, la France est première dans le traitement des maladies cardiovasculaires et en énième position dans la prévention des maladies cardiovasculaires. Donc j'ai envie de dire prévenir avant, prévenir, prévenir, prévenir. Sur le burn-out, il n'y a qu'une action, prévenir. Quand on a un burn-out, au sens médical, quand on a un burn-out, c'est au moins deux ans avant de reprendre une activité. C'est une psychothérapie qui dure, c'est des médicaments. Prévenir, prévenir, prévenir. La prévention, ça se passe d'abord très tôt. En psychiatrie au général, les psychiatres sont étonnés dans les artistiques. Des fois, il faut 15 ans avant qu'une personne qui commence à avoir des signes, par exemple de phobie sociale, aille consulter, ou un trouble obsessionnel compulsif. 15 ans ! Pourquoi ? En général, vous commencez à tousser, vous allez voir un médecin. Vous n'allez pas attendre 15 ans à cracher du sang ou à pisser du sang. Donc il y a un vrai problème à ce niveau-là. Et là encore, le dépistage assez récent des premiers symptômes permet. Puis alors après, quand il y a des cas qui évidemment n'ont pas été suffisamment prévenus, mais toute l'action doit être mise sur la prévention. D'ailleurs, je soulignais qu'il y a un éphémère ministre, on a tellement eu une ministre de la Santé ces derniers temps que je ne sais plus lequel, mais un éphémère, celui qui a duré trois mois, avait intitulé son ministère de la santé et de la prévention. C'est fini, ça a été enlevé, c'est maintenant le ministère de la santé et de l'offre des soins. La prévention, out, il n'y a plus de prévention. Donc lorsqu'il y a besoin de traiter, il faut traiter parfois, il y a des guidelines très bien. Il y a des médicaments, il y a des psychothérapies, il y a des approches non médicamenteuses, il y a des approches qui sont plus de coaching, d'accompagnement, etc. Il y a plein de choses et je pense qu'il y a suffisamment de diversité pour trouver son chemin. Mais là encore, mon seul message, en tout cas pour le burn-out, c'est prévenir. On ne peut pas rester simplement sur le fait que nous sommes, comme je disais, champions des soins, mais en même temps, pas du tout dans prévention.

  • Speaker #4

    Sarah Sananès qui voulait ajouter un petit mot avant qu'on passe la parole à la salle. Oui, j'ai répondu sur la question des traitements médicamenteux. Il faut interpeller en psychiatrie périnatale quand on sent qu'on est en difficulté et bien évidemment, les traitements sont prescrits lorsqu'ils sont indiqués. Du coup, je réagis aussi pour... On encourage à ce que les interpellations se fassent. Il ne faut pas que ça soit effrayant. C'est quand une indication est posée.

  • Speaker #0

    Merci.

  • Speaker #2

    On va maintenant laisser la parole au public pour les questions.

  • Speaker #5

    Je vais m'arroger le droit de la première question à Patrick Légeron. Quand on vous entend parler, on trouve presque scandaleux la situation des entreprises françaises et l'absence de bienveillance au travail. Il y a pourtant eu une condamnation de grands barons de l'industrie française pour des épidémies de suicide, notamment, je pense à France Télécom. Mais il y a eu d'autres condamnations. Est-ce que depuis ces condamnations, il y a une prise de conscience dans le management français que quand il y a une personne qui se suicide dans une boîte, il y a des conséquences négatives pour les patrons ? Parce que c'est quand même par la sanction qu'on peut avoir le plus d'effets ou les plus rapidement. Parce que former les managers, c'est pour demain. Mais ceux qui sont en place, ils sont encore au cnout. Donc est-ce que... qu'il y a eu un effet des condamnations ?

  • Speaker #0

    Il y a eu deux temps. Moi, ça fait plus de 30 ans que je travaille sur ces thématiques de santé mentale au travail. Le silence absolu, le déni complet jusqu'à France Télécom. France Télécom, c'est 2006, 2007, 2008. À ce moment-là, le choc de France Télécom, l'interpellation des dirigeants, qui ont été définitivement complanés en appel de cassation. Le 19 décembre dernier, c'est-à-dire il y a un mois, 15 ans d'instruction, enfin la justice est lente, condamné définitivement. Il y a eu un choc. Avant, après. Après France Télécom, qu'est-ce qu'on a vu ? Et ce n'est pas moi qui le dis uniquement, c'est évidemment tous les rapports européens. C'est très intéressant de se comparer aux autres, parce que les problèmes dont on parle, je pense qu'ils existent aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne, en Italie, en Espagne, enfin dans toute l'Union. Et au-delà de l'Union, en Norvège, en Suisse, ce ne sont pas des pays de l'Union, mais enfin, qui sont quand même européens. Eh bien, nous sommes très en retard. Dans les années 70, les premiers travaux, par exemple, d'accord dans les entreprises sur le stress, la fin des années 70, étaient publiés par les partenaires sociaux au Danemark. Et en Suède, fin des années 70, il a fallu attendre 2008, 2008, juste après France Télécom, pour que les partenaires sociaux, c'est-à-dire les organisations syndicales de salariés et le patronat, signent des accords de prévention. Ces accords de prévention sont pas très contraignants, à la suite des accords européens d'ailleurs. Ils sont pas très contraignants, ils sont pas contraignants, et aujourd'hui, après le déni jusqu'à France Télécom, on est rentré, ce que j'appellerais dans le faux semblant. Les entreprises mettent en place un ligne verte. Vous allez mal vous appeler. On appelle pas ça de la prévention primaire ça, on attend que les gens vont mal, c'est comme si on disait quand il y a le feu il y a une issue de secours, il vaut mieux agir en amont sur le feu. Ou alors ils ont mis en place des alternatives que je citais, un baby-foot, des choses comme ça, donc il n'y a pas vraiment d'action, là encore dans la qualité des actions. Alors c'est vrai que le droit a augmenté, d'ailleurs M. Lombard, puisque c'est lui le président de France Télécom de l'époque, a été condamné, des peines relativement restreintes parce qu'à l'époque, c'était un peu durci. Mais à l'époque, c'était un an avec sursis et à quelques dizaines de milliers d'euros. Moi, j'ai le souvenir épouvantable d'un dirigeant d'entreprise épouvantable qui a vu un suicide, des burn-out dans son équipe. Il m'a dit j'étais condamné. Il a dit à la personne qui était en burn-out, vous m'avez coûté moins cher que ma boîte de cigares.

  • Speaker #1

    dans le public.

  • Speaker #0

    Bonsoir, alors d'abord merci beaucoup pour vos interventions et je voulais vous demander si d'après vous il existe des solutions pour réduire l'anxiété au niveau scolaire, donc dans les établissements scolaires, collèges, lycées.

  • Speaker #1

    Alors qui veut répondre ? Qui voit des enfants à la table ? Monsieur Légeron ?

  • Speaker #0

    Je ne vais pas répondre à l'exemple finlandais. D'abord, la compétition n'existe pas. Le travail est collectif. En tant que médecin, on a connu ce que c'est que la compétition. L'internat, c'est la pire des choses. Au Québec, moi, j'ai fini mes études aux États-Unis. J'étais étonné que je n'étais pas noté. On travaillait tous ensemble. C'était le groupe qui était noté. Il n'y a plus une pression sur l'individu, sur les résultats. Et ils forment des médecins tout aussi bien que chez nous. Et en Finlande, c'est pareil. C'est-à-dire que l'individualisation... L'individuation des évaluations est épouvantable. Il faut faire travailler en groupe, etc. Et puis aussi, davantage axer sur les résultats positifs que négatifs. Moi, juste une anecdote, quand je suis arrivé aux États-Unis, j'ai fait une université de médecine, c'est la fin des années 70, début des années 80, c'est long time ago comme on dit. Dans la famille d'accueil, c'était la rentrée des classes. Ils reviennent avec un devoir. Avec plein de choses soulignées en rouge. Et tout le monde s'est extasié. Je disais, ah bon ? Oui, on fait une dictée. Et la maîtresse a souligné plein de trucs en rouge. Alors, je disais, mais pourquoi tout le monde se réjouit ? Ah non, mais à la première dictée, on ne regarde pas les fautes. On regarde simplement ce qui aurait pu être une faute qui n'a pas eu lieu. Nous sommes dans une autre culture. Et au travail, c'est ça, les managers, qu'est-ce qu'ils font ? Ils sont là plus davantage pour vous critiquer que pour vous reconnaître. D'ailleurs, dans les sondages européens, nous sommes le pays dans lequel la reconnaissance est considérée comme la plus faible.

  • Speaker #1

    Question du public.

  • Speaker #6

    Merci à vous pour vos interventions. Vous avez parlé tout à l'heure d'indicateurs qui permettaient de mesurer la qualité de vie au travail. Et je voulais savoir si ces indicateurs étaient aussi mesurés dans le système scolaire et si parmi eux, on prenait en considération le rythme biologique des individus. Leur phase de sommeil et d'éveil, et vous, comment vous vous sentez par rapport à ça au quotidien, sur votre fatigue et sur d'autres indicateurs ?

  • Speaker #7

    C'est bon, super. Alors clairement au niveau du sommeil, je pense que dès qu'on arrive au lycée, il y a un gros changement. On est quasiment sur des journées de 10 heures. Comme on disait au début, nous sommes des classes avec des options en plus, par exemple la section européenne. Donc on a des emplois du temps vraiment très fournis. On fait quasiment du 8h-18h tous les jours. Vous rajoutez une heure de cantine, où en général on doit se dépêcher, donc ce n'est même pas vraiment une pause. En plus, on rajoute le matin, où tout le monde a les transports, donc on se lève en général vers 6h, voire avant. Et le temps de rentrer, de faire les devoirs, profiter un tout petit peu peut-être de notre famille.

  • Speaker #0

    On va se coucher 22h30 au plus tôt et encore je suis optimiste. Donc c'est clair que le manque de sommeil est très présent, ça peut peut-être se voir sur mon visage, j'espère pas trop. Mais on va rattraper je pense pendant les week-ends et quand on en a discuté rapidement en classe, on remarque même qu'on gâche notre week-end à dormir. Alors je sais pas si c'est gâché ou si c'est une mauvaise optimisation du temps, mais c'est comme ça qu'on récupère je pense le sommeil. Après, c'est sûr que ça nous fait perdre de la lucidité. Parfois, certains somnolent même en cours. On peut peut-être penser qu'il faudrait alléger les emplois du temps. Est-ce que faire du bourrage de crâne de cette manière est vraiment très réfléchi ? On parlait avant d'autres exemples en Europe. Nous avons eu la chance en seconde d'avoir fait un voyage en Suède avec des correspondants. Et nous avons découvert leur manière de travailler. Nous avons passé une semaine dans leur lycée. Et en fait, c'était... Un autre monde, un autre univers, vraiment. Les gens venaient en crocs au lycée. Juste pour ça, on était déjà étonnés. Et il n'y a pas du tout cet esprit de compétition. Les profs sont moins sur une stalle que chez nous. Ils les tutoient, ils les appellent par leur prénom. C'est plus des partenaires que des sages qui ont la science infuse. Et je crois que là-bas, ça aide vraiment à développer les élèves. Et on le voit d'ailleurs dans leurs compétences, ils parlent l'anglais de manière complètement bilingue, alors que chez nous, on mélange le franglais et on impose notre culture quand on va aux Etats-Unis. En tout cas, je pense qu'on a vraiment à apprendre des pays européens, surtout du Nord, comme disait Monsieur, et que nos emplois du temps doivent être réfléchis à nouveau, même pour les primaires, qui ont même le mercredi matin maintenant les cours. On n'a plus du tout de pause, à part le week-end dans nos semaines. Après peut-être qu'il faut s'adapter parce qu'on sait que plus tard ça sera la même chose, on aura des 36 heures voire plus. Et on a cette société qui nous pousse toujours à travailler plus, comprendre plus, apprendre plus, mais est-ce qu'on ne devrait pas le faire mieux ?

  • Speaker #1

    J'espère que vous êtes bien payée au moins. Sandrine, vous vouliez réagir ?

  • Speaker #2

    C'est vrai qu'on a tardé à parler du sommeil, il est arrivé qu'en fin de... de ce débat, mais en fait, je me rends compte de plus en plus, je ne sais pas si c'est typiquement français, mais on ne prend vraiment pas soin de nous au niveau du sommeil. Je veux dire, vous rentrez chez vous, si je prends l'exemple des Suisses qui mangent à 6h30, et je pense qu'ils ont bien raison de manger très tôt, parce que ça facilite quand même le sommeil quand on peut digérer correctement avant. Nous, on rentre déjà très tard, et puis on nous met des émissions qui démarrent, je regardais l'autre soir, 21h20, 21h30, moi, je laisse tomber. En tant que personne concernée, le sommeil, c'est fondamental. Je ne peux pas me permettre de me coucher après un film, donc il faut se respecter une fois de plus. Je pense qu'en France, on ne fait pas du tout attention à ça. Donc, se coucher après 23h, 23h30, ça devient quelque chose d'assez périlleux pour la santé mentale.

  • Speaker #1

    Madame ?

  • Speaker #2

    Merci à vous pour vos interventions. Moi, j'avais une question par rapport à l'industrie pharmaceutique. et la prévention ou en tout cas la prise en charge de la santé mentale. Est-ce qu'il y a un réel intérêt pour l'industrie pharmaceutique à faire en sorte qu'on prenne en charge d'une façon peut-être différente sans systématiquement pousser à la médication dans la prise en charge, même si celle-ci est parfois effectivement nécessaire ? J'en ai également besoin au quotidien en ce qui me concerne. Alors qui veut réagir ?

  • Speaker #1

    Je pense d'abord qu'il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain, comme on dit. Les médicaments sont extrêmement utiles dans certains cas. Il y a eu des grandes révolutions quand même que j'ai connues. Quand j'ai commencé ma psychiatrie, on commençait toujours à avoir des nouveaux antidépresseurs, à comprendre que certains sérieux énergiques, en parlant savant... On pouvait aider dans des troubles anxieux, enfin toutes ces choses-là. Donc c'est utile. Et on a développé maintenant rapidement des guidelines, c'est-à-dire des référentiels très clairs pour le traitement. Ces référentiels ont posé des problèmes, je ne veux pas jeter la pierre ni d'être trop brutal, mais parce que des fois ils étaient rédigés par des experts qui travaillaient aussi pour l'industrie médicamenteuse. Il y a eu des fois des conflits d'intérêts qui n'étaient pas déclarés. On a essayé de mettre un petit peu d'ordre là-dedans, maintenant il faut déclarer les conflits d'intérêts. Mais je pense que l'industrie pharmaceutique devrait vraiment faire attention à ce qu'il y ait des critères très précis qui soient définis concernant leurs médicaments, que ce ne soit pas eux comme ils le faisaient à une époque, qui décidaient de la manière dont les médicaments sont distribués. Ceci dit, entre la surconsommation de médicaments du système nerveux central, c'est-à-dire les psychotropes, il a... et la soukup, ce sont des chiffres vous savez Moi je me souviens qu'un expert psychiatre disait juste que on parle de surconsommation, mais en même temps on sait que la moitié des gens qui ont des vraies dépressions ne sont pas soignés par des médicaments. Donc il y a en même temps une sous-consommation. Il y a une surconsommation, sous-consommation. Je préfère parler d'une dis-consommation. Il y a des gens qui prennent par exemple du Prozac ou des choses comme ça simplement pour se doper un peu, et puis il y a des gens qui ont vraiment besoin de ça qui ne le prennent pas. Donc il y a un problème de clarification. Et l'industrie pharmaceutique ne doit pas être la seule à définir. les bonnes règles d'utilisation des médicaments, ce qu'elle a trop souvent fait. Et là, je vais être violent avec l'accord, le soutien des experts qui n'étaient pas neutres, qui sont financièrement engagés. Je n'irai pas plus loin parce qu'on va dire que je fais de la diffamation. Encore une question dans le public.

  • Speaker #2

    Bonsoir, merci pour vos interventions. Effectivement, je me sens très privilégié d'avoir pu écouter tout ça. Et si je parle de privilège, c'est parce qu'avec, on le voit en ce moment, la montée des extrêmes. Je ne suis pas sûr que toute personne puisse avoir accès à ces informations ou aux soins. Donc j'ai vraiment l'impression qu'il y a la justice sociale qui est intrinsèquement liée à toutes ces problématiques. Quelle est votre vision des choses par rapport à ce qui se passe actuellement dans le monde ? Vaste question.

  • Speaker #1

    qui veut s'essayer à la réponse. Il y a un dernier rapport de l'OMS sur la santé mentale dans le monde. Évidemment, nous sommes des pays privilégiés, mais en santé en général. Et c'est vrai que la santé mentale dans des pays en voie de développement ou des pays vraiment dans la misère, c'est quelque chose dont on ne parle même pas. C'est la survie. Donc, véritablement, l'OMS essaye de travailler tant bien que mal là-dessus. Je ne vais pas vous rappeler l'actualité, l'OMS est en difficulté puisque son premier mailleur veut s'en retirer. Donc ça ne va pas arranger en effet parce que l'OMS avait quand même une vision de prioriser souvent les pays en voie de développement, les pays dans la misère, concernant les actions de santé. Puis après il y a les ONG aussi, les organisations gouvernementales qui travaillent là-dessus. Ils ont des chantiers tellement énormes. Mais c'est vrai, en parlant d'un pays comme la France, il y a également des différences sociales. on s'aperçoit que l'accès aux soins de psychiatrie sont complètement différents suivant que vous êtes dans un beau quartier du 16e arrondissement de Paris ou si vous êtes dans le 9-3. Sarah Salanès, vous pouvez... Ecoutez-moi faire des références franciliens.

  • Speaker #2

    Et on doit défendre nos soins de psychiatrie, mais pas que. Nos soins hospitaliers, l'accessibilité de ces soins, le maintien des moyens, l'attractibilité de ces métiers parce qu'on en a besoin. Sarah Kinselman,

  • Speaker #1

    Anna Keren, je voudrais vous laisser, si vous en avez envie, le mot de la fin.

  • Speaker #0

    Moi, j'aimerais revenir sur quelque chose dont vous avez beaucoup parlé. Vous avez beaucoup parlé des traitements, de comment aller mieux. Mais est-ce qu'on peut se réintégrer dans la société intégralement après avoir atteint des points de non-retour ? Est-ce que, par exemple, lorsqu'on a fait un postpartum en tant que jeunes parents, on peut devenir des parents épanouis ? Est-ce qu'après la détection d'un burn-out, on peut redevenir des travailleurs qui aiment travailler et aiment aller au travail ? Est-ce qu'on peut retrouver cette vie normale

  • Speaker #2

    Absolument, on peut, bien sûr on peut, et on essaye de vrai vers ça. Les épisodes psychiques, psychiatriques en période périnatale, ça peut être très difficile et ça peut se remettre de la même façon très rapidement et de manière très favorable. C'est ce que je disais, de développer les facteurs de protection, les soins en font partie, mais pas seulement. Donc, œuvrer de manière collective. C'est tout le réseau qui travaille en période périnatale pour mettre en place tout ce qui peut protéger et permettre le rétablissement le plus rapide possible. C'est de nature à permettre que le récit de l'arrivée au monde de ce bébé ne soit pas trop marqué par ces difficultés où le récit pour les parents de cette accession à la parentalité. Mais la plupart des familles que nous rencontrons font mieux ensuite, absolument. Et d'ailleurs, on peut être préventif et quand on l'est, on évite toutes ces questions-là. Et sur la question ?

  • Speaker #1

    Sur le travail,

  • Speaker #2

    est-ce qu'on peut y revenir ?

  • Speaker #1

    Oui, de toute façon, là encore, prévention bien sûr, mais aussi dépistage le plus tôt. C'est-à-dire que quand les premiers symptômes apparaissent, il faut agir. Donc il y a une campagne d'information et je trouve qu'il y a des campagnes d'information. Par exemple, en Grande-Bretagne, ils ont développé des grandes campagnes d'information concernant les individus, mais les proches. C'est-à-dire, j'ai vu des grandes campagnes dans le métro, vous voyez quelqu'un qui s'isole, qui parle moins, augmente sa consommation de tabac. Attention, allez lui parler, peut-être qu'il va mal. De même qu'en médecine, on vous dit si ça sert ici, vous voyez, c'est pas un infarctus. Il y a tout ça. Mais sinon, il y a des pathologies pour lesquelles, heureusement, nous avons des succès. Moi, j'ai une pléthore de patients qui ont eu des problèmes de burn-out, qui s'en sont remis, qui représentent des fois, qui reprennent une autre vie. D'ailleurs, comme dit l'adage, ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort. Ça s'applique. On s'aperçoit des gens qui remettent en question. Moi, j'ai vu des cadres bancaires qui... Après un burn-out et deux ans d'arrêt, ils se sont posé des questions sur le sens de leur activité, sur le sens de leur vie. Et je pense à quelqu'un avec qui j'ai des relations un peu amicales maintenant, qui a créé une petite épicerie bio en périphérie de Paris et qui est très heureux. Il s'est dit, excusez-moi d'être vulgaire, il disait, j'y vais comme un con, comme un cadre bancaire, je gagnais ma vie. J'étais stressé tous les matins en arrivant, la peur au ventre, je ne dormais plus, etc. Je gagnais bien ma vie, là j'y gagnais un peu moins ma vie. Mais qu'est-ce qu'elle est bien ! Donc les gens peuvent rebondir, des fois en se reposant d'autres questions. Mais la psychiatrie a quand même des résultats, on peut s'en remettre, on peut s'en remettre évidemment.

  • Speaker #2

    Et puis la lutte contre la stigmatisation, c'est aussi faciliter, accélérer l'accès aux soins, parce que c'est encore très stigmatisant d'aller voir un psychiatre. Donc je pense qu'il y a aussi un gros travail à faire. À faire à ce niveau-là, moi je me souviens d'un épisode où j'avais été hospitalisée et mon compagnon de l'époque ne disait même pas que j'étais hospitalisée, donc j'étais nulle part. Donc il y a encore un gros travail à faire par rapport à ça, la stigmatisation, au regard de toute pathologie psychiatrique, pour inciter les gens à aller consulter quand ils ne vont pas bien. C'est fondamental, ça change tout.

  • Speaker #0

    Moi je trouve qu'il y a encore tout ce tabou qui est autour des maladies psychiatriques, notamment le fait d'avoir peur d'en parler autour de soi,

  • Speaker #2

    d'avoir peur d'être pris pour des fous,

  • Speaker #0

    ce mot qui revient très souvent dans les cadres d'hospitalisation. Et je trouve qu'il faudrait regarder autour de soi, voir le nombre de gens qui souffrent de toutes ces maladies, parce que c'est réellement des maladies, on l'oublie souvent, et se rendre compte de ce qui est en train de se passer. Se rendre compte du nombre de personnes qui sont touchées, de toutes les répercussions que ça peut avoir sur la vie de la personne, mais aussi sur tout son entourage. Et du coup, je pense que la prévention, c'est vraiment ce qui pourrait nous aider au mieux à vaincre tout ça.

  • Speaker #1

    Les médias ont un rôle à jouer, parce que quand vous regardez les informations, quand il y a un trouble mental, c'est le forcené, le détraqué, le truc machin bidule. En tout cas, il me reste à vous remercier pour cette table ronde et pour tous les éléments que vous nous avez apportés. Merci aussi à tout le lycée général Leclerc de Saverne pour avoir travaillé la question.

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