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Forum Européen de Bioéthique

Santé mentale et isolement

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1h59 |31/01/2025
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Description

Forum Européen de Bioéthique 2025 : Santé Mentale & Bioéthique


Santé mentale et isolement


Grande précarité, enfermement carcéral, vieillesse et maladie mentale : l'isolement social est à la fois une cause et une conséquence des troubles mentaux. Dans un monde hyperconnecté, l'isolement de la personne humaine est paradoxalement en augmentation. Quels sont les effets délétères de l'isolement sur la santé mentale et quels sont les moyens de lutter contre ce phénomène ? Quelles stratégies peuvent être mises en place pour favoriser l'inclusion sociale et le soutien communautaire ?


Panteleimon Giannakopoulos, Professeur ordinaire au Département de psychiatrie de la Faculté de médecine, Médecin-chef du Service des mesures institutionnelles aux HUG, Directeur général de l'Office cantonal de la santé (OCS) du canton de Genève


David Le Breton, Professeur émérite de sociologie à l’université de Strasbourg, Membre senior de l’Institut Universitaire de France, Titulaire de la chaire « Anthropologie des mondes contemporains » de l’Institut des Études Avancées de l’université de Strasbourg (USIAS)


Yannick Libeer, Médiatrice de santé paire, pôle 59g21 (Déborah Sebbane, cheffe de pôle) EPSM Lille Métropole, Facilitatrice pour le centre de Lille dans la recherche action EDEN (Ecoute et Dialogue avec les ENtendeurs de voix)


Maria Melchior, Docteur en sciences (Université de Harvard), Directeur de recherche à l’Inserm


Laure Pain, Directeur de Projet Parcours, Direction de la Politique Médico-soignante, ARS Grand Est


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour, bienvenue pour cette nouvelle journée au Forum européen de bioéthique qui a pour thématique cette année santé mentale et bioéthique. Je vais laisser la parole à Maud Nizan qui va animer et modérer cette table ronde.

  • Speaker #1

    Bonjour à tous, donc cette table ronde qui s'intitule santé mentale et isolement. Nous sommes des êtres sociaux et nous avons besoin d'une connexion régulière avec les autres, d'interaction sociale. Ce qui en manque présente un risque accru de troubles psychologiques tels que l'anxiété et la dépression. Et une étude récente que je vous conseille qui est très passionnante. Une méta-analyse, comme on dit, qui parle des risques de diminution du niveau de vie, de l'espérance de vie, parle même de l'isolement social comme un facteur de baisse sensible de l'espérance de vie. Les personnes âgées sont bien évidemment les premières à souffrir de l'isolement social, mais ce ne sont pas les seules, puisque plus d'une personne sur cinq déclare se sentir souvent ou toujours seule. problématique intensifiée bien sûr par les confinements et les mesures de distanciation sociale. Il y a des études qui montrent que ce n'est pas la quantité mais la qualité des interactions sociales qui importent et les liens virtuels peuvent notamment s'avérer insuffisants parce que les interactions perdent en qualité. Raison pour laquelle passer beaucoup de temps sur les réseaux sociaux, qui portent en fait mal leur nom, et bien peut accroître le sentiment de solitude. Si l'isolement impacte de manière certaine la santé mentale, il est tout aussi certain que la pathologie mentale génère de l'isolement. Ce qui pose la question de la prise en charge des malades, y compris sur le versant de leur intégration dans la société. L'isolement est donc à la fois une cause et un symptôme de troubles psychologiques ou psychiatriques. Il peut résulter de la situation sociale des personnes, nous en parlerons, vieillesse, précarité, troubles psychologiques ou psychiatriques. Mais peut-être que nous parlerons également de ce que l'on isole par l'incarcération ou dans le cadre d'une hospitalisation. Et si parfois la mise à l'isolement est inévitable, on peut se poser la question de son impact sur la santé mentale des personnes concernées. On sait notamment que deux tiers des hommes et trois quarts des femmes sortant de détention présentent un trouble psychiatrique ou lié à une substance. On sait aussi que beaucoup d'entre eux avaient déjà des antécédents psychiatriques avant l'entrée en détention. Ça signifie que l'isolement carcéral génère de la pathologie mentale, mais également que l'on incarcère des personnes qui vont mal et dont le parcours de soins en détention est rendu bien évidemment difficile par l'incarcération. Et enfin, on évoquera l'isolement dans le cadre des soins psychiatriques, qui est une solution bien sûr de dernier recours, mais dont la pratique semble très hétérogène sur le territoire. Pour évoquer toutes ces questions, nous recevons une table ronde bien fournie aujourd'hui. Nous sommes un peu plus nombreux que d'habitude et je m'en réjouis. Nous écouterons tout d'abord Maria Melchior, qui est docteure en sciences, directeur de recherche à l'Inserm. Monsieur David Le Breton, professeur émérite de sociologie à l'Université de Strasbourg, membre senior de l'Institut universitaire de France, titulaire de la chaire Anthropologie des mondes contemporains de l'Institut des études avancées de l'Université de Strasbourg, et qui a récemment publié, entre autres, puisqu'il y a eu... Une production régulière de livres et récemment la fin de la conversation, point d'interrogation. Nous entendrons ensuite Pantelemon Giannakopoulos, professeur de psychiatrie, directeur général de l'Office cantonal de la santé du canton de Genève et directeur médical de la prison-hôpital pour détenus dangereux, Curabilis. Et enfin, Madame Yannick Liber, médiatrice de santé paire établissement public de santé mentale, Lille-Métropole. Je donne donc la parole pour démarrer cette belle table ronde à madame Maria Melchior. Nous vous écoutons.

  • Speaker #0

    Pardon, on n'a pas besoin du micro. D'accord, on l'a déjà. Super. Bonjour et merci beaucoup pour cette invitation. Non ? Non. Je crois qu'il y a une personne qui n'a pas été présentée.

  • Speaker #1

    J'ai oublié de présenter madame Laure Pain. Oui, parce que j'ai inversé, c'est pour ça l'ordre de passage. Excusez-moi. Madame Laure Pain, directeur de projet Parcours, direction de la politique médico-soignante à l'ARS Grand Est. Bienvenue, madame Pain. Je passe donc la parole à madame Melchior.

  • Speaker #0

    Bonjour et merci de cette introduction et merci surtout de votre invitation. Je suis ravie d'être parmi vous. Je suis épidémiologiste à l'Inserm et je travaille principalement sur les questions de déterminants sociaux en lien avec la santé mentale et les conduites addictives. Ce que fait mon équipe, c'est qu'on essaie de comprendre dans quelle mesure est-ce que différents aspects de la situation sociale des personnes influent sur leur santé mentale, mais aussi comment la santé mentale peut évidemment... modifier la situation sociale des personnes. Et donc je voulais commencer en vous donnant peut-être quelques éléments un petit peu généraux sur la manière dont l'épidémiologie aborde ces questions d'isolement social et de santé, de santé mentale en particulier. et dire peut-être en écho à ce qui vient d'être dit en introduction, qu'on distingue différents aspects des liens de sociabilité qui peuvent avoir des effets sur la santé. Tout d'abord, tout ce qui concerne les relations avec des membres de son réseau de sociabilité. Ça peut être des liens physiques, mais aussi des liens virtuels. Généralement, on considère qu'on a tous, chacun et chacune, des liens avec des personnes. qu'on peut croiser dans notre environnement familial, dans notre environnement professionnel, nos amis, mais aussi en dehors, dans le cadre d'associations ou de groupes de loisirs. Et ces liens de sociabilité sont extrêmement importants pour plein de raisons différentes, parce qu'ils nous permettent de nous situer par rapport à un réseau relationnel. Comme ça a été dit, nous sommes tous et toutes des animaux sociaux, voire des animaux politiques, si on s'en réfère à Aristote. La place qu'on tient au sein d'un réseau et d'un collectif est absolument importante pour nous permettre de bénéficier de reconnaissance, d'être en lien avec les normes. Ce sera aussi la thématique de la table ronde qui suivra, pour avoir un sentiment d'appartenance. Tous ces éléments sont évidemment très importants pour le bien-être et notre manière de nous situer par rapport aux autres. Les réseaux relationnels ont aussi un rôle très important pour nous permettre d'avoir accès à différentes formes de soutien social, que ce soit du soutien émotionnel ou du soutien matériel. Je vous dis des choses très évidentes, mais c'est pour vous expliquer juste un tout petit peu comment on conceptualise ces différentes notions dans le domaine de l'épidémiologie. Et ces différents aspects du réseau relationnel et du soutien sont à distinguer du sentiment de solitude, qui est beaucoup plus subjectif et qui peut, d'une part, déjà refléter un état de santé mentale dégradé, parce que quand on se sent seul, quand on se sent anxieux, déprimé, on peut se sentir très seul et ne pas être compris, même si on est entouré par d'autres personnes, et qu'objectivement, on a des interactions et des liens, des contacts avec d'autres personnes. Mais c'est aussi pour dire que... à la fois les déterminants de l'isolement et de la solitude, mais aussi les manières dont on peut réfléchir à comment rompre ces phénomènes, sont un petit peu différents et ne se réfèrent pas exactement aux mêmes choses. Donc, comme ça a été dit, on estime qu'environ 10% de la population française est isolée. Ça veut dire qu'elle n'a pas de lien régulier avec des personnes dans leur entourage, qu'ils soient amicales, professionnelles, familiales. Près d'un tiers des personnes ont en réalité un réseau relationnel dégradé, c'est-à-dire qu'en fait, évidemment, on peut n'avoir des liens qu'avec des personnes de sa famille, mais plus on a un réseau relationnel riche et composite, plus il y a une forme d'intégration sociale qui peut être bénéfique en termes de santé. Et à côté de ça, à peu près 20% des personnes se sentent seules, dont 83% ou un petit peu plus disent être en souffrance. du fait de cette solitude. Donc, vraiment, entre l'isolement et la solitude, il s'agit de deux choses un tout petit peu différentes. Et les politiques publiques sont probablement plus à même d'essayer de lutter contre l'isolement que contre le sentiment de solitude, même si on peut espérer que plus on lutte contre l'isolement et moins les gens se sentiront seuls, in fine. Alors, comme je vous l'ai dit tout au départ, moi, ce qui m'intéresse particulièrement, ce sont les liens entre différents aspects de la situation sociale des personnes et leur santé mentale. Et on sait que la situation socio-économique en particulier est un des déterminants principaux des problématiques de santé mentale tout au long de la vie. La précarité signifie, comme vous le savez sans doute, ce qu'on obtient par la prière. C'est une situation évidemment à la fois de pauvreté monétaire, financière, mais aussi de difficultés en termes de stabilité professionnelle, en termes de stabilité résidentielle, parfois en termes de stabilité relationnelle aussi justement avec des personnes... dans son entourage. Donc la précarité est très liée à différentes formes d'isolement. Ça se comprend évidemment, c'est-à-dire que si on est au chômage, par exemple, ou qu'on a une trajectoire professionnelle instable, ça peut avoir des effets néfastes sur les relations qu'on entretient avec des personnes de son travail. Si on a des difficultés financières, on est plus en difficulté pour entretenir une vie sociale. Je vous dis des choses assez évidentes, mais voilà. On ne choisit pas forcément, enfin très rarement, d'être isolé, même si peut-être que d'autres personnes auront un regard un petit peu différent sur cette question. Mais du point de vue de l'épidémiologiste, l'isolement qu'on espère pouvoir mesurer d'une manière assez objective, en interrogeant les personnes sur le nombre de contacts qu'elles ont sur une période donnée avec des personnes au sein de leur famille, de leur réseau relationnel et de leur cercle professionnel, et en partie liées à différentes formes de précarité. Il a été question des interactions virtuelles qui évidemment prennent une place très importante dans notre vie. Elles ne sont pas complètement négatives, ce n'est pas problématique en soi d'avoir des relations virtuelles via les réseaux sociaux, via différentes formes d'outils digitaux. Par contre, ces interactions digitales ne remplacent en rien des contacts qu'on peut avoir. On le voit, ne serait-ce qu'en étant ici, évidemment, tous autour de cette table. Et merci à tous ceux et celles qui sont dans la salle. On n'exprime pas les choses de la même manière. La communication, ce n'est pas uniquement le contenu verbal de ce qu'on échange. C'est aussi, évidemment, tout ce qui se dégage physiquement, tout le langage corporel et non-verbal. Et donc, évidemment, entretenir des liens virtuels ne remplace en rien le fait d'avoir des liens directs. des contacts physiques avec les personnes. C'est un sujet actuellement en particulier chez les adolescents, dont on voit qu'une partie a vraiment complètement basculé leur sociabilité sur les réseaux sociaux. Et les adolescents et les jeunes gens sont la population au sein de laquelle le niveau de solitude et l'isolement relationnel a le plus augmenté au cours de ces dernières années. Alors, juste un mot sur les liens qu'on connaît entre le fait d'être isolé, l'absence de soutien social. et le sentiment de solitude et la santé. Donc, Maud Nizan l'a dit en introduction, il y a des liens très forts avec la santé mentale. Un certain nombre d'études ont montré qu'être isolé correspond, alors c'est un tout petit peu abstrait, mais ça correspond en termes de santé à l'impact du tabagisme régulier tout au long de la vie. C'est-à-dire que le lien entre le fait d'être isolé sur le plan relationnel et le risque de maladies cardiovasculaires de dégradation du système immunitaire, de mortalité in fine. Le nombre d'années de vie perdues est à peu près équivalent au nombre d'années de vie perdues qu'on estime en lien avec le fait de fumer un paquet de cigarettes par jour au cours de sa vie. Donc c'est un effet très fort. Il y a quelques débats sur le fait de comparer l'isolement relationnel au tabagisme. A la fois, c'est une analogie assez puissante, c'est-à-dire qu'on voit à quel point la sociabilité est importante. au sein de notre vie et à quel point il faut essayer de favoriser la sociabilité mais aussi prévenir l'isolement. Disons que ce n'est peut-être pas aussi simple de prévenir le tabagisme non plus comme on le voit en France mais néanmoins, prévenir l'isolement et favoriser la sociabilité, c'est peut-être encore plus compliqué donc c'est une analogie qui a quelques limites. Néanmoins, il me semble qu'elle est assez parlante et qu'elle dit à quel point le tabagisme Le fait d'être en lien avec les autres est un élément essentiel de notre santé, puisque l'OMS définit la santé comme non seulement l'absence de maladie, mais aussi le fait de participer pleinement et activement à la vie et à la communauté. Le fait d'avoir des liens forts avec d'autres personnes en fait intégralement partie. Alors, comment créer du lien ? Évidemment, c'est une question très complexe et qui dépasse la plupart du temps. Il y a des choses qui peuvent être faites dans le cadre du système de santé quand même, et peut-être qu'on en parlera notamment dans le cadre des... C'est-à-dire tout ce qui peut être fait pour des personnes qui souffrent par exemple de pathologies psychiatriques, qui sont isolées et pour lesquelles on peut faire plein de choses évidemment pour essayer de favoriser leur insertion et leur intégration sociale. Donc il sera peut-être question de différents types de groupes d'entraide mutuelle par exemple, de la participation des personnes à des activités qui sont... d'activités qui dépassent le cadre spécifique du soin, mais qui permettent la participation sociale des personnes. Il est maintenant de plus en plus question de prescriptions sociales. Je ne sais pas si vous avez prévu d'en parler, mais c'est sans doute une nouvelle tendance où on va demander aux médecins de prescrire non seulement des médicaments et peut-être des psychothérapies, mais aussi différentes formes d'activités sociales qui peuvent permettre aux gens d'améliorer leur santé. Mais évidemment, les déterminants de l'isolement social dépassent largement le système de santé, comme beaucoup de déterminants de la situation sociale en réalité. Et donc là, il y a tout un plaidoyer en épidémiologie sociale sur ce sujet pour essayer d'amener aussi les décideurs à réfléchir, donc non seulement à ce qui peut être fait pour améliorer la vie des personnes qui ont déjà des problèmes de santé et se sentent isolées, mais aussi... Faire en sorte que les politiques de logement par exemple, de transports publics, d'aménagement du territoire, notamment l'accès à des structures pouvant être accessibles à tous et à toutes, des squares, des parcs, des bibliothèques, voilà c'est des choses sur lesquelles nous on a travaillé au sein de l'équipe, notamment l'accessibilité des espaces verts, permettent de créer des lieux en réalité, alors il ne suffit pas de créer des lieux, il faut aussi qu'il y ait des activités, que les gens puissent y accéder, et que beaucoup de choses soient faites pour que tout le monde se sente partie prenante de ces espaces. Mais néanmoins, il y a des choses qui peuvent être faites en termes d'aménagement pour favoriser la sociabilité et rompre l'isolement. Et puis, d'autres types de politiques auxquelles on ne pense pas forcément, tout ce qui concerne l'amélioration et le renforcement des compétences psychosociales à l'école, ce qui est une politique nationale maintenant, qui se met en œuvre d'une manière... Ça se met en œuvre. Favorisera peut-être aussi à long terme plus de liens. C'est-à-dire que c'est des programmes qui visent à aider les élèves à apprendre à exprimer leurs émotions, gérer les conflits, créer des liens. C'est aussi des choses qui peuvent être tout à fait favorables pour rompre l'isolement à long terme. Je vais m'arrêter là, mais c'est un sujet très riche et très complexe. J'espère qu'on aura l'occasion d'en débattre.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup. Monsieur David Le Breton, nous avons la chance qu'en tant que professeur de sociologie, vous nous éclairiez très régulièrement au Forum sur les comportements humains. Les interactions sociales, bien sûr, en font partie. Vous avez écrit récemment sur la conversation et on vous écoute pour cette question. de la relation entre l'isolement et de la maladie mentale.

  • Speaker #2

    Merci Maud, merci Aurélien. D'abord, je pense qu'il faut distinguer absolument solitude et isolement. Je vois la solitude comme une expérience choisie, revendiquée, une intériorité pleine. C'est une valeur qui n'implique aucune souffrance. Et d'ailleurs, je vous rappelle les pages de Winnicott sur la capacité d'être seul. pose cette capacité d'être seul comme un principe fondamental de la sociabilité. En revanche, l'isolement, pour moi, c'est ce que Hannah Arendt appelle la désolation. Un cet être avec les autres, mais sans les autres. C'est donc une expérience de l'exil au sein de la communauté, une indifférence. Les autres sont là, mais ils ne prêtent aucune attention à vous. Donc là, il y a en effet une souffrance. La société numérique n'est pas du tout dans la même dimension que la sociabilité concrète, avec des hommes et des femmes en présence mutuelle, qui se parlent et s'écoutent, attentifs les uns aux autres. Et d'ailleurs dans un visage à visage, comme je l'ai rappelé mille fois ces derniers temps. Un face-à-face c'est d'abord un visage à visage, et c'est fondamental puisque le visage c'est le lieu essentiel de l'éthique, évidemment, de la reconnaissance de l'autre. On voit bien que dans la sociabilité numérique, il n'y a plus de visage précisément. Donc cette sociabilité à distance morcelle le lien social, détruit les anciennes solidarités au profit de celles abstraites des réseaux sociaux, avec des correspondants physiquement absents et la plupart du temps anonymes. Paradoxalement, certains voient cette sociabilité numérique comme une source de reliance, alors que jamais l'isolement des individus... n'a connu une telle ampleur. Jamais le mal de vivre des adolescents et des personnes âgées n'a atteint un tel niveau. La fréquentation assidue des multiples réseaux sociaux ne crée ni intimité, ni lien dans la vie concrète. Elle occupe le temps, elle ne donne pas une raison de vivre. De nombreuses corrélations montrent que l'irruption du portable connecté à l'Internet à haut niveau en 2009, pour moi il y a une rupture anthropologique, Incroyable à cette époque-là, l'irruption du portable a rapidement engendré chez les adolescents dans les années qui ont suivi une très forte hausse des souffrances à une échelle planétaire. Les chiffres des pays européens ou d'Amérique du Nord attestent par exemple que les situations d'anxiété, de dépression ont doublé. à partir de 2012 pour les adolescents. De même d'ailleurs le taux de suicide ou les tentatives de suicide, particulièrement pour les filles, plus vulnérables sans doute sur les réseaux sociaux au regard de la tyrannie de l'apparence qui les caractérise. Et également il y a un doublement des attaques au corps, des scarifications depuis 2012. Et donc pas seulement aux Etats-Unis, mais ça touche tous les pays européens. A la même période, Nombre de parents, d'ailleurs, ont vu disparaître leurs enfants derrière leurs écrans. Chacun, aujourd'hui, est en permanence derrière son écran, même en marchant en ville. L'expérience individuelle de la conversation ou de l'amitié se raréfie. L'isolement se multiplie en donnant le sentiment paradoxal de la surabondance. Les 100 amis ou les 1 000 amis des réseaux sociaux ne valent absolument pas un ou deux amis du quotidien. susceptibles de poser la main sur votre épaule en situation de souffrance. Des études pointent également la hausse du sentiment d'isolement chez les jeunes qui connaissent en effet une diminution drastique du nombre d'amis dans le quotidien. On n'a jamais autant communiqué, beaucoup entre 5 et 10 heures par jour, souvent plus de 200 notifications par jour, mais en revanche on n'a jamais aussi peu parlé ensemble. Le smartphone est l'instrument royal de l'hyper-individualisation du lien social de nos sociétés contemporaines, mais aussi de la multiplication de l'isolement. Il conforte l'individu dans le sentiment qu'il fait un monde à lui tout seul et que les autres sont à sa disposition, convocables, congédiables, à tout moment. Le smartphone donne les moyens de ne plus tenir compte des autres. Il contribue à l'ignétement social et paradoxalement dont il se propose comme un remède à l'isolement. Cet isolement touche l'environnement social dans son ensemble. Constamment sollicité par leur smartphone, les piétons ne voient plus rien à leur entour, n'entendent plus rien. Autrefois aussi, dans les administrations, les écoles, les entreprises, lors des pauses ou des repas, tous se retrouvaient pour resserrer les liens, discuter du travail, échanger des nouvelles, accueillir les nouveaux. Désormais, le smartphone s'interpose en permanence entre soi et les autres comme une muraille invisible derrière laquelle se retirer à tout instant. En pleine discussion, certains le prennent en main, répondent à un appel ou envoient un texto en même temps qu'ils semblent continuer vaguement à écouter ou parfois même laissent carrément en plan leur interlocuteur. Le smartphone est un instrument d'évasion, une facilité à se détacher à tout moment des autres. Les interlocuteurs, en chair et en os, devant soi, diminuent ou deviennent quelque peu problématiques, car avec eux, la touche pause n'existe pas. Ils ont leur propre manière de se comporter, qui n'est pas toujours en miroir de soi. D'autres termes, la connectivité n'a peu de choses à voir avec la sociabilité. Une attention fragmentée préside aux rencontres, le zapping est désormais au cœur du lien social et abîme nombre de conversations. mais aussi la relation avec les enfants notamment. Je terminerai mon propos par deux anecdotes, puisqu'on est souvent confronté dans les bus ou dans les trains ou ailleurs, on voit des enfants qui pleurent et on voit des parents qui continuent paisiblement à téléphoner dans une indifférence royale à leurs responsabilités de parents. Deux anecdotes, l'une d'entre elles je l'emprunte à Serge Tisseron. qui, dans un de ses livres, raconte la consultation avec un enfant qui a toujours sa main à l'oreille. On suspecte des troubles auditifs, l'enfant a une audition absolument normale, et on comprendra peu à peu que cet enfant voit son père, un couple séparé, il voit son père le week-end, et le père passe tout un tas de coups de téléphone sans se préoccuper vraiment de son gamin. Donc l'enfant s'identifiant à son père... met la main à son oreille dans une sorte de mimétisme, et peut-être aussi une manière de conjurer l'absence de présence de son père. Et une autre anecdote qu'on m'a racontée il y a quelques temps, d'une petite fille qui doit avoir dans les 5 ans, qui raconte des choses à son père. Son père, il est en train de pianoter sur son écran, et la petite fille au bout d'un moment dit Papa, tu m'écoutes ? Le type continue à pianoter et dit Mais oui, je t'écoute, je t'écoute. La petite fille essaie de parler. Au bout d'un moment, elle en a marre et elle dit à son père Papa, je veux que tu m'écoutes avec les yeux Une phrase, je trouve ça absolument magnifique et tragique en même temps. Voilà, je termine sur l'enfance. Peut-être pour dire que le dernier mot, de pur ustensile, le smartphone est devenu un fétiche. contemporain, je souligne le mot, je ne l'emploie pas de manière arbitraire. Depuis Rustensil, il est devenu un fétiche contemporain, une fin en soi, un condensé du monde. Et Jonathan Haidt, dans un livre qui vient de paraître, qui est très intéressant, qui s'appelle Génération anxieuse, Jonathan Haidt le nomme d'ailleurs un inhibiteur d'expérience, un qui touche en profondeur le goût de vie, qui touche en profondeur... le goût de vivre ensemble. Voilà, merci.

  • Speaker #1

    Merci. Nous allons écouter Pantelemon Giannakopoulos, qui est donc professeur de psychiatrie et qui dirige la prison-hôpital pour détenus dangereux curabilis avec la question des conséquences sur la santé mentale pour les personnes incarcérées ou hospitalisées de l'isolement. sur leur santé.

  • Speaker #3

    Oui, merci encore une fois de l'invitation. Je commencerai mon propos de là où ça a été laissé par les prédécesseurs, c'est-à-dire la question de l'isolement et de la solitude. Peut-être pour nuancer certains éléments en ce qui concerne en tout cas des personnes qui présentent des pathologies psychiatriques. On ne veut pas nécessairement laisser un piège très fréquent en psychiatrie. de conclure sur des causalités à travers ce qu'on observe. Il faut être tout à fait attentif sur ce qu'on pourrait appeler le phénomène de l'œuf et de la poule. Exemple, on voit aujourd'hui très fréquemment ce qui a été décrit abondamment avant l'utilisation des smartphones dans notre société. Les jeunes qui peuvent l'utiliser aussi abondamment et se priver du lien social. Mais on doit s'interroger pour avoir vu un nombre assez important. parmi ces jeunes, ou à l'œuf ou à la poule, c'est-à-dire à quel moment c'est plutôt le vide intérieur, la difficulté d'avoir une intériorité, la difficulté de se construire un monde de perspective qui leur donne la nécessité de trouver un étayage à travers la virtualité du lien. Et donc ceci est assez important pour la pathologie psychiatrique. Quand on parle, par exemple, de la différence tout à fait... Justement évoqué entre isolement et solitude, il y a une catégorie de personnes, parmi les personnes qui présentent typiquement des pathologies du caractère, des troubles de la personnalité, qui recherchent le fait d'être seul pour se protéger, par crainte de l'envahissement de la présence de l'autre. Ceci n'est pas une source de souffrance pour ces personnes, mais c'est une nécessité pour trouver un équilibre psychique. Donc là, on a une situation très différente parce que l'isolement n'est pas, je dirais, une exclusion, n'est pas un exil, comme ça a été décrit, mais c'est une recherche, n'est pas non plus une recherche d'intériorité, la possibilité de, finalement, de créer un monde en perspective, comme on peut le retrouver parfois chez les personnes âgées, mais c'est beaucoup plus une condition sine qua non de l'existence psychique. Donc il y a une troisième catégorie de personnes qui peuvent ne pas avoir... accès à la noblesse du sentiment de solitude, mais ne pas pour autant être dans le sens de l'isolement en tant qu'exil, tout simplement parce que leur personnalité...

  • Speaker #0

    leur impose certaines limitations. Et donc, quand on voit ces phénomènes en psychiatrie, je viendrai maintenant sur la question d'isolement à proprement dit en psychiatrie, quand on voit ces phénomènes, quand on examine les liens en psychiatrie, il faut être extraordinairement rigoureux et très attentif pour ne pas considérer que les corrélations nous offrent des causalités. Alors, la psychiatrie, dans son histoire, a deux sœurs jumelles. C'est la pauvreté et c'est la transgression. Et ça, c'était... Elles ont fait un chemin ensemble pendant des longues décennies, pendant des siècles. Et donc, quand on se réfère au monde avant la Révolution française, avant le monde de l'asile, finalement, les patients psychiatriques, ce qu'on appelle aujourd'hui des patients psychiatriques, se retrouvaient confinés, parce que ça, c'est un élément important, confinés avec... les personnes condamnées de droit pénal et aussi les pauvres dans ce lieu mythique qui était la prison, les institutions d'incarcération avant pratiquement le XVIIIe siècle. Donc, des situations de misère où quelle était la volonté sociétale ? C'était essentiellement de contrôler, de surveiller. Donc, en psychiatrie, quand on parle d'isolement, il faut tenir compte qu'il y a... Le pendant, c'est la recherche de la surveillance. Et alors on va voir plus loin, ça a été repris beaucoup plus tard par Michel Foucault, pourquoi on surveille ? Est-ce qu'on surveille pour permettre de guérir ? Est-ce qu'on surveille pour aider ? Ou est-ce qu'on surveille pour punir ? Alors, cette situation qui prévalait en Europe occidentale, jusqu'à pratiquement la création des premiers asiles, en Angleterre et aussi en France, a radicalement évolué depuis. Dans un premier temps, le mode de l'asile, c'était aussi un mode de protection. Donc l'idée, c'est d'avoir les patients psychiatriques. Ce que confusement a été appelé la maladie mentale à l'époque, avec des contours qui étaient quand même plus ou moins flous jusqu'au début du XXe siècle, l'idée, c'était de pouvoir les confiner pour deux raisons. Et on va les retrouver beaucoup plus tard dans les hôpitaux modernes. Les deux raisons, c'est de les protéger à l'époque de leur pauvreté, leur permettre de subsister tout simplement, et d'autre part de protéger la société. Donc l'isolement, le confinement, puisque finalement le lien social entre les personnes qui se retrouvaient même dans les asiles était souvent extraordinairement faible, le confinement servait cette double cause. une cause de société, une cause sociétale, de protection, mais une cause plus noble, qui était celle de permettre à des personnes vulnérables de survivre, de ne pas tout simplement disparaître, une fois que la charité chrétienne a commencé à diminuer en Europe occidentale, parallèlement à l'industrialisation. Alors, progressivement, dans ce mode de l'asile, on a commencé à introduire... Ce qui était les thérapies de l'époque, c'est important de voir un peu l'histoire pour voir comment on est arrivé là où on est arrivé. Les thérapies de l'époque étaient quand même basées sur l'isolement très fréquemment. La plupart des thérapies qui étaient appliquées avant la venue de la pharmacothérapie en psychiatrie étaient essentiellement basées à l'isolement de la personne et à l'application de certaines méthodes qui aujourd'hui nous paraissent des méthodes barbares, le choc insulinique. ou l'utilisation des enveloppements glacés, des choses comme ça, mais qui à l'époque c'était le seul moyen thérapeutique face à des situations de souffrance humaine. Il y a eu un courant psychiatrique très important qui a été globalement qualifié de courant d'hygiéniste, c'est-à-dire la volonté de créer des grands asiles en dehors de la ville pour sortir les personnes de leur milieu. de les mettre à la campagne finalement, en grande partie. Ce qui était la campagne par la suite, c'est devenu la ville bien évidemment. Mais dans la plupart des grandes villes en Europe occidentale, vous allez retrouver la même configuration jusqu'à aujourd'hui. Simplement la ville a rattrapé ces asiles, c'est-à-dire ces hôpitaux qui étaient construits en dehors de la ville de l'époque, avec l'idée d'extraire les personnes de leur milieu pour deux raisons. pour protéger le milieu, mais parfois aussi parce que le milieu était considéré comme toxique. Et donc permettre aux personnes de prendre une respiration, se retrouver ailleurs. Le se retrouver il faut le mettre avec beaucoup de guillemets, parce que parfois au lieu de se retrouver, on devrait peut-être... dans certaines situations, dans plusieurs situations, utiliser le terme se perdre. Et donc, ça c'était des dynamiques de l'asile qui a continué, parallèlement à un autre champ qui était le champ de l'incarcération. L'incarcération, progressivement la maladie mentale s'est séparée du monde de la prison et la prison a développé sa dynamique propre. La naissance de la prison, comme Foucault la décrivait dans Le surveiller et punir, La naissance du panopticum, la possibilité donc d'avoir des personnes dans un espace confiné, sans lien social, mais avec la possibilité de les observer, de les surveiller et de punir quand il faut le comportement déviant, était une pierre angulaire du développement du système carcéral européen, pratiquement à partir du XVIIIe siècle. Et ça a évolué comme ça jusqu'à nos jours, dans une grande partie de l'Europe. Cette optique-là est très différente de celle de ce qui s'est passé dans les asiles sur un point, l'ambition de soigner. Alors, chemin faisant, comme on avait d'ailleurs décrit hier, ces deux mondes, en fonction de l'actualité du moment, et ça on le vit au XXIe siècle, peuvent se rejoindre dans des structures qui doivent en même temps surveiller. En même temps, soigner, mais en même temps punir. Ce qui sont les différents hôpitaux forensiques qui ont été supprimés pendant des périodes de l'histoire pour renaître et connaître aujourd'hui leurs jours de gloire pour des raisons qu'on avait analysées hier. Dans ce système, que ce soit dans le système des soins hospitaliers en dehors de la prison ou dans la prison, la question de comment soigner... En isolant la personne, on pose une question fondamentale. C'est-à-dire, à quel moment on isole la personne ? On ne parle pas là de solitude comme choix. À quel moment on l'isole ? Et quelle perspective on se donne pour après ? C'est-à-dire, dans la reconstruction du lien social. C'est un punctum dolens de la psychiatrie depuis de nombreuses décennies. La reconstruction du lien social après une hospitalisation. Quelles sont les méthodes qui sont utilisées ? On va un pas plus loin, on n'est plus dans le monde de l'asile, on est dans le monde d'une psychiatrie moderne qui a aujourd'hui des méthodes de traitement qui sont quand même très différentes de ce qu'il y a eu au XIXe siècle. Quelles sont nos possibilités pratiquement de soigner à travers l'isolement et à quel moment on les choisit ? Donc typiquement c'est ce qu'on appelle les mesures limitatives de liberté. La contrainte, qui veut dire ? Qu'est-ce que ça veut dire pratiquement ? dans un hôpital psychiatrique, dans une institution psychiatrique, c'est qu'à un certain moment, vous êtes amené à isoler une personne dont le comportement devient extraordinairement dangereux ou provocateur par rapport aux autres, dans certains cas des pathologies, pour protéger les autres, pour la protéger, mais ça ne suffit pas de l'isoler à travers des méthodes finalement de confinement. Dans des chambres, c'est ce qu'on appelle les chambres fermées qui existent aujourd'hui et qui d'ailleurs sont plutôt en augmentation. Mais il ne suffit pas de les isoler. Isoler n'a aucun sens en soi. Ce n'est pas un acte de soin seul. Il faudrait l'accompagner à travers la présence. Donc il y a des protocoles qui ont été mis en place et qui sont quand même tout à fait fondamentaux. C'est les protocoles d'accompagnement des personnes qui ont l'isole. On n'a pas la possibilité de les exposer parce que, par leur pathologie, ils peuvent devenir dangereux. Mais on ne peut pas considérer que le confinement dans une chambre est thérapeutique. Et je dois dire, une des expériences que je fais, et qui est une expérience d'ailleurs très enrichissante, nous apprend aussi la modestie dans ce métier, qui peut pécher par arrogance assez fréquemment. C'était une décision, et on doit remercier les juges, une décision, c'était... Je venais d'arriver des États-Unis et j'avais la responsabilité de la psychiatrie dans le canton de Genève à l'époque. Une décision du tribunal qui nous a condamnés, à juste titre, parce que l'utilisation d'une chambre fermée pour un cas d'une personne où les critères étaient tout à fait remplis par rapport à la pathologie, n'était pas associée à des soins. étaient associés parce que l'encadrement était très flou. On ne savait pas combien de fois les infirmiers vont passer voir la personne, quel type d'accompagnement va lui être offert, comment ces droits peuvent être respectés, les droits élémentaires, pendant ce temps-là. Ils ont condamné en disant, vous savez, ça c'est l'utilisation, je me rappelle du terme qui était tout à fait correct, c'est l'utilisation d'un outil thérapeutique. comme selon une approche paracarcéral. Et ça, c'est la chose qu'il faut totalement éviter dans l'acte de soins en psychiatrie, mais qui nécessite une observation et, je dirais, une lutte de tous les jours. Parce que derrière, et c'est ce qu'on dit assez... on décrit assez rarement, ça ne nous fait pas plaisir parce qu'évidemment, ce n'est pas très sexy de le décrire, il y a la difficulté des soignants dans tous les jours que vous avez. Des personnes qui par leur pathologie peuvent devenir source d'agitation dans une unité, source d'inquiétude par rapport à un passage à l'acte sur les autres. Donc il y a là l'utilisation de l'isolement pour surveiller et soigner, et pas pour surveiller et punir. Et c'est là une ligne de démarcation très importante. Arrive alors, et ça c'est la dernière partie de mon propos en ce moment, arrive alors une autre phase, qui est la phase de reconstruction du lien. C'est-à-dire, à chaque fois, quand on a une hospitalisation en psychiatrie, dans n'importe quel des pays que j'ai vécu, l'hospitalisation est un moment de rupture. Des ruptures de méostase, mais essentiellement aussi une rupture de méostase sur le plan social, familial et social. Donc une fois que la personne... s'améliore, retrouve son autonomie, retrouve son détermination. Il y a les séquelles, il y a les blessures qui restent sur le plan du lien social. Comment reconstruire ceci ? Ça, ça nécessite aussi une attention très particulière. Il ne suffit pas de dire, et c'est une tendance assez fréquente malheureusement, surtout dans les pays qui n'ont pas les moyens de faire autrement en psychiatrie, les symptômes ont disparu, vous sortez. vous retrouvez votre monde. Parce que le monde souvent n'est pas le même. Le monde est marqué par cette hospitalisation. Donc le travail avec ce qu'on appelle le réseau, le travail avec les proches, le travail avec les associations qui entourent les personnes qui souffrent de pathologies psychiatriques est totalement essentiel pour pouvoir quelque part entrevoir le lendemain de l'isolement. le lendemain du confinement. Alors, il y a aussi, il faut bien dire, et c'est pourquoi je termine mon propos ainsi, la question de la causalité en psychiatrie est assez délicate, parce qu'on observe des choses qui nous interpellent. On a la tendance, pour les plus âgés parmi nous, de se comporter un tout petit peu, de se référer au monde d'hier de Stefan Zweig. C'est-à-dire que... A l'époque, c'était mieux. Le lien était différent. On avait beaucoup plus de difficultés à entrer en diapason avec les autres, au lieu de se cacher derrière les écrans. On le dit souvent. Et on a parfois cette impression, et en avançant en l'âge, je le dis encore plus facilement, on a l'impression qu'on devient les gardiens du monde qui n'existe plus. Cependant, il y a aussi des éléments qu'on n'arrive pas tellement bien à saisir. Dans ce monde-là, qu'on considère par moments crépusculaires, par absence ou par faiblesse du lien social, l'incidence de certaines maladies psychiatriques diminue. Un peu partout en Europe, l'incidence du passage à l'acte suicidaire diminue. On peut avoir un tas de théories explicatives. Les théories explicatives peuvent varier, quand on parle des adolescents, des personnes plus âgées. Mais il faut voir qu'on a affaire avec un monde complexe et quand on parle d'une notion si importante comme c'est le lien social et l'isolement et son rapport avec la maladie mentale, je pense qu'il y a une précaution d'usage très importante. C'est d'observer les données qu'on a, de se centrer sur les cas individuels le plus possible en garantissant... le lien social même après des périodes d'isolement et à éviter des conclusions qui peuvent être ou des conclusions très positives ou très négatives en fonction d'une observation qui, à mes yeux pour le moment, reste très partielle et difficile à saisir dans un monde qui peut-être n'est pas crépusculaire mais devenu beaucoup plus confus que par rapport aux certitudes qu'on avait il y a 30 ans en arrière. Merci.

  • Speaker #1

    Madame Lorpin, vous dirigez le projet Parcours et vous nous venez de l'ARS Grand Est. J'en profite pour souligner que l'ARS est un soutien du Forum. Nous remercions donc l'ARS d'être avec nous et nous vous écoutons.

  • Speaker #2

    Oui, alors je voudrais juste intervenir dans cette table ronde pour dire un petit peu quelles sont les difficultés actuellement dans cette politique publique. Je vous ai entendues et je vous rejoins. Je ne referai pas l'histoire. des politiques publiques, mais je rebondirai sur l'histoire de la psychiatrie. Jusqu'à présent, je dirais qu'il y a quand même quelque chose qui a été marquant pour nous, c'est le Covid, cette crise d'enfermement, de confinement, qui a révélé pas mal de choses en termes de politique publique, je pense, et en termes de difficultés à morder la santé des gens. Le lien social, la psychiatrie, les maladies mentales, pour nous, c'était simple. Donc nous écoutions les psychiatres, les sociologues, et donc l'hospitalisation psychiatrique devait s'accompagner d'une réintégration du lien social dans des programmes de réhabilitation psychosociale. Une parenthèse, en France, réhabilitation psychosociale, c'est un peu réhabilitation après avoir été condamné pour maladie mentale. Lorsqu'on parle de santé physique, on ne parle jamais de réhabilitation après un... problème de santé physique. On parle de rééducation, de réadaptation. On ne parle jamais de cet aspect réhabilitation. Donc déjà, nous avons des centres de réhabilitation psychosociale dès qu'il s'agit de maladie mentale. Quand la maladie, elle est physique, on parle de centre de réadaptation ou de rééducation. Les mots sont importants dès qu'on parle de politique publique. La réhabilitation, il faut vous réhabiliter dans une société Vous avez une maladie mentale et on sait bien tous les efforts qui ont été faits pour diminuer la stigmatisation, pour considérer que c'est une maladie comme une autre. Et lors du discours d'ouverture, Aurélien a bien insisté sur le fait que maladie physique, maladie mentale, ce n'est pas toujours considéré de la même façon. Alors, dans le même temps, un sujet apparaît. Nous nous retrouvons... confrontés à de plus en plus de situations de précarité. Précarité économique, précarité sociale, l'isolement. L'isolement c'est quoi ? L'isolement c'est quand vous perdez les objets sociaux, votre travail, vos liens familiaux, vos liens conjugaux, quelque chose qui évolue dans la société. On voit de plus en plus apparaître des personnes qui sont dans un sentiment d'exclusion. Ce n'est pas une solitude voulue, c'est un sentiment d'exclusion. On se sent exclu parce qu'on n'est plus tout à fait avec les projections d'objets sociaux qu'on devrait avoir. On s'exclut aussi du monde de la santé. On se sent exclu par le monde de la santé, c'est ce qui nous revient des personnes. Voilà, je me sens exclu, donc je ne vais pas prendre soin de ma santé. De plus en plus, c'est cet isolement social qui se met en place, c'est l'accès aux soins. pour les gens en situation de précarité socio-économique. Et donc, cet isolement social, on voit de plus en plus qu'il crée aussi une souffrance psychique. Et si les situations de la personne en termes de précarité s'aggravent, des personnes qu'on retrouve dans des foyers d'hébergement, parce qu'ils ont perdu le logement, parce qu'ils n'ont plus de soutien familial, plus de réseau. Et donc, ce phénomène qui était... apparu depuis à peu près 5-10 ans, le voit s'amplifier. Et de la même façon que mon collègue indiquait que la psychiatrie s'est séparée de la prison, eh bien ça fait très très longtemps que le social s'est séparé de la santé. Et la crise Covid a été le moyen de se rendre compte qu'en fait, on ne peut pas dissocier le social de la santé. Pourquoi je vous dis ça ? Parce que tout le monde s'est retrouvé en situation d'isolement social forcé, de confinement. Mais vous aviez tous les gens qui étaient en situation de grande précarité, qui eux, on ne voyait pas trop, n'étaient pas dans des foyers d'hébergement, mais qui se sont retrouvés dans l'obligation de revenir dans la société. Pourquoi ? Parce qu'il n'y avait plus personne pour leur permettre d'accéder sur le mode prière. à la charité publique, plus personne dans les rues pour donner une pièce, plus personne pour manger. Et donc, ça a été le moyen pour eux de dire, pas d'autre choix, je suis obligé de revenir dans un monde social, dans une société. Et nous avons fait l'expérience, on n'est pas les seuls à Strasbourg, dans pas mal d'endroits en France, en termes de politique publique, en disant, mais que fait-on de ces gens ? Je ne vais pas les mettre en prison. En psychiatrie, on me dit que c'est un problème social. Ils sont désinsérés socialement, ils ont des souffrances psychiques, ils ont des troubles cognitifs. Troubles cognitifs, c'est un cerveau, comme disait une de ces personnes que j'ai rencontrées, oui, 15 ans dans la rue, ça m'a abîmé le cerveau. Donc un cerveau abîmé, des difficultés dans tout ce qui est relations sociales, et ils se sont retrouvés dans un foyer. Dans ce foyer, de façon étonnante, les acteurs de la santé, les acteurs de la psychiatrie, les acteurs sociaux et les acteurs publics se sont dit ah oui, quand même problème En fait, on les a mis dans des structures sociales, des hôtels qu'on a réquisitionnés, et en fait, ils ne sortaient pas de leur chambre. Ils n'avaient aucune envie de pouvoir participer à des repos sociaux. Ils restaient isolés complètement dans leur chambre, comme ils auraient été isolés dans la rue. Et donc, s'est posé la question de Ah oui, mais on a fait venir les psychiatres Ils ont dit Ben oui, parce que ce n'est pas vraiment un problème de maladie mentale, c'est un problème de personnes qui, pour des raisons X, de la poule ou de l'œuf, se retrouvent dans cette situation. Et eux, ils se protègent en s'enfermant dans leur chambre. Donc, cette idée de dire Alors, on va faire des projections. On va construire des foyers, mais ça ne va pas correspondre aux besoins des gens. Et dans le même temps, nous avions des travailleurs sociaux, vous savez, ceux qui s'occupent des gens en situation de grande précarité, qui nous disaient pour nous, c'est une grande souffrance. Nous, notre santé mentale, elle ne va pas très bien, parce qu'on ne sait pas comment faire avec ces personnes. Et donc, le constat, qu'on ne peut pas différencier le lien social de la santé. Et puis l'OMS, on en parlait, mais l'OMS en novembre 2023, et bien saviez-vous qu'une commission a été créée sur le lien social ? Et donc l'Organisation Mondiale de la Santé crée une commission sur le lien social considérant que la perte du lien social ou la désintégration du lien social est le plus gros risque et la plus grande menace pour la santé mondiale. Donc cette commission mise en place... Elle est restée très discrète, peu de gens en ont parlé, mais elle aboutira à considérer que nous sommes à la croisée des chemins et de considérer que le lien social, c'est un facteur de risque plus important que le tabagisme, que de la nutrition. Et donc l'OMS, quelque part, nous donne un peu ce sentiment de dire, tout le monde vous parle de votre capital santé, il faut préserver son capital santé. Il faut bien se nourrir, il faut faire du sport, etc. Et on aboutit à ce qui venait de la psychiatrie, de préserver ou de restaurer un capital social. Et donc, avec les dernières déclarations de l'Organisation mondiale de la santé, c'est de dire qu'il va falloir aussi préserver son capital social, et pas seulement bien s'alimenter. Mais comment peut-on, avec des politiques publiques actuelles, considérer que le lien social, le capital social, les agences, la politique de santé, doit s'en saisir ? Alors, on commence à s'en saisir. Donc, je n'aborderai pas la médiation. Comment on peut aller vers les gens qui sont loin d'un capital social et les aider à restaurer ce capital social ? Mais c'est aussi toute une action qui se met en place. C'est-à-dire que, vous entendrez, les politiques de santé, elles vont aller vers. Ok, on va aller vers les pauvres, vers les exclus, vers... Mais pour faire quoi ? Pour les ramener... vers un lien social. Ce n'est pas aussi simple que ça. Il faut déjà que la société soit prête à les accepter avec leurs difficultés. Donc, on parle de la déstigmatisation de la maladie mentale, mais peut-être aussi la stigmatisation de toutes ces personnes qui se sentent exclues, qui pensent que le monde social est inaccessible, et qui vont développer progressivement... Alors, je ne suis pas psychiatre, et de la poule et de l'œuf, je ne sais pas. mais une souffrance psychique. Donc on a reconsidéré au niveau sociétal, et on commence à le faire, en se disant qu'on peut avoir des groupes d'entraide mutuelle, mais pour ça il faut déjà accepter d'être en société. Il faut aller vers les gens, mais sans être dans la démarche de charité chrétienne. Et donc on est, en termes de politique publique, avec des petites prémices comme ça, de se dire, il faut changer un peu le paradigme. Alors... Pour vous donner un exemple, Après la crise Covid, on s'est rendu compte qu'à la fois les travailleurs sociaux dans les foyers d'hébergement, des hébergements où on prend des gens qui n'ont plus de logement, pour les réinsérer, pour les stabiliser, eh bien, il y avait quand même une souffrance de part et de l'autre. Et le Ségur de la santé mentale, donc c'est un dispositif national, s'est dit Ah, ce serait bien d'avoir des postes de psychologue pour le secteur social Il n'y en avait pas. Et donc on a vu apparaître la possibilité d'avoir des psychologues pour le secteur social. Alors ça veut dire quoi ? Que ces gens peuvent avoir accès à un soutien de type psychologue. C'est poser la question, est-ce que ces psychologues, on les rattache au service de psychiatrie ? Est-ce que c'est vraiment de la psychiatrie ? Ou est-ce que c'est vraiment un soutien pour le secteur social ? Alors c'est là que c'est intéressant, selon les dispositifs en France, les expériences des uns et des autres. On a vu que deux tiers étaient rattachés des équipes de psychiatrie et un tiers étaient rattachés des équipes sociales. Et nous, on a fait le choix de rattacher les équipes sociales en entendant les gens, parce qu'on avait un peu cette démarche. Et en fait, on se rend compte, après deux ans d'existence, que ces psychologues dans les foyers d'hébergement, elles nous rapportent le fait qu'elles ne font pas vraiment de la thérapie, elles recréent du lien social. Déjà entre les travailleurs sociaux et les personnes qui sont hébergées, qui peuvent avoir des maladies mentales, qui peuvent avoir des souffrances psychiques, elles recréent déjà du lien social entre le cercle social proche de ces personnes et ces personnes, et qu'elles accompagnent l'appréhension de ces personnes à recréer du lien social. Et donc c'est un travail, comme elles disent, passionnant, mais c'est un nouveau travail. d'être psychologues du lien social pour ces personnes. Elles ne sont pas psychologues à s'accaparer des problématiques de santé mentale ou de soutien d'individus, elles se définissent elles-mêmes, nous sommes les psychologues du lien social, nous traitons le lien social, nous accompagnons le lien social. Donc un changement de paradigme qui doit nous faire réfléchir à ce que je voulais vous transmettre, c'est le capital santé c'est bien, le capital social c'est bien, Bien, beaucoup l'ont perdu et peut-être qu'il faut le préserver. En ne regardant pas toujours son smartphone, je rejoins M. Breton, en discutant, mais en discutant aussi avec les gens qui sont dans la prière, dans la rue, et qui ont besoin de cette reconnaissance sociale. Et donc de déstigmatiser, de déstigmatiser la différence. C'est tout le problème des compétences psychosociales dont parlait Madame, mais je n'en parlerai pas, je crois qu'on... Voilà, où on essaie d'apprendre aux enfants, ou de réapprendre aux enfants, à discuter. à débattre, à ne pas être d'accord, et non plus à être uniquement un être isolé, mais à redevenir un être social. Alors, je suis aussi un peu vieille, je me dis que c'est un peu dommage quand même qu'on soit obligé de remettre en place des programmes de compétences psychosociales, alors que je n'ai pas le sentiment que dans mon enfance, on jouait dans la cour, on se battait, on débattait, on n'était pas d'accord, on se querellait. Mais bon, c'est la société qui est ainsi. et nous on accompagne tous ces changements sociétaux et en essayant de ne pas être trop en retard dans le terme des politiques publiques. Voilà, j'ai fini.

  • Speaker #1

    Merci.

  • Speaker #0

    Madame Yannick Liber, j'ai découvert hier avec beaucoup d'intérêt votre profession. Vous êtes médiatrice de santé père au pôle de santé mentale de Lille. Nous vous écoutons peut-être pour nous décrire un petit peu ce que vous faites pour les patients.

  • Speaker #1

    Alors, mon métier en fait s'appuie sur la pérédance. La pérédance en fait, c'est quelque chose qui... Moi j'ai souffert d'un trouble psychique et donc je comprends vraiment ce que... que les personnes ressentent quand elles ont un problème de santé mentale. On ressent la même chose. Donc le médiateur de santé père est un professionnel dans le système de soins. Il y a des études qui lui sont associées. Il y a une licence à la Sorbonne à Paris et il y en a une plus récente ouverte à Bordeaux en 2022. On se base sur la valeur du rétablissement. Le rétablissement n'est pas une guérison. pas un retour à l'état de santé antérieur à la maladie. C'est une transformation de la personne et avec sa maladie. Je vais tout d'abord vous présenter un peu mon parcours brièvement personnel, donc en tant que personne concernée, et je mettrai en lien ensuite avec mon métier. Donc, lorsque moi, j'ai souffert d'un trouble psychique, déjà, je ne savais pas ce qui m'arrivait. Je ne comprenais pas, mon cerveau s'éteignait petit à petit. Donc, j'ai perdu confiance en moi, je n'avais plus d'estime de moi. Je me suis donc repliée. Et ce repli, je l'ai fait de trois façons. Je me suis isolée intérieurement, je me sentais seule. Je me suis isolée physiquement, je suis restée un bon nombre de mois, voire d'années, dans une seule pièce, dans le noir, dans ma chambre sans bouger. Et ensuite, bien sûr, j'ai souffert également de l'isolement social. Je ne savais plus interagir avec les gens de la société, même les membres de ma famille. C'était venu vraiment très intense. J'ai perdu l'autonomie. Je ne faisais pas valoir mes droits, perte d'appétit, problème d'addiction, etc. Le médiateur de santé-père, lui, après avoir fait les études en licence qui nous apportent des connaissances théoriques telles que les cours de psychopathologie, l'histoire du rétablissement, le droit de la santé, l'économie de la santé, la sociologie de la santé, etc., il nous donne des connaissances pratiques, donc des outils de travail. On travaille également notre posture professionnelle, à savoir la juste proximité avec les personnes concernées. Il nous apporte également la réflexivité sur nos pratiques. Et cette licence vient professionnaliser et légitimer ce métier. Le médiateur de santé-père, dans le système de soins, au cœur du système de soins, si je peux même dire, il apporte l'esprit. Mais il apporte l'espoir à qui ? Il apporte l'espoir à l'usager d'une possibilité de rétablissement parce que je suis en rétablissement, j'ai une vie épanouissante qui me convient très bien. Et il vient aussi apporter cet espoir auprès des professionnels de santé. C'est-à-dire qu'à un moment donné, les professionnels de santé ont tendance à perdre espoir, à baisser les bras. Et là, nous, on est là. pour remettre de l'espoir. Ensuite, il vient déstigmatiser. Alors déstigmatiser, au niveau de l'usager, c'est surtout, on agit surtout sur l'autostigmatisation. Parce que quand on a un problème psychique, on s'autostigmatise forcément. On se met dans une boîte, dans sa tête. C'est un mécanisme de repli, de sécurité. On n'ose plus. Mais il vient aussi déstigmatiser le système de soins. et déconstruire les représentations qu'a le système de soins. Ensuite, quand on rencontre une personne concernée, ce qui se passe, c'est qu'on a une identification réciproque. On est pareil. Tu souffres d'un problème, d'un trouble psychique, d'un problème de santé mentale. Je l'ai connu, je sais ce que tu ressens. Et en fait, cette identification réciproque, peu importe le trouble psychique, la personne concernée que j'accompagne n'est pas forcément du même trouble que moi, mais on ressent tous la même chose. ce même tronc commun, et ça crée en fait entre la personne et le système de santé une alliance thérapeutique et le médiateur de santé-père devient alors un lien entre le système de santé et la personne concernée. Le médiateur de santé-père accompagne dans le parcours de rétablissement de la personne, dans la compréhension du trouble. On fait des partages de stratégies qui ont fonctionné ou pas pour moi, parce que même si ça n'a pas fonctionné pour moi, ce n'est pas parce que ça ne pourra pas fonctionner pour une autre personne. On s'appuie donc sur notre savoir expérientiel. Et ce qui est important, c'est ce croisement des savoirs expérientiels au sein même du système de soins avec le savoir scientifique. Ça apporte une plus-value. Le médiateur de santé paire, pour la personne concernée, va également encourager le pouvoir agir, c'est-à-dire reprendre sa vie en main, ouvrir de nouvelles perspectives. En ce qui me concerne, moi, je ne savais pas ce que je voulais faire. Au départ, je travaillais en conseillère relations clients dans un grand organisme de sécurité sociale. Et ce n'était plus en adéquation avec mes valeurs. Donc j'ai provoqué mon licenciement, j'ai réfléchi à une reconversion. Et ce que je voulais faire, c'était aider les personnes qui sont en grande souffrance, comme moi j'ai pu l'être pendant des années. Et ça, on va encourager le fait de reprendre une activité. Donc ça peut être une activité sportive, on va les accompagner. On fait les soins dans la cité, dans la ville et non pas à l'hôpital. C'est-à-dire que moi, un entretien, j'ai accroché une dame une fois. Au premier rendez-vous, je vais à domicile parce que dans mon secteur, c'est 80% d'ambulatoires, psychiatres y compris. Ils se déplacent à domicile. Cette dame, elle me dit, vous ne pouvez rien pour moi. De toute façon, j'ai été comme ça toute ma vie. Et donc, je me mets à nuit. je me dévoile et là elle me dit ah oui vous avez vécu tout ça donc moi c'est rien du tout et elle dit mais j'ai pas tellement envie d'un autre entretien j'ai dit bah écoutez c'est dommage, moi j'étais rentrée chez elle j'avais observé son logement et il y avait une bibliothèque avec des livres sur l'Egypte ancienne la Grèce antique, des choses comme ça je dis parce que moi je vous aurais bien proposé le deuxième rendez-vous au musée de la piscine de Roubaix et là des étincelles dans ses yeux et c'est comme ça... qu'elle a accrochée aux soins, cette dame. Et en fait, nous, on a carte blanche, je fais les entretiens où je veux, dans un parc, dans un musée, dans un café, dans une galerie marchande. C'est l'usager au centre du système de soins. On écoute ses besoins, ses attentes, on respecte sa temporalité, c'est-à-dire que la personne n'est peut-être pas prête à faire des choses maintenant, mais on sème des petites graines pour... pour que ça vienne ensuite vers une reconversion professionnelle, vers des activités de bénévolat, et les remettre dans les laits. Et on s'appuie beaucoup sur les ressources territoriales, et on travaille en lien avec ces ressources. Les associations, les gemmements, comme se disait tout à l'heure, les conseils locaux de santé mentale, c'est vraiment remettre l'usager au centre des pratiques. Et notre rôle également, c'est d'informer les droits, faire valoir les droits. Parce que la personne, quand elle se stigmatise et qu'elle s'isole complètement, elle renonce à ses droits. Et moi, je me suis isolée physiquement, dans une chambre, mentalement. Et au niveau de l'isolement social, j'étais complètement coupée des relations. Et c'est vraiment... Le point important, c'est que chaque trouble, tous les troubles, ressentent cet isolement profond. C'est vraiment très profond. Et nous, l'important, c'est qu'on vient rompre cela. Ensuite, on favorise l'insertion dans la cité. Et en fait, c'est un bon tremplin, parce qu'on sait que les hospitalisations, ça crée des traumatismes, voire même... de gros traumatismes parfois, privation des libertés, contention, etc. Ce qu'on ne pratique pas dans mon secteur. Et ces traumatismes, comme on soigne à domicile, même on fait de l'hospitalisation à domicile, c'est-à-dire qu'on va voir les personnes tous les jours, une fois c'est l'infirmier, une fois c'est le psychiatre, le psychologue, etc. La personne ne vit pas les traumatismes d'hospitalisation. Le but, c'est de vraiment rester au cœur de la société, pour les isoler le moins possible, justement, et refaire partie, au fil du temps, dans la vie de la ville, être actif dans la ville, comme je le disais, par le biais d'associations, d'activités de bénévolat, de reprendre une carrière professionnelle. Moi, actuellement, j'ai une personne que j'accompagne depuis... deux ans environ, là, elle a repris ses études Bac plus 2, assistante de direction. C'est un très beau parcours. Et au départ, elle n'avait plus aucun espoir. Elle était même prête à renoncer aux soins. Donc, le médiateur est là, justement, pour créer du lien et accentuer sur le fait qu'on reste dans la ville, pour rompre cet isolement. Je vous remercie.

  • Speaker #0

    Avant de donner la parole à la salle, je passe le micro à Aurélien Benoît-Lide qui voulait intervenir.

  • Speaker #2

    Juste un tout petit mot, je mets ma casquette de neurologue pour aller dans le sens de mes collègues psychiatres, pour parler de l'isolement et du lien social. L'isolement sur le plan matériel, ça peut même... faire perdre la fonction. Le fait de ne pas parler, le fait de ne pas voir, le fait de ne pas communiquer. Il y a un impact directement sur la matérialité qui se passe au niveau du cerveau. Épaissir aussi cette idée qu'on se fait du lien social et notamment à travers une discipline qu'on appelle la cognition sociale qui montre bien qu'il existe une différence très importante entre côtoyer du réel et côtoyer du virtuel. Quand on est face à quelqu'un. eh bien, on doit interpréter tout un tas de signaux qui sont des signaux parfois très faibles, parfois très forts. Il faut pouvoir se préparer à une réaction de la personne en face. On ne peut pas, effectivement, comme disait M. Le Breton, on ne peut pas appuyer sur off. Et si la personne qui est en face est blessée, elle est capable de réagir verbalement, physiquement. Et donc, il y a une activité cognitive qui est totalement différente lorsqu'on est dans une situation de lien social réel et dans une situation de lien social virtuel. Pour terminer... Il y a un terme que j'aime bien et qui vient d'une étude américaine qu'on appelle la résilience cognitive. C'est quelque chose que nous, en consultation, on voit très régulièrement, notamment pour les personnes âgées ou pour les personnes qui souffrent d'une maladie d'Alzheimer. On sait bien que malheureusement, la thérapeutique médicamenteuse est quand même très pauvre encore, même s'il y a quelques évolutions. Et on sait qu'un des principaux moyens, les patients nous demandent, comment est-ce qu'on peut faire pour limiter le risque, pour prévenir, pour ralentir la maladie ? On le sait aujourd'hui que plutôt que de faire une grille de sudoku, plutôt que de regarder les informations, plutôt que de lire un livre, plutôt que de faire des mots croisés, il n'y a rien de mieux que la communication. Parce que la communication avec une personne réelle fait intervenir absolument toutes les modalités cognitives sans forcément qu'on y prenne garde. C'était juste pour apporter ma petite contribution sur le plan neurologique à l'importance de la communication et au risque de l'isolement.

  • Speaker #3

    Bonjour, moi je voulais intervenir juste parce que je voulais qu'on parle aussi des personnes en retrait social. On en a un petit peu parlé des personnes qui sont enfermées dans leur chambre, justement qui n'ont pas du tout d'interaction même sur les réseaux sociaux et qui ne relèvent pas de la psychiatrie parce qu'elles n'ont pas de pathologie, mais qui sont en grande difficulté, en grande souffrance et qui peuvent rester des années enfermées. Et en fait c'est un phénomène qui est en train de se développer de plus en plus en France. Il y a très peu de réponses au niveau du suivi. Au niveau national, il y a une association à Strasbourg qui suit ces personnes, c'est ITAC avec l'antenne des Tours, et une en Ile-de-France, mais sinon on n'a quasiment pas de réponse pour accompagner ces jeunes qui ne sont pas en demande spécifiquement eux, mais c'est les parents ou l'entourage qui essaie de trouver des solutions. C'est un problème qui est quand même assez fort et assez... qui est en train vraiment de s'amplifier et je trouve que c'est important d'en parler aussi parce qu'il faudrait à un moment donné qu'on puisse prendre en charge. Ils ne posent pas de problème parce qu'ils sont enfermés, ils ne posent pas de problème parce qu'ils ne mettent pas leur vie en danger, parce qu'ils ne mettent pas la vie des autres en danger. Mais voilà, tout relève de la responsabilité des parents de les accompagner, mais c'est vraiment très très juste et il faut vraiment qu'à un moment donné il y ait des choses qui se mettent en place pour accompagner tous ces jeunes.

  • Speaker #0

    C'est le phénomène qui est appelé ikikomori qui nous vient du Japon et qui, bien sûr, a traversé les frontières. Qui veut répondre sur cette question ? David Le Breton.

  • Speaker #4

    Oui, je peux en dire quelques mots puisque j'avais beaucoup travaillé là-dessus dans mon livre sur la disparition de soi. Ce sont des formes de disparition de soi, des sortes de grèves de la vie ordinaire, des garçons ou des filles ou des hommes ou des femmes qui se mettent en retrait. qui se détachent, qui n'éprouvent plus le sentiment que le lien social est une valeur. Alors évidemment en amont il y a souvent des histoires de vie assez fracturées, il y a aussi parfois un encouragement social, et comme c'est le cas au Japon, évidemment avec le phénomène des ikikomori qui touche quand même plusieurs centaines de milliers de jeunes japonais. Je n'ai jamais très bien compris les chiffres d'ailleurs, parce que j'ai lu parfois 500 000 enfants, ce qui me paraît trop. On lit plus couramment 200 000, 300 000, en tous les cas il y a un phénomène social considérable dans les pays asiatiques, mais aussi parce que l'internet, parce que là on a du coup affaire à des jeunes qui sont permanents sur les réseaux sociaux, mais par contre qui sont dans la décorporation du monde, dans le détachement des autres, mais c'est difficile. Moi je n'ai pas de réponse évidemment, j'observe simplement en tant que sociologue que la vie sociale n'est pas forcément une valeur, d'ailleurs il faut le dire. Je crois qu'il y a encore quelques siècles, on pourrait dire, ces garçons ou ces filles auraient sans doute eu une vocation de spiritualité pour aller dans les monastères, les abbayes, etc. C'était encore une époque où on pouvait accueillir des hommes ou des femmes un peu en dissidence, un peu en rupture, qui ne se reconnaissaient pas vraiment dans le lien social. Aujourd'hui, on est plutôt dans un contexte, en effet, d'isolement, pas forcément de souffrance d'ailleurs, mais en tous les cas d'isolement, de refus du monde extérieur. Voilà.

  • Speaker #0

    Madame Maria Melchior, vous voulez...

  • Speaker #5

    Oui, alors, effectivement, c'est un phénomène qui est assez peu étudié en France. On connaît très bien au Japon, en effet. Ceci étant dit, en France, on commence à s'intéresser de plus en plus à certaines formes de retrait, comme ça, relationnel, chez les jeunes gens, notamment la phobie scolaire anxieuse. C'est-à-dire... Alors, il y a des jeunes qui décrochent de l'école pour plein de raisons différentes. Vous savez qu'il y a à peu près 100 000 jeunes par an qui... La scolarité sans un diplôme, c'est lié à divers types de situations, mais il y a aussi ce phénomène de phobie scolaire qui visiblement augmente. Alors peut-être qu'il augmente aussi parce qu'on le mesure mieux aujourd'hui et notamment depuis le Covid que précédemment. C'est sûr, je rejoins ce qui vient d'être dit, il y a une partie, et ce que vous disiez aussi, qu'il y a une partie des personnes pour lesquelles... La vie sociale n'a pas de sens en soi, n'a pas de valeur en soi et qui donc se met en retrait. Le problème c'est qu'évidemment pour les jeunes gens notamment, ça provoque un certain nombre de difficultés et ça a un coût, puisque c'est difficile de renouer ensuite avec une forme de scolarité plus tard. Il y a quand même, dans ce que montrent les études, dans la plupart des cas de ces jeunes qui s'isolent entièrement, Quelque chose comme de l'ordre d'une pathologie psychiatrique, je ne sais pas si vous serez d'accord avec moi, une pathologie psychiatrique anxieuse ou d'autres formes, des choses qui peuvent être liées à des maltraitances, etc., qui expliquent une forme de retraite.

  • Speaker #0

    Monsieur Giannakopoulos.

  • Speaker #6

    Je dirais que là, votre question touche quand même un sujet de préoccupation majeure aujourd'hui, c'est-à-dire la multiplication des personnes qui se réplient, des personnes jeunes, qui finalement c'est une tranche d'âge qui se situe entre pratiquement les 14 et 19 ans, c'est une tranche d'âge, qui peuvent désinvestir leurs études ou alors les suivre à minima et puis le reste du temps être devant les écrans et être chez eux. Alors, comme ça a été dit tout à fait justement, on ne peut pas dire qu'on n'est pas dans le champ de la psychiatrie, même si on n'est pas dans le champ de la souffrance psychique exprimée. Alors, il y a trois grands groupes là-dedans et puis ça dépend comment évidemment on essaye de les aborder parce que c'est des situations où les jeunes sont assez réfractaires à voir qui que ce soit. Et vu qu'ils ne font pas de bruit, Et les parents sont désarmés parce que vous n'avez pas la situation de quelqu'un qui cache à la maison, qui commence à devenir provocateur ou qui prend les substances, ce qu'on connaissait aux années 80, ce n'est pas du tout ça. Donc il y a un pôle, ça a été aussi souligné, c'est ce qu'on appelle le pôle anxieux, c'est-à-dire des personnes qui n'ont pas seulement le problème du lien avec les écrans, mais aussi une approche très anxieuse de l'existence, c'est-à-dire l'autre autant qu'une menace. et donc la volonté de contrôler à travers le monde virtuel. Il y a une autre catégorie, qui est une catégorie, et on les prend en charge, on essaye d'entrer en matière par rapport à ça, qui ont développé une vraie addiction à sa substance, c'est-à-dire où leur vie tourne autour de la possibilité de faire un minima à l'école si possible pour entrer vite et se remettre dans le virtuel. Et il y a une troisième catégorie qui sont des personnes qui sont quand même beaucoup plus perturbées, ce qu'on appelle les prémices des décompensations psychotiques. Ce sont des gens finalement qui ont une altération à bas bruit du rapport avec la réalité, qui ne devient pas bruyant dans le sens d'un passage à l'acte, de la violence, de la provocation ou de l'auto-agressivité. mais qui s'éteignent peu à peu et à un moment si quelqu'un les approche et les expose dans la société vous voyez des tableaux qui flambent complètement donc c'est inquiétant parce que ça prend des proportions ça prend des proportions et on n'arrive pas facilement à le saisir ce qu'on a essayé de faire et c'est l'expérience qui a été faite de dire parce que toute l'Europe est touchée du sud au nord aujourd'hui les pays scandinaves et aussi c'est une approche qui a été qui commence à être implantée aujourd'hui en Allemagne aussi, en Suisse, c'est de dire qu'on commence à avoir des consultations spécialisées et finalement des lignes où les parents peuvent appeler et on essaye à travers les conseils aux parents de faire venir les jeunes à des consultations en lien essentiellement avec le problème d'addiction aux écrans. C'est une porte d'entrée qui est plus facile à aborder. Ça a été décrit avant aussi. Vous savez, les personnes anxieuses ont beaucoup de peine à être confrontées à un milieu qui est anxiogène. Ça commence par la phobie scolaire quand on est très petit, mais ça peut arriver à se replier parce que l'extérieur ne peut nous amener que des ennuis. Et donc, confronter les personnes juste à leur anxiété, souvent, ça abat un repli encore plus important. Donc la manière de faire, une manière de faire, ce serait de se centrer sur... ce qu'on appelle, le grand groupe aujourd'hui, ce qu'on appelle les addictions sans substance, qui prennent une proportion, et là alors, du coup, on a une proportion inquiétante chez les jeunes, chez les adolescents, et même chez les jeunes adultes jusqu'à 22 à 25 ans.

  • Speaker #0

    Oui, David Le Breton, juste avant la question suivante.

  • Speaker #4

    Je voulais dire qu'on est davantage dans une rupture sociale que dans des questions psychiatriques, de mon point de vue, c'est un phénomène sociologique absolument considérable aujourd'hui, que ce retrait du monde. Je voudrais dire aussi que pour moi, d'un point de vue anthropologique, il s'agit d'un sas, il s'agit de se mettre un peu en retrait. Dans les recherches que j'ai pu mener, il y a toujours un retour, mais un retour qui peut prendre deux ans, trois ans, quatre ans, on le voit très bien d'ailleurs au Japon, c'est une période provisoire, qui exige évidemment que pendant ce temps ces jeunes soient protégés. Je ne vois pas forcément une connotation psychiatrique ou médicale dans ces questions-là. qui renvoient davantage au fait que ces jeunes ne se reconnaissent pas dans le monde qui les entoure. Et chez les ikikomori japonais, ce sont souvent d'ailleurs des phénomènes de harcèlement, de violence à l'école et autres. Donc il y a aussi de bonnes raisons souvent de se mettre à l'écart.

  • Speaker #0

    Merci. La question suivante s'il vous plaît.

  • Speaker #7

    Oui bonjour, j'aimerais faire un tout petit témoignage et poser une question. J'ai un frère schizophrène depuis bientôt 30 ans, donc ça a évolué je sais depuis 30 ans, mais il y a 30 ans, quand on le mettait en isolement, dans une chambre où il n'y a rien, comme vous le savez, moi je le vivais très mal en tant que sœur et la famille, parce qu'on ne nous expliquait pas à cette époque pourquoi c'était bien pour lui peut-être. Mon frère a réussi à nous rassurer en nous disant que quand il était en phase maniaque, qu'il faisait des bêtises, on va dire, que c'était bien, que ça le reposait, que ça lui faisait du bien, mais que c'était trop long, qu'on le laissait trop longtemps enfermé. Je vous la joue courte parce que... Il a refait des bêtises en France, il était soigné en France. Il est parti en Allemagne parce qu'il était amoureux d'une Allemande. Il s'est isolé de lui-même, comme vous disiez, en pleine nature, pour se couper du monde, pour ne plus avoir affaire à l'hôpital français, qui fait comme il peut, mais qui ne fait pas très bien, de la police, etc. Il est devenu parano, il s'est prostré. Pour moi, ça a été le pire moment de sa vie pendant plus de deux ans. Il a refait une bêtise. La police allemande n'est pas drôle, elle est moins drôle qu'en France, parce qu'en France on lui trouve toutes les excuses. En Allemagne on l'a mis en prison. La famille, notamment moi, j'ai dit surtout qu'il fallait qu'on le laisse en prison parce qu'il voulait aller en prison depuis 30 ans et qu'il fallait que ce soit lui qui dise qu'il était malade. Comme c'est un grand malade et qu'il est très très intelligent comme tous les grands malades, il est resté en prison. Ils se sont rendus compte qu'il était malade, ils l'ont mis en hôpital psychiatrique. Et ma question, c'est qu'en Allemagne, ils m'ont l'air beaucoup plus intelligent qu'en France, et je ne comprends pas pourquoi les Français qui se disent intelligents ne prennent pas ce qu'il y a de bien en Allemagne. C'est-à-dire qu'en Allemagne, on met mon frère en isolement pas longtemps, quelques heures. Il a le droit de téléphoner à sa famille, même quand il est en isolement, s'il a envie. On nous donne des nouvelles. Il sort au bout d'une journée, deux journées. Il a des niveaux. Il est super content. En ce moment, il est niveau 5. Il aura le droit à son portable quand il sera niveau 7. Quand il fait une connerie, il redescend. Mais il comprend. Il a 51 ans aujourd'hui. Pas aujourd'hui, mais 51 ans. Pourquoi on ne prend pas ce qu'il y a de bon chez les Allemands ? C'est ça, ma question.

  • Speaker #0

    Alors, pour compléter votre question, madame, je préciserai juste qu'en France, il y a un contrôle par le juge de la mise à l'isolement et également de la contention. Donc, en France, quand il y a 12 heures de mise à l'isolement, il y a un contrôle du juge qui est prévu. Et quand il y a 6 heures de contention, ce sont des périodes cumulées, il y a un contrôle du juge qui est prévu également pour la garantie de la liberté de l'individu. Alors, bien sûr, il y a beaucoup de dérogations. Et est-ce que je... peut dire également, c'est qu'il y a, et peut-être que Mme Liber va nous informer là-dessus, et puis M. Giannakopoulos également, une grande disparité en France même des pratiques en fonction des services et bien sûr en fonction des moyens, parce que l'isolement, c'est une mesure peut-être thérapeutique, mais c'est peut-être aussi une mesure qui est liée parfois, malheureusement, au manque de moyens. Mme Liber ?

  • Speaker #1

    Oui, alors moi je vais revenir. sur la situation de votre frère. En fait, dans le secteur où je travaille, on ne pratique pas l'isolement. On fait plutôt de l'apaisement par la communication non violente. Tout le personnel est formé, en fait, pour ça. Il y a des secteurs en France où, effectivement, on respecte les droits des personnes. Ils peuvent conserver leur téléphone, effectivement. la personne elle rentre aujourd'hui, demain elle demande une permission de sortir, si on lui accorde la permission. Sachez que ça existe en France, mais je suis tout à fait d'accord avec vous, c'est que c'est vraiment trop peu nombreux, c'est pas assez étendu.

  • Speaker #0

    Je pense, si je ne me trompe pas, quand vous avez fait référence au niveau 5 et 7, je vois un peu de ce que vous parlez. C'est une situation très différente par rapport à la France, puisque ici vous parlez exactement de l'interface entre la prison et les soins psychiatriques. C'est-à-dire les personnes qui sont en Allemagne, qui peuvent être, on l'avait dit hier, qui peuvent être en prison et qui ont une pathologie psychiatrique, suivent par la suite. peuvent être accueillies dans des structures qui sont assez équivalentes à ce qui existe en Suisse. C'est-à-dire que la structure que moi je dirige, c'est-à-dire des hôpitaux forensiques où il y a des approches structurées liées à la diminution du risque. C'est ce que vous avez décrit. C'est-à-dire qu'il y a des paliers qui permettent à l'individu progressivement de prendre plus de liberté. Cependant, et ça c'est un élément important, ces structures-là, dans la plupart des landais en Allemagne, sont des structures... à l'intérieur du monde carcéral, c'est-à-dire cette structure coordonnée avec la sécurité. Ce n'est pas du tout la même situation qu'un hôpital psychiatrique classique. C'est-à-dire nous on le voit très bien en Suisse, il y a les hôpitaux psychiatriques classiques, et évidemment il y a une population qui peut être quelque part à cheval et mettre en échec les deux systèmes, c'est-à-dire des personnes qui ont une pathologie psychiatrique si importante, que si vous les mettez en prison classique. Il y a de la souffrance et une impossibilité de soins. Et si vous le mettez à l'hôpital psychiatrique, très rapidement il y a des actes de provocation, des actes transgressifs qui font que les soignants ne savent pas très bien quoi faire. Et c'est des situations qui peuvent mettre à mal les deux mondes. En Allemagne, c'est l'optique des mesures en réalité, des mesures thérapeutiques selon le code pénal. En Allemagne, en Suisse, et comme je disais hier, c'est valable aussi en Hollande et en Scandinavie. Il y a la possibilité de créer des structures mixtes qui sont quand même très coûteuses, mais qui en même temps garantissent ce type de travail pour les personnes qui ont des profils très particuliers. Parce que sinon, évidemment, l'hôpital psychiatrique classique a ses limites. Ce que vous avez décrit par rapport aux juges et la possibilité de libérer des placements à des fins d'assistance, ça peut bien sûr être fait, mais souvent ce type de situation, c'est des situations qu'il faut suivre en très long cours. Et ce n'est pas juste une hospitalisation après la personne sort, va dans un secteur et continue sa vie. C'est des situations qu'il faut suivre de manière très attentive parce que l'exposition personnelle, mais aussi l'exposition en termes de passage à l'acte dans la société est très grande.

  • Speaker #1

    Merci. On va prendre la question suivante.

  • Speaker #2

    Bonjour. Merci d'abord pour toutes ces interventions qui sont extrêmement diverses. Pour me situer, je suis mère d'un garçon de 24 ans qui a une schizophrénie. Par ailleurs, je suis journaliste et je viens d'achever une série de podcasts qui s'appelle Gueule cachée, au cours de laquelle j'ai rencontré et interviewé des personnes qui ont des troubles psychiques extrêmement diverses pour entendre de l'intérieur ce que peut vivre chacun. Et je dirais que le fil rouge dans ces rencontres, c'est effectivement l'isolement. Je vous remercie d'avoir pointé la question de l'isolement choisi, subi, en tout cas désiré. Ma question porte sur ce qu'est ce qu'on fait de cet isolement, et notamment en sortie d'hospitalisation. Beaucoup de choses ont été faites, qui nous ont été très bien décrites. L'ARS a développé beaucoup de projets. Qu'est ce qui est fait pour que les familles puissent sortir de cette espèce de défiance qu'on traîne depuis des années ? dans le secteur de la dictologie en particulier, mais la dictologie n'est jamais très loin de la psychiatrie, et dans le secteur, merci d'opiner du chef, dans cette espèce de cloisonnement qui fait qu'un jeune qui sort d'hospitalisation va se voir proposer plusieurs choses, plusieurs intervenants, effectivement parfois à domicile, de façon très clairsemée. Sans que du côté de la famille, la famille n'est pas associée en fait, elle ne sait pas comment accompagner. J'ai été heureuse d'entendre ce mot-là aussi tout à l'heure. Comment est-ce qu'on accompagne le désir d'isolement qui est tout à fait légitime parce que c'est un besoin dans certains cas pathologiques. Comment est-ce qu'on accompagne ce désir d'isolement ? Un, en associant la famille et deux, en donnant plus de clarté sur les différents intervenants. que ce soit en addicto, que ce soit en sociabilisation, en réhabilitation. Dernière question, comment on associe aussi le désir de la personne elle-même ? au sens où voilà moi j'ai un fils de 24 ans qui en a proposé une séance de ping pong une fois toutes les semaines c'est un garçon qui effectivement plus au sportif mais qui aimerait faire de la création musicale qui en fait déjà et quand on lui a demandé pourquoi il voulait faire ça est ce qu'il aurait la patience d'attendre que en fait il faut d'abord qu'il montre qui va être assidu à ses cours de ping pong pendant je sais pas combien de temps et à ce moment là peut-être qu'on lui proposera un atelier de création sonore ou Voilà, enfin pardon, c'est peut-être un peu confus. Ma question c'est comment est-ce qu'on donne plus de clarté, de visibilité et comment on entend les demandes et les désirs du patient lui-même ? Merci.

  • Speaker #1

    Madame Pain.

  • Speaker #3

    Je vous rejoindrai sur la difficulté actuelle. C'est-à-dire, on va prendre votre dernier item, l'autodétermination. Vous avez un handicap psychique ou un handicap physique, tout le monde prône l'autodétermination à choisir sa vie. Vous avez une maladie mentale. ou un problème d'addiction, là vous n'êtes plus tout à fait dans l'autodétermination. C'est-à-dire que vous aurez droit effectivement à la création musicale si vous faites d'abord du ping-pong. Donc il y a peut-être un croisement qui est en train de se faire, puisqu'en fait si on veut bien, et c'est un petit peu ce qu'on voit poindre comme politique publique, quelle différence y a-t-il entre un handicap psychique un handicap neurologique, un handicap physique et un handicap à être peut-être dans la société du fait d'une maladie mentale qui vous rend isolé. C'est la même chose. Donc l'autodétermination, c'est quelque chose qu'on demande maintenant aux gens qui font des programmes de réhabilitation post-addiction, post-maladie mentale. On doit laisser le choix aux gens, mais c'est valable dans plein de domaines. J'interviens régulièrement pour rappeler... Lorsque je suis saisie que si la personne ne veut pas tel type de soins, c'est aussi son droit. Enfin, on est quand même libre dans notre société. Parce qu'on a le même problème que les personnes en situation d'obésité massive. C'est malade mental, obèse, massif, c'est les mêmes choses. Moi, je m'occupe des deux sujets. Pour moi, il y a beaucoup de liens. Et effectivement, il faut qu'on puisse accompagner. Après, pour les familles, les accompagnants. Nous essayons, et là on est en train de rediscuter avec l'UNAFAM, de donner plus de poids aux associations. C'est-à-dire que vous avez des associations qui s'occupent, comme l'UNAFAM, d'accompagner les personnes aidant-familiaux de personnes en situation de maladie mentale. Elles ont beaucoup moins de poids qu'une association de diabétiques. Les associations françaises de diabétiques, elles vont pouvoir influer sur les politiques publiques. Les associations qui s'occupent de maladies rénales, elles vont influer, elles vont dire mais nous on veut ça, on veut ça Et comme la maladie mentale est encore un peu stigmatisée, l'addiction est encore stigmatisée, ces associations à la fois de patients, d'anciens patients, mais de patients et de familles de patients, elles sont peut-être pas au... aussi bien entendu qu'il le faudrait. Et ça, je vous rejoins tout à fait. Donc, nous, on essaie de faire le parallèle. C'est pour ça, moi, je dis, je m'occupe des parcours de soins. Mais je ne fais pas de distinguo entre l'Association française de diabétiques, l'Association de l'UNAFAM. Pour moi, c'est un problème de santé. Je citerai Canguilhem, que j'apprécie beaucoup. La maladie, c'est quoi ? C'est un parcours de vie. Avant d'être malade, on est malade, et puis on continue post-malade, puis après on est nouveau-nouveau malade, enfin, c'est notre vie. Et donc, je vous rejoins, il faut absolument que les associations de patients, les associations de familles, se fassent entendre, se constituent, mais pour qu'elles se fassent entendre, c'est pas facile, et je vous en remercie, madame, de dire, je suis maman d'un quelqu'un qui est schizophrène. Il y a encore 15 ans, les gens ne le disaient pas, en cachet. On ne disait pas qu'on avait un enfant schizophrène. On peut avoir un enfant schizophrène, on peut avoir un enfant qui souffre de diabète, on peut avoir un enfant, et on doit être entendu au même titre. Donc c'est ce qu'on essaie de prôner, nous, en politique publique. Mais, comme je l'ai dit tout à l'heure, il faut que la société nous aide. C'est-à-dire que c'est pour ça que je suis là, pour dire qu'il faut entendre les associations de patients, dire que ça ne va pas à la contention. et avoir le même respect pour ses problèmes de pathologie mentale que pour celui qui est diabétique. On n'a pas forcément... Disons que dans la souffrance, qu'elle soit psychique ou physique, il n'y a pas de... c'est plus important, c'est moins important. Alors tout le travail qui a été fait sur le handicap... Je pense qu'il faut le faire maintenant sur les maladies mentales, en termes de destigmatisation de la société. D'où les contrats locaux de santé mentale, d'où les nuits de la santé mentale, d'où ce soir la nuit de la psychiatrie. Comment ? Les sismes, enfin plein de dispositifs, mais c'est aussi un message à porter dans la société. On ne peut pas, les professionnels de santé, les gens qui se quittent de politique publique, c'est la société qui va faire qu'on va pouvoir progresser. Je vous soutiens, n'hésitez pas à le redire. Et puis je vous dis, c'est une discussion qu'on a actuellement avec l'UNAFAM sur ce sujet.

  • Speaker #1

    Madame Melchior. C'était juste pour réagir à ce que vous dites et en écho à ce que disait Madame. C'est que ça demande quand même qu'il y ait une diversité de types d'approches et d'activités qui soient proposées aux personnes. Je ne sais pas si c'est des questions de moyens ou de la manière dont on aborde. le rétablissement, la manière dont les personnes peuvent faire différentes choses au cours de leur vie, y compris quand elles ont eu un trouble psychiatrique et qu'elles ont dû être hospitalisées. Mais déjà, il faut le penser que tout le monde ne veut pas faire du ping-pong. Et ça veut dire probablement déployer des moyens qu'on ne déploie pas suffisamment, avec des intervenants qui ne sont pas que des intervenants médicaux, évidemment. Vous avez parlé des psychologues qui recréent du lien dans les structures, j'ai trouvé ça extrêmement intéressant, c'est-à-dire qu'en réalité, il y a des espaces et des opportunités à créer. Et je crois que justement, on a peu d'évaluations vraiment evidence-based, mais tout ce qui relève de la prescription sociale, c'est un petit peu cette idée-là, c'est-à-dire que les personnes avec leur entourage proche peuvent identifier... des activités ou des types de choses qu'elles aimeraient pouvoir faire, qu'elles aimeraient pouvoir déployer et que les professionnels de santé accompagnés par d'autres professionnels, des médiateurs, des psychologues, des éducateurs, etc. sont à même de les aider à construire ces projets-là, mais on en est encore très très loin. Monsieur Giannakopoulos.

  • Speaker #0

    Oui, peut-être j'ajouterais sur cela qu'il est très important de faire la carte, c'est-à-dire que les réponses génériques ont relativement peu de pertinence quand on parle des cas individuels, surtout quand il s'agit des personnes qui souffrent de schizophrénie, parce que l'évolution de la maladie, ce qu'on appelle l'histoire naturelle de la maladie, peut être extraordinairement différente. Comme vous avez parlé de l'isolement, qui est un isolement voulu, il y a des personnes qui peuvent rester avec un très haut niveau de méfiance, être très peu preneurs d'interventions sociales, de possibilités d'être davantage accompagnées, vivre ça comme une menace. Il y a d'autres personnes qui peuvent perdre leur capacité assez rapidement sur le plan cognitif. Dans ce cas, il faut évidemment ajuster ce qu'on offre par rapport à ce que l'autre peut prendre. Et il y a des personnes qui peuvent garder des très bonnes capacités en dehors des phases plus critiques qui nécessitent parfois l'hospitalisation. Et dans ce cas, vous avez une autre possibilité de renforcer le lien social. Donc, j'ai envie de dire que dans mon expérience... Le vrai problème d'une politique publique et des politiques publiques dans différents pays, c'est la capacité de passer d'une affirmation ou même des structures qu'on met en place de manière générale à la déclinaison individuelle qui nécessite quelque part un travail minutieux sur le terrain et donc faire des surmesures. D'habitude, ce qu'on met en place, quand on arrive, quand on a des moyens, c'est plutôt des productions industrielles. Mais dans des situations comme cela, il faut faire du sur-mesure. Et ça, c'est coûteux en énergie, coûteux en moyens et nécessite une collaboration de tous les réseaux.

  • Speaker #1

    Alors, on va prendre une dernière question et je repasserai la parole à chacun des membres de cette table ronde pour soit y répondre et ou conclure. Madame, nous vous écoutons.

  • Speaker #4

    Bonjour. Alors, j'ai l'impression de peut-être être hors sujet, mais j'ai quand même... poser mes interrogations, enfin vous les partager. Je suis médecin et mon parcours professionnel fait que je suis médecin au sein de l'éducation nationale aujourd'hui. Et dans l'éducation nationale, on a bien conscience qu'un enfant en bonne santé apprend mieux et qu'un enfant qui apprend bien sera sans doute en meilleure santé plus tard et que la santé a bien trois composantes, physique, mentale et sociale. Et je m'interrogeais au vu des différents indicateurs de détérioration de la santé mentale des jeunes et l'importance du lien social pour la bonne santé mentale, si les politiques... prise au sein de l'éducation nationale était finalement générateur d'une bonne santé mentale avec l'apparition de ces groupes à niveau, ces groupes de besoin en sixième, cinquième, ces options en première avec différents groupes et en terminale. Donc je m'interrogeais si, même si on va développer les compétences psychosociales dès le plus jeune âge, et on espère, et tout au long de la scolarité de l'enfant, si au final, ce n'était peut-être pas contre-productif. Et la deuxième interrogation, c'est que la santé mentale des jeunes, il y a un vrai focus dessus, et bien sûr que nous sommes pleinement intéressés. Mais peut-être qu'on ne parle pas assez souvent de l'aspect positif et des jeunes qui vont bien, parce qu'au final, si je suis adolescent, je ne vais pas bien. Si je vais bien, est-ce qu'au final, je suis normale ? Et est-ce que nous ne sommes pas responsables, nous, adultes, entourant ces jeunes et ces enfants, de finalement, en voulant les surprotéger d'un monde difficile, et qu'on peut comprendre anxiogène pour nous, mais aussi pour eux, on va peut-être favoriser leur isolement social en leur permettant de rester à la maison pour ne surtout pas avoir de problèmes dehors. Et donc, on va les autoriser à regarder les écrans, pas que forcément les réseaux sociaux. Et est-ce qu'on n'est pas responsable, nous, adultes, de cet isonnement social qui va avoir des répercussions sur la santé mentale des jeunes ?

  • Speaker #1

    Je repasse la parole à chacun qui se saisira de ces questions, ou pas. Je vous demanderai de conclure, ce sera la dernière intervention. Madame Melchior. Merci beaucoup pour ces deux questions. Je souscris absolument à ce que vous avez dit sur les deux points. C'est-à-dire qu'on peut vouloir mettre en place des politiques publiques pour faire de la prévention, les compétences psychosociales par exemple. accompagner les gens qui ont déjà des troubles psychiques ensuite pour recréer du lien social mais en réalité il y a une... enfin en santé publique il y a un principe qui est issu de la commission sur les déterminants sociaux de l'OMS qui a été présidée il y a une vingtaine d'années par Michael Marmot qui est de dire qu'en réalité pour réduire les... pour agir sur les déterminants sociaux de santé et agir les inégalités et pardon réduire les inégalités En fait, il faut introduire de la santé dans toutes les politiques publiques et essayer de les examiner à l'aune de leur impact sur... c'est-à-dire examiner les politiques publiques à l'aune de l'impact qu'elles peuvent avoir sur la santé et sur les disparités qu'il pourrait y avoir entre différents groupes en termes de santé. Ce que vous avez mentionné sur la réforme, les différentes réformes mises en place récemment de l'éducation nationale va complètement à l'encontre, évidemment, de l'idée de créer du lien entre les élèves. Merci. A ma connaissance, pas d'évaluation sérieuse de l'impact, par exemple, du changement du baccalauréat, le fait d'avoir complètement explosé les groupes classe au lycée, par exemple, et d'avoir complètement mis l'accent sur l'accompagnement, les projets individuels, ce qui en plus à cet âge-là est quand même très souvent... Enfin, je ne sais pas comment dire, ça questionne, disons, pour ne pas dire autre chose. Sans parler de Parcoursup, alors Parcoursup n'étant pas un problème en soi, mais le problème c'est la compétition et les difficultés d'accès à l'enseignement supérieur. qui crée là aussi plutôt vraiment de la pression à l'échelle individuelle plutôt que de l'entraide et du collectif. Donc je pense que l'éducation nationale aurait intérêt à évaluer l'impact de ces politiques sur la santé mentale des jeunes. Sur les jeunes qui vont bien, je suis aussi complètement d'accord avec ce que vous avez dit, dans le sens où, par exemple, dans la prévention du tabagisme, on s'est rendu compte qu'à force de dire 50% des jeunes fument, que... Et en fait, ça normalisait complètement le fait que c'était tout à fait normal de fumer quand on était adolescent. Et il se trouve que le tabagisme diminue chez les adolescents. Mais en fait, il faut leur dire mais non, il y a un jeune sur deux qui ne fume pas. D'autant que quand on fume, on a l'impression que tout le monde autour de soi fume également. Et donc, en fait, ça crée la norme. Donc, on en reparlera peut-être tout à l'heure. Mais bien sûr, il faut dire qu'il y a énormément de jeunes qui vont bien, qui ont des projets, qui trouvent du sens dans leur vie. Et qu'on peut tous avoir des moments... de passage à vide, mais la pathologie mentale et les troubles psychiques, c'est quand même encore autre chose, et qu'il ne faut pas non plus complètement surréagir à tout. Et dernier point, parce que je ne veux pas non plus prendre trop de temps, J'ai échangé il n'y a pas très longtemps avec un collègue pédopsychiatre qui travaille au sein de l'équipe sur cette question de la phobie scolaire et de pourquoi est-ce qu'on trouve cette augmentation. Il y a certainement plein de choses qui ont changé dans l'environnement des enfants, mais effectivement le rapport entre les enfants et les parents, la manière dont les parents réagissent quand un enfant va mal, a aussi probablement changé, et peut-être notamment au cours de la pandémie de Covid. C'est-à-dire que... Comme disait ce collègue pédopsychiatre, il s'est rendu compte que pendant la pandémie de Covid, évidemment les enfants n'allaient pas à l'école, les lycéens c'était variable, etc. Et que ça a un tout petit peu normalisé le fait que parfois on ne va pas à l'école, c'est comme ça, c'est quelque chose qui n'est pas complètement anormal. Et donc c'est plus facile pour les parents maintenant de dire à un jeune qui dit j'ai pas envie d'aller à l'école, j'ai mal au ventre, j'ai mal à la tête, j'ai peur, ça se passe pas bien de dire, bon, écoute, puisque c'est comme ça, tu restes à la maison et on verra après. Et ça, c'est peut-être aussi quelque chose qu'il faudrait requestionner et essayer de travailler pour ne pas créer de cercles vicieux de mal-être et isolement. Merci. David Lomreton.

  • Speaker #5

    Oui, je prolonge votre propos sur la surprotection de l'enfant qui aboutit évidemment à une fragilisation du rapport au monde. Il y a une recherche d'ailleurs britannique qui est absolument passionnante sur quatre générations d'enfants de 8 ans. La première génération, donc dans les années 20-30, marchait 10 kilomètres autour de la maison. Et puis plus on avance vers le temps, plus il y a une diminution du nombre de kilomètres parcourus. Aujourd'hui, 300 mètres. Je crois que tout est dit dans ce genre d'expérience, de la même façon d'ailleurs... Les enfants d'aujourd'hui, enfin les adolescents d'aujourd'hui, courent à 800 mètres en 4 minutes, alors qu'il y a une quinzaine d'années c'était 3 minutes. Donc on voit qu'en termes de santé publique, il y a quand même une perte absolument considérable. Mais cette sédentarisation de l'enfant, de l'adolescent, cette humanité assise, comme je dis souvent, amène évidemment à une accentuation du recours au portable. Alors on n'a plus le temps de développer, mais je pense qu'il est essentiel au plan pédagogique aujourd'hui de développer des activités de pleine nature, même chez les tout-petits évidemment, pour qu'ils apprennent le nom des arbres, des oiseaux, etc. Puisque des recherches montrent d'ailleurs que des enfants connaissent des centaines... Aux Etats-Unis, ils connaissent mille logos de marques commerciales, ils sont incapables de discerner un chêne d'un... d'un freine à côté ou autre. Donc voilà, il faut absolument développer. De la maternelle à la fin du lycée, c'est sorti dans les forêts, dans les montagnes, à la mer ou ailleurs, selon les géographies où l'on est, pour que les enfants lèvent les yeux de leur téléphone portable. Même s'ils n'y passent pas tout leur temps, je sais bien, mais quand même.

  • Speaker #1

    C'est aussi ce que nous disait Maya Garatier hier sur la table ronde facteurs environnementaux et santé mentale, y compris même chez les tout petits bébés. M. Giannakopoulos.

  • Speaker #0

    Je pense que vous posez des questions qui mériteraient un forum en soi. En réalité, qu'est-ce qu'on offre aux jeunes ? Qu'est-ce qu'on attend d'eux ? Et qu'est-ce qu'on fait de ceux qui vont bien ? Qu'est-ce qu'on fait de cela, de cette information ? Il faut tenir compte qu'on est face à un changement de paradigme. qui est assez fondamentale dans nos sociétés actuellement, c'est la perte des repères par rapport aux certitudes. Et ça concerne les parents plus que les enfants. C'est-à-dire qu'on a vécu longtemps avec des certitudes qui étaient basées sur la reconnaissance des bons et des mauvais. Ce qui était le cas, j'entends, pour les plus anciens, ceux qui avaient vécu à l'époque de la séparation entre les... Les communistes et de l'autre côté l'Europe occidentale, quand on avait toujours des repères qui sont des repères idéologiques, on pourrait épouser une cause ou une autre, mais on était obligé d'épouser une cause. Les grandes idéologies structurantes et les institutions structurantes ont connu quand même une régression massive les derniers 30 ans. Donc évidemment, de l'autre côté, le paysage est devenu de plus en plus confus, c'est-à-dire avec des changements et des courants antithétiques. et aussi par certains aspects fondamentalement coadductoires. C'est-à-dire, en même temps, on peut... C'est peut-être d'actualité, mais ça illustre bien le propos. On peut en même temps promouvoir et devenir des apôtres d'un côté de l'inclusivité. Et 15 jours plus tard, 3 semaines plus tard... On paie tous les financements sur l'inclusivité suite à l'élection du président des États-Unis. Pour un jeune, pour les jeunes en général, vivre avec ce type de changement très rapide, l'insécurité ambiante et la confusion qui nous entoure et qui les entoure, est extraordinairement difficile. Au niveau de l'éducation, on a tout essayé. D'ailleurs, la Suisse a un très bon laboratoire là-dessus. On a essayé... La permissivité totale, c'est-à-dire de dire non, il n'y a pas de limite, il faut suivre le rythme de l'enfant, pas de notes, pas d'évaluation, essayer d'être les protégés le plus possible de ce qui peut être une compétition rude. Après, on a complètement changé de fusil d'épaule, revenir de quelque chose qui est beaucoup plus structuré, avec des évaluations, parce qu'on avait l'impression que c'était devenu n'importe quoi. Est-ce que véritablement, en termes de santé mentale, On a mesuré les répercussions d'une approche ou d'une autre, la réponse est non. On tâtonne. On tâtonne en réalité en prenant une optique ou une autre optique en termes de politique sans savoir très bien à qui on s'adresse et comment ils vont se développer là-dessus. Les individus, ce qu'ils vont faire le lendemain de cette société. Alors qu'est-ce qu'on attend ? J'ai l'impression qu'on attend des choses qui peuvent être très contradictoires par rapport aux enfants. J'aborde dans votre sens le déqueu. Et dans mon expérience de clinicien aussi, souvent les parents ont la tendance de dire Mais dans un monde qu'on commence à comprendre de moins en moins, il faut les protéger. Et donc on voit, et ça c'est un phénomène qui a été très bien attesté par les études, des jeunes qui restent aujourd'hui dépendants, financièrement, socialement et du bonheur familial de leurs parents, beaucoup plus longtemps que par avant. Et la quête... de partir rapidement de la maison est devenue une sorte d'optasie qui n'a plus le lieu d'être. C'est-à-dire qu'on a des personnes qui restent de plus en plus longtemps par perte de repères, mais aussi par complicité bienveillante des parents. Après, il y a le troisième élément que j'essayais de dire avant, c'est-à-dire qu'on peut bien évidemment devenir tous, plus ou moins, des prophètes de l'Apocalypse. dire que les choses vont être détruites, que ça va être cosmogonique, qu'on va de mal en pire. Mais il est vrai, ce que vous avez dit est juste ce qui a été dit avant. Il y a un tas de jeunes qui n'ont ni pathologie psychiatrique, qui suivent les études, qui investissent le lien social, qui peuvent être présents avec les autres. Et j'ai envie de dire, avec un niveau d'intelligence et de pertinence, que moi... Et parfois, je dois dire, ça me sécurise par rapport à l'avenir. En même temps, ça donne un certain espoir et ça nous montre quand même que ce n'est pas une question ni d'intelligence, ni de dégénérescence morale. Absolument pas. Donc, ce type d'exemples, qui ne sont pas la minorité, qui ne sont pas la minorité, est complètement, je dirais, couverte par l'inquiétude diffuse. d'une société qui n'a plus les mêmes repères. Et donc notre observation, c'est centre sur ce qui a été dit avant, les jeunes qui restent à la maison et qui ne sortent pas, qui n'arrivent pas à tisser des liens, qui peuvent perdre leurs compétences, et ceci indépendamment de la santé mentale, indépendamment en tout cas de la pathologie psychiatrique plus la santé mentale. Donc c'est une vraie interrogation, on n'a pas les réponses, et je pense que ce sera le vrai enjeu de nos sociétés pour les années à venir.

  • Speaker #1

    Nous commençons à être pris par le... temps, donc je vais demander de resserrer votre propos de conclusion, Madame Pint.

  • Speaker #3

    Oui, alors je ne répondrai pas à la question, puisque c'est une question très compliquée. Je dirais juste pour conclure qu'en fait, on est peut-être, nous on le voit, en termes de positionnement de la société, cette société que vous dites un peu confuse, elle est aussi confuse sur les politiques publiques qu'elle doit mettre en place, parce que peut-être je me positionnerais comme citoyen aussi, et non pas comme médecin ou autre, c'est à nous de dire non. Nos jeunes, ils n'ont plus de repères, mais normalement, ce sont les jeunes qui changent le monde, ce n'est pas moi.

  • Speaker #0

    Donc j'attendrai de voir des jeunes qui peut-être sont dans une situation actuellement de se dire c'est quoi ce monde ? Ils ne sont pas tous atteints de pathologies mentales et moi j'espère avoir le temps de voir arriver une génération qui voudra de nouveau changer le monde et qui peut-être on est sur une période un peu interlope comme ça. Je le verrai comme citoyen parce qu'effectivement le monde n'est pas stable, les repères ne sont pas stables. Mais c'est peut-être un petit creux de la vague avant une évolution de la société, que comme citoyen je ne peux que percevoir peut-être, parce que je suis optimiste, le verre à moitié plein plutôt que le verre à moitié vide, et de se dire qu'il faut aussi voir ceux qui vont bien, ceux qui disent ben non, mais moi j'ai pas envie parce que ça m'intéresse pas et puis diminuer l'anxiété des parents. Parce que là actuellement, l'anxiété des parents c'est très très très difficile.

  • Speaker #1

    Merci Madame Liber pour terminer. Je ne vais pas répondre non plus à la question, elle a été largement examinée par les collègues. Moi je voudrais dire en fait que ce qui est important c'est ce poids de la stigmatisation qui pèse dans la société et je dirais que les politiques nationales doivent aller vers une déstigmatisation et en même temps elles doivent prôner justement la pratique de l'aller vers, c'est-à-dire... plus d'équipes mobiles, car on sait que les coûts d'hospitalisation et on sait que le parent pauvre de la santé, c'est la santé mentale, la psychiatrie. Donc, en fait, le coût de l'hospitalisation est très élevé et nettement moins élevé lorsqu'on soigne dans la cité. Merci à tous pour cette magnifique table ronde.

  • Speaker #2

    Et on se retrouve... À 14h pour comment définir la norme d'un être humain tout en nuances. A tout de suite.

Description

Forum Européen de Bioéthique 2025 : Santé Mentale & Bioéthique


Santé mentale et isolement


Grande précarité, enfermement carcéral, vieillesse et maladie mentale : l'isolement social est à la fois une cause et une conséquence des troubles mentaux. Dans un monde hyperconnecté, l'isolement de la personne humaine est paradoxalement en augmentation. Quels sont les effets délétères de l'isolement sur la santé mentale et quels sont les moyens de lutter contre ce phénomène ? Quelles stratégies peuvent être mises en place pour favoriser l'inclusion sociale et le soutien communautaire ?


Panteleimon Giannakopoulos, Professeur ordinaire au Département de psychiatrie de la Faculté de médecine, Médecin-chef du Service des mesures institutionnelles aux HUG, Directeur général de l'Office cantonal de la santé (OCS) du canton de Genève


David Le Breton, Professeur émérite de sociologie à l’université de Strasbourg, Membre senior de l’Institut Universitaire de France, Titulaire de la chaire « Anthropologie des mondes contemporains » de l’Institut des Études Avancées de l’université de Strasbourg (USIAS)


Yannick Libeer, Médiatrice de santé paire, pôle 59g21 (Déborah Sebbane, cheffe de pôle) EPSM Lille Métropole, Facilitatrice pour le centre de Lille dans la recherche action EDEN (Ecoute et Dialogue avec les ENtendeurs de voix)


Maria Melchior, Docteur en sciences (Université de Harvard), Directeur de recherche à l’Inserm


Laure Pain, Directeur de Projet Parcours, Direction de la Politique Médico-soignante, ARS Grand Est


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour, bienvenue pour cette nouvelle journée au Forum européen de bioéthique qui a pour thématique cette année santé mentale et bioéthique. Je vais laisser la parole à Maud Nizan qui va animer et modérer cette table ronde.

  • Speaker #1

    Bonjour à tous, donc cette table ronde qui s'intitule santé mentale et isolement. Nous sommes des êtres sociaux et nous avons besoin d'une connexion régulière avec les autres, d'interaction sociale. Ce qui en manque présente un risque accru de troubles psychologiques tels que l'anxiété et la dépression. Et une étude récente que je vous conseille qui est très passionnante. Une méta-analyse, comme on dit, qui parle des risques de diminution du niveau de vie, de l'espérance de vie, parle même de l'isolement social comme un facteur de baisse sensible de l'espérance de vie. Les personnes âgées sont bien évidemment les premières à souffrir de l'isolement social, mais ce ne sont pas les seules, puisque plus d'une personne sur cinq déclare se sentir souvent ou toujours seule. problématique intensifiée bien sûr par les confinements et les mesures de distanciation sociale. Il y a des études qui montrent que ce n'est pas la quantité mais la qualité des interactions sociales qui importent et les liens virtuels peuvent notamment s'avérer insuffisants parce que les interactions perdent en qualité. Raison pour laquelle passer beaucoup de temps sur les réseaux sociaux, qui portent en fait mal leur nom, et bien peut accroître le sentiment de solitude. Si l'isolement impacte de manière certaine la santé mentale, il est tout aussi certain que la pathologie mentale génère de l'isolement. Ce qui pose la question de la prise en charge des malades, y compris sur le versant de leur intégration dans la société. L'isolement est donc à la fois une cause et un symptôme de troubles psychologiques ou psychiatriques. Il peut résulter de la situation sociale des personnes, nous en parlerons, vieillesse, précarité, troubles psychologiques ou psychiatriques. Mais peut-être que nous parlerons également de ce que l'on isole par l'incarcération ou dans le cadre d'une hospitalisation. Et si parfois la mise à l'isolement est inévitable, on peut se poser la question de son impact sur la santé mentale des personnes concernées. On sait notamment que deux tiers des hommes et trois quarts des femmes sortant de détention présentent un trouble psychiatrique ou lié à une substance. On sait aussi que beaucoup d'entre eux avaient déjà des antécédents psychiatriques avant l'entrée en détention. Ça signifie que l'isolement carcéral génère de la pathologie mentale, mais également que l'on incarcère des personnes qui vont mal et dont le parcours de soins en détention est rendu bien évidemment difficile par l'incarcération. Et enfin, on évoquera l'isolement dans le cadre des soins psychiatriques, qui est une solution bien sûr de dernier recours, mais dont la pratique semble très hétérogène sur le territoire. Pour évoquer toutes ces questions, nous recevons une table ronde bien fournie aujourd'hui. Nous sommes un peu plus nombreux que d'habitude et je m'en réjouis. Nous écouterons tout d'abord Maria Melchior, qui est docteure en sciences, directeur de recherche à l'Inserm. Monsieur David Le Breton, professeur émérite de sociologie à l'Université de Strasbourg, membre senior de l'Institut universitaire de France, titulaire de la chaire Anthropologie des mondes contemporains de l'Institut des études avancées de l'Université de Strasbourg, et qui a récemment publié, entre autres, puisqu'il y a eu... Une production régulière de livres et récemment la fin de la conversation, point d'interrogation. Nous entendrons ensuite Pantelemon Giannakopoulos, professeur de psychiatrie, directeur général de l'Office cantonal de la santé du canton de Genève et directeur médical de la prison-hôpital pour détenus dangereux, Curabilis. Et enfin, Madame Yannick Liber, médiatrice de santé paire établissement public de santé mentale, Lille-Métropole. Je donne donc la parole pour démarrer cette belle table ronde à madame Maria Melchior. Nous vous écoutons.

  • Speaker #0

    Pardon, on n'a pas besoin du micro. D'accord, on l'a déjà. Super. Bonjour et merci beaucoup pour cette invitation. Non ? Non. Je crois qu'il y a une personne qui n'a pas été présentée.

  • Speaker #1

    J'ai oublié de présenter madame Laure Pain. Oui, parce que j'ai inversé, c'est pour ça l'ordre de passage. Excusez-moi. Madame Laure Pain, directeur de projet Parcours, direction de la politique médico-soignante à l'ARS Grand Est. Bienvenue, madame Pain. Je passe donc la parole à madame Melchior.

  • Speaker #0

    Bonjour et merci de cette introduction et merci surtout de votre invitation. Je suis ravie d'être parmi vous. Je suis épidémiologiste à l'Inserm et je travaille principalement sur les questions de déterminants sociaux en lien avec la santé mentale et les conduites addictives. Ce que fait mon équipe, c'est qu'on essaie de comprendre dans quelle mesure est-ce que différents aspects de la situation sociale des personnes influent sur leur santé mentale, mais aussi comment la santé mentale peut évidemment... modifier la situation sociale des personnes. Et donc je voulais commencer en vous donnant peut-être quelques éléments un petit peu généraux sur la manière dont l'épidémiologie aborde ces questions d'isolement social et de santé, de santé mentale en particulier. et dire peut-être en écho à ce qui vient d'être dit en introduction, qu'on distingue différents aspects des liens de sociabilité qui peuvent avoir des effets sur la santé. Tout d'abord, tout ce qui concerne les relations avec des membres de son réseau de sociabilité. Ça peut être des liens physiques, mais aussi des liens virtuels. Généralement, on considère qu'on a tous, chacun et chacune, des liens avec des personnes. qu'on peut croiser dans notre environnement familial, dans notre environnement professionnel, nos amis, mais aussi en dehors, dans le cadre d'associations ou de groupes de loisirs. Et ces liens de sociabilité sont extrêmement importants pour plein de raisons différentes, parce qu'ils nous permettent de nous situer par rapport à un réseau relationnel. Comme ça a été dit, nous sommes tous et toutes des animaux sociaux, voire des animaux politiques, si on s'en réfère à Aristote. La place qu'on tient au sein d'un réseau et d'un collectif est absolument importante pour nous permettre de bénéficier de reconnaissance, d'être en lien avec les normes. Ce sera aussi la thématique de la table ronde qui suivra, pour avoir un sentiment d'appartenance. Tous ces éléments sont évidemment très importants pour le bien-être et notre manière de nous situer par rapport aux autres. Les réseaux relationnels ont aussi un rôle très important pour nous permettre d'avoir accès à différentes formes de soutien social, que ce soit du soutien émotionnel ou du soutien matériel. Je vous dis des choses très évidentes, mais c'est pour vous expliquer juste un tout petit peu comment on conceptualise ces différentes notions dans le domaine de l'épidémiologie. Et ces différents aspects du réseau relationnel et du soutien sont à distinguer du sentiment de solitude, qui est beaucoup plus subjectif et qui peut, d'une part, déjà refléter un état de santé mentale dégradé, parce que quand on se sent seul, quand on se sent anxieux, déprimé, on peut se sentir très seul et ne pas être compris, même si on est entouré par d'autres personnes, et qu'objectivement, on a des interactions et des liens, des contacts avec d'autres personnes. Mais c'est aussi pour dire que... à la fois les déterminants de l'isolement et de la solitude, mais aussi les manières dont on peut réfléchir à comment rompre ces phénomènes, sont un petit peu différents et ne se réfèrent pas exactement aux mêmes choses. Donc, comme ça a été dit, on estime qu'environ 10% de la population française est isolée. Ça veut dire qu'elle n'a pas de lien régulier avec des personnes dans leur entourage, qu'ils soient amicales, professionnelles, familiales. Près d'un tiers des personnes ont en réalité un réseau relationnel dégradé, c'est-à-dire qu'en fait, évidemment, on peut n'avoir des liens qu'avec des personnes de sa famille, mais plus on a un réseau relationnel riche et composite, plus il y a une forme d'intégration sociale qui peut être bénéfique en termes de santé. Et à côté de ça, à peu près 20% des personnes se sentent seules, dont 83% ou un petit peu plus disent être en souffrance. du fait de cette solitude. Donc, vraiment, entre l'isolement et la solitude, il s'agit de deux choses un tout petit peu différentes. Et les politiques publiques sont probablement plus à même d'essayer de lutter contre l'isolement que contre le sentiment de solitude, même si on peut espérer que plus on lutte contre l'isolement et moins les gens se sentiront seuls, in fine. Alors, comme je vous l'ai dit tout au départ, moi, ce qui m'intéresse particulièrement, ce sont les liens entre différents aspects de la situation sociale des personnes et leur santé mentale. Et on sait que la situation socio-économique en particulier est un des déterminants principaux des problématiques de santé mentale tout au long de la vie. La précarité signifie, comme vous le savez sans doute, ce qu'on obtient par la prière. C'est une situation évidemment à la fois de pauvreté monétaire, financière, mais aussi de difficultés en termes de stabilité professionnelle, en termes de stabilité résidentielle, parfois en termes de stabilité relationnelle aussi justement avec des personnes... dans son entourage. Donc la précarité est très liée à différentes formes d'isolement. Ça se comprend évidemment, c'est-à-dire que si on est au chômage, par exemple, ou qu'on a une trajectoire professionnelle instable, ça peut avoir des effets néfastes sur les relations qu'on entretient avec des personnes de son travail. Si on a des difficultés financières, on est plus en difficulté pour entretenir une vie sociale. Je vous dis des choses assez évidentes, mais voilà. On ne choisit pas forcément, enfin très rarement, d'être isolé, même si peut-être que d'autres personnes auront un regard un petit peu différent sur cette question. Mais du point de vue de l'épidémiologiste, l'isolement qu'on espère pouvoir mesurer d'une manière assez objective, en interrogeant les personnes sur le nombre de contacts qu'elles ont sur une période donnée avec des personnes au sein de leur famille, de leur réseau relationnel et de leur cercle professionnel, et en partie liées à différentes formes de précarité. Il a été question des interactions virtuelles qui évidemment prennent une place très importante dans notre vie. Elles ne sont pas complètement négatives, ce n'est pas problématique en soi d'avoir des relations virtuelles via les réseaux sociaux, via différentes formes d'outils digitaux. Par contre, ces interactions digitales ne remplacent en rien des contacts qu'on peut avoir. On le voit, ne serait-ce qu'en étant ici, évidemment, tous autour de cette table. Et merci à tous ceux et celles qui sont dans la salle. On n'exprime pas les choses de la même manière. La communication, ce n'est pas uniquement le contenu verbal de ce qu'on échange. C'est aussi, évidemment, tout ce qui se dégage physiquement, tout le langage corporel et non-verbal. Et donc, évidemment, entretenir des liens virtuels ne remplace en rien le fait d'avoir des liens directs. des contacts physiques avec les personnes. C'est un sujet actuellement en particulier chez les adolescents, dont on voit qu'une partie a vraiment complètement basculé leur sociabilité sur les réseaux sociaux. Et les adolescents et les jeunes gens sont la population au sein de laquelle le niveau de solitude et l'isolement relationnel a le plus augmenté au cours de ces dernières années. Alors, juste un mot sur les liens qu'on connaît entre le fait d'être isolé, l'absence de soutien social. et le sentiment de solitude et la santé. Donc, Maud Nizan l'a dit en introduction, il y a des liens très forts avec la santé mentale. Un certain nombre d'études ont montré qu'être isolé correspond, alors c'est un tout petit peu abstrait, mais ça correspond en termes de santé à l'impact du tabagisme régulier tout au long de la vie. C'est-à-dire que le lien entre le fait d'être isolé sur le plan relationnel et le risque de maladies cardiovasculaires de dégradation du système immunitaire, de mortalité in fine. Le nombre d'années de vie perdues est à peu près équivalent au nombre d'années de vie perdues qu'on estime en lien avec le fait de fumer un paquet de cigarettes par jour au cours de sa vie. Donc c'est un effet très fort. Il y a quelques débats sur le fait de comparer l'isolement relationnel au tabagisme. A la fois, c'est une analogie assez puissante, c'est-à-dire qu'on voit à quel point la sociabilité est importante. au sein de notre vie et à quel point il faut essayer de favoriser la sociabilité mais aussi prévenir l'isolement. Disons que ce n'est peut-être pas aussi simple de prévenir le tabagisme non plus comme on le voit en France mais néanmoins, prévenir l'isolement et favoriser la sociabilité, c'est peut-être encore plus compliqué donc c'est une analogie qui a quelques limites. Néanmoins, il me semble qu'elle est assez parlante et qu'elle dit à quel point le tabagisme Le fait d'être en lien avec les autres est un élément essentiel de notre santé, puisque l'OMS définit la santé comme non seulement l'absence de maladie, mais aussi le fait de participer pleinement et activement à la vie et à la communauté. Le fait d'avoir des liens forts avec d'autres personnes en fait intégralement partie. Alors, comment créer du lien ? Évidemment, c'est une question très complexe et qui dépasse la plupart du temps. Il y a des choses qui peuvent être faites dans le cadre du système de santé quand même, et peut-être qu'on en parlera notamment dans le cadre des... C'est-à-dire tout ce qui peut être fait pour des personnes qui souffrent par exemple de pathologies psychiatriques, qui sont isolées et pour lesquelles on peut faire plein de choses évidemment pour essayer de favoriser leur insertion et leur intégration sociale. Donc il sera peut-être question de différents types de groupes d'entraide mutuelle par exemple, de la participation des personnes à des activités qui sont... d'activités qui dépassent le cadre spécifique du soin, mais qui permettent la participation sociale des personnes. Il est maintenant de plus en plus question de prescriptions sociales. Je ne sais pas si vous avez prévu d'en parler, mais c'est sans doute une nouvelle tendance où on va demander aux médecins de prescrire non seulement des médicaments et peut-être des psychothérapies, mais aussi différentes formes d'activités sociales qui peuvent permettre aux gens d'améliorer leur santé. Mais évidemment, les déterminants de l'isolement social dépassent largement le système de santé, comme beaucoup de déterminants de la situation sociale en réalité. Et donc là, il y a tout un plaidoyer en épidémiologie sociale sur ce sujet pour essayer d'amener aussi les décideurs à réfléchir, donc non seulement à ce qui peut être fait pour améliorer la vie des personnes qui ont déjà des problèmes de santé et se sentent isolées, mais aussi... Faire en sorte que les politiques de logement par exemple, de transports publics, d'aménagement du territoire, notamment l'accès à des structures pouvant être accessibles à tous et à toutes, des squares, des parcs, des bibliothèques, voilà c'est des choses sur lesquelles nous on a travaillé au sein de l'équipe, notamment l'accessibilité des espaces verts, permettent de créer des lieux en réalité, alors il ne suffit pas de créer des lieux, il faut aussi qu'il y ait des activités, que les gens puissent y accéder, et que beaucoup de choses soient faites pour que tout le monde se sente partie prenante de ces espaces. Mais néanmoins, il y a des choses qui peuvent être faites en termes d'aménagement pour favoriser la sociabilité et rompre l'isolement. Et puis, d'autres types de politiques auxquelles on ne pense pas forcément, tout ce qui concerne l'amélioration et le renforcement des compétences psychosociales à l'école, ce qui est une politique nationale maintenant, qui se met en œuvre d'une manière... Ça se met en œuvre. Favorisera peut-être aussi à long terme plus de liens. C'est-à-dire que c'est des programmes qui visent à aider les élèves à apprendre à exprimer leurs émotions, gérer les conflits, créer des liens. C'est aussi des choses qui peuvent être tout à fait favorables pour rompre l'isolement à long terme. Je vais m'arrêter là, mais c'est un sujet très riche et très complexe. J'espère qu'on aura l'occasion d'en débattre.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup. Monsieur David Le Breton, nous avons la chance qu'en tant que professeur de sociologie, vous nous éclairiez très régulièrement au Forum sur les comportements humains. Les interactions sociales, bien sûr, en font partie. Vous avez écrit récemment sur la conversation et on vous écoute pour cette question. de la relation entre l'isolement et de la maladie mentale.

  • Speaker #2

    Merci Maud, merci Aurélien. D'abord, je pense qu'il faut distinguer absolument solitude et isolement. Je vois la solitude comme une expérience choisie, revendiquée, une intériorité pleine. C'est une valeur qui n'implique aucune souffrance. Et d'ailleurs, je vous rappelle les pages de Winnicott sur la capacité d'être seul. pose cette capacité d'être seul comme un principe fondamental de la sociabilité. En revanche, l'isolement, pour moi, c'est ce que Hannah Arendt appelle la désolation. Un cet être avec les autres, mais sans les autres. C'est donc une expérience de l'exil au sein de la communauté, une indifférence. Les autres sont là, mais ils ne prêtent aucune attention à vous. Donc là, il y a en effet une souffrance. La société numérique n'est pas du tout dans la même dimension que la sociabilité concrète, avec des hommes et des femmes en présence mutuelle, qui se parlent et s'écoutent, attentifs les uns aux autres. Et d'ailleurs dans un visage à visage, comme je l'ai rappelé mille fois ces derniers temps. Un face-à-face c'est d'abord un visage à visage, et c'est fondamental puisque le visage c'est le lieu essentiel de l'éthique, évidemment, de la reconnaissance de l'autre. On voit bien que dans la sociabilité numérique, il n'y a plus de visage précisément. Donc cette sociabilité à distance morcelle le lien social, détruit les anciennes solidarités au profit de celles abstraites des réseaux sociaux, avec des correspondants physiquement absents et la plupart du temps anonymes. Paradoxalement, certains voient cette sociabilité numérique comme une source de reliance, alors que jamais l'isolement des individus... n'a connu une telle ampleur. Jamais le mal de vivre des adolescents et des personnes âgées n'a atteint un tel niveau. La fréquentation assidue des multiples réseaux sociaux ne crée ni intimité, ni lien dans la vie concrète. Elle occupe le temps, elle ne donne pas une raison de vivre. De nombreuses corrélations montrent que l'irruption du portable connecté à l'Internet à haut niveau en 2009, pour moi il y a une rupture anthropologique, Incroyable à cette époque-là, l'irruption du portable a rapidement engendré chez les adolescents dans les années qui ont suivi une très forte hausse des souffrances à une échelle planétaire. Les chiffres des pays européens ou d'Amérique du Nord attestent par exemple que les situations d'anxiété, de dépression ont doublé. à partir de 2012 pour les adolescents. De même d'ailleurs le taux de suicide ou les tentatives de suicide, particulièrement pour les filles, plus vulnérables sans doute sur les réseaux sociaux au regard de la tyrannie de l'apparence qui les caractérise. Et également il y a un doublement des attaques au corps, des scarifications depuis 2012. Et donc pas seulement aux Etats-Unis, mais ça touche tous les pays européens. A la même période, Nombre de parents, d'ailleurs, ont vu disparaître leurs enfants derrière leurs écrans. Chacun, aujourd'hui, est en permanence derrière son écran, même en marchant en ville. L'expérience individuelle de la conversation ou de l'amitié se raréfie. L'isolement se multiplie en donnant le sentiment paradoxal de la surabondance. Les 100 amis ou les 1 000 amis des réseaux sociaux ne valent absolument pas un ou deux amis du quotidien. susceptibles de poser la main sur votre épaule en situation de souffrance. Des études pointent également la hausse du sentiment d'isolement chez les jeunes qui connaissent en effet une diminution drastique du nombre d'amis dans le quotidien. On n'a jamais autant communiqué, beaucoup entre 5 et 10 heures par jour, souvent plus de 200 notifications par jour, mais en revanche on n'a jamais aussi peu parlé ensemble. Le smartphone est l'instrument royal de l'hyper-individualisation du lien social de nos sociétés contemporaines, mais aussi de la multiplication de l'isolement. Il conforte l'individu dans le sentiment qu'il fait un monde à lui tout seul et que les autres sont à sa disposition, convocables, congédiables, à tout moment. Le smartphone donne les moyens de ne plus tenir compte des autres. Il contribue à l'ignétement social et paradoxalement dont il se propose comme un remède à l'isolement. Cet isolement touche l'environnement social dans son ensemble. Constamment sollicité par leur smartphone, les piétons ne voient plus rien à leur entour, n'entendent plus rien. Autrefois aussi, dans les administrations, les écoles, les entreprises, lors des pauses ou des repas, tous se retrouvaient pour resserrer les liens, discuter du travail, échanger des nouvelles, accueillir les nouveaux. Désormais, le smartphone s'interpose en permanence entre soi et les autres comme une muraille invisible derrière laquelle se retirer à tout instant. En pleine discussion, certains le prennent en main, répondent à un appel ou envoient un texto en même temps qu'ils semblent continuer vaguement à écouter ou parfois même laissent carrément en plan leur interlocuteur. Le smartphone est un instrument d'évasion, une facilité à se détacher à tout moment des autres. Les interlocuteurs, en chair et en os, devant soi, diminuent ou deviennent quelque peu problématiques, car avec eux, la touche pause n'existe pas. Ils ont leur propre manière de se comporter, qui n'est pas toujours en miroir de soi. D'autres termes, la connectivité n'a peu de choses à voir avec la sociabilité. Une attention fragmentée préside aux rencontres, le zapping est désormais au cœur du lien social et abîme nombre de conversations. mais aussi la relation avec les enfants notamment. Je terminerai mon propos par deux anecdotes, puisqu'on est souvent confronté dans les bus ou dans les trains ou ailleurs, on voit des enfants qui pleurent et on voit des parents qui continuent paisiblement à téléphoner dans une indifférence royale à leurs responsabilités de parents. Deux anecdotes, l'une d'entre elles je l'emprunte à Serge Tisseron. qui, dans un de ses livres, raconte la consultation avec un enfant qui a toujours sa main à l'oreille. On suspecte des troubles auditifs, l'enfant a une audition absolument normale, et on comprendra peu à peu que cet enfant voit son père, un couple séparé, il voit son père le week-end, et le père passe tout un tas de coups de téléphone sans se préoccuper vraiment de son gamin. Donc l'enfant s'identifiant à son père... met la main à son oreille dans une sorte de mimétisme, et peut-être aussi une manière de conjurer l'absence de présence de son père. Et une autre anecdote qu'on m'a racontée il y a quelques temps, d'une petite fille qui doit avoir dans les 5 ans, qui raconte des choses à son père. Son père, il est en train de pianoter sur son écran, et la petite fille au bout d'un moment dit Papa, tu m'écoutes ? Le type continue à pianoter et dit Mais oui, je t'écoute, je t'écoute. La petite fille essaie de parler. Au bout d'un moment, elle en a marre et elle dit à son père Papa, je veux que tu m'écoutes avec les yeux Une phrase, je trouve ça absolument magnifique et tragique en même temps. Voilà, je termine sur l'enfance. Peut-être pour dire que le dernier mot, de pur ustensile, le smartphone est devenu un fétiche. contemporain, je souligne le mot, je ne l'emploie pas de manière arbitraire. Depuis Rustensil, il est devenu un fétiche contemporain, une fin en soi, un condensé du monde. Et Jonathan Haidt, dans un livre qui vient de paraître, qui est très intéressant, qui s'appelle Génération anxieuse, Jonathan Haidt le nomme d'ailleurs un inhibiteur d'expérience, un qui touche en profondeur le goût de vie, qui touche en profondeur... le goût de vivre ensemble. Voilà, merci.

  • Speaker #1

    Merci. Nous allons écouter Pantelemon Giannakopoulos, qui est donc professeur de psychiatrie et qui dirige la prison-hôpital pour détenus dangereux curabilis avec la question des conséquences sur la santé mentale pour les personnes incarcérées ou hospitalisées de l'isolement. sur leur santé.

  • Speaker #3

    Oui, merci encore une fois de l'invitation. Je commencerai mon propos de là où ça a été laissé par les prédécesseurs, c'est-à-dire la question de l'isolement et de la solitude. Peut-être pour nuancer certains éléments en ce qui concerne en tout cas des personnes qui présentent des pathologies psychiatriques. On ne veut pas nécessairement laisser un piège très fréquent en psychiatrie. de conclure sur des causalités à travers ce qu'on observe. Il faut être tout à fait attentif sur ce qu'on pourrait appeler le phénomène de l'œuf et de la poule. Exemple, on voit aujourd'hui très fréquemment ce qui a été décrit abondamment avant l'utilisation des smartphones dans notre société. Les jeunes qui peuvent l'utiliser aussi abondamment et se priver du lien social. Mais on doit s'interroger pour avoir vu un nombre assez important. parmi ces jeunes, ou à l'œuf ou à la poule, c'est-à-dire à quel moment c'est plutôt le vide intérieur, la difficulté d'avoir une intériorité, la difficulté de se construire un monde de perspective qui leur donne la nécessité de trouver un étayage à travers la virtualité du lien. Et donc ceci est assez important pour la pathologie psychiatrique. Quand on parle, par exemple, de la différence tout à fait... Justement évoqué entre isolement et solitude, il y a une catégorie de personnes, parmi les personnes qui présentent typiquement des pathologies du caractère, des troubles de la personnalité, qui recherchent le fait d'être seul pour se protéger, par crainte de l'envahissement de la présence de l'autre. Ceci n'est pas une source de souffrance pour ces personnes, mais c'est une nécessité pour trouver un équilibre psychique. Donc là, on a une situation très différente parce que l'isolement n'est pas, je dirais, une exclusion, n'est pas un exil, comme ça a été décrit, mais c'est une recherche, n'est pas non plus une recherche d'intériorité, la possibilité de, finalement, de créer un monde en perspective, comme on peut le retrouver parfois chez les personnes âgées, mais c'est beaucoup plus une condition sine qua non de l'existence psychique. Donc il y a une troisième catégorie de personnes qui peuvent ne pas avoir... accès à la noblesse du sentiment de solitude, mais ne pas pour autant être dans le sens de l'isolement en tant qu'exil, tout simplement parce que leur personnalité...

  • Speaker #0

    leur impose certaines limitations. Et donc, quand on voit ces phénomènes en psychiatrie, je viendrai maintenant sur la question d'isolement à proprement dit en psychiatrie, quand on voit ces phénomènes, quand on examine les liens en psychiatrie, il faut être extraordinairement rigoureux et très attentif pour ne pas considérer que les corrélations nous offrent des causalités. Alors, la psychiatrie, dans son histoire, a deux sœurs jumelles. C'est la pauvreté et c'est la transgression. Et ça, c'était... Elles ont fait un chemin ensemble pendant des longues décennies, pendant des siècles. Et donc, quand on se réfère au monde avant la Révolution française, avant le monde de l'asile, finalement, les patients psychiatriques, ce qu'on appelle aujourd'hui des patients psychiatriques, se retrouvaient confinés, parce que ça, c'est un élément important, confinés avec... les personnes condamnées de droit pénal et aussi les pauvres dans ce lieu mythique qui était la prison, les institutions d'incarcération avant pratiquement le XVIIIe siècle. Donc, des situations de misère où quelle était la volonté sociétale ? C'était essentiellement de contrôler, de surveiller. Donc, en psychiatrie, quand on parle d'isolement, il faut tenir compte qu'il y a... Le pendant, c'est la recherche de la surveillance. Et alors on va voir plus loin, ça a été repris beaucoup plus tard par Michel Foucault, pourquoi on surveille ? Est-ce qu'on surveille pour permettre de guérir ? Est-ce qu'on surveille pour aider ? Ou est-ce qu'on surveille pour punir ? Alors, cette situation qui prévalait en Europe occidentale, jusqu'à pratiquement la création des premiers asiles, en Angleterre et aussi en France, a radicalement évolué depuis. Dans un premier temps, le mode de l'asile, c'était aussi un mode de protection. Donc l'idée, c'est d'avoir les patients psychiatriques. Ce que confusement a été appelé la maladie mentale à l'époque, avec des contours qui étaient quand même plus ou moins flous jusqu'au début du XXe siècle, l'idée, c'était de pouvoir les confiner pour deux raisons. Et on va les retrouver beaucoup plus tard dans les hôpitaux modernes. Les deux raisons, c'est de les protéger à l'époque de leur pauvreté, leur permettre de subsister tout simplement, et d'autre part de protéger la société. Donc l'isolement, le confinement, puisque finalement le lien social entre les personnes qui se retrouvaient même dans les asiles était souvent extraordinairement faible, le confinement servait cette double cause. une cause de société, une cause sociétale, de protection, mais une cause plus noble, qui était celle de permettre à des personnes vulnérables de survivre, de ne pas tout simplement disparaître, une fois que la charité chrétienne a commencé à diminuer en Europe occidentale, parallèlement à l'industrialisation. Alors, progressivement, dans ce mode de l'asile, on a commencé à introduire... Ce qui était les thérapies de l'époque, c'est important de voir un peu l'histoire pour voir comment on est arrivé là où on est arrivé. Les thérapies de l'époque étaient quand même basées sur l'isolement très fréquemment. La plupart des thérapies qui étaient appliquées avant la venue de la pharmacothérapie en psychiatrie étaient essentiellement basées à l'isolement de la personne et à l'application de certaines méthodes qui aujourd'hui nous paraissent des méthodes barbares, le choc insulinique. ou l'utilisation des enveloppements glacés, des choses comme ça, mais qui à l'époque c'était le seul moyen thérapeutique face à des situations de souffrance humaine. Il y a eu un courant psychiatrique très important qui a été globalement qualifié de courant d'hygiéniste, c'est-à-dire la volonté de créer des grands asiles en dehors de la ville pour sortir les personnes de leur milieu. de les mettre à la campagne finalement, en grande partie. Ce qui était la campagne par la suite, c'est devenu la ville bien évidemment. Mais dans la plupart des grandes villes en Europe occidentale, vous allez retrouver la même configuration jusqu'à aujourd'hui. Simplement la ville a rattrapé ces asiles, c'est-à-dire ces hôpitaux qui étaient construits en dehors de la ville de l'époque, avec l'idée d'extraire les personnes de leur milieu pour deux raisons. pour protéger le milieu, mais parfois aussi parce que le milieu était considéré comme toxique. Et donc permettre aux personnes de prendre une respiration, se retrouver ailleurs. Le se retrouver il faut le mettre avec beaucoup de guillemets, parce que parfois au lieu de se retrouver, on devrait peut-être... dans certaines situations, dans plusieurs situations, utiliser le terme se perdre. Et donc, ça c'était des dynamiques de l'asile qui a continué, parallèlement à un autre champ qui était le champ de l'incarcération. L'incarcération, progressivement la maladie mentale s'est séparée du monde de la prison et la prison a développé sa dynamique propre. La naissance de la prison, comme Foucault la décrivait dans Le surveiller et punir, La naissance du panopticum, la possibilité donc d'avoir des personnes dans un espace confiné, sans lien social, mais avec la possibilité de les observer, de les surveiller et de punir quand il faut le comportement déviant, était une pierre angulaire du développement du système carcéral européen, pratiquement à partir du XVIIIe siècle. Et ça a évolué comme ça jusqu'à nos jours, dans une grande partie de l'Europe. Cette optique-là est très différente de celle de ce qui s'est passé dans les asiles sur un point, l'ambition de soigner. Alors, chemin faisant, comme on avait d'ailleurs décrit hier, ces deux mondes, en fonction de l'actualité du moment, et ça on le vit au XXIe siècle, peuvent se rejoindre dans des structures qui doivent en même temps surveiller. En même temps, soigner, mais en même temps punir. Ce qui sont les différents hôpitaux forensiques qui ont été supprimés pendant des périodes de l'histoire pour renaître et connaître aujourd'hui leurs jours de gloire pour des raisons qu'on avait analysées hier. Dans ce système, que ce soit dans le système des soins hospitaliers en dehors de la prison ou dans la prison, la question de comment soigner... En isolant la personne, on pose une question fondamentale. C'est-à-dire, à quel moment on isole la personne ? On ne parle pas là de solitude comme choix. À quel moment on l'isole ? Et quelle perspective on se donne pour après ? C'est-à-dire, dans la reconstruction du lien social. C'est un punctum dolens de la psychiatrie depuis de nombreuses décennies. La reconstruction du lien social après une hospitalisation. Quelles sont les méthodes qui sont utilisées ? On va un pas plus loin, on n'est plus dans le monde de l'asile, on est dans le monde d'une psychiatrie moderne qui a aujourd'hui des méthodes de traitement qui sont quand même très différentes de ce qu'il y a eu au XIXe siècle. Quelles sont nos possibilités pratiquement de soigner à travers l'isolement et à quel moment on les choisit ? Donc typiquement c'est ce qu'on appelle les mesures limitatives de liberté. La contrainte, qui veut dire ? Qu'est-ce que ça veut dire pratiquement ? dans un hôpital psychiatrique, dans une institution psychiatrique, c'est qu'à un certain moment, vous êtes amené à isoler une personne dont le comportement devient extraordinairement dangereux ou provocateur par rapport aux autres, dans certains cas des pathologies, pour protéger les autres, pour la protéger, mais ça ne suffit pas de l'isoler à travers des méthodes finalement de confinement. Dans des chambres, c'est ce qu'on appelle les chambres fermées qui existent aujourd'hui et qui d'ailleurs sont plutôt en augmentation. Mais il ne suffit pas de les isoler. Isoler n'a aucun sens en soi. Ce n'est pas un acte de soin seul. Il faudrait l'accompagner à travers la présence. Donc il y a des protocoles qui ont été mis en place et qui sont quand même tout à fait fondamentaux. C'est les protocoles d'accompagnement des personnes qui ont l'isole. On n'a pas la possibilité de les exposer parce que, par leur pathologie, ils peuvent devenir dangereux. Mais on ne peut pas considérer que le confinement dans une chambre est thérapeutique. Et je dois dire, une des expériences que je fais, et qui est une expérience d'ailleurs très enrichissante, nous apprend aussi la modestie dans ce métier, qui peut pécher par arrogance assez fréquemment. C'était une décision, et on doit remercier les juges, une décision, c'était... Je venais d'arriver des États-Unis et j'avais la responsabilité de la psychiatrie dans le canton de Genève à l'époque. Une décision du tribunal qui nous a condamnés, à juste titre, parce que l'utilisation d'une chambre fermée pour un cas d'une personne où les critères étaient tout à fait remplis par rapport à la pathologie, n'était pas associée à des soins. étaient associés parce que l'encadrement était très flou. On ne savait pas combien de fois les infirmiers vont passer voir la personne, quel type d'accompagnement va lui être offert, comment ces droits peuvent être respectés, les droits élémentaires, pendant ce temps-là. Ils ont condamné en disant, vous savez, ça c'est l'utilisation, je me rappelle du terme qui était tout à fait correct, c'est l'utilisation d'un outil thérapeutique. comme selon une approche paracarcéral. Et ça, c'est la chose qu'il faut totalement éviter dans l'acte de soins en psychiatrie, mais qui nécessite une observation et, je dirais, une lutte de tous les jours. Parce que derrière, et c'est ce qu'on dit assez... on décrit assez rarement, ça ne nous fait pas plaisir parce qu'évidemment, ce n'est pas très sexy de le décrire, il y a la difficulté des soignants dans tous les jours que vous avez. Des personnes qui par leur pathologie peuvent devenir source d'agitation dans une unité, source d'inquiétude par rapport à un passage à l'acte sur les autres. Donc il y a là l'utilisation de l'isolement pour surveiller et soigner, et pas pour surveiller et punir. Et c'est là une ligne de démarcation très importante. Arrive alors, et ça c'est la dernière partie de mon propos en ce moment, arrive alors une autre phase, qui est la phase de reconstruction du lien. C'est-à-dire, à chaque fois, quand on a une hospitalisation en psychiatrie, dans n'importe quel des pays que j'ai vécu, l'hospitalisation est un moment de rupture. Des ruptures de méostase, mais essentiellement aussi une rupture de méostase sur le plan social, familial et social. Donc une fois que la personne... s'améliore, retrouve son autonomie, retrouve son détermination. Il y a les séquelles, il y a les blessures qui restent sur le plan du lien social. Comment reconstruire ceci ? Ça, ça nécessite aussi une attention très particulière. Il ne suffit pas de dire, et c'est une tendance assez fréquente malheureusement, surtout dans les pays qui n'ont pas les moyens de faire autrement en psychiatrie, les symptômes ont disparu, vous sortez. vous retrouvez votre monde. Parce que le monde souvent n'est pas le même. Le monde est marqué par cette hospitalisation. Donc le travail avec ce qu'on appelle le réseau, le travail avec les proches, le travail avec les associations qui entourent les personnes qui souffrent de pathologies psychiatriques est totalement essentiel pour pouvoir quelque part entrevoir le lendemain de l'isolement. le lendemain du confinement. Alors, il y a aussi, il faut bien dire, et c'est pourquoi je termine mon propos ainsi, la question de la causalité en psychiatrie est assez délicate, parce qu'on observe des choses qui nous interpellent. On a la tendance, pour les plus âgés parmi nous, de se comporter un tout petit peu, de se référer au monde d'hier de Stefan Zweig. C'est-à-dire que... A l'époque, c'était mieux. Le lien était différent. On avait beaucoup plus de difficultés à entrer en diapason avec les autres, au lieu de se cacher derrière les écrans. On le dit souvent. Et on a parfois cette impression, et en avançant en l'âge, je le dis encore plus facilement, on a l'impression qu'on devient les gardiens du monde qui n'existe plus. Cependant, il y a aussi des éléments qu'on n'arrive pas tellement bien à saisir. Dans ce monde-là, qu'on considère par moments crépusculaires, par absence ou par faiblesse du lien social, l'incidence de certaines maladies psychiatriques diminue. Un peu partout en Europe, l'incidence du passage à l'acte suicidaire diminue. On peut avoir un tas de théories explicatives. Les théories explicatives peuvent varier, quand on parle des adolescents, des personnes plus âgées. Mais il faut voir qu'on a affaire avec un monde complexe et quand on parle d'une notion si importante comme c'est le lien social et l'isolement et son rapport avec la maladie mentale, je pense qu'il y a une précaution d'usage très importante. C'est d'observer les données qu'on a, de se centrer sur les cas individuels le plus possible en garantissant... le lien social même après des périodes d'isolement et à éviter des conclusions qui peuvent être ou des conclusions très positives ou très négatives en fonction d'une observation qui, à mes yeux pour le moment, reste très partielle et difficile à saisir dans un monde qui peut-être n'est pas crépusculaire mais devenu beaucoup plus confus que par rapport aux certitudes qu'on avait il y a 30 ans en arrière. Merci.

  • Speaker #1

    Madame Lorpin, vous dirigez le projet Parcours et vous nous venez de l'ARS Grand Est. J'en profite pour souligner que l'ARS est un soutien du Forum. Nous remercions donc l'ARS d'être avec nous et nous vous écoutons.

  • Speaker #2

    Oui, alors je voudrais juste intervenir dans cette table ronde pour dire un petit peu quelles sont les difficultés actuellement dans cette politique publique. Je vous ai entendues et je vous rejoins. Je ne referai pas l'histoire. des politiques publiques, mais je rebondirai sur l'histoire de la psychiatrie. Jusqu'à présent, je dirais qu'il y a quand même quelque chose qui a été marquant pour nous, c'est le Covid, cette crise d'enfermement, de confinement, qui a révélé pas mal de choses en termes de politique publique, je pense, et en termes de difficultés à morder la santé des gens. Le lien social, la psychiatrie, les maladies mentales, pour nous, c'était simple. Donc nous écoutions les psychiatres, les sociologues, et donc l'hospitalisation psychiatrique devait s'accompagner d'une réintégration du lien social dans des programmes de réhabilitation psychosociale. Une parenthèse, en France, réhabilitation psychosociale, c'est un peu réhabilitation après avoir été condamné pour maladie mentale. Lorsqu'on parle de santé physique, on ne parle jamais de réhabilitation après un... problème de santé physique. On parle de rééducation, de réadaptation. On ne parle jamais de cet aspect réhabilitation. Donc déjà, nous avons des centres de réhabilitation psychosociale dès qu'il s'agit de maladie mentale. Quand la maladie, elle est physique, on parle de centre de réadaptation ou de rééducation. Les mots sont importants dès qu'on parle de politique publique. La réhabilitation, il faut vous réhabiliter dans une société Vous avez une maladie mentale et on sait bien tous les efforts qui ont été faits pour diminuer la stigmatisation, pour considérer que c'est une maladie comme une autre. Et lors du discours d'ouverture, Aurélien a bien insisté sur le fait que maladie physique, maladie mentale, ce n'est pas toujours considéré de la même façon. Alors, dans le même temps, un sujet apparaît. Nous nous retrouvons... confrontés à de plus en plus de situations de précarité. Précarité économique, précarité sociale, l'isolement. L'isolement c'est quoi ? L'isolement c'est quand vous perdez les objets sociaux, votre travail, vos liens familiaux, vos liens conjugaux, quelque chose qui évolue dans la société. On voit de plus en plus apparaître des personnes qui sont dans un sentiment d'exclusion. Ce n'est pas une solitude voulue, c'est un sentiment d'exclusion. On se sent exclu parce qu'on n'est plus tout à fait avec les projections d'objets sociaux qu'on devrait avoir. On s'exclut aussi du monde de la santé. On se sent exclu par le monde de la santé, c'est ce qui nous revient des personnes. Voilà, je me sens exclu, donc je ne vais pas prendre soin de ma santé. De plus en plus, c'est cet isolement social qui se met en place, c'est l'accès aux soins. pour les gens en situation de précarité socio-économique. Et donc, cet isolement social, on voit de plus en plus qu'il crée aussi une souffrance psychique. Et si les situations de la personne en termes de précarité s'aggravent, des personnes qu'on retrouve dans des foyers d'hébergement, parce qu'ils ont perdu le logement, parce qu'ils n'ont plus de soutien familial, plus de réseau. Et donc, ce phénomène qui était... apparu depuis à peu près 5-10 ans, le voit s'amplifier. Et de la même façon que mon collègue indiquait que la psychiatrie s'est séparée de la prison, eh bien ça fait très très longtemps que le social s'est séparé de la santé. Et la crise Covid a été le moyen de se rendre compte qu'en fait, on ne peut pas dissocier le social de la santé. Pourquoi je vous dis ça ? Parce que tout le monde s'est retrouvé en situation d'isolement social forcé, de confinement. Mais vous aviez tous les gens qui étaient en situation de grande précarité, qui eux, on ne voyait pas trop, n'étaient pas dans des foyers d'hébergement, mais qui se sont retrouvés dans l'obligation de revenir dans la société. Pourquoi ? Parce qu'il n'y avait plus personne pour leur permettre d'accéder sur le mode prière. à la charité publique, plus personne dans les rues pour donner une pièce, plus personne pour manger. Et donc, ça a été le moyen pour eux de dire, pas d'autre choix, je suis obligé de revenir dans un monde social, dans une société. Et nous avons fait l'expérience, on n'est pas les seuls à Strasbourg, dans pas mal d'endroits en France, en termes de politique publique, en disant, mais que fait-on de ces gens ? Je ne vais pas les mettre en prison. En psychiatrie, on me dit que c'est un problème social. Ils sont désinsérés socialement, ils ont des souffrances psychiques, ils ont des troubles cognitifs. Troubles cognitifs, c'est un cerveau, comme disait une de ces personnes que j'ai rencontrées, oui, 15 ans dans la rue, ça m'a abîmé le cerveau. Donc un cerveau abîmé, des difficultés dans tout ce qui est relations sociales, et ils se sont retrouvés dans un foyer. Dans ce foyer, de façon étonnante, les acteurs de la santé, les acteurs de la psychiatrie, les acteurs sociaux et les acteurs publics se sont dit ah oui, quand même problème En fait, on les a mis dans des structures sociales, des hôtels qu'on a réquisitionnés, et en fait, ils ne sortaient pas de leur chambre. Ils n'avaient aucune envie de pouvoir participer à des repos sociaux. Ils restaient isolés complètement dans leur chambre, comme ils auraient été isolés dans la rue. Et donc, s'est posé la question de Ah oui, mais on a fait venir les psychiatres Ils ont dit Ben oui, parce que ce n'est pas vraiment un problème de maladie mentale, c'est un problème de personnes qui, pour des raisons X, de la poule ou de l'œuf, se retrouvent dans cette situation. Et eux, ils se protègent en s'enfermant dans leur chambre. Donc, cette idée de dire Alors, on va faire des projections. On va construire des foyers, mais ça ne va pas correspondre aux besoins des gens. Et dans le même temps, nous avions des travailleurs sociaux, vous savez, ceux qui s'occupent des gens en situation de grande précarité, qui nous disaient pour nous, c'est une grande souffrance. Nous, notre santé mentale, elle ne va pas très bien, parce qu'on ne sait pas comment faire avec ces personnes. Et donc, le constat, qu'on ne peut pas différencier le lien social de la santé. Et puis l'OMS, on en parlait, mais l'OMS en novembre 2023, et bien saviez-vous qu'une commission a été créée sur le lien social ? Et donc l'Organisation Mondiale de la Santé crée une commission sur le lien social considérant que la perte du lien social ou la désintégration du lien social est le plus gros risque et la plus grande menace pour la santé mondiale. Donc cette commission mise en place... Elle est restée très discrète, peu de gens en ont parlé, mais elle aboutira à considérer que nous sommes à la croisée des chemins et de considérer que le lien social, c'est un facteur de risque plus important que le tabagisme, que de la nutrition. Et donc l'OMS, quelque part, nous donne un peu ce sentiment de dire, tout le monde vous parle de votre capital santé, il faut préserver son capital santé. Il faut bien se nourrir, il faut faire du sport, etc. Et on aboutit à ce qui venait de la psychiatrie, de préserver ou de restaurer un capital social. Et donc, avec les dernières déclarations de l'Organisation mondiale de la santé, c'est de dire qu'il va falloir aussi préserver son capital social, et pas seulement bien s'alimenter. Mais comment peut-on, avec des politiques publiques actuelles, considérer que le lien social, le capital social, les agences, la politique de santé, doit s'en saisir ? Alors, on commence à s'en saisir. Donc, je n'aborderai pas la médiation. Comment on peut aller vers les gens qui sont loin d'un capital social et les aider à restaurer ce capital social ? Mais c'est aussi toute une action qui se met en place. C'est-à-dire que, vous entendrez, les politiques de santé, elles vont aller vers. Ok, on va aller vers les pauvres, vers les exclus, vers... Mais pour faire quoi ? Pour les ramener... vers un lien social. Ce n'est pas aussi simple que ça. Il faut déjà que la société soit prête à les accepter avec leurs difficultés. Donc, on parle de la déstigmatisation de la maladie mentale, mais peut-être aussi la stigmatisation de toutes ces personnes qui se sentent exclues, qui pensent que le monde social est inaccessible, et qui vont développer progressivement... Alors, je ne suis pas psychiatre, et de la poule et de l'œuf, je ne sais pas. mais une souffrance psychique. Donc on a reconsidéré au niveau sociétal, et on commence à le faire, en se disant qu'on peut avoir des groupes d'entraide mutuelle, mais pour ça il faut déjà accepter d'être en société. Il faut aller vers les gens, mais sans être dans la démarche de charité chrétienne. Et donc on est, en termes de politique publique, avec des petites prémices comme ça, de se dire, il faut changer un peu le paradigme. Alors... Pour vous donner un exemple, Après la crise Covid, on s'est rendu compte qu'à la fois les travailleurs sociaux dans les foyers d'hébergement, des hébergements où on prend des gens qui n'ont plus de logement, pour les réinsérer, pour les stabiliser, eh bien, il y avait quand même une souffrance de part et de l'autre. Et le Ségur de la santé mentale, donc c'est un dispositif national, s'est dit Ah, ce serait bien d'avoir des postes de psychologue pour le secteur social Il n'y en avait pas. Et donc on a vu apparaître la possibilité d'avoir des psychologues pour le secteur social. Alors ça veut dire quoi ? Que ces gens peuvent avoir accès à un soutien de type psychologue. C'est poser la question, est-ce que ces psychologues, on les rattache au service de psychiatrie ? Est-ce que c'est vraiment de la psychiatrie ? Ou est-ce que c'est vraiment un soutien pour le secteur social ? Alors c'est là que c'est intéressant, selon les dispositifs en France, les expériences des uns et des autres. On a vu que deux tiers étaient rattachés des équipes de psychiatrie et un tiers étaient rattachés des équipes sociales. Et nous, on a fait le choix de rattacher les équipes sociales en entendant les gens, parce qu'on avait un peu cette démarche. Et en fait, on se rend compte, après deux ans d'existence, que ces psychologues dans les foyers d'hébergement, elles nous rapportent le fait qu'elles ne font pas vraiment de la thérapie, elles recréent du lien social. Déjà entre les travailleurs sociaux et les personnes qui sont hébergées, qui peuvent avoir des maladies mentales, qui peuvent avoir des souffrances psychiques, elles recréent déjà du lien social entre le cercle social proche de ces personnes et ces personnes, et qu'elles accompagnent l'appréhension de ces personnes à recréer du lien social. Et donc c'est un travail, comme elles disent, passionnant, mais c'est un nouveau travail. d'être psychologues du lien social pour ces personnes. Elles ne sont pas psychologues à s'accaparer des problématiques de santé mentale ou de soutien d'individus, elles se définissent elles-mêmes, nous sommes les psychologues du lien social, nous traitons le lien social, nous accompagnons le lien social. Donc un changement de paradigme qui doit nous faire réfléchir à ce que je voulais vous transmettre, c'est le capital santé c'est bien, le capital social c'est bien, Bien, beaucoup l'ont perdu et peut-être qu'il faut le préserver. En ne regardant pas toujours son smartphone, je rejoins M. Breton, en discutant, mais en discutant aussi avec les gens qui sont dans la prière, dans la rue, et qui ont besoin de cette reconnaissance sociale. Et donc de déstigmatiser, de déstigmatiser la différence. C'est tout le problème des compétences psychosociales dont parlait Madame, mais je n'en parlerai pas, je crois qu'on... Voilà, où on essaie d'apprendre aux enfants, ou de réapprendre aux enfants, à discuter. à débattre, à ne pas être d'accord, et non plus à être uniquement un être isolé, mais à redevenir un être social. Alors, je suis aussi un peu vieille, je me dis que c'est un peu dommage quand même qu'on soit obligé de remettre en place des programmes de compétences psychosociales, alors que je n'ai pas le sentiment que dans mon enfance, on jouait dans la cour, on se battait, on débattait, on n'était pas d'accord, on se querellait. Mais bon, c'est la société qui est ainsi. et nous on accompagne tous ces changements sociétaux et en essayant de ne pas être trop en retard dans le terme des politiques publiques. Voilà, j'ai fini.

  • Speaker #1

    Merci.

  • Speaker #0

    Madame Yannick Liber, j'ai découvert hier avec beaucoup d'intérêt votre profession. Vous êtes médiatrice de santé père au pôle de santé mentale de Lille. Nous vous écoutons peut-être pour nous décrire un petit peu ce que vous faites pour les patients.

  • Speaker #1

    Alors, mon métier en fait s'appuie sur la pérédance. La pérédance en fait, c'est quelque chose qui... Moi j'ai souffert d'un trouble psychique et donc je comprends vraiment ce que... que les personnes ressentent quand elles ont un problème de santé mentale. On ressent la même chose. Donc le médiateur de santé père est un professionnel dans le système de soins. Il y a des études qui lui sont associées. Il y a une licence à la Sorbonne à Paris et il y en a une plus récente ouverte à Bordeaux en 2022. On se base sur la valeur du rétablissement. Le rétablissement n'est pas une guérison. pas un retour à l'état de santé antérieur à la maladie. C'est une transformation de la personne et avec sa maladie. Je vais tout d'abord vous présenter un peu mon parcours brièvement personnel, donc en tant que personne concernée, et je mettrai en lien ensuite avec mon métier. Donc, lorsque moi, j'ai souffert d'un trouble psychique, déjà, je ne savais pas ce qui m'arrivait. Je ne comprenais pas, mon cerveau s'éteignait petit à petit. Donc, j'ai perdu confiance en moi, je n'avais plus d'estime de moi. Je me suis donc repliée. Et ce repli, je l'ai fait de trois façons. Je me suis isolée intérieurement, je me sentais seule. Je me suis isolée physiquement, je suis restée un bon nombre de mois, voire d'années, dans une seule pièce, dans le noir, dans ma chambre sans bouger. Et ensuite, bien sûr, j'ai souffert également de l'isolement social. Je ne savais plus interagir avec les gens de la société, même les membres de ma famille. C'était venu vraiment très intense. J'ai perdu l'autonomie. Je ne faisais pas valoir mes droits, perte d'appétit, problème d'addiction, etc. Le médiateur de santé-père, lui, après avoir fait les études en licence qui nous apportent des connaissances théoriques telles que les cours de psychopathologie, l'histoire du rétablissement, le droit de la santé, l'économie de la santé, la sociologie de la santé, etc., il nous donne des connaissances pratiques, donc des outils de travail. On travaille également notre posture professionnelle, à savoir la juste proximité avec les personnes concernées. Il nous apporte également la réflexivité sur nos pratiques. Et cette licence vient professionnaliser et légitimer ce métier. Le médiateur de santé-père, dans le système de soins, au cœur du système de soins, si je peux même dire, il apporte l'esprit. Mais il apporte l'espoir à qui ? Il apporte l'espoir à l'usager d'une possibilité de rétablissement parce que je suis en rétablissement, j'ai une vie épanouissante qui me convient très bien. Et il vient aussi apporter cet espoir auprès des professionnels de santé. C'est-à-dire qu'à un moment donné, les professionnels de santé ont tendance à perdre espoir, à baisser les bras. Et là, nous, on est là. pour remettre de l'espoir. Ensuite, il vient déstigmatiser. Alors déstigmatiser, au niveau de l'usager, c'est surtout, on agit surtout sur l'autostigmatisation. Parce que quand on a un problème psychique, on s'autostigmatise forcément. On se met dans une boîte, dans sa tête. C'est un mécanisme de repli, de sécurité. On n'ose plus. Mais il vient aussi déstigmatiser le système de soins. et déconstruire les représentations qu'a le système de soins. Ensuite, quand on rencontre une personne concernée, ce qui se passe, c'est qu'on a une identification réciproque. On est pareil. Tu souffres d'un problème, d'un trouble psychique, d'un problème de santé mentale. Je l'ai connu, je sais ce que tu ressens. Et en fait, cette identification réciproque, peu importe le trouble psychique, la personne concernée que j'accompagne n'est pas forcément du même trouble que moi, mais on ressent tous la même chose. ce même tronc commun, et ça crée en fait entre la personne et le système de santé une alliance thérapeutique et le médiateur de santé-père devient alors un lien entre le système de santé et la personne concernée. Le médiateur de santé-père accompagne dans le parcours de rétablissement de la personne, dans la compréhension du trouble. On fait des partages de stratégies qui ont fonctionné ou pas pour moi, parce que même si ça n'a pas fonctionné pour moi, ce n'est pas parce que ça ne pourra pas fonctionner pour une autre personne. On s'appuie donc sur notre savoir expérientiel. Et ce qui est important, c'est ce croisement des savoirs expérientiels au sein même du système de soins avec le savoir scientifique. Ça apporte une plus-value. Le médiateur de santé paire, pour la personne concernée, va également encourager le pouvoir agir, c'est-à-dire reprendre sa vie en main, ouvrir de nouvelles perspectives. En ce qui me concerne, moi, je ne savais pas ce que je voulais faire. Au départ, je travaillais en conseillère relations clients dans un grand organisme de sécurité sociale. Et ce n'était plus en adéquation avec mes valeurs. Donc j'ai provoqué mon licenciement, j'ai réfléchi à une reconversion. Et ce que je voulais faire, c'était aider les personnes qui sont en grande souffrance, comme moi j'ai pu l'être pendant des années. Et ça, on va encourager le fait de reprendre une activité. Donc ça peut être une activité sportive, on va les accompagner. On fait les soins dans la cité, dans la ville et non pas à l'hôpital. C'est-à-dire que moi, un entretien, j'ai accroché une dame une fois. Au premier rendez-vous, je vais à domicile parce que dans mon secteur, c'est 80% d'ambulatoires, psychiatres y compris. Ils se déplacent à domicile. Cette dame, elle me dit, vous ne pouvez rien pour moi. De toute façon, j'ai été comme ça toute ma vie. Et donc, je me mets à nuit. je me dévoile et là elle me dit ah oui vous avez vécu tout ça donc moi c'est rien du tout et elle dit mais j'ai pas tellement envie d'un autre entretien j'ai dit bah écoutez c'est dommage, moi j'étais rentrée chez elle j'avais observé son logement et il y avait une bibliothèque avec des livres sur l'Egypte ancienne la Grèce antique, des choses comme ça je dis parce que moi je vous aurais bien proposé le deuxième rendez-vous au musée de la piscine de Roubaix et là des étincelles dans ses yeux et c'est comme ça... qu'elle a accrochée aux soins, cette dame. Et en fait, nous, on a carte blanche, je fais les entretiens où je veux, dans un parc, dans un musée, dans un café, dans une galerie marchande. C'est l'usager au centre du système de soins. On écoute ses besoins, ses attentes, on respecte sa temporalité, c'est-à-dire que la personne n'est peut-être pas prête à faire des choses maintenant, mais on sème des petites graines pour... pour que ça vienne ensuite vers une reconversion professionnelle, vers des activités de bénévolat, et les remettre dans les laits. Et on s'appuie beaucoup sur les ressources territoriales, et on travaille en lien avec ces ressources. Les associations, les gemmements, comme se disait tout à l'heure, les conseils locaux de santé mentale, c'est vraiment remettre l'usager au centre des pratiques. Et notre rôle également, c'est d'informer les droits, faire valoir les droits. Parce que la personne, quand elle se stigmatise et qu'elle s'isole complètement, elle renonce à ses droits. Et moi, je me suis isolée physiquement, dans une chambre, mentalement. Et au niveau de l'isolement social, j'étais complètement coupée des relations. Et c'est vraiment... Le point important, c'est que chaque trouble, tous les troubles, ressentent cet isolement profond. C'est vraiment très profond. Et nous, l'important, c'est qu'on vient rompre cela. Ensuite, on favorise l'insertion dans la cité. Et en fait, c'est un bon tremplin, parce qu'on sait que les hospitalisations, ça crée des traumatismes, voire même... de gros traumatismes parfois, privation des libertés, contention, etc. Ce qu'on ne pratique pas dans mon secteur. Et ces traumatismes, comme on soigne à domicile, même on fait de l'hospitalisation à domicile, c'est-à-dire qu'on va voir les personnes tous les jours, une fois c'est l'infirmier, une fois c'est le psychiatre, le psychologue, etc. La personne ne vit pas les traumatismes d'hospitalisation. Le but, c'est de vraiment rester au cœur de la société, pour les isoler le moins possible, justement, et refaire partie, au fil du temps, dans la vie de la ville, être actif dans la ville, comme je le disais, par le biais d'associations, d'activités de bénévolat, de reprendre une carrière professionnelle. Moi, actuellement, j'ai une personne que j'accompagne depuis... deux ans environ, là, elle a repris ses études Bac plus 2, assistante de direction. C'est un très beau parcours. Et au départ, elle n'avait plus aucun espoir. Elle était même prête à renoncer aux soins. Donc, le médiateur est là, justement, pour créer du lien et accentuer sur le fait qu'on reste dans la ville, pour rompre cet isolement. Je vous remercie.

  • Speaker #0

    Avant de donner la parole à la salle, je passe le micro à Aurélien Benoît-Lide qui voulait intervenir.

  • Speaker #2

    Juste un tout petit mot, je mets ma casquette de neurologue pour aller dans le sens de mes collègues psychiatres, pour parler de l'isolement et du lien social. L'isolement sur le plan matériel, ça peut même... faire perdre la fonction. Le fait de ne pas parler, le fait de ne pas voir, le fait de ne pas communiquer. Il y a un impact directement sur la matérialité qui se passe au niveau du cerveau. Épaissir aussi cette idée qu'on se fait du lien social et notamment à travers une discipline qu'on appelle la cognition sociale qui montre bien qu'il existe une différence très importante entre côtoyer du réel et côtoyer du virtuel. Quand on est face à quelqu'un. eh bien, on doit interpréter tout un tas de signaux qui sont des signaux parfois très faibles, parfois très forts. Il faut pouvoir se préparer à une réaction de la personne en face. On ne peut pas, effectivement, comme disait M. Le Breton, on ne peut pas appuyer sur off. Et si la personne qui est en face est blessée, elle est capable de réagir verbalement, physiquement. Et donc, il y a une activité cognitive qui est totalement différente lorsqu'on est dans une situation de lien social réel et dans une situation de lien social virtuel. Pour terminer... Il y a un terme que j'aime bien et qui vient d'une étude américaine qu'on appelle la résilience cognitive. C'est quelque chose que nous, en consultation, on voit très régulièrement, notamment pour les personnes âgées ou pour les personnes qui souffrent d'une maladie d'Alzheimer. On sait bien que malheureusement, la thérapeutique médicamenteuse est quand même très pauvre encore, même s'il y a quelques évolutions. Et on sait qu'un des principaux moyens, les patients nous demandent, comment est-ce qu'on peut faire pour limiter le risque, pour prévenir, pour ralentir la maladie ? On le sait aujourd'hui que plutôt que de faire une grille de sudoku, plutôt que de regarder les informations, plutôt que de lire un livre, plutôt que de faire des mots croisés, il n'y a rien de mieux que la communication. Parce que la communication avec une personne réelle fait intervenir absolument toutes les modalités cognitives sans forcément qu'on y prenne garde. C'était juste pour apporter ma petite contribution sur le plan neurologique à l'importance de la communication et au risque de l'isolement.

  • Speaker #3

    Bonjour, moi je voulais intervenir juste parce que je voulais qu'on parle aussi des personnes en retrait social. On en a un petit peu parlé des personnes qui sont enfermées dans leur chambre, justement qui n'ont pas du tout d'interaction même sur les réseaux sociaux et qui ne relèvent pas de la psychiatrie parce qu'elles n'ont pas de pathologie, mais qui sont en grande difficulté, en grande souffrance et qui peuvent rester des années enfermées. Et en fait c'est un phénomène qui est en train de se développer de plus en plus en France. Il y a très peu de réponses au niveau du suivi. Au niveau national, il y a une association à Strasbourg qui suit ces personnes, c'est ITAC avec l'antenne des Tours, et une en Ile-de-France, mais sinon on n'a quasiment pas de réponse pour accompagner ces jeunes qui ne sont pas en demande spécifiquement eux, mais c'est les parents ou l'entourage qui essaie de trouver des solutions. C'est un problème qui est quand même assez fort et assez... qui est en train vraiment de s'amplifier et je trouve que c'est important d'en parler aussi parce qu'il faudrait à un moment donné qu'on puisse prendre en charge. Ils ne posent pas de problème parce qu'ils sont enfermés, ils ne posent pas de problème parce qu'ils ne mettent pas leur vie en danger, parce qu'ils ne mettent pas la vie des autres en danger. Mais voilà, tout relève de la responsabilité des parents de les accompagner, mais c'est vraiment très très juste et il faut vraiment qu'à un moment donné il y ait des choses qui se mettent en place pour accompagner tous ces jeunes.

  • Speaker #0

    C'est le phénomène qui est appelé ikikomori qui nous vient du Japon et qui, bien sûr, a traversé les frontières. Qui veut répondre sur cette question ? David Le Breton.

  • Speaker #4

    Oui, je peux en dire quelques mots puisque j'avais beaucoup travaillé là-dessus dans mon livre sur la disparition de soi. Ce sont des formes de disparition de soi, des sortes de grèves de la vie ordinaire, des garçons ou des filles ou des hommes ou des femmes qui se mettent en retrait. qui se détachent, qui n'éprouvent plus le sentiment que le lien social est une valeur. Alors évidemment en amont il y a souvent des histoires de vie assez fracturées, il y a aussi parfois un encouragement social, et comme c'est le cas au Japon, évidemment avec le phénomène des ikikomori qui touche quand même plusieurs centaines de milliers de jeunes japonais. Je n'ai jamais très bien compris les chiffres d'ailleurs, parce que j'ai lu parfois 500 000 enfants, ce qui me paraît trop. On lit plus couramment 200 000, 300 000, en tous les cas il y a un phénomène social considérable dans les pays asiatiques, mais aussi parce que l'internet, parce que là on a du coup affaire à des jeunes qui sont permanents sur les réseaux sociaux, mais par contre qui sont dans la décorporation du monde, dans le détachement des autres, mais c'est difficile. Moi je n'ai pas de réponse évidemment, j'observe simplement en tant que sociologue que la vie sociale n'est pas forcément une valeur, d'ailleurs il faut le dire. Je crois qu'il y a encore quelques siècles, on pourrait dire, ces garçons ou ces filles auraient sans doute eu une vocation de spiritualité pour aller dans les monastères, les abbayes, etc. C'était encore une époque où on pouvait accueillir des hommes ou des femmes un peu en dissidence, un peu en rupture, qui ne se reconnaissaient pas vraiment dans le lien social. Aujourd'hui, on est plutôt dans un contexte, en effet, d'isolement, pas forcément de souffrance d'ailleurs, mais en tous les cas d'isolement, de refus du monde extérieur. Voilà.

  • Speaker #0

    Madame Maria Melchior, vous voulez...

  • Speaker #5

    Oui, alors, effectivement, c'est un phénomène qui est assez peu étudié en France. On connaît très bien au Japon, en effet. Ceci étant dit, en France, on commence à s'intéresser de plus en plus à certaines formes de retrait, comme ça, relationnel, chez les jeunes gens, notamment la phobie scolaire anxieuse. C'est-à-dire... Alors, il y a des jeunes qui décrochent de l'école pour plein de raisons différentes. Vous savez qu'il y a à peu près 100 000 jeunes par an qui... La scolarité sans un diplôme, c'est lié à divers types de situations, mais il y a aussi ce phénomène de phobie scolaire qui visiblement augmente. Alors peut-être qu'il augmente aussi parce qu'on le mesure mieux aujourd'hui et notamment depuis le Covid que précédemment. C'est sûr, je rejoins ce qui vient d'être dit, il y a une partie, et ce que vous disiez aussi, qu'il y a une partie des personnes pour lesquelles... La vie sociale n'a pas de sens en soi, n'a pas de valeur en soi et qui donc se met en retrait. Le problème c'est qu'évidemment pour les jeunes gens notamment, ça provoque un certain nombre de difficultés et ça a un coût, puisque c'est difficile de renouer ensuite avec une forme de scolarité plus tard. Il y a quand même, dans ce que montrent les études, dans la plupart des cas de ces jeunes qui s'isolent entièrement, Quelque chose comme de l'ordre d'une pathologie psychiatrique, je ne sais pas si vous serez d'accord avec moi, une pathologie psychiatrique anxieuse ou d'autres formes, des choses qui peuvent être liées à des maltraitances, etc., qui expliquent une forme de retraite.

  • Speaker #0

    Monsieur Giannakopoulos.

  • Speaker #6

    Je dirais que là, votre question touche quand même un sujet de préoccupation majeure aujourd'hui, c'est-à-dire la multiplication des personnes qui se réplient, des personnes jeunes, qui finalement c'est une tranche d'âge qui se situe entre pratiquement les 14 et 19 ans, c'est une tranche d'âge, qui peuvent désinvestir leurs études ou alors les suivre à minima et puis le reste du temps être devant les écrans et être chez eux. Alors, comme ça a été dit tout à fait justement, on ne peut pas dire qu'on n'est pas dans le champ de la psychiatrie, même si on n'est pas dans le champ de la souffrance psychique exprimée. Alors, il y a trois grands groupes là-dedans et puis ça dépend comment évidemment on essaye de les aborder parce que c'est des situations où les jeunes sont assez réfractaires à voir qui que ce soit. Et vu qu'ils ne font pas de bruit, Et les parents sont désarmés parce que vous n'avez pas la situation de quelqu'un qui cache à la maison, qui commence à devenir provocateur ou qui prend les substances, ce qu'on connaissait aux années 80, ce n'est pas du tout ça. Donc il y a un pôle, ça a été aussi souligné, c'est ce qu'on appelle le pôle anxieux, c'est-à-dire des personnes qui n'ont pas seulement le problème du lien avec les écrans, mais aussi une approche très anxieuse de l'existence, c'est-à-dire l'autre autant qu'une menace. et donc la volonté de contrôler à travers le monde virtuel. Il y a une autre catégorie, qui est une catégorie, et on les prend en charge, on essaye d'entrer en matière par rapport à ça, qui ont développé une vraie addiction à sa substance, c'est-à-dire où leur vie tourne autour de la possibilité de faire un minima à l'école si possible pour entrer vite et se remettre dans le virtuel. Et il y a une troisième catégorie qui sont des personnes qui sont quand même beaucoup plus perturbées, ce qu'on appelle les prémices des décompensations psychotiques. Ce sont des gens finalement qui ont une altération à bas bruit du rapport avec la réalité, qui ne devient pas bruyant dans le sens d'un passage à l'acte, de la violence, de la provocation ou de l'auto-agressivité. mais qui s'éteignent peu à peu et à un moment si quelqu'un les approche et les expose dans la société vous voyez des tableaux qui flambent complètement donc c'est inquiétant parce que ça prend des proportions ça prend des proportions et on n'arrive pas facilement à le saisir ce qu'on a essayé de faire et c'est l'expérience qui a été faite de dire parce que toute l'Europe est touchée du sud au nord aujourd'hui les pays scandinaves et aussi c'est une approche qui a été qui commence à être implantée aujourd'hui en Allemagne aussi, en Suisse, c'est de dire qu'on commence à avoir des consultations spécialisées et finalement des lignes où les parents peuvent appeler et on essaye à travers les conseils aux parents de faire venir les jeunes à des consultations en lien essentiellement avec le problème d'addiction aux écrans. C'est une porte d'entrée qui est plus facile à aborder. Ça a été décrit avant aussi. Vous savez, les personnes anxieuses ont beaucoup de peine à être confrontées à un milieu qui est anxiogène. Ça commence par la phobie scolaire quand on est très petit, mais ça peut arriver à se replier parce que l'extérieur ne peut nous amener que des ennuis. Et donc, confronter les personnes juste à leur anxiété, souvent, ça abat un repli encore plus important. Donc la manière de faire, une manière de faire, ce serait de se centrer sur... ce qu'on appelle, le grand groupe aujourd'hui, ce qu'on appelle les addictions sans substance, qui prennent une proportion, et là alors, du coup, on a une proportion inquiétante chez les jeunes, chez les adolescents, et même chez les jeunes adultes jusqu'à 22 à 25 ans.

  • Speaker #0

    Oui, David Le Breton, juste avant la question suivante.

  • Speaker #4

    Je voulais dire qu'on est davantage dans une rupture sociale que dans des questions psychiatriques, de mon point de vue, c'est un phénomène sociologique absolument considérable aujourd'hui, que ce retrait du monde. Je voudrais dire aussi que pour moi, d'un point de vue anthropologique, il s'agit d'un sas, il s'agit de se mettre un peu en retrait. Dans les recherches que j'ai pu mener, il y a toujours un retour, mais un retour qui peut prendre deux ans, trois ans, quatre ans, on le voit très bien d'ailleurs au Japon, c'est une période provisoire, qui exige évidemment que pendant ce temps ces jeunes soient protégés. Je ne vois pas forcément une connotation psychiatrique ou médicale dans ces questions-là. qui renvoient davantage au fait que ces jeunes ne se reconnaissent pas dans le monde qui les entoure. Et chez les ikikomori japonais, ce sont souvent d'ailleurs des phénomènes de harcèlement, de violence à l'école et autres. Donc il y a aussi de bonnes raisons souvent de se mettre à l'écart.

  • Speaker #0

    Merci. La question suivante s'il vous plaît.

  • Speaker #7

    Oui bonjour, j'aimerais faire un tout petit témoignage et poser une question. J'ai un frère schizophrène depuis bientôt 30 ans, donc ça a évolué je sais depuis 30 ans, mais il y a 30 ans, quand on le mettait en isolement, dans une chambre où il n'y a rien, comme vous le savez, moi je le vivais très mal en tant que sœur et la famille, parce qu'on ne nous expliquait pas à cette époque pourquoi c'était bien pour lui peut-être. Mon frère a réussi à nous rassurer en nous disant que quand il était en phase maniaque, qu'il faisait des bêtises, on va dire, que c'était bien, que ça le reposait, que ça lui faisait du bien, mais que c'était trop long, qu'on le laissait trop longtemps enfermé. Je vous la joue courte parce que... Il a refait des bêtises en France, il était soigné en France. Il est parti en Allemagne parce qu'il était amoureux d'une Allemande. Il s'est isolé de lui-même, comme vous disiez, en pleine nature, pour se couper du monde, pour ne plus avoir affaire à l'hôpital français, qui fait comme il peut, mais qui ne fait pas très bien, de la police, etc. Il est devenu parano, il s'est prostré. Pour moi, ça a été le pire moment de sa vie pendant plus de deux ans. Il a refait une bêtise. La police allemande n'est pas drôle, elle est moins drôle qu'en France, parce qu'en France on lui trouve toutes les excuses. En Allemagne on l'a mis en prison. La famille, notamment moi, j'ai dit surtout qu'il fallait qu'on le laisse en prison parce qu'il voulait aller en prison depuis 30 ans et qu'il fallait que ce soit lui qui dise qu'il était malade. Comme c'est un grand malade et qu'il est très très intelligent comme tous les grands malades, il est resté en prison. Ils se sont rendus compte qu'il était malade, ils l'ont mis en hôpital psychiatrique. Et ma question, c'est qu'en Allemagne, ils m'ont l'air beaucoup plus intelligent qu'en France, et je ne comprends pas pourquoi les Français qui se disent intelligents ne prennent pas ce qu'il y a de bien en Allemagne. C'est-à-dire qu'en Allemagne, on met mon frère en isolement pas longtemps, quelques heures. Il a le droit de téléphoner à sa famille, même quand il est en isolement, s'il a envie. On nous donne des nouvelles. Il sort au bout d'une journée, deux journées. Il a des niveaux. Il est super content. En ce moment, il est niveau 5. Il aura le droit à son portable quand il sera niveau 7. Quand il fait une connerie, il redescend. Mais il comprend. Il a 51 ans aujourd'hui. Pas aujourd'hui, mais 51 ans. Pourquoi on ne prend pas ce qu'il y a de bon chez les Allemands ? C'est ça, ma question.

  • Speaker #0

    Alors, pour compléter votre question, madame, je préciserai juste qu'en France, il y a un contrôle par le juge de la mise à l'isolement et également de la contention. Donc, en France, quand il y a 12 heures de mise à l'isolement, il y a un contrôle du juge qui est prévu. Et quand il y a 6 heures de contention, ce sont des périodes cumulées, il y a un contrôle du juge qui est prévu également pour la garantie de la liberté de l'individu. Alors, bien sûr, il y a beaucoup de dérogations. Et est-ce que je... peut dire également, c'est qu'il y a, et peut-être que Mme Liber va nous informer là-dessus, et puis M. Giannakopoulos également, une grande disparité en France même des pratiques en fonction des services et bien sûr en fonction des moyens, parce que l'isolement, c'est une mesure peut-être thérapeutique, mais c'est peut-être aussi une mesure qui est liée parfois, malheureusement, au manque de moyens. Mme Liber ?

  • Speaker #1

    Oui, alors moi je vais revenir. sur la situation de votre frère. En fait, dans le secteur où je travaille, on ne pratique pas l'isolement. On fait plutôt de l'apaisement par la communication non violente. Tout le personnel est formé, en fait, pour ça. Il y a des secteurs en France où, effectivement, on respecte les droits des personnes. Ils peuvent conserver leur téléphone, effectivement. la personne elle rentre aujourd'hui, demain elle demande une permission de sortir, si on lui accorde la permission. Sachez que ça existe en France, mais je suis tout à fait d'accord avec vous, c'est que c'est vraiment trop peu nombreux, c'est pas assez étendu.

  • Speaker #0

    Je pense, si je ne me trompe pas, quand vous avez fait référence au niveau 5 et 7, je vois un peu de ce que vous parlez. C'est une situation très différente par rapport à la France, puisque ici vous parlez exactement de l'interface entre la prison et les soins psychiatriques. C'est-à-dire les personnes qui sont en Allemagne, qui peuvent être, on l'avait dit hier, qui peuvent être en prison et qui ont une pathologie psychiatrique, suivent par la suite. peuvent être accueillies dans des structures qui sont assez équivalentes à ce qui existe en Suisse. C'est-à-dire que la structure que moi je dirige, c'est-à-dire des hôpitaux forensiques où il y a des approches structurées liées à la diminution du risque. C'est ce que vous avez décrit. C'est-à-dire qu'il y a des paliers qui permettent à l'individu progressivement de prendre plus de liberté. Cependant, et ça c'est un élément important, ces structures-là, dans la plupart des landais en Allemagne, sont des structures... à l'intérieur du monde carcéral, c'est-à-dire cette structure coordonnée avec la sécurité. Ce n'est pas du tout la même situation qu'un hôpital psychiatrique classique. C'est-à-dire nous on le voit très bien en Suisse, il y a les hôpitaux psychiatriques classiques, et évidemment il y a une population qui peut être quelque part à cheval et mettre en échec les deux systèmes, c'est-à-dire des personnes qui ont une pathologie psychiatrique si importante, que si vous les mettez en prison classique. Il y a de la souffrance et une impossibilité de soins. Et si vous le mettez à l'hôpital psychiatrique, très rapidement il y a des actes de provocation, des actes transgressifs qui font que les soignants ne savent pas très bien quoi faire. Et c'est des situations qui peuvent mettre à mal les deux mondes. En Allemagne, c'est l'optique des mesures en réalité, des mesures thérapeutiques selon le code pénal. En Allemagne, en Suisse, et comme je disais hier, c'est valable aussi en Hollande et en Scandinavie. Il y a la possibilité de créer des structures mixtes qui sont quand même très coûteuses, mais qui en même temps garantissent ce type de travail pour les personnes qui ont des profils très particuliers. Parce que sinon, évidemment, l'hôpital psychiatrique classique a ses limites. Ce que vous avez décrit par rapport aux juges et la possibilité de libérer des placements à des fins d'assistance, ça peut bien sûr être fait, mais souvent ce type de situation, c'est des situations qu'il faut suivre en très long cours. Et ce n'est pas juste une hospitalisation après la personne sort, va dans un secteur et continue sa vie. C'est des situations qu'il faut suivre de manière très attentive parce que l'exposition personnelle, mais aussi l'exposition en termes de passage à l'acte dans la société est très grande.

  • Speaker #1

    Merci. On va prendre la question suivante.

  • Speaker #2

    Bonjour. Merci d'abord pour toutes ces interventions qui sont extrêmement diverses. Pour me situer, je suis mère d'un garçon de 24 ans qui a une schizophrénie. Par ailleurs, je suis journaliste et je viens d'achever une série de podcasts qui s'appelle Gueule cachée, au cours de laquelle j'ai rencontré et interviewé des personnes qui ont des troubles psychiques extrêmement diverses pour entendre de l'intérieur ce que peut vivre chacun. Et je dirais que le fil rouge dans ces rencontres, c'est effectivement l'isolement. Je vous remercie d'avoir pointé la question de l'isolement choisi, subi, en tout cas désiré. Ma question porte sur ce qu'est ce qu'on fait de cet isolement, et notamment en sortie d'hospitalisation. Beaucoup de choses ont été faites, qui nous ont été très bien décrites. L'ARS a développé beaucoup de projets. Qu'est ce qui est fait pour que les familles puissent sortir de cette espèce de défiance qu'on traîne depuis des années ? dans le secteur de la dictologie en particulier, mais la dictologie n'est jamais très loin de la psychiatrie, et dans le secteur, merci d'opiner du chef, dans cette espèce de cloisonnement qui fait qu'un jeune qui sort d'hospitalisation va se voir proposer plusieurs choses, plusieurs intervenants, effectivement parfois à domicile, de façon très clairsemée. Sans que du côté de la famille, la famille n'est pas associée en fait, elle ne sait pas comment accompagner. J'ai été heureuse d'entendre ce mot-là aussi tout à l'heure. Comment est-ce qu'on accompagne le désir d'isolement qui est tout à fait légitime parce que c'est un besoin dans certains cas pathologiques. Comment est-ce qu'on accompagne ce désir d'isolement ? Un, en associant la famille et deux, en donnant plus de clarté sur les différents intervenants. que ce soit en addicto, que ce soit en sociabilisation, en réhabilitation. Dernière question, comment on associe aussi le désir de la personne elle-même ? au sens où voilà moi j'ai un fils de 24 ans qui en a proposé une séance de ping pong une fois toutes les semaines c'est un garçon qui effectivement plus au sportif mais qui aimerait faire de la création musicale qui en fait déjà et quand on lui a demandé pourquoi il voulait faire ça est ce qu'il aurait la patience d'attendre que en fait il faut d'abord qu'il montre qui va être assidu à ses cours de ping pong pendant je sais pas combien de temps et à ce moment là peut-être qu'on lui proposera un atelier de création sonore ou Voilà, enfin pardon, c'est peut-être un peu confus. Ma question c'est comment est-ce qu'on donne plus de clarté, de visibilité et comment on entend les demandes et les désirs du patient lui-même ? Merci.

  • Speaker #1

    Madame Pain.

  • Speaker #3

    Je vous rejoindrai sur la difficulté actuelle. C'est-à-dire, on va prendre votre dernier item, l'autodétermination. Vous avez un handicap psychique ou un handicap physique, tout le monde prône l'autodétermination à choisir sa vie. Vous avez une maladie mentale. ou un problème d'addiction, là vous n'êtes plus tout à fait dans l'autodétermination. C'est-à-dire que vous aurez droit effectivement à la création musicale si vous faites d'abord du ping-pong. Donc il y a peut-être un croisement qui est en train de se faire, puisqu'en fait si on veut bien, et c'est un petit peu ce qu'on voit poindre comme politique publique, quelle différence y a-t-il entre un handicap psychique un handicap neurologique, un handicap physique et un handicap à être peut-être dans la société du fait d'une maladie mentale qui vous rend isolé. C'est la même chose. Donc l'autodétermination, c'est quelque chose qu'on demande maintenant aux gens qui font des programmes de réhabilitation post-addiction, post-maladie mentale. On doit laisser le choix aux gens, mais c'est valable dans plein de domaines. J'interviens régulièrement pour rappeler... Lorsque je suis saisie que si la personne ne veut pas tel type de soins, c'est aussi son droit. Enfin, on est quand même libre dans notre société. Parce qu'on a le même problème que les personnes en situation d'obésité massive. C'est malade mental, obèse, massif, c'est les mêmes choses. Moi, je m'occupe des deux sujets. Pour moi, il y a beaucoup de liens. Et effectivement, il faut qu'on puisse accompagner. Après, pour les familles, les accompagnants. Nous essayons, et là on est en train de rediscuter avec l'UNAFAM, de donner plus de poids aux associations. C'est-à-dire que vous avez des associations qui s'occupent, comme l'UNAFAM, d'accompagner les personnes aidant-familiaux de personnes en situation de maladie mentale. Elles ont beaucoup moins de poids qu'une association de diabétiques. Les associations françaises de diabétiques, elles vont pouvoir influer sur les politiques publiques. Les associations qui s'occupent de maladies rénales, elles vont influer, elles vont dire mais nous on veut ça, on veut ça Et comme la maladie mentale est encore un peu stigmatisée, l'addiction est encore stigmatisée, ces associations à la fois de patients, d'anciens patients, mais de patients et de familles de patients, elles sont peut-être pas au... aussi bien entendu qu'il le faudrait. Et ça, je vous rejoins tout à fait. Donc, nous, on essaie de faire le parallèle. C'est pour ça, moi, je dis, je m'occupe des parcours de soins. Mais je ne fais pas de distinguo entre l'Association française de diabétiques, l'Association de l'UNAFAM. Pour moi, c'est un problème de santé. Je citerai Canguilhem, que j'apprécie beaucoup. La maladie, c'est quoi ? C'est un parcours de vie. Avant d'être malade, on est malade, et puis on continue post-malade, puis après on est nouveau-nouveau malade, enfin, c'est notre vie. Et donc, je vous rejoins, il faut absolument que les associations de patients, les associations de familles, se fassent entendre, se constituent, mais pour qu'elles se fassent entendre, c'est pas facile, et je vous en remercie, madame, de dire, je suis maman d'un quelqu'un qui est schizophrène. Il y a encore 15 ans, les gens ne le disaient pas, en cachet. On ne disait pas qu'on avait un enfant schizophrène. On peut avoir un enfant schizophrène, on peut avoir un enfant qui souffre de diabète, on peut avoir un enfant, et on doit être entendu au même titre. Donc c'est ce qu'on essaie de prôner, nous, en politique publique. Mais, comme je l'ai dit tout à l'heure, il faut que la société nous aide. C'est-à-dire que c'est pour ça que je suis là, pour dire qu'il faut entendre les associations de patients, dire que ça ne va pas à la contention. et avoir le même respect pour ses problèmes de pathologie mentale que pour celui qui est diabétique. On n'a pas forcément... Disons que dans la souffrance, qu'elle soit psychique ou physique, il n'y a pas de... c'est plus important, c'est moins important. Alors tout le travail qui a été fait sur le handicap... Je pense qu'il faut le faire maintenant sur les maladies mentales, en termes de destigmatisation de la société. D'où les contrats locaux de santé mentale, d'où les nuits de la santé mentale, d'où ce soir la nuit de la psychiatrie. Comment ? Les sismes, enfin plein de dispositifs, mais c'est aussi un message à porter dans la société. On ne peut pas, les professionnels de santé, les gens qui se quittent de politique publique, c'est la société qui va faire qu'on va pouvoir progresser. Je vous soutiens, n'hésitez pas à le redire. Et puis je vous dis, c'est une discussion qu'on a actuellement avec l'UNAFAM sur ce sujet.

  • Speaker #1

    Madame Melchior. C'était juste pour réagir à ce que vous dites et en écho à ce que disait Madame. C'est que ça demande quand même qu'il y ait une diversité de types d'approches et d'activités qui soient proposées aux personnes. Je ne sais pas si c'est des questions de moyens ou de la manière dont on aborde. le rétablissement, la manière dont les personnes peuvent faire différentes choses au cours de leur vie, y compris quand elles ont eu un trouble psychiatrique et qu'elles ont dû être hospitalisées. Mais déjà, il faut le penser que tout le monde ne veut pas faire du ping-pong. Et ça veut dire probablement déployer des moyens qu'on ne déploie pas suffisamment, avec des intervenants qui ne sont pas que des intervenants médicaux, évidemment. Vous avez parlé des psychologues qui recréent du lien dans les structures, j'ai trouvé ça extrêmement intéressant, c'est-à-dire qu'en réalité, il y a des espaces et des opportunités à créer. Et je crois que justement, on a peu d'évaluations vraiment evidence-based, mais tout ce qui relève de la prescription sociale, c'est un petit peu cette idée-là, c'est-à-dire que les personnes avec leur entourage proche peuvent identifier... des activités ou des types de choses qu'elles aimeraient pouvoir faire, qu'elles aimeraient pouvoir déployer et que les professionnels de santé accompagnés par d'autres professionnels, des médiateurs, des psychologues, des éducateurs, etc. sont à même de les aider à construire ces projets-là, mais on en est encore très très loin. Monsieur Giannakopoulos.

  • Speaker #0

    Oui, peut-être j'ajouterais sur cela qu'il est très important de faire la carte, c'est-à-dire que les réponses génériques ont relativement peu de pertinence quand on parle des cas individuels, surtout quand il s'agit des personnes qui souffrent de schizophrénie, parce que l'évolution de la maladie, ce qu'on appelle l'histoire naturelle de la maladie, peut être extraordinairement différente. Comme vous avez parlé de l'isolement, qui est un isolement voulu, il y a des personnes qui peuvent rester avec un très haut niveau de méfiance, être très peu preneurs d'interventions sociales, de possibilités d'être davantage accompagnées, vivre ça comme une menace. Il y a d'autres personnes qui peuvent perdre leur capacité assez rapidement sur le plan cognitif. Dans ce cas, il faut évidemment ajuster ce qu'on offre par rapport à ce que l'autre peut prendre. Et il y a des personnes qui peuvent garder des très bonnes capacités en dehors des phases plus critiques qui nécessitent parfois l'hospitalisation. Et dans ce cas, vous avez une autre possibilité de renforcer le lien social. Donc, j'ai envie de dire que dans mon expérience... Le vrai problème d'une politique publique et des politiques publiques dans différents pays, c'est la capacité de passer d'une affirmation ou même des structures qu'on met en place de manière générale à la déclinaison individuelle qui nécessite quelque part un travail minutieux sur le terrain et donc faire des surmesures. D'habitude, ce qu'on met en place, quand on arrive, quand on a des moyens, c'est plutôt des productions industrielles. Mais dans des situations comme cela, il faut faire du sur-mesure. Et ça, c'est coûteux en énergie, coûteux en moyens et nécessite une collaboration de tous les réseaux.

  • Speaker #1

    Alors, on va prendre une dernière question et je repasserai la parole à chacun des membres de cette table ronde pour soit y répondre et ou conclure. Madame, nous vous écoutons.

  • Speaker #4

    Bonjour. Alors, j'ai l'impression de peut-être être hors sujet, mais j'ai quand même... poser mes interrogations, enfin vous les partager. Je suis médecin et mon parcours professionnel fait que je suis médecin au sein de l'éducation nationale aujourd'hui. Et dans l'éducation nationale, on a bien conscience qu'un enfant en bonne santé apprend mieux et qu'un enfant qui apprend bien sera sans doute en meilleure santé plus tard et que la santé a bien trois composantes, physique, mentale et sociale. Et je m'interrogeais au vu des différents indicateurs de détérioration de la santé mentale des jeunes et l'importance du lien social pour la bonne santé mentale, si les politiques... prise au sein de l'éducation nationale était finalement générateur d'une bonne santé mentale avec l'apparition de ces groupes à niveau, ces groupes de besoin en sixième, cinquième, ces options en première avec différents groupes et en terminale. Donc je m'interrogeais si, même si on va développer les compétences psychosociales dès le plus jeune âge, et on espère, et tout au long de la scolarité de l'enfant, si au final, ce n'était peut-être pas contre-productif. Et la deuxième interrogation, c'est que la santé mentale des jeunes, il y a un vrai focus dessus, et bien sûr que nous sommes pleinement intéressés. Mais peut-être qu'on ne parle pas assez souvent de l'aspect positif et des jeunes qui vont bien, parce qu'au final, si je suis adolescent, je ne vais pas bien. Si je vais bien, est-ce qu'au final, je suis normale ? Et est-ce que nous ne sommes pas responsables, nous, adultes, entourant ces jeunes et ces enfants, de finalement, en voulant les surprotéger d'un monde difficile, et qu'on peut comprendre anxiogène pour nous, mais aussi pour eux, on va peut-être favoriser leur isolement social en leur permettant de rester à la maison pour ne surtout pas avoir de problèmes dehors. Et donc, on va les autoriser à regarder les écrans, pas que forcément les réseaux sociaux. Et est-ce qu'on n'est pas responsable, nous, adultes, de cet isonnement social qui va avoir des répercussions sur la santé mentale des jeunes ?

  • Speaker #1

    Je repasse la parole à chacun qui se saisira de ces questions, ou pas. Je vous demanderai de conclure, ce sera la dernière intervention. Madame Melchior. Merci beaucoup pour ces deux questions. Je souscris absolument à ce que vous avez dit sur les deux points. C'est-à-dire qu'on peut vouloir mettre en place des politiques publiques pour faire de la prévention, les compétences psychosociales par exemple. accompagner les gens qui ont déjà des troubles psychiques ensuite pour recréer du lien social mais en réalité il y a une... enfin en santé publique il y a un principe qui est issu de la commission sur les déterminants sociaux de l'OMS qui a été présidée il y a une vingtaine d'années par Michael Marmot qui est de dire qu'en réalité pour réduire les... pour agir sur les déterminants sociaux de santé et agir les inégalités et pardon réduire les inégalités En fait, il faut introduire de la santé dans toutes les politiques publiques et essayer de les examiner à l'aune de leur impact sur... c'est-à-dire examiner les politiques publiques à l'aune de l'impact qu'elles peuvent avoir sur la santé et sur les disparités qu'il pourrait y avoir entre différents groupes en termes de santé. Ce que vous avez mentionné sur la réforme, les différentes réformes mises en place récemment de l'éducation nationale va complètement à l'encontre, évidemment, de l'idée de créer du lien entre les élèves. Merci. A ma connaissance, pas d'évaluation sérieuse de l'impact, par exemple, du changement du baccalauréat, le fait d'avoir complètement explosé les groupes classe au lycée, par exemple, et d'avoir complètement mis l'accent sur l'accompagnement, les projets individuels, ce qui en plus à cet âge-là est quand même très souvent... Enfin, je ne sais pas comment dire, ça questionne, disons, pour ne pas dire autre chose. Sans parler de Parcoursup, alors Parcoursup n'étant pas un problème en soi, mais le problème c'est la compétition et les difficultés d'accès à l'enseignement supérieur. qui crée là aussi plutôt vraiment de la pression à l'échelle individuelle plutôt que de l'entraide et du collectif. Donc je pense que l'éducation nationale aurait intérêt à évaluer l'impact de ces politiques sur la santé mentale des jeunes. Sur les jeunes qui vont bien, je suis aussi complètement d'accord avec ce que vous avez dit, dans le sens où, par exemple, dans la prévention du tabagisme, on s'est rendu compte qu'à force de dire 50% des jeunes fument, que... Et en fait, ça normalisait complètement le fait que c'était tout à fait normal de fumer quand on était adolescent. Et il se trouve que le tabagisme diminue chez les adolescents. Mais en fait, il faut leur dire mais non, il y a un jeune sur deux qui ne fume pas. D'autant que quand on fume, on a l'impression que tout le monde autour de soi fume également. Et donc, en fait, ça crée la norme. Donc, on en reparlera peut-être tout à l'heure. Mais bien sûr, il faut dire qu'il y a énormément de jeunes qui vont bien, qui ont des projets, qui trouvent du sens dans leur vie. Et qu'on peut tous avoir des moments... de passage à vide, mais la pathologie mentale et les troubles psychiques, c'est quand même encore autre chose, et qu'il ne faut pas non plus complètement surréagir à tout. Et dernier point, parce que je ne veux pas non plus prendre trop de temps, J'ai échangé il n'y a pas très longtemps avec un collègue pédopsychiatre qui travaille au sein de l'équipe sur cette question de la phobie scolaire et de pourquoi est-ce qu'on trouve cette augmentation. Il y a certainement plein de choses qui ont changé dans l'environnement des enfants, mais effectivement le rapport entre les enfants et les parents, la manière dont les parents réagissent quand un enfant va mal, a aussi probablement changé, et peut-être notamment au cours de la pandémie de Covid. C'est-à-dire que... Comme disait ce collègue pédopsychiatre, il s'est rendu compte que pendant la pandémie de Covid, évidemment les enfants n'allaient pas à l'école, les lycéens c'était variable, etc. Et que ça a un tout petit peu normalisé le fait que parfois on ne va pas à l'école, c'est comme ça, c'est quelque chose qui n'est pas complètement anormal. Et donc c'est plus facile pour les parents maintenant de dire à un jeune qui dit j'ai pas envie d'aller à l'école, j'ai mal au ventre, j'ai mal à la tête, j'ai peur, ça se passe pas bien de dire, bon, écoute, puisque c'est comme ça, tu restes à la maison et on verra après. Et ça, c'est peut-être aussi quelque chose qu'il faudrait requestionner et essayer de travailler pour ne pas créer de cercles vicieux de mal-être et isolement. Merci. David Lomreton.

  • Speaker #5

    Oui, je prolonge votre propos sur la surprotection de l'enfant qui aboutit évidemment à une fragilisation du rapport au monde. Il y a une recherche d'ailleurs britannique qui est absolument passionnante sur quatre générations d'enfants de 8 ans. La première génération, donc dans les années 20-30, marchait 10 kilomètres autour de la maison. Et puis plus on avance vers le temps, plus il y a une diminution du nombre de kilomètres parcourus. Aujourd'hui, 300 mètres. Je crois que tout est dit dans ce genre d'expérience, de la même façon d'ailleurs... Les enfants d'aujourd'hui, enfin les adolescents d'aujourd'hui, courent à 800 mètres en 4 minutes, alors qu'il y a une quinzaine d'années c'était 3 minutes. Donc on voit qu'en termes de santé publique, il y a quand même une perte absolument considérable. Mais cette sédentarisation de l'enfant, de l'adolescent, cette humanité assise, comme je dis souvent, amène évidemment à une accentuation du recours au portable. Alors on n'a plus le temps de développer, mais je pense qu'il est essentiel au plan pédagogique aujourd'hui de développer des activités de pleine nature, même chez les tout-petits évidemment, pour qu'ils apprennent le nom des arbres, des oiseaux, etc. Puisque des recherches montrent d'ailleurs que des enfants connaissent des centaines... Aux Etats-Unis, ils connaissent mille logos de marques commerciales, ils sont incapables de discerner un chêne d'un... d'un freine à côté ou autre. Donc voilà, il faut absolument développer. De la maternelle à la fin du lycée, c'est sorti dans les forêts, dans les montagnes, à la mer ou ailleurs, selon les géographies où l'on est, pour que les enfants lèvent les yeux de leur téléphone portable. Même s'ils n'y passent pas tout leur temps, je sais bien, mais quand même.

  • Speaker #1

    C'est aussi ce que nous disait Maya Garatier hier sur la table ronde facteurs environnementaux et santé mentale, y compris même chez les tout petits bébés. M. Giannakopoulos.

  • Speaker #0

    Je pense que vous posez des questions qui mériteraient un forum en soi. En réalité, qu'est-ce qu'on offre aux jeunes ? Qu'est-ce qu'on attend d'eux ? Et qu'est-ce qu'on fait de ceux qui vont bien ? Qu'est-ce qu'on fait de cela, de cette information ? Il faut tenir compte qu'on est face à un changement de paradigme. qui est assez fondamentale dans nos sociétés actuellement, c'est la perte des repères par rapport aux certitudes. Et ça concerne les parents plus que les enfants. C'est-à-dire qu'on a vécu longtemps avec des certitudes qui étaient basées sur la reconnaissance des bons et des mauvais. Ce qui était le cas, j'entends, pour les plus anciens, ceux qui avaient vécu à l'époque de la séparation entre les... Les communistes et de l'autre côté l'Europe occidentale, quand on avait toujours des repères qui sont des repères idéologiques, on pourrait épouser une cause ou une autre, mais on était obligé d'épouser une cause. Les grandes idéologies structurantes et les institutions structurantes ont connu quand même une régression massive les derniers 30 ans. Donc évidemment, de l'autre côté, le paysage est devenu de plus en plus confus, c'est-à-dire avec des changements et des courants antithétiques. et aussi par certains aspects fondamentalement coadductoires. C'est-à-dire, en même temps, on peut... C'est peut-être d'actualité, mais ça illustre bien le propos. On peut en même temps promouvoir et devenir des apôtres d'un côté de l'inclusivité. Et 15 jours plus tard, 3 semaines plus tard... On paie tous les financements sur l'inclusivité suite à l'élection du président des États-Unis. Pour un jeune, pour les jeunes en général, vivre avec ce type de changement très rapide, l'insécurité ambiante et la confusion qui nous entoure et qui les entoure, est extraordinairement difficile. Au niveau de l'éducation, on a tout essayé. D'ailleurs, la Suisse a un très bon laboratoire là-dessus. On a essayé... La permissivité totale, c'est-à-dire de dire non, il n'y a pas de limite, il faut suivre le rythme de l'enfant, pas de notes, pas d'évaluation, essayer d'être les protégés le plus possible de ce qui peut être une compétition rude. Après, on a complètement changé de fusil d'épaule, revenir de quelque chose qui est beaucoup plus structuré, avec des évaluations, parce qu'on avait l'impression que c'était devenu n'importe quoi. Est-ce que véritablement, en termes de santé mentale, On a mesuré les répercussions d'une approche ou d'une autre, la réponse est non. On tâtonne. On tâtonne en réalité en prenant une optique ou une autre optique en termes de politique sans savoir très bien à qui on s'adresse et comment ils vont se développer là-dessus. Les individus, ce qu'ils vont faire le lendemain de cette société. Alors qu'est-ce qu'on attend ? J'ai l'impression qu'on attend des choses qui peuvent être très contradictoires par rapport aux enfants. J'aborde dans votre sens le déqueu. Et dans mon expérience de clinicien aussi, souvent les parents ont la tendance de dire Mais dans un monde qu'on commence à comprendre de moins en moins, il faut les protéger. Et donc on voit, et ça c'est un phénomène qui a été très bien attesté par les études, des jeunes qui restent aujourd'hui dépendants, financièrement, socialement et du bonheur familial de leurs parents, beaucoup plus longtemps que par avant. Et la quête... de partir rapidement de la maison est devenue une sorte d'optasie qui n'a plus le lieu d'être. C'est-à-dire qu'on a des personnes qui restent de plus en plus longtemps par perte de repères, mais aussi par complicité bienveillante des parents. Après, il y a le troisième élément que j'essayais de dire avant, c'est-à-dire qu'on peut bien évidemment devenir tous, plus ou moins, des prophètes de l'Apocalypse. dire que les choses vont être détruites, que ça va être cosmogonique, qu'on va de mal en pire. Mais il est vrai, ce que vous avez dit est juste ce qui a été dit avant. Il y a un tas de jeunes qui n'ont ni pathologie psychiatrique, qui suivent les études, qui investissent le lien social, qui peuvent être présents avec les autres. Et j'ai envie de dire, avec un niveau d'intelligence et de pertinence, que moi... Et parfois, je dois dire, ça me sécurise par rapport à l'avenir. En même temps, ça donne un certain espoir et ça nous montre quand même que ce n'est pas une question ni d'intelligence, ni de dégénérescence morale. Absolument pas. Donc, ce type d'exemples, qui ne sont pas la minorité, qui ne sont pas la minorité, est complètement, je dirais, couverte par l'inquiétude diffuse. d'une société qui n'a plus les mêmes repères. Et donc notre observation, c'est centre sur ce qui a été dit avant, les jeunes qui restent à la maison et qui ne sortent pas, qui n'arrivent pas à tisser des liens, qui peuvent perdre leurs compétences, et ceci indépendamment de la santé mentale, indépendamment en tout cas de la pathologie psychiatrique plus la santé mentale. Donc c'est une vraie interrogation, on n'a pas les réponses, et je pense que ce sera le vrai enjeu de nos sociétés pour les années à venir.

  • Speaker #1

    Nous commençons à être pris par le... temps, donc je vais demander de resserrer votre propos de conclusion, Madame Pint.

  • Speaker #3

    Oui, alors je ne répondrai pas à la question, puisque c'est une question très compliquée. Je dirais juste pour conclure qu'en fait, on est peut-être, nous on le voit, en termes de positionnement de la société, cette société que vous dites un peu confuse, elle est aussi confuse sur les politiques publiques qu'elle doit mettre en place, parce que peut-être je me positionnerais comme citoyen aussi, et non pas comme médecin ou autre, c'est à nous de dire non. Nos jeunes, ils n'ont plus de repères, mais normalement, ce sont les jeunes qui changent le monde, ce n'est pas moi.

  • Speaker #0

    Donc j'attendrai de voir des jeunes qui peut-être sont dans une situation actuellement de se dire c'est quoi ce monde ? Ils ne sont pas tous atteints de pathologies mentales et moi j'espère avoir le temps de voir arriver une génération qui voudra de nouveau changer le monde et qui peut-être on est sur une période un peu interlope comme ça. Je le verrai comme citoyen parce qu'effectivement le monde n'est pas stable, les repères ne sont pas stables. Mais c'est peut-être un petit creux de la vague avant une évolution de la société, que comme citoyen je ne peux que percevoir peut-être, parce que je suis optimiste, le verre à moitié plein plutôt que le verre à moitié vide, et de se dire qu'il faut aussi voir ceux qui vont bien, ceux qui disent ben non, mais moi j'ai pas envie parce que ça m'intéresse pas et puis diminuer l'anxiété des parents. Parce que là actuellement, l'anxiété des parents c'est très très très difficile.

  • Speaker #1

    Merci Madame Liber pour terminer. Je ne vais pas répondre non plus à la question, elle a été largement examinée par les collègues. Moi je voudrais dire en fait que ce qui est important c'est ce poids de la stigmatisation qui pèse dans la société et je dirais que les politiques nationales doivent aller vers une déstigmatisation et en même temps elles doivent prôner justement la pratique de l'aller vers, c'est-à-dire... plus d'équipes mobiles, car on sait que les coûts d'hospitalisation et on sait que le parent pauvre de la santé, c'est la santé mentale, la psychiatrie. Donc, en fait, le coût de l'hospitalisation est très élevé et nettement moins élevé lorsqu'on soigne dans la cité. Merci à tous pour cette magnifique table ronde.

  • Speaker #2

    Et on se retrouve... À 14h pour comment définir la norme d'un être humain tout en nuances. A tout de suite.

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Description

Forum Européen de Bioéthique 2025 : Santé Mentale & Bioéthique


Santé mentale et isolement


Grande précarité, enfermement carcéral, vieillesse et maladie mentale : l'isolement social est à la fois une cause et une conséquence des troubles mentaux. Dans un monde hyperconnecté, l'isolement de la personne humaine est paradoxalement en augmentation. Quels sont les effets délétères de l'isolement sur la santé mentale et quels sont les moyens de lutter contre ce phénomène ? Quelles stratégies peuvent être mises en place pour favoriser l'inclusion sociale et le soutien communautaire ?


Panteleimon Giannakopoulos, Professeur ordinaire au Département de psychiatrie de la Faculté de médecine, Médecin-chef du Service des mesures institutionnelles aux HUG, Directeur général de l'Office cantonal de la santé (OCS) du canton de Genève


David Le Breton, Professeur émérite de sociologie à l’université de Strasbourg, Membre senior de l’Institut Universitaire de France, Titulaire de la chaire « Anthropologie des mondes contemporains » de l’Institut des Études Avancées de l’université de Strasbourg (USIAS)


Yannick Libeer, Médiatrice de santé paire, pôle 59g21 (Déborah Sebbane, cheffe de pôle) EPSM Lille Métropole, Facilitatrice pour le centre de Lille dans la recherche action EDEN (Ecoute et Dialogue avec les ENtendeurs de voix)


Maria Melchior, Docteur en sciences (Université de Harvard), Directeur de recherche à l’Inserm


Laure Pain, Directeur de Projet Parcours, Direction de la Politique Médico-soignante, ARS Grand Est


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour, bienvenue pour cette nouvelle journée au Forum européen de bioéthique qui a pour thématique cette année santé mentale et bioéthique. Je vais laisser la parole à Maud Nizan qui va animer et modérer cette table ronde.

  • Speaker #1

    Bonjour à tous, donc cette table ronde qui s'intitule santé mentale et isolement. Nous sommes des êtres sociaux et nous avons besoin d'une connexion régulière avec les autres, d'interaction sociale. Ce qui en manque présente un risque accru de troubles psychologiques tels que l'anxiété et la dépression. Et une étude récente que je vous conseille qui est très passionnante. Une méta-analyse, comme on dit, qui parle des risques de diminution du niveau de vie, de l'espérance de vie, parle même de l'isolement social comme un facteur de baisse sensible de l'espérance de vie. Les personnes âgées sont bien évidemment les premières à souffrir de l'isolement social, mais ce ne sont pas les seules, puisque plus d'une personne sur cinq déclare se sentir souvent ou toujours seule. problématique intensifiée bien sûr par les confinements et les mesures de distanciation sociale. Il y a des études qui montrent que ce n'est pas la quantité mais la qualité des interactions sociales qui importent et les liens virtuels peuvent notamment s'avérer insuffisants parce que les interactions perdent en qualité. Raison pour laquelle passer beaucoup de temps sur les réseaux sociaux, qui portent en fait mal leur nom, et bien peut accroître le sentiment de solitude. Si l'isolement impacte de manière certaine la santé mentale, il est tout aussi certain que la pathologie mentale génère de l'isolement. Ce qui pose la question de la prise en charge des malades, y compris sur le versant de leur intégration dans la société. L'isolement est donc à la fois une cause et un symptôme de troubles psychologiques ou psychiatriques. Il peut résulter de la situation sociale des personnes, nous en parlerons, vieillesse, précarité, troubles psychologiques ou psychiatriques. Mais peut-être que nous parlerons également de ce que l'on isole par l'incarcération ou dans le cadre d'une hospitalisation. Et si parfois la mise à l'isolement est inévitable, on peut se poser la question de son impact sur la santé mentale des personnes concernées. On sait notamment que deux tiers des hommes et trois quarts des femmes sortant de détention présentent un trouble psychiatrique ou lié à une substance. On sait aussi que beaucoup d'entre eux avaient déjà des antécédents psychiatriques avant l'entrée en détention. Ça signifie que l'isolement carcéral génère de la pathologie mentale, mais également que l'on incarcère des personnes qui vont mal et dont le parcours de soins en détention est rendu bien évidemment difficile par l'incarcération. Et enfin, on évoquera l'isolement dans le cadre des soins psychiatriques, qui est une solution bien sûr de dernier recours, mais dont la pratique semble très hétérogène sur le territoire. Pour évoquer toutes ces questions, nous recevons une table ronde bien fournie aujourd'hui. Nous sommes un peu plus nombreux que d'habitude et je m'en réjouis. Nous écouterons tout d'abord Maria Melchior, qui est docteure en sciences, directeur de recherche à l'Inserm. Monsieur David Le Breton, professeur émérite de sociologie à l'Université de Strasbourg, membre senior de l'Institut universitaire de France, titulaire de la chaire Anthropologie des mondes contemporains de l'Institut des études avancées de l'Université de Strasbourg, et qui a récemment publié, entre autres, puisqu'il y a eu... Une production régulière de livres et récemment la fin de la conversation, point d'interrogation. Nous entendrons ensuite Pantelemon Giannakopoulos, professeur de psychiatrie, directeur général de l'Office cantonal de la santé du canton de Genève et directeur médical de la prison-hôpital pour détenus dangereux, Curabilis. Et enfin, Madame Yannick Liber, médiatrice de santé paire établissement public de santé mentale, Lille-Métropole. Je donne donc la parole pour démarrer cette belle table ronde à madame Maria Melchior. Nous vous écoutons.

  • Speaker #0

    Pardon, on n'a pas besoin du micro. D'accord, on l'a déjà. Super. Bonjour et merci beaucoup pour cette invitation. Non ? Non. Je crois qu'il y a une personne qui n'a pas été présentée.

  • Speaker #1

    J'ai oublié de présenter madame Laure Pain. Oui, parce que j'ai inversé, c'est pour ça l'ordre de passage. Excusez-moi. Madame Laure Pain, directeur de projet Parcours, direction de la politique médico-soignante à l'ARS Grand Est. Bienvenue, madame Pain. Je passe donc la parole à madame Melchior.

  • Speaker #0

    Bonjour et merci de cette introduction et merci surtout de votre invitation. Je suis ravie d'être parmi vous. Je suis épidémiologiste à l'Inserm et je travaille principalement sur les questions de déterminants sociaux en lien avec la santé mentale et les conduites addictives. Ce que fait mon équipe, c'est qu'on essaie de comprendre dans quelle mesure est-ce que différents aspects de la situation sociale des personnes influent sur leur santé mentale, mais aussi comment la santé mentale peut évidemment... modifier la situation sociale des personnes. Et donc je voulais commencer en vous donnant peut-être quelques éléments un petit peu généraux sur la manière dont l'épidémiologie aborde ces questions d'isolement social et de santé, de santé mentale en particulier. et dire peut-être en écho à ce qui vient d'être dit en introduction, qu'on distingue différents aspects des liens de sociabilité qui peuvent avoir des effets sur la santé. Tout d'abord, tout ce qui concerne les relations avec des membres de son réseau de sociabilité. Ça peut être des liens physiques, mais aussi des liens virtuels. Généralement, on considère qu'on a tous, chacun et chacune, des liens avec des personnes. qu'on peut croiser dans notre environnement familial, dans notre environnement professionnel, nos amis, mais aussi en dehors, dans le cadre d'associations ou de groupes de loisirs. Et ces liens de sociabilité sont extrêmement importants pour plein de raisons différentes, parce qu'ils nous permettent de nous situer par rapport à un réseau relationnel. Comme ça a été dit, nous sommes tous et toutes des animaux sociaux, voire des animaux politiques, si on s'en réfère à Aristote. La place qu'on tient au sein d'un réseau et d'un collectif est absolument importante pour nous permettre de bénéficier de reconnaissance, d'être en lien avec les normes. Ce sera aussi la thématique de la table ronde qui suivra, pour avoir un sentiment d'appartenance. Tous ces éléments sont évidemment très importants pour le bien-être et notre manière de nous situer par rapport aux autres. Les réseaux relationnels ont aussi un rôle très important pour nous permettre d'avoir accès à différentes formes de soutien social, que ce soit du soutien émotionnel ou du soutien matériel. Je vous dis des choses très évidentes, mais c'est pour vous expliquer juste un tout petit peu comment on conceptualise ces différentes notions dans le domaine de l'épidémiologie. Et ces différents aspects du réseau relationnel et du soutien sont à distinguer du sentiment de solitude, qui est beaucoup plus subjectif et qui peut, d'une part, déjà refléter un état de santé mentale dégradé, parce que quand on se sent seul, quand on se sent anxieux, déprimé, on peut se sentir très seul et ne pas être compris, même si on est entouré par d'autres personnes, et qu'objectivement, on a des interactions et des liens, des contacts avec d'autres personnes. Mais c'est aussi pour dire que... à la fois les déterminants de l'isolement et de la solitude, mais aussi les manières dont on peut réfléchir à comment rompre ces phénomènes, sont un petit peu différents et ne se réfèrent pas exactement aux mêmes choses. Donc, comme ça a été dit, on estime qu'environ 10% de la population française est isolée. Ça veut dire qu'elle n'a pas de lien régulier avec des personnes dans leur entourage, qu'ils soient amicales, professionnelles, familiales. Près d'un tiers des personnes ont en réalité un réseau relationnel dégradé, c'est-à-dire qu'en fait, évidemment, on peut n'avoir des liens qu'avec des personnes de sa famille, mais plus on a un réseau relationnel riche et composite, plus il y a une forme d'intégration sociale qui peut être bénéfique en termes de santé. Et à côté de ça, à peu près 20% des personnes se sentent seules, dont 83% ou un petit peu plus disent être en souffrance. du fait de cette solitude. Donc, vraiment, entre l'isolement et la solitude, il s'agit de deux choses un tout petit peu différentes. Et les politiques publiques sont probablement plus à même d'essayer de lutter contre l'isolement que contre le sentiment de solitude, même si on peut espérer que plus on lutte contre l'isolement et moins les gens se sentiront seuls, in fine. Alors, comme je vous l'ai dit tout au départ, moi, ce qui m'intéresse particulièrement, ce sont les liens entre différents aspects de la situation sociale des personnes et leur santé mentale. Et on sait que la situation socio-économique en particulier est un des déterminants principaux des problématiques de santé mentale tout au long de la vie. La précarité signifie, comme vous le savez sans doute, ce qu'on obtient par la prière. C'est une situation évidemment à la fois de pauvreté monétaire, financière, mais aussi de difficultés en termes de stabilité professionnelle, en termes de stabilité résidentielle, parfois en termes de stabilité relationnelle aussi justement avec des personnes... dans son entourage. Donc la précarité est très liée à différentes formes d'isolement. Ça se comprend évidemment, c'est-à-dire que si on est au chômage, par exemple, ou qu'on a une trajectoire professionnelle instable, ça peut avoir des effets néfastes sur les relations qu'on entretient avec des personnes de son travail. Si on a des difficultés financières, on est plus en difficulté pour entretenir une vie sociale. Je vous dis des choses assez évidentes, mais voilà. On ne choisit pas forcément, enfin très rarement, d'être isolé, même si peut-être que d'autres personnes auront un regard un petit peu différent sur cette question. Mais du point de vue de l'épidémiologiste, l'isolement qu'on espère pouvoir mesurer d'une manière assez objective, en interrogeant les personnes sur le nombre de contacts qu'elles ont sur une période donnée avec des personnes au sein de leur famille, de leur réseau relationnel et de leur cercle professionnel, et en partie liées à différentes formes de précarité. Il a été question des interactions virtuelles qui évidemment prennent une place très importante dans notre vie. Elles ne sont pas complètement négatives, ce n'est pas problématique en soi d'avoir des relations virtuelles via les réseaux sociaux, via différentes formes d'outils digitaux. Par contre, ces interactions digitales ne remplacent en rien des contacts qu'on peut avoir. On le voit, ne serait-ce qu'en étant ici, évidemment, tous autour de cette table. Et merci à tous ceux et celles qui sont dans la salle. On n'exprime pas les choses de la même manière. La communication, ce n'est pas uniquement le contenu verbal de ce qu'on échange. C'est aussi, évidemment, tout ce qui se dégage physiquement, tout le langage corporel et non-verbal. Et donc, évidemment, entretenir des liens virtuels ne remplace en rien le fait d'avoir des liens directs. des contacts physiques avec les personnes. C'est un sujet actuellement en particulier chez les adolescents, dont on voit qu'une partie a vraiment complètement basculé leur sociabilité sur les réseaux sociaux. Et les adolescents et les jeunes gens sont la population au sein de laquelle le niveau de solitude et l'isolement relationnel a le plus augmenté au cours de ces dernières années. Alors, juste un mot sur les liens qu'on connaît entre le fait d'être isolé, l'absence de soutien social. et le sentiment de solitude et la santé. Donc, Maud Nizan l'a dit en introduction, il y a des liens très forts avec la santé mentale. Un certain nombre d'études ont montré qu'être isolé correspond, alors c'est un tout petit peu abstrait, mais ça correspond en termes de santé à l'impact du tabagisme régulier tout au long de la vie. C'est-à-dire que le lien entre le fait d'être isolé sur le plan relationnel et le risque de maladies cardiovasculaires de dégradation du système immunitaire, de mortalité in fine. Le nombre d'années de vie perdues est à peu près équivalent au nombre d'années de vie perdues qu'on estime en lien avec le fait de fumer un paquet de cigarettes par jour au cours de sa vie. Donc c'est un effet très fort. Il y a quelques débats sur le fait de comparer l'isolement relationnel au tabagisme. A la fois, c'est une analogie assez puissante, c'est-à-dire qu'on voit à quel point la sociabilité est importante. au sein de notre vie et à quel point il faut essayer de favoriser la sociabilité mais aussi prévenir l'isolement. Disons que ce n'est peut-être pas aussi simple de prévenir le tabagisme non plus comme on le voit en France mais néanmoins, prévenir l'isolement et favoriser la sociabilité, c'est peut-être encore plus compliqué donc c'est une analogie qui a quelques limites. Néanmoins, il me semble qu'elle est assez parlante et qu'elle dit à quel point le tabagisme Le fait d'être en lien avec les autres est un élément essentiel de notre santé, puisque l'OMS définit la santé comme non seulement l'absence de maladie, mais aussi le fait de participer pleinement et activement à la vie et à la communauté. Le fait d'avoir des liens forts avec d'autres personnes en fait intégralement partie. Alors, comment créer du lien ? Évidemment, c'est une question très complexe et qui dépasse la plupart du temps. Il y a des choses qui peuvent être faites dans le cadre du système de santé quand même, et peut-être qu'on en parlera notamment dans le cadre des... C'est-à-dire tout ce qui peut être fait pour des personnes qui souffrent par exemple de pathologies psychiatriques, qui sont isolées et pour lesquelles on peut faire plein de choses évidemment pour essayer de favoriser leur insertion et leur intégration sociale. Donc il sera peut-être question de différents types de groupes d'entraide mutuelle par exemple, de la participation des personnes à des activités qui sont... d'activités qui dépassent le cadre spécifique du soin, mais qui permettent la participation sociale des personnes. Il est maintenant de plus en plus question de prescriptions sociales. Je ne sais pas si vous avez prévu d'en parler, mais c'est sans doute une nouvelle tendance où on va demander aux médecins de prescrire non seulement des médicaments et peut-être des psychothérapies, mais aussi différentes formes d'activités sociales qui peuvent permettre aux gens d'améliorer leur santé. Mais évidemment, les déterminants de l'isolement social dépassent largement le système de santé, comme beaucoup de déterminants de la situation sociale en réalité. Et donc là, il y a tout un plaidoyer en épidémiologie sociale sur ce sujet pour essayer d'amener aussi les décideurs à réfléchir, donc non seulement à ce qui peut être fait pour améliorer la vie des personnes qui ont déjà des problèmes de santé et se sentent isolées, mais aussi... Faire en sorte que les politiques de logement par exemple, de transports publics, d'aménagement du territoire, notamment l'accès à des structures pouvant être accessibles à tous et à toutes, des squares, des parcs, des bibliothèques, voilà c'est des choses sur lesquelles nous on a travaillé au sein de l'équipe, notamment l'accessibilité des espaces verts, permettent de créer des lieux en réalité, alors il ne suffit pas de créer des lieux, il faut aussi qu'il y ait des activités, que les gens puissent y accéder, et que beaucoup de choses soient faites pour que tout le monde se sente partie prenante de ces espaces. Mais néanmoins, il y a des choses qui peuvent être faites en termes d'aménagement pour favoriser la sociabilité et rompre l'isolement. Et puis, d'autres types de politiques auxquelles on ne pense pas forcément, tout ce qui concerne l'amélioration et le renforcement des compétences psychosociales à l'école, ce qui est une politique nationale maintenant, qui se met en œuvre d'une manière... Ça se met en œuvre. Favorisera peut-être aussi à long terme plus de liens. C'est-à-dire que c'est des programmes qui visent à aider les élèves à apprendre à exprimer leurs émotions, gérer les conflits, créer des liens. C'est aussi des choses qui peuvent être tout à fait favorables pour rompre l'isolement à long terme. Je vais m'arrêter là, mais c'est un sujet très riche et très complexe. J'espère qu'on aura l'occasion d'en débattre.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup. Monsieur David Le Breton, nous avons la chance qu'en tant que professeur de sociologie, vous nous éclairiez très régulièrement au Forum sur les comportements humains. Les interactions sociales, bien sûr, en font partie. Vous avez écrit récemment sur la conversation et on vous écoute pour cette question. de la relation entre l'isolement et de la maladie mentale.

  • Speaker #2

    Merci Maud, merci Aurélien. D'abord, je pense qu'il faut distinguer absolument solitude et isolement. Je vois la solitude comme une expérience choisie, revendiquée, une intériorité pleine. C'est une valeur qui n'implique aucune souffrance. Et d'ailleurs, je vous rappelle les pages de Winnicott sur la capacité d'être seul. pose cette capacité d'être seul comme un principe fondamental de la sociabilité. En revanche, l'isolement, pour moi, c'est ce que Hannah Arendt appelle la désolation. Un cet être avec les autres, mais sans les autres. C'est donc une expérience de l'exil au sein de la communauté, une indifférence. Les autres sont là, mais ils ne prêtent aucune attention à vous. Donc là, il y a en effet une souffrance. La société numérique n'est pas du tout dans la même dimension que la sociabilité concrète, avec des hommes et des femmes en présence mutuelle, qui se parlent et s'écoutent, attentifs les uns aux autres. Et d'ailleurs dans un visage à visage, comme je l'ai rappelé mille fois ces derniers temps. Un face-à-face c'est d'abord un visage à visage, et c'est fondamental puisque le visage c'est le lieu essentiel de l'éthique, évidemment, de la reconnaissance de l'autre. On voit bien que dans la sociabilité numérique, il n'y a plus de visage précisément. Donc cette sociabilité à distance morcelle le lien social, détruit les anciennes solidarités au profit de celles abstraites des réseaux sociaux, avec des correspondants physiquement absents et la plupart du temps anonymes. Paradoxalement, certains voient cette sociabilité numérique comme une source de reliance, alors que jamais l'isolement des individus... n'a connu une telle ampleur. Jamais le mal de vivre des adolescents et des personnes âgées n'a atteint un tel niveau. La fréquentation assidue des multiples réseaux sociaux ne crée ni intimité, ni lien dans la vie concrète. Elle occupe le temps, elle ne donne pas une raison de vivre. De nombreuses corrélations montrent que l'irruption du portable connecté à l'Internet à haut niveau en 2009, pour moi il y a une rupture anthropologique, Incroyable à cette époque-là, l'irruption du portable a rapidement engendré chez les adolescents dans les années qui ont suivi une très forte hausse des souffrances à une échelle planétaire. Les chiffres des pays européens ou d'Amérique du Nord attestent par exemple que les situations d'anxiété, de dépression ont doublé. à partir de 2012 pour les adolescents. De même d'ailleurs le taux de suicide ou les tentatives de suicide, particulièrement pour les filles, plus vulnérables sans doute sur les réseaux sociaux au regard de la tyrannie de l'apparence qui les caractérise. Et également il y a un doublement des attaques au corps, des scarifications depuis 2012. Et donc pas seulement aux Etats-Unis, mais ça touche tous les pays européens. A la même période, Nombre de parents, d'ailleurs, ont vu disparaître leurs enfants derrière leurs écrans. Chacun, aujourd'hui, est en permanence derrière son écran, même en marchant en ville. L'expérience individuelle de la conversation ou de l'amitié se raréfie. L'isolement se multiplie en donnant le sentiment paradoxal de la surabondance. Les 100 amis ou les 1 000 amis des réseaux sociaux ne valent absolument pas un ou deux amis du quotidien. susceptibles de poser la main sur votre épaule en situation de souffrance. Des études pointent également la hausse du sentiment d'isolement chez les jeunes qui connaissent en effet une diminution drastique du nombre d'amis dans le quotidien. On n'a jamais autant communiqué, beaucoup entre 5 et 10 heures par jour, souvent plus de 200 notifications par jour, mais en revanche on n'a jamais aussi peu parlé ensemble. Le smartphone est l'instrument royal de l'hyper-individualisation du lien social de nos sociétés contemporaines, mais aussi de la multiplication de l'isolement. Il conforte l'individu dans le sentiment qu'il fait un monde à lui tout seul et que les autres sont à sa disposition, convocables, congédiables, à tout moment. Le smartphone donne les moyens de ne plus tenir compte des autres. Il contribue à l'ignétement social et paradoxalement dont il se propose comme un remède à l'isolement. Cet isolement touche l'environnement social dans son ensemble. Constamment sollicité par leur smartphone, les piétons ne voient plus rien à leur entour, n'entendent plus rien. Autrefois aussi, dans les administrations, les écoles, les entreprises, lors des pauses ou des repas, tous se retrouvaient pour resserrer les liens, discuter du travail, échanger des nouvelles, accueillir les nouveaux. Désormais, le smartphone s'interpose en permanence entre soi et les autres comme une muraille invisible derrière laquelle se retirer à tout instant. En pleine discussion, certains le prennent en main, répondent à un appel ou envoient un texto en même temps qu'ils semblent continuer vaguement à écouter ou parfois même laissent carrément en plan leur interlocuteur. Le smartphone est un instrument d'évasion, une facilité à se détacher à tout moment des autres. Les interlocuteurs, en chair et en os, devant soi, diminuent ou deviennent quelque peu problématiques, car avec eux, la touche pause n'existe pas. Ils ont leur propre manière de se comporter, qui n'est pas toujours en miroir de soi. D'autres termes, la connectivité n'a peu de choses à voir avec la sociabilité. Une attention fragmentée préside aux rencontres, le zapping est désormais au cœur du lien social et abîme nombre de conversations. mais aussi la relation avec les enfants notamment. Je terminerai mon propos par deux anecdotes, puisqu'on est souvent confronté dans les bus ou dans les trains ou ailleurs, on voit des enfants qui pleurent et on voit des parents qui continuent paisiblement à téléphoner dans une indifférence royale à leurs responsabilités de parents. Deux anecdotes, l'une d'entre elles je l'emprunte à Serge Tisseron. qui, dans un de ses livres, raconte la consultation avec un enfant qui a toujours sa main à l'oreille. On suspecte des troubles auditifs, l'enfant a une audition absolument normale, et on comprendra peu à peu que cet enfant voit son père, un couple séparé, il voit son père le week-end, et le père passe tout un tas de coups de téléphone sans se préoccuper vraiment de son gamin. Donc l'enfant s'identifiant à son père... met la main à son oreille dans une sorte de mimétisme, et peut-être aussi une manière de conjurer l'absence de présence de son père. Et une autre anecdote qu'on m'a racontée il y a quelques temps, d'une petite fille qui doit avoir dans les 5 ans, qui raconte des choses à son père. Son père, il est en train de pianoter sur son écran, et la petite fille au bout d'un moment dit Papa, tu m'écoutes ? Le type continue à pianoter et dit Mais oui, je t'écoute, je t'écoute. La petite fille essaie de parler. Au bout d'un moment, elle en a marre et elle dit à son père Papa, je veux que tu m'écoutes avec les yeux Une phrase, je trouve ça absolument magnifique et tragique en même temps. Voilà, je termine sur l'enfance. Peut-être pour dire que le dernier mot, de pur ustensile, le smartphone est devenu un fétiche. contemporain, je souligne le mot, je ne l'emploie pas de manière arbitraire. Depuis Rustensil, il est devenu un fétiche contemporain, une fin en soi, un condensé du monde. Et Jonathan Haidt, dans un livre qui vient de paraître, qui est très intéressant, qui s'appelle Génération anxieuse, Jonathan Haidt le nomme d'ailleurs un inhibiteur d'expérience, un qui touche en profondeur le goût de vie, qui touche en profondeur... le goût de vivre ensemble. Voilà, merci.

  • Speaker #1

    Merci. Nous allons écouter Pantelemon Giannakopoulos, qui est donc professeur de psychiatrie et qui dirige la prison-hôpital pour détenus dangereux curabilis avec la question des conséquences sur la santé mentale pour les personnes incarcérées ou hospitalisées de l'isolement. sur leur santé.

  • Speaker #3

    Oui, merci encore une fois de l'invitation. Je commencerai mon propos de là où ça a été laissé par les prédécesseurs, c'est-à-dire la question de l'isolement et de la solitude. Peut-être pour nuancer certains éléments en ce qui concerne en tout cas des personnes qui présentent des pathologies psychiatriques. On ne veut pas nécessairement laisser un piège très fréquent en psychiatrie. de conclure sur des causalités à travers ce qu'on observe. Il faut être tout à fait attentif sur ce qu'on pourrait appeler le phénomène de l'œuf et de la poule. Exemple, on voit aujourd'hui très fréquemment ce qui a été décrit abondamment avant l'utilisation des smartphones dans notre société. Les jeunes qui peuvent l'utiliser aussi abondamment et se priver du lien social. Mais on doit s'interroger pour avoir vu un nombre assez important. parmi ces jeunes, ou à l'œuf ou à la poule, c'est-à-dire à quel moment c'est plutôt le vide intérieur, la difficulté d'avoir une intériorité, la difficulté de se construire un monde de perspective qui leur donne la nécessité de trouver un étayage à travers la virtualité du lien. Et donc ceci est assez important pour la pathologie psychiatrique. Quand on parle, par exemple, de la différence tout à fait... Justement évoqué entre isolement et solitude, il y a une catégorie de personnes, parmi les personnes qui présentent typiquement des pathologies du caractère, des troubles de la personnalité, qui recherchent le fait d'être seul pour se protéger, par crainte de l'envahissement de la présence de l'autre. Ceci n'est pas une source de souffrance pour ces personnes, mais c'est une nécessité pour trouver un équilibre psychique. Donc là, on a une situation très différente parce que l'isolement n'est pas, je dirais, une exclusion, n'est pas un exil, comme ça a été décrit, mais c'est une recherche, n'est pas non plus une recherche d'intériorité, la possibilité de, finalement, de créer un monde en perspective, comme on peut le retrouver parfois chez les personnes âgées, mais c'est beaucoup plus une condition sine qua non de l'existence psychique. Donc il y a une troisième catégorie de personnes qui peuvent ne pas avoir... accès à la noblesse du sentiment de solitude, mais ne pas pour autant être dans le sens de l'isolement en tant qu'exil, tout simplement parce que leur personnalité...

  • Speaker #0

    leur impose certaines limitations. Et donc, quand on voit ces phénomènes en psychiatrie, je viendrai maintenant sur la question d'isolement à proprement dit en psychiatrie, quand on voit ces phénomènes, quand on examine les liens en psychiatrie, il faut être extraordinairement rigoureux et très attentif pour ne pas considérer que les corrélations nous offrent des causalités. Alors, la psychiatrie, dans son histoire, a deux sœurs jumelles. C'est la pauvreté et c'est la transgression. Et ça, c'était... Elles ont fait un chemin ensemble pendant des longues décennies, pendant des siècles. Et donc, quand on se réfère au monde avant la Révolution française, avant le monde de l'asile, finalement, les patients psychiatriques, ce qu'on appelle aujourd'hui des patients psychiatriques, se retrouvaient confinés, parce que ça, c'est un élément important, confinés avec... les personnes condamnées de droit pénal et aussi les pauvres dans ce lieu mythique qui était la prison, les institutions d'incarcération avant pratiquement le XVIIIe siècle. Donc, des situations de misère où quelle était la volonté sociétale ? C'était essentiellement de contrôler, de surveiller. Donc, en psychiatrie, quand on parle d'isolement, il faut tenir compte qu'il y a... Le pendant, c'est la recherche de la surveillance. Et alors on va voir plus loin, ça a été repris beaucoup plus tard par Michel Foucault, pourquoi on surveille ? Est-ce qu'on surveille pour permettre de guérir ? Est-ce qu'on surveille pour aider ? Ou est-ce qu'on surveille pour punir ? Alors, cette situation qui prévalait en Europe occidentale, jusqu'à pratiquement la création des premiers asiles, en Angleterre et aussi en France, a radicalement évolué depuis. Dans un premier temps, le mode de l'asile, c'était aussi un mode de protection. Donc l'idée, c'est d'avoir les patients psychiatriques. Ce que confusement a été appelé la maladie mentale à l'époque, avec des contours qui étaient quand même plus ou moins flous jusqu'au début du XXe siècle, l'idée, c'était de pouvoir les confiner pour deux raisons. Et on va les retrouver beaucoup plus tard dans les hôpitaux modernes. Les deux raisons, c'est de les protéger à l'époque de leur pauvreté, leur permettre de subsister tout simplement, et d'autre part de protéger la société. Donc l'isolement, le confinement, puisque finalement le lien social entre les personnes qui se retrouvaient même dans les asiles était souvent extraordinairement faible, le confinement servait cette double cause. une cause de société, une cause sociétale, de protection, mais une cause plus noble, qui était celle de permettre à des personnes vulnérables de survivre, de ne pas tout simplement disparaître, une fois que la charité chrétienne a commencé à diminuer en Europe occidentale, parallèlement à l'industrialisation. Alors, progressivement, dans ce mode de l'asile, on a commencé à introduire... Ce qui était les thérapies de l'époque, c'est important de voir un peu l'histoire pour voir comment on est arrivé là où on est arrivé. Les thérapies de l'époque étaient quand même basées sur l'isolement très fréquemment. La plupart des thérapies qui étaient appliquées avant la venue de la pharmacothérapie en psychiatrie étaient essentiellement basées à l'isolement de la personne et à l'application de certaines méthodes qui aujourd'hui nous paraissent des méthodes barbares, le choc insulinique. ou l'utilisation des enveloppements glacés, des choses comme ça, mais qui à l'époque c'était le seul moyen thérapeutique face à des situations de souffrance humaine. Il y a eu un courant psychiatrique très important qui a été globalement qualifié de courant d'hygiéniste, c'est-à-dire la volonté de créer des grands asiles en dehors de la ville pour sortir les personnes de leur milieu. de les mettre à la campagne finalement, en grande partie. Ce qui était la campagne par la suite, c'est devenu la ville bien évidemment. Mais dans la plupart des grandes villes en Europe occidentale, vous allez retrouver la même configuration jusqu'à aujourd'hui. Simplement la ville a rattrapé ces asiles, c'est-à-dire ces hôpitaux qui étaient construits en dehors de la ville de l'époque, avec l'idée d'extraire les personnes de leur milieu pour deux raisons. pour protéger le milieu, mais parfois aussi parce que le milieu était considéré comme toxique. Et donc permettre aux personnes de prendre une respiration, se retrouver ailleurs. Le se retrouver il faut le mettre avec beaucoup de guillemets, parce que parfois au lieu de se retrouver, on devrait peut-être... dans certaines situations, dans plusieurs situations, utiliser le terme se perdre. Et donc, ça c'était des dynamiques de l'asile qui a continué, parallèlement à un autre champ qui était le champ de l'incarcération. L'incarcération, progressivement la maladie mentale s'est séparée du monde de la prison et la prison a développé sa dynamique propre. La naissance de la prison, comme Foucault la décrivait dans Le surveiller et punir, La naissance du panopticum, la possibilité donc d'avoir des personnes dans un espace confiné, sans lien social, mais avec la possibilité de les observer, de les surveiller et de punir quand il faut le comportement déviant, était une pierre angulaire du développement du système carcéral européen, pratiquement à partir du XVIIIe siècle. Et ça a évolué comme ça jusqu'à nos jours, dans une grande partie de l'Europe. Cette optique-là est très différente de celle de ce qui s'est passé dans les asiles sur un point, l'ambition de soigner. Alors, chemin faisant, comme on avait d'ailleurs décrit hier, ces deux mondes, en fonction de l'actualité du moment, et ça on le vit au XXIe siècle, peuvent se rejoindre dans des structures qui doivent en même temps surveiller. En même temps, soigner, mais en même temps punir. Ce qui sont les différents hôpitaux forensiques qui ont été supprimés pendant des périodes de l'histoire pour renaître et connaître aujourd'hui leurs jours de gloire pour des raisons qu'on avait analysées hier. Dans ce système, que ce soit dans le système des soins hospitaliers en dehors de la prison ou dans la prison, la question de comment soigner... En isolant la personne, on pose une question fondamentale. C'est-à-dire, à quel moment on isole la personne ? On ne parle pas là de solitude comme choix. À quel moment on l'isole ? Et quelle perspective on se donne pour après ? C'est-à-dire, dans la reconstruction du lien social. C'est un punctum dolens de la psychiatrie depuis de nombreuses décennies. La reconstruction du lien social après une hospitalisation. Quelles sont les méthodes qui sont utilisées ? On va un pas plus loin, on n'est plus dans le monde de l'asile, on est dans le monde d'une psychiatrie moderne qui a aujourd'hui des méthodes de traitement qui sont quand même très différentes de ce qu'il y a eu au XIXe siècle. Quelles sont nos possibilités pratiquement de soigner à travers l'isolement et à quel moment on les choisit ? Donc typiquement c'est ce qu'on appelle les mesures limitatives de liberté. La contrainte, qui veut dire ? Qu'est-ce que ça veut dire pratiquement ? dans un hôpital psychiatrique, dans une institution psychiatrique, c'est qu'à un certain moment, vous êtes amené à isoler une personne dont le comportement devient extraordinairement dangereux ou provocateur par rapport aux autres, dans certains cas des pathologies, pour protéger les autres, pour la protéger, mais ça ne suffit pas de l'isoler à travers des méthodes finalement de confinement. Dans des chambres, c'est ce qu'on appelle les chambres fermées qui existent aujourd'hui et qui d'ailleurs sont plutôt en augmentation. Mais il ne suffit pas de les isoler. Isoler n'a aucun sens en soi. Ce n'est pas un acte de soin seul. Il faudrait l'accompagner à travers la présence. Donc il y a des protocoles qui ont été mis en place et qui sont quand même tout à fait fondamentaux. C'est les protocoles d'accompagnement des personnes qui ont l'isole. On n'a pas la possibilité de les exposer parce que, par leur pathologie, ils peuvent devenir dangereux. Mais on ne peut pas considérer que le confinement dans une chambre est thérapeutique. Et je dois dire, une des expériences que je fais, et qui est une expérience d'ailleurs très enrichissante, nous apprend aussi la modestie dans ce métier, qui peut pécher par arrogance assez fréquemment. C'était une décision, et on doit remercier les juges, une décision, c'était... Je venais d'arriver des États-Unis et j'avais la responsabilité de la psychiatrie dans le canton de Genève à l'époque. Une décision du tribunal qui nous a condamnés, à juste titre, parce que l'utilisation d'une chambre fermée pour un cas d'une personne où les critères étaient tout à fait remplis par rapport à la pathologie, n'était pas associée à des soins. étaient associés parce que l'encadrement était très flou. On ne savait pas combien de fois les infirmiers vont passer voir la personne, quel type d'accompagnement va lui être offert, comment ces droits peuvent être respectés, les droits élémentaires, pendant ce temps-là. Ils ont condamné en disant, vous savez, ça c'est l'utilisation, je me rappelle du terme qui était tout à fait correct, c'est l'utilisation d'un outil thérapeutique. comme selon une approche paracarcéral. Et ça, c'est la chose qu'il faut totalement éviter dans l'acte de soins en psychiatrie, mais qui nécessite une observation et, je dirais, une lutte de tous les jours. Parce que derrière, et c'est ce qu'on dit assez... on décrit assez rarement, ça ne nous fait pas plaisir parce qu'évidemment, ce n'est pas très sexy de le décrire, il y a la difficulté des soignants dans tous les jours que vous avez. Des personnes qui par leur pathologie peuvent devenir source d'agitation dans une unité, source d'inquiétude par rapport à un passage à l'acte sur les autres. Donc il y a là l'utilisation de l'isolement pour surveiller et soigner, et pas pour surveiller et punir. Et c'est là une ligne de démarcation très importante. Arrive alors, et ça c'est la dernière partie de mon propos en ce moment, arrive alors une autre phase, qui est la phase de reconstruction du lien. C'est-à-dire, à chaque fois, quand on a une hospitalisation en psychiatrie, dans n'importe quel des pays que j'ai vécu, l'hospitalisation est un moment de rupture. Des ruptures de méostase, mais essentiellement aussi une rupture de méostase sur le plan social, familial et social. Donc une fois que la personne... s'améliore, retrouve son autonomie, retrouve son détermination. Il y a les séquelles, il y a les blessures qui restent sur le plan du lien social. Comment reconstruire ceci ? Ça, ça nécessite aussi une attention très particulière. Il ne suffit pas de dire, et c'est une tendance assez fréquente malheureusement, surtout dans les pays qui n'ont pas les moyens de faire autrement en psychiatrie, les symptômes ont disparu, vous sortez. vous retrouvez votre monde. Parce que le monde souvent n'est pas le même. Le monde est marqué par cette hospitalisation. Donc le travail avec ce qu'on appelle le réseau, le travail avec les proches, le travail avec les associations qui entourent les personnes qui souffrent de pathologies psychiatriques est totalement essentiel pour pouvoir quelque part entrevoir le lendemain de l'isolement. le lendemain du confinement. Alors, il y a aussi, il faut bien dire, et c'est pourquoi je termine mon propos ainsi, la question de la causalité en psychiatrie est assez délicate, parce qu'on observe des choses qui nous interpellent. On a la tendance, pour les plus âgés parmi nous, de se comporter un tout petit peu, de se référer au monde d'hier de Stefan Zweig. C'est-à-dire que... A l'époque, c'était mieux. Le lien était différent. On avait beaucoup plus de difficultés à entrer en diapason avec les autres, au lieu de se cacher derrière les écrans. On le dit souvent. Et on a parfois cette impression, et en avançant en l'âge, je le dis encore plus facilement, on a l'impression qu'on devient les gardiens du monde qui n'existe plus. Cependant, il y a aussi des éléments qu'on n'arrive pas tellement bien à saisir. Dans ce monde-là, qu'on considère par moments crépusculaires, par absence ou par faiblesse du lien social, l'incidence de certaines maladies psychiatriques diminue. Un peu partout en Europe, l'incidence du passage à l'acte suicidaire diminue. On peut avoir un tas de théories explicatives. Les théories explicatives peuvent varier, quand on parle des adolescents, des personnes plus âgées. Mais il faut voir qu'on a affaire avec un monde complexe et quand on parle d'une notion si importante comme c'est le lien social et l'isolement et son rapport avec la maladie mentale, je pense qu'il y a une précaution d'usage très importante. C'est d'observer les données qu'on a, de se centrer sur les cas individuels le plus possible en garantissant... le lien social même après des périodes d'isolement et à éviter des conclusions qui peuvent être ou des conclusions très positives ou très négatives en fonction d'une observation qui, à mes yeux pour le moment, reste très partielle et difficile à saisir dans un monde qui peut-être n'est pas crépusculaire mais devenu beaucoup plus confus que par rapport aux certitudes qu'on avait il y a 30 ans en arrière. Merci.

  • Speaker #1

    Madame Lorpin, vous dirigez le projet Parcours et vous nous venez de l'ARS Grand Est. J'en profite pour souligner que l'ARS est un soutien du Forum. Nous remercions donc l'ARS d'être avec nous et nous vous écoutons.

  • Speaker #2

    Oui, alors je voudrais juste intervenir dans cette table ronde pour dire un petit peu quelles sont les difficultés actuellement dans cette politique publique. Je vous ai entendues et je vous rejoins. Je ne referai pas l'histoire. des politiques publiques, mais je rebondirai sur l'histoire de la psychiatrie. Jusqu'à présent, je dirais qu'il y a quand même quelque chose qui a été marquant pour nous, c'est le Covid, cette crise d'enfermement, de confinement, qui a révélé pas mal de choses en termes de politique publique, je pense, et en termes de difficultés à morder la santé des gens. Le lien social, la psychiatrie, les maladies mentales, pour nous, c'était simple. Donc nous écoutions les psychiatres, les sociologues, et donc l'hospitalisation psychiatrique devait s'accompagner d'une réintégration du lien social dans des programmes de réhabilitation psychosociale. Une parenthèse, en France, réhabilitation psychosociale, c'est un peu réhabilitation après avoir été condamné pour maladie mentale. Lorsqu'on parle de santé physique, on ne parle jamais de réhabilitation après un... problème de santé physique. On parle de rééducation, de réadaptation. On ne parle jamais de cet aspect réhabilitation. Donc déjà, nous avons des centres de réhabilitation psychosociale dès qu'il s'agit de maladie mentale. Quand la maladie, elle est physique, on parle de centre de réadaptation ou de rééducation. Les mots sont importants dès qu'on parle de politique publique. La réhabilitation, il faut vous réhabiliter dans une société Vous avez une maladie mentale et on sait bien tous les efforts qui ont été faits pour diminuer la stigmatisation, pour considérer que c'est une maladie comme une autre. Et lors du discours d'ouverture, Aurélien a bien insisté sur le fait que maladie physique, maladie mentale, ce n'est pas toujours considéré de la même façon. Alors, dans le même temps, un sujet apparaît. Nous nous retrouvons... confrontés à de plus en plus de situations de précarité. Précarité économique, précarité sociale, l'isolement. L'isolement c'est quoi ? L'isolement c'est quand vous perdez les objets sociaux, votre travail, vos liens familiaux, vos liens conjugaux, quelque chose qui évolue dans la société. On voit de plus en plus apparaître des personnes qui sont dans un sentiment d'exclusion. Ce n'est pas une solitude voulue, c'est un sentiment d'exclusion. On se sent exclu parce qu'on n'est plus tout à fait avec les projections d'objets sociaux qu'on devrait avoir. On s'exclut aussi du monde de la santé. On se sent exclu par le monde de la santé, c'est ce qui nous revient des personnes. Voilà, je me sens exclu, donc je ne vais pas prendre soin de ma santé. De plus en plus, c'est cet isolement social qui se met en place, c'est l'accès aux soins. pour les gens en situation de précarité socio-économique. Et donc, cet isolement social, on voit de plus en plus qu'il crée aussi une souffrance psychique. Et si les situations de la personne en termes de précarité s'aggravent, des personnes qu'on retrouve dans des foyers d'hébergement, parce qu'ils ont perdu le logement, parce qu'ils n'ont plus de soutien familial, plus de réseau. Et donc, ce phénomène qui était... apparu depuis à peu près 5-10 ans, le voit s'amplifier. Et de la même façon que mon collègue indiquait que la psychiatrie s'est séparée de la prison, eh bien ça fait très très longtemps que le social s'est séparé de la santé. Et la crise Covid a été le moyen de se rendre compte qu'en fait, on ne peut pas dissocier le social de la santé. Pourquoi je vous dis ça ? Parce que tout le monde s'est retrouvé en situation d'isolement social forcé, de confinement. Mais vous aviez tous les gens qui étaient en situation de grande précarité, qui eux, on ne voyait pas trop, n'étaient pas dans des foyers d'hébergement, mais qui se sont retrouvés dans l'obligation de revenir dans la société. Pourquoi ? Parce qu'il n'y avait plus personne pour leur permettre d'accéder sur le mode prière. à la charité publique, plus personne dans les rues pour donner une pièce, plus personne pour manger. Et donc, ça a été le moyen pour eux de dire, pas d'autre choix, je suis obligé de revenir dans un monde social, dans une société. Et nous avons fait l'expérience, on n'est pas les seuls à Strasbourg, dans pas mal d'endroits en France, en termes de politique publique, en disant, mais que fait-on de ces gens ? Je ne vais pas les mettre en prison. En psychiatrie, on me dit que c'est un problème social. Ils sont désinsérés socialement, ils ont des souffrances psychiques, ils ont des troubles cognitifs. Troubles cognitifs, c'est un cerveau, comme disait une de ces personnes que j'ai rencontrées, oui, 15 ans dans la rue, ça m'a abîmé le cerveau. Donc un cerveau abîmé, des difficultés dans tout ce qui est relations sociales, et ils se sont retrouvés dans un foyer. Dans ce foyer, de façon étonnante, les acteurs de la santé, les acteurs de la psychiatrie, les acteurs sociaux et les acteurs publics se sont dit ah oui, quand même problème En fait, on les a mis dans des structures sociales, des hôtels qu'on a réquisitionnés, et en fait, ils ne sortaient pas de leur chambre. Ils n'avaient aucune envie de pouvoir participer à des repos sociaux. Ils restaient isolés complètement dans leur chambre, comme ils auraient été isolés dans la rue. Et donc, s'est posé la question de Ah oui, mais on a fait venir les psychiatres Ils ont dit Ben oui, parce que ce n'est pas vraiment un problème de maladie mentale, c'est un problème de personnes qui, pour des raisons X, de la poule ou de l'œuf, se retrouvent dans cette situation. Et eux, ils se protègent en s'enfermant dans leur chambre. Donc, cette idée de dire Alors, on va faire des projections. On va construire des foyers, mais ça ne va pas correspondre aux besoins des gens. Et dans le même temps, nous avions des travailleurs sociaux, vous savez, ceux qui s'occupent des gens en situation de grande précarité, qui nous disaient pour nous, c'est une grande souffrance. Nous, notre santé mentale, elle ne va pas très bien, parce qu'on ne sait pas comment faire avec ces personnes. Et donc, le constat, qu'on ne peut pas différencier le lien social de la santé. Et puis l'OMS, on en parlait, mais l'OMS en novembre 2023, et bien saviez-vous qu'une commission a été créée sur le lien social ? Et donc l'Organisation Mondiale de la Santé crée une commission sur le lien social considérant que la perte du lien social ou la désintégration du lien social est le plus gros risque et la plus grande menace pour la santé mondiale. Donc cette commission mise en place... Elle est restée très discrète, peu de gens en ont parlé, mais elle aboutira à considérer que nous sommes à la croisée des chemins et de considérer que le lien social, c'est un facteur de risque plus important que le tabagisme, que de la nutrition. Et donc l'OMS, quelque part, nous donne un peu ce sentiment de dire, tout le monde vous parle de votre capital santé, il faut préserver son capital santé. Il faut bien se nourrir, il faut faire du sport, etc. Et on aboutit à ce qui venait de la psychiatrie, de préserver ou de restaurer un capital social. Et donc, avec les dernières déclarations de l'Organisation mondiale de la santé, c'est de dire qu'il va falloir aussi préserver son capital social, et pas seulement bien s'alimenter. Mais comment peut-on, avec des politiques publiques actuelles, considérer que le lien social, le capital social, les agences, la politique de santé, doit s'en saisir ? Alors, on commence à s'en saisir. Donc, je n'aborderai pas la médiation. Comment on peut aller vers les gens qui sont loin d'un capital social et les aider à restaurer ce capital social ? Mais c'est aussi toute une action qui se met en place. C'est-à-dire que, vous entendrez, les politiques de santé, elles vont aller vers. Ok, on va aller vers les pauvres, vers les exclus, vers... Mais pour faire quoi ? Pour les ramener... vers un lien social. Ce n'est pas aussi simple que ça. Il faut déjà que la société soit prête à les accepter avec leurs difficultés. Donc, on parle de la déstigmatisation de la maladie mentale, mais peut-être aussi la stigmatisation de toutes ces personnes qui se sentent exclues, qui pensent que le monde social est inaccessible, et qui vont développer progressivement... Alors, je ne suis pas psychiatre, et de la poule et de l'œuf, je ne sais pas. mais une souffrance psychique. Donc on a reconsidéré au niveau sociétal, et on commence à le faire, en se disant qu'on peut avoir des groupes d'entraide mutuelle, mais pour ça il faut déjà accepter d'être en société. Il faut aller vers les gens, mais sans être dans la démarche de charité chrétienne. Et donc on est, en termes de politique publique, avec des petites prémices comme ça, de se dire, il faut changer un peu le paradigme. Alors... Pour vous donner un exemple, Après la crise Covid, on s'est rendu compte qu'à la fois les travailleurs sociaux dans les foyers d'hébergement, des hébergements où on prend des gens qui n'ont plus de logement, pour les réinsérer, pour les stabiliser, eh bien, il y avait quand même une souffrance de part et de l'autre. Et le Ségur de la santé mentale, donc c'est un dispositif national, s'est dit Ah, ce serait bien d'avoir des postes de psychologue pour le secteur social Il n'y en avait pas. Et donc on a vu apparaître la possibilité d'avoir des psychologues pour le secteur social. Alors ça veut dire quoi ? Que ces gens peuvent avoir accès à un soutien de type psychologue. C'est poser la question, est-ce que ces psychologues, on les rattache au service de psychiatrie ? Est-ce que c'est vraiment de la psychiatrie ? Ou est-ce que c'est vraiment un soutien pour le secteur social ? Alors c'est là que c'est intéressant, selon les dispositifs en France, les expériences des uns et des autres. On a vu que deux tiers étaient rattachés des équipes de psychiatrie et un tiers étaient rattachés des équipes sociales. Et nous, on a fait le choix de rattacher les équipes sociales en entendant les gens, parce qu'on avait un peu cette démarche. Et en fait, on se rend compte, après deux ans d'existence, que ces psychologues dans les foyers d'hébergement, elles nous rapportent le fait qu'elles ne font pas vraiment de la thérapie, elles recréent du lien social. Déjà entre les travailleurs sociaux et les personnes qui sont hébergées, qui peuvent avoir des maladies mentales, qui peuvent avoir des souffrances psychiques, elles recréent déjà du lien social entre le cercle social proche de ces personnes et ces personnes, et qu'elles accompagnent l'appréhension de ces personnes à recréer du lien social. Et donc c'est un travail, comme elles disent, passionnant, mais c'est un nouveau travail. d'être psychologues du lien social pour ces personnes. Elles ne sont pas psychologues à s'accaparer des problématiques de santé mentale ou de soutien d'individus, elles se définissent elles-mêmes, nous sommes les psychologues du lien social, nous traitons le lien social, nous accompagnons le lien social. Donc un changement de paradigme qui doit nous faire réfléchir à ce que je voulais vous transmettre, c'est le capital santé c'est bien, le capital social c'est bien, Bien, beaucoup l'ont perdu et peut-être qu'il faut le préserver. En ne regardant pas toujours son smartphone, je rejoins M. Breton, en discutant, mais en discutant aussi avec les gens qui sont dans la prière, dans la rue, et qui ont besoin de cette reconnaissance sociale. Et donc de déstigmatiser, de déstigmatiser la différence. C'est tout le problème des compétences psychosociales dont parlait Madame, mais je n'en parlerai pas, je crois qu'on... Voilà, où on essaie d'apprendre aux enfants, ou de réapprendre aux enfants, à discuter. à débattre, à ne pas être d'accord, et non plus à être uniquement un être isolé, mais à redevenir un être social. Alors, je suis aussi un peu vieille, je me dis que c'est un peu dommage quand même qu'on soit obligé de remettre en place des programmes de compétences psychosociales, alors que je n'ai pas le sentiment que dans mon enfance, on jouait dans la cour, on se battait, on débattait, on n'était pas d'accord, on se querellait. Mais bon, c'est la société qui est ainsi. et nous on accompagne tous ces changements sociétaux et en essayant de ne pas être trop en retard dans le terme des politiques publiques. Voilà, j'ai fini.

  • Speaker #1

    Merci.

  • Speaker #0

    Madame Yannick Liber, j'ai découvert hier avec beaucoup d'intérêt votre profession. Vous êtes médiatrice de santé père au pôle de santé mentale de Lille. Nous vous écoutons peut-être pour nous décrire un petit peu ce que vous faites pour les patients.

  • Speaker #1

    Alors, mon métier en fait s'appuie sur la pérédance. La pérédance en fait, c'est quelque chose qui... Moi j'ai souffert d'un trouble psychique et donc je comprends vraiment ce que... que les personnes ressentent quand elles ont un problème de santé mentale. On ressent la même chose. Donc le médiateur de santé père est un professionnel dans le système de soins. Il y a des études qui lui sont associées. Il y a une licence à la Sorbonne à Paris et il y en a une plus récente ouverte à Bordeaux en 2022. On se base sur la valeur du rétablissement. Le rétablissement n'est pas une guérison. pas un retour à l'état de santé antérieur à la maladie. C'est une transformation de la personne et avec sa maladie. Je vais tout d'abord vous présenter un peu mon parcours brièvement personnel, donc en tant que personne concernée, et je mettrai en lien ensuite avec mon métier. Donc, lorsque moi, j'ai souffert d'un trouble psychique, déjà, je ne savais pas ce qui m'arrivait. Je ne comprenais pas, mon cerveau s'éteignait petit à petit. Donc, j'ai perdu confiance en moi, je n'avais plus d'estime de moi. Je me suis donc repliée. Et ce repli, je l'ai fait de trois façons. Je me suis isolée intérieurement, je me sentais seule. Je me suis isolée physiquement, je suis restée un bon nombre de mois, voire d'années, dans une seule pièce, dans le noir, dans ma chambre sans bouger. Et ensuite, bien sûr, j'ai souffert également de l'isolement social. Je ne savais plus interagir avec les gens de la société, même les membres de ma famille. C'était venu vraiment très intense. J'ai perdu l'autonomie. Je ne faisais pas valoir mes droits, perte d'appétit, problème d'addiction, etc. Le médiateur de santé-père, lui, après avoir fait les études en licence qui nous apportent des connaissances théoriques telles que les cours de psychopathologie, l'histoire du rétablissement, le droit de la santé, l'économie de la santé, la sociologie de la santé, etc., il nous donne des connaissances pratiques, donc des outils de travail. On travaille également notre posture professionnelle, à savoir la juste proximité avec les personnes concernées. Il nous apporte également la réflexivité sur nos pratiques. Et cette licence vient professionnaliser et légitimer ce métier. Le médiateur de santé-père, dans le système de soins, au cœur du système de soins, si je peux même dire, il apporte l'esprit. Mais il apporte l'espoir à qui ? Il apporte l'espoir à l'usager d'une possibilité de rétablissement parce que je suis en rétablissement, j'ai une vie épanouissante qui me convient très bien. Et il vient aussi apporter cet espoir auprès des professionnels de santé. C'est-à-dire qu'à un moment donné, les professionnels de santé ont tendance à perdre espoir, à baisser les bras. Et là, nous, on est là. pour remettre de l'espoir. Ensuite, il vient déstigmatiser. Alors déstigmatiser, au niveau de l'usager, c'est surtout, on agit surtout sur l'autostigmatisation. Parce que quand on a un problème psychique, on s'autostigmatise forcément. On se met dans une boîte, dans sa tête. C'est un mécanisme de repli, de sécurité. On n'ose plus. Mais il vient aussi déstigmatiser le système de soins. et déconstruire les représentations qu'a le système de soins. Ensuite, quand on rencontre une personne concernée, ce qui se passe, c'est qu'on a une identification réciproque. On est pareil. Tu souffres d'un problème, d'un trouble psychique, d'un problème de santé mentale. Je l'ai connu, je sais ce que tu ressens. Et en fait, cette identification réciproque, peu importe le trouble psychique, la personne concernée que j'accompagne n'est pas forcément du même trouble que moi, mais on ressent tous la même chose. ce même tronc commun, et ça crée en fait entre la personne et le système de santé une alliance thérapeutique et le médiateur de santé-père devient alors un lien entre le système de santé et la personne concernée. Le médiateur de santé-père accompagne dans le parcours de rétablissement de la personne, dans la compréhension du trouble. On fait des partages de stratégies qui ont fonctionné ou pas pour moi, parce que même si ça n'a pas fonctionné pour moi, ce n'est pas parce que ça ne pourra pas fonctionner pour une autre personne. On s'appuie donc sur notre savoir expérientiel. Et ce qui est important, c'est ce croisement des savoirs expérientiels au sein même du système de soins avec le savoir scientifique. Ça apporte une plus-value. Le médiateur de santé paire, pour la personne concernée, va également encourager le pouvoir agir, c'est-à-dire reprendre sa vie en main, ouvrir de nouvelles perspectives. En ce qui me concerne, moi, je ne savais pas ce que je voulais faire. Au départ, je travaillais en conseillère relations clients dans un grand organisme de sécurité sociale. Et ce n'était plus en adéquation avec mes valeurs. Donc j'ai provoqué mon licenciement, j'ai réfléchi à une reconversion. Et ce que je voulais faire, c'était aider les personnes qui sont en grande souffrance, comme moi j'ai pu l'être pendant des années. Et ça, on va encourager le fait de reprendre une activité. Donc ça peut être une activité sportive, on va les accompagner. On fait les soins dans la cité, dans la ville et non pas à l'hôpital. C'est-à-dire que moi, un entretien, j'ai accroché une dame une fois. Au premier rendez-vous, je vais à domicile parce que dans mon secteur, c'est 80% d'ambulatoires, psychiatres y compris. Ils se déplacent à domicile. Cette dame, elle me dit, vous ne pouvez rien pour moi. De toute façon, j'ai été comme ça toute ma vie. Et donc, je me mets à nuit. je me dévoile et là elle me dit ah oui vous avez vécu tout ça donc moi c'est rien du tout et elle dit mais j'ai pas tellement envie d'un autre entretien j'ai dit bah écoutez c'est dommage, moi j'étais rentrée chez elle j'avais observé son logement et il y avait une bibliothèque avec des livres sur l'Egypte ancienne la Grèce antique, des choses comme ça je dis parce que moi je vous aurais bien proposé le deuxième rendez-vous au musée de la piscine de Roubaix et là des étincelles dans ses yeux et c'est comme ça... qu'elle a accrochée aux soins, cette dame. Et en fait, nous, on a carte blanche, je fais les entretiens où je veux, dans un parc, dans un musée, dans un café, dans une galerie marchande. C'est l'usager au centre du système de soins. On écoute ses besoins, ses attentes, on respecte sa temporalité, c'est-à-dire que la personne n'est peut-être pas prête à faire des choses maintenant, mais on sème des petites graines pour... pour que ça vienne ensuite vers une reconversion professionnelle, vers des activités de bénévolat, et les remettre dans les laits. Et on s'appuie beaucoup sur les ressources territoriales, et on travaille en lien avec ces ressources. Les associations, les gemmements, comme se disait tout à l'heure, les conseils locaux de santé mentale, c'est vraiment remettre l'usager au centre des pratiques. Et notre rôle également, c'est d'informer les droits, faire valoir les droits. Parce que la personne, quand elle se stigmatise et qu'elle s'isole complètement, elle renonce à ses droits. Et moi, je me suis isolée physiquement, dans une chambre, mentalement. Et au niveau de l'isolement social, j'étais complètement coupée des relations. Et c'est vraiment... Le point important, c'est que chaque trouble, tous les troubles, ressentent cet isolement profond. C'est vraiment très profond. Et nous, l'important, c'est qu'on vient rompre cela. Ensuite, on favorise l'insertion dans la cité. Et en fait, c'est un bon tremplin, parce qu'on sait que les hospitalisations, ça crée des traumatismes, voire même... de gros traumatismes parfois, privation des libertés, contention, etc. Ce qu'on ne pratique pas dans mon secteur. Et ces traumatismes, comme on soigne à domicile, même on fait de l'hospitalisation à domicile, c'est-à-dire qu'on va voir les personnes tous les jours, une fois c'est l'infirmier, une fois c'est le psychiatre, le psychologue, etc. La personne ne vit pas les traumatismes d'hospitalisation. Le but, c'est de vraiment rester au cœur de la société, pour les isoler le moins possible, justement, et refaire partie, au fil du temps, dans la vie de la ville, être actif dans la ville, comme je le disais, par le biais d'associations, d'activités de bénévolat, de reprendre une carrière professionnelle. Moi, actuellement, j'ai une personne que j'accompagne depuis... deux ans environ, là, elle a repris ses études Bac plus 2, assistante de direction. C'est un très beau parcours. Et au départ, elle n'avait plus aucun espoir. Elle était même prête à renoncer aux soins. Donc, le médiateur est là, justement, pour créer du lien et accentuer sur le fait qu'on reste dans la ville, pour rompre cet isolement. Je vous remercie.

  • Speaker #0

    Avant de donner la parole à la salle, je passe le micro à Aurélien Benoît-Lide qui voulait intervenir.

  • Speaker #2

    Juste un tout petit mot, je mets ma casquette de neurologue pour aller dans le sens de mes collègues psychiatres, pour parler de l'isolement et du lien social. L'isolement sur le plan matériel, ça peut même... faire perdre la fonction. Le fait de ne pas parler, le fait de ne pas voir, le fait de ne pas communiquer. Il y a un impact directement sur la matérialité qui se passe au niveau du cerveau. Épaissir aussi cette idée qu'on se fait du lien social et notamment à travers une discipline qu'on appelle la cognition sociale qui montre bien qu'il existe une différence très importante entre côtoyer du réel et côtoyer du virtuel. Quand on est face à quelqu'un. eh bien, on doit interpréter tout un tas de signaux qui sont des signaux parfois très faibles, parfois très forts. Il faut pouvoir se préparer à une réaction de la personne en face. On ne peut pas, effectivement, comme disait M. Le Breton, on ne peut pas appuyer sur off. Et si la personne qui est en face est blessée, elle est capable de réagir verbalement, physiquement. Et donc, il y a une activité cognitive qui est totalement différente lorsqu'on est dans une situation de lien social réel et dans une situation de lien social virtuel. Pour terminer... Il y a un terme que j'aime bien et qui vient d'une étude américaine qu'on appelle la résilience cognitive. C'est quelque chose que nous, en consultation, on voit très régulièrement, notamment pour les personnes âgées ou pour les personnes qui souffrent d'une maladie d'Alzheimer. On sait bien que malheureusement, la thérapeutique médicamenteuse est quand même très pauvre encore, même s'il y a quelques évolutions. Et on sait qu'un des principaux moyens, les patients nous demandent, comment est-ce qu'on peut faire pour limiter le risque, pour prévenir, pour ralentir la maladie ? On le sait aujourd'hui que plutôt que de faire une grille de sudoku, plutôt que de regarder les informations, plutôt que de lire un livre, plutôt que de faire des mots croisés, il n'y a rien de mieux que la communication. Parce que la communication avec une personne réelle fait intervenir absolument toutes les modalités cognitives sans forcément qu'on y prenne garde. C'était juste pour apporter ma petite contribution sur le plan neurologique à l'importance de la communication et au risque de l'isolement.

  • Speaker #3

    Bonjour, moi je voulais intervenir juste parce que je voulais qu'on parle aussi des personnes en retrait social. On en a un petit peu parlé des personnes qui sont enfermées dans leur chambre, justement qui n'ont pas du tout d'interaction même sur les réseaux sociaux et qui ne relèvent pas de la psychiatrie parce qu'elles n'ont pas de pathologie, mais qui sont en grande difficulté, en grande souffrance et qui peuvent rester des années enfermées. Et en fait c'est un phénomène qui est en train de se développer de plus en plus en France. Il y a très peu de réponses au niveau du suivi. Au niveau national, il y a une association à Strasbourg qui suit ces personnes, c'est ITAC avec l'antenne des Tours, et une en Ile-de-France, mais sinon on n'a quasiment pas de réponse pour accompagner ces jeunes qui ne sont pas en demande spécifiquement eux, mais c'est les parents ou l'entourage qui essaie de trouver des solutions. C'est un problème qui est quand même assez fort et assez... qui est en train vraiment de s'amplifier et je trouve que c'est important d'en parler aussi parce qu'il faudrait à un moment donné qu'on puisse prendre en charge. Ils ne posent pas de problème parce qu'ils sont enfermés, ils ne posent pas de problème parce qu'ils ne mettent pas leur vie en danger, parce qu'ils ne mettent pas la vie des autres en danger. Mais voilà, tout relève de la responsabilité des parents de les accompagner, mais c'est vraiment très très juste et il faut vraiment qu'à un moment donné il y ait des choses qui se mettent en place pour accompagner tous ces jeunes.

  • Speaker #0

    C'est le phénomène qui est appelé ikikomori qui nous vient du Japon et qui, bien sûr, a traversé les frontières. Qui veut répondre sur cette question ? David Le Breton.

  • Speaker #4

    Oui, je peux en dire quelques mots puisque j'avais beaucoup travaillé là-dessus dans mon livre sur la disparition de soi. Ce sont des formes de disparition de soi, des sortes de grèves de la vie ordinaire, des garçons ou des filles ou des hommes ou des femmes qui se mettent en retrait. qui se détachent, qui n'éprouvent plus le sentiment que le lien social est une valeur. Alors évidemment en amont il y a souvent des histoires de vie assez fracturées, il y a aussi parfois un encouragement social, et comme c'est le cas au Japon, évidemment avec le phénomène des ikikomori qui touche quand même plusieurs centaines de milliers de jeunes japonais. Je n'ai jamais très bien compris les chiffres d'ailleurs, parce que j'ai lu parfois 500 000 enfants, ce qui me paraît trop. On lit plus couramment 200 000, 300 000, en tous les cas il y a un phénomène social considérable dans les pays asiatiques, mais aussi parce que l'internet, parce que là on a du coup affaire à des jeunes qui sont permanents sur les réseaux sociaux, mais par contre qui sont dans la décorporation du monde, dans le détachement des autres, mais c'est difficile. Moi je n'ai pas de réponse évidemment, j'observe simplement en tant que sociologue que la vie sociale n'est pas forcément une valeur, d'ailleurs il faut le dire. Je crois qu'il y a encore quelques siècles, on pourrait dire, ces garçons ou ces filles auraient sans doute eu une vocation de spiritualité pour aller dans les monastères, les abbayes, etc. C'était encore une époque où on pouvait accueillir des hommes ou des femmes un peu en dissidence, un peu en rupture, qui ne se reconnaissaient pas vraiment dans le lien social. Aujourd'hui, on est plutôt dans un contexte, en effet, d'isolement, pas forcément de souffrance d'ailleurs, mais en tous les cas d'isolement, de refus du monde extérieur. Voilà.

  • Speaker #0

    Madame Maria Melchior, vous voulez...

  • Speaker #5

    Oui, alors, effectivement, c'est un phénomène qui est assez peu étudié en France. On connaît très bien au Japon, en effet. Ceci étant dit, en France, on commence à s'intéresser de plus en plus à certaines formes de retrait, comme ça, relationnel, chez les jeunes gens, notamment la phobie scolaire anxieuse. C'est-à-dire... Alors, il y a des jeunes qui décrochent de l'école pour plein de raisons différentes. Vous savez qu'il y a à peu près 100 000 jeunes par an qui... La scolarité sans un diplôme, c'est lié à divers types de situations, mais il y a aussi ce phénomène de phobie scolaire qui visiblement augmente. Alors peut-être qu'il augmente aussi parce qu'on le mesure mieux aujourd'hui et notamment depuis le Covid que précédemment. C'est sûr, je rejoins ce qui vient d'être dit, il y a une partie, et ce que vous disiez aussi, qu'il y a une partie des personnes pour lesquelles... La vie sociale n'a pas de sens en soi, n'a pas de valeur en soi et qui donc se met en retrait. Le problème c'est qu'évidemment pour les jeunes gens notamment, ça provoque un certain nombre de difficultés et ça a un coût, puisque c'est difficile de renouer ensuite avec une forme de scolarité plus tard. Il y a quand même, dans ce que montrent les études, dans la plupart des cas de ces jeunes qui s'isolent entièrement, Quelque chose comme de l'ordre d'une pathologie psychiatrique, je ne sais pas si vous serez d'accord avec moi, une pathologie psychiatrique anxieuse ou d'autres formes, des choses qui peuvent être liées à des maltraitances, etc., qui expliquent une forme de retraite.

  • Speaker #0

    Monsieur Giannakopoulos.

  • Speaker #6

    Je dirais que là, votre question touche quand même un sujet de préoccupation majeure aujourd'hui, c'est-à-dire la multiplication des personnes qui se réplient, des personnes jeunes, qui finalement c'est une tranche d'âge qui se situe entre pratiquement les 14 et 19 ans, c'est une tranche d'âge, qui peuvent désinvestir leurs études ou alors les suivre à minima et puis le reste du temps être devant les écrans et être chez eux. Alors, comme ça a été dit tout à fait justement, on ne peut pas dire qu'on n'est pas dans le champ de la psychiatrie, même si on n'est pas dans le champ de la souffrance psychique exprimée. Alors, il y a trois grands groupes là-dedans et puis ça dépend comment évidemment on essaye de les aborder parce que c'est des situations où les jeunes sont assez réfractaires à voir qui que ce soit. Et vu qu'ils ne font pas de bruit, Et les parents sont désarmés parce que vous n'avez pas la situation de quelqu'un qui cache à la maison, qui commence à devenir provocateur ou qui prend les substances, ce qu'on connaissait aux années 80, ce n'est pas du tout ça. Donc il y a un pôle, ça a été aussi souligné, c'est ce qu'on appelle le pôle anxieux, c'est-à-dire des personnes qui n'ont pas seulement le problème du lien avec les écrans, mais aussi une approche très anxieuse de l'existence, c'est-à-dire l'autre autant qu'une menace. et donc la volonté de contrôler à travers le monde virtuel. Il y a une autre catégorie, qui est une catégorie, et on les prend en charge, on essaye d'entrer en matière par rapport à ça, qui ont développé une vraie addiction à sa substance, c'est-à-dire où leur vie tourne autour de la possibilité de faire un minima à l'école si possible pour entrer vite et se remettre dans le virtuel. Et il y a une troisième catégorie qui sont des personnes qui sont quand même beaucoup plus perturbées, ce qu'on appelle les prémices des décompensations psychotiques. Ce sont des gens finalement qui ont une altération à bas bruit du rapport avec la réalité, qui ne devient pas bruyant dans le sens d'un passage à l'acte, de la violence, de la provocation ou de l'auto-agressivité. mais qui s'éteignent peu à peu et à un moment si quelqu'un les approche et les expose dans la société vous voyez des tableaux qui flambent complètement donc c'est inquiétant parce que ça prend des proportions ça prend des proportions et on n'arrive pas facilement à le saisir ce qu'on a essayé de faire et c'est l'expérience qui a été faite de dire parce que toute l'Europe est touchée du sud au nord aujourd'hui les pays scandinaves et aussi c'est une approche qui a été qui commence à être implantée aujourd'hui en Allemagne aussi, en Suisse, c'est de dire qu'on commence à avoir des consultations spécialisées et finalement des lignes où les parents peuvent appeler et on essaye à travers les conseils aux parents de faire venir les jeunes à des consultations en lien essentiellement avec le problème d'addiction aux écrans. C'est une porte d'entrée qui est plus facile à aborder. Ça a été décrit avant aussi. Vous savez, les personnes anxieuses ont beaucoup de peine à être confrontées à un milieu qui est anxiogène. Ça commence par la phobie scolaire quand on est très petit, mais ça peut arriver à se replier parce que l'extérieur ne peut nous amener que des ennuis. Et donc, confronter les personnes juste à leur anxiété, souvent, ça abat un repli encore plus important. Donc la manière de faire, une manière de faire, ce serait de se centrer sur... ce qu'on appelle, le grand groupe aujourd'hui, ce qu'on appelle les addictions sans substance, qui prennent une proportion, et là alors, du coup, on a une proportion inquiétante chez les jeunes, chez les adolescents, et même chez les jeunes adultes jusqu'à 22 à 25 ans.

  • Speaker #0

    Oui, David Le Breton, juste avant la question suivante.

  • Speaker #4

    Je voulais dire qu'on est davantage dans une rupture sociale que dans des questions psychiatriques, de mon point de vue, c'est un phénomène sociologique absolument considérable aujourd'hui, que ce retrait du monde. Je voudrais dire aussi que pour moi, d'un point de vue anthropologique, il s'agit d'un sas, il s'agit de se mettre un peu en retrait. Dans les recherches que j'ai pu mener, il y a toujours un retour, mais un retour qui peut prendre deux ans, trois ans, quatre ans, on le voit très bien d'ailleurs au Japon, c'est une période provisoire, qui exige évidemment que pendant ce temps ces jeunes soient protégés. Je ne vois pas forcément une connotation psychiatrique ou médicale dans ces questions-là. qui renvoient davantage au fait que ces jeunes ne se reconnaissent pas dans le monde qui les entoure. Et chez les ikikomori japonais, ce sont souvent d'ailleurs des phénomènes de harcèlement, de violence à l'école et autres. Donc il y a aussi de bonnes raisons souvent de se mettre à l'écart.

  • Speaker #0

    Merci. La question suivante s'il vous plaît.

  • Speaker #7

    Oui bonjour, j'aimerais faire un tout petit témoignage et poser une question. J'ai un frère schizophrène depuis bientôt 30 ans, donc ça a évolué je sais depuis 30 ans, mais il y a 30 ans, quand on le mettait en isolement, dans une chambre où il n'y a rien, comme vous le savez, moi je le vivais très mal en tant que sœur et la famille, parce qu'on ne nous expliquait pas à cette époque pourquoi c'était bien pour lui peut-être. Mon frère a réussi à nous rassurer en nous disant que quand il était en phase maniaque, qu'il faisait des bêtises, on va dire, que c'était bien, que ça le reposait, que ça lui faisait du bien, mais que c'était trop long, qu'on le laissait trop longtemps enfermé. Je vous la joue courte parce que... Il a refait des bêtises en France, il était soigné en France. Il est parti en Allemagne parce qu'il était amoureux d'une Allemande. Il s'est isolé de lui-même, comme vous disiez, en pleine nature, pour se couper du monde, pour ne plus avoir affaire à l'hôpital français, qui fait comme il peut, mais qui ne fait pas très bien, de la police, etc. Il est devenu parano, il s'est prostré. Pour moi, ça a été le pire moment de sa vie pendant plus de deux ans. Il a refait une bêtise. La police allemande n'est pas drôle, elle est moins drôle qu'en France, parce qu'en France on lui trouve toutes les excuses. En Allemagne on l'a mis en prison. La famille, notamment moi, j'ai dit surtout qu'il fallait qu'on le laisse en prison parce qu'il voulait aller en prison depuis 30 ans et qu'il fallait que ce soit lui qui dise qu'il était malade. Comme c'est un grand malade et qu'il est très très intelligent comme tous les grands malades, il est resté en prison. Ils se sont rendus compte qu'il était malade, ils l'ont mis en hôpital psychiatrique. Et ma question, c'est qu'en Allemagne, ils m'ont l'air beaucoup plus intelligent qu'en France, et je ne comprends pas pourquoi les Français qui se disent intelligents ne prennent pas ce qu'il y a de bien en Allemagne. C'est-à-dire qu'en Allemagne, on met mon frère en isolement pas longtemps, quelques heures. Il a le droit de téléphoner à sa famille, même quand il est en isolement, s'il a envie. On nous donne des nouvelles. Il sort au bout d'une journée, deux journées. Il a des niveaux. Il est super content. En ce moment, il est niveau 5. Il aura le droit à son portable quand il sera niveau 7. Quand il fait une connerie, il redescend. Mais il comprend. Il a 51 ans aujourd'hui. Pas aujourd'hui, mais 51 ans. Pourquoi on ne prend pas ce qu'il y a de bon chez les Allemands ? C'est ça, ma question.

  • Speaker #0

    Alors, pour compléter votre question, madame, je préciserai juste qu'en France, il y a un contrôle par le juge de la mise à l'isolement et également de la contention. Donc, en France, quand il y a 12 heures de mise à l'isolement, il y a un contrôle du juge qui est prévu. Et quand il y a 6 heures de contention, ce sont des périodes cumulées, il y a un contrôle du juge qui est prévu également pour la garantie de la liberté de l'individu. Alors, bien sûr, il y a beaucoup de dérogations. Et est-ce que je... peut dire également, c'est qu'il y a, et peut-être que Mme Liber va nous informer là-dessus, et puis M. Giannakopoulos également, une grande disparité en France même des pratiques en fonction des services et bien sûr en fonction des moyens, parce que l'isolement, c'est une mesure peut-être thérapeutique, mais c'est peut-être aussi une mesure qui est liée parfois, malheureusement, au manque de moyens. Mme Liber ?

  • Speaker #1

    Oui, alors moi je vais revenir. sur la situation de votre frère. En fait, dans le secteur où je travaille, on ne pratique pas l'isolement. On fait plutôt de l'apaisement par la communication non violente. Tout le personnel est formé, en fait, pour ça. Il y a des secteurs en France où, effectivement, on respecte les droits des personnes. Ils peuvent conserver leur téléphone, effectivement. la personne elle rentre aujourd'hui, demain elle demande une permission de sortir, si on lui accorde la permission. Sachez que ça existe en France, mais je suis tout à fait d'accord avec vous, c'est que c'est vraiment trop peu nombreux, c'est pas assez étendu.

  • Speaker #0

    Je pense, si je ne me trompe pas, quand vous avez fait référence au niveau 5 et 7, je vois un peu de ce que vous parlez. C'est une situation très différente par rapport à la France, puisque ici vous parlez exactement de l'interface entre la prison et les soins psychiatriques. C'est-à-dire les personnes qui sont en Allemagne, qui peuvent être, on l'avait dit hier, qui peuvent être en prison et qui ont une pathologie psychiatrique, suivent par la suite. peuvent être accueillies dans des structures qui sont assez équivalentes à ce qui existe en Suisse. C'est-à-dire que la structure que moi je dirige, c'est-à-dire des hôpitaux forensiques où il y a des approches structurées liées à la diminution du risque. C'est ce que vous avez décrit. C'est-à-dire qu'il y a des paliers qui permettent à l'individu progressivement de prendre plus de liberté. Cependant, et ça c'est un élément important, ces structures-là, dans la plupart des landais en Allemagne, sont des structures... à l'intérieur du monde carcéral, c'est-à-dire cette structure coordonnée avec la sécurité. Ce n'est pas du tout la même situation qu'un hôpital psychiatrique classique. C'est-à-dire nous on le voit très bien en Suisse, il y a les hôpitaux psychiatriques classiques, et évidemment il y a une population qui peut être quelque part à cheval et mettre en échec les deux systèmes, c'est-à-dire des personnes qui ont une pathologie psychiatrique si importante, que si vous les mettez en prison classique. Il y a de la souffrance et une impossibilité de soins. Et si vous le mettez à l'hôpital psychiatrique, très rapidement il y a des actes de provocation, des actes transgressifs qui font que les soignants ne savent pas très bien quoi faire. Et c'est des situations qui peuvent mettre à mal les deux mondes. En Allemagne, c'est l'optique des mesures en réalité, des mesures thérapeutiques selon le code pénal. En Allemagne, en Suisse, et comme je disais hier, c'est valable aussi en Hollande et en Scandinavie. Il y a la possibilité de créer des structures mixtes qui sont quand même très coûteuses, mais qui en même temps garantissent ce type de travail pour les personnes qui ont des profils très particuliers. Parce que sinon, évidemment, l'hôpital psychiatrique classique a ses limites. Ce que vous avez décrit par rapport aux juges et la possibilité de libérer des placements à des fins d'assistance, ça peut bien sûr être fait, mais souvent ce type de situation, c'est des situations qu'il faut suivre en très long cours. Et ce n'est pas juste une hospitalisation après la personne sort, va dans un secteur et continue sa vie. C'est des situations qu'il faut suivre de manière très attentive parce que l'exposition personnelle, mais aussi l'exposition en termes de passage à l'acte dans la société est très grande.

  • Speaker #1

    Merci. On va prendre la question suivante.

  • Speaker #2

    Bonjour. Merci d'abord pour toutes ces interventions qui sont extrêmement diverses. Pour me situer, je suis mère d'un garçon de 24 ans qui a une schizophrénie. Par ailleurs, je suis journaliste et je viens d'achever une série de podcasts qui s'appelle Gueule cachée, au cours de laquelle j'ai rencontré et interviewé des personnes qui ont des troubles psychiques extrêmement diverses pour entendre de l'intérieur ce que peut vivre chacun. Et je dirais que le fil rouge dans ces rencontres, c'est effectivement l'isolement. Je vous remercie d'avoir pointé la question de l'isolement choisi, subi, en tout cas désiré. Ma question porte sur ce qu'est ce qu'on fait de cet isolement, et notamment en sortie d'hospitalisation. Beaucoup de choses ont été faites, qui nous ont été très bien décrites. L'ARS a développé beaucoup de projets. Qu'est ce qui est fait pour que les familles puissent sortir de cette espèce de défiance qu'on traîne depuis des années ? dans le secteur de la dictologie en particulier, mais la dictologie n'est jamais très loin de la psychiatrie, et dans le secteur, merci d'opiner du chef, dans cette espèce de cloisonnement qui fait qu'un jeune qui sort d'hospitalisation va se voir proposer plusieurs choses, plusieurs intervenants, effectivement parfois à domicile, de façon très clairsemée. Sans que du côté de la famille, la famille n'est pas associée en fait, elle ne sait pas comment accompagner. J'ai été heureuse d'entendre ce mot-là aussi tout à l'heure. Comment est-ce qu'on accompagne le désir d'isolement qui est tout à fait légitime parce que c'est un besoin dans certains cas pathologiques. Comment est-ce qu'on accompagne ce désir d'isolement ? Un, en associant la famille et deux, en donnant plus de clarté sur les différents intervenants. que ce soit en addicto, que ce soit en sociabilisation, en réhabilitation. Dernière question, comment on associe aussi le désir de la personne elle-même ? au sens où voilà moi j'ai un fils de 24 ans qui en a proposé une séance de ping pong une fois toutes les semaines c'est un garçon qui effectivement plus au sportif mais qui aimerait faire de la création musicale qui en fait déjà et quand on lui a demandé pourquoi il voulait faire ça est ce qu'il aurait la patience d'attendre que en fait il faut d'abord qu'il montre qui va être assidu à ses cours de ping pong pendant je sais pas combien de temps et à ce moment là peut-être qu'on lui proposera un atelier de création sonore ou Voilà, enfin pardon, c'est peut-être un peu confus. Ma question c'est comment est-ce qu'on donne plus de clarté, de visibilité et comment on entend les demandes et les désirs du patient lui-même ? Merci.

  • Speaker #1

    Madame Pain.

  • Speaker #3

    Je vous rejoindrai sur la difficulté actuelle. C'est-à-dire, on va prendre votre dernier item, l'autodétermination. Vous avez un handicap psychique ou un handicap physique, tout le monde prône l'autodétermination à choisir sa vie. Vous avez une maladie mentale. ou un problème d'addiction, là vous n'êtes plus tout à fait dans l'autodétermination. C'est-à-dire que vous aurez droit effectivement à la création musicale si vous faites d'abord du ping-pong. Donc il y a peut-être un croisement qui est en train de se faire, puisqu'en fait si on veut bien, et c'est un petit peu ce qu'on voit poindre comme politique publique, quelle différence y a-t-il entre un handicap psychique un handicap neurologique, un handicap physique et un handicap à être peut-être dans la société du fait d'une maladie mentale qui vous rend isolé. C'est la même chose. Donc l'autodétermination, c'est quelque chose qu'on demande maintenant aux gens qui font des programmes de réhabilitation post-addiction, post-maladie mentale. On doit laisser le choix aux gens, mais c'est valable dans plein de domaines. J'interviens régulièrement pour rappeler... Lorsque je suis saisie que si la personne ne veut pas tel type de soins, c'est aussi son droit. Enfin, on est quand même libre dans notre société. Parce qu'on a le même problème que les personnes en situation d'obésité massive. C'est malade mental, obèse, massif, c'est les mêmes choses. Moi, je m'occupe des deux sujets. Pour moi, il y a beaucoup de liens. Et effectivement, il faut qu'on puisse accompagner. Après, pour les familles, les accompagnants. Nous essayons, et là on est en train de rediscuter avec l'UNAFAM, de donner plus de poids aux associations. C'est-à-dire que vous avez des associations qui s'occupent, comme l'UNAFAM, d'accompagner les personnes aidant-familiaux de personnes en situation de maladie mentale. Elles ont beaucoup moins de poids qu'une association de diabétiques. Les associations françaises de diabétiques, elles vont pouvoir influer sur les politiques publiques. Les associations qui s'occupent de maladies rénales, elles vont influer, elles vont dire mais nous on veut ça, on veut ça Et comme la maladie mentale est encore un peu stigmatisée, l'addiction est encore stigmatisée, ces associations à la fois de patients, d'anciens patients, mais de patients et de familles de patients, elles sont peut-être pas au... aussi bien entendu qu'il le faudrait. Et ça, je vous rejoins tout à fait. Donc, nous, on essaie de faire le parallèle. C'est pour ça, moi, je dis, je m'occupe des parcours de soins. Mais je ne fais pas de distinguo entre l'Association française de diabétiques, l'Association de l'UNAFAM. Pour moi, c'est un problème de santé. Je citerai Canguilhem, que j'apprécie beaucoup. La maladie, c'est quoi ? C'est un parcours de vie. Avant d'être malade, on est malade, et puis on continue post-malade, puis après on est nouveau-nouveau malade, enfin, c'est notre vie. Et donc, je vous rejoins, il faut absolument que les associations de patients, les associations de familles, se fassent entendre, se constituent, mais pour qu'elles se fassent entendre, c'est pas facile, et je vous en remercie, madame, de dire, je suis maman d'un quelqu'un qui est schizophrène. Il y a encore 15 ans, les gens ne le disaient pas, en cachet. On ne disait pas qu'on avait un enfant schizophrène. On peut avoir un enfant schizophrène, on peut avoir un enfant qui souffre de diabète, on peut avoir un enfant, et on doit être entendu au même titre. Donc c'est ce qu'on essaie de prôner, nous, en politique publique. Mais, comme je l'ai dit tout à l'heure, il faut que la société nous aide. C'est-à-dire que c'est pour ça que je suis là, pour dire qu'il faut entendre les associations de patients, dire que ça ne va pas à la contention. et avoir le même respect pour ses problèmes de pathologie mentale que pour celui qui est diabétique. On n'a pas forcément... Disons que dans la souffrance, qu'elle soit psychique ou physique, il n'y a pas de... c'est plus important, c'est moins important. Alors tout le travail qui a été fait sur le handicap... Je pense qu'il faut le faire maintenant sur les maladies mentales, en termes de destigmatisation de la société. D'où les contrats locaux de santé mentale, d'où les nuits de la santé mentale, d'où ce soir la nuit de la psychiatrie. Comment ? Les sismes, enfin plein de dispositifs, mais c'est aussi un message à porter dans la société. On ne peut pas, les professionnels de santé, les gens qui se quittent de politique publique, c'est la société qui va faire qu'on va pouvoir progresser. Je vous soutiens, n'hésitez pas à le redire. Et puis je vous dis, c'est une discussion qu'on a actuellement avec l'UNAFAM sur ce sujet.

  • Speaker #1

    Madame Melchior. C'était juste pour réagir à ce que vous dites et en écho à ce que disait Madame. C'est que ça demande quand même qu'il y ait une diversité de types d'approches et d'activités qui soient proposées aux personnes. Je ne sais pas si c'est des questions de moyens ou de la manière dont on aborde. le rétablissement, la manière dont les personnes peuvent faire différentes choses au cours de leur vie, y compris quand elles ont eu un trouble psychiatrique et qu'elles ont dû être hospitalisées. Mais déjà, il faut le penser que tout le monde ne veut pas faire du ping-pong. Et ça veut dire probablement déployer des moyens qu'on ne déploie pas suffisamment, avec des intervenants qui ne sont pas que des intervenants médicaux, évidemment. Vous avez parlé des psychologues qui recréent du lien dans les structures, j'ai trouvé ça extrêmement intéressant, c'est-à-dire qu'en réalité, il y a des espaces et des opportunités à créer. Et je crois que justement, on a peu d'évaluations vraiment evidence-based, mais tout ce qui relève de la prescription sociale, c'est un petit peu cette idée-là, c'est-à-dire que les personnes avec leur entourage proche peuvent identifier... des activités ou des types de choses qu'elles aimeraient pouvoir faire, qu'elles aimeraient pouvoir déployer et que les professionnels de santé accompagnés par d'autres professionnels, des médiateurs, des psychologues, des éducateurs, etc. sont à même de les aider à construire ces projets-là, mais on en est encore très très loin. Monsieur Giannakopoulos.

  • Speaker #0

    Oui, peut-être j'ajouterais sur cela qu'il est très important de faire la carte, c'est-à-dire que les réponses génériques ont relativement peu de pertinence quand on parle des cas individuels, surtout quand il s'agit des personnes qui souffrent de schizophrénie, parce que l'évolution de la maladie, ce qu'on appelle l'histoire naturelle de la maladie, peut être extraordinairement différente. Comme vous avez parlé de l'isolement, qui est un isolement voulu, il y a des personnes qui peuvent rester avec un très haut niveau de méfiance, être très peu preneurs d'interventions sociales, de possibilités d'être davantage accompagnées, vivre ça comme une menace. Il y a d'autres personnes qui peuvent perdre leur capacité assez rapidement sur le plan cognitif. Dans ce cas, il faut évidemment ajuster ce qu'on offre par rapport à ce que l'autre peut prendre. Et il y a des personnes qui peuvent garder des très bonnes capacités en dehors des phases plus critiques qui nécessitent parfois l'hospitalisation. Et dans ce cas, vous avez une autre possibilité de renforcer le lien social. Donc, j'ai envie de dire que dans mon expérience... Le vrai problème d'une politique publique et des politiques publiques dans différents pays, c'est la capacité de passer d'une affirmation ou même des structures qu'on met en place de manière générale à la déclinaison individuelle qui nécessite quelque part un travail minutieux sur le terrain et donc faire des surmesures. D'habitude, ce qu'on met en place, quand on arrive, quand on a des moyens, c'est plutôt des productions industrielles. Mais dans des situations comme cela, il faut faire du sur-mesure. Et ça, c'est coûteux en énergie, coûteux en moyens et nécessite une collaboration de tous les réseaux.

  • Speaker #1

    Alors, on va prendre une dernière question et je repasserai la parole à chacun des membres de cette table ronde pour soit y répondre et ou conclure. Madame, nous vous écoutons.

  • Speaker #4

    Bonjour. Alors, j'ai l'impression de peut-être être hors sujet, mais j'ai quand même... poser mes interrogations, enfin vous les partager. Je suis médecin et mon parcours professionnel fait que je suis médecin au sein de l'éducation nationale aujourd'hui. Et dans l'éducation nationale, on a bien conscience qu'un enfant en bonne santé apprend mieux et qu'un enfant qui apprend bien sera sans doute en meilleure santé plus tard et que la santé a bien trois composantes, physique, mentale et sociale. Et je m'interrogeais au vu des différents indicateurs de détérioration de la santé mentale des jeunes et l'importance du lien social pour la bonne santé mentale, si les politiques... prise au sein de l'éducation nationale était finalement générateur d'une bonne santé mentale avec l'apparition de ces groupes à niveau, ces groupes de besoin en sixième, cinquième, ces options en première avec différents groupes et en terminale. Donc je m'interrogeais si, même si on va développer les compétences psychosociales dès le plus jeune âge, et on espère, et tout au long de la scolarité de l'enfant, si au final, ce n'était peut-être pas contre-productif. Et la deuxième interrogation, c'est que la santé mentale des jeunes, il y a un vrai focus dessus, et bien sûr que nous sommes pleinement intéressés. Mais peut-être qu'on ne parle pas assez souvent de l'aspect positif et des jeunes qui vont bien, parce qu'au final, si je suis adolescent, je ne vais pas bien. Si je vais bien, est-ce qu'au final, je suis normale ? Et est-ce que nous ne sommes pas responsables, nous, adultes, entourant ces jeunes et ces enfants, de finalement, en voulant les surprotéger d'un monde difficile, et qu'on peut comprendre anxiogène pour nous, mais aussi pour eux, on va peut-être favoriser leur isolement social en leur permettant de rester à la maison pour ne surtout pas avoir de problèmes dehors. Et donc, on va les autoriser à regarder les écrans, pas que forcément les réseaux sociaux. Et est-ce qu'on n'est pas responsable, nous, adultes, de cet isonnement social qui va avoir des répercussions sur la santé mentale des jeunes ?

  • Speaker #1

    Je repasse la parole à chacun qui se saisira de ces questions, ou pas. Je vous demanderai de conclure, ce sera la dernière intervention. Madame Melchior. Merci beaucoup pour ces deux questions. Je souscris absolument à ce que vous avez dit sur les deux points. C'est-à-dire qu'on peut vouloir mettre en place des politiques publiques pour faire de la prévention, les compétences psychosociales par exemple. accompagner les gens qui ont déjà des troubles psychiques ensuite pour recréer du lien social mais en réalité il y a une... enfin en santé publique il y a un principe qui est issu de la commission sur les déterminants sociaux de l'OMS qui a été présidée il y a une vingtaine d'années par Michael Marmot qui est de dire qu'en réalité pour réduire les... pour agir sur les déterminants sociaux de santé et agir les inégalités et pardon réduire les inégalités En fait, il faut introduire de la santé dans toutes les politiques publiques et essayer de les examiner à l'aune de leur impact sur... c'est-à-dire examiner les politiques publiques à l'aune de l'impact qu'elles peuvent avoir sur la santé et sur les disparités qu'il pourrait y avoir entre différents groupes en termes de santé. Ce que vous avez mentionné sur la réforme, les différentes réformes mises en place récemment de l'éducation nationale va complètement à l'encontre, évidemment, de l'idée de créer du lien entre les élèves. Merci. A ma connaissance, pas d'évaluation sérieuse de l'impact, par exemple, du changement du baccalauréat, le fait d'avoir complètement explosé les groupes classe au lycée, par exemple, et d'avoir complètement mis l'accent sur l'accompagnement, les projets individuels, ce qui en plus à cet âge-là est quand même très souvent... Enfin, je ne sais pas comment dire, ça questionne, disons, pour ne pas dire autre chose. Sans parler de Parcoursup, alors Parcoursup n'étant pas un problème en soi, mais le problème c'est la compétition et les difficultés d'accès à l'enseignement supérieur. qui crée là aussi plutôt vraiment de la pression à l'échelle individuelle plutôt que de l'entraide et du collectif. Donc je pense que l'éducation nationale aurait intérêt à évaluer l'impact de ces politiques sur la santé mentale des jeunes. Sur les jeunes qui vont bien, je suis aussi complètement d'accord avec ce que vous avez dit, dans le sens où, par exemple, dans la prévention du tabagisme, on s'est rendu compte qu'à force de dire 50% des jeunes fument, que... Et en fait, ça normalisait complètement le fait que c'était tout à fait normal de fumer quand on était adolescent. Et il se trouve que le tabagisme diminue chez les adolescents. Mais en fait, il faut leur dire mais non, il y a un jeune sur deux qui ne fume pas. D'autant que quand on fume, on a l'impression que tout le monde autour de soi fume également. Et donc, en fait, ça crée la norme. Donc, on en reparlera peut-être tout à l'heure. Mais bien sûr, il faut dire qu'il y a énormément de jeunes qui vont bien, qui ont des projets, qui trouvent du sens dans leur vie. Et qu'on peut tous avoir des moments... de passage à vide, mais la pathologie mentale et les troubles psychiques, c'est quand même encore autre chose, et qu'il ne faut pas non plus complètement surréagir à tout. Et dernier point, parce que je ne veux pas non plus prendre trop de temps, J'ai échangé il n'y a pas très longtemps avec un collègue pédopsychiatre qui travaille au sein de l'équipe sur cette question de la phobie scolaire et de pourquoi est-ce qu'on trouve cette augmentation. Il y a certainement plein de choses qui ont changé dans l'environnement des enfants, mais effectivement le rapport entre les enfants et les parents, la manière dont les parents réagissent quand un enfant va mal, a aussi probablement changé, et peut-être notamment au cours de la pandémie de Covid. C'est-à-dire que... Comme disait ce collègue pédopsychiatre, il s'est rendu compte que pendant la pandémie de Covid, évidemment les enfants n'allaient pas à l'école, les lycéens c'était variable, etc. Et que ça a un tout petit peu normalisé le fait que parfois on ne va pas à l'école, c'est comme ça, c'est quelque chose qui n'est pas complètement anormal. Et donc c'est plus facile pour les parents maintenant de dire à un jeune qui dit j'ai pas envie d'aller à l'école, j'ai mal au ventre, j'ai mal à la tête, j'ai peur, ça se passe pas bien de dire, bon, écoute, puisque c'est comme ça, tu restes à la maison et on verra après. Et ça, c'est peut-être aussi quelque chose qu'il faudrait requestionner et essayer de travailler pour ne pas créer de cercles vicieux de mal-être et isolement. Merci. David Lomreton.

  • Speaker #5

    Oui, je prolonge votre propos sur la surprotection de l'enfant qui aboutit évidemment à une fragilisation du rapport au monde. Il y a une recherche d'ailleurs britannique qui est absolument passionnante sur quatre générations d'enfants de 8 ans. La première génération, donc dans les années 20-30, marchait 10 kilomètres autour de la maison. Et puis plus on avance vers le temps, plus il y a une diminution du nombre de kilomètres parcourus. Aujourd'hui, 300 mètres. Je crois que tout est dit dans ce genre d'expérience, de la même façon d'ailleurs... Les enfants d'aujourd'hui, enfin les adolescents d'aujourd'hui, courent à 800 mètres en 4 minutes, alors qu'il y a une quinzaine d'années c'était 3 minutes. Donc on voit qu'en termes de santé publique, il y a quand même une perte absolument considérable. Mais cette sédentarisation de l'enfant, de l'adolescent, cette humanité assise, comme je dis souvent, amène évidemment à une accentuation du recours au portable. Alors on n'a plus le temps de développer, mais je pense qu'il est essentiel au plan pédagogique aujourd'hui de développer des activités de pleine nature, même chez les tout-petits évidemment, pour qu'ils apprennent le nom des arbres, des oiseaux, etc. Puisque des recherches montrent d'ailleurs que des enfants connaissent des centaines... Aux Etats-Unis, ils connaissent mille logos de marques commerciales, ils sont incapables de discerner un chêne d'un... d'un freine à côté ou autre. Donc voilà, il faut absolument développer. De la maternelle à la fin du lycée, c'est sorti dans les forêts, dans les montagnes, à la mer ou ailleurs, selon les géographies où l'on est, pour que les enfants lèvent les yeux de leur téléphone portable. Même s'ils n'y passent pas tout leur temps, je sais bien, mais quand même.

  • Speaker #1

    C'est aussi ce que nous disait Maya Garatier hier sur la table ronde facteurs environnementaux et santé mentale, y compris même chez les tout petits bébés. M. Giannakopoulos.

  • Speaker #0

    Je pense que vous posez des questions qui mériteraient un forum en soi. En réalité, qu'est-ce qu'on offre aux jeunes ? Qu'est-ce qu'on attend d'eux ? Et qu'est-ce qu'on fait de ceux qui vont bien ? Qu'est-ce qu'on fait de cela, de cette information ? Il faut tenir compte qu'on est face à un changement de paradigme. qui est assez fondamentale dans nos sociétés actuellement, c'est la perte des repères par rapport aux certitudes. Et ça concerne les parents plus que les enfants. C'est-à-dire qu'on a vécu longtemps avec des certitudes qui étaient basées sur la reconnaissance des bons et des mauvais. Ce qui était le cas, j'entends, pour les plus anciens, ceux qui avaient vécu à l'époque de la séparation entre les... Les communistes et de l'autre côté l'Europe occidentale, quand on avait toujours des repères qui sont des repères idéologiques, on pourrait épouser une cause ou une autre, mais on était obligé d'épouser une cause. Les grandes idéologies structurantes et les institutions structurantes ont connu quand même une régression massive les derniers 30 ans. Donc évidemment, de l'autre côté, le paysage est devenu de plus en plus confus, c'est-à-dire avec des changements et des courants antithétiques. et aussi par certains aspects fondamentalement coadductoires. C'est-à-dire, en même temps, on peut... C'est peut-être d'actualité, mais ça illustre bien le propos. On peut en même temps promouvoir et devenir des apôtres d'un côté de l'inclusivité. Et 15 jours plus tard, 3 semaines plus tard... On paie tous les financements sur l'inclusivité suite à l'élection du président des États-Unis. Pour un jeune, pour les jeunes en général, vivre avec ce type de changement très rapide, l'insécurité ambiante et la confusion qui nous entoure et qui les entoure, est extraordinairement difficile. Au niveau de l'éducation, on a tout essayé. D'ailleurs, la Suisse a un très bon laboratoire là-dessus. On a essayé... La permissivité totale, c'est-à-dire de dire non, il n'y a pas de limite, il faut suivre le rythme de l'enfant, pas de notes, pas d'évaluation, essayer d'être les protégés le plus possible de ce qui peut être une compétition rude. Après, on a complètement changé de fusil d'épaule, revenir de quelque chose qui est beaucoup plus structuré, avec des évaluations, parce qu'on avait l'impression que c'était devenu n'importe quoi. Est-ce que véritablement, en termes de santé mentale, On a mesuré les répercussions d'une approche ou d'une autre, la réponse est non. On tâtonne. On tâtonne en réalité en prenant une optique ou une autre optique en termes de politique sans savoir très bien à qui on s'adresse et comment ils vont se développer là-dessus. Les individus, ce qu'ils vont faire le lendemain de cette société. Alors qu'est-ce qu'on attend ? J'ai l'impression qu'on attend des choses qui peuvent être très contradictoires par rapport aux enfants. J'aborde dans votre sens le déqueu. Et dans mon expérience de clinicien aussi, souvent les parents ont la tendance de dire Mais dans un monde qu'on commence à comprendre de moins en moins, il faut les protéger. Et donc on voit, et ça c'est un phénomène qui a été très bien attesté par les études, des jeunes qui restent aujourd'hui dépendants, financièrement, socialement et du bonheur familial de leurs parents, beaucoup plus longtemps que par avant. Et la quête... de partir rapidement de la maison est devenue une sorte d'optasie qui n'a plus le lieu d'être. C'est-à-dire qu'on a des personnes qui restent de plus en plus longtemps par perte de repères, mais aussi par complicité bienveillante des parents. Après, il y a le troisième élément que j'essayais de dire avant, c'est-à-dire qu'on peut bien évidemment devenir tous, plus ou moins, des prophètes de l'Apocalypse. dire que les choses vont être détruites, que ça va être cosmogonique, qu'on va de mal en pire. Mais il est vrai, ce que vous avez dit est juste ce qui a été dit avant. Il y a un tas de jeunes qui n'ont ni pathologie psychiatrique, qui suivent les études, qui investissent le lien social, qui peuvent être présents avec les autres. Et j'ai envie de dire, avec un niveau d'intelligence et de pertinence, que moi... Et parfois, je dois dire, ça me sécurise par rapport à l'avenir. En même temps, ça donne un certain espoir et ça nous montre quand même que ce n'est pas une question ni d'intelligence, ni de dégénérescence morale. Absolument pas. Donc, ce type d'exemples, qui ne sont pas la minorité, qui ne sont pas la minorité, est complètement, je dirais, couverte par l'inquiétude diffuse. d'une société qui n'a plus les mêmes repères. Et donc notre observation, c'est centre sur ce qui a été dit avant, les jeunes qui restent à la maison et qui ne sortent pas, qui n'arrivent pas à tisser des liens, qui peuvent perdre leurs compétences, et ceci indépendamment de la santé mentale, indépendamment en tout cas de la pathologie psychiatrique plus la santé mentale. Donc c'est une vraie interrogation, on n'a pas les réponses, et je pense que ce sera le vrai enjeu de nos sociétés pour les années à venir.

  • Speaker #1

    Nous commençons à être pris par le... temps, donc je vais demander de resserrer votre propos de conclusion, Madame Pint.

  • Speaker #3

    Oui, alors je ne répondrai pas à la question, puisque c'est une question très compliquée. Je dirais juste pour conclure qu'en fait, on est peut-être, nous on le voit, en termes de positionnement de la société, cette société que vous dites un peu confuse, elle est aussi confuse sur les politiques publiques qu'elle doit mettre en place, parce que peut-être je me positionnerais comme citoyen aussi, et non pas comme médecin ou autre, c'est à nous de dire non. Nos jeunes, ils n'ont plus de repères, mais normalement, ce sont les jeunes qui changent le monde, ce n'est pas moi.

  • Speaker #0

    Donc j'attendrai de voir des jeunes qui peut-être sont dans une situation actuellement de se dire c'est quoi ce monde ? Ils ne sont pas tous atteints de pathologies mentales et moi j'espère avoir le temps de voir arriver une génération qui voudra de nouveau changer le monde et qui peut-être on est sur une période un peu interlope comme ça. Je le verrai comme citoyen parce qu'effectivement le monde n'est pas stable, les repères ne sont pas stables. Mais c'est peut-être un petit creux de la vague avant une évolution de la société, que comme citoyen je ne peux que percevoir peut-être, parce que je suis optimiste, le verre à moitié plein plutôt que le verre à moitié vide, et de se dire qu'il faut aussi voir ceux qui vont bien, ceux qui disent ben non, mais moi j'ai pas envie parce que ça m'intéresse pas et puis diminuer l'anxiété des parents. Parce que là actuellement, l'anxiété des parents c'est très très très difficile.

  • Speaker #1

    Merci Madame Liber pour terminer. Je ne vais pas répondre non plus à la question, elle a été largement examinée par les collègues. Moi je voudrais dire en fait que ce qui est important c'est ce poids de la stigmatisation qui pèse dans la société et je dirais que les politiques nationales doivent aller vers une déstigmatisation et en même temps elles doivent prôner justement la pratique de l'aller vers, c'est-à-dire... plus d'équipes mobiles, car on sait que les coûts d'hospitalisation et on sait que le parent pauvre de la santé, c'est la santé mentale, la psychiatrie. Donc, en fait, le coût de l'hospitalisation est très élevé et nettement moins élevé lorsqu'on soigne dans la cité. Merci à tous pour cette magnifique table ronde.

  • Speaker #2

    Et on se retrouve... À 14h pour comment définir la norme d'un être humain tout en nuances. A tout de suite.

Description

Forum Européen de Bioéthique 2025 : Santé Mentale & Bioéthique


Santé mentale et isolement


Grande précarité, enfermement carcéral, vieillesse et maladie mentale : l'isolement social est à la fois une cause et une conséquence des troubles mentaux. Dans un monde hyperconnecté, l'isolement de la personne humaine est paradoxalement en augmentation. Quels sont les effets délétères de l'isolement sur la santé mentale et quels sont les moyens de lutter contre ce phénomène ? Quelles stratégies peuvent être mises en place pour favoriser l'inclusion sociale et le soutien communautaire ?


Panteleimon Giannakopoulos, Professeur ordinaire au Département de psychiatrie de la Faculté de médecine, Médecin-chef du Service des mesures institutionnelles aux HUG, Directeur général de l'Office cantonal de la santé (OCS) du canton de Genève


David Le Breton, Professeur émérite de sociologie à l’université de Strasbourg, Membre senior de l’Institut Universitaire de France, Titulaire de la chaire « Anthropologie des mondes contemporains » de l’Institut des Études Avancées de l’université de Strasbourg (USIAS)


Yannick Libeer, Médiatrice de santé paire, pôle 59g21 (Déborah Sebbane, cheffe de pôle) EPSM Lille Métropole, Facilitatrice pour le centre de Lille dans la recherche action EDEN (Ecoute et Dialogue avec les ENtendeurs de voix)


Maria Melchior, Docteur en sciences (Université de Harvard), Directeur de recherche à l’Inserm


Laure Pain, Directeur de Projet Parcours, Direction de la Politique Médico-soignante, ARS Grand Est


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour, bienvenue pour cette nouvelle journée au Forum européen de bioéthique qui a pour thématique cette année santé mentale et bioéthique. Je vais laisser la parole à Maud Nizan qui va animer et modérer cette table ronde.

  • Speaker #1

    Bonjour à tous, donc cette table ronde qui s'intitule santé mentale et isolement. Nous sommes des êtres sociaux et nous avons besoin d'une connexion régulière avec les autres, d'interaction sociale. Ce qui en manque présente un risque accru de troubles psychologiques tels que l'anxiété et la dépression. Et une étude récente que je vous conseille qui est très passionnante. Une méta-analyse, comme on dit, qui parle des risques de diminution du niveau de vie, de l'espérance de vie, parle même de l'isolement social comme un facteur de baisse sensible de l'espérance de vie. Les personnes âgées sont bien évidemment les premières à souffrir de l'isolement social, mais ce ne sont pas les seules, puisque plus d'une personne sur cinq déclare se sentir souvent ou toujours seule. problématique intensifiée bien sûr par les confinements et les mesures de distanciation sociale. Il y a des études qui montrent que ce n'est pas la quantité mais la qualité des interactions sociales qui importent et les liens virtuels peuvent notamment s'avérer insuffisants parce que les interactions perdent en qualité. Raison pour laquelle passer beaucoup de temps sur les réseaux sociaux, qui portent en fait mal leur nom, et bien peut accroître le sentiment de solitude. Si l'isolement impacte de manière certaine la santé mentale, il est tout aussi certain que la pathologie mentale génère de l'isolement. Ce qui pose la question de la prise en charge des malades, y compris sur le versant de leur intégration dans la société. L'isolement est donc à la fois une cause et un symptôme de troubles psychologiques ou psychiatriques. Il peut résulter de la situation sociale des personnes, nous en parlerons, vieillesse, précarité, troubles psychologiques ou psychiatriques. Mais peut-être que nous parlerons également de ce que l'on isole par l'incarcération ou dans le cadre d'une hospitalisation. Et si parfois la mise à l'isolement est inévitable, on peut se poser la question de son impact sur la santé mentale des personnes concernées. On sait notamment que deux tiers des hommes et trois quarts des femmes sortant de détention présentent un trouble psychiatrique ou lié à une substance. On sait aussi que beaucoup d'entre eux avaient déjà des antécédents psychiatriques avant l'entrée en détention. Ça signifie que l'isolement carcéral génère de la pathologie mentale, mais également que l'on incarcère des personnes qui vont mal et dont le parcours de soins en détention est rendu bien évidemment difficile par l'incarcération. Et enfin, on évoquera l'isolement dans le cadre des soins psychiatriques, qui est une solution bien sûr de dernier recours, mais dont la pratique semble très hétérogène sur le territoire. Pour évoquer toutes ces questions, nous recevons une table ronde bien fournie aujourd'hui. Nous sommes un peu plus nombreux que d'habitude et je m'en réjouis. Nous écouterons tout d'abord Maria Melchior, qui est docteure en sciences, directeur de recherche à l'Inserm. Monsieur David Le Breton, professeur émérite de sociologie à l'Université de Strasbourg, membre senior de l'Institut universitaire de France, titulaire de la chaire Anthropologie des mondes contemporains de l'Institut des études avancées de l'Université de Strasbourg, et qui a récemment publié, entre autres, puisqu'il y a eu... Une production régulière de livres et récemment la fin de la conversation, point d'interrogation. Nous entendrons ensuite Pantelemon Giannakopoulos, professeur de psychiatrie, directeur général de l'Office cantonal de la santé du canton de Genève et directeur médical de la prison-hôpital pour détenus dangereux, Curabilis. Et enfin, Madame Yannick Liber, médiatrice de santé paire établissement public de santé mentale, Lille-Métropole. Je donne donc la parole pour démarrer cette belle table ronde à madame Maria Melchior. Nous vous écoutons.

  • Speaker #0

    Pardon, on n'a pas besoin du micro. D'accord, on l'a déjà. Super. Bonjour et merci beaucoup pour cette invitation. Non ? Non. Je crois qu'il y a une personne qui n'a pas été présentée.

  • Speaker #1

    J'ai oublié de présenter madame Laure Pain. Oui, parce que j'ai inversé, c'est pour ça l'ordre de passage. Excusez-moi. Madame Laure Pain, directeur de projet Parcours, direction de la politique médico-soignante à l'ARS Grand Est. Bienvenue, madame Pain. Je passe donc la parole à madame Melchior.

  • Speaker #0

    Bonjour et merci de cette introduction et merci surtout de votre invitation. Je suis ravie d'être parmi vous. Je suis épidémiologiste à l'Inserm et je travaille principalement sur les questions de déterminants sociaux en lien avec la santé mentale et les conduites addictives. Ce que fait mon équipe, c'est qu'on essaie de comprendre dans quelle mesure est-ce que différents aspects de la situation sociale des personnes influent sur leur santé mentale, mais aussi comment la santé mentale peut évidemment... modifier la situation sociale des personnes. Et donc je voulais commencer en vous donnant peut-être quelques éléments un petit peu généraux sur la manière dont l'épidémiologie aborde ces questions d'isolement social et de santé, de santé mentale en particulier. et dire peut-être en écho à ce qui vient d'être dit en introduction, qu'on distingue différents aspects des liens de sociabilité qui peuvent avoir des effets sur la santé. Tout d'abord, tout ce qui concerne les relations avec des membres de son réseau de sociabilité. Ça peut être des liens physiques, mais aussi des liens virtuels. Généralement, on considère qu'on a tous, chacun et chacune, des liens avec des personnes. qu'on peut croiser dans notre environnement familial, dans notre environnement professionnel, nos amis, mais aussi en dehors, dans le cadre d'associations ou de groupes de loisirs. Et ces liens de sociabilité sont extrêmement importants pour plein de raisons différentes, parce qu'ils nous permettent de nous situer par rapport à un réseau relationnel. Comme ça a été dit, nous sommes tous et toutes des animaux sociaux, voire des animaux politiques, si on s'en réfère à Aristote. La place qu'on tient au sein d'un réseau et d'un collectif est absolument importante pour nous permettre de bénéficier de reconnaissance, d'être en lien avec les normes. Ce sera aussi la thématique de la table ronde qui suivra, pour avoir un sentiment d'appartenance. Tous ces éléments sont évidemment très importants pour le bien-être et notre manière de nous situer par rapport aux autres. Les réseaux relationnels ont aussi un rôle très important pour nous permettre d'avoir accès à différentes formes de soutien social, que ce soit du soutien émotionnel ou du soutien matériel. Je vous dis des choses très évidentes, mais c'est pour vous expliquer juste un tout petit peu comment on conceptualise ces différentes notions dans le domaine de l'épidémiologie. Et ces différents aspects du réseau relationnel et du soutien sont à distinguer du sentiment de solitude, qui est beaucoup plus subjectif et qui peut, d'une part, déjà refléter un état de santé mentale dégradé, parce que quand on se sent seul, quand on se sent anxieux, déprimé, on peut se sentir très seul et ne pas être compris, même si on est entouré par d'autres personnes, et qu'objectivement, on a des interactions et des liens, des contacts avec d'autres personnes. Mais c'est aussi pour dire que... à la fois les déterminants de l'isolement et de la solitude, mais aussi les manières dont on peut réfléchir à comment rompre ces phénomènes, sont un petit peu différents et ne se réfèrent pas exactement aux mêmes choses. Donc, comme ça a été dit, on estime qu'environ 10% de la population française est isolée. Ça veut dire qu'elle n'a pas de lien régulier avec des personnes dans leur entourage, qu'ils soient amicales, professionnelles, familiales. Près d'un tiers des personnes ont en réalité un réseau relationnel dégradé, c'est-à-dire qu'en fait, évidemment, on peut n'avoir des liens qu'avec des personnes de sa famille, mais plus on a un réseau relationnel riche et composite, plus il y a une forme d'intégration sociale qui peut être bénéfique en termes de santé. Et à côté de ça, à peu près 20% des personnes se sentent seules, dont 83% ou un petit peu plus disent être en souffrance. du fait de cette solitude. Donc, vraiment, entre l'isolement et la solitude, il s'agit de deux choses un tout petit peu différentes. Et les politiques publiques sont probablement plus à même d'essayer de lutter contre l'isolement que contre le sentiment de solitude, même si on peut espérer que plus on lutte contre l'isolement et moins les gens se sentiront seuls, in fine. Alors, comme je vous l'ai dit tout au départ, moi, ce qui m'intéresse particulièrement, ce sont les liens entre différents aspects de la situation sociale des personnes et leur santé mentale. Et on sait que la situation socio-économique en particulier est un des déterminants principaux des problématiques de santé mentale tout au long de la vie. La précarité signifie, comme vous le savez sans doute, ce qu'on obtient par la prière. C'est une situation évidemment à la fois de pauvreté monétaire, financière, mais aussi de difficultés en termes de stabilité professionnelle, en termes de stabilité résidentielle, parfois en termes de stabilité relationnelle aussi justement avec des personnes... dans son entourage. Donc la précarité est très liée à différentes formes d'isolement. Ça se comprend évidemment, c'est-à-dire que si on est au chômage, par exemple, ou qu'on a une trajectoire professionnelle instable, ça peut avoir des effets néfastes sur les relations qu'on entretient avec des personnes de son travail. Si on a des difficultés financières, on est plus en difficulté pour entretenir une vie sociale. Je vous dis des choses assez évidentes, mais voilà. On ne choisit pas forcément, enfin très rarement, d'être isolé, même si peut-être que d'autres personnes auront un regard un petit peu différent sur cette question. Mais du point de vue de l'épidémiologiste, l'isolement qu'on espère pouvoir mesurer d'une manière assez objective, en interrogeant les personnes sur le nombre de contacts qu'elles ont sur une période donnée avec des personnes au sein de leur famille, de leur réseau relationnel et de leur cercle professionnel, et en partie liées à différentes formes de précarité. Il a été question des interactions virtuelles qui évidemment prennent une place très importante dans notre vie. Elles ne sont pas complètement négatives, ce n'est pas problématique en soi d'avoir des relations virtuelles via les réseaux sociaux, via différentes formes d'outils digitaux. Par contre, ces interactions digitales ne remplacent en rien des contacts qu'on peut avoir. On le voit, ne serait-ce qu'en étant ici, évidemment, tous autour de cette table. Et merci à tous ceux et celles qui sont dans la salle. On n'exprime pas les choses de la même manière. La communication, ce n'est pas uniquement le contenu verbal de ce qu'on échange. C'est aussi, évidemment, tout ce qui se dégage physiquement, tout le langage corporel et non-verbal. Et donc, évidemment, entretenir des liens virtuels ne remplace en rien le fait d'avoir des liens directs. des contacts physiques avec les personnes. C'est un sujet actuellement en particulier chez les adolescents, dont on voit qu'une partie a vraiment complètement basculé leur sociabilité sur les réseaux sociaux. Et les adolescents et les jeunes gens sont la population au sein de laquelle le niveau de solitude et l'isolement relationnel a le plus augmenté au cours de ces dernières années. Alors, juste un mot sur les liens qu'on connaît entre le fait d'être isolé, l'absence de soutien social. et le sentiment de solitude et la santé. Donc, Maud Nizan l'a dit en introduction, il y a des liens très forts avec la santé mentale. Un certain nombre d'études ont montré qu'être isolé correspond, alors c'est un tout petit peu abstrait, mais ça correspond en termes de santé à l'impact du tabagisme régulier tout au long de la vie. C'est-à-dire que le lien entre le fait d'être isolé sur le plan relationnel et le risque de maladies cardiovasculaires de dégradation du système immunitaire, de mortalité in fine. Le nombre d'années de vie perdues est à peu près équivalent au nombre d'années de vie perdues qu'on estime en lien avec le fait de fumer un paquet de cigarettes par jour au cours de sa vie. Donc c'est un effet très fort. Il y a quelques débats sur le fait de comparer l'isolement relationnel au tabagisme. A la fois, c'est une analogie assez puissante, c'est-à-dire qu'on voit à quel point la sociabilité est importante. au sein de notre vie et à quel point il faut essayer de favoriser la sociabilité mais aussi prévenir l'isolement. Disons que ce n'est peut-être pas aussi simple de prévenir le tabagisme non plus comme on le voit en France mais néanmoins, prévenir l'isolement et favoriser la sociabilité, c'est peut-être encore plus compliqué donc c'est une analogie qui a quelques limites. Néanmoins, il me semble qu'elle est assez parlante et qu'elle dit à quel point le tabagisme Le fait d'être en lien avec les autres est un élément essentiel de notre santé, puisque l'OMS définit la santé comme non seulement l'absence de maladie, mais aussi le fait de participer pleinement et activement à la vie et à la communauté. Le fait d'avoir des liens forts avec d'autres personnes en fait intégralement partie. Alors, comment créer du lien ? Évidemment, c'est une question très complexe et qui dépasse la plupart du temps. Il y a des choses qui peuvent être faites dans le cadre du système de santé quand même, et peut-être qu'on en parlera notamment dans le cadre des... C'est-à-dire tout ce qui peut être fait pour des personnes qui souffrent par exemple de pathologies psychiatriques, qui sont isolées et pour lesquelles on peut faire plein de choses évidemment pour essayer de favoriser leur insertion et leur intégration sociale. Donc il sera peut-être question de différents types de groupes d'entraide mutuelle par exemple, de la participation des personnes à des activités qui sont... d'activités qui dépassent le cadre spécifique du soin, mais qui permettent la participation sociale des personnes. Il est maintenant de plus en plus question de prescriptions sociales. Je ne sais pas si vous avez prévu d'en parler, mais c'est sans doute une nouvelle tendance où on va demander aux médecins de prescrire non seulement des médicaments et peut-être des psychothérapies, mais aussi différentes formes d'activités sociales qui peuvent permettre aux gens d'améliorer leur santé. Mais évidemment, les déterminants de l'isolement social dépassent largement le système de santé, comme beaucoup de déterminants de la situation sociale en réalité. Et donc là, il y a tout un plaidoyer en épidémiologie sociale sur ce sujet pour essayer d'amener aussi les décideurs à réfléchir, donc non seulement à ce qui peut être fait pour améliorer la vie des personnes qui ont déjà des problèmes de santé et se sentent isolées, mais aussi... Faire en sorte que les politiques de logement par exemple, de transports publics, d'aménagement du territoire, notamment l'accès à des structures pouvant être accessibles à tous et à toutes, des squares, des parcs, des bibliothèques, voilà c'est des choses sur lesquelles nous on a travaillé au sein de l'équipe, notamment l'accessibilité des espaces verts, permettent de créer des lieux en réalité, alors il ne suffit pas de créer des lieux, il faut aussi qu'il y ait des activités, que les gens puissent y accéder, et que beaucoup de choses soient faites pour que tout le monde se sente partie prenante de ces espaces. Mais néanmoins, il y a des choses qui peuvent être faites en termes d'aménagement pour favoriser la sociabilité et rompre l'isolement. Et puis, d'autres types de politiques auxquelles on ne pense pas forcément, tout ce qui concerne l'amélioration et le renforcement des compétences psychosociales à l'école, ce qui est une politique nationale maintenant, qui se met en œuvre d'une manière... Ça se met en œuvre. Favorisera peut-être aussi à long terme plus de liens. C'est-à-dire que c'est des programmes qui visent à aider les élèves à apprendre à exprimer leurs émotions, gérer les conflits, créer des liens. C'est aussi des choses qui peuvent être tout à fait favorables pour rompre l'isolement à long terme. Je vais m'arrêter là, mais c'est un sujet très riche et très complexe. J'espère qu'on aura l'occasion d'en débattre.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup. Monsieur David Le Breton, nous avons la chance qu'en tant que professeur de sociologie, vous nous éclairiez très régulièrement au Forum sur les comportements humains. Les interactions sociales, bien sûr, en font partie. Vous avez écrit récemment sur la conversation et on vous écoute pour cette question. de la relation entre l'isolement et de la maladie mentale.

  • Speaker #2

    Merci Maud, merci Aurélien. D'abord, je pense qu'il faut distinguer absolument solitude et isolement. Je vois la solitude comme une expérience choisie, revendiquée, une intériorité pleine. C'est une valeur qui n'implique aucune souffrance. Et d'ailleurs, je vous rappelle les pages de Winnicott sur la capacité d'être seul. pose cette capacité d'être seul comme un principe fondamental de la sociabilité. En revanche, l'isolement, pour moi, c'est ce que Hannah Arendt appelle la désolation. Un cet être avec les autres, mais sans les autres. C'est donc une expérience de l'exil au sein de la communauté, une indifférence. Les autres sont là, mais ils ne prêtent aucune attention à vous. Donc là, il y a en effet une souffrance. La société numérique n'est pas du tout dans la même dimension que la sociabilité concrète, avec des hommes et des femmes en présence mutuelle, qui se parlent et s'écoutent, attentifs les uns aux autres. Et d'ailleurs dans un visage à visage, comme je l'ai rappelé mille fois ces derniers temps. Un face-à-face c'est d'abord un visage à visage, et c'est fondamental puisque le visage c'est le lieu essentiel de l'éthique, évidemment, de la reconnaissance de l'autre. On voit bien que dans la sociabilité numérique, il n'y a plus de visage précisément. Donc cette sociabilité à distance morcelle le lien social, détruit les anciennes solidarités au profit de celles abstraites des réseaux sociaux, avec des correspondants physiquement absents et la plupart du temps anonymes. Paradoxalement, certains voient cette sociabilité numérique comme une source de reliance, alors que jamais l'isolement des individus... n'a connu une telle ampleur. Jamais le mal de vivre des adolescents et des personnes âgées n'a atteint un tel niveau. La fréquentation assidue des multiples réseaux sociaux ne crée ni intimité, ni lien dans la vie concrète. Elle occupe le temps, elle ne donne pas une raison de vivre. De nombreuses corrélations montrent que l'irruption du portable connecté à l'Internet à haut niveau en 2009, pour moi il y a une rupture anthropologique, Incroyable à cette époque-là, l'irruption du portable a rapidement engendré chez les adolescents dans les années qui ont suivi une très forte hausse des souffrances à une échelle planétaire. Les chiffres des pays européens ou d'Amérique du Nord attestent par exemple que les situations d'anxiété, de dépression ont doublé. à partir de 2012 pour les adolescents. De même d'ailleurs le taux de suicide ou les tentatives de suicide, particulièrement pour les filles, plus vulnérables sans doute sur les réseaux sociaux au regard de la tyrannie de l'apparence qui les caractérise. Et également il y a un doublement des attaques au corps, des scarifications depuis 2012. Et donc pas seulement aux Etats-Unis, mais ça touche tous les pays européens. A la même période, Nombre de parents, d'ailleurs, ont vu disparaître leurs enfants derrière leurs écrans. Chacun, aujourd'hui, est en permanence derrière son écran, même en marchant en ville. L'expérience individuelle de la conversation ou de l'amitié se raréfie. L'isolement se multiplie en donnant le sentiment paradoxal de la surabondance. Les 100 amis ou les 1 000 amis des réseaux sociaux ne valent absolument pas un ou deux amis du quotidien. susceptibles de poser la main sur votre épaule en situation de souffrance. Des études pointent également la hausse du sentiment d'isolement chez les jeunes qui connaissent en effet une diminution drastique du nombre d'amis dans le quotidien. On n'a jamais autant communiqué, beaucoup entre 5 et 10 heures par jour, souvent plus de 200 notifications par jour, mais en revanche on n'a jamais aussi peu parlé ensemble. Le smartphone est l'instrument royal de l'hyper-individualisation du lien social de nos sociétés contemporaines, mais aussi de la multiplication de l'isolement. Il conforte l'individu dans le sentiment qu'il fait un monde à lui tout seul et que les autres sont à sa disposition, convocables, congédiables, à tout moment. Le smartphone donne les moyens de ne plus tenir compte des autres. Il contribue à l'ignétement social et paradoxalement dont il se propose comme un remède à l'isolement. Cet isolement touche l'environnement social dans son ensemble. Constamment sollicité par leur smartphone, les piétons ne voient plus rien à leur entour, n'entendent plus rien. Autrefois aussi, dans les administrations, les écoles, les entreprises, lors des pauses ou des repas, tous se retrouvaient pour resserrer les liens, discuter du travail, échanger des nouvelles, accueillir les nouveaux. Désormais, le smartphone s'interpose en permanence entre soi et les autres comme une muraille invisible derrière laquelle se retirer à tout instant. En pleine discussion, certains le prennent en main, répondent à un appel ou envoient un texto en même temps qu'ils semblent continuer vaguement à écouter ou parfois même laissent carrément en plan leur interlocuteur. Le smartphone est un instrument d'évasion, une facilité à se détacher à tout moment des autres. Les interlocuteurs, en chair et en os, devant soi, diminuent ou deviennent quelque peu problématiques, car avec eux, la touche pause n'existe pas. Ils ont leur propre manière de se comporter, qui n'est pas toujours en miroir de soi. D'autres termes, la connectivité n'a peu de choses à voir avec la sociabilité. Une attention fragmentée préside aux rencontres, le zapping est désormais au cœur du lien social et abîme nombre de conversations. mais aussi la relation avec les enfants notamment. Je terminerai mon propos par deux anecdotes, puisqu'on est souvent confronté dans les bus ou dans les trains ou ailleurs, on voit des enfants qui pleurent et on voit des parents qui continuent paisiblement à téléphoner dans une indifférence royale à leurs responsabilités de parents. Deux anecdotes, l'une d'entre elles je l'emprunte à Serge Tisseron. qui, dans un de ses livres, raconte la consultation avec un enfant qui a toujours sa main à l'oreille. On suspecte des troubles auditifs, l'enfant a une audition absolument normale, et on comprendra peu à peu que cet enfant voit son père, un couple séparé, il voit son père le week-end, et le père passe tout un tas de coups de téléphone sans se préoccuper vraiment de son gamin. Donc l'enfant s'identifiant à son père... met la main à son oreille dans une sorte de mimétisme, et peut-être aussi une manière de conjurer l'absence de présence de son père. Et une autre anecdote qu'on m'a racontée il y a quelques temps, d'une petite fille qui doit avoir dans les 5 ans, qui raconte des choses à son père. Son père, il est en train de pianoter sur son écran, et la petite fille au bout d'un moment dit Papa, tu m'écoutes ? Le type continue à pianoter et dit Mais oui, je t'écoute, je t'écoute. La petite fille essaie de parler. Au bout d'un moment, elle en a marre et elle dit à son père Papa, je veux que tu m'écoutes avec les yeux Une phrase, je trouve ça absolument magnifique et tragique en même temps. Voilà, je termine sur l'enfance. Peut-être pour dire que le dernier mot, de pur ustensile, le smartphone est devenu un fétiche. contemporain, je souligne le mot, je ne l'emploie pas de manière arbitraire. Depuis Rustensil, il est devenu un fétiche contemporain, une fin en soi, un condensé du monde. Et Jonathan Haidt, dans un livre qui vient de paraître, qui est très intéressant, qui s'appelle Génération anxieuse, Jonathan Haidt le nomme d'ailleurs un inhibiteur d'expérience, un qui touche en profondeur le goût de vie, qui touche en profondeur... le goût de vivre ensemble. Voilà, merci.

  • Speaker #1

    Merci. Nous allons écouter Pantelemon Giannakopoulos, qui est donc professeur de psychiatrie et qui dirige la prison-hôpital pour détenus dangereux curabilis avec la question des conséquences sur la santé mentale pour les personnes incarcérées ou hospitalisées de l'isolement. sur leur santé.

  • Speaker #3

    Oui, merci encore une fois de l'invitation. Je commencerai mon propos de là où ça a été laissé par les prédécesseurs, c'est-à-dire la question de l'isolement et de la solitude. Peut-être pour nuancer certains éléments en ce qui concerne en tout cas des personnes qui présentent des pathologies psychiatriques. On ne veut pas nécessairement laisser un piège très fréquent en psychiatrie. de conclure sur des causalités à travers ce qu'on observe. Il faut être tout à fait attentif sur ce qu'on pourrait appeler le phénomène de l'œuf et de la poule. Exemple, on voit aujourd'hui très fréquemment ce qui a été décrit abondamment avant l'utilisation des smartphones dans notre société. Les jeunes qui peuvent l'utiliser aussi abondamment et se priver du lien social. Mais on doit s'interroger pour avoir vu un nombre assez important. parmi ces jeunes, ou à l'œuf ou à la poule, c'est-à-dire à quel moment c'est plutôt le vide intérieur, la difficulté d'avoir une intériorité, la difficulté de se construire un monde de perspective qui leur donne la nécessité de trouver un étayage à travers la virtualité du lien. Et donc ceci est assez important pour la pathologie psychiatrique. Quand on parle, par exemple, de la différence tout à fait... Justement évoqué entre isolement et solitude, il y a une catégorie de personnes, parmi les personnes qui présentent typiquement des pathologies du caractère, des troubles de la personnalité, qui recherchent le fait d'être seul pour se protéger, par crainte de l'envahissement de la présence de l'autre. Ceci n'est pas une source de souffrance pour ces personnes, mais c'est une nécessité pour trouver un équilibre psychique. Donc là, on a une situation très différente parce que l'isolement n'est pas, je dirais, une exclusion, n'est pas un exil, comme ça a été décrit, mais c'est une recherche, n'est pas non plus une recherche d'intériorité, la possibilité de, finalement, de créer un monde en perspective, comme on peut le retrouver parfois chez les personnes âgées, mais c'est beaucoup plus une condition sine qua non de l'existence psychique. Donc il y a une troisième catégorie de personnes qui peuvent ne pas avoir... accès à la noblesse du sentiment de solitude, mais ne pas pour autant être dans le sens de l'isolement en tant qu'exil, tout simplement parce que leur personnalité...

  • Speaker #0

    leur impose certaines limitations. Et donc, quand on voit ces phénomènes en psychiatrie, je viendrai maintenant sur la question d'isolement à proprement dit en psychiatrie, quand on voit ces phénomènes, quand on examine les liens en psychiatrie, il faut être extraordinairement rigoureux et très attentif pour ne pas considérer que les corrélations nous offrent des causalités. Alors, la psychiatrie, dans son histoire, a deux sœurs jumelles. C'est la pauvreté et c'est la transgression. Et ça, c'était... Elles ont fait un chemin ensemble pendant des longues décennies, pendant des siècles. Et donc, quand on se réfère au monde avant la Révolution française, avant le monde de l'asile, finalement, les patients psychiatriques, ce qu'on appelle aujourd'hui des patients psychiatriques, se retrouvaient confinés, parce que ça, c'est un élément important, confinés avec... les personnes condamnées de droit pénal et aussi les pauvres dans ce lieu mythique qui était la prison, les institutions d'incarcération avant pratiquement le XVIIIe siècle. Donc, des situations de misère où quelle était la volonté sociétale ? C'était essentiellement de contrôler, de surveiller. Donc, en psychiatrie, quand on parle d'isolement, il faut tenir compte qu'il y a... Le pendant, c'est la recherche de la surveillance. Et alors on va voir plus loin, ça a été repris beaucoup plus tard par Michel Foucault, pourquoi on surveille ? Est-ce qu'on surveille pour permettre de guérir ? Est-ce qu'on surveille pour aider ? Ou est-ce qu'on surveille pour punir ? Alors, cette situation qui prévalait en Europe occidentale, jusqu'à pratiquement la création des premiers asiles, en Angleterre et aussi en France, a radicalement évolué depuis. Dans un premier temps, le mode de l'asile, c'était aussi un mode de protection. Donc l'idée, c'est d'avoir les patients psychiatriques. Ce que confusement a été appelé la maladie mentale à l'époque, avec des contours qui étaient quand même plus ou moins flous jusqu'au début du XXe siècle, l'idée, c'était de pouvoir les confiner pour deux raisons. Et on va les retrouver beaucoup plus tard dans les hôpitaux modernes. Les deux raisons, c'est de les protéger à l'époque de leur pauvreté, leur permettre de subsister tout simplement, et d'autre part de protéger la société. Donc l'isolement, le confinement, puisque finalement le lien social entre les personnes qui se retrouvaient même dans les asiles était souvent extraordinairement faible, le confinement servait cette double cause. une cause de société, une cause sociétale, de protection, mais une cause plus noble, qui était celle de permettre à des personnes vulnérables de survivre, de ne pas tout simplement disparaître, une fois que la charité chrétienne a commencé à diminuer en Europe occidentale, parallèlement à l'industrialisation. Alors, progressivement, dans ce mode de l'asile, on a commencé à introduire... Ce qui était les thérapies de l'époque, c'est important de voir un peu l'histoire pour voir comment on est arrivé là où on est arrivé. Les thérapies de l'époque étaient quand même basées sur l'isolement très fréquemment. La plupart des thérapies qui étaient appliquées avant la venue de la pharmacothérapie en psychiatrie étaient essentiellement basées à l'isolement de la personne et à l'application de certaines méthodes qui aujourd'hui nous paraissent des méthodes barbares, le choc insulinique. ou l'utilisation des enveloppements glacés, des choses comme ça, mais qui à l'époque c'était le seul moyen thérapeutique face à des situations de souffrance humaine. Il y a eu un courant psychiatrique très important qui a été globalement qualifié de courant d'hygiéniste, c'est-à-dire la volonté de créer des grands asiles en dehors de la ville pour sortir les personnes de leur milieu. de les mettre à la campagne finalement, en grande partie. Ce qui était la campagne par la suite, c'est devenu la ville bien évidemment. Mais dans la plupart des grandes villes en Europe occidentale, vous allez retrouver la même configuration jusqu'à aujourd'hui. Simplement la ville a rattrapé ces asiles, c'est-à-dire ces hôpitaux qui étaient construits en dehors de la ville de l'époque, avec l'idée d'extraire les personnes de leur milieu pour deux raisons. pour protéger le milieu, mais parfois aussi parce que le milieu était considéré comme toxique. Et donc permettre aux personnes de prendre une respiration, se retrouver ailleurs. Le se retrouver il faut le mettre avec beaucoup de guillemets, parce que parfois au lieu de se retrouver, on devrait peut-être... dans certaines situations, dans plusieurs situations, utiliser le terme se perdre. Et donc, ça c'était des dynamiques de l'asile qui a continué, parallèlement à un autre champ qui était le champ de l'incarcération. L'incarcération, progressivement la maladie mentale s'est séparée du monde de la prison et la prison a développé sa dynamique propre. La naissance de la prison, comme Foucault la décrivait dans Le surveiller et punir, La naissance du panopticum, la possibilité donc d'avoir des personnes dans un espace confiné, sans lien social, mais avec la possibilité de les observer, de les surveiller et de punir quand il faut le comportement déviant, était une pierre angulaire du développement du système carcéral européen, pratiquement à partir du XVIIIe siècle. Et ça a évolué comme ça jusqu'à nos jours, dans une grande partie de l'Europe. Cette optique-là est très différente de celle de ce qui s'est passé dans les asiles sur un point, l'ambition de soigner. Alors, chemin faisant, comme on avait d'ailleurs décrit hier, ces deux mondes, en fonction de l'actualité du moment, et ça on le vit au XXIe siècle, peuvent se rejoindre dans des structures qui doivent en même temps surveiller. En même temps, soigner, mais en même temps punir. Ce qui sont les différents hôpitaux forensiques qui ont été supprimés pendant des périodes de l'histoire pour renaître et connaître aujourd'hui leurs jours de gloire pour des raisons qu'on avait analysées hier. Dans ce système, que ce soit dans le système des soins hospitaliers en dehors de la prison ou dans la prison, la question de comment soigner... En isolant la personne, on pose une question fondamentale. C'est-à-dire, à quel moment on isole la personne ? On ne parle pas là de solitude comme choix. À quel moment on l'isole ? Et quelle perspective on se donne pour après ? C'est-à-dire, dans la reconstruction du lien social. C'est un punctum dolens de la psychiatrie depuis de nombreuses décennies. La reconstruction du lien social après une hospitalisation. Quelles sont les méthodes qui sont utilisées ? On va un pas plus loin, on n'est plus dans le monde de l'asile, on est dans le monde d'une psychiatrie moderne qui a aujourd'hui des méthodes de traitement qui sont quand même très différentes de ce qu'il y a eu au XIXe siècle. Quelles sont nos possibilités pratiquement de soigner à travers l'isolement et à quel moment on les choisit ? Donc typiquement c'est ce qu'on appelle les mesures limitatives de liberté. La contrainte, qui veut dire ? Qu'est-ce que ça veut dire pratiquement ? dans un hôpital psychiatrique, dans une institution psychiatrique, c'est qu'à un certain moment, vous êtes amené à isoler une personne dont le comportement devient extraordinairement dangereux ou provocateur par rapport aux autres, dans certains cas des pathologies, pour protéger les autres, pour la protéger, mais ça ne suffit pas de l'isoler à travers des méthodes finalement de confinement. Dans des chambres, c'est ce qu'on appelle les chambres fermées qui existent aujourd'hui et qui d'ailleurs sont plutôt en augmentation. Mais il ne suffit pas de les isoler. Isoler n'a aucun sens en soi. Ce n'est pas un acte de soin seul. Il faudrait l'accompagner à travers la présence. Donc il y a des protocoles qui ont été mis en place et qui sont quand même tout à fait fondamentaux. C'est les protocoles d'accompagnement des personnes qui ont l'isole. On n'a pas la possibilité de les exposer parce que, par leur pathologie, ils peuvent devenir dangereux. Mais on ne peut pas considérer que le confinement dans une chambre est thérapeutique. Et je dois dire, une des expériences que je fais, et qui est une expérience d'ailleurs très enrichissante, nous apprend aussi la modestie dans ce métier, qui peut pécher par arrogance assez fréquemment. C'était une décision, et on doit remercier les juges, une décision, c'était... Je venais d'arriver des États-Unis et j'avais la responsabilité de la psychiatrie dans le canton de Genève à l'époque. Une décision du tribunal qui nous a condamnés, à juste titre, parce que l'utilisation d'une chambre fermée pour un cas d'une personne où les critères étaient tout à fait remplis par rapport à la pathologie, n'était pas associée à des soins. étaient associés parce que l'encadrement était très flou. On ne savait pas combien de fois les infirmiers vont passer voir la personne, quel type d'accompagnement va lui être offert, comment ces droits peuvent être respectés, les droits élémentaires, pendant ce temps-là. Ils ont condamné en disant, vous savez, ça c'est l'utilisation, je me rappelle du terme qui était tout à fait correct, c'est l'utilisation d'un outil thérapeutique. comme selon une approche paracarcéral. Et ça, c'est la chose qu'il faut totalement éviter dans l'acte de soins en psychiatrie, mais qui nécessite une observation et, je dirais, une lutte de tous les jours. Parce que derrière, et c'est ce qu'on dit assez... on décrit assez rarement, ça ne nous fait pas plaisir parce qu'évidemment, ce n'est pas très sexy de le décrire, il y a la difficulté des soignants dans tous les jours que vous avez. Des personnes qui par leur pathologie peuvent devenir source d'agitation dans une unité, source d'inquiétude par rapport à un passage à l'acte sur les autres. Donc il y a là l'utilisation de l'isolement pour surveiller et soigner, et pas pour surveiller et punir. Et c'est là une ligne de démarcation très importante. Arrive alors, et ça c'est la dernière partie de mon propos en ce moment, arrive alors une autre phase, qui est la phase de reconstruction du lien. C'est-à-dire, à chaque fois, quand on a une hospitalisation en psychiatrie, dans n'importe quel des pays que j'ai vécu, l'hospitalisation est un moment de rupture. Des ruptures de méostase, mais essentiellement aussi une rupture de méostase sur le plan social, familial et social. Donc une fois que la personne... s'améliore, retrouve son autonomie, retrouve son détermination. Il y a les séquelles, il y a les blessures qui restent sur le plan du lien social. Comment reconstruire ceci ? Ça, ça nécessite aussi une attention très particulière. Il ne suffit pas de dire, et c'est une tendance assez fréquente malheureusement, surtout dans les pays qui n'ont pas les moyens de faire autrement en psychiatrie, les symptômes ont disparu, vous sortez. vous retrouvez votre monde. Parce que le monde souvent n'est pas le même. Le monde est marqué par cette hospitalisation. Donc le travail avec ce qu'on appelle le réseau, le travail avec les proches, le travail avec les associations qui entourent les personnes qui souffrent de pathologies psychiatriques est totalement essentiel pour pouvoir quelque part entrevoir le lendemain de l'isolement. le lendemain du confinement. Alors, il y a aussi, il faut bien dire, et c'est pourquoi je termine mon propos ainsi, la question de la causalité en psychiatrie est assez délicate, parce qu'on observe des choses qui nous interpellent. On a la tendance, pour les plus âgés parmi nous, de se comporter un tout petit peu, de se référer au monde d'hier de Stefan Zweig. C'est-à-dire que... A l'époque, c'était mieux. Le lien était différent. On avait beaucoup plus de difficultés à entrer en diapason avec les autres, au lieu de se cacher derrière les écrans. On le dit souvent. Et on a parfois cette impression, et en avançant en l'âge, je le dis encore plus facilement, on a l'impression qu'on devient les gardiens du monde qui n'existe plus. Cependant, il y a aussi des éléments qu'on n'arrive pas tellement bien à saisir. Dans ce monde-là, qu'on considère par moments crépusculaires, par absence ou par faiblesse du lien social, l'incidence de certaines maladies psychiatriques diminue. Un peu partout en Europe, l'incidence du passage à l'acte suicidaire diminue. On peut avoir un tas de théories explicatives. Les théories explicatives peuvent varier, quand on parle des adolescents, des personnes plus âgées. Mais il faut voir qu'on a affaire avec un monde complexe et quand on parle d'une notion si importante comme c'est le lien social et l'isolement et son rapport avec la maladie mentale, je pense qu'il y a une précaution d'usage très importante. C'est d'observer les données qu'on a, de se centrer sur les cas individuels le plus possible en garantissant... le lien social même après des périodes d'isolement et à éviter des conclusions qui peuvent être ou des conclusions très positives ou très négatives en fonction d'une observation qui, à mes yeux pour le moment, reste très partielle et difficile à saisir dans un monde qui peut-être n'est pas crépusculaire mais devenu beaucoup plus confus que par rapport aux certitudes qu'on avait il y a 30 ans en arrière. Merci.

  • Speaker #1

    Madame Lorpin, vous dirigez le projet Parcours et vous nous venez de l'ARS Grand Est. J'en profite pour souligner que l'ARS est un soutien du Forum. Nous remercions donc l'ARS d'être avec nous et nous vous écoutons.

  • Speaker #2

    Oui, alors je voudrais juste intervenir dans cette table ronde pour dire un petit peu quelles sont les difficultés actuellement dans cette politique publique. Je vous ai entendues et je vous rejoins. Je ne referai pas l'histoire. des politiques publiques, mais je rebondirai sur l'histoire de la psychiatrie. Jusqu'à présent, je dirais qu'il y a quand même quelque chose qui a été marquant pour nous, c'est le Covid, cette crise d'enfermement, de confinement, qui a révélé pas mal de choses en termes de politique publique, je pense, et en termes de difficultés à morder la santé des gens. Le lien social, la psychiatrie, les maladies mentales, pour nous, c'était simple. Donc nous écoutions les psychiatres, les sociologues, et donc l'hospitalisation psychiatrique devait s'accompagner d'une réintégration du lien social dans des programmes de réhabilitation psychosociale. Une parenthèse, en France, réhabilitation psychosociale, c'est un peu réhabilitation après avoir été condamné pour maladie mentale. Lorsqu'on parle de santé physique, on ne parle jamais de réhabilitation après un... problème de santé physique. On parle de rééducation, de réadaptation. On ne parle jamais de cet aspect réhabilitation. Donc déjà, nous avons des centres de réhabilitation psychosociale dès qu'il s'agit de maladie mentale. Quand la maladie, elle est physique, on parle de centre de réadaptation ou de rééducation. Les mots sont importants dès qu'on parle de politique publique. La réhabilitation, il faut vous réhabiliter dans une société Vous avez une maladie mentale et on sait bien tous les efforts qui ont été faits pour diminuer la stigmatisation, pour considérer que c'est une maladie comme une autre. Et lors du discours d'ouverture, Aurélien a bien insisté sur le fait que maladie physique, maladie mentale, ce n'est pas toujours considéré de la même façon. Alors, dans le même temps, un sujet apparaît. Nous nous retrouvons... confrontés à de plus en plus de situations de précarité. Précarité économique, précarité sociale, l'isolement. L'isolement c'est quoi ? L'isolement c'est quand vous perdez les objets sociaux, votre travail, vos liens familiaux, vos liens conjugaux, quelque chose qui évolue dans la société. On voit de plus en plus apparaître des personnes qui sont dans un sentiment d'exclusion. Ce n'est pas une solitude voulue, c'est un sentiment d'exclusion. On se sent exclu parce qu'on n'est plus tout à fait avec les projections d'objets sociaux qu'on devrait avoir. On s'exclut aussi du monde de la santé. On se sent exclu par le monde de la santé, c'est ce qui nous revient des personnes. Voilà, je me sens exclu, donc je ne vais pas prendre soin de ma santé. De plus en plus, c'est cet isolement social qui se met en place, c'est l'accès aux soins. pour les gens en situation de précarité socio-économique. Et donc, cet isolement social, on voit de plus en plus qu'il crée aussi une souffrance psychique. Et si les situations de la personne en termes de précarité s'aggravent, des personnes qu'on retrouve dans des foyers d'hébergement, parce qu'ils ont perdu le logement, parce qu'ils n'ont plus de soutien familial, plus de réseau. Et donc, ce phénomène qui était... apparu depuis à peu près 5-10 ans, le voit s'amplifier. Et de la même façon que mon collègue indiquait que la psychiatrie s'est séparée de la prison, eh bien ça fait très très longtemps que le social s'est séparé de la santé. Et la crise Covid a été le moyen de se rendre compte qu'en fait, on ne peut pas dissocier le social de la santé. Pourquoi je vous dis ça ? Parce que tout le monde s'est retrouvé en situation d'isolement social forcé, de confinement. Mais vous aviez tous les gens qui étaient en situation de grande précarité, qui eux, on ne voyait pas trop, n'étaient pas dans des foyers d'hébergement, mais qui se sont retrouvés dans l'obligation de revenir dans la société. Pourquoi ? Parce qu'il n'y avait plus personne pour leur permettre d'accéder sur le mode prière. à la charité publique, plus personne dans les rues pour donner une pièce, plus personne pour manger. Et donc, ça a été le moyen pour eux de dire, pas d'autre choix, je suis obligé de revenir dans un monde social, dans une société. Et nous avons fait l'expérience, on n'est pas les seuls à Strasbourg, dans pas mal d'endroits en France, en termes de politique publique, en disant, mais que fait-on de ces gens ? Je ne vais pas les mettre en prison. En psychiatrie, on me dit que c'est un problème social. Ils sont désinsérés socialement, ils ont des souffrances psychiques, ils ont des troubles cognitifs. Troubles cognitifs, c'est un cerveau, comme disait une de ces personnes que j'ai rencontrées, oui, 15 ans dans la rue, ça m'a abîmé le cerveau. Donc un cerveau abîmé, des difficultés dans tout ce qui est relations sociales, et ils se sont retrouvés dans un foyer. Dans ce foyer, de façon étonnante, les acteurs de la santé, les acteurs de la psychiatrie, les acteurs sociaux et les acteurs publics se sont dit ah oui, quand même problème En fait, on les a mis dans des structures sociales, des hôtels qu'on a réquisitionnés, et en fait, ils ne sortaient pas de leur chambre. Ils n'avaient aucune envie de pouvoir participer à des repos sociaux. Ils restaient isolés complètement dans leur chambre, comme ils auraient été isolés dans la rue. Et donc, s'est posé la question de Ah oui, mais on a fait venir les psychiatres Ils ont dit Ben oui, parce que ce n'est pas vraiment un problème de maladie mentale, c'est un problème de personnes qui, pour des raisons X, de la poule ou de l'œuf, se retrouvent dans cette situation. Et eux, ils se protègent en s'enfermant dans leur chambre. Donc, cette idée de dire Alors, on va faire des projections. On va construire des foyers, mais ça ne va pas correspondre aux besoins des gens. Et dans le même temps, nous avions des travailleurs sociaux, vous savez, ceux qui s'occupent des gens en situation de grande précarité, qui nous disaient pour nous, c'est une grande souffrance. Nous, notre santé mentale, elle ne va pas très bien, parce qu'on ne sait pas comment faire avec ces personnes. Et donc, le constat, qu'on ne peut pas différencier le lien social de la santé. Et puis l'OMS, on en parlait, mais l'OMS en novembre 2023, et bien saviez-vous qu'une commission a été créée sur le lien social ? Et donc l'Organisation Mondiale de la Santé crée une commission sur le lien social considérant que la perte du lien social ou la désintégration du lien social est le plus gros risque et la plus grande menace pour la santé mondiale. Donc cette commission mise en place... Elle est restée très discrète, peu de gens en ont parlé, mais elle aboutira à considérer que nous sommes à la croisée des chemins et de considérer que le lien social, c'est un facteur de risque plus important que le tabagisme, que de la nutrition. Et donc l'OMS, quelque part, nous donne un peu ce sentiment de dire, tout le monde vous parle de votre capital santé, il faut préserver son capital santé. Il faut bien se nourrir, il faut faire du sport, etc. Et on aboutit à ce qui venait de la psychiatrie, de préserver ou de restaurer un capital social. Et donc, avec les dernières déclarations de l'Organisation mondiale de la santé, c'est de dire qu'il va falloir aussi préserver son capital social, et pas seulement bien s'alimenter. Mais comment peut-on, avec des politiques publiques actuelles, considérer que le lien social, le capital social, les agences, la politique de santé, doit s'en saisir ? Alors, on commence à s'en saisir. Donc, je n'aborderai pas la médiation. Comment on peut aller vers les gens qui sont loin d'un capital social et les aider à restaurer ce capital social ? Mais c'est aussi toute une action qui se met en place. C'est-à-dire que, vous entendrez, les politiques de santé, elles vont aller vers. Ok, on va aller vers les pauvres, vers les exclus, vers... Mais pour faire quoi ? Pour les ramener... vers un lien social. Ce n'est pas aussi simple que ça. Il faut déjà que la société soit prête à les accepter avec leurs difficultés. Donc, on parle de la déstigmatisation de la maladie mentale, mais peut-être aussi la stigmatisation de toutes ces personnes qui se sentent exclues, qui pensent que le monde social est inaccessible, et qui vont développer progressivement... Alors, je ne suis pas psychiatre, et de la poule et de l'œuf, je ne sais pas. mais une souffrance psychique. Donc on a reconsidéré au niveau sociétal, et on commence à le faire, en se disant qu'on peut avoir des groupes d'entraide mutuelle, mais pour ça il faut déjà accepter d'être en société. Il faut aller vers les gens, mais sans être dans la démarche de charité chrétienne. Et donc on est, en termes de politique publique, avec des petites prémices comme ça, de se dire, il faut changer un peu le paradigme. Alors... Pour vous donner un exemple, Après la crise Covid, on s'est rendu compte qu'à la fois les travailleurs sociaux dans les foyers d'hébergement, des hébergements où on prend des gens qui n'ont plus de logement, pour les réinsérer, pour les stabiliser, eh bien, il y avait quand même une souffrance de part et de l'autre. Et le Ségur de la santé mentale, donc c'est un dispositif national, s'est dit Ah, ce serait bien d'avoir des postes de psychologue pour le secteur social Il n'y en avait pas. Et donc on a vu apparaître la possibilité d'avoir des psychologues pour le secteur social. Alors ça veut dire quoi ? Que ces gens peuvent avoir accès à un soutien de type psychologue. C'est poser la question, est-ce que ces psychologues, on les rattache au service de psychiatrie ? Est-ce que c'est vraiment de la psychiatrie ? Ou est-ce que c'est vraiment un soutien pour le secteur social ? Alors c'est là que c'est intéressant, selon les dispositifs en France, les expériences des uns et des autres. On a vu que deux tiers étaient rattachés des équipes de psychiatrie et un tiers étaient rattachés des équipes sociales. Et nous, on a fait le choix de rattacher les équipes sociales en entendant les gens, parce qu'on avait un peu cette démarche. Et en fait, on se rend compte, après deux ans d'existence, que ces psychologues dans les foyers d'hébergement, elles nous rapportent le fait qu'elles ne font pas vraiment de la thérapie, elles recréent du lien social. Déjà entre les travailleurs sociaux et les personnes qui sont hébergées, qui peuvent avoir des maladies mentales, qui peuvent avoir des souffrances psychiques, elles recréent déjà du lien social entre le cercle social proche de ces personnes et ces personnes, et qu'elles accompagnent l'appréhension de ces personnes à recréer du lien social. Et donc c'est un travail, comme elles disent, passionnant, mais c'est un nouveau travail. d'être psychologues du lien social pour ces personnes. Elles ne sont pas psychologues à s'accaparer des problématiques de santé mentale ou de soutien d'individus, elles se définissent elles-mêmes, nous sommes les psychologues du lien social, nous traitons le lien social, nous accompagnons le lien social. Donc un changement de paradigme qui doit nous faire réfléchir à ce que je voulais vous transmettre, c'est le capital santé c'est bien, le capital social c'est bien, Bien, beaucoup l'ont perdu et peut-être qu'il faut le préserver. En ne regardant pas toujours son smartphone, je rejoins M. Breton, en discutant, mais en discutant aussi avec les gens qui sont dans la prière, dans la rue, et qui ont besoin de cette reconnaissance sociale. Et donc de déstigmatiser, de déstigmatiser la différence. C'est tout le problème des compétences psychosociales dont parlait Madame, mais je n'en parlerai pas, je crois qu'on... Voilà, où on essaie d'apprendre aux enfants, ou de réapprendre aux enfants, à discuter. à débattre, à ne pas être d'accord, et non plus à être uniquement un être isolé, mais à redevenir un être social. Alors, je suis aussi un peu vieille, je me dis que c'est un peu dommage quand même qu'on soit obligé de remettre en place des programmes de compétences psychosociales, alors que je n'ai pas le sentiment que dans mon enfance, on jouait dans la cour, on se battait, on débattait, on n'était pas d'accord, on se querellait. Mais bon, c'est la société qui est ainsi. et nous on accompagne tous ces changements sociétaux et en essayant de ne pas être trop en retard dans le terme des politiques publiques. Voilà, j'ai fini.

  • Speaker #1

    Merci.

  • Speaker #0

    Madame Yannick Liber, j'ai découvert hier avec beaucoup d'intérêt votre profession. Vous êtes médiatrice de santé père au pôle de santé mentale de Lille. Nous vous écoutons peut-être pour nous décrire un petit peu ce que vous faites pour les patients.

  • Speaker #1

    Alors, mon métier en fait s'appuie sur la pérédance. La pérédance en fait, c'est quelque chose qui... Moi j'ai souffert d'un trouble psychique et donc je comprends vraiment ce que... que les personnes ressentent quand elles ont un problème de santé mentale. On ressent la même chose. Donc le médiateur de santé père est un professionnel dans le système de soins. Il y a des études qui lui sont associées. Il y a une licence à la Sorbonne à Paris et il y en a une plus récente ouverte à Bordeaux en 2022. On se base sur la valeur du rétablissement. Le rétablissement n'est pas une guérison. pas un retour à l'état de santé antérieur à la maladie. C'est une transformation de la personne et avec sa maladie. Je vais tout d'abord vous présenter un peu mon parcours brièvement personnel, donc en tant que personne concernée, et je mettrai en lien ensuite avec mon métier. Donc, lorsque moi, j'ai souffert d'un trouble psychique, déjà, je ne savais pas ce qui m'arrivait. Je ne comprenais pas, mon cerveau s'éteignait petit à petit. Donc, j'ai perdu confiance en moi, je n'avais plus d'estime de moi. Je me suis donc repliée. Et ce repli, je l'ai fait de trois façons. Je me suis isolée intérieurement, je me sentais seule. Je me suis isolée physiquement, je suis restée un bon nombre de mois, voire d'années, dans une seule pièce, dans le noir, dans ma chambre sans bouger. Et ensuite, bien sûr, j'ai souffert également de l'isolement social. Je ne savais plus interagir avec les gens de la société, même les membres de ma famille. C'était venu vraiment très intense. J'ai perdu l'autonomie. Je ne faisais pas valoir mes droits, perte d'appétit, problème d'addiction, etc. Le médiateur de santé-père, lui, après avoir fait les études en licence qui nous apportent des connaissances théoriques telles que les cours de psychopathologie, l'histoire du rétablissement, le droit de la santé, l'économie de la santé, la sociologie de la santé, etc., il nous donne des connaissances pratiques, donc des outils de travail. On travaille également notre posture professionnelle, à savoir la juste proximité avec les personnes concernées. Il nous apporte également la réflexivité sur nos pratiques. Et cette licence vient professionnaliser et légitimer ce métier. Le médiateur de santé-père, dans le système de soins, au cœur du système de soins, si je peux même dire, il apporte l'esprit. Mais il apporte l'espoir à qui ? Il apporte l'espoir à l'usager d'une possibilité de rétablissement parce que je suis en rétablissement, j'ai une vie épanouissante qui me convient très bien. Et il vient aussi apporter cet espoir auprès des professionnels de santé. C'est-à-dire qu'à un moment donné, les professionnels de santé ont tendance à perdre espoir, à baisser les bras. Et là, nous, on est là. pour remettre de l'espoir. Ensuite, il vient déstigmatiser. Alors déstigmatiser, au niveau de l'usager, c'est surtout, on agit surtout sur l'autostigmatisation. Parce que quand on a un problème psychique, on s'autostigmatise forcément. On se met dans une boîte, dans sa tête. C'est un mécanisme de repli, de sécurité. On n'ose plus. Mais il vient aussi déstigmatiser le système de soins. et déconstruire les représentations qu'a le système de soins. Ensuite, quand on rencontre une personne concernée, ce qui se passe, c'est qu'on a une identification réciproque. On est pareil. Tu souffres d'un problème, d'un trouble psychique, d'un problème de santé mentale. Je l'ai connu, je sais ce que tu ressens. Et en fait, cette identification réciproque, peu importe le trouble psychique, la personne concernée que j'accompagne n'est pas forcément du même trouble que moi, mais on ressent tous la même chose. ce même tronc commun, et ça crée en fait entre la personne et le système de santé une alliance thérapeutique et le médiateur de santé-père devient alors un lien entre le système de santé et la personne concernée. Le médiateur de santé-père accompagne dans le parcours de rétablissement de la personne, dans la compréhension du trouble. On fait des partages de stratégies qui ont fonctionné ou pas pour moi, parce que même si ça n'a pas fonctionné pour moi, ce n'est pas parce que ça ne pourra pas fonctionner pour une autre personne. On s'appuie donc sur notre savoir expérientiel. Et ce qui est important, c'est ce croisement des savoirs expérientiels au sein même du système de soins avec le savoir scientifique. Ça apporte une plus-value. Le médiateur de santé paire, pour la personne concernée, va également encourager le pouvoir agir, c'est-à-dire reprendre sa vie en main, ouvrir de nouvelles perspectives. En ce qui me concerne, moi, je ne savais pas ce que je voulais faire. Au départ, je travaillais en conseillère relations clients dans un grand organisme de sécurité sociale. Et ce n'était plus en adéquation avec mes valeurs. Donc j'ai provoqué mon licenciement, j'ai réfléchi à une reconversion. Et ce que je voulais faire, c'était aider les personnes qui sont en grande souffrance, comme moi j'ai pu l'être pendant des années. Et ça, on va encourager le fait de reprendre une activité. Donc ça peut être une activité sportive, on va les accompagner. On fait les soins dans la cité, dans la ville et non pas à l'hôpital. C'est-à-dire que moi, un entretien, j'ai accroché une dame une fois. Au premier rendez-vous, je vais à domicile parce que dans mon secteur, c'est 80% d'ambulatoires, psychiatres y compris. Ils se déplacent à domicile. Cette dame, elle me dit, vous ne pouvez rien pour moi. De toute façon, j'ai été comme ça toute ma vie. Et donc, je me mets à nuit. je me dévoile et là elle me dit ah oui vous avez vécu tout ça donc moi c'est rien du tout et elle dit mais j'ai pas tellement envie d'un autre entretien j'ai dit bah écoutez c'est dommage, moi j'étais rentrée chez elle j'avais observé son logement et il y avait une bibliothèque avec des livres sur l'Egypte ancienne la Grèce antique, des choses comme ça je dis parce que moi je vous aurais bien proposé le deuxième rendez-vous au musée de la piscine de Roubaix et là des étincelles dans ses yeux et c'est comme ça... qu'elle a accrochée aux soins, cette dame. Et en fait, nous, on a carte blanche, je fais les entretiens où je veux, dans un parc, dans un musée, dans un café, dans une galerie marchande. C'est l'usager au centre du système de soins. On écoute ses besoins, ses attentes, on respecte sa temporalité, c'est-à-dire que la personne n'est peut-être pas prête à faire des choses maintenant, mais on sème des petites graines pour... pour que ça vienne ensuite vers une reconversion professionnelle, vers des activités de bénévolat, et les remettre dans les laits. Et on s'appuie beaucoup sur les ressources territoriales, et on travaille en lien avec ces ressources. Les associations, les gemmements, comme se disait tout à l'heure, les conseils locaux de santé mentale, c'est vraiment remettre l'usager au centre des pratiques. Et notre rôle également, c'est d'informer les droits, faire valoir les droits. Parce que la personne, quand elle se stigmatise et qu'elle s'isole complètement, elle renonce à ses droits. Et moi, je me suis isolée physiquement, dans une chambre, mentalement. Et au niveau de l'isolement social, j'étais complètement coupée des relations. Et c'est vraiment... Le point important, c'est que chaque trouble, tous les troubles, ressentent cet isolement profond. C'est vraiment très profond. Et nous, l'important, c'est qu'on vient rompre cela. Ensuite, on favorise l'insertion dans la cité. Et en fait, c'est un bon tremplin, parce qu'on sait que les hospitalisations, ça crée des traumatismes, voire même... de gros traumatismes parfois, privation des libertés, contention, etc. Ce qu'on ne pratique pas dans mon secteur. Et ces traumatismes, comme on soigne à domicile, même on fait de l'hospitalisation à domicile, c'est-à-dire qu'on va voir les personnes tous les jours, une fois c'est l'infirmier, une fois c'est le psychiatre, le psychologue, etc. La personne ne vit pas les traumatismes d'hospitalisation. Le but, c'est de vraiment rester au cœur de la société, pour les isoler le moins possible, justement, et refaire partie, au fil du temps, dans la vie de la ville, être actif dans la ville, comme je le disais, par le biais d'associations, d'activités de bénévolat, de reprendre une carrière professionnelle. Moi, actuellement, j'ai une personne que j'accompagne depuis... deux ans environ, là, elle a repris ses études Bac plus 2, assistante de direction. C'est un très beau parcours. Et au départ, elle n'avait plus aucun espoir. Elle était même prête à renoncer aux soins. Donc, le médiateur est là, justement, pour créer du lien et accentuer sur le fait qu'on reste dans la ville, pour rompre cet isolement. Je vous remercie.

  • Speaker #0

    Avant de donner la parole à la salle, je passe le micro à Aurélien Benoît-Lide qui voulait intervenir.

  • Speaker #2

    Juste un tout petit mot, je mets ma casquette de neurologue pour aller dans le sens de mes collègues psychiatres, pour parler de l'isolement et du lien social. L'isolement sur le plan matériel, ça peut même... faire perdre la fonction. Le fait de ne pas parler, le fait de ne pas voir, le fait de ne pas communiquer. Il y a un impact directement sur la matérialité qui se passe au niveau du cerveau. Épaissir aussi cette idée qu'on se fait du lien social et notamment à travers une discipline qu'on appelle la cognition sociale qui montre bien qu'il existe une différence très importante entre côtoyer du réel et côtoyer du virtuel. Quand on est face à quelqu'un. eh bien, on doit interpréter tout un tas de signaux qui sont des signaux parfois très faibles, parfois très forts. Il faut pouvoir se préparer à une réaction de la personne en face. On ne peut pas, effectivement, comme disait M. Le Breton, on ne peut pas appuyer sur off. Et si la personne qui est en face est blessée, elle est capable de réagir verbalement, physiquement. Et donc, il y a une activité cognitive qui est totalement différente lorsqu'on est dans une situation de lien social réel et dans une situation de lien social virtuel. Pour terminer... Il y a un terme que j'aime bien et qui vient d'une étude américaine qu'on appelle la résilience cognitive. C'est quelque chose que nous, en consultation, on voit très régulièrement, notamment pour les personnes âgées ou pour les personnes qui souffrent d'une maladie d'Alzheimer. On sait bien que malheureusement, la thérapeutique médicamenteuse est quand même très pauvre encore, même s'il y a quelques évolutions. Et on sait qu'un des principaux moyens, les patients nous demandent, comment est-ce qu'on peut faire pour limiter le risque, pour prévenir, pour ralentir la maladie ? On le sait aujourd'hui que plutôt que de faire une grille de sudoku, plutôt que de regarder les informations, plutôt que de lire un livre, plutôt que de faire des mots croisés, il n'y a rien de mieux que la communication. Parce que la communication avec une personne réelle fait intervenir absolument toutes les modalités cognitives sans forcément qu'on y prenne garde. C'était juste pour apporter ma petite contribution sur le plan neurologique à l'importance de la communication et au risque de l'isolement.

  • Speaker #3

    Bonjour, moi je voulais intervenir juste parce que je voulais qu'on parle aussi des personnes en retrait social. On en a un petit peu parlé des personnes qui sont enfermées dans leur chambre, justement qui n'ont pas du tout d'interaction même sur les réseaux sociaux et qui ne relèvent pas de la psychiatrie parce qu'elles n'ont pas de pathologie, mais qui sont en grande difficulté, en grande souffrance et qui peuvent rester des années enfermées. Et en fait c'est un phénomène qui est en train de se développer de plus en plus en France. Il y a très peu de réponses au niveau du suivi. Au niveau national, il y a une association à Strasbourg qui suit ces personnes, c'est ITAC avec l'antenne des Tours, et une en Ile-de-France, mais sinon on n'a quasiment pas de réponse pour accompagner ces jeunes qui ne sont pas en demande spécifiquement eux, mais c'est les parents ou l'entourage qui essaie de trouver des solutions. C'est un problème qui est quand même assez fort et assez... qui est en train vraiment de s'amplifier et je trouve que c'est important d'en parler aussi parce qu'il faudrait à un moment donné qu'on puisse prendre en charge. Ils ne posent pas de problème parce qu'ils sont enfermés, ils ne posent pas de problème parce qu'ils ne mettent pas leur vie en danger, parce qu'ils ne mettent pas la vie des autres en danger. Mais voilà, tout relève de la responsabilité des parents de les accompagner, mais c'est vraiment très très juste et il faut vraiment qu'à un moment donné il y ait des choses qui se mettent en place pour accompagner tous ces jeunes.

  • Speaker #0

    C'est le phénomène qui est appelé ikikomori qui nous vient du Japon et qui, bien sûr, a traversé les frontières. Qui veut répondre sur cette question ? David Le Breton.

  • Speaker #4

    Oui, je peux en dire quelques mots puisque j'avais beaucoup travaillé là-dessus dans mon livre sur la disparition de soi. Ce sont des formes de disparition de soi, des sortes de grèves de la vie ordinaire, des garçons ou des filles ou des hommes ou des femmes qui se mettent en retrait. qui se détachent, qui n'éprouvent plus le sentiment que le lien social est une valeur. Alors évidemment en amont il y a souvent des histoires de vie assez fracturées, il y a aussi parfois un encouragement social, et comme c'est le cas au Japon, évidemment avec le phénomène des ikikomori qui touche quand même plusieurs centaines de milliers de jeunes japonais. Je n'ai jamais très bien compris les chiffres d'ailleurs, parce que j'ai lu parfois 500 000 enfants, ce qui me paraît trop. On lit plus couramment 200 000, 300 000, en tous les cas il y a un phénomène social considérable dans les pays asiatiques, mais aussi parce que l'internet, parce que là on a du coup affaire à des jeunes qui sont permanents sur les réseaux sociaux, mais par contre qui sont dans la décorporation du monde, dans le détachement des autres, mais c'est difficile. Moi je n'ai pas de réponse évidemment, j'observe simplement en tant que sociologue que la vie sociale n'est pas forcément une valeur, d'ailleurs il faut le dire. Je crois qu'il y a encore quelques siècles, on pourrait dire, ces garçons ou ces filles auraient sans doute eu une vocation de spiritualité pour aller dans les monastères, les abbayes, etc. C'était encore une époque où on pouvait accueillir des hommes ou des femmes un peu en dissidence, un peu en rupture, qui ne se reconnaissaient pas vraiment dans le lien social. Aujourd'hui, on est plutôt dans un contexte, en effet, d'isolement, pas forcément de souffrance d'ailleurs, mais en tous les cas d'isolement, de refus du monde extérieur. Voilà.

  • Speaker #0

    Madame Maria Melchior, vous voulez...

  • Speaker #5

    Oui, alors, effectivement, c'est un phénomène qui est assez peu étudié en France. On connaît très bien au Japon, en effet. Ceci étant dit, en France, on commence à s'intéresser de plus en plus à certaines formes de retrait, comme ça, relationnel, chez les jeunes gens, notamment la phobie scolaire anxieuse. C'est-à-dire... Alors, il y a des jeunes qui décrochent de l'école pour plein de raisons différentes. Vous savez qu'il y a à peu près 100 000 jeunes par an qui... La scolarité sans un diplôme, c'est lié à divers types de situations, mais il y a aussi ce phénomène de phobie scolaire qui visiblement augmente. Alors peut-être qu'il augmente aussi parce qu'on le mesure mieux aujourd'hui et notamment depuis le Covid que précédemment. C'est sûr, je rejoins ce qui vient d'être dit, il y a une partie, et ce que vous disiez aussi, qu'il y a une partie des personnes pour lesquelles... La vie sociale n'a pas de sens en soi, n'a pas de valeur en soi et qui donc se met en retrait. Le problème c'est qu'évidemment pour les jeunes gens notamment, ça provoque un certain nombre de difficultés et ça a un coût, puisque c'est difficile de renouer ensuite avec une forme de scolarité plus tard. Il y a quand même, dans ce que montrent les études, dans la plupart des cas de ces jeunes qui s'isolent entièrement, Quelque chose comme de l'ordre d'une pathologie psychiatrique, je ne sais pas si vous serez d'accord avec moi, une pathologie psychiatrique anxieuse ou d'autres formes, des choses qui peuvent être liées à des maltraitances, etc., qui expliquent une forme de retraite.

  • Speaker #0

    Monsieur Giannakopoulos.

  • Speaker #6

    Je dirais que là, votre question touche quand même un sujet de préoccupation majeure aujourd'hui, c'est-à-dire la multiplication des personnes qui se réplient, des personnes jeunes, qui finalement c'est une tranche d'âge qui se situe entre pratiquement les 14 et 19 ans, c'est une tranche d'âge, qui peuvent désinvestir leurs études ou alors les suivre à minima et puis le reste du temps être devant les écrans et être chez eux. Alors, comme ça a été dit tout à fait justement, on ne peut pas dire qu'on n'est pas dans le champ de la psychiatrie, même si on n'est pas dans le champ de la souffrance psychique exprimée. Alors, il y a trois grands groupes là-dedans et puis ça dépend comment évidemment on essaye de les aborder parce que c'est des situations où les jeunes sont assez réfractaires à voir qui que ce soit. Et vu qu'ils ne font pas de bruit, Et les parents sont désarmés parce que vous n'avez pas la situation de quelqu'un qui cache à la maison, qui commence à devenir provocateur ou qui prend les substances, ce qu'on connaissait aux années 80, ce n'est pas du tout ça. Donc il y a un pôle, ça a été aussi souligné, c'est ce qu'on appelle le pôle anxieux, c'est-à-dire des personnes qui n'ont pas seulement le problème du lien avec les écrans, mais aussi une approche très anxieuse de l'existence, c'est-à-dire l'autre autant qu'une menace. et donc la volonté de contrôler à travers le monde virtuel. Il y a une autre catégorie, qui est une catégorie, et on les prend en charge, on essaye d'entrer en matière par rapport à ça, qui ont développé une vraie addiction à sa substance, c'est-à-dire où leur vie tourne autour de la possibilité de faire un minima à l'école si possible pour entrer vite et se remettre dans le virtuel. Et il y a une troisième catégorie qui sont des personnes qui sont quand même beaucoup plus perturbées, ce qu'on appelle les prémices des décompensations psychotiques. Ce sont des gens finalement qui ont une altération à bas bruit du rapport avec la réalité, qui ne devient pas bruyant dans le sens d'un passage à l'acte, de la violence, de la provocation ou de l'auto-agressivité. mais qui s'éteignent peu à peu et à un moment si quelqu'un les approche et les expose dans la société vous voyez des tableaux qui flambent complètement donc c'est inquiétant parce que ça prend des proportions ça prend des proportions et on n'arrive pas facilement à le saisir ce qu'on a essayé de faire et c'est l'expérience qui a été faite de dire parce que toute l'Europe est touchée du sud au nord aujourd'hui les pays scandinaves et aussi c'est une approche qui a été qui commence à être implantée aujourd'hui en Allemagne aussi, en Suisse, c'est de dire qu'on commence à avoir des consultations spécialisées et finalement des lignes où les parents peuvent appeler et on essaye à travers les conseils aux parents de faire venir les jeunes à des consultations en lien essentiellement avec le problème d'addiction aux écrans. C'est une porte d'entrée qui est plus facile à aborder. Ça a été décrit avant aussi. Vous savez, les personnes anxieuses ont beaucoup de peine à être confrontées à un milieu qui est anxiogène. Ça commence par la phobie scolaire quand on est très petit, mais ça peut arriver à se replier parce que l'extérieur ne peut nous amener que des ennuis. Et donc, confronter les personnes juste à leur anxiété, souvent, ça abat un repli encore plus important. Donc la manière de faire, une manière de faire, ce serait de se centrer sur... ce qu'on appelle, le grand groupe aujourd'hui, ce qu'on appelle les addictions sans substance, qui prennent une proportion, et là alors, du coup, on a une proportion inquiétante chez les jeunes, chez les adolescents, et même chez les jeunes adultes jusqu'à 22 à 25 ans.

  • Speaker #0

    Oui, David Le Breton, juste avant la question suivante.

  • Speaker #4

    Je voulais dire qu'on est davantage dans une rupture sociale que dans des questions psychiatriques, de mon point de vue, c'est un phénomène sociologique absolument considérable aujourd'hui, que ce retrait du monde. Je voudrais dire aussi que pour moi, d'un point de vue anthropologique, il s'agit d'un sas, il s'agit de se mettre un peu en retrait. Dans les recherches que j'ai pu mener, il y a toujours un retour, mais un retour qui peut prendre deux ans, trois ans, quatre ans, on le voit très bien d'ailleurs au Japon, c'est une période provisoire, qui exige évidemment que pendant ce temps ces jeunes soient protégés. Je ne vois pas forcément une connotation psychiatrique ou médicale dans ces questions-là. qui renvoient davantage au fait que ces jeunes ne se reconnaissent pas dans le monde qui les entoure. Et chez les ikikomori japonais, ce sont souvent d'ailleurs des phénomènes de harcèlement, de violence à l'école et autres. Donc il y a aussi de bonnes raisons souvent de se mettre à l'écart.

  • Speaker #0

    Merci. La question suivante s'il vous plaît.

  • Speaker #7

    Oui bonjour, j'aimerais faire un tout petit témoignage et poser une question. J'ai un frère schizophrène depuis bientôt 30 ans, donc ça a évolué je sais depuis 30 ans, mais il y a 30 ans, quand on le mettait en isolement, dans une chambre où il n'y a rien, comme vous le savez, moi je le vivais très mal en tant que sœur et la famille, parce qu'on ne nous expliquait pas à cette époque pourquoi c'était bien pour lui peut-être. Mon frère a réussi à nous rassurer en nous disant que quand il était en phase maniaque, qu'il faisait des bêtises, on va dire, que c'était bien, que ça le reposait, que ça lui faisait du bien, mais que c'était trop long, qu'on le laissait trop longtemps enfermé. Je vous la joue courte parce que... Il a refait des bêtises en France, il était soigné en France. Il est parti en Allemagne parce qu'il était amoureux d'une Allemande. Il s'est isolé de lui-même, comme vous disiez, en pleine nature, pour se couper du monde, pour ne plus avoir affaire à l'hôpital français, qui fait comme il peut, mais qui ne fait pas très bien, de la police, etc. Il est devenu parano, il s'est prostré. Pour moi, ça a été le pire moment de sa vie pendant plus de deux ans. Il a refait une bêtise. La police allemande n'est pas drôle, elle est moins drôle qu'en France, parce qu'en France on lui trouve toutes les excuses. En Allemagne on l'a mis en prison. La famille, notamment moi, j'ai dit surtout qu'il fallait qu'on le laisse en prison parce qu'il voulait aller en prison depuis 30 ans et qu'il fallait que ce soit lui qui dise qu'il était malade. Comme c'est un grand malade et qu'il est très très intelligent comme tous les grands malades, il est resté en prison. Ils se sont rendus compte qu'il était malade, ils l'ont mis en hôpital psychiatrique. Et ma question, c'est qu'en Allemagne, ils m'ont l'air beaucoup plus intelligent qu'en France, et je ne comprends pas pourquoi les Français qui se disent intelligents ne prennent pas ce qu'il y a de bien en Allemagne. C'est-à-dire qu'en Allemagne, on met mon frère en isolement pas longtemps, quelques heures. Il a le droit de téléphoner à sa famille, même quand il est en isolement, s'il a envie. On nous donne des nouvelles. Il sort au bout d'une journée, deux journées. Il a des niveaux. Il est super content. En ce moment, il est niveau 5. Il aura le droit à son portable quand il sera niveau 7. Quand il fait une connerie, il redescend. Mais il comprend. Il a 51 ans aujourd'hui. Pas aujourd'hui, mais 51 ans. Pourquoi on ne prend pas ce qu'il y a de bon chez les Allemands ? C'est ça, ma question.

  • Speaker #0

    Alors, pour compléter votre question, madame, je préciserai juste qu'en France, il y a un contrôle par le juge de la mise à l'isolement et également de la contention. Donc, en France, quand il y a 12 heures de mise à l'isolement, il y a un contrôle du juge qui est prévu. Et quand il y a 6 heures de contention, ce sont des périodes cumulées, il y a un contrôle du juge qui est prévu également pour la garantie de la liberté de l'individu. Alors, bien sûr, il y a beaucoup de dérogations. Et est-ce que je... peut dire également, c'est qu'il y a, et peut-être que Mme Liber va nous informer là-dessus, et puis M. Giannakopoulos également, une grande disparité en France même des pratiques en fonction des services et bien sûr en fonction des moyens, parce que l'isolement, c'est une mesure peut-être thérapeutique, mais c'est peut-être aussi une mesure qui est liée parfois, malheureusement, au manque de moyens. Mme Liber ?

  • Speaker #1

    Oui, alors moi je vais revenir. sur la situation de votre frère. En fait, dans le secteur où je travaille, on ne pratique pas l'isolement. On fait plutôt de l'apaisement par la communication non violente. Tout le personnel est formé, en fait, pour ça. Il y a des secteurs en France où, effectivement, on respecte les droits des personnes. Ils peuvent conserver leur téléphone, effectivement. la personne elle rentre aujourd'hui, demain elle demande une permission de sortir, si on lui accorde la permission. Sachez que ça existe en France, mais je suis tout à fait d'accord avec vous, c'est que c'est vraiment trop peu nombreux, c'est pas assez étendu.

  • Speaker #0

    Je pense, si je ne me trompe pas, quand vous avez fait référence au niveau 5 et 7, je vois un peu de ce que vous parlez. C'est une situation très différente par rapport à la France, puisque ici vous parlez exactement de l'interface entre la prison et les soins psychiatriques. C'est-à-dire les personnes qui sont en Allemagne, qui peuvent être, on l'avait dit hier, qui peuvent être en prison et qui ont une pathologie psychiatrique, suivent par la suite. peuvent être accueillies dans des structures qui sont assez équivalentes à ce qui existe en Suisse. C'est-à-dire que la structure que moi je dirige, c'est-à-dire des hôpitaux forensiques où il y a des approches structurées liées à la diminution du risque. C'est ce que vous avez décrit. C'est-à-dire qu'il y a des paliers qui permettent à l'individu progressivement de prendre plus de liberté. Cependant, et ça c'est un élément important, ces structures-là, dans la plupart des landais en Allemagne, sont des structures... à l'intérieur du monde carcéral, c'est-à-dire cette structure coordonnée avec la sécurité. Ce n'est pas du tout la même situation qu'un hôpital psychiatrique classique. C'est-à-dire nous on le voit très bien en Suisse, il y a les hôpitaux psychiatriques classiques, et évidemment il y a une population qui peut être quelque part à cheval et mettre en échec les deux systèmes, c'est-à-dire des personnes qui ont une pathologie psychiatrique si importante, que si vous les mettez en prison classique. Il y a de la souffrance et une impossibilité de soins. Et si vous le mettez à l'hôpital psychiatrique, très rapidement il y a des actes de provocation, des actes transgressifs qui font que les soignants ne savent pas très bien quoi faire. Et c'est des situations qui peuvent mettre à mal les deux mondes. En Allemagne, c'est l'optique des mesures en réalité, des mesures thérapeutiques selon le code pénal. En Allemagne, en Suisse, et comme je disais hier, c'est valable aussi en Hollande et en Scandinavie. Il y a la possibilité de créer des structures mixtes qui sont quand même très coûteuses, mais qui en même temps garantissent ce type de travail pour les personnes qui ont des profils très particuliers. Parce que sinon, évidemment, l'hôpital psychiatrique classique a ses limites. Ce que vous avez décrit par rapport aux juges et la possibilité de libérer des placements à des fins d'assistance, ça peut bien sûr être fait, mais souvent ce type de situation, c'est des situations qu'il faut suivre en très long cours. Et ce n'est pas juste une hospitalisation après la personne sort, va dans un secteur et continue sa vie. C'est des situations qu'il faut suivre de manière très attentive parce que l'exposition personnelle, mais aussi l'exposition en termes de passage à l'acte dans la société est très grande.

  • Speaker #1

    Merci. On va prendre la question suivante.

  • Speaker #2

    Bonjour. Merci d'abord pour toutes ces interventions qui sont extrêmement diverses. Pour me situer, je suis mère d'un garçon de 24 ans qui a une schizophrénie. Par ailleurs, je suis journaliste et je viens d'achever une série de podcasts qui s'appelle Gueule cachée, au cours de laquelle j'ai rencontré et interviewé des personnes qui ont des troubles psychiques extrêmement diverses pour entendre de l'intérieur ce que peut vivre chacun. Et je dirais que le fil rouge dans ces rencontres, c'est effectivement l'isolement. Je vous remercie d'avoir pointé la question de l'isolement choisi, subi, en tout cas désiré. Ma question porte sur ce qu'est ce qu'on fait de cet isolement, et notamment en sortie d'hospitalisation. Beaucoup de choses ont été faites, qui nous ont été très bien décrites. L'ARS a développé beaucoup de projets. Qu'est ce qui est fait pour que les familles puissent sortir de cette espèce de défiance qu'on traîne depuis des années ? dans le secteur de la dictologie en particulier, mais la dictologie n'est jamais très loin de la psychiatrie, et dans le secteur, merci d'opiner du chef, dans cette espèce de cloisonnement qui fait qu'un jeune qui sort d'hospitalisation va se voir proposer plusieurs choses, plusieurs intervenants, effectivement parfois à domicile, de façon très clairsemée. Sans que du côté de la famille, la famille n'est pas associée en fait, elle ne sait pas comment accompagner. J'ai été heureuse d'entendre ce mot-là aussi tout à l'heure. Comment est-ce qu'on accompagne le désir d'isolement qui est tout à fait légitime parce que c'est un besoin dans certains cas pathologiques. Comment est-ce qu'on accompagne ce désir d'isolement ? Un, en associant la famille et deux, en donnant plus de clarté sur les différents intervenants. que ce soit en addicto, que ce soit en sociabilisation, en réhabilitation. Dernière question, comment on associe aussi le désir de la personne elle-même ? au sens où voilà moi j'ai un fils de 24 ans qui en a proposé une séance de ping pong une fois toutes les semaines c'est un garçon qui effectivement plus au sportif mais qui aimerait faire de la création musicale qui en fait déjà et quand on lui a demandé pourquoi il voulait faire ça est ce qu'il aurait la patience d'attendre que en fait il faut d'abord qu'il montre qui va être assidu à ses cours de ping pong pendant je sais pas combien de temps et à ce moment là peut-être qu'on lui proposera un atelier de création sonore ou Voilà, enfin pardon, c'est peut-être un peu confus. Ma question c'est comment est-ce qu'on donne plus de clarté, de visibilité et comment on entend les demandes et les désirs du patient lui-même ? Merci.

  • Speaker #1

    Madame Pain.

  • Speaker #3

    Je vous rejoindrai sur la difficulté actuelle. C'est-à-dire, on va prendre votre dernier item, l'autodétermination. Vous avez un handicap psychique ou un handicap physique, tout le monde prône l'autodétermination à choisir sa vie. Vous avez une maladie mentale. ou un problème d'addiction, là vous n'êtes plus tout à fait dans l'autodétermination. C'est-à-dire que vous aurez droit effectivement à la création musicale si vous faites d'abord du ping-pong. Donc il y a peut-être un croisement qui est en train de se faire, puisqu'en fait si on veut bien, et c'est un petit peu ce qu'on voit poindre comme politique publique, quelle différence y a-t-il entre un handicap psychique un handicap neurologique, un handicap physique et un handicap à être peut-être dans la société du fait d'une maladie mentale qui vous rend isolé. C'est la même chose. Donc l'autodétermination, c'est quelque chose qu'on demande maintenant aux gens qui font des programmes de réhabilitation post-addiction, post-maladie mentale. On doit laisser le choix aux gens, mais c'est valable dans plein de domaines. J'interviens régulièrement pour rappeler... Lorsque je suis saisie que si la personne ne veut pas tel type de soins, c'est aussi son droit. Enfin, on est quand même libre dans notre société. Parce qu'on a le même problème que les personnes en situation d'obésité massive. C'est malade mental, obèse, massif, c'est les mêmes choses. Moi, je m'occupe des deux sujets. Pour moi, il y a beaucoup de liens. Et effectivement, il faut qu'on puisse accompagner. Après, pour les familles, les accompagnants. Nous essayons, et là on est en train de rediscuter avec l'UNAFAM, de donner plus de poids aux associations. C'est-à-dire que vous avez des associations qui s'occupent, comme l'UNAFAM, d'accompagner les personnes aidant-familiaux de personnes en situation de maladie mentale. Elles ont beaucoup moins de poids qu'une association de diabétiques. Les associations françaises de diabétiques, elles vont pouvoir influer sur les politiques publiques. Les associations qui s'occupent de maladies rénales, elles vont influer, elles vont dire mais nous on veut ça, on veut ça Et comme la maladie mentale est encore un peu stigmatisée, l'addiction est encore stigmatisée, ces associations à la fois de patients, d'anciens patients, mais de patients et de familles de patients, elles sont peut-être pas au... aussi bien entendu qu'il le faudrait. Et ça, je vous rejoins tout à fait. Donc, nous, on essaie de faire le parallèle. C'est pour ça, moi, je dis, je m'occupe des parcours de soins. Mais je ne fais pas de distinguo entre l'Association française de diabétiques, l'Association de l'UNAFAM. Pour moi, c'est un problème de santé. Je citerai Canguilhem, que j'apprécie beaucoup. La maladie, c'est quoi ? C'est un parcours de vie. Avant d'être malade, on est malade, et puis on continue post-malade, puis après on est nouveau-nouveau malade, enfin, c'est notre vie. Et donc, je vous rejoins, il faut absolument que les associations de patients, les associations de familles, se fassent entendre, se constituent, mais pour qu'elles se fassent entendre, c'est pas facile, et je vous en remercie, madame, de dire, je suis maman d'un quelqu'un qui est schizophrène. Il y a encore 15 ans, les gens ne le disaient pas, en cachet. On ne disait pas qu'on avait un enfant schizophrène. On peut avoir un enfant schizophrène, on peut avoir un enfant qui souffre de diabète, on peut avoir un enfant, et on doit être entendu au même titre. Donc c'est ce qu'on essaie de prôner, nous, en politique publique. Mais, comme je l'ai dit tout à l'heure, il faut que la société nous aide. C'est-à-dire que c'est pour ça que je suis là, pour dire qu'il faut entendre les associations de patients, dire que ça ne va pas à la contention. et avoir le même respect pour ses problèmes de pathologie mentale que pour celui qui est diabétique. On n'a pas forcément... Disons que dans la souffrance, qu'elle soit psychique ou physique, il n'y a pas de... c'est plus important, c'est moins important. Alors tout le travail qui a été fait sur le handicap... Je pense qu'il faut le faire maintenant sur les maladies mentales, en termes de destigmatisation de la société. D'où les contrats locaux de santé mentale, d'où les nuits de la santé mentale, d'où ce soir la nuit de la psychiatrie. Comment ? Les sismes, enfin plein de dispositifs, mais c'est aussi un message à porter dans la société. On ne peut pas, les professionnels de santé, les gens qui se quittent de politique publique, c'est la société qui va faire qu'on va pouvoir progresser. Je vous soutiens, n'hésitez pas à le redire. Et puis je vous dis, c'est une discussion qu'on a actuellement avec l'UNAFAM sur ce sujet.

  • Speaker #1

    Madame Melchior. C'était juste pour réagir à ce que vous dites et en écho à ce que disait Madame. C'est que ça demande quand même qu'il y ait une diversité de types d'approches et d'activités qui soient proposées aux personnes. Je ne sais pas si c'est des questions de moyens ou de la manière dont on aborde. le rétablissement, la manière dont les personnes peuvent faire différentes choses au cours de leur vie, y compris quand elles ont eu un trouble psychiatrique et qu'elles ont dû être hospitalisées. Mais déjà, il faut le penser que tout le monde ne veut pas faire du ping-pong. Et ça veut dire probablement déployer des moyens qu'on ne déploie pas suffisamment, avec des intervenants qui ne sont pas que des intervenants médicaux, évidemment. Vous avez parlé des psychologues qui recréent du lien dans les structures, j'ai trouvé ça extrêmement intéressant, c'est-à-dire qu'en réalité, il y a des espaces et des opportunités à créer. Et je crois que justement, on a peu d'évaluations vraiment evidence-based, mais tout ce qui relève de la prescription sociale, c'est un petit peu cette idée-là, c'est-à-dire que les personnes avec leur entourage proche peuvent identifier... des activités ou des types de choses qu'elles aimeraient pouvoir faire, qu'elles aimeraient pouvoir déployer et que les professionnels de santé accompagnés par d'autres professionnels, des médiateurs, des psychologues, des éducateurs, etc. sont à même de les aider à construire ces projets-là, mais on en est encore très très loin. Monsieur Giannakopoulos.

  • Speaker #0

    Oui, peut-être j'ajouterais sur cela qu'il est très important de faire la carte, c'est-à-dire que les réponses génériques ont relativement peu de pertinence quand on parle des cas individuels, surtout quand il s'agit des personnes qui souffrent de schizophrénie, parce que l'évolution de la maladie, ce qu'on appelle l'histoire naturelle de la maladie, peut être extraordinairement différente. Comme vous avez parlé de l'isolement, qui est un isolement voulu, il y a des personnes qui peuvent rester avec un très haut niveau de méfiance, être très peu preneurs d'interventions sociales, de possibilités d'être davantage accompagnées, vivre ça comme une menace. Il y a d'autres personnes qui peuvent perdre leur capacité assez rapidement sur le plan cognitif. Dans ce cas, il faut évidemment ajuster ce qu'on offre par rapport à ce que l'autre peut prendre. Et il y a des personnes qui peuvent garder des très bonnes capacités en dehors des phases plus critiques qui nécessitent parfois l'hospitalisation. Et dans ce cas, vous avez une autre possibilité de renforcer le lien social. Donc, j'ai envie de dire que dans mon expérience... Le vrai problème d'une politique publique et des politiques publiques dans différents pays, c'est la capacité de passer d'une affirmation ou même des structures qu'on met en place de manière générale à la déclinaison individuelle qui nécessite quelque part un travail minutieux sur le terrain et donc faire des surmesures. D'habitude, ce qu'on met en place, quand on arrive, quand on a des moyens, c'est plutôt des productions industrielles. Mais dans des situations comme cela, il faut faire du sur-mesure. Et ça, c'est coûteux en énergie, coûteux en moyens et nécessite une collaboration de tous les réseaux.

  • Speaker #1

    Alors, on va prendre une dernière question et je repasserai la parole à chacun des membres de cette table ronde pour soit y répondre et ou conclure. Madame, nous vous écoutons.

  • Speaker #4

    Bonjour. Alors, j'ai l'impression de peut-être être hors sujet, mais j'ai quand même... poser mes interrogations, enfin vous les partager. Je suis médecin et mon parcours professionnel fait que je suis médecin au sein de l'éducation nationale aujourd'hui. Et dans l'éducation nationale, on a bien conscience qu'un enfant en bonne santé apprend mieux et qu'un enfant qui apprend bien sera sans doute en meilleure santé plus tard et que la santé a bien trois composantes, physique, mentale et sociale. Et je m'interrogeais au vu des différents indicateurs de détérioration de la santé mentale des jeunes et l'importance du lien social pour la bonne santé mentale, si les politiques... prise au sein de l'éducation nationale était finalement générateur d'une bonne santé mentale avec l'apparition de ces groupes à niveau, ces groupes de besoin en sixième, cinquième, ces options en première avec différents groupes et en terminale. Donc je m'interrogeais si, même si on va développer les compétences psychosociales dès le plus jeune âge, et on espère, et tout au long de la scolarité de l'enfant, si au final, ce n'était peut-être pas contre-productif. Et la deuxième interrogation, c'est que la santé mentale des jeunes, il y a un vrai focus dessus, et bien sûr que nous sommes pleinement intéressés. Mais peut-être qu'on ne parle pas assez souvent de l'aspect positif et des jeunes qui vont bien, parce qu'au final, si je suis adolescent, je ne vais pas bien. Si je vais bien, est-ce qu'au final, je suis normale ? Et est-ce que nous ne sommes pas responsables, nous, adultes, entourant ces jeunes et ces enfants, de finalement, en voulant les surprotéger d'un monde difficile, et qu'on peut comprendre anxiogène pour nous, mais aussi pour eux, on va peut-être favoriser leur isolement social en leur permettant de rester à la maison pour ne surtout pas avoir de problèmes dehors. Et donc, on va les autoriser à regarder les écrans, pas que forcément les réseaux sociaux. Et est-ce qu'on n'est pas responsable, nous, adultes, de cet isonnement social qui va avoir des répercussions sur la santé mentale des jeunes ?

  • Speaker #1

    Je repasse la parole à chacun qui se saisira de ces questions, ou pas. Je vous demanderai de conclure, ce sera la dernière intervention. Madame Melchior. Merci beaucoup pour ces deux questions. Je souscris absolument à ce que vous avez dit sur les deux points. C'est-à-dire qu'on peut vouloir mettre en place des politiques publiques pour faire de la prévention, les compétences psychosociales par exemple. accompagner les gens qui ont déjà des troubles psychiques ensuite pour recréer du lien social mais en réalité il y a une... enfin en santé publique il y a un principe qui est issu de la commission sur les déterminants sociaux de l'OMS qui a été présidée il y a une vingtaine d'années par Michael Marmot qui est de dire qu'en réalité pour réduire les... pour agir sur les déterminants sociaux de santé et agir les inégalités et pardon réduire les inégalités En fait, il faut introduire de la santé dans toutes les politiques publiques et essayer de les examiner à l'aune de leur impact sur... c'est-à-dire examiner les politiques publiques à l'aune de l'impact qu'elles peuvent avoir sur la santé et sur les disparités qu'il pourrait y avoir entre différents groupes en termes de santé. Ce que vous avez mentionné sur la réforme, les différentes réformes mises en place récemment de l'éducation nationale va complètement à l'encontre, évidemment, de l'idée de créer du lien entre les élèves. Merci. A ma connaissance, pas d'évaluation sérieuse de l'impact, par exemple, du changement du baccalauréat, le fait d'avoir complètement explosé les groupes classe au lycée, par exemple, et d'avoir complètement mis l'accent sur l'accompagnement, les projets individuels, ce qui en plus à cet âge-là est quand même très souvent... Enfin, je ne sais pas comment dire, ça questionne, disons, pour ne pas dire autre chose. Sans parler de Parcoursup, alors Parcoursup n'étant pas un problème en soi, mais le problème c'est la compétition et les difficultés d'accès à l'enseignement supérieur. qui crée là aussi plutôt vraiment de la pression à l'échelle individuelle plutôt que de l'entraide et du collectif. Donc je pense que l'éducation nationale aurait intérêt à évaluer l'impact de ces politiques sur la santé mentale des jeunes. Sur les jeunes qui vont bien, je suis aussi complètement d'accord avec ce que vous avez dit, dans le sens où, par exemple, dans la prévention du tabagisme, on s'est rendu compte qu'à force de dire 50% des jeunes fument, que... Et en fait, ça normalisait complètement le fait que c'était tout à fait normal de fumer quand on était adolescent. Et il se trouve que le tabagisme diminue chez les adolescents. Mais en fait, il faut leur dire mais non, il y a un jeune sur deux qui ne fume pas. D'autant que quand on fume, on a l'impression que tout le monde autour de soi fume également. Et donc, en fait, ça crée la norme. Donc, on en reparlera peut-être tout à l'heure. Mais bien sûr, il faut dire qu'il y a énormément de jeunes qui vont bien, qui ont des projets, qui trouvent du sens dans leur vie. Et qu'on peut tous avoir des moments... de passage à vide, mais la pathologie mentale et les troubles psychiques, c'est quand même encore autre chose, et qu'il ne faut pas non plus complètement surréagir à tout. Et dernier point, parce que je ne veux pas non plus prendre trop de temps, J'ai échangé il n'y a pas très longtemps avec un collègue pédopsychiatre qui travaille au sein de l'équipe sur cette question de la phobie scolaire et de pourquoi est-ce qu'on trouve cette augmentation. Il y a certainement plein de choses qui ont changé dans l'environnement des enfants, mais effectivement le rapport entre les enfants et les parents, la manière dont les parents réagissent quand un enfant va mal, a aussi probablement changé, et peut-être notamment au cours de la pandémie de Covid. C'est-à-dire que... Comme disait ce collègue pédopsychiatre, il s'est rendu compte que pendant la pandémie de Covid, évidemment les enfants n'allaient pas à l'école, les lycéens c'était variable, etc. Et que ça a un tout petit peu normalisé le fait que parfois on ne va pas à l'école, c'est comme ça, c'est quelque chose qui n'est pas complètement anormal. Et donc c'est plus facile pour les parents maintenant de dire à un jeune qui dit j'ai pas envie d'aller à l'école, j'ai mal au ventre, j'ai mal à la tête, j'ai peur, ça se passe pas bien de dire, bon, écoute, puisque c'est comme ça, tu restes à la maison et on verra après. Et ça, c'est peut-être aussi quelque chose qu'il faudrait requestionner et essayer de travailler pour ne pas créer de cercles vicieux de mal-être et isolement. Merci. David Lomreton.

  • Speaker #5

    Oui, je prolonge votre propos sur la surprotection de l'enfant qui aboutit évidemment à une fragilisation du rapport au monde. Il y a une recherche d'ailleurs britannique qui est absolument passionnante sur quatre générations d'enfants de 8 ans. La première génération, donc dans les années 20-30, marchait 10 kilomètres autour de la maison. Et puis plus on avance vers le temps, plus il y a une diminution du nombre de kilomètres parcourus. Aujourd'hui, 300 mètres. Je crois que tout est dit dans ce genre d'expérience, de la même façon d'ailleurs... Les enfants d'aujourd'hui, enfin les adolescents d'aujourd'hui, courent à 800 mètres en 4 minutes, alors qu'il y a une quinzaine d'années c'était 3 minutes. Donc on voit qu'en termes de santé publique, il y a quand même une perte absolument considérable. Mais cette sédentarisation de l'enfant, de l'adolescent, cette humanité assise, comme je dis souvent, amène évidemment à une accentuation du recours au portable. Alors on n'a plus le temps de développer, mais je pense qu'il est essentiel au plan pédagogique aujourd'hui de développer des activités de pleine nature, même chez les tout-petits évidemment, pour qu'ils apprennent le nom des arbres, des oiseaux, etc. Puisque des recherches montrent d'ailleurs que des enfants connaissent des centaines... Aux Etats-Unis, ils connaissent mille logos de marques commerciales, ils sont incapables de discerner un chêne d'un... d'un freine à côté ou autre. Donc voilà, il faut absolument développer. De la maternelle à la fin du lycée, c'est sorti dans les forêts, dans les montagnes, à la mer ou ailleurs, selon les géographies où l'on est, pour que les enfants lèvent les yeux de leur téléphone portable. Même s'ils n'y passent pas tout leur temps, je sais bien, mais quand même.

  • Speaker #1

    C'est aussi ce que nous disait Maya Garatier hier sur la table ronde facteurs environnementaux et santé mentale, y compris même chez les tout petits bébés. M. Giannakopoulos.

  • Speaker #0

    Je pense que vous posez des questions qui mériteraient un forum en soi. En réalité, qu'est-ce qu'on offre aux jeunes ? Qu'est-ce qu'on attend d'eux ? Et qu'est-ce qu'on fait de ceux qui vont bien ? Qu'est-ce qu'on fait de cela, de cette information ? Il faut tenir compte qu'on est face à un changement de paradigme. qui est assez fondamentale dans nos sociétés actuellement, c'est la perte des repères par rapport aux certitudes. Et ça concerne les parents plus que les enfants. C'est-à-dire qu'on a vécu longtemps avec des certitudes qui étaient basées sur la reconnaissance des bons et des mauvais. Ce qui était le cas, j'entends, pour les plus anciens, ceux qui avaient vécu à l'époque de la séparation entre les... Les communistes et de l'autre côté l'Europe occidentale, quand on avait toujours des repères qui sont des repères idéologiques, on pourrait épouser une cause ou une autre, mais on était obligé d'épouser une cause. Les grandes idéologies structurantes et les institutions structurantes ont connu quand même une régression massive les derniers 30 ans. Donc évidemment, de l'autre côté, le paysage est devenu de plus en plus confus, c'est-à-dire avec des changements et des courants antithétiques. et aussi par certains aspects fondamentalement coadductoires. C'est-à-dire, en même temps, on peut... C'est peut-être d'actualité, mais ça illustre bien le propos. On peut en même temps promouvoir et devenir des apôtres d'un côté de l'inclusivité. Et 15 jours plus tard, 3 semaines plus tard... On paie tous les financements sur l'inclusivité suite à l'élection du président des États-Unis. Pour un jeune, pour les jeunes en général, vivre avec ce type de changement très rapide, l'insécurité ambiante et la confusion qui nous entoure et qui les entoure, est extraordinairement difficile. Au niveau de l'éducation, on a tout essayé. D'ailleurs, la Suisse a un très bon laboratoire là-dessus. On a essayé... La permissivité totale, c'est-à-dire de dire non, il n'y a pas de limite, il faut suivre le rythme de l'enfant, pas de notes, pas d'évaluation, essayer d'être les protégés le plus possible de ce qui peut être une compétition rude. Après, on a complètement changé de fusil d'épaule, revenir de quelque chose qui est beaucoup plus structuré, avec des évaluations, parce qu'on avait l'impression que c'était devenu n'importe quoi. Est-ce que véritablement, en termes de santé mentale, On a mesuré les répercussions d'une approche ou d'une autre, la réponse est non. On tâtonne. On tâtonne en réalité en prenant une optique ou une autre optique en termes de politique sans savoir très bien à qui on s'adresse et comment ils vont se développer là-dessus. Les individus, ce qu'ils vont faire le lendemain de cette société. Alors qu'est-ce qu'on attend ? J'ai l'impression qu'on attend des choses qui peuvent être très contradictoires par rapport aux enfants. J'aborde dans votre sens le déqueu. Et dans mon expérience de clinicien aussi, souvent les parents ont la tendance de dire Mais dans un monde qu'on commence à comprendre de moins en moins, il faut les protéger. Et donc on voit, et ça c'est un phénomène qui a été très bien attesté par les études, des jeunes qui restent aujourd'hui dépendants, financièrement, socialement et du bonheur familial de leurs parents, beaucoup plus longtemps que par avant. Et la quête... de partir rapidement de la maison est devenue une sorte d'optasie qui n'a plus le lieu d'être. C'est-à-dire qu'on a des personnes qui restent de plus en plus longtemps par perte de repères, mais aussi par complicité bienveillante des parents. Après, il y a le troisième élément que j'essayais de dire avant, c'est-à-dire qu'on peut bien évidemment devenir tous, plus ou moins, des prophètes de l'Apocalypse. dire que les choses vont être détruites, que ça va être cosmogonique, qu'on va de mal en pire. Mais il est vrai, ce que vous avez dit est juste ce qui a été dit avant. Il y a un tas de jeunes qui n'ont ni pathologie psychiatrique, qui suivent les études, qui investissent le lien social, qui peuvent être présents avec les autres. Et j'ai envie de dire, avec un niveau d'intelligence et de pertinence, que moi... Et parfois, je dois dire, ça me sécurise par rapport à l'avenir. En même temps, ça donne un certain espoir et ça nous montre quand même que ce n'est pas une question ni d'intelligence, ni de dégénérescence morale. Absolument pas. Donc, ce type d'exemples, qui ne sont pas la minorité, qui ne sont pas la minorité, est complètement, je dirais, couverte par l'inquiétude diffuse. d'une société qui n'a plus les mêmes repères. Et donc notre observation, c'est centre sur ce qui a été dit avant, les jeunes qui restent à la maison et qui ne sortent pas, qui n'arrivent pas à tisser des liens, qui peuvent perdre leurs compétences, et ceci indépendamment de la santé mentale, indépendamment en tout cas de la pathologie psychiatrique plus la santé mentale. Donc c'est une vraie interrogation, on n'a pas les réponses, et je pense que ce sera le vrai enjeu de nos sociétés pour les années à venir.

  • Speaker #1

    Nous commençons à être pris par le... temps, donc je vais demander de resserrer votre propos de conclusion, Madame Pint.

  • Speaker #3

    Oui, alors je ne répondrai pas à la question, puisque c'est une question très compliquée. Je dirais juste pour conclure qu'en fait, on est peut-être, nous on le voit, en termes de positionnement de la société, cette société que vous dites un peu confuse, elle est aussi confuse sur les politiques publiques qu'elle doit mettre en place, parce que peut-être je me positionnerais comme citoyen aussi, et non pas comme médecin ou autre, c'est à nous de dire non. Nos jeunes, ils n'ont plus de repères, mais normalement, ce sont les jeunes qui changent le monde, ce n'est pas moi.

  • Speaker #0

    Donc j'attendrai de voir des jeunes qui peut-être sont dans une situation actuellement de se dire c'est quoi ce monde ? Ils ne sont pas tous atteints de pathologies mentales et moi j'espère avoir le temps de voir arriver une génération qui voudra de nouveau changer le monde et qui peut-être on est sur une période un peu interlope comme ça. Je le verrai comme citoyen parce qu'effectivement le monde n'est pas stable, les repères ne sont pas stables. Mais c'est peut-être un petit creux de la vague avant une évolution de la société, que comme citoyen je ne peux que percevoir peut-être, parce que je suis optimiste, le verre à moitié plein plutôt que le verre à moitié vide, et de se dire qu'il faut aussi voir ceux qui vont bien, ceux qui disent ben non, mais moi j'ai pas envie parce que ça m'intéresse pas et puis diminuer l'anxiété des parents. Parce que là actuellement, l'anxiété des parents c'est très très très difficile.

  • Speaker #1

    Merci Madame Liber pour terminer. Je ne vais pas répondre non plus à la question, elle a été largement examinée par les collègues. Moi je voudrais dire en fait que ce qui est important c'est ce poids de la stigmatisation qui pèse dans la société et je dirais que les politiques nationales doivent aller vers une déstigmatisation et en même temps elles doivent prôner justement la pratique de l'aller vers, c'est-à-dire... plus d'équipes mobiles, car on sait que les coûts d'hospitalisation et on sait que le parent pauvre de la santé, c'est la santé mentale, la psychiatrie. Donc, en fait, le coût de l'hospitalisation est très élevé et nettement moins élevé lorsqu'on soigne dans la cité. Merci à tous pour cette magnifique table ronde.

  • Speaker #2

    Et on se retrouve... À 14h pour comment définir la norme d'un être humain tout en nuances. A tout de suite.

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