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Description

Forum Européen de Bioéthique 2025 : Santé mentale & Bioéthique


La santé mentale de nos enfants


Ils ne sortent plus. Ils ne communiquent plus et passent leur temps, la tête penchée sur un écran. Les jeunes vont mal, entendons-nous. Il n’y aurait plus d’âge pour déprimer. Certains se mutilent, cessent de s’alimenter, ont des pratiques à risque. Ils ne croient plus en rien, mais ils sont prêts à tout. Et s’ils n’ont plus d’espoir, ils rêvent encore d’un monde meilleur.

Est-ce vraiment nouveau ?

On incrimine l’éducation, la guerre ou le COVID. La jeunesse souffre et les adultes ne semblent pas tous prendre la mesure de la situation. Pourtant, si la jeunesse est l’avenir du monde, il nous incombe d’aller voir de plus près ce qu’ils ont dans la tête.


Avec:


François Ansermet, Professeur honoraire de pédopsychiatrie, Université de Genève, Université de Lausanne, Membre du CCNE de 2013 à 2021, Psychanalyste


Maurice Corcos, Psychiatre, Psychanalyste, Chef de service du département de Psychiatrie de l'Institut Mutualiste Montsouris - Paris


Julie Rolling, Pédopsychiatre, Service de Psychiatrie de l'Enfant et de l'Adolescent, Centre Régional du Psycho-Traumatisme Grand-Est Alsace-Nord, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg


Serge Tisseron,Psychiatre, Dr en psychologie HDR, Co responsable du DU de Cyberpsychologie (Paris Cité)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous et bienvenue pour ceux qui nous rejoignent dans cette salle de l'Aubette et derrière vos écrans sur le site internet du Forum. Nous nous retrouvons pour traiter d'une nouvelle question, à savoir la santé mentale de nos enfants. Et pour ce faire, nous avons une modératrice qui est elle-même pédopsychiatre spécialiste du bébé. Et je passe la parole tout de suite donc à Sarah Sananès.

  • Speaker #1

    Bonjour, alors... Merci à tous d'être venus nombreux pour écouter nos experts. La santé mentale des enfants, thème de ces tables, alors thème à la fois ambitieux, actuel, intemporel. On est tous réunis autour de ce thème et on est tous concernés par ce thème. On l'a entendu dans les précédentes tables rondes dans les derniers jours, les troubles psychiatriques sont très fréquents. Dans les suites de nombreuses... crise de société, la crise Covid est souvent mentionnée pour ne citer que celle-là. Les problèmes de santé mentale ne cessent d'augmenter, notamment chez les plus jeunes, et ça pose des nouveaux défis de société. Grande cause nationale 2025, rapport et constats épidémiologiques qui se succèdent pour sensibiliser, alerter, alerter sur ces questions de santé mentale, de société, alerter aussi sur la crise de la pédopsychiatrie. Alors, On reçoit de la santé mentale dès le plus jeune âge, de la santé mentale des enfants, des adultes qu'ils deviendront. C'est donc un enjeu majeur de santé publique. Et la pédopsychiatrie vit pourtant une crise majeure et systémique. On a la chance cet après-midi d'avoir un panel d'experts pour aborder ces questions et pour aborder les enjeux que recèle ce sujet. Alors je vais sans plus attendre leur passer la parole. On va commencer par écouter Julie Rowling, pédopsychiatre au 100... au sein du service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent des hôpitaux universitaires de Strasbourg, au sein du centre régional de psychotraumatisme Grand Est et maître de conférences des universités. Tu es très engagée dans ces différentes actions de pédopsychiatrie et au sein de la filière du centre de psychotraumatisme Grand Est Alsace-Nord. Je te passe la parole.

  • Speaker #0

    Merci, merci. pour cette invitation à cette table ronde. Et puis, merci aux organisateurs du Forum de bioéthique de permettre qu'un tel espace de pensée, d'échange et de dialogue existe à Strasbourg et dans la cité. Je trouve que c'est extrêmement important. Alors, le titre de cette table ronde est santé mentale et enfance. Un vaste sujet, un sujet peut-être difficile à circonscrire. et qui pour la pédopsychiatre que je suis a convoqué la notion de trouble et de trouble psychique, c'est-à-dire d'altération affectant la manière dont une personne pense, ressent, se comporte ou interagit avec son environnement. Les troubles psychiques englobent donc toute altération de la santé mentale, qu'elle soit transitoire ou durable, et se distinguent d'une certaine manière des pathologies psychiatriques. Alors les troubles psychiques chez les enfants et les adolescents constituent un sujet d'importance. Je vais, étant donné que ma pratique est largement auprès d'adolescents, je vais axer plutôt sur cette population. Pour vous dire qu'environ 15% des adolescents en France souffrent d'un trouble psychique diagnostiqué, c'est les chiffres de santé publique France de 2023. Et que la moitié des troubles psychiatriques chez l'adulte débutent avant 14 ans. Il y a donc une importance majeure à les repérer, à les diagnostiquer et à les prendre en charge. C'est évident et c'est indéniable. Alors comment peut-on expliquer cette augmentation ? Est-ce qu'on repère davantage ces troubles ou est-ce qu'il y a une augmentation ? Il y a sans conteste ces dix dernières années une déstigmatisation des troubles psychiques qui est globalement bénéfique parce qu'elle favorise l'accès aux soins, elle réduit l'exclusion sociale et elle améliore la qualité de vie des personnes que l'on est amené à rencontrer. Lorsque j'étais interne il y a une dizaine d'années, c'était un petit peu honteux d'aller voir le psy Aujourd'hui, je ne dirais pas que c'est à la mode, mais régulièrement, quand je vais chercher un ado en salle d'attente et qu'il est au téléphone, avant de raccrocher, il dit je raccroche, j'ai rendez-vous avec ma psy Et je dirais que l'ambiance est différente et c'est une très bonne chose. Et puis, parler de santé mentale chez les adolescents, le docteur Sananès l'a dit, on ne peut pas le faire sans penser au Covid. Le Covid, cette pandémie mondiale qui a... touché l'ensemble de la population et qui, d'une certaine manière, a constitué un modèle expérimental unique. À un moment donné, l'ensemble de la population a été touchée par un même événement stressant. Et je dirais que là encore, pour la pédopsychiatre que je suis, c'est venu confirmer des éléments que mes maîtres ont pu transmettre, c'est-à-dire que dans le développement de l'enfant, qui est un sujet en construction. Il y a des périodes clés, il y a des périodes de vulnérabilité durant lesquelles le psychisme, le cerveau de l'enfant est plus vulnérable et plus réceptif par rapport aux facteurs externes et par rapport à l'environnement. Bien sûr, la petite enfance, mais également l'adolescence. Là encore quelques chiffres. Début 2021 par rapport aux années précédentes, pour les moins de 15 ans, une augmentation de 80% des passages aux urgences. Pour les 12-17 ans... une augmentation de 59% des consultations pour troubles du comportement alimentaire, 43% d'augmentation pour les épisodes dépressifs, 36% pour les idées suicidaires. Alors que se passe-t-il ? Que s'est-il passé ? Quand on imagine l'adolescence, il faut vraiment imaginer ces adolescents qui vont vivre des changements qui vont les traverser. Des changements physiques, bien sûr, l'accession à la puberté. Le changement du corps, la sexualisation et ces changements physiques et neuropsychologiques sous-tendent un certain nombre de changements psychiques qui se caractérisent par la question de l'autonomisation par rapport aux parents, la projection dans l'avenir, le rapport au monde qui peut changer. L'ensemble de cette traversée de l'adolescence va permettre aux jeunes de parfaire leur construction identitaire. Il faut imaginer que c'est un petit peu une tempête, une tempête intérieure qui, pour certains, se transforme en ouragan. Et la résultante de cette tempête qui traverse nos jeunes va dépendre de deux facteurs. Leur fondation, ce qu'on pourrait appeler les assises narcissiques et identitaires, ce qui est hérité de leur enfance. Et puis, les appuis extérieurs, l'objet externe, leur environnement. En ce sens-là, il est intéressant de penser les troubles non pas d'une manière purement physiologique, mais en réutilisant un vieux modèle de Engel qui date de 1977, le fameux modèle biopsychosocial qui pense les troubles psychiques comme l'interaction de facteurs biologiques, psychologiques et sociaux au sens de l'environnement au sens large, que ce soit le réseau social, le soutien familial.... le niveau économique, le stress environnemental. Alors pourquoi est-ce que c'est intéressant de penser les choses de cette manière ? Parce que penser les choses de cette manière met d'emblée en évidence la marge d'action possible à l'échelle d'une société pour améliorer la santé des plus jeunes. Pour tout vous dire, il y a à peu près 36 heures, j'étais encore dans l'avion qui me ramenait de Mayotte, de craindre réfléchir parce que je n'arrivais pas à dormir, ce que j'allais vous dire aujourd'hui. Et alors il me revenait les paroles des enseignants puisque notre mission de cellule d'urgence médico-psychologique avait pour but de venir en appui aux enseignants pour leur permettre d'accueillir les élèves au moment de la rentrée du 27 janvier qui est la grande rentrée au niveau de l'océan Indien. Et ces professeurs nous disaient, qu'est-ce qu'ils nous disaient ? Ils nous disaient on n'est pas psy. Qu'est-ce qu'on va dire le jour de la rentrée ? Comment on va accueillir la parole des élèves ? Et moi, dans ma tête, je me disais... Mais c'est justement en étant enseignant qu'ils vont être thérapeutiques, c'est justement en faisant leur métier qu'ils vont pouvoir introduire quelque chose d'une contenance psychique pour ces enfants qui, après Shido, doivent absolument retrouver une vie, je dirais, la plus normale possible, en tous les cas quelque chose d'une ritualisation et quelque chose de familier. Et donc... Peut-être que l'un des enjeux de la société actuelle serait que chaque adulte puisse occuper sa fonction pour un enfant, ni plus ni moins, que cette place ne soit pas escamotée ni désertée, et que moyennant cet aspect-là, une contenance systémique à l'échelle de la société puisse réapparaître. C'est la raison pour laquelle ce que je vous propose... c'est un petit peu de prendre quelques-uns des troubles pour essayer de les discuter en regard des évolutions sociétales, pour essayer de comprendre l'impact de notre environnement actuel sur les jeunes. Si on prend par exemple la question des troubles anxieux, depuis entre 2020 et 2021, plus 30% de troubles anxieux chez les adolescents et globalement, finalement, cela traduit toute la question de l'angoisse. et de la majoration de l'angoisse. Si on prend le refus scolaire anxieux, le fait que les adolescents évitent ou que le fait d'aller à l'école soit quelque chose d'anxiogène pour eux et qu'on regarde les chiffres, mais en 2023, 10,9% des jeunes, 10,9% d'absentéisme, alors qu'en 2011, l'absentéisme scolaire aussi est entre eux. 1,9 et 3,2%. Et en consultation quotidienne en CMP, que disent les adolescents ? Les adolescents qui justement ont du mal à aller à l'école. Ils disent, est-ce que je vais être capable d'y aller ? Est-ce que je vais être capable de réussir ? Et est-ce qu'on va m'accepter ? Est-ce que les autres vont m'accepter ? Est-ce que ça va bien se passer ? Autrement dit, est-ce qu'on va m'aimer ? Alors jusque-là... ces questions de capacité et ces questions finalement de est-ce qu'on va m'aimer ? ce sont des questions non spécifiques qui transcendent l'humanité et qui sollicitent l'axe narcissique et affectif de chacun de nous. Alors on peut se poser en quoi ce serait différent en 2024 ? En quoi ce est-ce que je vais être capable en 2024 ? résonne différemment ? Il y a un certain nombre de réponses. Est-ce qu'on est dans une société plus perfectionniste ? Est-ce que la peur de l'échec est plus importante dans un monde globalisé ? Est-ce que la pression sociale, activée par les réseaux sociaux, active ces troubles ? Peut-être. Est-ce que l'intelligence artificielle change les paradigmes vis-à-vis de l'enseignement ? Et est-ce que quand on est un parent et qu'on dit à son jeune c'est important d'aller à l'école pour que tu aies un bon métier plus tard Quel sens ça prend alors qu'il suffit de taper sur l'intelligence artificielle, sur ChatGPT, rédige-moi une rédaction d'histoire sur tel ou tel sujet ? Est-ce que la question de demain, c'est d'apprendre l'information, comme on l'a toujours fait, ou est-ce que c'est d'apprendre à trouver la bonne information ? D'une certaine manière, on pourrait dire que la modernité favorise l'évitement. Est-ce que ChatGPT favorise l'évitement de l'apprentissage ? communiquer à partir des réseaux sociaux favorise l'évitement relationnel ? Est-ce qu'en tant qu'adulte, on est dans une forme d'évitement par rapport à certains de nos jeunes ? J'aimais beaucoup, il y a quelques années, j'avais lu Serge Tisseron L'enfant au risque du virtuel et vous abordiez le fait que les jeunes étaient sur les réseaux sociaux et que ça leur permettait de faciliter l'entrée en relation comme un nouveau marivaudage. Et effectivement, L'idée n'est pas de fustiger les réseaux sociaux qui apportent beaucoup de choses, mais d'essayer peut-être d'appréhender aussi leurs limites. J'évoquais la question de la contenance systémique. Sigmund Baumann, qui est sociologue, parle de société liquide, d'instabilité, d'individualisation, du caractère éphémère des structures traditionnelles. On pourrait discuter de tous ces aspects-là au moment des questions. cas, il y a un enjeu majeur de cohérence, de continuité et peut-être de pouvoir créer des espaces de sens et d'appartenance, peu importe l'identité d'appartenance, pour nos jeunes, même si c'est pour qu'ils viennent et surtout pour qu'ils puissent les discuter et puis peut-être aussi s'y opposer. Ces questions de refus scolaire anxieux, de phobie scolaire, elles posent aussi la question du rapport au corps réel. Quand on est devant son écran et qu'on ne se confronte pas à l'autre, qu'on n'entre pas en relation à l'autre, je dirais, physiquement, puisque bien sûr dans la réalité il y a rencontre, même si elle est sur les réseaux sociaux, eh bien ce rapport au corps réel il est important parce que La société contemporaine, qui est marquée par l'hyperconnectivité et la digitalisation des interactions, l'absence de contact corporel et physique modifie le rapport à soi, le rapport à l'autre, et surtout modifie ce qu'on pourrait appeler l'ancrage existentiel. C'est comme s'il s'opérait une dissociation entre le corps et l'échange humain, qui peut favoriser l'émergence de l'angoisse. Parce que... Notre corps est le premier médiateur du réel et qu'il permet de structurer l'expérience au monde et le rapport à l'autre. Je ne rentrerai pas dans les détails, mais ne serait-ce que les interactions physiques. Les interactions physiques sont riches d'indices inconscients qui nous permettent de nous ajuster à l'autre et peut-être d'une certaine manière de diminuer. nos inhibitions. La charge cognitive qui est liée au traitement de l'information sur les réseaux sociaux, avec les messages instantanés. À titre individuel, quand je fais un cours en visio, c'est beaucoup plus stressant que devant vous aujourd'hui. Parce que je me dis est-ce que ça va marcher ? Ça ne va pas marcher. Je ne peux pas m'appuyer sur le regard de l'autre pour m'ajuster. Il y a le fil de discussion qui vient en même temps. Donc, autant d'éléments stressants. Et ce n'est peut-être pas par hasard si les adolescents d'aujourd'hui vont de plus en plus à la salle de sport. Depuis deux ou trois ans, j'ai remarqué qu'ils vont tous à la salle. Sans doute qu'il y a un enjeu narcissique et un enjeu au niveau de l'image de soi. Mais peut-être aussi qu'il y a quelque chose de l'ancrage existentiel qu'ils tentent de retraverser. Un autre aspect...... autour des troubles des comportements alimentaires. 5% d'augmentation des consultations pour anorexie et boulimie après le Covid. Comment l'expliquer ? Alors assez facilement, une pression sur l'image corporelle qui sera amplifiée par les réseaux sociaux, une valorisation de normes esthétiques irréalistes, l'accès à des communautés encourageant les troubles des conduites alimentaires. Autant finalement de matériel qui, il y a quelques années, n'était pas disponible et qui sans doute participe aussi à l'augmentation de ces troubles. Et puis je terminerai sur quelques mots par rapport au suicide. Le suicide, en France, c'est la deuxième cause de décès chez les 15-24 ans. C'est une cause de décès évitable. Sans simplifier les choses, puisque la dynamique du passage à l'acte suicidaire c'est un phénomène extrêmement complexe et multifactoriel, il n'empêche que ces dernières années, la place du cyberharcèlement et l'impact du cyberharcèlement sur les passages à l'acte suicidaire est extrêmement important. Là encore, le harcèlement scolaire ou les jeunes qui pouvaient être mis de côté dans une classe, ça a toujours existé. Mais ce qui change avec les réseaux sociaux, ce qui change la donne, c'est l'effet de masse, le fait que ce n'est peut-être pas une personne ou deux personnes qui vous agressent, mais des dizaines, des centaines. L'effet de dépossession, si vous essayez de réagir, souvent il y a des phénomènes de horde où finalement ça va emballer les réponses négatives des autres jeunes. Le fait qu'il y ait une trace qui reste sur internet, autant d'éléments qui sont extrêmement compliqués à vivre pour les plus jeunes. Mais peut-être ce qui change aussi, c'est la question du regard. La question du regard à l'adolescence, c'est un point extrêmement important. On est tous à la recherche du regard de l'autre, qu'on espère validant. Aujourd'hui, j'espère avoir un regard validant de votre part. C'est plutôt assez humain. Ça nous permet de nous rassurer nous-mêmes, de nous réconforter. Et on pourrait dire qu'il y a cinq types de regards. Le regard qu'on a sur soi-même, un regard qui va alimenter l'image de soi, c'est-à-dire la représentation mentale qu'on a. de nous-mêmes. Les psychanalystes passent par l'image spéculaire du soi qui désigne la manière dont une personne se perçoit en fonction du regard des autres et cette perception de nous-mêmes nous la développons en fonction de ce que les autres pensent. Ce qui convoque finalement la sollicitation du regard d'un autrui significatif pour le jeune. Ça peut être un parent, ça peut être ça peut être un ami, un autrui qui sera un point de référence pour le jeune. Jusque-là, les choses sont assez classiques. Et puis, peut-être que les réseaux sociaux apportent d'autres éléments par rapport à cette question du regard. Dana Boyd parle d'audience imaginée, c'est-à-dire à partir du moment où les jeunes postent des contenus sur Internet, toute l'audience qui va être imaginée. Pour ceux qui habitent dans des villages ou dans des endroits où l'anonymat n'est pas très important, l'audience imaginée peut être plus ou moins terrorisante. Alors si on imagine l'audience imaginée sur les réseaux sociaux, là aussi ça peut avoir des effets anxiogènes. Un autre aspect, les personnes jamais rencontrées physiquement. Un certain nombre d'adolescents discutent sur les Ausha ou alors sur les jeux vidéo avec des personnes qu'ils n'ont jamais rencontrées physiquement. Et ce n'est pas un problème. Le seul problème, c'est qu'on n'a jamais rencontré l'autre. Et là aussi, on peut se poser la question de l'imaginaire qui est convoqué. L'imaginaire convoqué par rapport à l'autre et surtout par rapport à soi, avec une énigme qui reste entière. C'est-à-dire, si un jour je rencontre vraiment cette personne dans la réalité, qu'est-ce que cette autre va-t-il penser de moi ? Et puis, peut-être le dernier regard. pourrait être le regard de l'intelligence artificielle. Le regard de l'intelligence artificielle, parce que cette interface numérique, elle fonctionne à partir d'algorithmes. Et ces algorithmes, ils sont basés, programmés, programmés pour répondre à des contenus chargés émotionnellement. Et à partir de là, il y a un certain nombre de biais cognitifs qui se mettent en place. ce qu'on appelle la bulle algorithmique, qui fait qu'en fonction du contenu qu'on va chercher, le contenu qui va nous être reposé sera plus ou moins similaire. Sans compter les groupes sur lesquels les jeunes vont, des groupes qui créent des oligopoles cognitifs, où finalement, assez facilement, une sélection va se faire avec des groupes de personnes qui vont vous renvoyer, peu ou prou, une pensée assez similaire à ce que vous pensez. On peut se dire jusque-là que c'est plutôt positif, puisqu'on se retrouve entre soi. C'est plutôt positif, sauf que cette simplification des points de vue haute d'emblée toute possibilité de solution alternative qui peut avoir des effets d'angoisse. Donc voilà, en quelques mots, peut-être de souligner quelques points pour vous sensibiliser à ce dans quoi les jeunes sont pris actuellement. J'espère que ces points ont peut-être modifié un petit peu votre regard. Mais peut-être ce que j'avais envie de vous dire, c'est qu'être un adulte de référence pour un enfant ou pour un adolescent, être un bon parent... Ça n'existe pas, pour reprendre Winnicott, ça ne signifie pas être parfait, ni tout savoir, mais peut-être être à l'écoute de son enfant, valider ses ressentis sans forcément valider ses actions, être cohérent et continu avec l'enfant et avec soi-même, avec ses valeurs, tout en gardant à l'esprit que tout ne se joue pas en une seule fois. Et que si jamais il y a eu des loupés, il y a toujours possibilité aussi de se rattraper.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup. Je vais passer la parole à Maurice Corcos, qui est professeur de psychiatrie, psychanalyste, chef de service du département de psychiatrie de l'Institut Mutualiste Montsouris à Paris. Il est également l'auteur de nombreux ouvrages sur l'adolescence et il dirige et anime un séminaire psychanalyse et littérature depuis une vingtaine d'années. Maurice Corcos, c'est à vous.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup. Bravo à Madame Rowling qui a dit l'essentiel. Merci aux organisateurs. A Aurélien, à Maud, à Israël, cette invitation à venir réfléchir avec vous sur cette question, à échanger, à discuter. Je ne dis pas merci aux organisateurs pour les sièges de cette année. Nous sommes d'accord. Bon, donc si je me casse la figure, ça sera dû aux sièges, évidemment. Bon, Mme Ronning a dit beaucoup de choses très importantes. Essentiel, je vais m'atteler, si vous permettez, à rester dans mon champ d'expérience clinique. celui qui est le mien depuis une trentaine d'années, c'est-à-dire l'accueil, la réception, l'écoute, l'accompagnement, le soin d'adolescents particulièrement difficiles, difficiles étant un euphémisme. Ce service qui a 30 lits d'hospitalisation, 40 lits d'hôpital de jour, qui a une action de prévention primaire en périnatalité, s'est attelé par nécessité à s'occuper de plus en plus de ces adolescents dits difficiles, avec une structure qui s'appelle Étape et qui s'occupe des plus difficiles, c'est-à-dire des adolescents qui ont commis des crimes ou des délits et qui sont sous injonction judiciaire de soins. Pourquoi je vous parle de ces patients-là ? Parce que ce sont les sujets, les patients les plus fréquents en psychiatrie, en termes d'hospitalisation, de consultation. Infiniment plus fréquents que les anorexies mentales, les boulimies, que les spectres autistiques, que les hyperactivités, que les questions d'identité de genre, ce dont on parle régulièrement, très régulièrement, un peu partout. On ne parle pas de ces adolescents difficiles. pour tout un tas de raisons que je vais essayer d'expliciter et qui me semblent importants. Ces adolescents difficiles, c'est un euphémisme, c'est ce qu'on appelle aussi les patients borderline, les patients limite, c'est ce qu'on appelle aussi, dans des termes beaucoup plus stigmatisants, les sauvageons, les barbares. Et je vais arrêter là sur les termes stigmatisants qu'on peut apposer, étiqueter à ces sujets. Ces sujets sont toujours d'actualité, mais tout particulièrement pendant la crise Covid et la série de confinements. J'évoquerai aussi l'impact de ces séries de confinements et de cette crise Covid sur ce type de patients-là, puisque le moins qu'on puisse dire, c'est qu'ils n'ont pas pu bénéficier des soins appropriés, et encore moins que les autres patients, pour tout un tas de raisons que je vais essayer d'expliquer. Ces adolescents difficiles, vous les connaissez, c'est ceux qui font la une des journaux, c'est ceux qui sont très hétéroagressifs. Et vous avez pu remarquer que le démarrage de cette hétéroagressivité n'est plus dans la post-adolescence adulte jeune, mais même dans la pré-puberté. On voit de plus en plus de jeunes être particulièrement agressifs, si ce n'est violents, si ce n'est meurtriers. Même chose d'ailleurs pour les tentatives de suicide. Les tentatives de suicide que nous voyons actuellement, ne sont plus de même intensité. On les voit chez des patients non plus exceptionnellement comme auparavant chez des patients très jeunes, 8, 9, 10 ans. Et puis, ce n'est plus tout à fait la prise de médicaments avec l'aspiration à renaître de ses cendres le lendemain comme un phénix et de se retrouver narcissiquement avec le corps tout à fait intègre, puisque les médicaments n'ont pas altéré ce corps. Non, nous voyons tous les services voient de plus en plus des pondaisons. Nous voyons de plus en plus des défenestrations et pendant la crise Covid, ça a été particulièrement important et ça a été dit. Les troubles des conduites alimentaires ont été multipliés, les tentatives de suicide jusqu'à par 3 et le nombre de suicides jusqu'à 25% supplémentaire. Ces patients, vous les connaissez, c'est ceux qui sont toxicomanes. Toxicoman à la cocaïne, au crack, à l'ecstasy, selon l'endroit où vous habitez bien sûr. Dans les quartiers chic, c'est de la cocaïne et c'est évidemment moins dangereux. Et dans les quartiers moins chic, c'est du crack et c'est évidemment plus délétère et massivement et rapidement délétère. Cocaïne, crack, ecstasy, binge drinking, alcoolisme. Brutale avec des fonds et risque bien sûr d'accidents dramatiques. C'est chez les filles, ils trouvent des conduites alimentaires mais pas comme avant.

  • Speaker #0

    Avant la pandémie, nous qui sommes relativement spécialisés dans la trousse des conditions alimentaires, nous recevions des patientes qui avaient une structuration anorexique qui les tenait. Ils avaient une identité de compensation qui n'était ni fille ni garçon, anorexique, dans une affirmation phallique, avec une anorexie restrictive qui tenait. Mais là, on ne voit quasiment plus d'anorexie restrictive, avec un symptôme qui les contient. Elles sont très rapidement débordées. Leur anorexie ne tient pas, ne défend pas les angoisses psychiques sous-jacentes. Elles sont massivement mixtes, boulimiques et déjà très rapidement toxicomanes, un certain nombre de psychotropes et au binge drinking. Elles sont aussi massivement, quand elles arrivent, avec des pertes de poids extrêmement importantes et brutales. Elles ne prennent pas, comme d'habitude, une courbe sur plusieurs mois, si ce n'est semestre, avant de maigrir. Non, elles sont massivement maigres de manière très importante. Et l'hyperactivité chez elles prend une importance vraiment démesurée, qui témoigne, selon les psychopathologues, du fait que cette hyperactivité leur permet de contenir leur excitation interne de manière plus intense. Et si elles sont plus hyperactives, c'est que cette tension est beaucoup plus intense. Donc les symptômes, les syndromes ne sont pas constitués, ils sont très rapidement débordés. Les passages à l'acte hétéroagressifs ou autoagressifs sont plus importants. Les stratégies thérapeutiques mauvaises, morbides, sous forme d'addiction ne tiennent pas. Il y a un risque d'implosion tellement important que l'externalisation s'impose et qu'elle-même ne suffit pas puisque le passage à l'acte suicidaire est plus fréquent. Ces patients, nous les suivons depuis des années et ils sont de plus en plus rejetés, y compris par la psychiatrie qui les appelle des cas sociaux. Il les appelle les cas du vendredi soir, le bébé qu'il faut refiler aux voisins. Ceux qui ne sont pas pour nous, ceux qui sont pour la protection judiciaire, ceux qui sont pour l'ASE, l'aide sociale à l'enfance. Certains mêmes psychiatres évoquent l'idée que ce ne serait pas de la psychiatrie. Ce qui fait que, par rapport à ce qu'a dit Mme Holling, tout dépend comment vous prenez le bio-psycho-social. Soit vous mettez le bio au démarrage. et vous mettez les budgets de recherche pour rechercher une vulnérabilité génétique biologique qui serait à l'origine des troubles psychologiques, qui serait à l'origine des troubles sociaux. Soit, et où l'un n'est pas exclusif de l'autre, ils sont complémentaires, vous faites une socio-psycho-bio. Rien n'empêche de penser que des événements sociaux, et la pandémie étant un, entraînent des dérèglements psychologiques majeurs qui ont des conséquences biologiques. Évidemment, si... Un phénomène social entraîne des phénomènes psychologiques. Chez quelqu'un qui a une vulnérabilité biologique, les conséquences sont beaucoup plus importantes. Donc ce n'est pas dynamique du tout. Mais je suis effaré du fait que nous sortons à peine de la pandémie et des confinements et qu'on n'envisage pas de mettre des budgets de recherche sur les facteurs sociologiques qui sont à l'origine des désorganisations et qu'on continue à mettre des budgets de recherche massivement sur une biomédecine. Je ne dis pas que ça n'a pas son importance, mais bon. Pourquoi je vous dis ça ? Parce que ces patients, ces états limites, ces fonctionnements limites, ces borderlines, ces barbares, ces sauvages, sont des maladies sociales, des maladies sociétales. Si vous étudiez leur biographie, elle est massivement marquée par des traumatismes effarants, depuis l'enfance et même dans le transgénérationnel. Si nous avons mis un psychiatre... Les deux psychologues en maternité, c'est parce que nous voulons avoir une action de prévention primaire sur cette mère qu'on voit qui est seule, qui est toxicomane, qui a été abandonnée quasiment dès la naissance de l'enfant par le père en question, ce père étant en général violent et qui, à la maternité, vient à toucher d'un enfant et qui a besoin d'une prévention primaire immédiate si on veut avoir un impact sur le devenir de cet enfant. Vous me direz, est-ce que c'est fréquent ou pas ? Je vais vous donner les chiffres. Pour ce qui est des patients que je suis et qui sont sous injonction judiciaire, les patients les plus difficiles, ces adolescents difficiles, nous avons des chiffres qui sont effarants. Ce ne sont pas des petits chiffres. C'est 90% de ces familles, ce sont des familles monoparentales, avec une femme seule et des enfants, avec une enfance qui se passe relativement bien, mais évidemment à l'adolescence, avec les modifications pubertaires. massive, avec la transformation de l'agressivité en potentialité meurtrière, avec la transformation de la possibilité fantasmatique d'avoir un enfant dans la réalité de la voix. cette action de violence vis-à-vis de la mère qui nous amène évidemment à prendre en charge cette adolescence. Donc nous avons une action de prévention primaire en maternité parce que nous pensons que c'est là que ça se joue et que c'est là que commence ce qu'on appelle dans le service la dérive des contenants. Ça a été dit par Madame Rowling, c'est très important qu'une mère soit suffisamment bonne pour son enfant pour qu'elle puisse le porter, l'accompagner, l'accorder, le réfléchir, le penser, le rêver, le baigner, tout un tas de choses importantes. dans la relation transcorporelle, psychique, affective. Si cette femme est seule, si cette femme est en général d'origine étrangère, immigrée, si cette femme a été abandonnée par son ami, son mari, son compagnon d'un soir, vous savez que dans les séparations, dans les divorces, les femmes se retrouvent dans une situation économique massivement plus difficile qu'avant. Si donc économiquement c'est précaire, Si nous sommes dans un environnement qui est adverse de l'autre côté du périphérique, cette femme va avoir plus de difficultés de s'occuper de cet enfant. Le contenant maternel qui doit s'occuper de ce contenu, ce contenant qui est conteneur, qui va ruisseller tout un tas d'histoires transgénérationnelles plus ou moins traumatiques pour élever cet enfant, va être en difficulté. C'est ce qu'on appelle pour aller vite, et ce n'est pas que ça, la dépression maternelle pendant la maternité, dans les suites du cours. couche au postpartum dans les premiers mois, cette dépression maternelle, une mère ralentie, déprimée, n'a pas la capacité, ça n'a pas une question d'intentionnalité, c'est une question de capacité impossible du fait du ralentissement de s'occuper naturellement de cet enfant. Ce premier contenant a été défaillant, le développement va être problématique du fait de ce tuteur de développement. Arthur Rimbaud l'évoquait, quand vous commencez à naître aux accidents, dans un pays où l'émotion ne se distille pas de manière naturelle, évidemment, ça commence mal. Deuxième contenant, le contenant de la diade mère-enfant, le père. Je vous l'ai dit, pour ces patients, il n'est pas là. Je ne vais pas développer un discours sur la question de l'autorité du père, être auteur d'eux, pas simplement d'avoir une fermeté pour tenir, pour limiter, pour contenir le débordement pulsionnel de l'enfant, mais si ce père n'est pas là, si cette mère est seule, évidemment, la situation est plus compliquée. Troisième contenant autour de cette merde, de ce duo, de cette diade, et autour de ce trio, théoriquement la société doit pouvoir aider à accompagner ces familles, en particulier les familles les plus difficiles. Et bien là nous sommes dans un état de déliquescence, de délitement et de dérive de ces contenants. Je ne vais pas évoquer la déliquescence si ce n'est la dérive du contenant politique. Mais l'instabilité politique actuelle, évidemment, n'est pas de bonne tenue, puisque quasiment tout est gelé sur les autres contenants qui vont venir et qui sont importants, par exemple celui de l'éducation nationale. Le contenant de l'éducation nationale, il suffit d'interroger les proviseurs, les enseignants, ce qu'on leur donne à faire avec des effectifs et des discontinuités de présence, évidemment plus importantes de l'autre côté du périph'que dans la ville lumière. Cette absence de professeurs suffisamment... expérimenter cette absence de continuité de présence, cette absence d'effectifs, ces adolescents beaucoup plus difficiles, ces classes surchargées, ces problèmes d'identité, enfin tout ce que vous savez, tout ça est très difficile à gérer et ce contenant l'éducation nationale qui doit permettre la séparation d'avec un milieu familial, qui doit permettre de s'élever à une certaine culture qui permet de se dédifférencier à l'adolescence, ce qui est fondamental pour l'adolescent pour éviter d'être absorbé. aliéné à un environnement familial adverse, ne joue pas son rôle. Ne joue plus son rôle ou ne joue pas suffisamment son rôle, malgré évidemment l'investissement de tous ses professeurs. Mais derrière ce contenant de l'éducation qui n'arrive pas à jouer son rôle, un autre contenant a été totalement désorganisé, c'est évidemment le contenant de la santé. Nous avons vu avec le confinement, pour tout un tas de raisons que vous connaissez, un contenant santé qui ne répondait pas, qui n'avait pas une réactivité suffisamment importante pour pouvoir contenir les débordements pulsionnels, les passages à l'acte hétéroagressifs, autoagressifs, les automutilations, les toxicomanies. Là encore, avec une disparité extrême à Mayotte, évidemment, Mme Rowling pourrait vous en parler, mais dans les quartiers nord de Marseille, c'est un an et demi pour avoir un rendez-vous. Ce n'est pas la même chose que dans le 5e, 6e arrondissement, bien évidemment. Il y a un an et demi pour avoir un rendez-vous, c'est un échec scolaire qui est enterriné, et donc une dépression du fait de la dévalorisation et de la marginalisation qui s'aggravent, et donc une accélération des symptômes qui ont amené ce patient à consulter. La désagrégation du contenant éducatif, du contenant social, Ça accompagne aussi d'une désagrégation du contenant policier et de la justice. Sans entrer dans des débats politiques, ce n'est pas la question. Nos amis policiers ont affaire à des violences de plus en plus extrêmes et la contenance, la limitation peut tourner à la répression. Pour avoir été juré dans une cour d'assises récemment, la contenance judiciaire, du fait du débordement des dossiers pour les juges des affaires familiales, qui sont effarants jusqu'à un an, un an et demi, deux ans, date... avant d'avoir une mort, surtout en cas d'agression sexuelle. Vous savez qu'il faut en moyenne 4 ans pour que le dossier arrive. S'il arrive, et ensuite dans 4-5% des cas, il y a une judiciarisation. Pendant ce temps-là, le sujet est encore confronté à la situation adverse dans laquelle il vient de révéler. Donc ce contenant policier, ce contenant judiciaire, ce contenant sanitaire, ce contenant éducatif, ce contenant familial, sont dans une certaine détresse. Je n'ai pas dit qu'ils étaient manichéens volontaires et qu'ils tuaient nos enfants. Je dis qu'il est dans une certaine détresse. Et je dis tout de suite que la situation française est infiniment meilleure que bon nombre de situations, y compris européennes. Ce n'est pas la question. Nos enfants vont mieux que bon nombre de pays européens. Toujours est-il que si j'insiste sur le fait que ces patients n'ont pas subi une mutation génétique, que toutes les études sur les vulnérabilités biologiques ne montrent rien. Ces gosses n'ont pas été contenus, portés, élevés et sans tuteur de développement suffisamment bon ou avec un tuteur de développement qui va très mal et qui colonise, qui empiète, qui vampirise cet enfant, ça ne lui permet pas un développement suffisamment sécure. Et alors, cette excitation intérieure qui est la sienne, qui n'arrive pas à être entendue par la santé, par l'éducation, par la famille, par le politique, si elle ne veut pas... Arriver à une implosion doit se défléchir vers l'extérieur, et ce qui explique, nous, le passage à l'acte extrêmement important. Quand une famille n'arrive pas à être suffisamment tendre avec son enfant parce qu'elle est prise par la dépression, par une détresse intérieure, par une situation économique, par l'abondance d'un mari, etc. Il y a un phénomène très important, là aussi quasi mécanique, pas manichéen, pas pervers. Le phénomène, c'est que... Cette mère qui n'arrive pas à suffisamment contenir cet enfant qui commence à déborder à l'adolescence alors qu'il était un enfant lumière pendant toute l'enfance, contre-investit en emprise cet enfant. Elle essaye de le contenir par un excès de contraintes, ce qui évidemment entraîne en retour un excès de pulsionalité. Ce contre-investissement en emprise, c'est pour ça que je dis dérive, pas simplement déliquescence. Vous le voyez aussi au niveau éducatif, où les contraintes qu'imposent les éducateurs à les enseignants, à ces adolescents, ne sont pas contenables, soutenables par ces adolescents. Nous, les psys, qui manquons d'effectifs, qui manquons de continuité de présence, nous devenons maltraitants pour ces enfants parce que nous sommes maltraités par les contenants au-dessus de nous. Et donc, nous faisons la même chose que ces parents, nous faisons un contre-investissement d'emprise, c'est-à-dire que nous mettons contention, isolement. médicaments psychotropes, si ce n'est sismothérapie. Au plus pressé, pour contenir la pulsualité, plutôt que de l'accueillir avec un effectif suffisant pour essayer de la contenir, de la comprendre, de l'écouter. Même chose évidemment au niveau policier, au niveau judiciaire. Donc la dérive des contenants, c'est que de ne pas être suffisamment bien, les adultes, face à des enfants qui ont à vivre aussi des événements considérables comme la pandémie, par exemple, ces enfants nous regardent, sont très attentifs. à l'anxiété, l'angoisse, la dépression, si ce n'est la désorganisation qui nous prend. Ça les affole considérablement. Ils nous testent en étant violents. Si nous répondons à cette violence par une répression, sans un accueil, sans une écoute, le cercle vicieux va s'organiser et va s'enteriner. La pandémie, c'est démonstratif de quelque chose. C'est que la famille est le dernier refuge. Mais qu'il ne faut pas que ça dure trop longtemps. Lorsque quelqu'un vous dit que vous n'allez plus à l'école à partir de mars 2020, on ne sait pas combien de temps ça va durer, vous restez en famille, vous ne pouvez plus rencontrer vos amis, même si vous pouvez le faire sur les réseaux sociaux, mais ça ce n'est pas des échanges corporels. Si vous ne laissez pas les gosses aller s'exciter ailleurs, aller décharger ailleurs, aller aimer ailleurs, aller se dégager, se différencier de cette famille, si vous les enfermez, si en plus ils sont immobilisés, Cet entre-soi nécessaire avec leur père devient un entre-soi avec la famille ou un entre-moi pour ceux qui sont les plus vulnérables et le risque d'implosion est plus important. C'est ce que nous a enseigné... La pandémie, l'environnement est central dans le développement de ces enfants et ces adolescents. Cet environnement doit aller suffisamment bien. S'il ne s'occupe pas d'aller suffisamment bien, les enfants vont aller plus mal. Sans être caricatural, les pédopsychiatres de mon âge se disent entre eux quelque chose qui n'est pas tout à fait vrai, mais qui n'est pas tout à fait faux. En général, les enfants et les adolescents que nous voyons viennent pour nous amener leurs parents. et pour qu'on s'occupe de leurs parents. Ils nous disent que le contenant familial ne va pas bien et que c'est pour ça qu'ils sont extrêmement agités. Occupons-nous des contenants, sinon le contenu va continuer à aller très mal. Merci de votre attention.

  • Speaker #1

    Merci. Je vais passer la parole à François Ancermé. qui est professeur honoraire de pédopsychiatrie à l'Université de Genève et à l'Université de Lausanne, psychanalyste, qui a été membre du Comité consultatif national d'éthique entre 2013 et 2021, qui est également l'auteur de nombreux ouvrages et qui a été à l'origine de la conception de la maison de l'enfance et de l'adolescence aux hôpitaux universitaires de Genève. François Ancermé, à vous.

  • Speaker #2

    Bon, merci pour l'invitation. Donc une table ronde, c'est l'occasion de se poser des questions à soi-même autour du thème santé mentale de l'enfant et devenir de l'enfant et de la société. Et au fond, qu'est-ce qu'on appelle santé mentale ? Il vient d'y avoir un avis du comité consultatif national d'éthique, l'AVI 147. où ils ont beaucoup hésité à savoir s'il fallait parler de psychiatrie, crise dans la psychiatrie ou crise dans la santé mentale. La santé mentale, on pourrait dire la maladie est privée, la santé est publique. La souffrance est privée, la santé est publique. Santé mentale, qu'est-ce qu'on appelle la santé mentale ? C'est autant en fonction de la façon dont on la considère que de la façon dont on y répond. Parce que la façon dont on y répond constitue le fait même de la santé mentale et qui elle-même est un miroir, voire une loupe grossissante de la société telle qu'elle évolue. Donc, quel est pour moi, dans la préparation de cette table ronde, l'enjeu majeur autour de la santé mentale des enfants ? Je me suis dit, c'est peut-être le point... C'est la question du déterminisme, notre façon de considérer le déterminisme, surtout quand on parle de la santé mentale des enfants, quand on parle de la psychiatrie d'enfants et d'adolescents, quand on parle de la périnatalité, quand on parle de la procréation et de la conception et de la grossesse. Tout ça mobilise la question du déterminisme en jeu. Et peut-être faudrait-il faire un jour les assises des déterminismes. les assises de la façon dont on considère le déterminisme. Pourquoi pas un forum européen de bioéthique sur les différentes conceptions du déterminisme entre génétique, société, neurosciences, psychanalyse, anthropologie, etc. Donc, avec aussi la question du risque performatif qui est présent dès lors qu'on est... psychiatre d'enfants et d'adolescents, pédopsychiatre, psychanalyste. Je dis parfois le risque du psychanalyste ou du psychiatre d'enfants et d'adolescents, c'est d'être un spécialiste de la prédiction du passé. Et qu'il y a toujours un risque performatif, déjà par le sujet lui-même. Je suis ce que je dis que je suis. Finalement, la... la question de la crise dans le genre et touche aussi au performatif. Ou bien tu es ce que je dis que tu es, etc. Un effet Pygmalion généralisé qui, au fond, est assez complexe puisqu'il y a une dimension de façonnage. Yann Hacking parlait de façonnage. Un lien complexe entre prédiction, capacité de prédire, Prévention et prescription. Un risque prescriptif au cœur des démarches. préventive et qu'au fond tout ça peut écarter peut-être le fait qu'on est aussi déterminé pour ne pas l'être. C'est au fond il y a un au-delà du déterminisme et que c'est aussi un enjeu pour le psychiatre d'enfants, le psychanalyste qui s'occupe d'enfants, d'adolescentes, de périnatalité, c'est de miser sur l'au-delà du déterminisme. de miser sur le hiatus, sur la béance, sur ce qui fait qu'on est aussi déterminé pour ne pas l'être. Miser sur la part non déterminée. C'est en jeu avec les neurosciences aussi, autour de la plasticité et tous les travaux que j'ai pu faire sur cette question-là avec mon collègue Pierre Magistretti, mais aussi sur la génétique qui bute sur la dimension de la différence individuelle, là où on pense trouver la répétition du même. Donc, effectivement... La santé mentale de l'enfant, c'est toute la tension, et l'attention, en un mot, à avoir entre d'où l'on vient et ce que l'on devient. Nous sommes des praticiens du devenir, mais bien que praticiens du devenir, on est peut-être trop pris par le fait de la réification de l'origine, surtout quand on est... immergé comme j'ai pu l'être dans le monde de la conception de la périnatalité et de ses enjeux. Il y a la clinique de l'origine mais il y a la clinique du devenir et notre pratique c'est une pratique qui mise sur un devenir possible. Donc la responsabilité de la pédopsychiatrie, la responsabilité du clinicien qui s'occupe d'enfants et d'adolescents, c'est d'aller dans le sens d'une réponse possible. Trouver les chemins d'une réponse possible. D'ailleurs, il y a peut-être une parenté, c'est pour ça que je commençais à me troubler en parlant, entre responsabilité et réponse. Il y a une parenté entre ces deux mots-là. De sa position, il s'agit que l'enfant puisse devenir Responsable, responsable d'un devenir. L'origine, disait Walter Benjamin, se prend dans le tourbillon du devenir. J'aime beaucoup cette phrase, on est tout le temps en train de renaître après coup, comme disait Rilke d'ailleurs, à un certain moment, on reconstitue quelque chose à partir d'un acte de naissance qui est dû à un hiatus. entre là d'où l'on vient et ce que l'on devient. Donc réponse, pratique de la réponse, pratique de la solution, une clinique de la solution, une logique de la réponse plutôt qu'une logique de la cause déterminante, peut-être est-ce la responsabilité de ce champ qui est le nôtre, c'est-à-dire de miser aussi sur les capacités d'invention des enfants. d'invention des enfants vers la fabrication d'un avenir possible. Et que, bon, alors où on en est par rapport à ça, dans ce qu'on appelle la crise de la psychiatrie ? Qu'est-ce que c'est que la crise de la psychiatrie ? Est-ce que c'est un malaise, elle est fonction du malaise dans la civilisation ? Est-ce qu'elle est fonction des malaises dans l'institution psychiatrique ? Est-ce qu'elle est fonction d'un certain malaise dans les savoirs ? En tout cas, une crise est toujours une occasion d'un changement. Une crise, c'est une croisée des chemins. Et on rencontre beaucoup de paradoxes dans cette crise. On pourrait énumérer des paradoxes. Par exemple, on a passé de la norme pour tous à chacun a. à chacun sa norme, voire même aux hors-normes pour tous. Donc, au fond, là, on a un basculement dans les pratiques de la norme qui implique une reconfiguration du champ qui est le nôtre. Si on se met dans le champ périnatal, on souffre tous d'amnésie infantile. Au fond, le fait de l'amnésie infantile fait qu'on n'a pas un accès vraiment... tel qu'on l'imagine, à la souffrance dans la toute petite enfance et que cette dimension-là devrait être remise sans cesse au travail. Et puis également dans les nouvelles démarches de fabrication des enfants, dont je ne vais pas parler ici, mais enfin qui reconfigurent énormément ce qu'on appelait jusqu'à maintenant de la famille par rapport à la façon de la concevoir. Peut-être qu'il n'y a plus que quelques Suisses égarés sur les montagnes Un jour blanc qui conçoivent les enfants de façon artisanale alors que la plupart des gens civilisés utilisent prédiction, procréation, gestation pour autrui, choix du spermatozoïde, choix de l'ovocyte. On ne peut pas laisser quand même à une pratique si bizarre qu'est la vie sexuelle la fabrication des enfants. Donc une crise où tout se reconfigure et au fond qui est peut-être pas une catastrophe mais l'occasion. de se dire on va vers un nouveau paradigme et qu'on est là peut-être à Strasbourg pour inventer les fondements de ce nouveau paradigme. Alors modestement, mais pas tout à fait, j'ai eu beaucoup de chance dans toute cette démarche. Effectivement, à Genève, on a pu constituer cette maison de l'enfance et de l'adolescence grâce aux liaisons avec la pédiatrie, la maternité, le... toutes les spécialités multidisciplinaires autour de l'enfant dans un lien commun et en mettant en jeu un lien à la cité et un lien à la culture qui nous a paru absolument central. Non pas exclure les enfants et les adolescents de la ville, mais inclure la ville dans un lieu. Genève, c'est la ville de Rousseau, de Piaget, de la Convention des droits de l'enfant de l'ONU. eh bien il n'y a pas, jusqu'à maintenant, il n'y avait pas un lieu de l'enfance et de l'adolescence, un lieu de culture, de cinéma, de radio, de théâtre, et qu'au fond on a créé ce lieu, et de telle façon que les jeunes viennent se faire soigner dans un lieu qui est le leur, qu'ils connaissent, qu'ils ont déjà rencontré, peut-être en termes... technique, mettre en jeu à la fois la dimension cure et la dimension care, prendre soin d'un lien, enfin bref, un hôpital autrement, qui est aussi une nouvelle façon de mettre en jeu à la fois les dimensions de l'intime et du collectif, parce qu'au fond, quand une situation, là, Maurice Corcos, brillamment a parlé de des situations tout à fait extrêmes, mais quand il y a une situation qui ne tient plus, c'est qu'il y a peut-être un lien qui s'est rompu, tant au niveau intime qu'au niveau collectif, et que notre œuvre consiste aussi à trouver un moyen de reconstituer ce qui s'est perdu. Donc une conception de la souffrance mentale, la souffrance psychique, pourquoi pas. pas de la maladie psychique comme une nouvelle allure de la vie. Merci pour votre attention.

  • Speaker #1

    Merci. Alors, je vais passer la parole à Serge Tisseron, qui est psychiatre, docteur en psychologie, membre de l'Académie des technologies, créateur des balises 36912 du jeu des trois figures et de l'Institut pour l'étude des relations. homme-robot, je crois aussi de l'Institut pour l'histoire de la mémoire et des catastrophes et l'auteur de nombreux ouvrages en plusieurs langues, certes ils seront c'est à vous

  • Speaker #3

    Merci beaucoup, merci de cette invitation alors beaucoup de choses ont déjà été dites, beaucoup beaucoup mais elles ont été dites par des psychiatres vous avez remarqué, donc les psychiatres c'est des gens qui voient les ados qui ne vont pas bien, alors heureusement vous avez eu d'autres tables rondes pendant ces rencontres, ou des sociologues des ethnologues... on peut plus aborder des aspects culturels. Alors, beaucoup de raisons vous ont été données pour lesquelles les ados vont mal. Il a été question des conflits, de l'intelligence artificielle, de la compétition scolaire, des réseaux sociaux, des dépressions parentales, de la petite enfance, de l'augmentation du coût de la vie. Et tout ça, finalement, rejoint bien ce que disait Julie Rowling en commençant, c'est-à-dire un ado tout seul, ça n'existe pas. Il est toujours inséré dans une famille, dans une culture, dans divers groupes de rattachement.

  • Speaker #0

    Alors je vais essayer d'apporter ma petite pierre à l'édifice, ma contribution, en mettant en relation deux choses, deux choses qui sont assez banales, que vous connaissez bien, qu'on a évoquées. Deux choses qui sont tout d'abord la dépendance matérielle de plus en plus grande des adolescents à leur famille, liée au fait qu'il y a une augmentation importante du coût de la vie, ils ne peuvent pas se loger de façon indépendante, ils restent dans leur famille, il y en a qui essayent de la quitter, qui sont obligés d'y revenir. Beaucoup, beaucoup sont aidés par leur famille, bien au-delà de ce qu'ils pouvaient être aidés il y a 10 ou 20 ans. Donc d'un côté, une dépendance accrue des adolescents à leur famille sur une période de plus en plus longue, et d'un autre côté, une dépendance accrue aux réseaux sociaux qui les bascule dans une culture complètement différente. Le problème n'est pas qu'ils aient cette dépendance à leur famille seulement, c'est pas qu'ils aient seulement cette dépendance aux réseaux sociaux, c'est que les deux sont en contradiction absolue. C'est ça le problème que je vais essayer de vous résumer en quelques mots. Alors cette dépendance aux réseaux sociaux, d'abord, il faut dire à quoi elle est liée. Elle est liée à beaucoup de choses. Elle est liée d'abord au fait qu'il y a de moins en moins d'endroits où les ados ou les pré-ados encore plus peuvent se rencontrer. Une sociologue de la ville, comme Valérie Gobbi, a même démontré que si les jeunes sont plus présents sur les réseaux sociaux de plus en plus, c'est parce qu'ils sont de moins en moins présents dans des espaces de rencontres physiques, parce qu'il n'y en a pas. très souvent et en plus s'il y en a leurs parents les dissuadent d'y aller parce qu'ils pourraient faire des mauvaises fréquentations donc plus ils sont interdits d'aller dehors, notamment le week-end les cours de récréation des écoles sont fermés pour les plus jeunes, les gymnases sont fermés très souvent donc ils se retrouvent sur les réseaux sociaux. Deuxième chose ceux qui ne sont pas performants à l'école essayent de se rattraper en popularité sur les réseaux sociaux. Puis troisième raison comme maintenant assez banale les algorithmes des réseaux sociaux qui regroupent les usagers par centre d'intérêt partagé donc Cette tension entre une dépendance matérielle de plus en plus grande au milieu familial, aux parents, et une dépendance psychologique de plus en plus grande aux potes, aux copains, aux camarades, aux groupes d'affiliation sur les réseaux sociaux, quelles conséquences ça a ? A mon avis, deux conséquences que je vais essayer de vous illustrer par deux symptomatologies qui sont apparues dans les services de psychiatrie et que je n'avais jamais vues quand j'étais moi-même. étudier en médecine ou médecin psychiatre. Tout d'abord, première question, si vous êtes toujours très dépendant de vos parents, mais complètement dans une culture différente, et que vous pensez que vos parents sont complètement has-been, comment vous allez payer votre dette ? Vous allez peut-être payer votre dette en adoptant un symptôme familial. Et il y a quelque chose qui est apparu, qu'on appelle le syndrome de Munchausen partagé. Le syndrome de Munchausen, vous savez, c'est le fait que quelqu'un se fasse mal et a été de la sollicitude auprès du corps médical. Ensuite, on a écrit... le syndrome de Munchausen par procuration, c'est en général des parents, plus souvent des mères, qui maltraitent leur bébé puis qui vont à l'hôpital pour demander qu'il soit soigné. Maintenant, on a décrit un syndrome de Munchausen partagé, c'est-à-dire des adolescents qui sont malmenés par leurs parents, qui sont blessés par leurs parents, qui adoptent une attitude de complicité active ou passive, partiellement consciente d'ailleurs, au service que leur imposent leurs parents. C'est-à-dire qu'ils sont complices, ils vont à l'hôpital. et éventuellement ils mentent sur la raison des troubles qui leur sont imposés. C'est ce qu'on appelle le minkhausen partagé, et c'est quelque chose qui est complètement nouveau, dont je n'avais moi jamais entendu parler. Et je pense qu'il faut réfléchir à ce genre de choses, non pas comme quelque chose qui risque de toucher beaucoup d'ados, mais comme un signe de la souffrance que rencontrent beaucoup d'ados dans cet écartèlement entre une dépendance matérielle aux parents qui ne savent pas comment compenser, d'autant plus qu'ils ont une dépendance psychologique de plus en plus importante à leur groupe social. Alors cette dépendance psychologique au groupe social, au groupe sur internet, au groupe d'affiliation, comment elle va se traduire par un autre type de symptomatologie sur laquelle mon attention a été attirée récemment ? Ce sont ces adolescents qui viennent en consultation en déclarant qu'ils ont un symptôme, qu'ils ont en général emprunté à un youtubeur qui dit l'avoir, et il y a un symptôme qui est très à la mode, c'est l'autisme. Vous savez, il y a même des psychiatres qui disent... La créativité et l'autisme sont très proches. Comme les youtubeurs veulent beaucoup prétendre être créatifs, il y en a un certain nombre qui ajoutent qu'ils sont autistes, évidemment. Voilà, autistes, créateurs, ça va bien ensemble. Donc, on a l'estampille de l'université. Et donc, il y a des youtubeurs qui mettent en avant leur autisme. Ils ont des followers. Et que font les followers ? Ils vont s'identifier aux youtubeurs également du point de vue du symptôme que le youtubeur met en avant. Alors, il y en a... Beaucoup prétendent avoir l'autisme, ils viennent en disant je suis autiste on les teste, on leur dit vous ne l'avez pas ils disent mais vous vous trompez Moi j'avais vu ça quand je faisais mes études pour souvent des personnes âgées, vivant seules et prétendant avoir un symptôme pour attirer l'attention du corps médical. Maintenant ce sont des ados et si on leur dit qu'ils n'ont pas l'autisme, ils sont embêtés parce qu'évidemment c'est une manière de se cacher eux-mêmes l'origine beaucoup plus complexe de troubles qu'ils peuvent avoir, notamment à travers des conflits parentaux. Il y en a même qui prétendent avoir des troubles bipolaires. Et puis même, j'ai entendu parler d'une épidémie de Gilles de la Tourette, dans une région de France, où il y avait un youtubeur connu dans la région. Et de proche en proche, il y avait un certain nombre de jeunes qui avaient déclaré avoir la maladie de Gilles de la Tourette. Et ils venaient d'ailleurs avec des tics, comme s'ils l'avaient. Et vous voyez, c'est donc une sorte d'affiliation poussée à son extrême à une pathologie qui est présentée par un youtubeur sur Internet. Ce qui est encore une fois une bonne manière de se cacher la complexité de l'origine de sa souffrance. Alors, je voudrais quand même dire que les réseaux sociaux, puisqu'on parle de la santé mentale, ils n'ont pas que des effets négatifs sur la santé mentale. Alors, vous savez qu'il y a une étude de l'UNICEF de 2018 qui dit que les réseaux sociaux permettent de lutter contre le sentiment de solitude, d'augmenter les amitiés existantes. Mais je voudrais élargir la question à un avis de la Commission européenne, puisque la Commission européenne a déclaré ceci par rapport à l'éducation par les pairs. dans les stratégies d'éducation à la santé, notamment à la santé mentale et notamment à la santé sexuelle. Je cite la Commission européenne. L'éducation par les pères, dans le PIRS évidemment, est une alternative ou un complément aux stratégies d'éducation à la santé traditionnelle. Cette approche repose sur le fait que lors de certaines étapes de la vie, notamment chez les adolescents, l'impact de l'éducation par les pères est bien plus grand que d'autres influences. Et comment est-ce que la même Commission européenne... de finir l'éducation par les pairs, je cite à nouveau, une approche éducationnelle qui fait appel à des pairs, personnes du même âge, de même contexte social, même fonction, éducation ou expérience, pour donner de l'information et pour mettre en avant des types de comportements et de valeurs. Et cette éducation par les pairs à la santé, elle fonctionne de deux façons sur Internet. D'abord par l'intermédiaire de youtubeurs et youtubeuses, puisqu'on trouve tout parmi les youtubeurs et youtubeuses. L'intérêt des youtubeurs et youtubeuses, c'est qu'ils assurent une relation verticale, ils peuvent donner des conseils, mais tous les followers après rentrent en contact entre eux et donc ça donne une éducation horizontale. Et puis il y a aussi tous ceux qui se réunissent entre eux, et d'ailleurs il peut y avoir des psychiatres, des éducateurs parmi eux, à condition qu'ils parlent le même langage que les jeunes, et ce sont ceux qui se reconnaissent dans un même parcours de vie. Ils utilisent l'anonymat pour aborder des questions qu'ils n'oseraient pas aborder avec leur vraie identité. Et puis, ils adoptent surtout un langage commun. Voilà. Donc, quelques mots de conclusion. Et pour qu'on ait le temps de discuter ensemble. Alors, je rejoins bien François Ancermette dans ce qu'il vient de dire. Si vous regardez votre adolescent tous les matins en lui disant avec un air de catastrophe comme s'il avait un cancer, ça va ? Bon, vous allez voir que bientôt, il ne va pas aller bien du tout. Donc méfiez-vous de ce qu'on appelle la prédiction qui se réalise. On dit les ados, ils vont mal, ils vont mal, ils vont mal. Oui, mais il y a aussi des signes qui montrent qu'ils vont bien, notamment leur engagement. Dès qu'on voit qui s'engage dans des associations pour la défense des espèces menacées, les maraudes, le soutien aux personnes âgées, la lutte contre le réchauffement climatique, c'est des jeunes. Alors ils ne s'engagent pas comme les seniors, ils ne s'engagent pas. dans des postes de responsabilité déclarés, ne veulent pas être trésoriers, ne veulent pas être vice-présidents, ne veulent pas être responsables de ceci ou cela. Mais ils s'engagent énormément sur des durées courtes et c'est peut-être finalement une manière de tenir compte du fait que tout évolue si vite, que ce serait vraiment un mensonge que prétendre s'engager sur des durées longues. Et puis, tout ça a un point commun, toutes leurs souffrances, à mon avis, ont un point commun. Et c'est là-dessus que je voudrais terminer. C'est qu'il y a une crise de confiance envers les autres, envers soi. Donc je pense que si on veut faire en sorte de... que les choses évoluent au mieux, il faut vraiment renforcer toutes les occasions qu'on a d'augmenter leur estime d'eux-mêmes. Voilà, et ça peut être par des concours éloquentia, valoriser les compétences extrascolaires. Voilà, et chacun dans sa famille peut trouver par où aborder son ou ses adolescents. Voilà, merci de votre attention.

  • Speaker #1

    Merci. Alors, merci à chacun pour la richesse de vos propos. Nous vous avons entendu défendre et je vais citer des choses qui m'auront sonné plus particulièrement à l'oreille, mais défendre l'environnement des enfants, leur accueil, leur écoute. L'idée que chaque adulte puisse assurer sa mission, les fonctions de contenant autour de l'enfance, la déstigmatisation, la clinique du devenir, le soin par les parents. père. Je reprends quelques éléments de ce que vous nous avez dit. Vaste programme et à la fois très porteur. Je ne doute pas que la salle a des questions par rapport à vos propos, Cyril. On va laisser la parole à la salle. On n'a qu'un seul micro dans la salle, mais il va circuler quand même, ne vous inquiétez pas. Il y a déjà une première question au premier rang.

  • Speaker #2

    Aurélien.

  • Speaker #1

    Bonjour, merci beaucoup pour vos présentations très riches. J'aurais une question à poser à M. Korkas sur les enfants et ses liens aux parents et à la mère. Alors déjà, j'ai cru comprendre que c'était finalement... Est-ce que c'est fonction du milieu social ou pas ? Déjà, et je ne pose pas cette question par hasard parce que maintenant que la nouvelle loi de bioéthique nous permet de pouvoir prendre en charge des femmes seules pour avoir un enfant, alors la démarche est bien sûr tout à fait différente, mais malgré tout, une fois que cet enfant est là, que la réalité rattrape le quotidien avec des nuits difficiles et parfois peu d'entourage autour, qu'est-ce que ça risque de donner même si l'histoire n'est pas la même ? et qu'on est plutôt sur un désir d'enfant et normalement une construction, je dirais, autour de cette situation antérieure à la naissance de l'enfant.

  • Speaker #2

    Oui, merci pour cette question extrêmement difficile. François a bien délimité le terrain, essayons d'éviter d'être déterministe. Pour tout un tas de raisons, je refuse de vendre des espérances. Je veux dire que dans la mythologie, lorsque la boîte de Pandore a été ouverte et que les plaies les plus horribles sont sorties pour détruire le monde, la dernière plaie c'est l'espérance. Je suis plutôt pour une action la plus précoce, la plus continue possible, pour les plus défavorisés. Je dis que oui, ce sont les milieux socio-économiques les plus défavorisés, les congrégations familiales les plus douloureuses, les histoires transgénérationnelles les plus traumatiques, avec la compulsion de répétition de génération en génération. Et je dis aussi que, ça c'est en amont, et j'en oublie, je dis qu'en aval, la réponse sociétale, qui est très importante pour infléchir ce qui pourrait être un déterminisme, pour sortir des voies de frayage de la répétition et pour ouvrir un champ de possible, cette réponse chez ces patients-là n'est pas adaptée et même elle est refusée. Il faut dire que ces patients ne nous aident pas, ils ne viennent pas en consultation. Quand ils viennent une fois, si l'accueil n'est pas probant, ils ne reviennent pas. Si on ne les relance pas, ils ne reviennent pas, si ce n'est six mois après, et que les choses se sont installées pour un nourrisson, bon, ils sont extrêmement difficiles. Ils sont casse-gueule, ils mettent en échec toutes les organisations, ils ne souhaitent pas traverser les angoisses qui ont été les leurs, ils préfèrent les réprimer, ils préfèrent les alexitimiser, les insensibiliser. Ils ont une nécessité économique, psychique, de vivre au jour le jour et pas de se poser, de s'arrêter pour travailler à bon. C'est cela qu'il faut aider parce que sinon, on peut imaginer assez aisément que si ça commence mal... Et si ça rentre dans cette fameuse compulsion de répétition, il n'y a pas de déterminisme, mais il y a l'idée d'un destin, d'un fatum. Et il y a même, pour évoquer le Munchausen par procuration et ensuite partagé, l'idée d'une communauté de détresse, l'idée de rester dans son milieu, ou comme le disent les adolescents, je ne cherche pas particulièrement à changer, je ne cherche pas le bonheur, je veux rester, excusez-moi l'expression, dans ma merde, dans ma crasse. dans mon habitus, comme disait Bourdieu, dans mon environnement. Et si cet environnement a été délétère, s'il a été négatif, je le préfère parce qu'il est dans la continuité avec ce que j'ai vécu plutôt que quelque chose de nouveau qui me change. Donc, évidemment, tout est ouvert pour tout un tas de raisons et y compris un nombre de choses considérables que nous méconnaissons des potentiels de développement de ces enfants. Et pour ce qui est d'évoquer la créativité... Je suis de ceux qui considèrent que... Alors, il faut s'entendre sur créativité et création. Je suis de ceux qui considèrent que, pour ce qui concerne la création, c'est-à-dire être auteur de quelque chose, pas simplement romancer ou transformer quelque chose. Il n'y a pas de création, on n'est pas auteur de quelque chose si on n'a pas une histoire adverse, faite de souffrances plus ou moins compliquées. On ne va pas s'emmerder la vie à reconstruire un monde. à générer un autre monde si le monde dans lequel on a vécu, dans lequel on vit, est suffisamment satisfaisant. C'est parce qu'il est insatisfaisant que nous avons besoin de nous déplacer et d'inventer ce monde. Si Balzac, qui a été évoqué hier, fait des milliers de pages pour la comédie humaine, c'est, dit-il lui-même, pour contrebalancer le code civil qui ne le reconnaît pas comme un enfant en vrai, mais comme un enfant naturel, bâtard vis-à-vis de sa mère. Donc, c'est patient. Ces sujets, pas ces patients, ces sujets ont une potentialité du fait de la contrainte qui s'exerce sur eux si on leur en donne les moyens d'être particulièrement créatifs. Donc mettons le paquet et je dis que c'est pas ce qu'on fait actuellement. Je profite de votre question pour développer encore un point que j'ai oublié tout à l'heure. Cette façon de dire que c'est l'ASE, que c'est la PJJ. Alors l'ASE, quand vous avez été agressé sexuellement et que vous êtes à l'ASE, vous avez 50% de risque d'être agressé par l'institution, par quelqu'un dans l'institution. Donc le contenant social reduplique ce que vous avez vécu. Si vous pouvez vous dégager de ça, même si le déterminisme n'existe pas, ça va être compliqué. Donc, la ZEU, c'est 50% des SDF sont des anciens de la fond de la ZEU. Donc, il n'y a pas de déterminisme, mais si c'est mal engagé, si la réponse sociale qui ne dit pas son nom dit que ce n'est pas de la psychiatrie, il ne faut pas s'en occuper, c'est de la protection judiciaire, c'est des maladies sociales, c'est des exclus, cette stigmatisation, avec le potentiel d'acceptation masochique de cette stigmatisation, va faire que ce... Ces déterminants multiples vont finir par être des déterministes et que le sujet va accepter cette identité. Attention aux familles monoparentales. Sans jugement, c'est très difficile d'élever un enfant tout seul. Il vaut mieux être deux pour trianguler, pour ne pas être dans la relation deux, qui est une relation qui est très passionnelle dans l'enfance et qui finit par la violence à l'adolescence. Trois, c'est trianguler, c'est différer, c'est diffracter, c'est déplacer. Il faut bien évidemment que le second, qu'il soit une femme ou un homme, ce n'est pas la question, mais qu'il soit là présent, soit de suffisamment bonne qualité, et qu'il ne soit pas quelqu'un qui passe et qui est violent, bien sûr.

  • Speaker #1

    Une autre question dans la salle ?

  • Speaker #0

    Merci pour toutes ces ouvertures et toutes ces analyses.

  • Speaker #1

    Une question de politique générale que je m'adresse à tous autour de cette table ronde. Pensez-vous que le fait que le politique... de manière générale ne privilégie pas la question de la jeunesse, on l'a vu notamment pendant la pandémie, c'est des professeurs d'université qui ont fini par s'apercevoir que les étudiants ne mangeaient pas à leur faim, il a fallu plusieurs mois. Donc pourquoi est-ce que le fait que le politique ne mette pas en avant la question de la jeunesse à sa juste place, comme dirait Anna Arendt, qu'en pensez-vous par rapport à tous les troubles que vous décrivez ? et à tous les problèmes que vous rencontrez. Monsieur Ancermet ?

  • Speaker #0

    Bon, écoutez, c'est celui qui n'est pas d'autre côté d'une frontière qui doit répondre à une question qui est assez... Moi je dirais, quand je vois, je prends de manière plus large, aussi même les organisations internationales qui règnent à Genève entre la Croix-Rouge, l'ONU et tous sortes de dispositifs, le risque, c'est toujours cette fameuse phrase je sais bien mais quand même C'est-à-dire qu'on a beau savoir certaines choses, Il y a une négation de ce que l'on sait dans le fait même de le savoir. C'était Octave Manoni qui avait mis cette phrase je sais bien mais quand même et j'ai l'impression que dans les discussions politiques, on en parle mais on y croit. On ne croit pas vraiment et on le voit et en fait on n'en prend pas les conséquences. Alors ça c'est un mécanisme intime mais qui touche quand même globalement la société. Oui, je pense que l'une des raisons est que les politiques prennent leur parti, qu'on évolue vers une société à deux vitesses, voire à trois vitesses, avec des jeunes très soutenus par leur milieu social du fait de leur origine et qui peuvent trouver un soutien, un renforcement de leur confiance en eux, la possibilité d'envisager le temps long. Parce qu'un possibilité d'envisager le temps long, c'est réservé à ceux qui grandissent dans des familles. dans lesquels on n'est pas constamment angoissé du lendemain. Donc d'un côté, des enfants qui grandissent dans les meilleures conditions possibles et qui peuvent présenter parfois des troubles mentaux, mais qui auront de bons psys à un prix qu'il faut pouvoir payer. Et puis un grand nombre d'individus qui sont considérés comme de toute façon amenés à avoir des postes sociaux sans trop d'importance, ou à être bientôt relayés par l'IA. et qui viendront engrossir les contingents du quart monde. Donc je pense que le problème vient du fait que beaucoup de politiques sont dans cette logique qui apparaît comme le stade suprême du capitalisme, on pourrait dire, pour joindre la formule de Karl Marx, c'est-à-dire le parti d'un libéralisme débridé, comme on voit actuellement aux États-Unis. dans lequel la majeure partie de la population est passée par perte et profit, pourvu qu'une petite partie de la population arrive à faire tourner la société et la faire évoluer vers des états technologiques supérieurs. C'est une situation qu'on voit en Inde, largement, quand vous voyez la quantité d'Indiens surdiplômés qui occupent des postes faramineux dans la Silicon Valley, et puis la masse des Indiens qui sont sous-nutris, sous-éducés, etc. Et il y a cette idée quand même que... C'est ce que certains ont théorisé sous le nom du long-termisme, qui est aujourd'hui une grosse tentation de beaucoup de monde. Vous avez vu les protestations des patrons, certains étant mécontents quand on envisage de revenir sur la suppression de postes d'enseignants. C'est l'idée qu'il y a des inégalités. Alors on ne dit pas d'où elles viennent, évidemment. Les meilleurs gagneront et les autres, de toute façon, ce n'est pas la peine de dépenser des fortunes pour essayer de les sortir de là où ils sont. parce que de toute façon, il risquerait d'y retomber compte tenu des conditions sociales. Voilà, donc je pense que c'est ça qui mine aujourd'hui et c'est ce dont il faut être conscient.

  • Speaker #1

    Madame Rodin voulait également réagir, puis M. Corcouz. Je rejoins ce que disait M. Tistron par rapport à la question du temps long. et que finalement accompagner ses enfants, prendre en charge ses enfants, on est d'une certaine manière à l'opposé d'une logique capitaliste ou d'une logique où finalement on aura une réponse immédiate par rapport à une action qu'on aurait pu mener. Je reprends aussi par rapport à quelques éléments sur... la trajectoire de ces enfants, il est extrêmement difficile de sortir de l'assignation à une place. Extrêmement difficile si vous prenez par exemple dans une famille ou dans un groupe de collèges, il y aura toujours celui qui fait le café, celui qui arrive à l'heure, celui qui rappelle à l'autre que c'est le jour de la réunion. Donc on voit bien comme socialement chacun d'entre nous est assigné à une place. Donc imaginez pour ces enfants qui ont des parcours de vie chaotiques. La manière dont le déterminisme, dont l'assignation à une place, ça peut être compliqué de sortir de ces trajectoires de vie et compliqué de sortir finalement dans des patterns de fonctionnement dans lesquels ils sont pris. Et souvent, je dis aux internes, ne rentrez pas dans le piège dans lequel ils tombent eux-mêmes. Et on est vraiment dans ces logiques où finalement, ces enfants-là fonctionnent peut-être pour certains différemment. rejeter l'autre, c'est se protéger parce qu'ils ont pu connaître des rencontres qui ont pu être violentes, qui ont pu être terrorisantes et ça nécessite pour l'autre, pour celui qui est amené à les prendre en charge, de changer de paradigme et vraiment de pouvoir changer de paradigme de fonctionnement y compris parfois quand moi j'arrive, docteur Holling, bienveillante avec un grand sourire auprès d'un de ces jeunes comment lui va me percevoir est-ce qu'il va me percevoir comme menaçante est-ce qu'il va se dire tiens ou Encore une qui est sympathique et puis dans quelques semaines, elle ne sera plus dans le circuit, etc. Donc, il y a à la fois la question de l'assignation à une place qui est très importante, y compris au niveau transgénérationnel, et à la fois des fonctionnements et des réflexes qui nous obligent à nous décaler. Sur les questions médico-économiques, peut-être j'ai moins d'expérience et de recul que mes collègues, mais quand même un petit peu, je dirais que cette logique du temps long... et de résultats qui peut-être ne seront pas immédiats, est-ce que c'est valorisant ou pas ? La question du je sais bien mais quand même est extrêmement intéressante parce qu'il y a une ambivalence dans le rapport à l'enfant du côté des adultes. Il y a une ambivalence et je dirais en tant que pédopsychiatre, il y a une infantilisation. Quand j'essaye de défendre dans des réunions, des dossiers ou des situations de mes patients, en tant que pédopsychiatre, Cette infantilisation, je la ressens. Je la ressens des fois quand j'appelle des collègues pour un de mes patients. La réduction à mon patient, je la ressens aussi. Donc nos décideurs, ceux qui sont amenés à prendre des décisions politiques, généralement, c'est quand même des personnes qui ont des capacités cognitives et sociales qui leur ont permis d'être en poste. Donc l'écart finalement entre ces enfants et les politiques. Il est énorme. Voilà.

  • Speaker #2

    Oui. Écoutez, notre ami François, qui est le Suisse à la table, n'a pas voulu répondre à notre sollicitation de répondre à la question de pourquoi les politiques français ne s'occupent pas de la jeunesse. Donc je ne vais pas m'aventurer à vous dire mon sentiment. Les gosses disent en ce moment... Alors les gosses, ils ont trois choses qui... Ou la désaffection des adultes par rapport à leur devenir les affole. L'écho, anxiété évidemment, la terre... Bon, et évidemment les adultes continuent à détruire la planète, leur planète, leur avenir. Ça, ils ne supportent pas. Les agressions sexuelles. par les adultes vis-à-vis des enfants et des adolescents qui se révèlent tous les jours de manière systémique. Enfin bon, ça, ils ne supportent pas non plus. Et puis il y a Parcoursup. Ce qui circule dans les écoles et dans les services, c'est faites vos voeux, rien ne va plus Donc, je ne sais pas ce qui fait que ces décideurs qui ont des fonctions cognitives supérieures... Mais des investissements libidinaux inférieurs vis-à-vis des enfants, je ne sais pas ce qui fait que ça ne fonctionne pas, mais je crois. Et mon point de vigie, ça a été dit, et mon point de vigie c'est le service de psychiatrie avec les cas difficiles, donc c'est un point de vigie extrême. Mais comme je considère que ces sujets ne sont pas exclus, qu'ils sont des adolescents normaux par ailleurs, et qu'ils nous disent ce qui risque d'arriver aux adolescents sains, je pense que si on ne fait pas attention... Le risque de désaffiliation, c'est-à-dire que ces gosses se désaffilient de la structure verticale qui est censée les élever et leur transmettre un certain nombre de valeurs et d'histoires. Et l'affiliation horizontale, les tribus, les pairs, les réseaux sociaux, cette désaffiliation verticale et affiliation horizontale va continuer à se développer. Je ne suis pas persuadé, moi qui pense qu'il faut que nos aînés nous transmettent. Puisqu'on est en train de fêter la libération des camps de concentration d'Auschwitz, il est essentiel que nos aînés nous transmettent la barbarie qui a pu arriver pour que nous puissions l'éviter dans les années qui viennent.

  • Speaker #1

    Merci. Une question dans la salle. En tant qu'adolescente, il me semblait normal de venir à cette conférence et je suis très touchée qu'aujourd'hui on fasse des conférences ouvertes à tout public pour parler de la santé mentale parce que je pense que c'est un sujet qui doit prendre plus d'ampleur et sachant qu'avant c'était un sujet qui était assez tabou, je suis contente qu'aujourd'hui on fasse des conférences ouvertes donc merci beaucoup.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'on peut se souvenir que la semaine dernière, un adolescent de 14 ans a été assassiné par un autre adolescent de 16 ans et que c'était la troisième occurrence en quelques mois d'un tel phénomène ? Ma question est sur la répartition. qu'on est obligé de faire entre éducation et vision vers le positif et répression. Est-ce qu'il n'y a pas aussi une carence de notre justice qui dit, ben t'es un mineur... L'excuse de minorité permet de faire tout ce qu'on veut. Et quand même, la sanction, c'est quelque chose qui marche dans l'espèce humaine. Ma question, Maurice Corcot, c'est est-ce qu'on peut guérir un sauvageon ?

  • Speaker #1

    Alors, il se trouve que cette histoire est dans mon secteur, donc je suis en effet impliqué et impacté. Alors, vous savez que va passer à l'Assemblée une discussion sur une modification du statut pénal, avec deux choses d'importance, puisque c'est radicalement différent de ce qui est pré-existé, c'est-à-dire pas d'excuses de minorité, comparution immédiate à partir de 16 ans, et le contenant familial qui n'a pas été... responsable, c'est les termes, doit payer pour cet adolescent qui est passé à l'acte, y compris autour de la question des allocations familiales. Première chose pour que ce soit bien clair et d'un point de vue psychopathologique, pas d'un point de vue moral ou autre. Un adolescent qui commet un passage à l'acte, quel qu'il soit, a fortiori s'il est meurtrier, si ceux qui s'en occupent ne le sanctionnent pas, Il n'y aura jamais de potentiel pour lui de réappropriation subjective de son acte, c'est-à-dire que psychiquement, on le laisse mourir. Donc la sanction doit être évidemment là et à la hauteur de ce qui... Mais si vous visitez les centres de détention à Porcheville, c'est comme ça que ça s'appelle, pour les mineurs, vous verrez que les conditions de détention, qui peuvent contenir une pulsionalité débordante pour des histoires traumatiques compliquées, a des effets de contenance, mais... Sans déterminisme, ce n'est pas sûr qu'on puisse se dégager ensuite d'un avenir un peu tracé. Donc oui, il faut qu'il n'y ait non pas répression, mais sanction. Et que celle-ci puisse permettre à ce sujet d'éviter une peine de mort psychique.

  • Speaker #2

    Guérir, je ne sais pas, mais comme tu sais, la médecine et notamment la psychiatrie, qui font partie de la médecine, sont très attachées à l'idée de prévention. Et donc, depuis quelques années, il y a quand même une conscience grandissante. La création des classes relais dans le cadre de l'éducation nationale, la création des classes pour élèves en rupture scolaire, le lancement de programmes pour développer les compétences empathiques, notamment le jeu des trois figures, avec plus ou moins de succès. Mais en tout cas, il y a beaucoup de gens aujourd'hui qui s'impliquent, notamment dans le cadre de l'éducation nationale, pour faire en sorte que le plus grand nombre possible d'enfants... soit tenu à l'écart de ce genre de risques. Et c'est vraiment autour de la prévention, à mon avis, avec son volet thérapeutique, son volet scolaire, son volet familial, qui doit être mis au centre des préoccupations. Il faut commencer dès la maternelle à travailler le respect de l'autre, la capacité de maintenir, de contenir ses émotions, de leur donner une utilité sociale, etc. Donc oui, c'est possible de faire une prévention dans ce domaine-là. Mais là aussi, les moyens qui sont accordés par le gouvernement sont très inférieurs à ce qui serait possible. Mais je ne parle pas non plus de la prévention dans le domaine des maternités, de la petite enfance, etc. Je voulais simplement dire qu'il y a aussi un volet scolaire qu'il ne faut pas oublier et que les enseignants, si on est ici, connaissent bien et qui est très, très important à connaître et à valoriser.

  • Speaker #3

    Alors on va conclure cette table ronde. Je vous propose de dire un mot de conclusion. Vous venez de parler de prévention sur cette question, sur autre chose, à tour de rôle.

  • Speaker #4

    J'ai enlevé mon micro qui passait autour de ma tête. Je ne m'attendais pas du tout à devoir donner une dernière phrase. Du coup, je suis surpris. Et c'est bien sur la surprise que je pourrais intervenir en disant que le champ de la santé mentale des enfants, par le fait aussi de quelque chose de particulier aux enfants, est ouvert à la surprise, à l'imprévisibilité du devenir. Et je crois que dans nos discussions, nous devons laisser la place à ce que certains appellent la serendipity. C'est-à-dire le fait de trouver autre chose que ce que l'on cherche, le fait de trouver autre chose que ce que l'on pense qu'il va arriver. Encore faut-il être attentif à ces formes nouvelles qui surgissent. Donc, accepter la surprise, comme je viens de le faire en répondant alors que je ne m'y attendais pas.

  • Speaker #5

    Peut-être, ça rejoint un peu la surprise, mais sur la question de la pulsion de vie, j'y pense parce qu'effectivement, à Mayotte, c'est des échanges que j'ai pu avoir avec des professeurs, des professeurs inquiets par rapport à ce qui a pu se passer sur l'île. Et de faire confiance aussi aux enfants parce que la question de la créativité... et de la pulsion de vie est inhérente à l'enfance. Et puis, s'agissant des professionnels, même si je suis pédopsychiatre, je crois que la question des moyens et cet effet de contenance systémique est nécessaire dans tous les champs qui sont impliqués autour de l'accompagnement et de prise en charge des enfants.

  • Speaker #1

    Le pessimisme doit engager à l'action. L'action qu'on pourrait avoir sur un point simple, précis, et qui pourrait avoir une efficacité assez grande, c'est les maternités. Il faut qu'il y ait un psychiatre en maternité. Il faut trouver le psychiatre, mais enfin, il faudra mettre un psychiatre en maternité, des psychologues, ensuite de couche, et en précoération médicalement assistée. Il faut former les sages-femmes, former nos collègues pour un dépistage. immédiat pour une prévention primaire pour éviter que les choses s'engagent mal. C'est quelque chose à faire de très rapidement et il faut arrêter avec les maternités usines. On ne peut pas accoucher et sortir en deux jours. Quand ça va très mal, il faut rester quelques jours suffisamment à temps pour que ce psychiatre arrive. Merci.

  • Speaker #2

    On a évoqué très justement les parents qui vont mal, les parents en souffrance, les parents qui ont besoin d'être aidés, d'être conseillés, d'être soutenus. Mais il y a des parents qui assurent un soutien à leur enfant, qui sont attentifs à lui, mais ils limitent ce soutien à un seul domaine, la réussite scolaire. Et ça c'est terrible, parce qu'aujourd'hui les pré-ados et surtout les ados... sont très soucieux d'acquérir des compétences dans beaucoup de domaines que les parents ne connaissent pas, à commencer par les compétences numériques. Et si les parents n'ont d'yeux que pour les résultats scolaires, il en résulte une crise de confiance, un sentiment d'incompréhension, du découragement. L'institution scolaire ne reconnaît absolument pas toutes les compétences extrascolaires, et c'est un vrai drame, il y a beaucoup d'appels en ce sens-là, mais c'est très très long à développer. Mais en revanche, peut-être c'est plus facile. aux parents soucieux de leur enfant, de leur conseiller de s'intéresser à tous les autres domaines auxquels leur enfant peut s'intéresser que les résultats scolaires. A commencer par les jeux vidéo, par la musique, par les réseaux sociaux. Et les parents n'ont pas seulement à y gagner en connaissance de leur enfant, en confiance mutuelle, mais ils ont aussi beaucoup à y gagner en termes de compréhension de la nouvelle société dans laquelle nous rentrons, parce que la culture des jeunes d'aujourd'hui... Ce n'est pas la culture des jeunes d'aujourd'hui, c'est la culture des adultes de demain. Et comme la vie est longue, nous continuerons à avoir à faire longtemps cette culture des adultes de demain, qui est celle des ados d'aujourd'hui.

  • Speaker #3

    Merci à nos experts pour la richesse de leurs apports, pour les perspectives que vous nous ouvrez. et qui amèneront sans doute toutes les personnes qui sont venues nombreuses écouter nos experts, j'espère des perspectives et des pensées.

  • Speaker #5

    On se retrouve dans quelques instants pour parler de bien-être.

  • Speaker #3

    A tout de suite.

Description

Forum Européen de Bioéthique 2025 : Santé mentale & Bioéthique


La santé mentale de nos enfants


Ils ne sortent plus. Ils ne communiquent plus et passent leur temps, la tête penchée sur un écran. Les jeunes vont mal, entendons-nous. Il n’y aurait plus d’âge pour déprimer. Certains se mutilent, cessent de s’alimenter, ont des pratiques à risque. Ils ne croient plus en rien, mais ils sont prêts à tout. Et s’ils n’ont plus d’espoir, ils rêvent encore d’un monde meilleur.

Est-ce vraiment nouveau ?

On incrimine l’éducation, la guerre ou le COVID. La jeunesse souffre et les adultes ne semblent pas tous prendre la mesure de la situation. Pourtant, si la jeunesse est l’avenir du monde, il nous incombe d’aller voir de plus près ce qu’ils ont dans la tête.


Avec:


François Ansermet, Professeur honoraire de pédopsychiatrie, Université de Genève, Université de Lausanne, Membre du CCNE de 2013 à 2021, Psychanalyste


Maurice Corcos, Psychiatre, Psychanalyste, Chef de service du département de Psychiatrie de l'Institut Mutualiste Montsouris - Paris


Julie Rolling, Pédopsychiatre, Service de Psychiatrie de l'Enfant et de l'Adolescent, Centre Régional du Psycho-Traumatisme Grand-Est Alsace-Nord, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg


Serge Tisseron,Psychiatre, Dr en psychologie HDR, Co responsable du DU de Cyberpsychologie (Paris Cité)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous et bienvenue pour ceux qui nous rejoignent dans cette salle de l'Aubette et derrière vos écrans sur le site internet du Forum. Nous nous retrouvons pour traiter d'une nouvelle question, à savoir la santé mentale de nos enfants. Et pour ce faire, nous avons une modératrice qui est elle-même pédopsychiatre spécialiste du bébé. Et je passe la parole tout de suite donc à Sarah Sananès.

  • Speaker #1

    Bonjour, alors... Merci à tous d'être venus nombreux pour écouter nos experts. La santé mentale des enfants, thème de ces tables, alors thème à la fois ambitieux, actuel, intemporel. On est tous réunis autour de ce thème et on est tous concernés par ce thème. On l'a entendu dans les précédentes tables rondes dans les derniers jours, les troubles psychiatriques sont très fréquents. Dans les suites de nombreuses... crise de société, la crise Covid est souvent mentionnée pour ne citer que celle-là. Les problèmes de santé mentale ne cessent d'augmenter, notamment chez les plus jeunes, et ça pose des nouveaux défis de société. Grande cause nationale 2025, rapport et constats épidémiologiques qui se succèdent pour sensibiliser, alerter, alerter sur ces questions de santé mentale, de société, alerter aussi sur la crise de la pédopsychiatrie. Alors, On reçoit de la santé mentale dès le plus jeune âge, de la santé mentale des enfants, des adultes qu'ils deviendront. C'est donc un enjeu majeur de santé publique. Et la pédopsychiatrie vit pourtant une crise majeure et systémique. On a la chance cet après-midi d'avoir un panel d'experts pour aborder ces questions et pour aborder les enjeux que recèle ce sujet. Alors je vais sans plus attendre leur passer la parole. On va commencer par écouter Julie Rowling, pédopsychiatre au 100... au sein du service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent des hôpitaux universitaires de Strasbourg, au sein du centre régional de psychotraumatisme Grand Est et maître de conférences des universités. Tu es très engagée dans ces différentes actions de pédopsychiatrie et au sein de la filière du centre de psychotraumatisme Grand Est Alsace-Nord. Je te passe la parole.

  • Speaker #0

    Merci, merci. pour cette invitation à cette table ronde. Et puis, merci aux organisateurs du Forum de bioéthique de permettre qu'un tel espace de pensée, d'échange et de dialogue existe à Strasbourg et dans la cité. Je trouve que c'est extrêmement important. Alors, le titre de cette table ronde est santé mentale et enfance. Un vaste sujet, un sujet peut-être difficile à circonscrire. et qui pour la pédopsychiatre que je suis a convoqué la notion de trouble et de trouble psychique, c'est-à-dire d'altération affectant la manière dont une personne pense, ressent, se comporte ou interagit avec son environnement. Les troubles psychiques englobent donc toute altération de la santé mentale, qu'elle soit transitoire ou durable, et se distinguent d'une certaine manière des pathologies psychiatriques. Alors les troubles psychiques chez les enfants et les adolescents constituent un sujet d'importance. Je vais, étant donné que ma pratique est largement auprès d'adolescents, je vais axer plutôt sur cette population. Pour vous dire qu'environ 15% des adolescents en France souffrent d'un trouble psychique diagnostiqué, c'est les chiffres de santé publique France de 2023. Et que la moitié des troubles psychiatriques chez l'adulte débutent avant 14 ans. Il y a donc une importance majeure à les repérer, à les diagnostiquer et à les prendre en charge. C'est évident et c'est indéniable. Alors comment peut-on expliquer cette augmentation ? Est-ce qu'on repère davantage ces troubles ou est-ce qu'il y a une augmentation ? Il y a sans conteste ces dix dernières années une déstigmatisation des troubles psychiques qui est globalement bénéfique parce qu'elle favorise l'accès aux soins, elle réduit l'exclusion sociale et elle améliore la qualité de vie des personnes que l'on est amené à rencontrer. Lorsque j'étais interne il y a une dizaine d'années, c'était un petit peu honteux d'aller voir le psy Aujourd'hui, je ne dirais pas que c'est à la mode, mais régulièrement, quand je vais chercher un ado en salle d'attente et qu'il est au téléphone, avant de raccrocher, il dit je raccroche, j'ai rendez-vous avec ma psy Et je dirais que l'ambiance est différente et c'est une très bonne chose. Et puis, parler de santé mentale chez les adolescents, le docteur Sananès l'a dit, on ne peut pas le faire sans penser au Covid. Le Covid, cette pandémie mondiale qui a... touché l'ensemble de la population et qui, d'une certaine manière, a constitué un modèle expérimental unique. À un moment donné, l'ensemble de la population a été touchée par un même événement stressant. Et je dirais que là encore, pour la pédopsychiatre que je suis, c'est venu confirmer des éléments que mes maîtres ont pu transmettre, c'est-à-dire que dans le développement de l'enfant, qui est un sujet en construction. Il y a des périodes clés, il y a des périodes de vulnérabilité durant lesquelles le psychisme, le cerveau de l'enfant est plus vulnérable et plus réceptif par rapport aux facteurs externes et par rapport à l'environnement. Bien sûr, la petite enfance, mais également l'adolescence. Là encore quelques chiffres. Début 2021 par rapport aux années précédentes, pour les moins de 15 ans, une augmentation de 80% des passages aux urgences. Pour les 12-17 ans... une augmentation de 59% des consultations pour troubles du comportement alimentaire, 43% d'augmentation pour les épisodes dépressifs, 36% pour les idées suicidaires. Alors que se passe-t-il ? Que s'est-il passé ? Quand on imagine l'adolescence, il faut vraiment imaginer ces adolescents qui vont vivre des changements qui vont les traverser. Des changements physiques, bien sûr, l'accession à la puberté. Le changement du corps, la sexualisation et ces changements physiques et neuropsychologiques sous-tendent un certain nombre de changements psychiques qui se caractérisent par la question de l'autonomisation par rapport aux parents, la projection dans l'avenir, le rapport au monde qui peut changer. L'ensemble de cette traversée de l'adolescence va permettre aux jeunes de parfaire leur construction identitaire. Il faut imaginer que c'est un petit peu une tempête, une tempête intérieure qui, pour certains, se transforme en ouragan. Et la résultante de cette tempête qui traverse nos jeunes va dépendre de deux facteurs. Leur fondation, ce qu'on pourrait appeler les assises narcissiques et identitaires, ce qui est hérité de leur enfance. Et puis, les appuis extérieurs, l'objet externe, leur environnement. En ce sens-là, il est intéressant de penser les troubles non pas d'une manière purement physiologique, mais en réutilisant un vieux modèle de Engel qui date de 1977, le fameux modèle biopsychosocial qui pense les troubles psychiques comme l'interaction de facteurs biologiques, psychologiques et sociaux au sens de l'environnement au sens large, que ce soit le réseau social, le soutien familial.... le niveau économique, le stress environnemental. Alors pourquoi est-ce que c'est intéressant de penser les choses de cette manière ? Parce que penser les choses de cette manière met d'emblée en évidence la marge d'action possible à l'échelle d'une société pour améliorer la santé des plus jeunes. Pour tout vous dire, il y a à peu près 36 heures, j'étais encore dans l'avion qui me ramenait de Mayotte, de craindre réfléchir parce que je n'arrivais pas à dormir, ce que j'allais vous dire aujourd'hui. Et alors il me revenait les paroles des enseignants puisque notre mission de cellule d'urgence médico-psychologique avait pour but de venir en appui aux enseignants pour leur permettre d'accueillir les élèves au moment de la rentrée du 27 janvier qui est la grande rentrée au niveau de l'océan Indien. Et ces professeurs nous disaient, qu'est-ce qu'ils nous disaient ? Ils nous disaient on n'est pas psy. Qu'est-ce qu'on va dire le jour de la rentrée ? Comment on va accueillir la parole des élèves ? Et moi, dans ma tête, je me disais... Mais c'est justement en étant enseignant qu'ils vont être thérapeutiques, c'est justement en faisant leur métier qu'ils vont pouvoir introduire quelque chose d'une contenance psychique pour ces enfants qui, après Shido, doivent absolument retrouver une vie, je dirais, la plus normale possible, en tous les cas quelque chose d'une ritualisation et quelque chose de familier. Et donc... Peut-être que l'un des enjeux de la société actuelle serait que chaque adulte puisse occuper sa fonction pour un enfant, ni plus ni moins, que cette place ne soit pas escamotée ni désertée, et que moyennant cet aspect-là, une contenance systémique à l'échelle de la société puisse réapparaître. C'est la raison pour laquelle ce que je vous propose... c'est un petit peu de prendre quelques-uns des troubles pour essayer de les discuter en regard des évolutions sociétales, pour essayer de comprendre l'impact de notre environnement actuel sur les jeunes. Si on prend par exemple la question des troubles anxieux, depuis entre 2020 et 2021, plus 30% de troubles anxieux chez les adolescents et globalement, finalement, cela traduit toute la question de l'angoisse. et de la majoration de l'angoisse. Si on prend le refus scolaire anxieux, le fait que les adolescents évitent ou que le fait d'aller à l'école soit quelque chose d'anxiogène pour eux et qu'on regarde les chiffres, mais en 2023, 10,9% des jeunes, 10,9% d'absentéisme, alors qu'en 2011, l'absentéisme scolaire aussi est entre eux. 1,9 et 3,2%. Et en consultation quotidienne en CMP, que disent les adolescents ? Les adolescents qui justement ont du mal à aller à l'école. Ils disent, est-ce que je vais être capable d'y aller ? Est-ce que je vais être capable de réussir ? Et est-ce qu'on va m'accepter ? Est-ce que les autres vont m'accepter ? Est-ce que ça va bien se passer ? Autrement dit, est-ce qu'on va m'aimer ? Alors jusque-là... ces questions de capacité et ces questions finalement de est-ce qu'on va m'aimer ? ce sont des questions non spécifiques qui transcendent l'humanité et qui sollicitent l'axe narcissique et affectif de chacun de nous. Alors on peut se poser en quoi ce serait différent en 2024 ? En quoi ce est-ce que je vais être capable en 2024 ? résonne différemment ? Il y a un certain nombre de réponses. Est-ce qu'on est dans une société plus perfectionniste ? Est-ce que la peur de l'échec est plus importante dans un monde globalisé ? Est-ce que la pression sociale, activée par les réseaux sociaux, active ces troubles ? Peut-être. Est-ce que l'intelligence artificielle change les paradigmes vis-à-vis de l'enseignement ? Et est-ce que quand on est un parent et qu'on dit à son jeune c'est important d'aller à l'école pour que tu aies un bon métier plus tard Quel sens ça prend alors qu'il suffit de taper sur l'intelligence artificielle, sur ChatGPT, rédige-moi une rédaction d'histoire sur tel ou tel sujet ? Est-ce que la question de demain, c'est d'apprendre l'information, comme on l'a toujours fait, ou est-ce que c'est d'apprendre à trouver la bonne information ? D'une certaine manière, on pourrait dire que la modernité favorise l'évitement. Est-ce que ChatGPT favorise l'évitement de l'apprentissage ? communiquer à partir des réseaux sociaux favorise l'évitement relationnel ? Est-ce qu'en tant qu'adulte, on est dans une forme d'évitement par rapport à certains de nos jeunes ? J'aimais beaucoup, il y a quelques années, j'avais lu Serge Tisseron L'enfant au risque du virtuel et vous abordiez le fait que les jeunes étaient sur les réseaux sociaux et que ça leur permettait de faciliter l'entrée en relation comme un nouveau marivaudage. Et effectivement, L'idée n'est pas de fustiger les réseaux sociaux qui apportent beaucoup de choses, mais d'essayer peut-être d'appréhender aussi leurs limites. J'évoquais la question de la contenance systémique. Sigmund Baumann, qui est sociologue, parle de société liquide, d'instabilité, d'individualisation, du caractère éphémère des structures traditionnelles. On pourrait discuter de tous ces aspects-là au moment des questions. cas, il y a un enjeu majeur de cohérence, de continuité et peut-être de pouvoir créer des espaces de sens et d'appartenance, peu importe l'identité d'appartenance, pour nos jeunes, même si c'est pour qu'ils viennent et surtout pour qu'ils puissent les discuter et puis peut-être aussi s'y opposer. Ces questions de refus scolaire anxieux, de phobie scolaire, elles posent aussi la question du rapport au corps réel. Quand on est devant son écran et qu'on ne se confronte pas à l'autre, qu'on n'entre pas en relation à l'autre, je dirais, physiquement, puisque bien sûr dans la réalité il y a rencontre, même si elle est sur les réseaux sociaux, eh bien ce rapport au corps réel il est important parce que La société contemporaine, qui est marquée par l'hyperconnectivité et la digitalisation des interactions, l'absence de contact corporel et physique modifie le rapport à soi, le rapport à l'autre, et surtout modifie ce qu'on pourrait appeler l'ancrage existentiel. C'est comme s'il s'opérait une dissociation entre le corps et l'échange humain, qui peut favoriser l'émergence de l'angoisse. Parce que... Notre corps est le premier médiateur du réel et qu'il permet de structurer l'expérience au monde et le rapport à l'autre. Je ne rentrerai pas dans les détails, mais ne serait-ce que les interactions physiques. Les interactions physiques sont riches d'indices inconscients qui nous permettent de nous ajuster à l'autre et peut-être d'une certaine manière de diminuer. nos inhibitions. La charge cognitive qui est liée au traitement de l'information sur les réseaux sociaux, avec les messages instantanés. À titre individuel, quand je fais un cours en visio, c'est beaucoup plus stressant que devant vous aujourd'hui. Parce que je me dis est-ce que ça va marcher ? Ça ne va pas marcher. Je ne peux pas m'appuyer sur le regard de l'autre pour m'ajuster. Il y a le fil de discussion qui vient en même temps. Donc, autant d'éléments stressants. Et ce n'est peut-être pas par hasard si les adolescents d'aujourd'hui vont de plus en plus à la salle de sport. Depuis deux ou trois ans, j'ai remarqué qu'ils vont tous à la salle. Sans doute qu'il y a un enjeu narcissique et un enjeu au niveau de l'image de soi. Mais peut-être aussi qu'il y a quelque chose de l'ancrage existentiel qu'ils tentent de retraverser. Un autre aspect...... autour des troubles des comportements alimentaires. 5% d'augmentation des consultations pour anorexie et boulimie après le Covid. Comment l'expliquer ? Alors assez facilement, une pression sur l'image corporelle qui sera amplifiée par les réseaux sociaux, une valorisation de normes esthétiques irréalistes, l'accès à des communautés encourageant les troubles des conduites alimentaires. Autant finalement de matériel qui, il y a quelques années, n'était pas disponible et qui sans doute participe aussi à l'augmentation de ces troubles. Et puis je terminerai sur quelques mots par rapport au suicide. Le suicide, en France, c'est la deuxième cause de décès chez les 15-24 ans. C'est une cause de décès évitable. Sans simplifier les choses, puisque la dynamique du passage à l'acte suicidaire c'est un phénomène extrêmement complexe et multifactoriel, il n'empêche que ces dernières années, la place du cyberharcèlement et l'impact du cyberharcèlement sur les passages à l'acte suicidaire est extrêmement important. Là encore, le harcèlement scolaire ou les jeunes qui pouvaient être mis de côté dans une classe, ça a toujours existé. Mais ce qui change avec les réseaux sociaux, ce qui change la donne, c'est l'effet de masse, le fait que ce n'est peut-être pas une personne ou deux personnes qui vous agressent, mais des dizaines, des centaines. L'effet de dépossession, si vous essayez de réagir, souvent il y a des phénomènes de horde où finalement ça va emballer les réponses négatives des autres jeunes. Le fait qu'il y ait une trace qui reste sur internet, autant d'éléments qui sont extrêmement compliqués à vivre pour les plus jeunes. Mais peut-être ce qui change aussi, c'est la question du regard. La question du regard à l'adolescence, c'est un point extrêmement important. On est tous à la recherche du regard de l'autre, qu'on espère validant. Aujourd'hui, j'espère avoir un regard validant de votre part. C'est plutôt assez humain. Ça nous permet de nous rassurer nous-mêmes, de nous réconforter. Et on pourrait dire qu'il y a cinq types de regards. Le regard qu'on a sur soi-même, un regard qui va alimenter l'image de soi, c'est-à-dire la représentation mentale qu'on a. de nous-mêmes. Les psychanalystes passent par l'image spéculaire du soi qui désigne la manière dont une personne se perçoit en fonction du regard des autres et cette perception de nous-mêmes nous la développons en fonction de ce que les autres pensent. Ce qui convoque finalement la sollicitation du regard d'un autrui significatif pour le jeune. Ça peut être un parent, ça peut être ça peut être un ami, un autrui qui sera un point de référence pour le jeune. Jusque-là, les choses sont assez classiques. Et puis, peut-être que les réseaux sociaux apportent d'autres éléments par rapport à cette question du regard. Dana Boyd parle d'audience imaginée, c'est-à-dire à partir du moment où les jeunes postent des contenus sur Internet, toute l'audience qui va être imaginée. Pour ceux qui habitent dans des villages ou dans des endroits où l'anonymat n'est pas très important, l'audience imaginée peut être plus ou moins terrorisante. Alors si on imagine l'audience imaginée sur les réseaux sociaux, là aussi ça peut avoir des effets anxiogènes. Un autre aspect, les personnes jamais rencontrées physiquement. Un certain nombre d'adolescents discutent sur les Ausha ou alors sur les jeux vidéo avec des personnes qu'ils n'ont jamais rencontrées physiquement. Et ce n'est pas un problème. Le seul problème, c'est qu'on n'a jamais rencontré l'autre. Et là aussi, on peut se poser la question de l'imaginaire qui est convoqué. L'imaginaire convoqué par rapport à l'autre et surtout par rapport à soi, avec une énigme qui reste entière. C'est-à-dire, si un jour je rencontre vraiment cette personne dans la réalité, qu'est-ce que cette autre va-t-il penser de moi ? Et puis, peut-être le dernier regard. pourrait être le regard de l'intelligence artificielle. Le regard de l'intelligence artificielle, parce que cette interface numérique, elle fonctionne à partir d'algorithmes. Et ces algorithmes, ils sont basés, programmés, programmés pour répondre à des contenus chargés émotionnellement. Et à partir de là, il y a un certain nombre de biais cognitifs qui se mettent en place. ce qu'on appelle la bulle algorithmique, qui fait qu'en fonction du contenu qu'on va chercher, le contenu qui va nous être reposé sera plus ou moins similaire. Sans compter les groupes sur lesquels les jeunes vont, des groupes qui créent des oligopoles cognitifs, où finalement, assez facilement, une sélection va se faire avec des groupes de personnes qui vont vous renvoyer, peu ou prou, une pensée assez similaire à ce que vous pensez. On peut se dire jusque-là que c'est plutôt positif, puisqu'on se retrouve entre soi. C'est plutôt positif, sauf que cette simplification des points de vue haute d'emblée toute possibilité de solution alternative qui peut avoir des effets d'angoisse. Donc voilà, en quelques mots, peut-être de souligner quelques points pour vous sensibiliser à ce dans quoi les jeunes sont pris actuellement. J'espère que ces points ont peut-être modifié un petit peu votre regard. Mais peut-être ce que j'avais envie de vous dire, c'est qu'être un adulte de référence pour un enfant ou pour un adolescent, être un bon parent... Ça n'existe pas, pour reprendre Winnicott, ça ne signifie pas être parfait, ni tout savoir, mais peut-être être à l'écoute de son enfant, valider ses ressentis sans forcément valider ses actions, être cohérent et continu avec l'enfant et avec soi-même, avec ses valeurs, tout en gardant à l'esprit que tout ne se joue pas en une seule fois. Et que si jamais il y a eu des loupés, il y a toujours possibilité aussi de se rattraper.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup. Je vais passer la parole à Maurice Corcos, qui est professeur de psychiatrie, psychanalyste, chef de service du département de psychiatrie de l'Institut Mutualiste Montsouris à Paris. Il est également l'auteur de nombreux ouvrages sur l'adolescence et il dirige et anime un séminaire psychanalyse et littérature depuis une vingtaine d'années. Maurice Corcos, c'est à vous.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup. Bravo à Madame Rowling qui a dit l'essentiel. Merci aux organisateurs. A Aurélien, à Maud, à Israël, cette invitation à venir réfléchir avec vous sur cette question, à échanger, à discuter. Je ne dis pas merci aux organisateurs pour les sièges de cette année. Nous sommes d'accord. Bon, donc si je me casse la figure, ça sera dû aux sièges, évidemment. Bon, Mme Ronning a dit beaucoup de choses très importantes. Essentiel, je vais m'atteler, si vous permettez, à rester dans mon champ d'expérience clinique. celui qui est le mien depuis une trentaine d'années, c'est-à-dire l'accueil, la réception, l'écoute, l'accompagnement, le soin d'adolescents particulièrement difficiles, difficiles étant un euphémisme. Ce service qui a 30 lits d'hospitalisation, 40 lits d'hôpital de jour, qui a une action de prévention primaire en périnatalité, s'est attelé par nécessité à s'occuper de plus en plus de ces adolescents dits difficiles, avec une structure qui s'appelle Étape et qui s'occupe des plus difficiles, c'est-à-dire des adolescents qui ont commis des crimes ou des délits et qui sont sous injonction judiciaire de soins. Pourquoi je vous parle de ces patients-là ? Parce que ce sont les sujets, les patients les plus fréquents en psychiatrie, en termes d'hospitalisation, de consultation. Infiniment plus fréquents que les anorexies mentales, les boulimies, que les spectres autistiques, que les hyperactivités, que les questions d'identité de genre, ce dont on parle régulièrement, très régulièrement, un peu partout. On ne parle pas de ces adolescents difficiles. pour tout un tas de raisons que je vais essayer d'expliciter et qui me semblent importants. Ces adolescents difficiles, c'est un euphémisme, c'est ce qu'on appelle aussi les patients borderline, les patients limite, c'est ce qu'on appelle aussi, dans des termes beaucoup plus stigmatisants, les sauvageons, les barbares. Et je vais arrêter là sur les termes stigmatisants qu'on peut apposer, étiqueter à ces sujets. Ces sujets sont toujours d'actualité, mais tout particulièrement pendant la crise Covid et la série de confinements. J'évoquerai aussi l'impact de ces séries de confinements et de cette crise Covid sur ce type de patients-là, puisque le moins qu'on puisse dire, c'est qu'ils n'ont pas pu bénéficier des soins appropriés, et encore moins que les autres patients, pour tout un tas de raisons que je vais essayer d'expliquer. Ces adolescents difficiles, vous les connaissez, c'est ceux qui font la une des journaux, c'est ceux qui sont très hétéroagressifs. Et vous avez pu remarquer que le démarrage de cette hétéroagressivité n'est plus dans la post-adolescence adulte jeune, mais même dans la pré-puberté. On voit de plus en plus de jeunes être particulièrement agressifs, si ce n'est violents, si ce n'est meurtriers. Même chose d'ailleurs pour les tentatives de suicide. Les tentatives de suicide que nous voyons actuellement, ne sont plus de même intensité. On les voit chez des patients non plus exceptionnellement comme auparavant chez des patients très jeunes, 8, 9, 10 ans. Et puis, ce n'est plus tout à fait la prise de médicaments avec l'aspiration à renaître de ses cendres le lendemain comme un phénix et de se retrouver narcissiquement avec le corps tout à fait intègre, puisque les médicaments n'ont pas altéré ce corps. Non, nous voyons tous les services voient de plus en plus des pondaisons. Nous voyons de plus en plus des défenestrations et pendant la crise Covid, ça a été particulièrement important et ça a été dit. Les troubles des conduites alimentaires ont été multipliés, les tentatives de suicide jusqu'à par 3 et le nombre de suicides jusqu'à 25% supplémentaire. Ces patients, vous les connaissez, c'est ceux qui sont toxicomanes. Toxicoman à la cocaïne, au crack, à l'ecstasy, selon l'endroit où vous habitez bien sûr. Dans les quartiers chic, c'est de la cocaïne et c'est évidemment moins dangereux. Et dans les quartiers moins chic, c'est du crack et c'est évidemment plus délétère et massivement et rapidement délétère. Cocaïne, crack, ecstasy, binge drinking, alcoolisme. Brutale avec des fonds et risque bien sûr d'accidents dramatiques. C'est chez les filles, ils trouvent des conduites alimentaires mais pas comme avant.

  • Speaker #0

    Avant la pandémie, nous qui sommes relativement spécialisés dans la trousse des conditions alimentaires, nous recevions des patientes qui avaient une structuration anorexique qui les tenait. Ils avaient une identité de compensation qui n'était ni fille ni garçon, anorexique, dans une affirmation phallique, avec une anorexie restrictive qui tenait. Mais là, on ne voit quasiment plus d'anorexie restrictive, avec un symptôme qui les contient. Elles sont très rapidement débordées. Leur anorexie ne tient pas, ne défend pas les angoisses psychiques sous-jacentes. Elles sont massivement mixtes, boulimiques et déjà très rapidement toxicomanes, un certain nombre de psychotropes et au binge drinking. Elles sont aussi massivement, quand elles arrivent, avec des pertes de poids extrêmement importantes et brutales. Elles ne prennent pas, comme d'habitude, une courbe sur plusieurs mois, si ce n'est semestre, avant de maigrir. Non, elles sont massivement maigres de manière très importante. Et l'hyperactivité chez elles prend une importance vraiment démesurée, qui témoigne, selon les psychopathologues, du fait que cette hyperactivité leur permet de contenir leur excitation interne de manière plus intense. Et si elles sont plus hyperactives, c'est que cette tension est beaucoup plus intense. Donc les symptômes, les syndromes ne sont pas constitués, ils sont très rapidement débordés. Les passages à l'acte hétéroagressifs ou autoagressifs sont plus importants. Les stratégies thérapeutiques mauvaises, morbides, sous forme d'addiction ne tiennent pas. Il y a un risque d'implosion tellement important que l'externalisation s'impose et qu'elle-même ne suffit pas puisque le passage à l'acte suicidaire est plus fréquent. Ces patients, nous les suivons depuis des années et ils sont de plus en plus rejetés, y compris par la psychiatrie qui les appelle des cas sociaux. Il les appelle les cas du vendredi soir, le bébé qu'il faut refiler aux voisins. Ceux qui ne sont pas pour nous, ceux qui sont pour la protection judiciaire, ceux qui sont pour l'ASE, l'aide sociale à l'enfance. Certains mêmes psychiatres évoquent l'idée que ce ne serait pas de la psychiatrie. Ce qui fait que, par rapport à ce qu'a dit Mme Holling, tout dépend comment vous prenez le bio-psycho-social. Soit vous mettez le bio au démarrage. et vous mettez les budgets de recherche pour rechercher une vulnérabilité génétique biologique qui serait à l'origine des troubles psychologiques, qui serait à l'origine des troubles sociaux. Soit, et où l'un n'est pas exclusif de l'autre, ils sont complémentaires, vous faites une socio-psycho-bio. Rien n'empêche de penser que des événements sociaux, et la pandémie étant un, entraînent des dérèglements psychologiques majeurs qui ont des conséquences biologiques. Évidemment, si... Un phénomène social entraîne des phénomènes psychologiques. Chez quelqu'un qui a une vulnérabilité biologique, les conséquences sont beaucoup plus importantes. Donc ce n'est pas dynamique du tout. Mais je suis effaré du fait que nous sortons à peine de la pandémie et des confinements et qu'on n'envisage pas de mettre des budgets de recherche sur les facteurs sociologiques qui sont à l'origine des désorganisations et qu'on continue à mettre des budgets de recherche massivement sur une biomédecine. Je ne dis pas que ça n'a pas son importance, mais bon. Pourquoi je vous dis ça ? Parce que ces patients, ces états limites, ces fonctionnements limites, ces borderlines, ces barbares, ces sauvages, sont des maladies sociales, des maladies sociétales. Si vous étudiez leur biographie, elle est massivement marquée par des traumatismes effarants, depuis l'enfance et même dans le transgénérationnel. Si nous avons mis un psychiatre... Les deux psychologues en maternité, c'est parce que nous voulons avoir une action de prévention primaire sur cette mère qu'on voit qui est seule, qui est toxicomane, qui a été abandonnée quasiment dès la naissance de l'enfant par le père en question, ce père étant en général violent et qui, à la maternité, vient à toucher d'un enfant et qui a besoin d'une prévention primaire immédiate si on veut avoir un impact sur le devenir de cet enfant. Vous me direz, est-ce que c'est fréquent ou pas ? Je vais vous donner les chiffres. Pour ce qui est des patients que je suis et qui sont sous injonction judiciaire, les patients les plus difficiles, ces adolescents difficiles, nous avons des chiffres qui sont effarants. Ce ne sont pas des petits chiffres. C'est 90% de ces familles, ce sont des familles monoparentales, avec une femme seule et des enfants, avec une enfance qui se passe relativement bien, mais évidemment à l'adolescence, avec les modifications pubertaires. massive, avec la transformation de l'agressivité en potentialité meurtrière, avec la transformation de la possibilité fantasmatique d'avoir un enfant dans la réalité de la voix. cette action de violence vis-à-vis de la mère qui nous amène évidemment à prendre en charge cette adolescence. Donc nous avons une action de prévention primaire en maternité parce que nous pensons que c'est là que ça se joue et que c'est là que commence ce qu'on appelle dans le service la dérive des contenants. Ça a été dit par Madame Rowling, c'est très important qu'une mère soit suffisamment bonne pour son enfant pour qu'elle puisse le porter, l'accompagner, l'accorder, le réfléchir, le penser, le rêver, le baigner, tout un tas de choses importantes. dans la relation transcorporelle, psychique, affective. Si cette femme est seule, si cette femme est en général d'origine étrangère, immigrée, si cette femme a été abandonnée par son ami, son mari, son compagnon d'un soir, vous savez que dans les séparations, dans les divorces, les femmes se retrouvent dans une situation économique massivement plus difficile qu'avant. Si donc économiquement c'est précaire, Si nous sommes dans un environnement qui est adverse de l'autre côté du périphérique, cette femme va avoir plus de difficultés de s'occuper de cet enfant. Le contenant maternel qui doit s'occuper de ce contenu, ce contenant qui est conteneur, qui va ruisseller tout un tas d'histoires transgénérationnelles plus ou moins traumatiques pour élever cet enfant, va être en difficulté. C'est ce qu'on appelle pour aller vite, et ce n'est pas que ça, la dépression maternelle pendant la maternité, dans les suites du cours. couche au postpartum dans les premiers mois, cette dépression maternelle, une mère ralentie, déprimée, n'a pas la capacité, ça n'a pas une question d'intentionnalité, c'est une question de capacité impossible du fait du ralentissement de s'occuper naturellement de cet enfant. Ce premier contenant a été défaillant, le développement va être problématique du fait de ce tuteur de développement. Arthur Rimbaud l'évoquait, quand vous commencez à naître aux accidents, dans un pays où l'émotion ne se distille pas de manière naturelle, évidemment, ça commence mal. Deuxième contenant, le contenant de la diade mère-enfant, le père. Je vous l'ai dit, pour ces patients, il n'est pas là. Je ne vais pas développer un discours sur la question de l'autorité du père, être auteur d'eux, pas simplement d'avoir une fermeté pour tenir, pour limiter, pour contenir le débordement pulsionnel de l'enfant, mais si ce père n'est pas là, si cette mère est seule, évidemment, la situation est plus compliquée. Troisième contenant autour de cette merde, de ce duo, de cette diade, et autour de ce trio, théoriquement la société doit pouvoir aider à accompagner ces familles, en particulier les familles les plus difficiles. Et bien là nous sommes dans un état de déliquescence, de délitement et de dérive de ces contenants. Je ne vais pas évoquer la déliquescence si ce n'est la dérive du contenant politique. Mais l'instabilité politique actuelle, évidemment, n'est pas de bonne tenue, puisque quasiment tout est gelé sur les autres contenants qui vont venir et qui sont importants, par exemple celui de l'éducation nationale. Le contenant de l'éducation nationale, il suffit d'interroger les proviseurs, les enseignants, ce qu'on leur donne à faire avec des effectifs et des discontinuités de présence, évidemment plus importantes de l'autre côté du périph'que dans la ville lumière. Cette absence de professeurs suffisamment... expérimenter cette absence de continuité de présence, cette absence d'effectifs, ces adolescents beaucoup plus difficiles, ces classes surchargées, ces problèmes d'identité, enfin tout ce que vous savez, tout ça est très difficile à gérer et ce contenant l'éducation nationale qui doit permettre la séparation d'avec un milieu familial, qui doit permettre de s'élever à une certaine culture qui permet de se dédifférencier à l'adolescence, ce qui est fondamental pour l'adolescent pour éviter d'être absorbé. aliéné à un environnement familial adverse, ne joue pas son rôle. Ne joue plus son rôle ou ne joue pas suffisamment son rôle, malgré évidemment l'investissement de tous ses professeurs. Mais derrière ce contenant de l'éducation qui n'arrive pas à jouer son rôle, un autre contenant a été totalement désorganisé, c'est évidemment le contenant de la santé. Nous avons vu avec le confinement, pour tout un tas de raisons que vous connaissez, un contenant santé qui ne répondait pas, qui n'avait pas une réactivité suffisamment importante pour pouvoir contenir les débordements pulsionnels, les passages à l'acte hétéroagressifs, autoagressifs, les automutilations, les toxicomanies. Là encore, avec une disparité extrême à Mayotte, évidemment, Mme Rowling pourrait vous en parler, mais dans les quartiers nord de Marseille, c'est un an et demi pour avoir un rendez-vous. Ce n'est pas la même chose que dans le 5e, 6e arrondissement, bien évidemment. Il y a un an et demi pour avoir un rendez-vous, c'est un échec scolaire qui est enterriné, et donc une dépression du fait de la dévalorisation et de la marginalisation qui s'aggravent, et donc une accélération des symptômes qui ont amené ce patient à consulter. La désagrégation du contenant éducatif, du contenant social, Ça accompagne aussi d'une désagrégation du contenant policier et de la justice. Sans entrer dans des débats politiques, ce n'est pas la question. Nos amis policiers ont affaire à des violences de plus en plus extrêmes et la contenance, la limitation peut tourner à la répression. Pour avoir été juré dans une cour d'assises récemment, la contenance judiciaire, du fait du débordement des dossiers pour les juges des affaires familiales, qui sont effarants jusqu'à un an, un an et demi, deux ans, date... avant d'avoir une mort, surtout en cas d'agression sexuelle. Vous savez qu'il faut en moyenne 4 ans pour que le dossier arrive. S'il arrive, et ensuite dans 4-5% des cas, il y a une judiciarisation. Pendant ce temps-là, le sujet est encore confronté à la situation adverse dans laquelle il vient de révéler. Donc ce contenant policier, ce contenant judiciaire, ce contenant sanitaire, ce contenant éducatif, ce contenant familial, sont dans une certaine détresse. Je n'ai pas dit qu'ils étaient manichéens volontaires et qu'ils tuaient nos enfants. Je dis qu'il est dans une certaine détresse. Et je dis tout de suite que la situation française est infiniment meilleure que bon nombre de situations, y compris européennes. Ce n'est pas la question. Nos enfants vont mieux que bon nombre de pays européens. Toujours est-il que si j'insiste sur le fait que ces patients n'ont pas subi une mutation génétique, que toutes les études sur les vulnérabilités biologiques ne montrent rien. Ces gosses n'ont pas été contenus, portés, élevés et sans tuteur de développement suffisamment bon ou avec un tuteur de développement qui va très mal et qui colonise, qui empiète, qui vampirise cet enfant, ça ne lui permet pas un développement suffisamment sécure. Et alors, cette excitation intérieure qui est la sienne, qui n'arrive pas à être entendue par la santé, par l'éducation, par la famille, par le politique, si elle ne veut pas... Arriver à une implosion doit se défléchir vers l'extérieur, et ce qui explique, nous, le passage à l'acte extrêmement important. Quand une famille n'arrive pas à être suffisamment tendre avec son enfant parce qu'elle est prise par la dépression, par une détresse intérieure, par une situation économique, par l'abondance d'un mari, etc. Il y a un phénomène très important, là aussi quasi mécanique, pas manichéen, pas pervers. Le phénomène, c'est que... Cette mère qui n'arrive pas à suffisamment contenir cet enfant qui commence à déborder à l'adolescence alors qu'il était un enfant lumière pendant toute l'enfance, contre-investit en emprise cet enfant. Elle essaye de le contenir par un excès de contraintes, ce qui évidemment entraîne en retour un excès de pulsionalité. Ce contre-investissement en emprise, c'est pour ça que je dis dérive, pas simplement déliquescence. Vous le voyez aussi au niveau éducatif, où les contraintes qu'imposent les éducateurs à les enseignants, à ces adolescents, ne sont pas contenables, soutenables par ces adolescents. Nous, les psys, qui manquons d'effectifs, qui manquons de continuité de présence, nous devenons maltraitants pour ces enfants parce que nous sommes maltraités par les contenants au-dessus de nous. Et donc, nous faisons la même chose que ces parents, nous faisons un contre-investissement d'emprise, c'est-à-dire que nous mettons contention, isolement. médicaments psychotropes, si ce n'est sismothérapie. Au plus pressé, pour contenir la pulsualité, plutôt que de l'accueillir avec un effectif suffisant pour essayer de la contenir, de la comprendre, de l'écouter. Même chose évidemment au niveau policier, au niveau judiciaire. Donc la dérive des contenants, c'est que de ne pas être suffisamment bien, les adultes, face à des enfants qui ont à vivre aussi des événements considérables comme la pandémie, par exemple, ces enfants nous regardent, sont très attentifs. à l'anxiété, l'angoisse, la dépression, si ce n'est la désorganisation qui nous prend. Ça les affole considérablement. Ils nous testent en étant violents. Si nous répondons à cette violence par une répression, sans un accueil, sans une écoute, le cercle vicieux va s'organiser et va s'enteriner. La pandémie, c'est démonstratif de quelque chose. C'est que la famille est le dernier refuge. Mais qu'il ne faut pas que ça dure trop longtemps. Lorsque quelqu'un vous dit que vous n'allez plus à l'école à partir de mars 2020, on ne sait pas combien de temps ça va durer, vous restez en famille, vous ne pouvez plus rencontrer vos amis, même si vous pouvez le faire sur les réseaux sociaux, mais ça ce n'est pas des échanges corporels. Si vous ne laissez pas les gosses aller s'exciter ailleurs, aller décharger ailleurs, aller aimer ailleurs, aller se dégager, se différencier de cette famille, si vous les enfermez, si en plus ils sont immobilisés, Cet entre-soi nécessaire avec leur père devient un entre-soi avec la famille ou un entre-moi pour ceux qui sont les plus vulnérables et le risque d'implosion est plus important. C'est ce que nous a enseigné... La pandémie, l'environnement est central dans le développement de ces enfants et ces adolescents. Cet environnement doit aller suffisamment bien. S'il ne s'occupe pas d'aller suffisamment bien, les enfants vont aller plus mal. Sans être caricatural, les pédopsychiatres de mon âge se disent entre eux quelque chose qui n'est pas tout à fait vrai, mais qui n'est pas tout à fait faux. En général, les enfants et les adolescents que nous voyons viennent pour nous amener leurs parents. et pour qu'on s'occupe de leurs parents. Ils nous disent que le contenant familial ne va pas bien et que c'est pour ça qu'ils sont extrêmement agités. Occupons-nous des contenants, sinon le contenu va continuer à aller très mal. Merci de votre attention.

  • Speaker #1

    Merci. Je vais passer la parole à François Ancermé. qui est professeur honoraire de pédopsychiatrie à l'Université de Genève et à l'Université de Lausanne, psychanalyste, qui a été membre du Comité consultatif national d'éthique entre 2013 et 2021, qui est également l'auteur de nombreux ouvrages et qui a été à l'origine de la conception de la maison de l'enfance et de l'adolescence aux hôpitaux universitaires de Genève. François Ancermé, à vous.

  • Speaker #2

    Bon, merci pour l'invitation. Donc une table ronde, c'est l'occasion de se poser des questions à soi-même autour du thème santé mentale de l'enfant et devenir de l'enfant et de la société. Et au fond, qu'est-ce qu'on appelle santé mentale ? Il vient d'y avoir un avis du comité consultatif national d'éthique, l'AVI 147. où ils ont beaucoup hésité à savoir s'il fallait parler de psychiatrie, crise dans la psychiatrie ou crise dans la santé mentale. La santé mentale, on pourrait dire la maladie est privée, la santé est publique. La souffrance est privée, la santé est publique. Santé mentale, qu'est-ce qu'on appelle la santé mentale ? C'est autant en fonction de la façon dont on la considère que de la façon dont on y répond. Parce que la façon dont on y répond constitue le fait même de la santé mentale et qui elle-même est un miroir, voire une loupe grossissante de la société telle qu'elle évolue. Donc, quel est pour moi, dans la préparation de cette table ronde, l'enjeu majeur autour de la santé mentale des enfants ? Je me suis dit, c'est peut-être le point... C'est la question du déterminisme, notre façon de considérer le déterminisme, surtout quand on parle de la santé mentale des enfants, quand on parle de la psychiatrie d'enfants et d'adolescents, quand on parle de la périnatalité, quand on parle de la procréation et de la conception et de la grossesse. Tout ça mobilise la question du déterminisme en jeu. Et peut-être faudrait-il faire un jour les assises des déterminismes. les assises de la façon dont on considère le déterminisme. Pourquoi pas un forum européen de bioéthique sur les différentes conceptions du déterminisme entre génétique, société, neurosciences, psychanalyse, anthropologie, etc. Donc, avec aussi la question du risque performatif qui est présent dès lors qu'on est... psychiatre d'enfants et d'adolescents, pédopsychiatre, psychanalyste. Je dis parfois le risque du psychanalyste ou du psychiatre d'enfants et d'adolescents, c'est d'être un spécialiste de la prédiction du passé. Et qu'il y a toujours un risque performatif, déjà par le sujet lui-même. Je suis ce que je dis que je suis. Finalement, la... la question de la crise dans le genre et touche aussi au performatif. Ou bien tu es ce que je dis que tu es, etc. Un effet Pygmalion généralisé qui, au fond, est assez complexe puisqu'il y a une dimension de façonnage. Yann Hacking parlait de façonnage. Un lien complexe entre prédiction, capacité de prédire, Prévention et prescription. Un risque prescriptif au cœur des démarches. préventive et qu'au fond tout ça peut écarter peut-être le fait qu'on est aussi déterminé pour ne pas l'être. C'est au fond il y a un au-delà du déterminisme et que c'est aussi un enjeu pour le psychiatre d'enfants, le psychanalyste qui s'occupe d'enfants, d'adolescentes, de périnatalité, c'est de miser sur l'au-delà du déterminisme. de miser sur le hiatus, sur la béance, sur ce qui fait qu'on est aussi déterminé pour ne pas l'être. Miser sur la part non déterminée. C'est en jeu avec les neurosciences aussi, autour de la plasticité et tous les travaux que j'ai pu faire sur cette question-là avec mon collègue Pierre Magistretti, mais aussi sur la génétique qui bute sur la dimension de la différence individuelle, là où on pense trouver la répétition du même. Donc, effectivement... La santé mentale de l'enfant, c'est toute la tension, et l'attention, en un mot, à avoir entre d'où l'on vient et ce que l'on devient. Nous sommes des praticiens du devenir, mais bien que praticiens du devenir, on est peut-être trop pris par le fait de la réification de l'origine, surtout quand on est... immergé comme j'ai pu l'être dans le monde de la conception de la périnatalité et de ses enjeux. Il y a la clinique de l'origine mais il y a la clinique du devenir et notre pratique c'est une pratique qui mise sur un devenir possible. Donc la responsabilité de la pédopsychiatrie, la responsabilité du clinicien qui s'occupe d'enfants et d'adolescents, c'est d'aller dans le sens d'une réponse possible. Trouver les chemins d'une réponse possible. D'ailleurs, il y a peut-être une parenté, c'est pour ça que je commençais à me troubler en parlant, entre responsabilité et réponse. Il y a une parenté entre ces deux mots-là. De sa position, il s'agit que l'enfant puisse devenir Responsable, responsable d'un devenir. L'origine, disait Walter Benjamin, se prend dans le tourbillon du devenir. J'aime beaucoup cette phrase, on est tout le temps en train de renaître après coup, comme disait Rilke d'ailleurs, à un certain moment, on reconstitue quelque chose à partir d'un acte de naissance qui est dû à un hiatus. entre là d'où l'on vient et ce que l'on devient. Donc réponse, pratique de la réponse, pratique de la solution, une clinique de la solution, une logique de la réponse plutôt qu'une logique de la cause déterminante, peut-être est-ce la responsabilité de ce champ qui est le nôtre, c'est-à-dire de miser aussi sur les capacités d'invention des enfants. d'invention des enfants vers la fabrication d'un avenir possible. Et que, bon, alors où on en est par rapport à ça, dans ce qu'on appelle la crise de la psychiatrie ? Qu'est-ce que c'est que la crise de la psychiatrie ? Est-ce que c'est un malaise, elle est fonction du malaise dans la civilisation ? Est-ce qu'elle est fonction des malaises dans l'institution psychiatrique ? Est-ce qu'elle est fonction d'un certain malaise dans les savoirs ? En tout cas, une crise est toujours une occasion d'un changement. Une crise, c'est une croisée des chemins. Et on rencontre beaucoup de paradoxes dans cette crise. On pourrait énumérer des paradoxes. Par exemple, on a passé de la norme pour tous à chacun a. à chacun sa norme, voire même aux hors-normes pour tous. Donc, au fond, là, on a un basculement dans les pratiques de la norme qui implique une reconfiguration du champ qui est le nôtre. Si on se met dans le champ périnatal, on souffre tous d'amnésie infantile. Au fond, le fait de l'amnésie infantile fait qu'on n'a pas un accès vraiment... tel qu'on l'imagine, à la souffrance dans la toute petite enfance et que cette dimension-là devrait être remise sans cesse au travail. Et puis également dans les nouvelles démarches de fabrication des enfants, dont je ne vais pas parler ici, mais enfin qui reconfigurent énormément ce qu'on appelait jusqu'à maintenant de la famille par rapport à la façon de la concevoir. Peut-être qu'il n'y a plus que quelques Suisses égarés sur les montagnes Un jour blanc qui conçoivent les enfants de façon artisanale alors que la plupart des gens civilisés utilisent prédiction, procréation, gestation pour autrui, choix du spermatozoïde, choix de l'ovocyte. On ne peut pas laisser quand même à une pratique si bizarre qu'est la vie sexuelle la fabrication des enfants. Donc une crise où tout se reconfigure et au fond qui est peut-être pas une catastrophe mais l'occasion. de se dire on va vers un nouveau paradigme et qu'on est là peut-être à Strasbourg pour inventer les fondements de ce nouveau paradigme. Alors modestement, mais pas tout à fait, j'ai eu beaucoup de chance dans toute cette démarche. Effectivement, à Genève, on a pu constituer cette maison de l'enfance et de l'adolescence grâce aux liaisons avec la pédiatrie, la maternité, le... toutes les spécialités multidisciplinaires autour de l'enfant dans un lien commun et en mettant en jeu un lien à la cité et un lien à la culture qui nous a paru absolument central. Non pas exclure les enfants et les adolescents de la ville, mais inclure la ville dans un lieu. Genève, c'est la ville de Rousseau, de Piaget, de la Convention des droits de l'enfant de l'ONU. eh bien il n'y a pas, jusqu'à maintenant, il n'y avait pas un lieu de l'enfance et de l'adolescence, un lieu de culture, de cinéma, de radio, de théâtre, et qu'au fond on a créé ce lieu, et de telle façon que les jeunes viennent se faire soigner dans un lieu qui est le leur, qu'ils connaissent, qu'ils ont déjà rencontré, peut-être en termes... technique, mettre en jeu à la fois la dimension cure et la dimension care, prendre soin d'un lien, enfin bref, un hôpital autrement, qui est aussi une nouvelle façon de mettre en jeu à la fois les dimensions de l'intime et du collectif, parce qu'au fond, quand une situation, là, Maurice Corcos, brillamment a parlé de des situations tout à fait extrêmes, mais quand il y a une situation qui ne tient plus, c'est qu'il y a peut-être un lien qui s'est rompu, tant au niveau intime qu'au niveau collectif, et que notre œuvre consiste aussi à trouver un moyen de reconstituer ce qui s'est perdu. Donc une conception de la souffrance mentale, la souffrance psychique, pourquoi pas. pas de la maladie psychique comme une nouvelle allure de la vie. Merci pour votre attention.

  • Speaker #1

    Merci. Alors, je vais passer la parole à Serge Tisseron, qui est psychiatre, docteur en psychologie, membre de l'Académie des technologies, créateur des balises 36912 du jeu des trois figures et de l'Institut pour l'étude des relations. homme-robot, je crois aussi de l'Institut pour l'histoire de la mémoire et des catastrophes et l'auteur de nombreux ouvrages en plusieurs langues, certes ils seront c'est à vous

  • Speaker #3

    Merci beaucoup, merci de cette invitation alors beaucoup de choses ont déjà été dites, beaucoup beaucoup mais elles ont été dites par des psychiatres vous avez remarqué, donc les psychiatres c'est des gens qui voient les ados qui ne vont pas bien, alors heureusement vous avez eu d'autres tables rondes pendant ces rencontres, ou des sociologues des ethnologues... on peut plus aborder des aspects culturels. Alors, beaucoup de raisons vous ont été données pour lesquelles les ados vont mal. Il a été question des conflits, de l'intelligence artificielle, de la compétition scolaire, des réseaux sociaux, des dépressions parentales, de la petite enfance, de l'augmentation du coût de la vie. Et tout ça, finalement, rejoint bien ce que disait Julie Rowling en commençant, c'est-à-dire un ado tout seul, ça n'existe pas. Il est toujours inséré dans une famille, dans une culture, dans divers groupes de rattachement.

  • Speaker #0

    Alors je vais essayer d'apporter ma petite pierre à l'édifice, ma contribution, en mettant en relation deux choses, deux choses qui sont assez banales, que vous connaissez bien, qu'on a évoquées. Deux choses qui sont tout d'abord la dépendance matérielle de plus en plus grande des adolescents à leur famille, liée au fait qu'il y a une augmentation importante du coût de la vie, ils ne peuvent pas se loger de façon indépendante, ils restent dans leur famille, il y en a qui essayent de la quitter, qui sont obligés d'y revenir. Beaucoup, beaucoup sont aidés par leur famille, bien au-delà de ce qu'ils pouvaient être aidés il y a 10 ou 20 ans. Donc d'un côté, une dépendance accrue des adolescents à leur famille sur une période de plus en plus longue, et d'un autre côté, une dépendance accrue aux réseaux sociaux qui les bascule dans une culture complètement différente. Le problème n'est pas qu'ils aient cette dépendance à leur famille seulement, c'est pas qu'ils aient seulement cette dépendance aux réseaux sociaux, c'est que les deux sont en contradiction absolue. C'est ça le problème que je vais essayer de vous résumer en quelques mots. Alors cette dépendance aux réseaux sociaux, d'abord, il faut dire à quoi elle est liée. Elle est liée à beaucoup de choses. Elle est liée d'abord au fait qu'il y a de moins en moins d'endroits où les ados ou les pré-ados encore plus peuvent se rencontrer. Une sociologue de la ville, comme Valérie Gobbi, a même démontré que si les jeunes sont plus présents sur les réseaux sociaux de plus en plus, c'est parce qu'ils sont de moins en moins présents dans des espaces de rencontres physiques, parce qu'il n'y en a pas. très souvent et en plus s'il y en a leurs parents les dissuadent d'y aller parce qu'ils pourraient faire des mauvaises fréquentations donc plus ils sont interdits d'aller dehors, notamment le week-end les cours de récréation des écoles sont fermés pour les plus jeunes, les gymnases sont fermés très souvent donc ils se retrouvent sur les réseaux sociaux. Deuxième chose ceux qui ne sont pas performants à l'école essayent de se rattraper en popularité sur les réseaux sociaux. Puis troisième raison comme maintenant assez banale les algorithmes des réseaux sociaux qui regroupent les usagers par centre d'intérêt partagé donc Cette tension entre une dépendance matérielle de plus en plus grande au milieu familial, aux parents, et une dépendance psychologique de plus en plus grande aux potes, aux copains, aux camarades, aux groupes d'affiliation sur les réseaux sociaux, quelles conséquences ça a ? A mon avis, deux conséquences que je vais essayer de vous illustrer par deux symptomatologies qui sont apparues dans les services de psychiatrie et que je n'avais jamais vues quand j'étais moi-même. étudier en médecine ou médecin psychiatre. Tout d'abord, première question, si vous êtes toujours très dépendant de vos parents, mais complètement dans une culture différente, et que vous pensez que vos parents sont complètement has-been, comment vous allez payer votre dette ? Vous allez peut-être payer votre dette en adoptant un symptôme familial. Et il y a quelque chose qui est apparu, qu'on appelle le syndrome de Munchausen partagé. Le syndrome de Munchausen, vous savez, c'est le fait que quelqu'un se fasse mal et a été de la sollicitude auprès du corps médical. Ensuite, on a écrit... le syndrome de Munchausen par procuration, c'est en général des parents, plus souvent des mères, qui maltraitent leur bébé puis qui vont à l'hôpital pour demander qu'il soit soigné. Maintenant, on a décrit un syndrome de Munchausen partagé, c'est-à-dire des adolescents qui sont malmenés par leurs parents, qui sont blessés par leurs parents, qui adoptent une attitude de complicité active ou passive, partiellement consciente d'ailleurs, au service que leur imposent leurs parents. C'est-à-dire qu'ils sont complices, ils vont à l'hôpital. et éventuellement ils mentent sur la raison des troubles qui leur sont imposés. C'est ce qu'on appelle le minkhausen partagé, et c'est quelque chose qui est complètement nouveau, dont je n'avais moi jamais entendu parler. Et je pense qu'il faut réfléchir à ce genre de choses, non pas comme quelque chose qui risque de toucher beaucoup d'ados, mais comme un signe de la souffrance que rencontrent beaucoup d'ados dans cet écartèlement entre une dépendance matérielle aux parents qui ne savent pas comment compenser, d'autant plus qu'ils ont une dépendance psychologique de plus en plus importante à leur groupe social. Alors cette dépendance psychologique au groupe social, au groupe sur internet, au groupe d'affiliation, comment elle va se traduire par un autre type de symptomatologie sur laquelle mon attention a été attirée récemment ? Ce sont ces adolescents qui viennent en consultation en déclarant qu'ils ont un symptôme, qu'ils ont en général emprunté à un youtubeur qui dit l'avoir, et il y a un symptôme qui est très à la mode, c'est l'autisme. Vous savez, il y a même des psychiatres qui disent... La créativité et l'autisme sont très proches. Comme les youtubeurs veulent beaucoup prétendre être créatifs, il y en a un certain nombre qui ajoutent qu'ils sont autistes, évidemment. Voilà, autistes, créateurs, ça va bien ensemble. Donc, on a l'estampille de l'université. Et donc, il y a des youtubeurs qui mettent en avant leur autisme. Ils ont des followers. Et que font les followers ? Ils vont s'identifier aux youtubeurs également du point de vue du symptôme que le youtubeur met en avant. Alors, il y en a... Beaucoup prétendent avoir l'autisme, ils viennent en disant je suis autiste on les teste, on leur dit vous ne l'avez pas ils disent mais vous vous trompez Moi j'avais vu ça quand je faisais mes études pour souvent des personnes âgées, vivant seules et prétendant avoir un symptôme pour attirer l'attention du corps médical. Maintenant ce sont des ados et si on leur dit qu'ils n'ont pas l'autisme, ils sont embêtés parce qu'évidemment c'est une manière de se cacher eux-mêmes l'origine beaucoup plus complexe de troubles qu'ils peuvent avoir, notamment à travers des conflits parentaux. Il y en a même qui prétendent avoir des troubles bipolaires. Et puis même, j'ai entendu parler d'une épidémie de Gilles de la Tourette, dans une région de France, où il y avait un youtubeur connu dans la région. Et de proche en proche, il y avait un certain nombre de jeunes qui avaient déclaré avoir la maladie de Gilles de la Tourette. Et ils venaient d'ailleurs avec des tics, comme s'ils l'avaient. Et vous voyez, c'est donc une sorte d'affiliation poussée à son extrême à une pathologie qui est présentée par un youtubeur sur Internet. Ce qui est encore une fois une bonne manière de se cacher la complexité de l'origine de sa souffrance. Alors, je voudrais quand même dire que les réseaux sociaux, puisqu'on parle de la santé mentale, ils n'ont pas que des effets négatifs sur la santé mentale. Alors, vous savez qu'il y a une étude de l'UNICEF de 2018 qui dit que les réseaux sociaux permettent de lutter contre le sentiment de solitude, d'augmenter les amitiés existantes. Mais je voudrais élargir la question à un avis de la Commission européenne, puisque la Commission européenne a déclaré ceci par rapport à l'éducation par les pairs. dans les stratégies d'éducation à la santé, notamment à la santé mentale et notamment à la santé sexuelle. Je cite la Commission européenne. L'éducation par les pères, dans le PIRS évidemment, est une alternative ou un complément aux stratégies d'éducation à la santé traditionnelle. Cette approche repose sur le fait que lors de certaines étapes de la vie, notamment chez les adolescents, l'impact de l'éducation par les pères est bien plus grand que d'autres influences. Et comment est-ce que la même Commission européenne... de finir l'éducation par les pairs, je cite à nouveau, une approche éducationnelle qui fait appel à des pairs, personnes du même âge, de même contexte social, même fonction, éducation ou expérience, pour donner de l'information et pour mettre en avant des types de comportements et de valeurs. Et cette éducation par les pairs à la santé, elle fonctionne de deux façons sur Internet. D'abord par l'intermédiaire de youtubeurs et youtubeuses, puisqu'on trouve tout parmi les youtubeurs et youtubeuses. L'intérêt des youtubeurs et youtubeuses, c'est qu'ils assurent une relation verticale, ils peuvent donner des conseils, mais tous les followers après rentrent en contact entre eux et donc ça donne une éducation horizontale. Et puis il y a aussi tous ceux qui se réunissent entre eux, et d'ailleurs il peut y avoir des psychiatres, des éducateurs parmi eux, à condition qu'ils parlent le même langage que les jeunes, et ce sont ceux qui se reconnaissent dans un même parcours de vie. Ils utilisent l'anonymat pour aborder des questions qu'ils n'oseraient pas aborder avec leur vraie identité. Et puis, ils adoptent surtout un langage commun. Voilà. Donc, quelques mots de conclusion. Et pour qu'on ait le temps de discuter ensemble. Alors, je rejoins bien François Ancermette dans ce qu'il vient de dire. Si vous regardez votre adolescent tous les matins en lui disant avec un air de catastrophe comme s'il avait un cancer, ça va ? Bon, vous allez voir que bientôt, il ne va pas aller bien du tout. Donc méfiez-vous de ce qu'on appelle la prédiction qui se réalise. On dit les ados, ils vont mal, ils vont mal, ils vont mal. Oui, mais il y a aussi des signes qui montrent qu'ils vont bien, notamment leur engagement. Dès qu'on voit qui s'engage dans des associations pour la défense des espèces menacées, les maraudes, le soutien aux personnes âgées, la lutte contre le réchauffement climatique, c'est des jeunes. Alors ils ne s'engagent pas comme les seniors, ils ne s'engagent pas. dans des postes de responsabilité déclarés, ne veulent pas être trésoriers, ne veulent pas être vice-présidents, ne veulent pas être responsables de ceci ou cela. Mais ils s'engagent énormément sur des durées courtes et c'est peut-être finalement une manière de tenir compte du fait que tout évolue si vite, que ce serait vraiment un mensonge que prétendre s'engager sur des durées longues. Et puis, tout ça a un point commun, toutes leurs souffrances, à mon avis, ont un point commun. Et c'est là-dessus que je voudrais terminer. C'est qu'il y a une crise de confiance envers les autres, envers soi. Donc je pense que si on veut faire en sorte de... que les choses évoluent au mieux, il faut vraiment renforcer toutes les occasions qu'on a d'augmenter leur estime d'eux-mêmes. Voilà, et ça peut être par des concours éloquentia, valoriser les compétences extrascolaires. Voilà, et chacun dans sa famille peut trouver par où aborder son ou ses adolescents. Voilà, merci de votre attention.

  • Speaker #1

    Merci. Alors, merci à chacun pour la richesse de vos propos. Nous vous avons entendu défendre et je vais citer des choses qui m'auront sonné plus particulièrement à l'oreille, mais défendre l'environnement des enfants, leur accueil, leur écoute. L'idée que chaque adulte puisse assurer sa mission, les fonctions de contenant autour de l'enfance, la déstigmatisation, la clinique du devenir, le soin par les parents. père. Je reprends quelques éléments de ce que vous nous avez dit. Vaste programme et à la fois très porteur. Je ne doute pas que la salle a des questions par rapport à vos propos, Cyril. On va laisser la parole à la salle. On n'a qu'un seul micro dans la salle, mais il va circuler quand même, ne vous inquiétez pas. Il y a déjà une première question au premier rang.

  • Speaker #2

    Aurélien.

  • Speaker #1

    Bonjour, merci beaucoup pour vos présentations très riches. J'aurais une question à poser à M. Korkas sur les enfants et ses liens aux parents et à la mère. Alors déjà, j'ai cru comprendre que c'était finalement... Est-ce que c'est fonction du milieu social ou pas ? Déjà, et je ne pose pas cette question par hasard parce que maintenant que la nouvelle loi de bioéthique nous permet de pouvoir prendre en charge des femmes seules pour avoir un enfant, alors la démarche est bien sûr tout à fait différente, mais malgré tout, une fois que cet enfant est là, que la réalité rattrape le quotidien avec des nuits difficiles et parfois peu d'entourage autour, qu'est-ce que ça risque de donner même si l'histoire n'est pas la même ? et qu'on est plutôt sur un désir d'enfant et normalement une construction, je dirais, autour de cette situation antérieure à la naissance de l'enfant.

  • Speaker #2

    Oui, merci pour cette question extrêmement difficile. François a bien délimité le terrain, essayons d'éviter d'être déterministe. Pour tout un tas de raisons, je refuse de vendre des espérances. Je veux dire que dans la mythologie, lorsque la boîte de Pandore a été ouverte et que les plaies les plus horribles sont sorties pour détruire le monde, la dernière plaie c'est l'espérance. Je suis plutôt pour une action la plus précoce, la plus continue possible, pour les plus défavorisés. Je dis que oui, ce sont les milieux socio-économiques les plus défavorisés, les congrégations familiales les plus douloureuses, les histoires transgénérationnelles les plus traumatiques, avec la compulsion de répétition de génération en génération. Et je dis aussi que, ça c'est en amont, et j'en oublie, je dis qu'en aval, la réponse sociétale, qui est très importante pour infléchir ce qui pourrait être un déterminisme, pour sortir des voies de frayage de la répétition et pour ouvrir un champ de possible, cette réponse chez ces patients-là n'est pas adaptée et même elle est refusée. Il faut dire que ces patients ne nous aident pas, ils ne viennent pas en consultation. Quand ils viennent une fois, si l'accueil n'est pas probant, ils ne reviennent pas. Si on ne les relance pas, ils ne reviennent pas, si ce n'est six mois après, et que les choses se sont installées pour un nourrisson, bon, ils sont extrêmement difficiles. Ils sont casse-gueule, ils mettent en échec toutes les organisations, ils ne souhaitent pas traverser les angoisses qui ont été les leurs, ils préfèrent les réprimer, ils préfèrent les alexitimiser, les insensibiliser. Ils ont une nécessité économique, psychique, de vivre au jour le jour et pas de se poser, de s'arrêter pour travailler à bon. C'est cela qu'il faut aider parce que sinon, on peut imaginer assez aisément que si ça commence mal... Et si ça rentre dans cette fameuse compulsion de répétition, il n'y a pas de déterminisme, mais il y a l'idée d'un destin, d'un fatum. Et il y a même, pour évoquer le Munchausen par procuration et ensuite partagé, l'idée d'une communauté de détresse, l'idée de rester dans son milieu, ou comme le disent les adolescents, je ne cherche pas particulièrement à changer, je ne cherche pas le bonheur, je veux rester, excusez-moi l'expression, dans ma merde, dans ma crasse. dans mon habitus, comme disait Bourdieu, dans mon environnement. Et si cet environnement a été délétère, s'il a été négatif, je le préfère parce qu'il est dans la continuité avec ce que j'ai vécu plutôt que quelque chose de nouveau qui me change. Donc, évidemment, tout est ouvert pour tout un tas de raisons et y compris un nombre de choses considérables que nous méconnaissons des potentiels de développement de ces enfants. Et pour ce qui est d'évoquer la créativité... Je suis de ceux qui considèrent que... Alors, il faut s'entendre sur créativité et création. Je suis de ceux qui considèrent que, pour ce qui concerne la création, c'est-à-dire être auteur de quelque chose, pas simplement romancer ou transformer quelque chose. Il n'y a pas de création, on n'est pas auteur de quelque chose si on n'a pas une histoire adverse, faite de souffrances plus ou moins compliquées. On ne va pas s'emmerder la vie à reconstruire un monde. à générer un autre monde si le monde dans lequel on a vécu, dans lequel on vit, est suffisamment satisfaisant. C'est parce qu'il est insatisfaisant que nous avons besoin de nous déplacer et d'inventer ce monde. Si Balzac, qui a été évoqué hier, fait des milliers de pages pour la comédie humaine, c'est, dit-il lui-même, pour contrebalancer le code civil qui ne le reconnaît pas comme un enfant en vrai, mais comme un enfant naturel, bâtard vis-à-vis de sa mère. Donc, c'est patient. Ces sujets, pas ces patients, ces sujets ont une potentialité du fait de la contrainte qui s'exerce sur eux si on leur en donne les moyens d'être particulièrement créatifs. Donc mettons le paquet et je dis que c'est pas ce qu'on fait actuellement. Je profite de votre question pour développer encore un point que j'ai oublié tout à l'heure. Cette façon de dire que c'est l'ASE, que c'est la PJJ. Alors l'ASE, quand vous avez été agressé sexuellement et que vous êtes à l'ASE, vous avez 50% de risque d'être agressé par l'institution, par quelqu'un dans l'institution. Donc le contenant social reduplique ce que vous avez vécu. Si vous pouvez vous dégager de ça, même si le déterminisme n'existe pas, ça va être compliqué. Donc, la ZEU, c'est 50% des SDF sont des anciens de la fond de la ZEU. Donc, il n'y a pas de déterminisme, mais si c'est mal engagé, si la réponse sociale qui ne dit pas son nom dit que ce n'est pas de la psychiatrie, il ne faut pas s'en occuper, c'est de la protection judiciaire, c'est des maladies sociales, c'est des exclus, cette stigmatisation, avec le potentiel d'acceptation masochique de cette stigmatisation, va faire que ce... Ces déterminants multiples vont finir par être des déterministes et que le sujet va accepter cette identité. Attention aux familles monoparentales. Sans jugement, c'est très difficile d'élever un enfant tout seul. Il vaut mieux être deux pour trianguler, pour ne pas être dans la relation deux, qui est une relation qui est très passionnelle dans l'enfance et qui finit par la violence à l'adolescence. Trois, c'est trianguler, c'est différer, c'est diffracter, c'est déplacer. Il faut bien évidemment que le second, qu'il soit une femme ou un homme, ce n'est pas la question, mais qu'il soit là présent, soit de suffisamment bonne qualité, et qu'il ne soit pas quelqu'un qui passe et qui est violent, bien sûr.

  • Speaker #1

    Une autre question dans la salle ?

  • Speaker #0

    Merci pour toutes ces ouvertures et toutes ces analyses.

  • Speaker #1

    Une question de politique générale que je m'adresse à tous autour de cette table ronde. Pensez-vous que le fait que le politique... de manière générale ne privilégie pas la question de la jeunesse, on l'a vu notamment pendant la pandémie, c'est des professeurs d'université qui ont fini par s'apercevoir que les étudiants ne mangeaient pas à leur faim, il a fallu plusieurs mois. Donc pourquoi est-ce que le fait que le politique ne mette pas en avant la question de la jeunesse à sa juste place, comme dirait Anna Arendt, qu'en pensez-vous par rapport à tous les troubles que vous décrivez ? et à tous les problèmes que vous rencontrez. Monsieur Ancermet ?

  • Speaker #0

    Bon, écoutez, c'est celui qui n'est pas d'autre côté d'une frontière qui doit répondre à une question qui est assez... Moi je dirais, quand je vois, je prends de manière plus large, aussi même les organisations internationales qui règnent à Genève entre la Croix-Rouge, l'ONU et tous sortes de dispositifs, le risque, c'est toujours cette fameuse phrase je sais bien mais quand même C'est-à-dire qu'on a beau savoir certaines choses, Il y a une négation de ce que l'on sait dans le fait même de le savoir. C'était Octave Manoni qui avait mis cette phrase je sais bien mais quand même et j'ai l'impression que dans les discussions politiques, on en parle mais on y croit. On ne croit pas vraiment et on le voit et en fait on n'en prend pas les conséquences. Alors ça c'est un mécanisme intime mais qui touche quand même globalement la société. Oui, je pense que l'une des raisons est que les politiques prennent leur parti, qu'on évolue vers une société à deux vitesses, voire à trois vitesses, avec des jeunes très soutenus par leur milieu social du fait de leur origine et qui peuvent trouver un soutien, un renforcement de leur confiance en eux, la possibilité d'envisager le temps long. Parce qu'un possibilité d'envisager le temps long, c'est réservé à ceux qui grandissent dans des familles. dans lesquels on n'est pas constamment angoissé du lendemain. Donc d'un côté, des enfants qui grandissent dans les meilleures conditions possibles et qui peuvent présenter parfois des troubles mentaux, mais qui auront de bons psys à un prix qu'il faut pouvoir payer. Et puis un grand nombre d'individus qui sont considérés comme de toute façon amenés à avoir des postes sociaux sans trop d'importance, ou à être bientôt relayés par l'IA. et qui viendront engrossir les contingents du quart monde. Donc je pense que le problème vient du fait que beaucoup de politiques sont dans cette logique qui apparaît comme le stade suprême du capitalisme, on pourrait dire, pour joindre la formule de Karl Marx, c'est-à-dire le parti d'un libéralisme débridé, comme on voit actuellement aux États-Unis. dans lequel la majeure partie de la population est passée par perte et profit, pourvu qu'une petite partie de la population arrive à faire tourner la société et la faire évoluer vers des états technologiques supérieurs. C'est une situation qu'on voit en Inde, largement, quand vous voyez la quantité d'Indiens surdiplômés qui occupent des postes faramineux dans la Silicon Valley, et puis la masse des Indiens qui sont sous-nutris, sous-éducés, etc. Et il y a cette idée quand même que... C'est ce que certains ont théorisé sous le nom du long-termisme, qui est aujourd'hui une grosse tentation de beaucoup de monde. Vous avez vu les protestations des patrons, certains étant mécontents quand on envisage de revenir sur la suppression de postes d'enseignants. C'est l'idée qu'il y a des inégalités. Alors on ne dit pas d'où elles viennent, évidemment. Les meilleurs gagneront et les autres, de toute façon, ce n'est pas la peine de dépenser des fortunes pour essayer de les sortir de là où ils sont. parce que de toute façon, il risquerait d'y retomber compte tenu des conditions sociales. Voilà, donc je pense que c'est ça qui mine aujourd'hui et c'est ce dont il faut être conscient.

  • Speaker #1

    Madame Rodin voulait également réagir, puis M. Corcouz. Je rejoins ce que disait M. Tistron par rapport à la question du temps long. et que finalement accompagner ses enfants, prendre en charge ses enfants, on est d'une certaine manière à l'opposé d'une logique capitaliste ou d'une logique où finalement on aura une réponse immédiate par rapport à une action qu'on aurait pu mener. Je reprends aussi par rapport à quelques éléments sur... la trajectoire de ces enfants, il est extrêmement difficile de sortir de l'assignation à une place. Extrêmement difficile si vous prenez par exemple dans une famille ou dans un groupe de collèges, il y aura toujours celui qui fait le café, celui qui arrive à l'heure, celui qui rappelle à l'autre que c'est le jour de la réunion. Donc on voit bien comme socialement chacun d'entre nous est assigné à une place. Donc imaginez pour ces enfants qui ont des parcours de vie chaotiques. La manière dont le déterminisme, dont l'assignation à une place, ça peut être compliqué de sortir de ces trajectoires de vie et compliqué de sortir finalement dans des patterns de fonctionnement dans lesquels ils sont pris. Et souvent, je dis aux internes, ne rentrez pas dans le piège dans lequel ils tombent eux-mêmes. Et on est vraiment dans ces logiques où finalement, ces enfants-là fonctionnent peut-être pour certains différemment. rejeter l'autre, c'est se protéger parce qu'ils ont pu connaître des rencontres qui ont pu être violentes, qui ont pu être terrorisantes et ça nécessite pour l'autre, pour celui qui est amené à les prendre en charge, de changer de paradigme et vraiment de pouvoir changer de paradigme de fonctionnement y compris parfois quand moi j'arrive, docteur Holling, bienveillante avec un grand sourire auprès d'un de ces jeunes comment lui va me percevoir est-ce qu'il va me percevoir comme menaçante est-ce qu'il va se dire tiens ou Encore une qui est sympathique et puis dans quelques semaines, elle ne sera plus dans le circuit, etc. Donc, il y a à la fois la question de l'assignation à une place qui est très importante, y compris au niveau transgénérationnel, et à la fois des fonctionnements et des réflexes qui nous obligent à nous décaler. Sur les questions médico-économiques, peut-être j'ai moins d'expérience et de recul que mes collègues, mais quand même un petit peu, je dirais que cette logique du temps long... et de résultats qui peut-être ne seront pas immédiats, est-ce que c'est valorisant ou pas ? La question du je sais bien mais quand même est extrêmement intéressante parce qu'il y a une ambivalence dans le rapport à l'enfant du côté des adultes. Il y a une ambivalence et je dirais en tant que pédopsychiatre, il y a une infantilisation. Quand j'essaye de défendre dans des réunions, des dossiers ou des situations de mes patients, en tant que pédopsychiatre, Cette infantilisation, je la ressens. Je la ressens des fois quand j'appelle des collègues pour un de mes patients. La réduction à mon patient, je la ressens aussi. Donc nos décideurs, ceux qui sont amenés à prendre des décisions politiques, généralement, c'est quand même des personnes qui ont des capacités cognitives et sociales qui leur ont permis d'être en poste. Donc l'écart finalement entre ces enfants et les politiques. Il est énorme. Voilà.

  • Speaker #2

    Oui. Écoutez, notre ami François, qui est le Suisse à la table, n'a pas voulu répondre à notre sollicitation de répondre à la question de pourquoi les politiques français ne s'occupent pas de la jeunesse. Donc je ne vais pas m'aventurer à vous dire mon sentiment. Les gosses disent en ce moment... Alors les gosses, ils ont trois choses qui... Ou la désaffection des adultes par rapport à leur devenir les affole. L'écho, anxiété évidemment, la terre... Bon, et évidemment les adultes continuent à détruire la planète, leur planète, leur avenir. Ça, ils ne supportent pas. Les agressions sexuelles. par les adultes vis-à-vis des enfants et des adolescents qui se révèlent tous les jours de manière systémique. Enfin bon, ça, ils ne supportent pas non plus. Et puis il y a Parcoursup. Ce qui circule dans les écoles et dans les services, c'est faites vos voeux, rien ne va plus Donc, je ne sais pas ce qui fait que ces décideurs qui ont des fonctions cognitives supérieures... Mais des investissements libidinaux inférieurs vis-à-vis des enfants, je ne sais pas ce qui fait que ça ne fonctionne pas, mais je crois. Et mon point de vigie, ça a été dit, et mon point de vigie c'est le service de psychiatrie avec les cas difficiles, donc c'est un point de vigie extrême. Mais comme je considère que ces sujets ne sont pas exclus, qu'ils sont des adolescents normaux par ailleurs, et qu'ils nous disent ce qui risque d'arriver aux adolescents sains, je pense que si on ne fait pas attention... Le risque de désaffiliation, c'est-à-dire que ces gosses se désaffilient de la structure verticale qui est censée les élever et leur transmettre un certain nombre de valeurs et d'histoires. Et l'affiliation horizontale, les tribus, les pairs, les réseaux sociaux, cette désaffiliation verticale et affiliation horizontale va continuer à se développer. Je ne suis pas persuadé, moi qui pense qu'il faut que nos aînés nous transmettent. Puisqu'on est en train de fêter la libération des camps de concentration d'Auschwitz, il est essentiel que nos aînés nous transmettent la barbarie qui a pu arriver pour que nous puissions l'éviter dans les années qui viennent.

  • Speaker #1

    Merci. Une question dans la salle. En tant qu'adolescente, il me semblait normal de venir à cette conférence et je suis très touchée qu'aujourd'hui on fasse des conférences ouvertes à tout public pour parler de la santé mentale parce que je pense que c'est un sujet qui doit prendre plus d'ampleur et sachant qu'avant c'était un sujet qui était assez tabou, je suis contente qu'aujourd'hui on fasse des conférences ouvertes donc merci beaucoup.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'on peut se souvenir que la semaine dernière, un adolescent de 14 ans a été assassiné par un autre adolescent de 16 ans et que c'était la troisième occurrence en quelques mois d'un tel phénomène ? Ma question est sur la répartition. qu'on est obligé de faire entre éducation et vision vers le positif et répression. Est-ce qu'il n'y a pas aussi une carence de notre justice qui dit, ben t'es un mineur... L'excuse de minorité permet de faire tout ce qu'on veut. Et quand même, la sanction, c'est quelque chose qui marche dans l'espèce humaine. Ma question, Maurice Corcot, c'est est-ce qu'on peut guérir un sauvageon ?

  • Speaker #1

    Alors, il se trouve que cette histoire est dans mon secteur, donc je suis en effet impliqué et impacté. Alors, vous savez que va passer à l'Assemblée une discussion sur une modification du statut pénal, avec deux choses d'importance, puisque c'est radicalement différent de ce qui est pré-existé, c'est-à-dire pas d'excuses de minorité, comparution immédiate à partir de 16 ans, et le contenant familial qui n'a pas été... responsable, c'est les termes, doit payer pour cet adolescent qui est passé à l'acte, y compris autour de la question des allocations familiales. Première chose pour que ce soit bien clair et d'un point de vue psychopathologique, pas d'un point de vue moral ou autre. Un adolescent qui commet un passage à l'acte, quel qu'il soit, a fortiori s'il est meurtrier, si ceux qui s'en occupent ne le sanctionnent pas, Il n'y aura jamais de potentiel pour lui de réappropriation subjective de son acte, c'est-à-dire que psychiquement, on le laisse mourir. Donc la sanction doit être évidemment là et à la hauteur de ce qui... Mais si vous visitez les centres de détention à Porcheville, c'est comme ça que ça s'appelle, pour les mineurs, vous verrez que les conditions de détention, qui peuvent contenir une pulsionalité débordante pour des histoires traumatiques compliquées, a des effets de contenance, mais... Sans déterminisme, ce n'est pas sûr qu'on puisse se dégager ensuite d'un avenir un peu tracé. Donc oui, il faut qu'il n'y ait non pas répression, mais sanction. Et que celle-ci puisse permettre à ce sujet d'éviter une peine de mort psychique.

  • Speaker #2

    Guérir, je ne sais pas, mais comme tu sais, la médecine et notamment la psychiatrie, qui font partie de la médecine, sont très attachées à l'idée de prévention. Et donc, depuis quelques années, il y a quand même une conscience grandissante. La création des classes relais dans le cadre de l'éducation nationale, la création des classes pour élèves en rupture scolaire, le lancement de programmes pour développer les compétences empathiques, notamment le jeu des trois figures, avec plus ou moins de succès. Mais en tout cas, il y a beaucoup de gens aujourd'hui qui s'impliquent, notamment dans le cadre de l'éducation nationale, pour faire en sorte que le plus grand nombre possible d'enfants... soit tenu à l'écart de ce genre de risques. Et c'est vraiment autour de la prévention, à mon avis, avec son volet thérapeutique, son volet scolaire, son volet familial, qui doit être mis au centre des préoccupations. Il faut commencer dès la maternelle à travailler le respect de l'autre, la capacité de maintenir, de contenir ses émotions, de leur donner une utilité sociale, etc. Donc oui, c'est possible de faire une prévention dans ce domaine-là. Mais là aussi, les moyens qui sont accordés par le gouvernement sont très inférieurs à ce qui serait possible. Mais je ne parle pas non plus de la prévention dans le domaine des maternités, de la petite enfance, etc. Je voulais simplement dire qu'il y a aussi un volet scolaire qu'il ne faut pas oublier et que les enseignants, si on est ici, connaissent bien et qui est très, très important à connaître et à valoriser.

  • Speaker #3

    Alors on va conclure cette table ronde. Je vous propose de dire un mot de conclusion. Vous venez de parler de prévention sur cette question, sur autre chose, à tour de rôle.

  • Speaker #4

    J'ai enlevé mon micro qui passait autour de ma tête. Je ne m'attendais pas du tout à devoir donner une dernière phrase. Du coup, je suis surpris. Et c'est bien sur la surprise que je pourrais intervenir en disant que le champ de la santé mentale des enfants, par le fait aussi de quelque chose de particulier aux enfants, est ouvert à la surprise, à l'imprévisibilité du devenir. Et je crois que dans nos discussions, nous devons laisser la place à ce que certains appellent la serendipity. C'est-à-dire le fait de trouver autre chose que ce que l'on cherche, le fait de trouver autre chose que ce que l'on pense qu'il va arriver. Encore faut-il être attentif à ces formes nouvelles qui surgissent. Donc, accepter la surprise, comme je viens de le faire en répondant alors que je ne m'y attendais pas.

  • Speaker #5

    Peut-être, ça rejoint un peu la surprise, mais sur la question de la pulsion de vie, j'y pense parce qu'effectivement, à Mayotte, c'est des échanges que j'ai pu avoir avec des professeurs, des professeurs inquiets par rapport à ce qui a pu se passer sur l'île. Et de faire confiance aussi aux enfants parce que la question de la créativité... et de la pulsion de vie est inhérente à l'enfance. Et puis, s'agissant des professionnels, même si je suis pédopsychiatre, je crois que la question des moyens et cet effet de contenance systémique est nécessaire dans tous les champs qui sont impliqués autour de l'accompagnement et de prise en charge des enfants.

  • Speaker #1

    Le pessimisme doit engager à l'action. L'action qu'on pourrait avoir sur un point simple, précis, et qui pourrait avoir une efficacité assez grande, c'est les maternités. Il faut qu'il y ait un psychiatre en maternité. Il faut trouver le psychiatre, mais enfin, il faudra mettre un psychiatre en maternité, des psychologues, ensuite de couche, et en précoération médicalement assistée. Il faut former les sages-femmes, former nos collègues pour un dépistage. immédiat pour une prévention primaire pour éviter que les choses s'engagent mal. C'est quelque chose à faire de très rapidement et il faut arrêter avec les maternités usines. On ne peut pas accoucher et sortir en deux jours. Quand ça va très mal, il faut rester quelques jours suffisamment à temps pour que ce psychiatre arrive. Merci.

  • Speaker #2

    On a évoqué très justement les parents qui vont mal, les parents en souffrance, les parents qui ont besoin d'être aidés, d'être conseillés, d'être soutenus. Mais il y a des parents qui assurent un soutien à leur enfant, qui sont attentifs à lui, mais ils limitent ce soutien à un seul domaine, la réussite scolaire. Et ça c'est terrible, parce qu'aujourd'hui les pré-ados et surtout les ados... sont très soucieux d'acquérir des compétences dans beaucoup de domaines que les parents ne connaissent pas, à commencer par les compétences numériques. Et si les parents n'ont d'yeux que pour les résultats scolaires, il en résulte une crise de confiance, un sentiment d'incompréhension, du découragement. L'institution scolaire ne reconnaît absolument pas toutes les compétences extrascolaires, et c'est un vrai drame, il y a beaucoup d'appels en ce sens-là, mais c'est très très long à développer. Mais en revanche, peut-être c'est plus facile. aux parents soucieux de leur enfant, de leur conseiller de s'intéresser à tous les autres domaines auxquels leur enfant peut s'intéresser que les résultats scolaires. A commencer par les jeux vidéo, par la musique, par les réseaux sociaux. Et les parents n'ont pas seulement à y gagner en connaissance de leur enfant, en confiance mutuelle, mais ils ont aussi beaucoup à y gagner en termes de compréhension de la nouvelle société dans laquelle nous rentrons, parce que la culture des jeunes d'aujourd'hui... Ce n'est pas la culture des jeunes d'aujourd'hui, c'est la culture des adultes de demain. Et comme la vie est longue, nous continuerons à avoir à faire longtemps cette culture des adultes de demain, qui est celle des ados d'aujourd'hui.

  • Speaker #3

    Merci à nos experts pour la richesse de leurs apports, pour les perspectives que vous nous ouvrez. et qui amèneront sans doute toutes les personnes qui sont venues nombreuses écouter nos experts, j'espère des perspectives et des pensées.

  • Speaker #5

    On se retrouve dans quelques instants pour parler de bien-être.

  • Speaker #3

    A tout de suite.

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Description

Forum Européen de Bioéthique 2025 : Santé mentale & Bioéthique


La santé mentale de nos enfants


Ils ne sortent plus. Ils ne communiquent plus et passent leur temps, la tête penchée sur un écran. Les jeunes vont mal, entendons-nous. Il n’y aurait plus d’âge pour déprimer. Certains se mutilent, cessent de s’alimenter, ont des pratiques à risque. Ils ne croient plus en rien, mais ils sont prêts à tout. Et s’ils n’ont plus d’espoir, ils rêvent encore d’un monde meilleur.

Est-ce vraiment nouveau ?

On incrimine l’éducation, la guerre ou le COVID. La jeunesse souffre et les adultes ne semblent pas tous prendre la mesure de la situation. Pourtant, si la jeunesse est l’avenir du monde, il nous incombe d’aller voir de plus près ce qu’ils ont dans la tête.


Avec:


François Ansermet, Professeur honoraire de pédopsychiatrie, Université de Genève, Université de Lausanne, Membre du CCNE de 2013 à 2021, Psychanalyste


Maurice Corcos, Psychiatre, Psychanalyste, Chef de service du département de Psychiatrie de l'Institut Mutualiste Montsouris - Paris


Julie Rolling, Pédopsychiatre, Service de Psychiatrie de l'Enfant et de l'Adolescent, Centre Régional du Psycho-Traumatisme Grand-Est Alsace-Nord, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg


Serge Tisseron,Psychiatre, Dr en psychologie HDR, Co responsable du DU de Cyberpsychologie (Paris Cité)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous et bienvenue pour ceux qui nous rejoignent dans cette salle de l'Aubette et derrière vos écrans sur le site internet du Forum. Nous nous retrouvons pour traiter d'une nouvelle question, à savoir la santé mentale de nos enfants. Et pour ce faire, nous avons une modératrice qui est elle-même pédopsychiatre spécialiste du bébé. Et je passe la parole tout de suite donc à Sarah Sananès.

  • Speaker #1

    Bonjour, alors... Merci à tous d'être venus nombreux pour écouter nos experts. La santé mentale des enfants, thème de ces tables, alors thème à la fois ambitieux, actuel, intemporel. On est tous réunis autour de ce thème et on est tous concernés par ce thème. On l'a entendu dans les précédentes tables rondes dans les derniers jours, les troubles psychiatriques sont très fréquents. Dans les suites de nombreuses... crise de société, la crise Covid est souvent mentionnée pour ne citer que celle-là. Les problèmes de santé mentale ne cessent d'augmenter, notamment chez les plus jeunes, et ça pose des nouveaux défis de société. Grande cause nationale 2025, rapport et constats épidémiologiques qui se succèdent pour sensibiliser, alerter, alerter sur ces questions de santé mentale, de société, alerter aussi sur la crise de la pédopsychiatrie. Alors, On reçoit de la santé mentale dès le plus jeune âge, de la santé mentale des enfants, des adultes qu'ils deviendront. C'est donc un enjeu majeur de santé publique. Et la pédopsychiatrie vit pourtant une crise majeure et systémique. On a la chance cet après-midi d'avoir un panel d'experts pour aborder ces questions et pour aborder les enjeux que recèle ce sujet. Alors je vais sans plus attendre leur passer la parole. On va commencer par écouter Julie Rowling, pédopsychiatre au 100... au sein du service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent des hôpitaux universitaires de Strasbourg, au sein du centre régional de psychotraumatisme Grand Est et maître de conférences des universités. Tu es très engagée dans ces différentes actions de pédopsychiatrie et au sein de la filière du centre de psychotraumatisme Grand Est Alsace-Nord. Je te passe la parole.

  • Speaker #0

    Merci, merci. pour cette invitation à cette table ronde. Et puis, merci aux organisateurs du Forum de bioéthique de permettre qu'un tel espace de pensée, d'échange et de dialogue existe à Strasbourg et dans la cité. Je trouve que c'est extrêmement important. Alors, le titre de cette table ronde est santé mentale et enfance. Un vaste sujet, un sujet peut-être difficile à circonscrire. et qui pour la pédopsychiatre que je suis a convoqué la notion de trouble et de trouble psychique, c'est-à-dire d'altération affectant la manière dont une personne pense, ressent, se comporte ou interagit avec son environnement. Les troubles psychiques englobent donc toute altération de la santé mentale, qu'elle soit transitoire ou durable, et se distinguent d'une certaine manière des pathologies psychiatriques. Alors les troubles psychiques chez les enfants et les adolescents constituent un sujet d'importance. Je vais, étant donné que ma pratique est largement auprès d'adolescents, je vais axer plutôt sur cette population. Pour vous dire qu'environ 15% des adolescents en France souffrent d'un trouble psychique diagnostiqué, c'est les chiffres de santé publique France de 2023. Et que la moitié des troubles psychiatriques chez l'adulte débutent avant 14 ans. Il y a donc une importance majeure à les repérer, à les diagnostiquer et à les prendre en charge. C'est évident et c'est indéniable. Alors comment peut-on expliquer cette augmentation ? Est-ce qu'on repère davantage ces troubles ou est-ce qu'il y a une augmentation ? Il y a sans conteste ces dix dernières années une déstigmatisation des troubles psychiques qui est globalement bénéfique parce qu'elle favorise l'accès aux soins, elle réduit l'exclusion sociale et elle améliore la qualité de vie des personnes que l'on est amené à rencontrer. Lorsque j'étais interne il y a une dizaine d'années, c'était un petit peu honteux d'aller voir le psy Aujourd'hui, je ne dirais pas que c'est à la mode, mais régulièrement, quand je vais chercher un ado en salle d'attente et qu'il est au téléphone, avant de raccrocher, il dit je raccroche, j'ai rendez-vous avec ma psy Et je dirais que l'ambiance est différente et c'est une très bonne chose. Et puis, parler de santé mentale chez les adolescents, le docteur Sananès l'a dit, on ne peut pas le faire sans penser au Covid. Le Covid, cette pandémie mondiale qui a... touché l'ensemble de la population et qui, d'une certaine manière, a constitué un modèle expérimental unique. À un moment donné, l'ensemble de la population a été touchée par un même événement stressant. Et je dirais que là encore, pour la pédopsychiatre que je suis, c'est venu confirmer des éléments que mes maîtres ont pu transmettre, c'est-à-dire que dans le développement de l'enfant, qui est un sujet en construction. Il y a des périodes clés, il y a des périodes de vulnérabilité durant lesquelles le psychisme, le cerveau de l'enfant est plus vulnérable et plus réceptif par rapport aux facteurs externes et par rapport à l'environnement. Bien sûr, la petite enfance, mais également l'adolescence. Là encore quelques chiffres. Début 2021 par rapport aux années précédentes, pour les moins de 15 ans, une augmentation de 80% des passages aux urgences. Pour les 12-17 ans... une augmentation de 59% des consultations pour troubles du comportement alimentaire, 43% d'augmentation pour les épisodes dépressifs, 36% pour les idées suicidaires. Alors que se passe-t-il ? Que s'est-il passé ? Quand on imagine l'adolescence, il faut vraiment imaginer ces adolescents qui vont vivre des changements qui vont les traverser. Des changements physiques, bien sûr, l'accession à la puberté. Le changement du corps, la sexualisation et ces changements physiques et neuropsychologiques sous-tendent un certain nombre de changements psychiques qui se caractérisent par la question de l'autonomisation par rapport aux parents, la projection dans l'avenir, le rapport au monde qui peut changer. L'ensemble de cette traversée de l'adolescence va permettre aux jeunes de parfaire leur construction identitaire. Il faut imaginer que c'est un petit peu une tempête, une tempête intérieure qui, pour certains, se transforme en ouragan. Et la résultante de cette tempête qui traverse nos jeunes va dépendre de deux facteurs. Leur fondation, ce qu'on pourrait appeler les assises narcissiques et identitaires, ce qui est hérité de leur enfance. Et puis, les appuis extérieurs, l'objet externe, leur environnement. En ce sens-là, il est intéressant de penser les troubles non pas d'une manière purement physiologique, mais en réutilisant un vieux modèle de Engel qui date de 1977, le fameux modèle biopsychosocial qui pense les troubles psychiques comme l'interaction de facteurs biologiques, psychologiques et sociaux au sens de l'environnement au sens large, que ce soit le réseau social, le soutien familial.... le niveau économique, le stress environnemental. Alors pourquoi est-ce que c'est intéressant de penser les choses de cette manière ? Parce que penser les choses de cette manière met d'emblée en évidence la marge d'action possible à l'échelle d'une société pour améliorer la santé des plus jeunes. Pour tout vous dire, il y a à peu près 36 heures, j'étais encore dans l'avion qui me ramenait de Mayotte, de craindre réfléchir parce que je n'arrivais pas à dormir, ce que j'allais vous dire aujourd'hui. Et alors il me revenait les paroles des enseignants puisque notre mission de cellule d'urgence médico-psychologique avait pour but de venir en appui aux enseignants pour leur permettre d'accueillir les élèves au moment de la rentrée du 27 janvier qui est la grande rentrée au niveau de l'océan Indien. Et ces professeurs nous disaient, qu'est-ce qu'ils nous disaient ? Ils nous disaient on n'est pas psy. Qu'est-ce qu'on va dire le jour de la rentrée ? Comment on va accueillir la parole des élèves ? Et moi, dans ma tête, je me disais... Mais c'est justement en étant enseignant qu'ils vont être thérapeutiques, c'est justement en faisant leur métier qu'ils vont pouvoir introduire quelque chose d'une contenance psychique pour ces enfants qui, après Shido, doivent absolument retrouver une vie, je dirais, la plus normale possible, en tous les cas quelque chose d'une ritualisation et quelque chose de familier. Et donc... Peut-être que l'un des enjeux de la société actuelle serait que chaque adulte puisse occuper sa fonction pour un enfant, ni plus ni moins, que cette place ne soit pas escamotée ni désertée, et que moyennant cet aspect-là, une contenance systémique à l'échelle de la société puisse réapparaître. C'est la raison pour laquelle ce que je vous propose... c'est un petit peu de prendre quelques-uns des troubles pour essayer de les discuter en regard des évolutions sociétales, pour essayer de comprendre l'impact de notre environnement actuel sur les jeunes. Si on prend par exemple la question des troubles anxieux, depuis entre 2020 et 2021, plus 30% de troubles anxieux chez les adolescents et globalement, finalement, cela traduit toute la question de l'angoisse. et de la majoration de l'angoisse. Si on prend le refus scolaire anxieux, le fait que les adolescents évitent ou que le fait d'aller à l'école soit quelque chose d'anxiogène pour eux et qu'on regarde les chiffres, mais en 2023, 10,9% des jeunes, 10,9% d'absentéisme, alors qu'en 2011, l'absentéisme scolaire aussi est entre eux. 1,9 et 3,2%. Et en consultation quotidienne en CMP, que disent les adolescents ? Les adolescents qui justement ont du mal à aller à l'école. Ils disent, est-ce que je vais être capable d'y aller ? Est-ce que je vais être capable de réussir ? Et est-ce qu'on va m'accepter ? Est-ce que les autres vont m'accepter ? Est-ce que ça va bien se passer ? Autrement dit, est-ce qu'on va m'aimer ? Alors jusque-là... ces questions de capacité et ces questions finalement de est-ce qu'on va m'aimer ? ce sont des questions non spécifiques qui transcendent l'humanité et qui sollicitent l'axe narcissique et affectif de chacun de nous. Alors on peut se poser en quoi ce serait différent en 2024 ? En quoi ce est-ce que je vais être capable en 2024 ? résonne différemment ? Il y a un certain nombre de réponses. Est-ce qu'on est dans une société plus perfectionniste ? Est-ce que la peur de l'échec est plus importante dans un monde globalisé ? Est-ce que la pression sociale, activée par les réseaux sociaux, active ces troubles ? Peut-être. Est-ce que l'intelligence artificielle change les paradigmes vis-à-vis de l'enseignement ? Et est-ce que quand on est un parent et qu'on dit à son jeune c'est important d'aller à l'école pour que tu aies un bon métier plus tard Quel sens ça prend alors qu'il suffit de taper sur l'intelligence artificielle, sur ChatGPT, rédige-moi une rédaction d'histoire sur tel ou tel sujet ? Est-ce que la question de demain, c'est d'apprendre l'information, comme on l'a toujours fait, ou est-ce que c'est d'apprendre à trouver la bonne information ? D'une certaine manière, on pourrait dire que la modernité favorise l'évitement. Est-ce que ChatGPT favorise l'évitement de l'apprentissage ? communiquer à partir des réseaux sociaux favorise l'évitement relationnel ? Est-ce qu'en tant qu'adulte, on est dans une forme d'évitement par rapport à certains de nos jeunes ? J'aimais beaucoup, il y a quelques années, j'avais lu Serge Tisseron L'enfant au risque du virtuel et vous abordiez le fait que les jeunes étaient sur les réseaux sociaux et que ça leur permettait de faciliter l'entrée en relation comme un nouveau marivaudage. Et effectivement, L'idée n'est pas de fustiger les réseaux sociaux qui apportent beaucoup de choses, mais d'essayer peut-être d'appréhender aussi leurs limites. J'évoquais la question de la contenance systémique. Sigmund Baumann, qui est sociologue, parle de société liquide, d'instabilité, d'individualisation, du caractère éphémère des structures traditionnelles. On pourrait discuter de tous ces aspects-là au moment des questions. cas, il y a un enjeu majeur de cohérence, de continuité et peut-être de pouvoir créer des espaces de sens et d'appartenance, peu importe l'identité d'appartenance, pour nos jeunes, même si c'est pour qu'ils viennent et surtout pour qu'ils puissent les discuter et puis peut-être aussi s'y opposer. Ces questions de refus scolaire anxieux, de phobie scolaire, elles posent aussi la question du rapport au corps réel. Quand on est devant son écran et qu'on ne se confronte pas à l'autre, qu'on n'entre pas en relation à l'autre, je dirais, physiquement, puisque bien sûr dans la réalité il y a rencontre, même si elle est sur les réseaux sociaux, eh bien ce rapport au corps réel il est important parce que La société contemporaine, qui est marquée par l'hyperconnectivité et la digitalisation des interactions, l'absence de contact corporel et physique modifie le rapport à soi, le rapport à l'autre, et surtout modifie ce qu'on pourrait appeler l'ancrage existentiel. C'est comme s'il s'opérait une dissociation entre le corps et l'échange humain, qui peut favoriser l'émergence de l'angoisse. Parce que... Notre corps est le premier médiateur du réel et qu'il permet de structurer l'expérience au monde et le rapport à l'autre. Je ne rentrerai pas dans les détails, mais ne serait-ce que les interactions physiques. Les interactions physiques sont riches d'indices inconscients qui nous permettent de nous ajuster à l'autre et peut-être d'une certaine manière de diminuer. nos inhibitions. La charge cognitive qui est liée au traitement de l'information sur les réseaux sociaux, avec les messages instantanés. À titre individuel, quand je fais un cours en visio, c'est beaucoup plus stressant que devant vous aujourd'hui. Parce que je me dis est-ce que ça va marcher ? Ça ne va pas marcher. Je ne peux pas m'appuyer sur le regard de l'autre pour m'ajuster. Il y a le fil de discussion qui vient en même temps. Donc, autant d'éléments stressants. Et ce n'est peut-être pas par hasard si les adolescents d'aujourd'hui vont de plus en plus à la salle de sport. Depuis deux ou trois ans, j'ai remarqué qu'ils vont tous à la salle. Sans doute qu'il y a un enjeu narcissique et un enjeu au niveau de l'image de soi. Mais peut-être aussi qu'il y a quelque chose de l'ancrage existentiel qu'ils tentent de retraverser. Un autre aspect...... autour des troubles des comportements alimentaires. 5% d'augmentation des consultations pour anorexie et boulimie après le Covid. Comment l'expliquer ? Alors assez facilement, une pression sur l'image corporelle qui sera amplifiée par les réseaux sociaux, une valorisation de normes esthétiques irréalistes, l'accès à des communautés encourageant les troubles des conduites alimentaires. Autant finalement de matériel qui, il y a quelques années, n'était pas disponible et qui sans doute participe aussi à l'augmentation de ces troubles. Et puis je terminerai sur quelques mots par rapport au suicide. Le suicide, en France, c'est la deuxième cause de décès chez les 15-24 ans. C'est une cause de décès évitable. Sans simplifier les choses, puisque la dynamique du passage à l'acte suicidaire c'est un phénomène extrêmement complexe et multifactoriel, il n'empêche que ces dernières années, la place du cyberharcèlement et l'impact du cyberharcèlement sur les passages à l'acte suicidaire est extrêmement important. Là encore, le harcèlement scolaire ou les jeunes qui pouvaient être mis de côté dans une classe, ça a toujours existé. Mais ce qui change avec les réseaux sociaux, ce qui change la donne, c'est l'effet de masse, le fait que ce n'est peut-être pas une personne ou deux personnes qui vous agressent, mais des dizaines, des centaines. L'effet de dépossession, si vous essayez de réagir, souvent il y a des phénomènes de horde où finalement ça va emballer les réponses négatives des autres jeunes. Le fait qu'il y ait une trace qui reste sur internet, autant d'éléments qui sont extrêmement compliqués à vivre pour les plus jeunes. Mais peut-être ce qui change aussi, c'est la question du regard. La question du regard à l'adolescence, c'est un point extrêmement important. On est tous à la recherche du regard de l'autre, qu'on espère validant. Aujourd'hui, j'espère avoir un regard validant de votre part. C'est plutôt assez humain. Ça nous permet de nous rassurer nous-mêmes, de nous réconforter. Et on pourrait dire qu'il y a cinq types de regards. Le regard qu'on a sur soi-même, un regard qui va alimenter l'image de soi, c'est-à-dire la représentation mentale qu'on a. de nous-mêmes. Les psychanalystes passent par l'image spéculaire du soi qui désigne la manière dont une personne se perçoit en fonction du regard des autres et cette perception de nous-mêmes nous la développons en fonction de ce que les autres pensent. Ce qui convoque finalement la sollicitation du regard d'un autrui significatif pour le jeune. Ça peut être un parent, ça peut être ça peut être un ami, un autrui qui sera un point de référence pour le jeune. Jusque-là, les choses sont assez classiques. Et puis, peut-être que les réseaux sociaux apportent d'autres éléments par rapport à cette question du regard. Dana Boyd parle d'audience imaginée, c'est-à-dire à partir du moment où les jeunes postent des contenus sur Internet, toute l'audience qui va être imaginée. Pour ceux qui habitent dans des villages ou dans des endroits où l'anonymat n'est pas très important, l'audience imaginée peut être plus ou moins terrorisante. Alors si on imagine l'audience imaginée sur les réseaux sociaux, là aussi ça peut avoir des effets anxiogènes. Un autre aspect, les personnes jamais rencontrées physiquement. Un certain nombre d'adolescents discutent sur les Ausha ou alors sur les jeux vidéo avec des personnes qu'ils n'ont jamais rencontrées physiquement. Et ce n'est pas un problème. Le seul problème, c'est qu'on n'a jamais rencontré l'autre. Et là aussi, on peut se poser la question de l'imaginaire qui est convoqué. L'imaginaire convoqué par rapport à l'autre et surtout par rapport à soi, avec une énigme qui reste entière. C'est-à-dire, si un jour je rencontre vraiment cette personne dans la réalité, qu'est-ce que cette autre va-t-il penser de moi ? Et puis, peut-être le dernier regard. pourrait être le regard de l'intelligence artificielle. Le regard de l'intelligence artificielle, parce que cette interface numérique, elle fonctionne à partir d'algorithmes. Et ces algorithmes, ils sont basés, programmés, programmés pour répondre à des contenus chargés émotionnellement. Et à partir de là, il y a un certain nombre de biais cognitifs qui se mettent en place. ce qu'on appelle la bulle algorithmique, qui fait qu'en fonction du contenu qu'on va chercher, le contenu qui va nous être reposé sera plus ou moins similaire. Sans compter les groupes sur lesquels les jeunes vont, des groupes qui créent des oligopoles cognitifs, où finalement, assez facilement, une sélection va se faire avec des groupes de personnes qui vont vous renvoyer, peu ou prou, une pensée assez similaire à ce que vous pensez. On peut se dire jusque-là que c'est plutôt positif, puisqu'on se retrouve entre soi. C'est plutôt positif, sauf que cette simplification des points de vue haute d'emblée toute possibilité de solution alternative qui peut avoir des effets d'angoisse. Donc voilà, en quelques mots, peut-être de souligner quelques points pour vous sensibiliser à ce dans quoi les jeunes sont pris actuellement. J'espère que ces points ont peut-être modifié un petit peu votre regard. Mais peut-être ce que j'avais envie de vous dire, c'est qu'être un adulte de référence pour un enfant ou pour un adolescent, être un bon parent... Ça n'existe pas, pour reprendre Winnicott, ça ne signifie pas être parfait, ni tout savoir, mais peut-être être à l'écoute de son enfant, valider ses ressentis sans forcément valider ses actions, être cohérent et continu avec l'enfant et avec soi-même, avec ses valeurs, tout en gardant à l'esprit que tout ne se joue pas en une seule fois. Et que si jamais il y a eu des loupés, il y a toujours possibilité aussi de se rattraper.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup. Je vais passer la parole à Maurice Corcos, qui est professeur de psychiatrie, psychanalyste, chef de service du département de psychiatrie de l'Institut Mutualiste Montsouris à Paris. Il est également l'auteur de nombreux ouvrages sur l'adolescence et il dirige et anime un séminaire psychanalyse et littérature depuis une vingtaine d'années. Maurice Corcos, c'est à vous.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup. Bravo à Madame Rowling qui a dit l'essentiel. Merci aux organisateurs. A Aurélien, à Maud, à Israël, cette invitation à venir réfléchir avec vous sur cette question, à échanger, à discuter. Je ne dis pas merci aux organisateurs pour les sièges de cette année. Nous sommes d'accord. Bon, donc si je me casse la figure, ça sera dû aux sièges, évidemment. Bon, Mme Ronning a dit beaucoup de choses très importantes. Essentiel, je vais m'atteler, si vous permettez, à rester dans mon champ d'expérience clinique. celui qui est le mien depuis une trentaine d'années, c'est-à-dire l'accueil, la réception, l'écoute, l'accompagnement, le soin d'adolescents particulièrement difficiles, difficiles étant un euphémisme. Ce service qui a 30 lits d'hospitalisation, 40 lits d'hôpital de jour, qui a une action de prévention primaire en périnatalité, s'est attelé par nécessité à s'occuper de plus en plus de ces adolescents dits difficiles, avec une structure qui s'appelle Étape et qui s'occupe des plus difficiles, c'est-à-dire des adolescents qui ont commis des crimes ou des délits et qui sont sous injonction judiciaire de soins. Pourquoi je vous parle de ces patients-là ? Parce que ce sont les sujets, les patients les plus fréquents en psychiatrie, en termes d'hospitalisation, de consultation. Infiniment plus fréquents que les anorexies mentales, les boulimies, que les spectres autistiques, que les hyperactivités, que les questions d'identité de genre, ce dont on parle régulièrement, très régulièrement, un peu partout. On ne parle pas de ces adolescents difficiles. pour tout un tas de raisons que je vais essayer d'expliciter et qui me semblent importants. Ces adolescents difficiles, c'est un euphémisme, c'est ce qu'on appelle aussi les patients borderline, les patients limite, c'est ce qu'on appelle aussi, dans des termes beaucoup plus stigmatisants, les sauvageons, les barbares. Et je vais arrêter là sur les termes stigmatisants qu'on peut apposer, étiqueter à ces sujets. Ces sujets sont toujours d'actualité, mais tout particulièrement pendant la crise Covid et la série de confinements. J'évoquerai aussi l'impact de ces séries de confinements et de cette crise Covid sur ce type de patients-là, puisque le moins qu'on puisse dire, c'est qu'ils n'ont pas pu bénéficier des soins appropriés, et encore moins que les autres patients, pour tout un tas de raisons que je vais essayer d'expliquer. Ces adolescents difficiles, vous les connaissez, c'est ceux qui font la une des journaux, c'est ceux qui sont très hétéroagressifs. Et vous avez pu remarquer que le démarrage de cette hétéroagressivité n'est plus dans la post-adolescence adulte jeune, mais même dans la pré-puberté. On voit de plus en plus de jeunes être particulièrement agressifs, si ce n'est violents, si ce n'est meurtriers. Même chose d'ailleurs pour les tentatives de suicide. Les tentatives de suicide que nous voyons actuellement, ne sont plus de même intensité. On les voit chez des patients non plus exceptionnellement comme auparavant chez des patients très jeunes, 8, 9, 10 ans. Et puis, ce n'est plus tout à fait la prise de médicaments avec l'aspiration à renaître de ses cendres le lendemain comme un phénix et de se retrouver narcissiquement avec le corps tout à fait intègre, puisque les médicaments n'ont pas altéré ce corps. Non, nous voyons tous les services voient de plus en plus des pondaisons. Nous voyons de plus en plus des défenestrations et pendant la crise Covid, ça a été particulièrement important et ça a été dit. Les troubles des conduites alimentaires ont été multipliés, les tentatives de suicide jusqu'à par 3 et le nombre de suicides jusqu'à 25% supplémentaire. Ces patients, vous les connaissez, c'est ceux qui sont toxicomanes. Toxicoman à la cocaïne, au crack, à l'ecstasy, selon l'endroit où vous habitez bien sûr. Dans les quartiers chic, c'est de la cocaïne et c'est évidemment moins dangereux. Et dans les quartiers moins chic, c'est du crack et c'est évidemment plus délétère et massivement et rapidement délétère. Cocaïne, crack, ecstasy, binge drinking, alcoolisme. Brutale avec des fonds et risque bien sûr d'accidents dramatiques. C'est chez les filles, ils trouvent des conduites alimentaires mais pas comme avant.

  • Speaker #0

    Avant la pandémie, nous qui sommes relativement spécialisés dans la trousse des conditions alimentaires, nous recevions des patientes qui avaient une structuration anorexique qui les tenait. Ils avaient une identité de compensation qui n'était ni fille ni garçon, anorexique, dans une affirmation phallique, avec une anorexie restrictive qui tenait. Mais là, on ne voit quasiment plus d'anorexie restrictive, avec un symptôme qui les contient. Elles sont très rapidement débordées. Leur anorexie ne tient pas, ne défend pas les angoisses psychiques sous-jacentes. Elles sont massivement mixtes, boulimiques et déjà très rapidement toxicomanes, un certain nombre de psychotropes et au binge drinking. Elles sont aussi massivement, quand elles arrivent, avec des pertes de poids extrêmement importantes et brutales. Elles ne prennent pas, comme d'habitude, une courbe sur plusieurs mois, si ce n'est semestre, avant de maigrir. Non, elles sont massivement maigres de manière très importante. Et l'hyperactivité chez elles prend une importance vraiment démesurée, qui témoigne, selon les psychopathologues, du fait que cette hyperactivité leur permet de contenir leur excitation interne de manière plus intense. Et si elles sont plus hyperactives, c'est que cette tension est beaucoup plus intense. Donc les symptômes, les syndromes ne sont pas constitués, ils sont très rapidement débordés. Les passages à l'acte hétéroagressifs ou autoagressifs sont plus importants. Les stratégies thérapeutiques mauvaises, morbides, sous forme d'addiction ne tiennent pas. Il y a un risque d'implosion tellement important que l'externalisation s'impose et qu'elle-même ne suffit pas puisque le passage à l'acte suicidaire est plus fréquent. Ces patients, nous les suivons depuis des années et ils sont de plus en plus rejetés, y compris par la psychiatrie qui les appelle des cas sociaux. Il les appelle les cas du vendredi soir, le bébé qu'il faut refiler aux voisins. Ceux qui ne sont pas pour nous, ceux qui sont pour la protection judiciaire, ceux qui sont pour l'ASE, l'aide sociale à l'enfance. Certains mêmes psychiatres évoquent l'idée que ce ne serait pas de la psychiatrie. Ce qui fait que, par rapport à ce qu'a dit Mme Holling, tout dépend comment vous prenez le bio-psycho-social. Soit vous mettez le bio au démarrage. et vous mettez les budgets de recherche pour rechercher une vulnérabilité génétique biologique qui serait à l'origine des troubles psychologiques, qui serait à l'origine des troubles sociaux. Soit, et où l'un n'est pas exclusif de l'autre, ils sont complémentaires, vous faites une socio-psycho-bio. Rien n'empêche de penser que des événements sociaux, et la pandémie étant un, entraînent des dérèglements psychologiques majeurs qui ont des conséquences biologiques. Évidemment, si... Un phénomène social entraîne des phénomènes psychologiques. Chez quelqu'un qui a une vulnérabilité biologique, les conséquences sont beaucoup plus importantes. Donc ce n'est pas dynamique du tout. Mais je suis effaré du fait que nous sortons à peine de la pandémie et des confinements et qu'on n'envisage pas de mettre des budgets de recherche sur les facteurs sociologiques qui sont à l'origine des désorganisations et qu'on continue à mettre des budgets de recherche massivement sur une biomédecine. Je ne dis pas que ça n'a pas son importance, mais bon. Pourquoi je vous dis ça ? Parce que ces patients, ces états limites, ces fonctionnements limites, ces borderlines, ces barbares, ces sauvages, sont des maladies sociales, des maladies sociétales. Si vous étudiez leur biographie, elle est massivement marquée par des traumatismes effarants, depuis l'enfance et même dans le transgénérationnel. Si nous avons mis un psychiatre... Les deux psychologues en maternité, c'est parce que nous voulons avoir une action de prévention primaire sur cette mère qu'on voit qui est seule, qui est toxicomane, qui a été abandonnée quasiment dès la naissance de l'enfant par le père en question, ce père étant en général violent et qui, à la maternité, vient à toucher d'un enfant et qui a besoin d'une prévention primaire immédiate si on veut avoir un impact sur le devenir de cet enfant. Vous me direz, est-ce que c'est fréquent ou pas ? Je vais vous donner les chiffres. Pour ce qui est des patients que je suis et qui sont sous injonction judiciaire, les patients les plus difficiles, ces adolescents difficiles, nous avons des chiffres qui sont effarants. Ce ne sont pas des petits chiffres. C'est 90% de ces familles, ce sont des familles monoparentales, avec une femme seule et des enfants, avec une enfance qui se passe relativement bien, mais évidemment à l'adolescence, avec les modifications pubertaires. massive, avec la transformation de l'agressivité en potentialité meurtrière, avec la transformation de la possibilité fantasmatique d'avoir un enfant dans la réalité de la voix. cette action de violence vis-à-vis de la mère qui nous amène évidemment à prendre en charge cette adolescence. Donc nous avons une action de prévention primaire en maternité parce que nous pensons que c'est là que ça se joue et que c'est là que commence ce qu'on appelle dans le service la dérive des contenants. Ça a été dit par Madame Rowling, c'est très important qu'une mère soit suffisamment bonne pour son enfant pour qu'elle puisse le porter, l'accompagner, l'accorder, le réfléchir, le penser, le rêver, le baigner, tout un tas de choses importantes. dans la relation transcorporelle, psychique, affective. Si cette femme est seule, si cette femme est en général d'origine étrangère, immigrée, si cette femme a été abandonnée par son ami, son mari, son compagnon d'un soir, vous savez que dans les séparations, dans les divorces, les femmes se retrouvent dans une situation économique massivement plus difficile qu'avant. Si donc économiquement c'est précaire, Si nous sommes dans un environnement qui est adverse de l'autre côté du périphérique, cette femme va avoir plus de difficultés de s'occuper de cet enfant. Le contenant maternel qui doit s'occuper de ce contenu, ce contenant qui est conteneur, qui va ruisseller tout un tas d'histoires transgénérationnelles plus ou moins traumatiques pour élever cet enfant, va être en difficulté. C'est ce qu'on appelle pour aller vite, et ce n'est pas que ça, la dépression maternelle pendant la maternité, dans les suites du cours. couche au postpartum dans les premiers mois, cette dépression maternelle, une mère ralentie, déprimée, n'a pas la capacité, ça n'a pas une question d'intentionnalité, c'est une question de capacité impossible du fait du ralentissement de s'occuper naturellement de cet enfant. Ce premier contenant a été défaillant, le développement va être problématique du fait de ce tuteur de développement. Arthur Rimbaud l'évoquait, quand vous commencez à naître aux accidents, dans un pays où l'émotion ne se distille pas de manière naturelle, évidemment, ça commence mal. Deuxième contenant, le contenant de la diade mère-enfant, le père. Je vous l'ai dit, pour ces patients, il n'est pas là. Je ne vais pas développer un discours sur la question de l'autorité du père, être auteur d'eux, pas simplement d'avoir une fermeté pour tenir, pour limiter, pour contenir le débordement pulsionnel de l'enfant, mais si ce père n'est pas là, si cette mère est seule, évidemment, la situation est plus compliquée. Troisième contenant autour de cette merde, de ce duo, de cette diade, et autour de ce trio, théoriquement la société doit pouvoir aider à accompagner ces familles, en particulier les familles les plus difficiles. Et bien là nous sommes dans un état de déliquescence, de délitement et de dérive de ces contenants. Je ne vais pas évoquer la déliquescence si ce n'est la dérive du contenant politique. Mais l'instabilité politique actuelle, évidemment, n'est pas de bonne tenue, puisque quasiment tout est gelé sur les autres contenants qui vont venir et qui sont importants, par exemple celui de l'éducation nationale. Le contenant de l'éducation nationale, il suffit d'interroger les proviseurs, les enseignants, ce qu'on leur donne à faire avec des effectifs et des discontinuités de présence, évidemment plus importantes de l'autre côté du périph'que dans la ville lumière. Cette absence de professeurs suffisamment... expérimenter cette absence de continuité de présence, cette absence d'effectifs, ces adolescents beaucoup plus difficiles, ces classes surchargées, ces problèmes d'identité, enfin tout ce que vous savez, tout ça est très difficile à gérer et ce contenant l'éducation nationale qui doit permettre la séparation d'avec un milieu familial, qui doit permettre de s'élever à une certaine culture qui permet de se dédifférencier à l'adolescence, ce qui est fondamental pour l'adolescent pour éviter d'être absorbé. aliéné à un environnement familial adverse, ne joue pas son rôle. Ne joue plus son rôle ou ne joue pas suffisamment son rôle, malgré évidemment l'investissement de tous ses professeurs. Mais derrière ce contenant de l'éducation qui n'arrive pas à jouer son rôle, un autre contenant a été totalement désorganisé, c'est évidemment le contenant de la santé. Nous avons vu avec le confinement, pour tout un tas de raisons que vous connaissez, un contenant santé qui ne répondait pas, qui n'avait pas une réactivité suffisamment importante pour pouvoir contenir les débordements pulsionnels, les passages à l'acte hétéroagressifs, autoagressifs, les automutilations, les toxicomanies. Là encore, avec une disparité extrême à Mayotte, évidemment, Mme Rowling pourrait vous en parler, mais dans les quartiers nord de Marseille, c'est un an et demi pour avoir un rendez-vous. Ce n'est pas la même chose que dans le 5e, 6e arrondissement, bien évidemment. Il y a un an et demi pour avoir un rendez-vous, c'est un échec scolaire qui est enterriné, et donc une dépression du fait de la dévalorisation et de la marginalisation qui s'aggravent, et donc une accélération des symptômes qui ont amené ce patient à consulter. La désagrégation du contenant éducatif, du contenant social, Ça accompagne aussi d'une désagrégation du contenant policier et de la justice. Sans entrer dans des débats politiques, ce n'est pas la question. Nos amis policiers ont affaire à des violences de plus en plus extrêmes et la contenance, la limitation peut tourner à la répression. Pour avoir été juré dans une cour d'assises récemment, la contenance judiciaire, du fait du débordement des dossiers pour les juges des affaires familiales, qui sont effarants jusqu'à un an, un an et demi, deux ans, date... avant d'avoir une mort, surtout en cas d'agression sexuelle. Vous savez qu'il faut en moyenne 4 ans pour que le dossier arrive. S'il arrive, et ensuite dans 4-5% des cas, il y a une judiciarisation. Pendant ce temps-là, le sujet est encore confronté à la situation adverse dans laquelle il vient de révéler. Donc ce contenant policier, ce contenant judiciaire, ce contenant sanitaire, ce contenant éducatif, ce contenant familial, sont dans une certaine détresse. Je n'ai pas dit qu'ils étaient manichéens volontaires et qu'ils tuaient nos enfants. Je dis qu'il est dans une certaine détresse. Et je dis tout de suite que la situation française est infiniment meilleure que bon nombre de situations, y compris européennes. Ce n'est pas la question. Nos enfants vont mieux que bon nombre de pays européens. Toujours est-il que si j'insiste sur le fait que ces patients n'ont pas subi une mutation génétique, que toutes les études sur les vulnérabilités biologiques ne montrent rien. Ces gosses n'ont pas été contenus, portés, élevés et sans tuteur de développement suffisamment bon ou avec un tuteur de développement qui va très mal et qui colonise, qui empiète, qui vampirise cet enfant, ça ne lui permet pas un développement suffisamment sécure. Et alors, cette excitation intérieure qui est la sienne, qui n'arrive pas à être entendue par la santé, par l'éducation, par la famille, par le politique, si elle ne veut pas... Arriver à une implosion doit se défléchir vers l'extérieur, et ce qui explique, nous, le passage à l'acte extrêmement important. Quand une famille n'arrive pas à être suffisamment tendre avec son enfant parce qu'elle est prise par la dépression, par une détresse intérieure, par une situation économique, par l'abondance d'un mari, etc. Il y a un phénomène très important, là aussi quasi mécanique, pas manichéen, pas pervers. Le phénomène, c'est que... Cette mère qui n'arrive pas à suffisamment contenir cet enfant qui commence à déborder à l'adolescence alors qu'il était un enfant lumière pendant toute l'enfance, contre-investit en emprise cet enfant. Elle essaye de le contenir par un excès de contraintes, ce qui évidemment entraîne en retour un excès de pulsionalité. Ce contre-investissement en emprise, c'est pour ça que je dis dérive, pas simplement déliquescence. Vous le voyez aussi au niveau éducatif, où les contraintes qu'imposent les éducateurs à les enseignants, à ces adolescents, ne sont pas contenables, soutenables par ces adolescents. Nous, les psys, qui manquons d'effectifs, qui manquons de continuité de présence, nous devenons maltraitants pour ces enfants parce que nous sommes maltraités par les contenants au-dessus de nous. Et donc, nous faisons la même chose que ces parents, nous faisons un contre-investissement d'emprise, c'est-à-dire que nous mettons contention, isolement. médicaments psychotropes, si ce n'est sismothérapie. Au plus pressé, pour contenir la pulsualité, plutôt que de l'accueillir avec un effectif suffisant pour essayer de la contenir, de la comprendre, de l'écouter. Même chose évidemment au niveau policier, au niveau judiciaire. Donc la dérive des contenants, c'est que de ne pas être suffisamment bien, les adultes, face à des enfants qui ont à vivre aussi des événements considérables comme la pandémie, par exemple, ces enfants nous regardent, sont très attentifs. à l'anxiété, l'angoisse, la dépression, si ce n'est la désorganisation qui nous prend. Ça les affole considérablement. Ils nous testent en étant violents. Si nous répondons à cette violence par une répression, sans un accueil, sans une écoute, le cercle vicieux va s'organiser et va s'enteriner. La pandémie, c'est démonstratif de quelque chose. C'est que la famille est le dernier refuge. Mais qu'il ne faut pas que ça dure trop longtemps. Lorsque quelqu'un vous dit que vous n'allez plus à l'école à partir de mars 2020, on ne sait pas combien de temps ça va durer, vous restez en famille, vous ne pouvez plus rencontrer vos amis, même si vous pouvez le faire sur les réseaux sociaux, mais ça ce n'est pas des échanges corporels. Si vous ne laissez pas les gosses aller s'exciter ailleurs, aller décharger ailleurs, aller aimer ailleurs, aller se dégager, se différencier de cette famille, si vous les enfermez, si en plus ils sont immobilisés, Cet entre-soi nécessaire avec leur père devient un entre-soi avec la famille ou un entre-moi pour ceux qui sont les plus vulnérables et le risque d'implosion est plus important. C'est ce que nous a enseigné... La pandémie, l'environnement est central dans le développement de ces enfants et ces adolescents. Cet environnement doit aller suffisamment bien. S'il ne s'occupe pas d'aller suffisamment bien, les enfants vont aller plus mal. Sans être caricatural, les pédopsychiatres de mon âge se disent entre eux quelque chose qui n'est pas tout à fait vrai, mais qui n'est pas tout à fait faux. En général, les enfants et les adolescents que nous voyons viennent pour nous amener leurs parents. et pour qu'on s'occupe de leurs parents. Ils nous disent que le contenant familial ne va pas bien et que c'est pour ça qu'ils sont extrêmement agités. Occupons-nous des contenants, sinon le contenu va continuer à aller très mal. Merci de votre attention.

  • Speaker #1

    Merci. Je vais passer la parole à François Ancermé. qui est professeur honoraire de pédopsychiatrie à l'Université de Genève et à l'Université de Lausanne, psychanalyste, qui a été membre du Comité consultatif national d'éthique entre 2013 et 2021, qui est également l'auteur de nombreux ouvrages et qui a été à l'origine de la conception de la maison de l'enfance et de l'adolescence aux hôpitaux universitaires de Genève. François Ancermé, à vous.

  • Speaker #2

    Bon, merci pour l'invitation. Donc une table ronde, c'est l'occasion de se poser des questions à soi-même autour du thème santé mentale de l'enfant et devenir de l'enfant et de la société. Et au fond, qu'est-ce qu'on appelle santé mentale ? Il vient d'y avoir un avis du comité consultatif national d'éthique, l'AVI 147. où ils ont beaucoup hésité à savoir s'il fallait parler de psychiatrie, crise dans la psychiatrie ou crise dans la santé mentale. La santé mentale, on pourrait dire la maladie est privée, la santé est publique. La souffrance est privée, la santé est publique. Santé mentale, qu'est-ce qu'on appelle la santé mentale ? C'est autant en fonction de la façon dont on la considère que de la façon dont on y répond. Parce que la façon dont on y répond constitue le fait même de la santé mentale et qui elle-même est un miroir, voire une loupe grossissante de la société telle qu'elle évolue. Donc, quel est pour moi, dans la préparation de cette table ronde, l'enjeu majeur autour de la santé mentale des enfants ? Je me suis dit, c'est peut-être le point... C'est la question du déterminisme, notre façon de considérer le déterminisme, surtout quand on parle de la santé mentale des enfants, quand on parle de la psychiatrie d'enfants et d'adolescents, quand on parle de la périnatalité, quand on parle de la procréation et de la conception et de la grossesse. Tout ça mobilise la question du déterminisme en jeu. Et peut-être faudrait-il faire un jour les assises des déterminismes. les assises de la façon dont on considère le déterminisme. Pourquoi pas un forum européen de bioéthique sur les différentes conceptions du déterminisme entre génétique, société, neurosciences, psychanalyse, anthropologie, etc. Donc, avec aussi la question du risque performatif qui est présent dès lors qu'on est... psychiatre d'enfants et d'adolescents, pédopsychiatre, psychanalyste. Je dis parfois le risque du psychanalyste ou du psychiatre d'enfants et d'adolescents, c'est d'être un spécialiste de la prédiction du passé. Et qu'il y a toujours un risque performatif, déjà par le sujet lui-même. Je suis ce que je dis que je suis. Finalement, la... la question de la crise dans le genre et touche aussi au performatif. Ou bien tu es ce que je dis que tu es, etc. Un effet Pygmalion généralisé qui, au fond, est assez complexe puisqu'il y a une dimension de façonnage. Yann Hacking parlait de façonnage. Un lien complexe entre prédiction, capacité de prédire, Prévention et prescription. Un risque prescriptif au cœur des démarches. préventive et qu'au fond tout ça peut écarter peut-être le fait qu'on est aussi déterminé pour ne pas l'être. C'est au fond il y a un au-delà du déterminisme et que c'est aussi un enjeu pour le psychiatre d'enfants, le psychanalyste qui s'occupe d'enfants, d'adolescentes, de périnatalité, c'est de miser sur l'au-delà du déterminisme. de miser sur le hiatus, sur la béance, sur ce qui fait qu'on est aussi déterminé pour ne pas l'être. Miser sur la part non déterminée. C'est en jeu avec les neurosciences aussi, autour de la plasticité et tous les travaux que j'ai pu faire sur cette question-là avec mon collègue Pierre Magistretti, mais aussi sur la génétique qui bute sur la dimension de la différence individuelle, là où on pense trouver la répétition du même. Donc, effectivement... La santé mentale de l'enfant, c'est toute la tension, et l'attention, en un mot, à avoir entre d'où l'on vient et ce que l'on devient. Nous sommes des praticiens du devenir, mais bien que praticiens du devenir, on est peut-être trop pris par le fait de la réification de l'origine, surtout quand on est... immergé comme j'ai pu l'être dans le monde de la conception de la périnatalité et de ses enjeux. Il y a la clinique de l'origine mais il y a la clinique du devenir et notre pratique c'est une pratique qui mise sur un devenir possible. Donc la responsabilité de la pédopsychiatrie, la responsabilité du clinicien qui s'occupe d'enfants et d'adolescents, c'est d'aller dans le sens d'une réponse possible. Trouver les chemins d'une réponse possible. D'ailleurs, il y a peut-être une parenté, c'est pour ça que je commençais à me troubler en parlant, entre responsabilité et réponse. Il y a une parenté entre ces deux mots-là. De sa position, il s'agit que l'enfant puisse devenir Responsable, responsable d'un devenir. L'origine, disait Walter Benjamin, se prend dans le tourbillon du devenir. J'aime beaucoup cette phrase, on est tout le temps en train de renaître après coup, comme disait Rilke d'ailleurs, à un certain moment, on reconstitue quelque chose à partir d'un acte de naissance qui est dû à un hiatus. entre là d'où l'on vient et ce que l'on devient. Donc réponse, pratique de la réponse, pratique de la solution, une clinique de la solution, une logique de la réponse plutôt qu'une logique de la cause déterminante, peut-être est-ce la responsabilité de ce champ qui est le nôtre, c'est-à-dire de miser aussi sur les capacités d'invention des enfants. d'invention des enfants vers la fabrication d'un avenir possible. Et que, bon, alors où on en est par rapport à ça, dans ce qu'on appelle la crise de la psychiatrie ? Qu'est-ce que c'est que la crise de la psychiatrie ? Est-ce que c'est un malaise, elle est fonction du malaise dans la civilisation ? Est-ce qu'elle est fonction des malaises dans l'institution psychiatrique ? Est-ce qu'elle est fonction d'un certain malaise dans les savoirs ? En tout cas, une crise est toujours une occasion d'un changement. Une crise, c'est une croisée des chemins. Et on rencontre beaucoup de paradoxes dans cette crise. On pourrait énumérer des paradoxes. Par exemple, on a passé de la norme pour tous à chacun a. à chacun sa norme, voire même aux hors-normes pour tous. Donc, au fond, là, on a un basculement dans les pratiques de la norme qui implique une reconfiguration du champ qui est le nôtre. Si on se met dans le champ périnatal, on souffre tous d'amnésie infantile. Au fond, le fait de l'amnésie infantile fait qu'on n'a pas un accès vraiment... tel qu'on l'imagine, à la souffrance dans la toute petite enfance et que cette dimension-là devrait être remise sans cesse au travail. Et puis également dans les nouvelles démarches de fabrication des enfants, dont je ne vais pas parler ici, mais enfin qui reconfigurent énormément ce qu'on appelait jusqu'à maintenant de la famille par rapport à la façon de la concevoir. Peut-être qu'il n'y a plus que quelques Suisses égarés sur les montagnes Un jour blanc qui conçoivent les enfants de façon artisanale alors que la plupart des gens civilisés utilisent prédiction, procréation, gestation pour autrui, choix du spermatozoïde, choix de l'ovocyte. On ne peut pas laisser quand même à une pratique si bizarre qu'est la vie sexuelle la fabrication des enfants. Donc une crise où tout se reconfigure et au fond qui est peut-être pas une catastrophe mais l'occasion. de se dire on va vers un nouveau paradigme et qu'on est là peut-être à Strasbourg pour inventer les fondements de ce nouveau paradigme. Alors modestement, mais pas tout à fait, j'ai eu beaucoup de chance dans toute cette démarche. Effectivement, à Genève, on a pu constituer cette maison de l'enfance et de l'adolescence grâce aux liaisons avec la pédiatrie, la maternité, le... toutes les spécialités multidisciplinaires autour de l'enfant dans un lien commun et en mettant en jeu un lien à la cité et un lien à la culture qui nous a paru absolument central. Non pas exclure les enfants et les adolescents de la ville, mais inclure la ville dans un lieu. Genève, c'est la ville de Rousseau, de Piaget, de la Convention des droits de l'enfant de l'ONU. eh bien il n'y a pas, jusqu'à maintenant, il n'y avait pas un lieu de l'enfance et de l'adolescence, un lieu de culture, de cinéma, de radio, de théâtre, et qu'au fond on a créé ce lieu, et de telle façon que les jeunes viennent se faire soigner dans un lieu qui est le leur, qu'ils connaissent, qu'ils ont déjà rencontré, peut-être en termes... technique, mettre en jeu à la fois la dimension cure et la dimension care, prendre soin d'un lien, enfin bref, un hôpital autrement, qui est aussi une nouvelle façon de mettre en jeu à la fois les dimensions de l'intime et du collectif, parce qu'au fond, quand une situation, là, Maurice Corcos, brillamment a parlé de des situations tout à fait extrêmes, mais quand il y a une situation qui ne tient plus, c'est qu'il y a peut-être un lien qui s'est rompu, tant au niveau intime qu'au niveau collectif, et que notre œuvre consiste aussi à trouver un moyen de reconstituer ce qui s'est perdu. Donc une conception de la souffrance mentale, la souffrance psychique, pourquoi pas. pas de la maladie psychique comme une nouvelle allure de la vie. Merci pour votre attention.

  • Speaker #1

    Merci. Alors, je vais passer la parole à Serge Tisseron, qui est psychiatre, docteur en psychologie, membre de l'Académie des technologies, créateur des balises 36912 du jeu des trois figures et de l'Institut pour l'étude des relations. homme-robot, je crois aussi de l'Institut pour l'histoire de la mémoire et des catastrophes et l'auteur de nombreux ouvrages en plusieurs langues, certes ils seront c'est à vous

  • Speaker #3

    Merci beaucoup, merci de cette invitation alors beaucoup de choses ont déjà été dites, beaucoup beaucoup mais elles ont été dites par des psychiatres vous avez remarqué, donc les psychiatres c'est des gens qui voient les ados qui ne vont pas bien, alors heureusement vous avez eu d'autres tables rondes pendant ces rencontres, ou des sociologues des ethnologues... on peut plus aborder des aspects culturels. Alors, beaucoup de raisons vous ont été données pour lesquelles les ados vont mal. Il a été question des conflits, de l'intelligence artificielle, de la compétition scolaire, des réseaux sociaux, des dépressions parentales, de la petite enfance, de l'augmentation du coût de la vie. Et tout ça, finalement, rejoint bien ce que disait Julie Rowling en commençant, c'est-à-dire un ado tout seul, ça n'existe pas. Il est toujours inséré dans une famille, dans une culture, dans divers groupes de rattachement.

  • Speaker #0

    Alors je vais essayer d'apporter ma petite pierre à l'édifice, ma contribution, en mettant en relation deux choses, deux choses qui sont assez banales, que vous connaissez bien, qu'on a évoquées. Deux choses qui sont tout d'abord la dépendance matérielle de plus en plus grande des adolescents à leur famille, liée au fait qu'il y a une augmentation importante du coût de la vie, ils ne peuvent pas se loger de façon indépendante, ils restent dans leur famille, il y en a qui essayent de la quitter, qui sont obligés d'y revenir. Beaucoup, beaucoup sont aidés par leur famille, bien au-delà de ce qu'ils pouvaient être aidés il y a 10 ou 20 ans. Donc d'un côté, une dépendance accrue des adolescents à leur famille sur une période de plus en plus longue, et d'un autre côté, une dépendance accrue aux réseaux sociaux qui les bascule dans une culture complètement différente. Le problème n'est pas qu'ils aient cette dépendance à leur famille seulement, c'est pas qu'ils aient seulement cette dépendance aux réseaux sociaux, c'est que les deux sont en contradiction absolue. C'est ça le problème que je vais essayer de vous résumer en quelques mots. Alors cette dépendance aux réseaux sociaux, d'abord, il faut dire à quoi elle est liée. Elle est liée à beaucoup de choses. Elle est liée d'abord au fait qu'il y a de moins en moins d'endroits où les ados ou les pré-ados encore plus peuvent se rencontrer. Une sociologue de la ville, comme Valérie Gobbi, a même démontré que si les jeunes sont plus présents sur les réseaux sociaux de plus en plus, c'est parce qu'ils sont de moins en moins présents dans des espaces de rencontres physiques, parce qu'il n'y en a pas. très souvent et en plus s'il y en a leurs parents les dissuadent d'y aller parce qu'ils pourraient faire des mauvaises fréquentations donc plus ils sont interdits d'aller dehors, notamment le week-end les cours de récréation des écoles sont fermés pour les plus jeunes, les gymnases sont fermés très souvent donc ils se retrouvent sur les réseaux sociaux. Deuxième chose ceux qui ne sont pas performants à l'école essayent de se rattraper en popularité sur les réseaux sociaux. Puis troisième raison comme maintenant assez banale les algorithmes des réseaux sociaux qui regroupent les usagers par centre d'intérêt partagé donc Cette tension entre une dépendance matérielle de plus en plus grande au milieu familial, aux parents, et une dépendance psychologique de plus en plus grande aux potes, aux copains, aux camarades, aux groupes d'affiliation sur les réseaux sociaux, quelles conséquences ça a ? A mon avis, deux conséquences que je vais essayer de vous illustrer par deux symptomatologies qui sont apparues dans les services de psychiatrie et que je n'avais jamais vues quand j'étais moi-même. étudier en médecine ou médecin psychiatre. Tout d'abord, première question, si vous êtes toujours très dépendant de vos parents, mais complètement dans une culture différente, et que vous pensez que vos parents sont complètement has-been, comment vous allez payer votre dette ? Vous allez peut-être payer votre dette en adoptant un symptôme familial. Et il y a quelque chose qui est apparu, qu'on appelle le syndrome de Munchausen partagé. Le syndrome de Munchausen, vous savez, c'est le fait que quelqu'un se fasse mal et a été de la sollicitude auprès du corps médical. Ensuite, on a écrit... le syndrome de Munchausen par procuration, c'est en général des parents, plus souvent des mères, qui maltraitent leur bébé puis qui vont à l'hôpital pour demander qu'il soit soigné. Maintenant, on a décrit un syndrome de Munchausen partagé, c'est-à-dire des adolescents qui sont malmenés par leurs parents, qui sont blessés par leurs parents, qui adoptent une attitude de complicité active ou passive, partiellement consciente d'ailleurs, au service que leur imposent leurs parents. C'est-à-dire qu'ils sont complices, ils vont à l'hôpital. et éventuellement ils mentent sur la raison des troubles qui leur sont imposés. C'est ce qu'on appelle le minkhausen partagé, et c'est quelque chose qui est complètement nouveau, dont je n'avais moi jamais entendu parler. Et je pense qu'il faut réfléchir à ce genre de choses, non pas comme quelque chose qui risque de toucher beaucoup d'ados, mais comme un signe de la souffrance que rencontrent beaucoup d'ados dans cet écartèlement entre une dépendance matérielle aux parents qui ne savent pas comment compenser, d'autant plus qu'ils ont une dépendance psychologique de plus en plus importante à leur groupe social. Alors cette dépendance psychologique au groupe social, au groupe sur internet, au groupe d'affiliation, comment elle va se traduire par un autre type de symptomatologie sur laquelle mon attention a été attirée récemment ? Ce sont ces adolescents qui viennent en consultation en déclarant qu'ils ont un symptôme, qu'ils ont en général emprunté à un youtubeur qui dit l'avoir, et il y a un symptôme qui est très à la mode, c'est l'autisme. Vous savez, il y a même des psychiatres qui disent... La créativité et l'autisme sont très proches. Comme les youtubeurs veulent beaucoup prétendre être créatifs, il y en a un certain nombre qui ajoutent qu'ils sont autistes, évidemment. Voilà, autistes, créateurs, ça va bien ensemble. Donc, on a l'estampille de l'université. Et donc, il y a des youtubeurs qui mettent en avant leur autisme. Ils ont des followers. Et que font les followers ? Ils vont s'identifier aux youtubeurs également du point de vue du symptôme que le youtubeur met en avant. Alors, il y en a... Beaucoup prétendent avoir l'autisme, ils viennent en disant je suis autiste on les teste, on leur dit vous ne l'avez pas ils disent mais vous vous trompez Moi j'avais vu ça quand je faisais mes études pour souvent des personnes âgées, vivant seules et prétendant avoir un symptôme pour attirer l'attention du corps médical. Maintenant ce sont des ados et si on leur dit qu'ils n'ont pas l'autisme, ils sont embêtés parce qu'évidemment c'est une manière de se cacher eux-mêmes l'origine beaucoup plus complexe de troubles qu'ils peuvent avoir, notamment à travers des conflits parentaux. Il y en a même qui prétendent avoir des troubles bipolaires. Et puis même, j'ai entendu parler d'une épidémie de Gilles de la Tourette, dans une région de France, où il y avait un youtubeur connu dans la région. Et de proche en proche, il y avait un certain nombre de jeunes qui avaient déclaré avoir la maladie de Gilles de la Tourette. Et ils venaient d'ailleurs avec des tics, comme s'ils l'avaient. Et vous voyez, c'est donc une sorte d'affiliation poussée à son extrême à une pathologie qui est présentée par un youtubeur sur Internet. Ce qui est encore une fois une bonne manière de se cacher la complexité de l'origine de sa souffrance. Alors, je voudrais quand même dire que les réseaux sociaux, puisqu'on parle de la santé mentale, ils n'ont pas que des effets négatifs sur la santé mentale. Alors, vous savez qu'il y a une étude de l'UNICEF de 2018 qui dit que les réseaux sociaux permettent de lutter contre le sentiment de solitude, d'augmenter les amitiés existantes. Mais je voudrais élargir la question à un avis de la Commission européenne, puisque la Commission européenne a déclaré ceci par rapport à l'éducation par les pairs. dans les stratégies d'éducation à la santé, notamment à la santé mentale et notamment à la santé sexuelle. Je cite la Commission européenne. L'éducation par les pères, dans le PIRS évidemment, est une alternative ou un complément aux stratégies d'éducation à la santé traditionnelle. Cette approche repose sur le fait que lors de certaines étapes de la vie, notamment chez les adolescents, l'impact de l'éducation par les pères est bien plus grand que d'autres influences. Et comment est-ce que la même Commission européenne... de finir l'éducation par les pairs, je cite à nouveau, une approche éducationnelle qui fait appel à des pairs, personnes du même âge, de même contexte social, même fonction, éducation ou expérience, pour donner de l'information et pour mettre en avant des types de comportements et de valeurs. Et cette éducation par les pairs à la santé, elle fonctionne de deux façons sur Internet. D'abord par l'intermédiaire de youtubeurs et youtubeuses, puisqu'on trouve tout parmi les youtubeurs et youtubeuses. L'intérêt des youtubeurs et youtubeuses, c'est qu'ils assurent une relation verticale, ils peuvent donner des conseils, mais tous les followers après rentrent en contact entre eux et donc ça donne une éducation horizontale. Et puis il y a aussi tous ceux qui se réunissent entre eux, et d'ailleurs il peut y avoir des psychiatres, des éducateurs parmi eux, à condition qu'ils parlent le même langage que les jeunes, et ce sont ceux qui se reconnaissent dans un même parcours de vie. Ils utilisent l'anonymat pour aborder des questions qu'ils n'oseraient pas aborder avec leur vraie identité. Et puis, ils adoptent surtout un langage commun. Voilà. Donc, quelques mots de conclusion. Et pour qu'on ait le temps de discuter ensemble. Alors, je rejoins bien François Ancermette dans ce qu'il vient de dire. Si vous regardez votre adolescent tous les matins en lui disant avec un air de catastrophe comme s'il avait un cancer, ça va ? Bon, vous allez voir que bientôt, il ne va pas aller bien du tout. Donc méfiez-vous de ce qu'on appelle la prédiction qui se réalise. On dit les ados, ils vont mal, ils vont mal, ils vont mal. Oui, mais il y a aussi des signes qui montrent qu'ils vont bien, notamment leur engagement. Dès qu'on voit qui s'engage dans des associations pour la défense des espèces menacées, les maraudes, le soutien aux personnes âgées, la lutte contre le réchauffement climatique, c'est des jeunes. Alors ils ne s'engagent pas comme les seniors, ils ne s'engagent pas. dans des postes de responsabilité déclarés, ne veulent pas être trésoriers, ne veulent pas être vice-présidents, ne veulent pas être responsables de ceci ou cela. Mais ils s'engagent énormément sur des durées courtes et c'est peut-être finalement une manière de tenir compte du fait que tout évolue si vite, que ce serait vraiment un mensonge que prétendre s'engager sur des durées longues. Et puis, tout ça a un point commun, toutes leurs souffrances, à mon avis, ont un point commun. Et c'est là-dessus que je voudrais terminer. C'est qu'il y a une crise de confiance envers les autres, envers soi. Donc je pense que si on veut faire en sorte de... que les choses évoluent au mieux, il faut vraiment renforcer toutes les occasions qu'on a d'augmenter leur estime d'eux-mêmes. Voilà, et ça peut être par des concours éloquentia, valoriser les compétences extrascolaires. Voilà, et chacun dans sa famille peut trouver par où aborder son ou ses adolescents. Voilà, merci de votre attention.

  • Speaker #1

    Merci. Alors, merci à chacun pour la richesse de vos propos. Nous vous avons entendu défendre et je vais citer des choses qui m'auront sonné plus particulièrement à l'oreille, mais défendre l'environnement des enfants, leur accueil, leur écoute. L'idée que chaque adulte puisse assurer sa mission, les fonctions de contenant autour de l'enfance, la déstigmatisation, la clinique du devenir, le soin par les parents. père. Je reprends quelques éléments de ce que vous nous avez dit. Vaste programme et à la fois très porteur. Je ne doute pas que la salle a des questions par rapport à vos propos, Cyril. On va laisser la parole à la salle. On n'a qu'un seul micro dans la salle, mais il va circuler quand même, ne vous inquiétez pas. Il y a déjà une première question au premier rang.

  • Speaker #2

    Aurélien.

  • Speaker #1

    Bonjour, merci beaucoup pour vos présentations très riches. J'aurais une question à poser à M. Korkas sur les enfants et ses liens aux parents et à la mère. Alors déjà, j'ai cru comprendre que c'était finalement... Est-ce que c'est fonction du milieu social ou pas ? Déjà, et je ne pose pas cette question par hasard parce que maintenant que la nouvelle loi de bioéthique nous permet de pouvoir prendre en charge des femmes seules pour avoir un enfant, alors la démarche est bien sûr tout à fait différente, mais malgré tout, une fois que cet enfant est là, que la réalité rattrape le quotidien avec des nuits difficiles et parfois peu d'entourage autour, qu'est-ce que ça risque de donner même si l'histoire n'est pas la même ? et qu'on est plutôt sur un désir d'enfant et normalement une construction, je dirais, autour de cette situation antérieure à la naissance de l'enfant.

  • Speaker #2

    Oui, merci pour cette question extrêmement difficile. François a bien délimité le terrain, essayons d'éviter d'être déterministe. Pour tout un tas de raisons, je refuse de vendre des espérances. Je veux dire que dans la mythologie, lorsque la boîte de Pandore a été ouverte et que les plaies les plus horribles sont sorties pour détruire le monde, la dernière plaie c'est l'espérance. Je suis plutôt pour une action la plus précoce, la plus continue possible, pour les plus défavorisés. Je dis que oui, ce sont les milieux socio-économiques les plus défavorisés, les congrégations familiales les plus douloureuses, les histoires transgénérationnelles les plus traumatiques, avec la compulsion de répétition de génération en génération. Et je dis aussi que, ça c'est en amont, et j'en oublie, je dis qu'en aval, la réponse sociétale, qui est très importante pour infléchir ce qui pourrait être un déterminisme, pour sortir des voies de frayage de la répétition et pour ouvrir un champ de possible, cette réponse chez ces patients-là n'est pas adaptée et même elle est refusée. Il faut dire que ces patients ne nous aident pas, ils ne viennent pas en consultation. Quand ils viennent une fois, si l'accueil n'est pas probant, ils ne reviennent pas. Si on ne les relance pas, ils ne reviennent pas, si ce n'est six mois après, et que les choses se sont installées pour un nourrisson, bon, ils sont extrêmement difficiles. Ils sont casse-gueule, ils mettent en échec toutes les organisations, ils ne souhaitent pas traverser les angoisses qui ont été les leurs, ils préfèrent les réprimer, ils préfèrent les alexitimiser, les insensibiliser. Ils ont une nécessité économique, psychique, de vivre au jour le jour et pas de se poser, de s'arrêter pour travailler à bon. C'est cela qu'il faut aider parce que sinon, on peut imaginer assez aisément que si ça commence mal... Et si ça rentre dans cette fameuse compulsion de répétition, il n'y a pas de déterminisme, mais il y a l'idée d'un destin, d'un fatum. Et il y a même, pour évoquer le Munchausen par procuration et ensuite partagé, l'idée d'une communauté de détresse, l'idée de rester dans son milieu, ou comme le disent les adolescents, je ne cherche pas particulièrement à changer, je ne cherche pas le bonheur, je veux rester, excusez-moi l'expression, dans ma merde, dans ma crasse. dans mon habitus, comme disait Bourdieu, dans mon environnement. Et si cet environnement a été délétère, s'il a été négatif, je le préfère parce qu'il est dans la continuité avec ce que j'ai vécu plutôt que quelque chose de nouveau qui me change. Donc, évidemment, tout est ouvert pour tout un tas de raisons et y compris un nombre de choses considérables que nous méconnaissons des potentiels de développement de ces enfants. Et pour ce qui est d'évoquer la créativité... Je suis de ceux qui considèrent que... Alors, il faut s'entendre sur créativité et création. Je suis de ceux qui considèrent que, pour ce qui concerne la création, c'est-à-dire être auteur de quelque chose, pas simplement romancer ou transformer quelque chose. Il n'y a pas de création, on n'est pas auteur de quelque chose si on n'a pas une histoire adverse, faite de souffrances plus ou moins compliquées. On ne va pas s'emmerder la vie à reconstruire un monde. à générer un autre monde si le monde dans lequel on a vécu, dans lequel on vit, est suffisamment satisfaisant. C'est parce qu'il est insatisfaisant que nous avons besoin de nous déplacer et d'inventer ce monde. Si Balzac, qui a été évoqué hier, fait des milliers de pages pour la comédie humaine, c'est, dit-il lui-même, pour contrebalancer le code civil qui ne le reconnaît pas comme un enfant en vrai, mais comme un enfant naturel, bâtard vis-à-vis de sa mère. Donc, c'est patient. Ces sujets, pas ces patients, ces sujets ont une potentialité du fait de la contrainte qui s'exerce sur eux si on leur en donne les moyens d'être particulièrement créatifs. Donc mettons le paquet et je dis que c'est pas ce qu'on fait actuellement. Je profite de votre question pour développer encore un point que j'ai oublié tout à l'heure. Cette façon de dire que c'est l'ASE, que c'est la PJJ. Alors l'ASE, quand vous avez été agressé sexuellement et que vous êtes à l'ASE, vous avez 50% de risque d'être agressé par l'institution, par quelqu'un dans l'institution. Donc le contenant social reduplique ce que vous avez vécu. Si vous pouvez vous dégager de ça, même si le déterminisme n'existe pas, ça va être compliqué. Donc, la ZEU, c'est 50% des SDF sont des anciens de la fond de la ZEU. Donc, il n'y a pas de déterminisme, mais si c'est mal engagé, si la réponse sociale qui ne dit pas son nom dit que ce n'est pas de la psychiatrie, il ne faut pas s'en occuper, c'est de la protection judiciaire, c'est des maladies sociales, c'est des exclus, cette stigmatisation, avec le potentiel d'acceptation masochique de cette stigmatisation, va faire que ce... Ces déterminants multiples vont finir par être des déterministes et que le sujet va accepter cette identité. Attention aux familles monoparentales. Sans jugement, c'est très difficile d'élever un enfant tout seul. Il vaut mieux être deux pour trianguler, pour ne pas être dans la relation deux, qui est une relation qui est très passionnelle dans l'enfance et qui finit par la violence à l'adolescence. Trois, c'est trianguler, c'est différer, c'est diffracter, c'est déplacer. Il faut bien évidemment que le second, qu'il soit une femme ou un homme, ce n'est pas la question, mais qu'il soit là présent, soit de suffisamment bonne qualité, et qu'il ne soit pas quelqu'un qui passe et qui est violent, bien sûr.

  • Speaker #1

    Une autre question dans la salle ?

  • Speaker #0

    Merci pour toutes ces ouvertures et toutes ces analyses.

  • Speaker #1

    Une question de politique générale que je m'adresse à tous autour de cette table ronde. Pensez-vous que le fait que le politique... de manière générale ne privilégie pas la question de la jeunesse, on l'a vu notamment pendant la pandémie, c'est des professeurs d'université qui ont fini par s'apercevoir que les étudiants ne mangeaient pas à leur faim, il a fallu plusieurs mois. Donc pourquoi est-ce que le fait que le politique ne mette pas en avant la question de la jeunesse à sa juste place, comme dirait Anna Arendt, qu'en pensez-vous par rapport à tous les troubles que vous décrivez ? et à tous les problèmes que vous rencontrez. Monsieur Ancermet ?

  • Speaker #0

    Bon, écoutez, c'est celui qui n'est pas d'autre côté d'une frontière qui doit répondre à une question qui est assez... Moi je dirais, quand je vois, je prends de manière plus large, aussi même les organisations internationales qui règnent à Genève entre la Croix-Rouge, l'ONU et tous sortes de dispositifs, le risque, c'est toujours cette fameuse phrase je sais bien mais quand même C'est-à-dire qu'on a beau savoir certaines choses, Il y a une négation de ce que l'on sait dans le fait même de le savoir. C'était Octave Manoni qui avait mis cette phrase je sais bien mais quand même et j'ai l'impression que dans les discussions politiques, on en parle mais on y croit. On ne croit pas vraiment et on le voit et en fait on n'en prend pas les conséquences. Alors ça c'est un mécanisme intime mais qui touche quand même globalement la société. Oui, je pense que l'une des raisons est que les politiques prennent leur parti, qu'on évolue vers une société à deux vitesses, voire à trois vitesses, avec des jeunes très soutenus par leur milieu social du fait de leur origine et qui peuvent trouver un soutien, un renforcement de leur confiance en eux, la possibilité d'envisager le temps long. Parce qu'un possibilité d'envisager le temps long, c'est réservé à ceux qui grandissent dans des familles. dans lesquels on n'est pas constamment angoissé du lendemain. Donc d'un côté, des enfants qui grandissent dans les meilleures conditions possibles et qui peuvent présenter parfois des troubles mentaux, mais qui auront de bons psys à un prix qu'il faut pouvoir payer. Et puis un grand nombre d'individus qui sont considérés comme de toute façon amenés à avoir des postes sociaux sans trop d'importance, ou à être bientôt relayés par l'IA. et qui viendront engrossir les contingents du quart monde. Donc je pense que le problème vient du fait que beaucoup de politiques sont dans cette logique qui apparaît comme le stade suprême du capitalisme, on pourrait dire, pour joindre la formule de Karl Marx, c'est-à-dire le parti d'un libéralisme débridé, comme on voit actuellement aux États-Unis. dans lequel la majeure partie de la population est passée par perte et profit, pourvu qu'une petite partie de la population arrive à faire tourner la société et la faire évoluer vers des états technologiques supérieurs. C'est une situation qu'on voit en Inde, largement, quand vous voyez la quantité d'Indiens surdiplômés qui occupent des postes faramineux dans la Silicon Valley, et puis la masse des Indiens qui sont sous-nutris, sous-éducés, etc. Et il y a cette idée quand même que... C'est ce que certains ont théorisé sous le nom du long-termisme, qui est aujourd'hui une grosse tentation de beaucoup de monde. Vous avez vu les protestations des patrons, certains étant mécontents quand on envisage de revenir sur la suppression de postes d'enseignants. C'est l'idée qu'il y a des inégalités. Alors on ne dit pas d'où elles viennent, évidemment. Les meilleurs gagneront et les autres, de toute façon, ce n'est pas la peine de dépenser des fortunes pour essayer de les sortir de là où ils sont. parce que de toute façon, il risquerait d'y retomber compte tenu des conditions sociales. Voilà, donc je pense que c'est ça qui mine aujourd'hui et c'est ce dont il faut être conscient.

  • Speaker #1

    Madame Rodin voulait également réagir, puis M. Corcouz. Je rejoins ce que disait M. Tistron par rapport à la question du temps long. et que finalement accompagner ses enfants, prendre en charge ses enfants, on est d'une certaine manière à l'opposé d'une logique capitaliste ou d'une logique où finalement on aura une réponse immédiate par rapport à une action qu'on aurait pu mener. Je reprends aussi par rapport à quelques éléments sur... la trajectoire de ces enfants, il est extrêmement difficile de sortir de l'assignation à une place. Extrêmement difficile si vous prenez par exemple dans une famille ou dans un groupe de collèges, il y aura toujours celui qui fait le café, celui qui arrive à l'heure, celui qui rappelle à l'autre que c'est le jour de la réunion. Donc on voit bien comme socialement chacun d'entre nous est assigné à une place. Donc imaginez pour ces enfants qui ont des parcours de vie chaotiques. La manière dont le déterminisme, dont l'assignation à une place, ça peut être compliqué de sortir de ces trajectoires de vie et compliqué de sortir finalement dans des patterns de fonctionnement dans lesquels ils sont pris. Et souvent, je dis aux internes, ne rentrez pas dans le piège dans lequel ils tombent eux-mêmes. Et on est vraiment dans ces logiques où finalement, ces enfants-là fonctionnent peut-être pour certains différemment. rejeter l'autre, c'est se protéger parce qu'ils ont pu connaître des rencontres qui ont pu être violentes, qui ont pu être terrorisantes et ça nécessite pour l'autre, pour celui qui est amené à les prendre en charge, de changer de paradigme et vraiment de pouvoir changer de paradigme de fonctionnement y compris parfois quand moi j'arrive, docteur Holling, bienveillante avec un grand sourire auprès d'un de ces jeunes comment lui va me percevoir est-ce qu'il va me percevoir comme menaçante est-ce qu'il va se dire tiens ou Encore une qui est sympathique et puis dans quelques semaines, elle ne sera plus dans le circuit, etc. Donc, il y a à la fois la question de l'assignation à une place qui est très importante, y compris au niveau transgénérationnel, et à la fois des fonctionnements et des réflexes qui nous obligent à nous décaler. Sur les questions médico-économiques, peut-être j'ai moins d'expérience et de recul que mes collègues, mais quand même un petit peu, je dirais que cette logique du temps long... et de résultats qui peut-être ne seront pas immédiats, est-ce que c'est valorisant ou pas ? La question du je sais bien mais quand même est extrêmement intéressante parce qu'il y a une ambivalence dans le rapport à l'enfant du côté des adultes. Il y a une ambivalence et je dirais en tant que pédopsychiatre, il y a une infantilisation. Quand j'essaye de défendre dans des réunions, des dossiers ou des situations de mes patients, en tant que pédopsychiatre, Cette infantilisation, je la ressens. Je la ressens des fois quand j'appelle des collègues pour un de mes patients. La réduction à mon patient, je la ressens aussi. Donc nos décideurs, ceux qui sont amenés à prendre des décisions politiques, généralement, c'est quand même des personnes qui ont des capacités cognitives et sociales qui leur ont permis d'être en poste. Donc l'écart finalement entre ces enfants et les politiques. Il est énorme. Voilà.

  • Speaker #2

    Oui. Écoutez, notre ami François, qui est le Suisse à la table, n'a pas voulu répondre à notre sollicitation de répondre à la question de pourquoi les politiques français ne s'occupent pas de la jeunesse. Donc je ne vais pas m'aventurer à vous dire mon sentiment. Les gosses disent en ce moment... Alors les gosses, ils ont trois choses qui... Ou la désaffection des adultes par rapport à leur devenir les affole. L'écho, anxiété évidemment, la terre... Bon, et évidemment les adultes continuent à détruire la planète, leur planète, leur avenir. Ça, ils ne supportent pas. Les agressions sexuelles. par les adultes vis-à-vis des enfants et des adolescents qui se révèlent tous les jours de manière systémique. Enfin bon, ça, ils ne supportent pas non plus. Et puis il y a Parcoursup. Ce qui circule dans les écoles et dans les services, c'est faites vos voeux, rien ne va plus Donc, je ne sais pas ce qui fait que ces décideurs qui ont des fonctions cognitives supérieures... Mais des investissements libidinaux inférieurs vis-à-vis des enfants, je ne sais pas ce qui fait que ça ne fonctionne pas, mais je crois. Et mon point de vigie, ça a été dit, et mon point de vigie c'est le service de psychiatrie avec les cas difficiles, donc c'est un point de vigie extrême. Mais comme je considère que ces sujets ne sont pas exclus, qu'ils sont des adolescents normaux par ailleurs, et qu'ils nous disent ce qui risque d'arriver aux adolescents sains, je pense que si on ne fait pas attention... Le risque de désaffiliation, c'est-à-dire que ces gosses se désaffilient de la structure verticale qui est censée les élever et leur transmettre un certain nombre de valeurs et d'histoires. Et l'affiliation horizontale, les tribus, les pairs, les réseaux sociaux, cette désaffiliation verticale et affiliation horizontale va continuer à se développer. Je ne suis pas persuadé, moi qui pense qu'il faut que nos aînés nous transmettent. Puisqu'on est en train de fêter la libération des camps de concentration d'Auschwitz, il est essentiel que nos aînés nous transmettent la barbarie qui a pu arriver pour que nous puissions l'éviter dans les années qui viennent.

  • Speaker #1

    Merci. Une question dans la salle. En tant qu'adolescente, il me semblait normal de venir à cette conférence et je suis très touchée qu'aujourd'hui on fasse des conférences ouvertes à tout public pour parler de la santé mentale parce que je pense que c'est un sujet qui doit prendre plus d'ampleur et sachant qu'avant c'était un sujet qui était assez tabou, je suis contente qu'aujourd'hui on fasse des conférences ouvertes donc merci beaucoup.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'on peut se souvenir que la semaine dernière, un adolescent de 14 ans a été assassiné par un autre adolescent de 16 ans et que c'était la troisième occurrence en quelques mois d'un tel phénomène ? Ma question est sur la répartition. qu'on est obligé de faire entre éducation et vision vers le positif et répression. Est-ce qu'il n'y a pas aussi une carence de notre justice qui dit, ben t'es un mineur... L'excuse de minorité permet de faire tout ce qu'on veut. Et quand même, la sanction, c'est quelque chose qui marche dans l'espèce humaine. Ma question, Maurice Corcot, c'est est-ce qu'on peut guérir un sauvageon ?

  • Speaker #1

    Alors, il se trouve que cette histoire est dans mon secteur, donc je suis en effet impliqué et impacté. Alors, vous savez que va passer à l'Assemblée une discussion sur une modification du statut pénal, avec deux choses d'importance, puisque c'est radicalement différent de ce qui est pré-existé, c'est-à-dire pas d'excuses de minorité, comparution immédiate à partir de 16 ans, et le contenant familial qui n'a pas été... responsable, c'est les termes, doit payer pour cet adolescent qui est passé à l'acte, y compris autour de la question des allocations familiales. Première chose pour que ce soit bien clair et d'un point de vue psychopathologique, pas d'un point de vue moral ou autre. Un adolescent qui commet un passage à l'acte, quel qu'il soit, a fortiori s'il est meurtrier, si ceux qui s'en occupent ne le sanctionnent pas, Il n'y aura jamais de potentiel pour lui de réappropriation subjective de son acte, c'est-à-dire que psychiquement, on le laisse mourir. Donc la sanction doit être évidemment là et à la hauteur de ce qui... Mais si vous visitez les centres de détention à Porcheville, c'est comme ça que ça s'appelle, pour les mineurs, vous verrez que les conditions de détention, qui peuvent contenir une pulsionalité débordante pour des histoires traumatiques compliquées, a des effets de contenance, mais... Sans déterminisme, ce n'est pas sûr qu'on puisse se dégager ensuite d'un avenir un peu tracé. Donc oui, il faut qu'il n'y ait non pas répression, mais sanction. Et que celle-ci puisse permettre à ce sujet d'éviter une peine de mort psychique.

  • Speaker #2

    Guérir, je ne sais pas, mais comme tu sais, la médecine et notamment la psychiatrie, qui font partie de la médecine, sont très attachées à l'idée de prévention. Et donc, depuis quelques années, il y a quand même une conscience grandissante. La création des classes relais dans le cadre de l'éducation nationale, la création des classes pour élèves en rupture scolaire, le lancement de programmes pour développer les compétences empathiques, notamment le jeu des trois figures, avec plus ou moins de succès. Mais en tout cas, il y a beaucoup de gens aujourd'hui qui s'impliquent, notamment dans le cadre de l'éducation nationale, pour faire en sorte que le plus grand nombre possible d'enfants... soit tenu à l'écart de ce genre de risques. Et c'est vraiment autour de la prévention, à mon avis, avec son volet thérapeutique, son volet scolaire, son volet familial, qui doit être mis au centre des préoccupations. Il faut commencer dès la maternelle à travailler le respect de l'autre, la capacité de maintenir, de contenir ses émotions, de leur donner une utilité sociale, etc. Donc oui, c'est possible de faire une prévention dans ce domaine-là. Mais là aussi, les moyens qui sont accordés par le gouvernement sont très inférieurs à ce qui serait possible. Mais je ne parle pas non plus de la prévention dans le domaine des maternités, de la petite enfance, etc. Je voulais simplement dire qu'il y a aussi un volet scolaire qu'il ne faut pas oublier et que les enseignants, si on est ici, connaissent bien et qui est très, très important à connaître et à valoriser.

  • Speaker #3

    Alors on va conclure cette table ronde. Je vous propose de dire un mot de conclusion. Vous venez de parler de prévention sur cette question, sur autre chose, à tour de rôle.

  • Speaker #4

    J'ai enlevé mon micro qui passait autour de ma tête. Je ne m'attendais pas du tout à devoir donner une dernière phrase. Du coup, je suis surpris. Et c'est bien sur la surprise que je pourrais intervenir en disant que le champ de la santé mentale des enfants, par le fait aussi de quelque chose de particulier aux enfants, est ouvert à la surprise, à l'imprévisibilité du devenir. Et je crois que dans nos discussions, nous devons laisser la place à ce que certains appellent la serendipity. C'est-à-dire le fait de trouver autre chose que ce que l'on cherche, le fait de trouver autre chose que ce que l'on pense qu'il va arriver. Encore faut-il être attentif à ces formes nouvelles qui surgissent. Donc, accepter la surprise, comme je viens de le faire en répondant alors que je ne m'y attendais pas.

  • Speaker #5

    Peut-être, ça rejoint un peu la surprise, mais sur la question de la pulsion de vie, j'y pense parce qu'effectivement, à Mayotte, c'est des échanges que j'ai pu avoir avec des professeurs, des professeurs inquiets par rapport à ce qui a pu se passer sur l'île. Et de faire confiance aussi aux enfants parce que la question de la créativité... et de la pulsion de vie est inhérente à l'enfance. Et puis, s'agissant des professionnels, même si je suis pédopsychiatre, je crois que la question des moyens et cet effet de contenance systémique est nécessaire dans tous les champs qui sont impliqués autour de l'accompagnement et de prise en charge des enfants.

  • Speaker #1

    Le pessimisme doit engager à l'action. L'action qu'on pourrait avoir sur un point simple, précis, et qui pourrait avoir une efficacité assez grande, c'est les maternités. Il faut qu'il y ait un psychiatre en maternité. Il faut trouver le psychiatre, mais enfin, il faudra mettre un psychiatre en maternité, des psychologues, ensuite de couche, et en précoération médicalement assistée. Il faut former les sages-femmes, former nos collègues pour un dépistage. immédiat pour une prévention primaire pour éviter que les choses s'engagent mal. C'est quelque chose à faire de très rapidement et il faut arrêter avec les maternités usines. On ne peut pas accoucher et sortir en deux jours. Quand ça va très mal, il faut rester quelques jours suffisamment à temps pour que ce psychiatre arrive. Merci.

  • Speaker #2

    On a évoqué très justement les parents qui vont mal, les parents en souffrance, les parents qui ont besoin d'être aidés, d'être conseillés, d'être soutenus. Mais il y a des parents qui assurent un soutien à leur enfant, qui sont attentifs à lui, mais ils limitent ce soutien à un seul domaine, la réussite scolaire. Et ça c'est terrible, parce qu'aujourd'hui les pré-ados et surtout les ados... sont très soucieux d'acquérir des compétences dans beaucoup de domaines que les parents ne connaissent pas, à commencer par les compétences numériques. Et si les parents n'ont d'yeux que pour les résultats scolaires, il en résulte une crise de confiance, un sentiment d'incompréhension, du découragement. L'institution scolaire ne reconnaît absolument pas toutes les compétences extrascolaires, et c'est un vrai drame, il y a beaucoup d'appels en ce sens-là, mais c'est très très long à développer. Mais en revanche, peut-être c'est plus facile. aux parents soucieux de leur enfant, de leur conseiller de s'intéresser à tous les autres domaines auxquels leur enfant peut s'intéresser que les résultats scolaires. A commencer par les jeux vidéo, par la musique, par les réseaux sociaux. Et les parents n'ont pas seulement à y gagner en connaissance de leur enfant, en confiance mutuelle, mais ils ont aussi beaucoup à y gagner en termes de compréhension de la nouvelle société dans laquelle nous rentrons, parce que la culture des jeunes d'aujourd'hui... Ce n'est pas la culture des jeunes d'aujourd'hui, c'est la culture des adultes de demain. Et comme la vie est longue, nous continuerons à avoir à faire longtemps cette culture des adultes de demain, qui est celle des ados d'aujourd'hui.

  • Speaker #3

    Merci à nos experts pour la richesse de leurs apports, pour les perspectives que vous nous ouvrez. et qui amèneront sans doute toutes les personnes qui sont venues nombreuses écouter nos experts, j'espère des perspectives et des pensées.

  • Speaker #5

    On se retrouve dans quelques instants pour parler de bien-être.

  • Speaker #3

    A tout de suite.

Description

Forum Européen de Bioéthique 2025 : Santé mentale & Bioéthique


La santé mentale de nos enfants


Ils ne sortent plus. Ils ne communiquent plus et passent leur temps, la tête penchée sur un écran. Les jeunes vont mal, entendons-nous. Il n’y aurait plus d’âge pour déprimer. Certains se mutilent, cessent de s’alimenter, ont des pratiques à risque. Ils ne croient plus en rien, mais ils sont prêts à tout. Et s’ils n’ont plus d’espoir, ils rêvent encore d’un monde meilleur.

Est-ce vraiment nouveau ?

On incrimine l’éducation, la guerre ou le COVID. La jeunesse souffre et les adultes ne semblent pas tous prendre la mesure de la situation. Pourtant, si la jeunesse est l’avenir du monde, il nous incombe d’aller voir de plus près ce qu’ils ont dans la tête.


Avec:


François Ansermet, Professeur honoraire de pédopsychiatrie, Université de Genève, Université de Lausanne, Membre du CCNE de 2013 à 2021, Psychanalyste


Maurice Corcos, Psychiatre, Psychanalyste, Chef de service du département de Psychiatrie de l'Institut Mutualiste Montsouris - Paris


Julie Rolling, Pédopsychiatre, Service de Psychiatrie de l'Enfant et de l'Adolescent, Centre Régional du Psycho-Traumatisme Grand-Est Alsace-Nord, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg


Serge Tisseron,Psychiatre, Dr en psychologie HDR, Co responsable du DU de Cyberpsychologie (Paris Cité)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous et bienvenue pour ceux qui nous rejoignent dans cette salle de l'Aubette et derrière vos écrans sur le site internet du Forum. Nous nous retrouvons pour traiter d'une nouvelle question, à savoir la santé mentale de nos enfants. Et pour ce faire, nous avons une modératrice qui est elle-même pédopsychiatre spécialiste du bébé. Et je passe la parole tout de suite donc à Sarah Sananès.

  • Speaker #1

    Bonjour, alors... Merci à tous d'être venus nombreux pour écouter nos experts. La santé mentale des enfants, thème de ces tables, alors thème à la fois ambitieux, actuel, intemporel. On est tous réunis autour de ce thème et on est tous concernés par ce thème. On l'a entendu dans les précédentes tables rondes dans les derniers jours, les troubles psychiatriques sont très fréquents. Dans les suites de nombreuses... crise de société, la crise Covid est souvent mentionnée pour ne citer que celle-là. Les problèmes de santé mentale ne cessent d'augmenter, notamment chez les plus jeunes, et ça pose des nouveaux défis de société. Grande cause nationale 2025, rapport et constats épidémiologiques qui se succèdent pour sensibiliser, alerter, alerter sur ces questions de santé mentale, de société, alerter aussi sur la crise de la pédopsychiatrie. Alors, On reçoit de la santé mentale dès le plus jeune âge, de la santé mentale des enfants, des adultes qu'ils deviendront. C'est donc un enjeu majeur de santé publique. Et la pédopsychiatrie vit pourtant une crise majeure et systémique. On a la chance cet après-midi d'avoir un panel d'experts pour aborder ces questions et pour aborder les enjeux que recèle ce sujet. Alors je vais sans plus attendre leur passer la parole. On va commencer par écouter Julie Rowling, pédopsychiatre au 100... au sein du service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent des hôpitaux universitaires de Strasbourg, au sein du centre régional de psychotraumatisme Grand Est et maître de conférences des universités. Tu es très engagée dans ces différentes actions de pédopsychiatrie et au sein de la filière du centre de psychotraumatisme Grand Est Alsace-Nord. Je te passe la parole.

  • Speaker #0

    Merci, merci. pour cette invitation à cette table ronde. Et puis, merci aux organisateurs du Forum de bioéthique de permettre qu'un tel espace de pensée, d'échange et de dialogue existe à Strasbourg et dans la cité. Je trouve que c'est extrêmement important. Alors, le titre de cette table ronde est santé mentale et enfance. Un vaste sujet, un sujet peut-être difficile à circonscrire. et qui pour la pédopsychiatre que je suis a convoqué la notion de trouble et de trouble psychique, c'est-à-dire d'altération affectant la manière dont une personne pense, ressent, se comporte ou interagit avec son environnement. Les troubles psychiques englobent donc toute altération de la santé mentale, qu'elle soit transitoire ou durable, et se distinguent d'une certaine manière des pathologies psychiatriques. Alors les troubles psychiques chez les enfants et les adolescents constituent un sujet d'importance. Je vais, étant donné que ma pratique est largement auprès d'adolescents, je vais axer plutôt sur cette population. Pour vous dire qu'environ 15% des adolescents en France souffrent d'un trouble psychique diagnostiqué, c'est les chiffres de santé publique France de 2023. Et que la moitié des troubles psychiatriques chez l'adulte débutent avant 14 ans. Il y a donc une importance majeure à les repérer, à les diagnostiquer et à les prendre en charge. C'est évident et c'est indéniable. Alors comment peut-on expliquer cette augmentation ? Est-ce qu'on repère davantage ces troubles ou est-ce qu'il y a une augmentation ? Il y a sans conteste ces dix dernières années une déstigmatisation des troubles psychiques qui est globalement bénéfique parce qu'elle favorise l'accès aux soins, elle réduit l'exclusion sociale et elle améliore la qualité de vie des personnes que l'on est amené à rencontrer. Lorsque j'étais interne il y a une dizaine d'années, c'était un petit peu honteux d'aller voir le psy Aujourd'hui, je ne dirais pas que c'est à la mode, mais régulièrement, quand je vais chercher un ado en salle d'attente et qu'il est au téléphone, avant de raccrocher, il dit je raccroche, j'ai rendez-vous avec ma psy Et je dirais que l'ambiance est différente et c'est une très bonne chose. Et puis, parler de santé mentale chez les adolescents, le docteur Sananès l'a dit, on ne peut pas le faire sans penser au Covid. Le Covid, cette pandémie mondiale qui a... touché l'ensemble de la population et qui, d'une certaine manière, a constitué un modèle expérimental unique. À un moment donné, l'ensemble de la population a été touchée par un même événement stressant. Et je dirais que là encore, pour la pédopsychiatre que je suis, c'est venu confirmer des éléments que mes maîtres ont pu transmettre, c'est-à-dire que dans le développement de l'enfant, qui est un sujet en construction. Il y a des périodes clés, il y a des périodes de vulnérabilité durant lesquelles le psychisme, le cerveau de l'enfant est plus vulnérable et plus réceptif par rapport aux facteurs externes et par rapport à l'environnement. Bien sûr, la petite enfance, mais également l'adolescence. Là encore quelques chiffres. Début 2021 par rapport aux années précédentes, pour les moins de 15 ans, une augmentation de 80% des passages aux urgences. Pour les 12-17 ans... une augmentation de 59% des consultations pour troubles du comportement alimentaire, 43% d'augmentation pour les épisodes dépressifs, 36% pour les idées suicidaires. Alors que se passe-t-il ? Que s'est-il passé ? Quand on imagine l'adolescence, il faut vraiment imaginer ces adolescents qui vont vivre des changements qui vont les traverser. Des changements physiques, bien sûr, l'accession à la puberté. Le changement du corps, la sexualisation et ces changements physiques et neuropsychologiques sous-tendent un certain nombre de changements psychiques qui se caractérisent par la question de l'autonomisation par rapport aux parents, la projection dans l'avenir, le rapport au monde qui peut changer. L'ensemble de cette traversée de l'adolescence va permettre aux jeunes de parfaire leur construction identitaire. Il faut imaginer que c'est un petit peu une tempête, une tempête intérieure qui, pour certains, se transforme en ouragan. Et la résultante de cette tempête qui traverse nos jeunes va dépendre de deux facteurs. Leur fondation, ce qu'on pourrait appeler les assises narcissiques et identitaires, ce qui est hérité de leur enfance. Et puis, les appuis extérieurs, l'objet externe, leur environnement. En ce sens-là, il est intéressant de penser les troubles non pas d'une manière purement physiologique, mais en réutilisant un vieux modèle de Engel qui date de 1977, le fameux modèle biopsychosocial qui pense les troubles psychiques comme l'interaction de facteurs biologiques, psychologiques et sociaux au sens de l'environnement au sens large, que ce soit le réseau social, le soutien familial.... le niveau économique, le stress environnemental. Alors pourquoi est-ce que c'est intéressant de penser les choses de cette manière ? Parce que penser les choses de cette manière met d'emblée en évidence la marge d'action possible à l'échelle d'une société pour améliorer la santé des plus jeunes. Pour tout vous dire, il y a à peu près 36 heures, j'étais encore dans l'avion qui me ramenait de Mayotte, de craindre réfléchir parce que je n'arrivais pas à dormir, ce que j'allais vous dire aujourd'hui. Et alors il me revenait les paroles des enseignants puisque notre mission de cellule d'urgence médico-psychologique avait pour but de venir en appui aux enseignants pour leur permettre d'accueillir les élèves au moment de la rentrée du 27 janvier qui est la grande rentrée au niveau de l'océan Indien. Et ces professeurs nous disaient, qu'est-ce qu'ils nous disaient ? Ils nous disaient on n'est pas psy. Qu'est-ce qu'on va dire le jour de la rentrée ? Comment on va accueillir la parole des élèves ? Et moi, dans ma tête, je me disais... Mais c'est justement en étant enseignant qu'ils vont être thérapeutiques, c'est justement en faisant leur métier qu'ils vont pouvoir introduire quelque chose d'une contenance psychique pour ces enfants qui, après Shido, doivent absolument retrouver une vie, je dirais, la plus normale possible, en tous les cas quelque chose d'une ritualisation et quelque chose de familier. Et donc... Peut-être que l'un des enjeux de la société actuelle serait que chaque adulte puisse occuper sa fonction pour un enfant, ni plus ni moins, que cette place ne soit pas escamotée ni désertée, et que moyennant cet aspect-là, une contenance systémique à l'échelle de la société puisse réapparaître. C'est la raison pour laquelle ce que je vous propose... c'est un petit peu de prendre quelques-uns des troubles pour essayer de les discuter en regard des évolutions sociétales, pour essayer de comprendre l'impact de notre environnement actuel sur les jeunes. Si on prend par exemple la question des troubles anxieux, depuis entre 2020 et 2021, plus 30% de troubles anxieux chez les adolescents et globalement, finalement, cela traduit toute la question de l'angoisse. et de la majoration de l'angoisse. Si on prend le refus scolaire anxieux, le fait que les adolescents évitent ou que le fait d'aller à l'école soit quelque chose d'anxiogène pour eux et qu'on regarde les chiffres, mais en 2023, 10,9% des jeunes, 10,9% d'absentéisme, alors qu'en 2011, l'absentéisme scolaire aussi est entre eux. 1,9 et 3,2%. Et en consultation quotidienne en CMP, que disent les adolescents ? Les adolescents qui justement ont du mal à aller à l'école. Ils disent, est-ce que je vais être capable d'y aller ? Est-ce que je vais être capable de réussir ? Et est-ce qu'on va m'accepter ? Est-ce que les autres vont m'accepter ? Est-ce que ça va bien se passer ? Autrement dit, est-ce qu'on va m'aimer ? Alors jusque-là... ces questions de capacité et ces questions finalement de est-ce qu'on va m'aimer ? ce sont des questions non spécifiques qui transcendent l'humanité et qui sollicitent l'axe narcissique et affectif de chacun de nous. Alors on peut se poser en quoi ce serait différent en 2024 ? En quoi ce est-ce que je vais être capable en 2024 ? résonne différemment ? Il y a un certain nombre de réponses. Est-ce qu'on est dans une société plus perfectionniste ? Est-ce que la peur de l'échec est plus importante dans un monde globalisé ? Est-ce que la pression sociale, activée par les réseaux sociaux, active ces troubles ? Peut-être. Est-ce que l'intelligence artificielle change les paradigmes vis-à-vis de l'enseignement ? Et est-ce que quand on est un parent et qu'on dit à son jeune c'est important d'aller à l'école pour que tu aies un bon métier plus tard Quel sens ça prend alors qu'il suffit de taper sur l'intelligence artificielle, sur ChatGPT, rédige-moi une rédaction d'histoire sur tel ou tel sujet ? Est-ce que la question de demain, c'est d'apprendre l'information, comme on l'a toujours fait, ou est-ce que c'est d'apprendre à trouver la bonne information ? D'une certaine manière, on pourrait dire que la modernité favorise l'évitement. Est-ce que ChatGPT favorise l'évitement de l'apprentissage ? communiquer à partir des réseaux sociaux favorise l'évitement relationnel ? Est-ce qu'en tant qu'adulte, on est dans une forme d'évitement par rapport à certains de nos jeunes ? J'aimais beaucoup, il y a quelques années, j'avais lu Serge Tisseron L'enfant au risque du virtuel et vous abordiez le fait que les jeunes étaient sur les réseaux sociaux et que ça leur permettait de faciliter l'entrée en relation comme un nouveau marivaudage. Et effectivement, L'idée n'est pas de fustiger les réseaux sociaux qui apportent beaucoup de choses, mais d'essayer peut-être d'appréhender aussi leurs limites. J'évoquais la question de la contenance systémique. Sigmund Baumann, qui est sociologue, parle de société liquide, d'instabilité, d'individualisation, du caractère éphémère des structures traditionnelles. On pourrait discuter de tous ces aspects-là au moment des questions. cas, il y a un enjeu majeur de cohérence, de continuité et peut-être de pouvoir créer des espaces de sens et d'appartenance, peu importe l'identité d'appartenance, pour nos jeunes, même si c'est pour qu'ils viennent et surtout pour qu'ils puissent les discuter et puis peut-être aussi s'y opposer. Ces questions de refus scolaire anxieux, de phobie scolaire, elles posent aussi la question du rapport au corps réel. Quand on est devant son écran et qu'on ne se confronte pas à l'autre, qu'on n'entre pas en relation à l'autre, je dirais, physiquement, puisque bien sûr dans la réalité il y a rencontre, même si elle est sur les réseaux sociaux, eh bien ce rapport au corps réel il est important parce que La société contemporaine, qui est marquée par l'hyperconnectivité et la digitalisation des interactions, l'absence de contact corporel et physique modifie le rapport à soi, le rapport à l'autre, et surtout modifie ce qu'on pourrait appeler l'ancrage existentiel. C'est comme s'il s'opérait une dissociation entre le corps et l'échange humain, qui peut favoriser l'émergence de l'angoisse. Parce que... Notre corps est le premier médiateur du réel et qu'il permet de structurer l'expérience au monde et le rapport à l'autre. Je ne rentrerai pas dans les détails, mais ne serait-ce que les interactions physiques. Les interactions physiques sont riches d'indices inconscients qui nous permettent de nous ajuster à l'autre et peut-être d'une certaine manière de diminuer. nos inhibitions. La charge cognitive qui est liée au traitement de l'information sur les réseaux sociaux, avec les messages instantanés. À titre individuel, quand je fais un cours en visio, c'est beaucoup plus stressant que devant vous aujourd'hui. Parce que je me dis est-ce que ça va marcher ? Ça ne va pas marcher. Je ne peux pas m'appuyer sur le regard de l'autre pour m'ajuster. Il y a le fil de discussion qui vient en même temps. Donc, autant d'éléments stressants. Et ce n'est peut-être pas par hasard si les adolescents d'aujourd'hui vont de plus en plus à la salle de sport. Depuis deux ou trois ans, j'ai remarqué qu'ils vont tous à la salle. Sans doute qu'il y a un enjeu narcissique et un enjeu au niveau de l'image de soi. Mais peut-être aussi qu'il y a quelque chose de l'ancrage existentiel qu'ils tentent de retraverser. Un autre aspect...... autour des troubles des comportements alimentaires. 5% d'augmentation des consultations pour anorexie et boulimie après le Covid. Comment l'expliquer ? Alors assez facilement, une pression sur l'image corporelle qui sera amplifiée par les réseaux sociaux, une valorisation de normes esthétiques irréalistes, l'accès à des communautés encourageant les troubles des conduites alimentaires. Autant finalement de matériel qui, il y a quelques années, n'était pas disponible et qui sans doute participe aussi à l'augmentation de ces troubles. Et puis je terminerai sur quelques mots par rapport au suicide. Le suicide, en France, c'est la deuxième cause de décès chez les 15-24 ans. C'est une cause de décès évitable. Sans simplifier les choses, puisque la dynamique du passage à l'acte suicidaire c'est un phénomène extrêmement complexe et multifactoriel, il n'empêche que ces dernières années, la place du cyberharcèlement et l'impact du cyberharcèlement sur les passages à l'acte suicidaire est extrêmement important. Là encore, le harcèlement scolaire ou les jeunes qui pouvaient être mis de côté dans une classe, ça a toujours existé. Mais ce qui change avec les réseaux sociaux, ce qui change la donne, c'est l'effet de masse, le fait que ce n'est peut-être pas une personne ou deux personnes qui vous agressent, mais des dizaines, des centaines. L'effet de dépossession, si vous essayez de réagir, souvent il y a des phénomènes de horde où finalement ça va emballer les réponses négatives des autres jeunes. Le fait qu'il y ait une trace qui reste sur internet, autant d'éléments qui sont extrêmement compliqués à vivre pour les plus jeunes. Mais peut-être ce qui change aussi, c'est la question du regard. La question du regard à l'adolescence, c'est un point extrêmement important. On est tous à la recherche du regard de l'autre, qu'on espère validant. Aujourd'hui, j'espère avoir un regard validant de votre part. C'est plutôt assez humain. Ça nous permet de nous rassurer nous-mêmes, de nous réconforter. Et on pourrait dire qu'il y a cinq types de regards. Le regard qu'on a sur soi-même, un regard qui va alimenter l'image de soi, c'est-à-dire la représentation mentale qu'on a. de nous-mêmes. Les psychanalystes passent par l'image spéculaire du soi qui désigne la manière dont une personne se perçoit en fonction du regard des autres et cette perception de nous-mêmes nous la développons en fonction de ce que les autres pensent. Ce qui convoque finalement la sollicitation du regard d'un autrui significatif pour le jeune. Ça peut être un parent, ça peut être ça peut être un ami, un autrui qui sera un point de référence pour le jeune. Jusque-là, les choses sont assez classiques. Et puis, peut-être que les réseaux sociaux apportent d'autres éléments par rapport à cette question du regard. Dana Boyd parle d'audience imaginée, c'est-à-dire à partir du moment où les jeunes postent des contenus sur Internet, toute l'audience qui va être imaginée. Pour ceux qui habitent dans des villages ou dans des endroits où l'anonymat n'est pas très important, l'audience imaginée peut être plus ou moins terrorisante. Alors si on imagine l'audience imaginée sur les réseaux sociaux, là aussi ça peut avoir des effets anxiogènes. Un autre aspect, les personnes jamais rencontrées physiquement. Un certain nombre d'adolescents discutent sur les Ausha ou alors sur les jeux vidéo avec des personnes qu'ils n'ont jamais rencontrées physiquement. Et ce n'est pas un problème. Le seul problème, c'est qu'on n'a jamais rencontré l'autre. Et là aussi, on peut se poser la question de l'imaginaire qui est convoqué. L'imaginaire convoqué par rapport à l'autre et surtout par rapport à soi, avec une énigme qui reste entière. C'est-à-dire, si un jour je rencontre vraiment cette personne dans la réalité, qu'est-ce que cette autre va-t-il penser de moi ? Et puis, peut-être le dernier regard. pourrait être le regard de l'intelligence artificielle. Le regard de l'intelligence artificielle, parce que cette interface numérique, elle fonctionne à partir d'algorithmes. Et ces algorithmes, ils sont basés, programmés, programmés pour répondre à des contenus chargés émotionnellement. Et à partir de là, il y a un certain nombre de biais cognitifs qui se mettent en place. ce qu'on appelle la bulle algorithmique, qui fait qu'en fonction du contenu qu'on va chercher, le contenu qui va nous être reposé sera plus ou moins similaire. Sans compter les groupes sur lesquels les jeunes vont, des groupes qui créent des oligopoles cognitifs, où finalement, assez facilement, une sélection va se faire avec des groupes de personnes qui vont vous renvoyer, peu ou prou, une pensée assez similaire à ce que vous pensez. On peut se dire jusque-là que c'est plutôt positif, puisqu'on se retrouve entre soi. C'est plutôt positif, sauf que cette simplification des points de vue haute d'emblée toute possibilité de solution alternative qui peut avoir des effets d'angoisse. Donc voilà, en quelques mots, peut-être de souligner quelques points pour vous sensibiliser à ce dans quoi les jeunes sont pris actuellement. J'espère que ces points ont peut-être modifié un petit peu votre regard. Mais peut-être ce que j'avais envie de vous dire, c'est qu'être un adulte de référence pour un enfant ou pour un adolescent, être un bon parent... Ça n'existe pas, pour reprendre Winnicott, ça ne signifie pas être parfait, ni tout savoir, mais peut-être être à l'écoute de son enfant, valider ses ressentis sans forcément valider ses actions, être cohérent et continu avec l'enfant et avec soi-même, avec ses valeurs, tout en gardant à l'esprit que tout ne se joue pas en une seule fois. Et que si jamais il y a eu des loupés, il y a toujours possibilité aussi de se rattraper.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup. Je vais passer la parole à Maurice Corcos, qui est professeur de psychiatrie, psychanalyste, chef de service du département de psychiatrie de l'Institut Mutualiste Montsouris à Paris. Il est également l'auteur de nombreux ouvrages sur l'adolescence et il dirige et anime un séminaire psychanalyse et littérature depuis une vingtaine d'années. Maurice Corcos, c'est à vous.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup. Bravo à Madame Rowling qui a dit l'essentiel. Merci aux organisateurs. A Aurélien, à Maud, à Israël, cette invitation à venir réfléchir avec vous sur cette question, à échanger, à discuter. Je ne dis pas merci aux organisateurs pour les sièges de cette année. Nous sommes d'accord. Bon, donc si je me casse la figure, ça sera dû aux sièges, évidemment. Bon, Mme Ronning a dit beaucoup de choses très importantes. Essentiel, je vais m'atteler, si vous permettez, à rester dans mon champ d'expérience clinique. celui qui est le mien depuis une trentaine d'années, c'est-à-dire l'accueil, la réception, l'écoute, l'accompagnement, le soin d'adolescents particulièrement difficiles, difficiles étant un euphémisme. Ce service qui a 30 lits d'hospitalisation, 40 lits d'hôpital de jour, qui a une action de prévention primaire en périnatalité, s'est attelé par nécessité à s'occuper de plus en plus de ces adolescents dits difficiles, avec une structure qui s'appelle Étape et qui s'occupe des plus difficiles, c'est-à-dire des adolescents qui ont commis des crimes ou des délits et qui sont sous injonction judiciaire de soins. Pourquoi je vous parle de ces patients-là ? Parce que ce sont les sujets, les patients les plus fréquents en psychiatrie, en termes d'hospitalisation, de consultation. Infiniment plus fréquents que les anorexies mentales, les boulimies, que les spectres autistiques, que les hyperactivités, que les questions d'identité de genre, ce dont on parle régulièrement, très régulièrement, un peu partout. On ne parle pas de ces adolescents difficiles. pour tout un tas de raisons que je vais essayer d'expliciter et qui me semblent importants. Ces adolescents difficiles, c'est un euphémisme, c'est ce qu'on appelle aussi les patients borderline, les patients limite, c'est ce qu'on appelle aussi, dans des termes beaucoup plus stigmatisants, les sauvageons, les barbares. Et je vais arrêter là sur les termes stigmatisants qu'on peut apposer, étiqueter à ces sujets. Ces sujets sont toujours d'actualité, mais tout particulièrement pendant la crise Covid et la série de confinements. J'évoquerai aussi l'impact de ces séries de confinements et de cette crise Covid sur ce type de patients-là, puisque le moins qu'on puisse dire, c'est qu'ils n'ont pas pu bénéficier des soins appropriés, et encore moins que les autres patients, pour tout un tas de raisons que je vais essayer d'expliquer. Ces adolescents difficiles, vous les connaissez, c'est ceux qui font la une des journaux, c'est ceux qui sont très hétéroagressifs. Et vous avez pu remarquer que le démarrage de cette hétéroagressivité n'est plus dans la post-adolescence adulte jeune, mais même dans la pré-puberté. On voit de plus en plus de jeunes être particulièrement agressifs, si ce n'est violents, si ce n'est meurtriers. Même chose d'ailleurs pour les tentatives de suicide. Les tentatives de suicide que nous voyons actuellement, ne sont plus de même intensité. On les voit chez des patients non plus exceptionnellement comme auparavant chez des patients très jeunes, 8, 9, 10 ans. Et puis, ce n'est plus tout à fait la prise de médicaments avec l'aspiration à renaître de ses cendres le lendemain comme un phénix et de se retrouver narcissiquement avec le corps tout à fait intègre, puisque les médicaments n'ont pas altéré ce corps. Non, nous voyons tous les services voient de plus en plus des pondaisons. Nous voyons de plus en plus des défenestrations et pendant la crise Covid, ça a été particulièrement important et ça a été dit. Les troubles des conduites alimentaires ont été multipliés, les tentatives de suicide jusqu'à par 3 et le nombre de suicides jusqu'à 25% supplémentaire. Ces patients, vous les connaissez, c'est ceux qui sont toxicomanes. Toxicoman à la cocaïne, au crack, à l'ecstasy, selon l'endroit où vous habitez bien sûr. Dans les quartiers chic, c'est de la cocaïne et c'est évidemment moins dangereux. Et dans les quartiers moins chic, c'est du crack et c'est évidemment plus délétère et massivement et rapidement délétère. Cocaïne, crack, ecstasy, binge drinking, alcoolisme. Brutale avec des fonds et risque bien sûr d'accidents dramatiques. C'est chez les filles, ils trouvent des conduites alimentaires mais pas comme avant.

  • Speaker #0

    Avant la pandémie, nous qui sommes relativement spécialisés dans la trousse des conditions alimentaires, nous recevions des patientes qui avaient une structuration anorexique qui les tenait. Ils avaient une identité de compensation qui n'était ni fille ni garçon, anorexique, dans une affirmation phallique, avec une anorexie restrictive qui tenait. Mais là, on ne voit quasiment plus d'anorexie restrictive, avec un symptôme qui les contient. Elles sont très rapidement débordées. Leur anorexie ne tient pas, ne défend pas les angoisses psychiques sous-jacentes. Elles sont massivement mixtes, boulimiques et déjà très rapidement toxicomanes, un certain nombre de psychotropes et au binge drinking. Elles sont aussi massivement, quand elles arrivent, avec des pertes de poids extrêmement importantes et brutales. Elles ne prennent pas, comme d'habitude, une courbe sur plusieurs mois, si ce n'est semestre, avant de maigrir. Non, elles sont massivement maigres de manière très importante. Et l'hyperactivité chez elles prend une importance vraiment démesurée, qui témoigne, selon les psychopathologues, du fait que cette hyperactivité leur permet de contenir leur excitation interne de manière plus intense. Et si elles sont plus hyperactives, c'est que cette tension est beaucoup plus intense. Donc les symptômes, les syndromes ne sont pas constitués, ils sont très rapidement débordés. Les passages à l'acte hétéroagressifs ou autoagressifs sont plus importants. Les stratégies thérapeutiques mauvaises, morbides, sous forme d'addiction ne tiennent pas. Il y a un risque d'implosion tellement important que l'externalisation s'impose et qu'elle-même ne suffit pas puisque le passage à l'acte suicidaire est plus fréquent. Ces patients, nous les suivons depuis des années et ils sont de plus en plus rejetés, y compris par la psychiatrie qui les appelle des cas sociaux. Il les appelle les cas du vendredi soir, le bébé qu'il faut refiler aux voisins. Ceux qui ne sont pas pour nous, ceux qui sont pour la protection judiciaire, ceux qui sont pour l'ASE, l'aide sociale à l'enfance. Certains mêmes psychiatres évoquent l'idée que ce ne serait pas de la psychiatrie. Ce qui fait que, par rapport à ce qu'a dit Mme Holling, tout dépend comment vous prenez le bio-psycho-social. Soit vous mettez le bio au démarrage. et vous mettez les budgets de recherche pour rechercher une vulnérabilité génétique biologique qui serait à l'origine des troubles psychologiques, qui serait à l'origine des troubles sociaux. Soit, et où l'un n'est pas exclusif de l'autre, ils sont complémentaires, vous faites une socio-psycho-bio. Rien n'empêche de penser que des événements sociaux, et la pandémie étant un, entraînent des dérèglements psychologiques majeurs qui ont des conséquences biologiques. Évidemment, si... Un phénomène social entraîne des phénomènes psychologiques. Chez quelqu'un qui a une vulnérabilité biologique, les conséquences sont beaucoup plus importantes. Donc ce n'est pas dynamique du tout. Mais je suis effaré du fait que nous sortons à peine de la pandémie et des confinements et qu'on n'envisage pas de mettre des budgets de recherche sur les facteurs sociologiques qui sont à l'origine des désorganisations et qu'on continue à mettre des budgets de recherche massivement sur une biomédecine. Je ne dis pas que ça n'a pas son importance, mais bon. Pourquoi je vous dis ça ? Parce que ces patients, ces états limites, ces fonctionnements limites, ces borderlines, ces barbares, ces sauvages, sont des maladies sociales, des maladies sociétales. Si vous étudiez leur biographie, elle est massivement marquée par des traumatismes effarants, depuis l'enfance et même dans le transgénérationnel. Si nous avons mis un psychiatre... Les deux psychologues en maternité, c'est parce que nous voulons avoir une action de prévention primaire sur cette mère qu'on voit qui est seule, qui est toxicomane, qui a été abandonnée quasiment dès la naissance de l'enfant par le père en question, ce père étant en général violent et qui, à la maternité, vient à toucher d'un enfant et qui a besoin d'une prévention primaire immédiate si on veut avoir un impact sur le devenir de cet enfant. Vous me direz, est-ce que c'est fréquent ou pas ? Je vais vous donner les chiffres. Pour ce qui est des patients que je suis et qui sont sous injonction judiciaire, les patients les plus difficiles, ces adolescents difficiles, nous avons des chiffres qui sont effarants. Ce ne sont pas des petits chiffres. C'est 90% de ces familles, ce sont des familles monoparentales, avec une femme seule et des enfants, avec une enfance qui se passe relativement bien, mais évidemment à l'adolescence, avec les modifications pubertaires. massive, avec la transformation de l'agressivité en potentialité meurtrière, avec la transformation de la possibilité fantasmatique d'avoir un enfant dans la réalité de la voix. cette action de violence vis-à-vis de la mère qui nous amène évidemment à prendre en charge cette adolescence. Donc nous avons une action de prévention primaire en maternité parce que nous pensons que c'est là que ça se joue et que c'est là que commence ce qu'on appelle dans le service la dérive des contenants. Ça a été dit par Madame Rowling, c'est très important qu'une mère soit suffisamment bonne pour son enfant pour qu'elle puisse le porter, l'accompagner, l'accorder, le réfléchir, le penser, le rêver, le baigner, tout un tas de choses importantes. dans la relation transcorporelle, psychique, affective. Si cette femme est seule, si cette femme est en général d'origine étrangère, immigrée, si cette femme a été abandonnée par son ami, son mari, son compagnon d'un soir, vous savez que dans les séparations, dans les divorces, les femmes se retrouvent dans une situation économique massivement plus difficile qu'avant. Si donc économiquement c'est précaire, Si nous sommes dans un environnement qui est adverse de l'autre côté du périphérique, cette femme va avoir plus de difficultés de s'occuper de cet enfant. Le contenant maternel qui doit s'occuper de ce contenu, ce contenant qui est conteneur, qui va ruisseller tout un tas d'histoires transgénérationnelles plus ou moins traumatiques pour élever cet enfant, va être en difficulté. C'est ce qu'on appelle pour aller vite, et ce n'est pas que ça, la dépression maternelle pendant la maternité, dans les suites du cours. couche au postpartum dans les premiers mois, cette dépression maternelle, une mère ralentie, déprimée, n'a pas la capacité, ça n'a pas une question d'intentionnalité, c'est une question de capacité impossible du fait du ralentissement de s'occuper naturellement de cet enfant. Ce premier contenant a été défaillant, le développement va être problématique du fait de ce tuteur de développement. Arthur Rimbaud l'évoquait, quand vous commencez à naître aux accidents, dans un pays où l'émotion ne se distille pas de manière naturelle, évidemment, ça commence mal. Deuxième contenant, le contenant de la diade mère-enfant, le père. Je vous l'ai dit, pour ces patients, il n'est pas là. Je ne vais pas développer un discours sur la question de l'autorité du père, être auteur d'eux, pas simplement d'avoir une fermeté pour tenir, pour limiter, pour contenir le débordement pulsionnel de l'enfant, mais si ce père n'est pas là, si cette mère est seule, évidemment, la situation est plus compliquée. Troisième contenant autour de cette merde, de ce duo, de cette diade, et autour de ce trio, théoriquement la société doit pouvoir aider à accompagner ces familles, en particulier les familles les plus difficiles. Et bien là nous sommes dans un état de déliquescence, de délitement et de dérive de ces contenants. Je ne vais pas évoquer la déliquescence si ce n'est la dérive du contenant politique. Mais l'instabilité politique actuelle, évidemment, n'est pas de bonne tenue, puisque quasiment tout est gelé sur les autres contenants qui vont venir et qui sont importants, par exemple celui de l'éducation nationale. Le contenant de l'éducation nationale, il suffit d'interroger les proviseurs, les enseignants, ce qu'on leur donne à faire avec des effectifs et des discontinuités de présence, évidemment plus importantes de l'autre côté du périph'que dans la ville lumière. Cette absence de professeurs suffisamment... expérimenter cette absence de continuité de présence, cette absence d'effectifs, ces adolescents beaucoup plus difficiles, ces classes surchargées, ces problèmes d'identité, enfin tout ce que vous savez, tout ça est très difficile à gérer et ce contenant l'éducation nationale qui doit permettre la séparation d'avec un milieu familial, qui doit permettre de s'élever à une certaine culture qui permet de se dédifférencier à l'adolescence, ce qui est fondamental pour l'adolescent pour éviter d'être absorbé. aliéné à un environnement familial adverse, ne joue pas son rôle. Ne joue plus son rôle ou ne joue pas suffisamment son rôle, malgré évidemment l'investissement de tous ses professeurs. Mais derrière ce contenant de l'éducation qui n'arrive pas à jouer son rôle, un autre contenant a été totalement désorganisé, c'est évidemment le contenant de la santé. Nous avons vu avec le confinement, pour tout un tas de raisons que vous connaissez, un contenant santé qui ne répondait pas, qui n'avait pas une réactivité suffisamment importante pour pouvoir contenir les débordements pulsionnels, les passages à l'acte hétéroagressifs, autoagressifs, les automutilations, les toxicomanies. Là encore, avec une disparité extrême à Mayotte, évidemment, Mme Rowling pourrait vous en parler, mais dans les quartiers nord de Marseille, c'est un an et demi pour avoir un rendez-vous. Ce n'est pas la même chose que dans le 5e, 6e arrondissement, bien évidemment. Il y a un an et demi pour avoir un rendez-vous, c'est un échec scolaire qui est enterriné, et donc une dépression du fait de la dévalorisation et de la marginalisation qui s'aggravent, et donc une accélération des symptômes qui ont amené ce patient à consulter. La désagrégation du contenant éducatif, du contenant social, Ça accompagne aussi d'une désagrégation du contenant policier et de la justice. Sans entrer dans des débats politiques, ce n'est pas la question. Nos amis policiers ont affaire à des violences de plus en plus extrêmes et la contenance, la limitation peut tourner à la répression. Pour avoir été juré dans une cour d'assises récemment, la contenance judiciaire, du fait du débordement des dossiers pour les juges des affaires familiales, qui sont effarants jusqu'à un an, un an et demi, deux ans, date... avant d'avoir une mort, surtout en cas d'agression sexuelle. Vous savez qu'il faut en moyenne 4 ans pour que le dossier arrive. S'il arrive, et ensuite dans 4-5% des cas, il y a une judiciarisation. Pendant ce temps-là, le sujet est encore confronté à la situation adverse dans laquelle il vient de révéler. Donc ce contenant policier, ce contenant judiciaire, ce contenant sanitaire, ce contenant éducatif, ce contenant familial, sont dans une certaine détresse. Je n'ai pas dit qu'ils étaient manichéens volontaires et qu'ils tuaient nos enfants. Je dis qu'il est dans une certaine détresse. Et je dis tout de suite que la situation française est infiniment meilleure que bon nombre de situations, y compris européennes. Ce n'est pas la question. Nos enfants vont mieux que bon nombre de pays européens. Toujours est-il que si j'insiste sur le fait que ces patients n'ont pas subi une mutation génétique, que toutes les études sur les vulnérabilités biologiques ne montrent rien. Ces gosses n'ont pas été contenus, portés, élevés et sans tuteur de développement suffisamment bon ou avec un tuteur de développement qui va très mal et qui colonise, qui empiète, qui vampirise cet enfant, ça ne lui permet pas un développement suffisamment sécure. Et alors, cette excitation intérieure qui est la sienne, qui n'arrive pas à être entendue par la santé, par l'éducation, par la famille, par le politique, si elle ne veut pas... Arriver à une implosion doit se défléchir vers l'extérieur, et ce qui explique, nous, le passage à l'acte extrêmement important. Quand une famille n'arrive pas à être suffisamment tendre avec son enfant parce qu'elle est prise par la dépression, par une détresse intérieure, par une situation économique, par l'abondance d'un mari, etc. Il y a un phénomène très important, là aussi quasi mécanique, pas manichéen, pas pervers. Le phénomène, c'est que... Cette mère qui n'arrive pas à suffisamment contenir cet enfant qui commence à déborder à l'adolescence alors qu'il était un enfant lumière pendant toute l'enfance, contre-investit en emprise cet enfant. Elle essaye de le contenir par un excès de contraintes, ce qui évidemment entraîne en retour un excès de pulsionalité. Ce contre-investissement en emprise, c'est pour ça que je dis dérive, pas simplement déliquescence. Vous le voyez aussi au niveau éducatif, où les contraintes qu'imposent les éducateurs à les enseignants, à ces adolescents, ne sont pas contenables, soutenables par ces adolescents. Nous, les psys, qui manquons d'effectifs, qui manquons de continuité de présence, nous devenons maltraitants pour ces enfants parce que nous sommes maltraités par les contenants au-dessus de nous. Et donc, nous faisons la même chose que ces parents, nous faisons un contre-investissement d'emprise, c'est-à-dire que nous mettons contention, isolement. médicaments psychotropes, si ce n'est sismothérapie. Au plus pressé, pour contenir la pulsualité, plutôt que de l'accueillir avec un effectif suffisant pour essayer de la contenir, de la comprendre, de l'écouter. Même chose évidemment au niveau policier, au niveau judiciaire. Donc la dérive des contenants, c'est que de ne pas être suffisamment bien, les adultes, face à des enfants qui ont à vivre aussi des événements considérables comme la pandémie, par exemple, ces enfants nous regardent, sont très attentifs. à l'anxiété, l'angoisse, la dépression, si ce n'est la désorganisation qui nous prend. Ça les affole considérablement. Ils nous testent en étant violents. Si nous répondons à cette violence par une répression, sans un accueil, sans une écoute, le cercle vicieux va s'organiser et va s'enteriner. La pandémie, c'est démonstratif de quelque chose. C'est que la famille est le dernier refuge. Mais qu'il ne faut pas que ça dure trop longtemps. Lorsque quelqu'un vous dit que vous n'allez plus à l'école à partir de mars 2020, on ne sait pas combien de temps ça va durer, vous restez en famille, vous ne pouvez plus rencontrer vos amis, même si vous pouvez le faire sur les réseaux sociaux, mais ça ce n'est pas des échanges corporels. Si vous ne laissez pas les gosses aller s'exciter ailleurs, aller décharger ailleurs, aller aimer ailleurs, aller se dégager, se différencier de cette famille, si vous les enfermez, si en plus ils sont immobilisés, Cet entre-soi nécessaire avec leur père devient un entre-soi avec la famille ou un entre-moi pour ceux qui sont les plus vulnérables et le risque d'implosion est plus important. C'est ce que nous a enseigné... La pandémie, l'environnement est central dans le développement de ces enfants et ces adolescents. Cet environnement doit aller suffisamment bien. S'il ne s'occupe pas d'aller suffisamment bien, les enfants vont aller plus mal. Sans être caricatural, les pédopsychiatres de mon âge se disent entre eux quelque chose qui n'est pas tout à fait vrai, mais qui n'est pas tout à fait faux. En général, les enfants et les adolescents que nous voyons viennent pour nous amener leurs parents. et pour qu'on s'occupe de leurs parents. Ils nous disent que le contenant familial ne va pas bien et que c'est pour ça qu'ils sont extrêmement agités. Occupons-nous des contenants, sinon le contenu va continuer à aller très mal. Merci de votre attention.

  • Speaker #1

    Merci. Je vais passer la parole à François Ancermé. qui est professeur honoraire de pédopsychiatrie à l'Université de Genève et à l'Université de Lausanne, psychanalyste, qui a été membre du Comité consultatif national d'éthique entre 2013 et 2021, qui est également l'auteur de nombreux ouvrages et qui a été à l'origine de la conception de la maison de l'enfance et de l'adolescence aux hôpitaux universitaires de Genève. François Ancermé, à vous.

  • Speaker #2

    Bon, merci pour l'invitation. Donc une table ronde, c'est l'occasion de se poser des questions à soi-même autour du thème santé mentale de l'enfant et devenir de l'enfant et de la société. Et au fond, qu'est-ce qu'on appelle santé mentale ? Il vient d'y avoir un avis du comité consultatif national d'éthique, l'AVI 147. où ils ont beaucoup hésité à savoir s'il fallait parler de psychiatrie, crise dans la psychiatrie ou crise dans la santé mentale. La santé mentale, on pourrait dire la maladie est privée, la santé est publique. La souffrance est privée, la santé est publique. Santé mentale, qu'est-ce qu'on appelle la santé mentale ? C'est autant en fonction de la façon dont on la considère que de la façon dont on y répond. Parce que la façon dont on y répond constitue le fait même de la santé mentale et qui elle-même est un miroir, voire une loupe grossissante de la société telle qu'elle évolue. Donc, quel est pour moi, dans la préparation de cette table ronde, l'enjeu majeur autour de la santé mentale des enfants ? Je me suis dit, c'est peut-être le point... C'est la question du déterminisme, notre façon de considérer le déterminisme, surtout quand on parle de la santé mentale des enfants, quand on parle de la psychiatrie d'enfants et d'adolescents, quand on parle de la périnatalité, quand on parle de la procréation et de la conception et de la grossesse. Tout ça mobilise la question du déterminisme en jeu. Et peut-être faudrait-il faire un jour les assises des déterminismes. les assises de la façon dont on considère le déterminisme. Pourquoi pas un forum européen de bioéthique sur les différentes conceptions du déterminisme entre génétique, société, neurosciences, psychanalyse, anthropologie, etc. Donc, avec aussi la question du risque performatif qui est présent dès lors qu'on est... psychiatre d'enfants et d'adolescents, pédopsychiatre, psychanalyste. Je dis parfois le risque du psychanalyste ou du psychiatre d'enfants et d'adolescents, c'est d'être un spécialiste de la prédiction du passé. Et qu'il y a toujours un risque performatif, déjà par le sujet lui-même. Je suis ce que je dis que je suis. Finalement, la... la question de la crise dans le genre et touche aussi au performatif. Ou bien tu es ce que je dis que tu es, etc. Un effet Pygmalion généralisé qui, au fond, est assez complexe puisqu'il y a une dimension de façonnage. Yann Hacking parlait de façonnage. Un lien complexe entre prédiction, capacité de prédire, Prévention et prescription. Un risque prescriptif au cœur des démarches. préventive et qu'au fond tout ça peut écarter peut-être le fait qu'on est aussi déterminé pour ne pas l'être. C'est au fond il y a un au-delà du déterminisme et que c'est aussi un enjeu pour le psychiatre d'enfants, le psychanalyste qui s'occupe d'enfants, d'adolescentes, de périnatalité, c'est de miser sur l'au-delà du déterminisme. de miser sur le hiatus, sur la béance, sur ce qui fait qu'on est aussi déterminé pour ne pas l'être. Miser sur la part non déterminée. C'est en jeu avec les neurosciences aussi, autour de la plasticité et tous les travaux que j'ai pu faire sur cette question-là avec mon collègue Pierre Magistretti, mais aussi sur la génétique qui bute sur la dimension de la différence individuelle, là où on pense trouver la répétition du même. Donc, effectivement... La santé mentale de l'enfant, c'est toute la tension, et l'attention, en un mot, à avoir entre d'où l'on vient et ce que l'on devient. Nous sommes des praticiens du devenir, mais bien que praticiens du devenir, on est peut-être trop pris par le fait de la réification de l'origine, surtout quand on est... immergé comme j'ai pu l'être dans le monde de la conception de la périnatalité et de ses enjeux. Il y a la clinique de l'origine mais il y a la clinique du devenir et notre pratique c'est une pratique qui mise sur un devenir possible. Donc la responsabilité de la pédopsychiatrie, la responsabilité du clinicien qui s'occupe d'enfants et d'adolescents, c'est d'aller dans le sens d'une réponse possible. Trouver les chemins d'une réponse possible. D'ailleurs, il y a peut-être une parenté, c'est pour ça que je commençais à me troubler en parlant, entre responsabilité et réponse. Il y a une parenté entre ces deux mots-là. De sa position, il s'agit que l'enfant puisse devenir Responsable, responsable d'un devenir. L'origine, disait Walter Benjamin, se prend dans le tourbillon du devenir. J'aime beaucoup cette phrase, on est tout le temps en train de renaître après coup, comme disait Rilke d'ailleurs, à un certain moment, on reconstitue quelque chose à partir d'un acte de naissance qui est dû à un hiatus. entre là d'où l'on vient et ce que l'on devient. Donc réponse, pratique de la réponse, pratique de la solution, une clinique de la solution, une logique de la réponse plutôt qu'une logique de la cause déterminante, peut-être est-ce la responsabilité de ce champ qui est le nôtre, c'est-à-dire de miser aussi sur les capacités d'invention des enfants. d'invention des enfants vers la fabrication d'un avenir possible. Et que, bon, alors où on en est par rapport à ça, dans ce qu'on appelle la crise de la psychiatrie ? Qu'est-ce que c'est que la crise de la psychiatrie ? Est-ce que c'est un malaise, elle est fonction du malaise dans la civilisation ? Est-ce qu'elle est fonction des malaises dans l'institution psychiatrique ? Est-ce qu'elle est fonction d'un certain malaise dans les savoirs ? En tout cas, une crise est toujours une occasion d'un changement. Une crise, c'est une croisée des chemins. Et on rencontre beaucoup de paradoxes dans cette crise. On pourrait énumérer des paradoxes. Par exemple, on a passé de la norme pour tous à chacun a. à chacun sa norme, voire même aux hors-normes pour tous. Donc, au fond, là, on a un basculement dans les pratiques de la norme qui implique une reconfiguration du champ qui est le nôtre. Si on se met dans le champ périnatal, on souffre tous d'amnésie infantile. Au fond, le fait de l'amnésie infantile fait qu'on n'a pas un accès vraiment... tel qu'on l'imagine, à la souffrance dans la toute petite enfance et que cette dimension-là devrait être remise sans cesse au travail. Et puis également dans les nouvelles démarches de fabrication des enfants, dont je ne vais pas parler ici, mais enfin qui reconfigurent énormément ce qu'on appelait jusqu'à maintenant de la famille par rapport à la façon de la concevoir. Peut-être qu'il n'y a plus que quelques Suisses égarés sur les montagnes Un jour blanc qui conçoivent les enfants de façon artisanale alors que la plupart des gens civilisés utilisent prédiction, procréation, gestation pour autrui, choix du spermatozoïde, choix de l'ovocyte. On ne peut pas laisser quand même à une pratique si bizarre qu'est la vie sexuelle la fabrication des enfants. Donc une crise où tout se reconfigure et au fond qui est peut-être pas une catastrophe mais l'occasion. de se dire on va vers un nouveau paradigme et qu'on est là peut-être à Strasbourg pour inventer les fondements de ce nouveau paradigme. Alors modestement, mais pas tout à fait, j'ai eu beaucoup de chance dans toute cette démarche. Effectivement, à Genève, on a pu constituer cette maison de l'enfance et de l'adolescence grâce aux liaisons avec la pédiatrie, la maternité, le... toutes les spécialités multidisciplinaires autour de l'enfant dans un lien commun et en mettant en jeu un lien à la cité et un lien à la culture qui nous a paru absolument central. Non pas exclure les enfants et les adolescents de la ville, mais inclure la ville dans un lieu. Genève, c'est la ville de Rousseau, de Piaget, de la Convention des droits de l'enfant de l'ONU. eh bien il n'y a pas, jusqu'à maintenant, il n'y avait pas un lieu de l'enfance et de l'adolescence, un lieu de culture, de cinéma, de radio, de théâtre, et qu'au fond on a créé ce lieu, et de telle façon que les jeunes viennent se faire soigner dans un lieu qui est le leur, qu'ils connaissent, qu'ils ont déjà rencontré, peut-être en termes... technique, mettre en jeu à la fois la dimension cure et la dimension care, prendre soin d'un lien, enfin bref, un hôpital autrement, qui est aussi une nouvelle façon de mettre en jeu à la fois les dimensions de l'intime et du collectif, parce qu'au fond, quand une situation, là, Maurice Corcos, brillamment a parlé de des situations tout à fait extrêmes, mais quand il y a une situation qui ne tient plus, c'est qu'il y a peut-être un lien qui s'est rompu, tant au niveau intime qu'au niveau collectif, et que notre œuvre consiste aussi à trouver un moyen de reconstituer ce qui s'est perdu. Donc une conception de la souffrance mentale, la souffrance psychique, pourquoi pas. pas de la maladie psychique comme une nouvelle allure de la vie. Merci pour votre attention.

  • Speaker #1

    Merci. Alors, je vais passer la parole à Serge Tisseron, qui est psychiatre, docteur en psychologie, membre de l'Académie des technologies, créateur des balises 36912 du jeu des trois figures et de l'Institut pour l'étude des relations. homme-robot, je crois aussi de l'Institut pour l'histoire de la mémoire et des catastrophes et l'auteur de nombreux ouvrages en plusieurs langues, certes ils seront c'est à vous

  • Speaker #3

    Merci beaucoup, merci de cette invitation alors beaucoup de choses ont déjà été dites, beaucoup beaucoup mais elles ont été dites par des psychiatres vous avez remarqué, donc les psychiatres c'est des gens qui voient les ados qui ne vont pas bien, alors heureusement vous avez eu d'autres tables rondes pendant ces rencontres, ou des sociologues des ethnologues... on peut plus aborder des aspects culturels. Alors, beaucoup de raisons vous ont été données pour lesquelles les ados vont mal. Il a été question des conflits, de l'intelligence artificielle, de la compétition scolaire, des réseaux sociaux, des dépressions parentales, de la petite enfance, de l'augmentation du coût de la vie. Et tout ça, finalement, rejoint bien ce que disait Julie Rowling en commençant, c'est-à-dire un ado tout seul, ça n'existe pas. Il est toujours inséré dans une famille, dans une culture, dans divers groupes de rattachement.

  • Speaker #0

    Alors je vais essayer d'apporter ma petite pierre à l'édifice, ma contribution, en mettant en relation deux choses, deux choses qui sont assez banales, que vous connaissez bien, qu'on a évoquées. Deux choses qui sont tout d'abord la dépendance matérielle de plus en plus grande des adolescents à leur famille, liée au fait qu'il y a une augmentation importante du coût de la vie, ils ne peuvent pas se loger de façon indépendante, ils restent dans leur famille, il y en a qui essayent de la quitter, qui sont obligés d'y revenir. Beaucoup, beaucoup sont aidés par leur famille, bien au-delà de ce qu'ils pouvaient être aidés il y a 10 ou 20 ans. Donc d'un côté, une dépendance accrue des adolescents à leur famille sur une période de plus en plus longue, et d'un autre côté, une dépendance accrue aux réseaux sociaux qui les bascule dans une culture complètement différente. Le problème n'est pas qu'ils aient cette dépendance à leur famille seulement, c'est pas qu'ils aient seulement cette dépendance aux réseaux sociaux, c'est que les deux sont en contradiction absolue. C'est ça le problème que je vais essayer de vous résumer en quelques mots. Alors cette dépendance aux réseaux sociaux, d'abord, il faut dire à quoi elle est liée. Elle est liée à beaucoup de choses. Elle est liée d'abord au fait qu'il y a de moins en moins d'endroits où les ados ou les pré-ados encore plus peuvent se rencontrer. Une sociologue de la ville, comme Valérie Gobbi, a même démontré que si les jeunes sont plus présents sur les réseaux sociaux de plus en plus, c'est parce qu'ils sont de moins en moins présents dans des espaces de rencontres physiques, parce qu'il n'y en a pas. très souvent et en plus s'il y en a leurs parents les dissuadent d'y aller parce qu'ils pourraient faire des mauvaises fréquentations donc plus ils sont interdits d'aller dehors, notamment le week-end les cours de récréation des écoles sont fermés pour les plus jeunes, les gymnases sont fermés très souvent donc ils se retrouvent sur les réseaux sociaux. Deuxième chose ceux qui ne sont pas performants à l'école essayent de se rattraper en popularité sur les réseaux sociaux. Puis troisième raison comme maintenant assez banale les algorithmes des réseaux sociaux qui regroupent les usagers par centre d'intérêt partagé donc Cette tension entre une dépendance matérielle de plus en plus grande au milieu familial, aux parents, et une dépendance psychologique de plus en plus grande aux potes, aux copains, aux camarades, aux groupes d'affiliation sur les réseaux sociaux, quelles conséquences ça a ? A mon avis, deux conséquences que je vais essayer de vous illustrer par deux symptomatologies qui sont apparues dans les services de psychiatrie et que je n'avais jamais vues quand j'étais moi-même. étudier en médecine ou médecin psychiatre. Tout d'abord, première question, si vous êtes toujours très dépendant de vos parents, mais complètement dans une culture différente, et que vous pensez que vos parents sont complètement has-been, comment vous allez payer votre dette ? Vous allez peut-être payer votre dette en adoptant un symptôme familial. Et il y a quelque chose qui est apparu, qu'on appelle le syndrome de Munchausen partagé. Le syndrome de Munchausen, vous savez, c'est le fait que quelqu'un se fasse mal et a été de la sollicitude auprès du corps médical. Ensuite, on a écrit... le syndrome de Munchausen par procuration, c'est en général des parents, plus souvent des mères, qui maltraitent leur bébé puis qui vont à l'hôpital pour demander qu'il soit soigné. Maintenant, on a décrit un syndrome de Munchausen partagé, c'est-à-dire des adolescents qui sont malmenés par leurs parents, qui sont blessés par leurs parents, qui adoptent une attitude de complicité active ou passive, partiellement consciente d'ailleurs, au service que leur imposent leurs parents. C'est-à-dire qu'ils sont complices, ils vont à l'hôpital. et éventuellement ils mentent sur la raison des troubles qui leur sont imposés. C'est ce qu'on appelle le minkhausen partagé, et c'est quelque chose qui est complètement nouveau, dont je n'avais moi jamais entendu parler. Et je pense qu'il faut réfléchir à ce genre de choses, non pas comme quelque chose qui risque de toucher beaucoup d'ados, mais comme un signe de la souffrance que rencontrent beaucoup d'ados dans cet écartèlement entre une dépendance matérielle aux parents qui ne savent pas comment compenser, d'autant plus qu'ils ont une dépendance psychologique de plus en plus importante à leur groupe social. Alors cette dépendance psychologique au groupe social, au groupe sur internet, au groupe d'affiliation, comment elle va se traduire par un autre type de symptomatologie sur laquelle mon attention a été attirée récemment ? Ce sont ces adolescents qui viennent en consultation en déclarant qu'ils ont un symptôme, qu'ils ont en général emprunté à un youtubeur qui dit l'avoir, et il y a un symptôme qui est très à la mode, c'est l'autisme. Vous savez, il y a même des psychiatres qui disent... La créativité et l'autisme sont très proches. Comme les youtubeurs veulent beaucoup prétendre être créatifs, il y en a un certain nombre qui ajoutent qu'ils sont autistes, évidemment. Voilà, autistes, créateurs, ça va bien ensemble. Donc, on a l'estampille de l'université. Et donc, il y a des youtubeurs qui mettent en avant leur autisme. Ils ont des followers. Et que font les followers ? Ils vont s'identifier aux youtubeurs également du point de vue du symptôme que le youtubeur met en avant. Alors, il y en a... Beaucoup prétendent avoir l'autisme, ils viennent en disant je suis autiste on les teste, on leur dit vous ne l'avez pas ils disent mais vous vous trompez Moi j'avais vu ça quand je faisais mes études pour souvent des personnes âgées, vivant seules et prétendant avoir un symptôme pour attirer l'attention du corps médical. Maintenant ce sont des ados et si on leur dit qu'ils n'ont pas l'autisme, ils sont embêtés parce qu'évidemment c'est une manière de se cacher eux-mêmes l'origine beaucoup plus complexe de troubles qu'ils peuvent avoir, notamment à travers des conflits parentaux. Il y en a même qui prétendent avoir des troubles bipolaires. Et puis même, j'ai entendu parler d'une épidémie de Gilles de la Tourette, dans une région de France, où il y avait un youtubeur connu dans la région. Et de proche en proche, il y avait un certain nombre de jeunes qui avaient déclaré avoir la maladie de Gilles de la Tourette. Et ils venaient d'ailleurs avec des tics, comme s'ils l'avaient. Et vous voyez, c'est donc une sorte d'affiliation poussée à son extrême à une pathologie qui est présentée par un youtubeur sur Internet. Ce qui est encore une fois une bonne manière de se cacher la complexité de l'origine de sa souffrance. Alors, je voudrais quand même dire que les réseaux sociaux, puisqu'on parle de la santé mentale, ils n'ont pas que des effets négatifs sur la santé mentale. Alors, vous savez qu'il y a une étude de l'UNICEF de 2018 qui dit que les réseaux sociaux permettent de lutter contre le sentiment de solitude, d'augmenter les amitiés existantes. Mais je voudrais élargir la question à un avis de la Commission européenne, puisque la Commission européenne a déclaré ceci par rapport à l'éducation par les pairs. dans les stratégies d'éducation à la santé, notamment à la santé mentale et notamment à la santé sexuelle. Je cite la Commission européenne. L'éducation par les pères, dans le PIRS évidemment, est une alternative ou un complément aux stratégies d'éducation à la santé traditionnelle. Cette approche repose sur le fait que lors de certaines étapes de la vie, notamment chez les adolescents, l'impact de l'éducation par les pères est bien plus grand que d'autres influences. Et comment est-ce que la même Commission européenne... de finir l'éducation par les pairs, je cite à nouveau, une approche éducationnelle qui fait appel à des pairs, personnes du même âge, de même contexte social, même fonction, éducation ou expérience, pour donner de l'information et pour mettre en avant des types de comportements et de valeurs. Et cette éducation par les pairs à la santé, elle fonctionne de deux façons sur Internet. D'abord par l'intermédiaire de youtubeurs et youtubeuses, puisqu'on trouve tout parmi les youtubeurs et youtubeuses. L'intérêt des youtubeurs et youtubeuses, c'est qu'ils assurent une relation verticale, ils peuvent donner des conseils, mais tous les followers après rentrent en contact entre eux et donc ça donne une éducation horizontale. Et puis il y a aussi tous ceux qui se réunissent entre eux, et d'ailleurs il peut y avoir des psychiatres, des éducateurs parmi eux, à condition qu'ils parlent le même langage que les jeunes, et ce sont ceux qui se reconnaissent dans un même parcours de vie. Ils utilisent l'anonymat pour aborder des questions qu'ils n'oseraient pas aborder avec leur vraie identité. Et puis, ils adoptent surtout un langage commun. Voilà. Donc, quelques mots de conclusion. Et pour qu'on ait le temps de discuter ensemble. Alors, je rejoins bien François Ancermette dans ce qu'il vient de dire. Si vous regardez votre adolescent tous les matins en lui disant avec un air de catastrophe comme s'il avait un cancer, ça va ? Bon, vous allez voir que bientôt, il ne va pas aller bien du tout. Donc méfiez-vous de ce qu'on appelle la prédiction qui se réalise. On dit les ados, ils vont mal, ils vont mal, ils vont mal. Oui, mais il y a aussi des signes qui montrent qu'ils vont bien, notamment leur engagement. Dès qu'on voit qui s'engage dans des associations pour la défense des espèces menacées, les maraudes, le soutien aux personnes âgées, la lutte contre le réchauffement climatique, c'est des jeunes. Alors ils ne s'engagent pas comme les seniors, ils ne s'engagent pas. dans des postes de responsabilité déclarés, ne veulent pas être trésoriers, ne veulent pas être vice-présidents, ne veulent pas être responsables de ceci ou cela. Mais ils s'engagent énormément sur des durées courtes et c'est peut-être finalement une manière de tenir compte du fait que tout évolue si vite, que ce serait vraiment un mensonge que prétendre s'engager sur des durées longues. Et puis, tout ça a un point commun, toutes leurs souffrances, à mon avis, ont un point commun. Et c'est là-dessus que je voudrais terminer. C'est qu'il y a une crise de confiance envers les autres, envers soi. Donc je pense que si on veut faire en sorte de... que les choses évoluent au mieux, il faut vraiment renforcer toutes les occasions qu'on a d'augmenter leur estime d'eux-mêmes. Voilà, et ça peut être par des concours éloquentia, valoriser les compétences extrascolaires. Voilà, et chacun dans sa famille peut trouver par où aborder son ou ses adolescents. Voilà, merci de votre attention.

  • Speaker #1

    Merci. Alors, merci à chacun pour la richesse de vos propos. Nous vous avons entendu défendre et je vais citer des choses qui m'auront sonné plus particulièrement à l'oreille, mais défendre l'environnement des enfants, leur accueil, leur écoute. L'idée que chaque adulte puisse assurer sa mission, les fonctions de contenant autour de l'enfance, la déstigmatisation, la clinique du devenir, le soin par les parents. père. Je reprends quelques éléments de ce que vous nous avez dit. Vaste programme et à la fois très porteur. Je ne doute pas que la salle a des questions par rapport à vos propos, Cyril. On va laisser la parole à la salle. On n'a qu'un seul micro dans la salle, mais il va circuler quand même, ne vous inquiétez pas. Il y a déjà une première question au premier rang.

  • Speaker #2

    Aurélien.

  • Speaker #1

    Bonjour, merci beaucoup pour vos présentations très riches. J'aurais une question à poser à M. Korkas sur les enfants et ses liens aux parents et à la mère. Alors déjà, j'ai cru comprendre que c'était finalement... Est-ce que c'est fonction du milieu social ou pas ? Déjà, et je ne pose pas cette question par hasard parce que maintenant que la nouvelle loi de bioéthique nous permet de pouvoir prendre en charge des femmes seules pour avoir un enfant, alors la démarche est bien sûr tout à fait différente, mais malgré tout, une fois que cet enfant est là, que la réalité rattrape le quotidien avec des nuits difficiles et parfois peu d'entourage autour, qu'est-ce que ça risque de donner même si l'histoire n'est pas la même ? et qu'on est plutôt sur un désir d'enfant et normalement une construction, je dirais, autour de cette situation antérieure à la naissance de l'enfant.

  • Speaker #2

    Oui, merci pour cette question extrêmement difficile. François a bien délimité le terrain, essayons d'éviter d'être déterministe. Pour tout un tas de raisons, je refuse de vendre des espérances. Je veux dire que dans la mythologie, lorsque la boîte de Pandore a été ouverte et que les plaies les plus horribles sont sorties pour détruire le monde, la dernière plaie c'est l'espérance. Je suis plutôt pour une action la plus précoce, la plus continue possible, pour les plus défavorisés. Je dis que oui, ce sont les milieux socio-économiques les plus défavorisés, les congrégations familiales les plus douloureuses, les histoires transgénérationnelles les plus traumatiques, avec la compulsion de répétition de génération en génération. Et je dis aussi que, ça c'est en amont, et j'en oublie, je dis qu'en aval, la réponse sociétale, qui est très importante pour infléchir ce qui pourrait être un déterminisme, pour sortir des voies de frayage de la répétition et pour ouvrir un champ de possible, cette réponse chez ces patients-là n'est pas adaptée et même elle est refusée. Il faut dire que ces patients ne nous aident pas, ils ne viennent pas en consultation. Quand ils viennent une fois, si l'accueil n'est pas probant, ils ne reviennent pas. Si on ne les relance pas, ils ne reviennent pas, si ce n'est six mois après, et que les choses se sont installées pour un nourrisson, bon, ils sont extrêmement difficiles. Ils sont casse-gueule, ils mettent en échec toutes les organisations, ils ne souhaitent pas traverser les angoisses qui ont été les leurs, ils préfèrent les réprimer, ils préfèrent les alexitimiser, les insensibiliser. Ils ont une nécessité économique, psychique, de vivre au jour le jour et pas de se poser, de s'arrêter pour travailler à bon. C'est cela qu'il faut aider parce que sinon, on peut imaginer assez aisément que si ça commence mal... Et si ça rentre dans cette fameuse compulsion de répétition, il n'y a pas de déterminisme, mais il y a l'idée d'un destin, d'un fatum. Et il y a même, pour évoquer le Munchausen par procuration et ensuite partagé, l'idée d'une communauté de détresse, l'idée de rester dans son milieu, ou comme le disent les adolescents, je ne cherche pas particulièrement à changer, je ne cherche pas le bonheur, je veux rester, excusez-moi l'expression, dans ma merde, dans ma crasse. dans mon habitus, comme disait Bourdieu, dans mon environnement. Et si cet environnement a été délétère, s'il a été négatif, je le préfère parce qu'il est dans la continuité avec ce que j'ai vécu plutôt que quelque chose de nouveau qui me change. Donc, évidemment, tout est ouvert pour tout un tas de raisons et y compris un nombre de choses considérables que nous méconnaissons des potentiels de développement de ces enfants. Et pour ce qui est d'évoquer la créativité... Je suis de ceux qui considèrent que... Alors, il faut s'entendre sur créativité et création. Je suis de ceux qui considèrent que, pour ce qui concerne la création, c'est-à-dire être auteur de quelque chose, pas simplement romancer ou transformer quelque chose. Il n'y a pas de création, on n'est pas auteur de quelque chose si on n'a pas une histoire adverse, faite de souffrances plus ou moins compliquées. On ne va pas s'emmerder la vie à reconstruire un monde. à générer un autre monde si le monde dans lequel on a vécu, dans lequel on vit, est suffisamment satisfaisant. C'est parce qu'il est insatisfaisant que nous avons besoin de nous déplacer et d'inventer ce monde. Si Balzac, qui a été évoqué hier, fait des milliers de pages pour la comédie humaine, c'est, dit-il lui-même, pour contrebalancer le code civil qui ne le reconnaît pas comme un enfant en vrai, mais comme un enfant naturel, bâtard vis-à-vis de sa mère. Donc, c'est patient. Ces sujets, pas ces patients, ces sujets ont une potentialité du fait de la contrainte qui s'exerce sur eux si on leur en donne les moyens d'être particulièrement créatifs. Donc mettons le paquet et je dis que c'est pas ce qu'on fait actuellement. Je profite de votre question pour développer encore un point que j'ai oublié tout à l'heure. Cette façon de dire que c'est l'ASE, que c'est la PJJ. Alors l'ASE, quand vous avez été agressé sexuellement et que vous êtes à l'ASE, vous avez 50% de risque d'être agressé par l'institution, par quelqu'un dans l'institution. Donc le contenant social reduplique ce que vous avez vécu. Si vous pouvez vous dégager de ça, même si le déterminisme n'existe pas, ça va être compliqué. Donc, la ZEU, c'est 50% des SDF sont des anciens de la fond de la ZEU. Donc, il n'y a pas de déterminisme, mais si c'est mal engagé, si la réponse sociale qui ne dit pas son nom dit que ce n'est pas de la psychiatrie, il ne faut pas s'en occuper, c'est de la protection judiciaire, c'est des maladies sociales, c'est des exclus, cette stigmatisation, avec le potentiel d'acceptation masochique de cette stigmatisation, va faire que ce... Ces déterminants multiples vont finir par être des déterministes et que le sujet va accepter cette identité. Attention aux familles monoparentales. Sans jugement, c'est très difficile d'élever un enfant tout seul. Il vaut mieux être deux pour trianguler, pour ne pas être dans la relation deux, qui est une relation qui est très passionnelle dans l'enfance et qui finit par la violence à l'adolescence. Trois, c'est trianguler, c'est différer, c'est diffracter, c'est déplacer. Il faut bien évidemment que le second, qu'il soit une femme ou un homme, ce n'est pas la question, mais qu'il soit là présent, soit de suffisamment bonne qualité, et qu'il ne soit pas quelqu'un qui passe et qui est violent, bien sûr.

  • Speaker #1

    Une autre question dans la salle ?

  • Speaker #0

    Merci pour toutes ces ouvertures et toutes ces analyses.

  • Speaker #1

    Une question de politique générale que je m'adresse à tous autour de cette table ronde. Pensez-vous que le fait que le politique... de manière générale ne privilégie pas la question de la jeunesse, on l'a vu notamment pendant la pandémie, c'est des professeurs d'université qui ont fini par s'apercevoir que les étudiants ne mangeaient pas à leur faim, il a fallu plusieurs mois. Donc pourquoi est-ce que le fait que le politique ne mette pas en avant la question de la jeunesse à sa juste place, comme dirait Anna Arendt, qu'en pensez-vous par rapport à tous les troubles que vous décrivez ? et à tous les problèmes que vous rencontrez. Monsieur Ancermet ?

  • Speaker #0

    Bon, écoutez, c'est celui qui n'est pas d'autre côté d'une frontière qui doit répondre à une question qui est assez... Moi je dirais, quand je vois, je prends de manière plus large, aussi même les organisations internationales qui règnent à Genève entre la Croix-Rouge, l'ONU et tous sortes de dispositifs, le risque, c'est toujours cette fameuse phrase je sais bien mais quand même C'est-à-dire qu'on a beau savoir certaines choses, Il y a une négation de ce que l'on sait dans le fait même de le savoir. C'était Octave Manoni qui avait mis cette phrase je sais bien mais quand même et j'ai l'impression que dans les discussions politiques, on en parle mais on y croit. On ne croit pas vraiment et on le voit et en fait on n'en prend pas les conséquences. Alors ça c'est un mécanisme intime mais qui touche quand même globalement la société. Oui, je pense que l'une des raisons est que les politiques prennent leur parti, qu'on évolue vers une société à deux vitesses, voire à trois vitesses, avec des jeunes très soutenus par leur milieu social du fait de leur origine et qui peuvent trouver un soutien, un renforcement de leur confiance en eux, la possibilité d'envisager le temps long. Parce qu'un possibilité d'envisager le temps long, c'est réservé à ceux qui grandissent dans des familles. dans lesquels on n'est pas constamment angoissé du lendemain. Donc d'un côté, des enfants qui grandissent dans les meilleures conditions possibles et qui peuvent présenter parfois des troubles mentaux, mais qui auront de bons psys à un prix qu'il faut pouvoir payer. Et puis un grand nombre d'individus qui sont considérés comme de toute façon amenés à avoir des postes sociaux sans trop d'importance, ou à être bientôt relayés par l'IA. et qui viendront engrossir les contingents du quart monde. Donc je pense que le problème vient du fait que beaucoup de politiques sont dans cette logique qui apparaît comme le stade suprême du capitalisme, on pourrait dire, pour joindre la formule de Karl Marx, c'est-à-dire le parti d'un libéralisme débridé, comme on voit actuellement aux États-Unis. dans lequel la majeure partie de la population est passée par perte et profit, pourvu qu'une petite partie de la population arrive à faire tourner la société et la faire évoluer vers des états technologiques supérieurs. C'est une situation qu'on voit en Inde, largement, quand vous voyez la quantité d'Indiens surdiplômés qui occupent des postes faramineux dans la Silicon Valley, et puis la masse des Indiens qui sont sous-nutris, sous-éducés, etc. Et il y a cette idée quand même que... C'est ce que certains ont théorisé sous le nom du long-termisme, qui est aujourd'hui une grosse tentation de beaucoup de monde. Vous avez vu les protestations des patrons, certains étant mécontents quand on envisage de revenir sur la suppression de postes d'enseignants. C'est l'idée qu'il y a des inégalités. Alors on ne dit pas d'où elles viennent, évidemment. Les meilleurs gagneront et les autres, de toute façon, ce n'est pas la peine de dépenser des fortunes pour essayer de les sortir de là où ils sont. parce que de toute façon, il risquerait d'y retomber compte tenu des conditions sociales. Voilà, donc je pense que c'est ça qui mine aujourd'hui et c'est ce dont il faut être conscient.

  • Speaker #1

    Madame Rodin voulait également réagir, puis M. Corcouz. Je rejoins ce que disait M. Tistron par rapport à la question du temps long. et que finalement accompagner ses enfants, prendre en charge ses enfants, on est d'une certaine manière à l'opposé d'une logique capitaliste ou d'une logique où finalement on aura une réponse immédiate par rapport à une action qu'on aurait pu mener. Je reprends aussi par rapport à quelques éléments sur... la trajectoire de ces enfants, il est extrêmement difficile de sortir de l'assignation à une place. Extrêmement difficile si vous prenez par exemple dans une famille ou dans un groupe de collèges, il y aura toujours celui qui fait le café, celui qui arrive à l'heure, celui qui rappelle à l'autre que c'est le jour de la réunion. Donc on voit bien comme socialement chacun d'entre nous est assigné à une place. Donc imaginez pour ces enfants qui ont des parcours de vie chaotiques. La manière dont le déterminisme, dont l'assignation à une place, ça peut être compliqué de sortir de ces trajectoires de vie et compliqué de sortir finalement dans des patterns de fonctionnement dans lesquels ils sont pris. Et souvent, je dis aux internes, ne rentrez pas dans le piège dans lequel ils tombent eux-mêmes. Et on est vraiment dans ces logiques où finalement, ces enfants-là fonctionnent peut-être pour certains différemment. rejeter l'autre, c'est se protéger parce qu'ils ont pu connaître des rencontres qui ont pu être violentes, qui ont pu être terrorisantes et ça nécessite pour l'autre, pour celui qui est amené à les prendre en charge, de changer de paradigme et vraiment de pouvoir changer de paradigme de fonctionnement y compris parfois quand moi j'arrive, docteur Holling, bienveillante avec un grand sourire auprès d'un de ces jeunes comment lui va me percevoir est-ce qu'il va me percevoir comme menaçante est-ce qu'il va se dire tiens ou Encore une qui est sympathique et puis dans quelques semaines, elle ne sera plus dans le circuit, etc. Donc, il y a à la fois la question de l'assignation à une place qui est très importante, y compris au niveau transgénérationnel, et à la fois des fonctionnements et des réflexes qui nous obligent à nous décaler. Sur les questions médico-économiques, peut-être j'ai moins d'expérience et de recul que mes collègues, mais quand même un petit peu, je dirais que cette logique du temps long... et de résultats qui peut-être ne seront pas immédiats, est-ce que c'est valorisant ou pas ? La question du je sais bien mais quand même est extrêmement intéressante parce qu'il y a une ambivalence dans le rapport à l'enfant du côté des adultes. Il y a une ambivalence et je dirais en tant que pédopsychiatre, il y a une infantilisation. Quand j'essaye de défendre dans des réunions, des dossiers ou des situations de mes patients, en tant que pédopsychiatre, Cette infantilisation, je la ressens. Je la ressens des fois quand j'appelle des collègues pour un de mes patients. La réduction à mon patient, je la ressens aussi. Donc nos décideurs, ceux qui sont amenés à prendre des décisions politiques, généralement, c'est quand même des personnes qui ont des capacités cognitives et sociales qui leur ont permis d'être en poste. Donc l'écart finalement entre ces enfants et les politiques. Il est énorme. Voilà.

  • Speaker #2

    Oui. Écoutez, notre ami François, qui est le Suisse à la table, n'a pas voulu répondre à notre sollicitation de répondre à la question de pourquoi les politiques français ne s'occupent pas de la jeunesse. Donc je ne vais pas m'aventurer à vous dire mon sentiment. Les gosses disent en ce moment... Alors les gosses, ils ont trois choses qui... Ou la désaffection des adultes par rapport à leur devenir les affole. L'écho, anxiété évidemment, la terre... Bon, et évidemment les adultes continuent à détruire la planète, leur planète, leur avenir. Ça, ils ne supportent pas. Les agressions sexuelles. par les adultes vis-à-vis des enfants et des adolescents qui se révèlent tous les jours de manière systémique. Enfin bon, ça, ils ne supportent pas non plus. Et puis il y a Parcoursup. Ce qui circule dans les écoles et dans les services, c'est faites vos voeux, rien ne va plus Donc, je ne sais pas ce qui fait que ces décideurs qui ont des fonctions cognitives supérieures... Mais des investissements libidinaux inférieurs vis-à-vis des enfants, je ne sais pas ce qui fait que ça ne fonctionne pas, mais je crois. Et mon point de vigie, ça a été dit, et mon point de vigie c'est le service de psychiatrie avec les cas difficiles, donc c'est un point de vigie extrême. Mais comme je considère que ces sujets ne sont pas exclus, qu'ils sont des adolescents normaux par ailleurs, et qu'ils nous disent ce qui risque d'arriver aux adolescents sains, je pense que si on ne fait pas attention... Le risque de désaffiliation, c'est-à-dire que ces gosses se désaffilient de la structure verticale qui est censée les élever et leur transmettre un certain nombre de valeurs et d'histoires. Et l'affiliation horizontale, les tribus, les pairs, les réseaux sociaux, cette désaffiliation verticale et affiliation horizontale va continuer à se développer. Je ne suis pas persuadé, moi qui pense qu'il faut que nos aînés nous transmettent. Puisqu'on est en train de fêter la libération des camps de concentration d'Auschwitz, il est essentiel que nos aînés nous transmettent la barbarie qui a pu arriver pour que nous puissions l'éviter dans les années qui viennent.

  • Speaker #1

    Merci. Une question dans la salle. En tant qu'adolescente, il me semblait normal de venir à cette conférence et je suis très touchée qu'aujourd'hui on fasse des conférences ouvertes à tout public pour parler de la santé mentale parce que je pense que c'est un sujet qui doit prendre plus d'ampleur et sachant qu'avant c'était un sujet qui était assez tabou, je suis contente qu'aujourd'hui on fasse des conférences ouvertes donc merci beaucoup.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'on peut se souvenir que la semaine dernière, un adolescent de 14 ans a été assassiné par un autre adolescent de 16 ans et que c'était la troisième occurrence en quelques mois d'un tel phénomène ? Ma question est sur la répartition. qu'on est obligé de faire entre éducation et vision vers le positif et répression. Est-ce qu'il n'y a pas aussi une carence de notre justice qui dit, ben t'es un mineur... L'excuse de minorité permet de faire tout ce qu'on veut. Et quand même, la sanction, c'est quelque chose qui marche dans l'espèce humaine. Ma question, Maurice Corcot, c'est est-ce qu'on peut guérir un sauvageon ?

  • Speaker #1

    Alors, il se trouve que cette histoire est dans mon secteur, donc je suis en effet impliqué et impacté. Alors, vous savez que va passer à l'Assemblée une discussion sur une modification du statut pénal, avec deux choses d'importance, puisque c'est radicalement différent de ce qui est pré-existé, c'est-à-dire pas d'excuses de minorité, comparution immédiate à partir de 16 ans, et le contenant familial qui n'a pas été... responsable, c'est les termes, doit payer pour cet adolescent qui est passé à l'acte, y compris autour de la question des allocations familiales. Première chose pour que ce soit bien clair et d'un point de vue psychopathologique, pas d'un point de vue moral ou autre. Un adolescent qui commet un passage à l'acte, quel qu'il soit, a fortiori s'il est meurtrier, si ceux qui s'en occupent ne le sanctionnent pas, Il n'y aura jamais de potentiel pour lui de réappropriation subjective de son acte, c'est-à-dire que psychiquement, on le laisse mourir. Donc la sanction doit être évidemment là et à la hauteur de ce qui... Mais si vous visitez les centres de détention à Porcheville, c'est comme ça que ça s'appelle, pour les mineurs, vous verrez que les conditions de détention, qui peuvent contenir une pulsionalité débordante pour des histoires traumatiques compliquées, a des effets de contenance, mais... Sans déterminisme, ce n'est pas sûr qu'on puisse se dégager ensuite d'un avenir un peu tracé. Donc oui, il faut qu'il n'y ait non pas répression, mais sanction. Et que celle-ci puisse permettre à ce sujet d'éviter une peine de mort psychique.

  • Speaker #2

    Guérir, je ne sais pas, mais comme tu sais, la médecine et notamment la psychiatrie, qui font partie de la médecine, sont très attachées à l'idée de prévention. Et donc, depuis quelques années, il y a quand même une conscience grandissante. La création des classes relais dans le cadre de l'éducation nationale, la création des classes pour élèves en rupture scolaire, le lancement de programmes pour développer les compétences empathiques, notamment le jeu des trois figures, avec plus ou moins de succès. Mais en tout cas, il y a beaucoup de gens aujourd'hui qui s'impliquent, notamment dans le cadre de l'éducation nationale, pour faire en sorte que le plus grand nombre possible d'enfants... soit tenu à l'écart de ce genre de risques. Et c'est vraiment autour de la prévention, à mon avis, avec son volet thérapeutique, son volet scolaire, son volet familial, qui doit être mis au centre des préoccupations. Il faut commencer dès la maternelle à travailler le respect de l'autre, la capacité de maintenir, de contenir ses émotions, de leur donner une utilité sociale, etc. Donc oui, c'est possible de faire une prévention dans ce domaine-là. Mais là aussi, les moyens qui sont accordés par le gouvernement sont très inférieurs à ce qui serait possible. Mais je ne parle pas non plus de la prévention dans le domaine des maternités, de la petite enfance, etc. Je voulais simplement dire qu'il y a aussi un volet scolaire qu'il ne faut pas oublier et que les enseignants, si on est ici, connaissent bien et qui est très, très important à connaître et à valoriser.

  • Speaker #3

    Alors on va conclure cette table ronde. Je vous propose de dire un mot de conclusion. Vous venez de parler de prévention sur cette question, sur autre chose, à tour de rôle.

  • Speaker #4

    J'ai enlevé mon micro qui passait autour de ma tête. Je ne m'attendais pas du tout à devoir donner une dernière phrase. Du coup, je suis surpris. Et c'est bien sur la surprise que je pourrais intervenir en disant que le champ de la santé mentale des enfants, par le fait aussi de quelque chose de particulier aux enfants, est ouvert à la surprise, à l'imprévisibilité du devenir. Et je crois que dans nos discussions, nous devons laisser la place à ce que certains appellent la serendipity. C'est-à-dire le fait de trouver autre chose que ce que l'on cherche, le fait de trouver autre chose que ce que l'on pense qu'il va arriver. Encore faut-il être attentif à ces formes nouvelles qui surgissent. Donc, accepter la surprise, comme je viens de le faire en répondant alors que je ne m'y attendais pas.

  • Speaker #5

    Peut-être, ça rejoint un peu la surprise, mais sur la question de la pulsion de vie, j'y pense parce qu'effectivement, à Mayotte, c'est des échanges que j'ai pu avoir avec des professeurs, des professeurs inquiets par rapport à ce qui a pu se passer sur l'île. Et de faire confiance aussi aux enfants parce que la question de la créativité... et de la pulsion de vie est inhérente à l'enfance. Et puis, s'agissant des professionnels, même si je suis pédopsychiatre, je crois que la question des moyens et cet effet de contenance systémique est nécessaire dans tous les champs qui sont impliqués autour de l'accompagnement et de prise en charge des enfants.

  • Speaker #1

    Le pessimisme doit engager à l'action. L'action qu'on pourrait avoir sur un point simple, précis, et qui pourrait avoir une efficacité assez grande, c'est les maternités. Il faut qu'il y ait un psychiatre en maternité. Il faut trouver le psychiatre, mais enfin, il faudra mettre un psychiatre en maternité, des psychologues, ensuite de couche, et en précoération médicalement assistée. Il faut former les sages-femmes, former nos collègues pour un dépistage. immédiat pour une prévention primaire pour éviter que les choses s'engagent mal. C'est quelque chose à faire de très rapidement et il faut arrêter avec les maternités usines. On ne peut pas accoucher et sortir en deux jours. Quand ça va très mal, il faut rester quelques jours suffisamment à temps pour que ce psychiatre arrive. Merci.

  • Speaker #2

    On a évoqué très justement les parents qui vont mal, les parents en souffrance, les parents qui ont besoin d'être aidés, d'être conseillés, d'être soutenus. Mais il y a des parents qui assurent un soutien à leur enfant, qui sont attentifs à lui, mais ils limitent ce soutien à un seul domaine, la réussite scolaire. Et ça c'est terrible, parce qu'aujourd'hui les pré-ados et surtout les ados... sont très soucieux d'acquérir des compétences dans beaucoup de domaines que les parents ne connaissent pas, à commencer par les compétences numériques. Et si les parents n'ont d'yeux que pour les résultats scolaires, il en résulte une crise de confiance, un sentiment d'incompréhension, du découragement. L'institution scolaire ne reconnaît absolument pas toutes les compétences extrascolaires, et c'est un vrai drame, il y a beaucoup d'appels en ce sens-là, mais c'est très très long à développer. Mais en revanche, peut-être c'est plus facile. aux parents soucieux de leur enfant, de leur conseiller de s'intéresser à tous les autres domaines auxquels leur enfant peut s'intéresser que les résultats scolaires. A commencer par les jeux vidéo, par la musique, par les réseaux sociaux. Et les parents n'ont pas seulement à y gagner en connaissance de leur enfant, en confiance mutuelle, mais ils ont aussi beaucoup à y gagner en termes de compréhension de la nouvelle société dans laquelle nous rentrons, parce que la culture des jeunes d'aujourd'hui... Ce n'est pas la culture des jeunes d'aujourd'hui, c'est la culture des adultes de demain. Et comme la vie est longue, nous continuerons à avoir à faire longtemps cette culture des adultes de demain, qui est celle des ados d'aujourd'hui.

  • Speaker #3

    Merci à nos experts pour la richesse de leurs apports, pour les perspectives que vous nous ouvrez. et qui amèneront sans doute toutes les personnes qui sont venues nombreuses écouter nos experts, j'espère des perspectives et des pensées.

  • Speaker #5

    On se retrouve dans quelques instants pour parler de bien-être.

  • Speaker #3

    A tout de suite.

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