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Le bien-être en question

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Description

Forum européen de Bioéthique 2025 : Santé mentale & Bioéthique


Le bien-être en question


Soyez cool, soyez zen ! Mangez sainement, faites du sport ou du Yoga ! Ça ne suffit pas ? Prenez des compléments alimentaires, faites un régime ou méditez. Et si ça ne va pas mieux, qu’à cela ne tienne, utilisez des antidépresseurs ou des anxiolytiques !

Le bien-être se conjugue souvent à l’impératif. Mais comment pouvons-nous garantir des pratiques efficaces et éthiquement responsables ?


Avec :


Nicolas Marquis, Professeur de sociologie à l'UCLouvain Saint-Louis Bruxelles, ERC Starting grantee


Esther Schmitt, Naturopathe, Auteure publiée, Consultante entreprises


Sebastien Weibel, Psychiatre, Praticien Hospitalier aux Hopitaux Universitaires de Strasbourg, Chercheur associé (PhD-HDR), Inserm STEP (Strasbourg Translational nEuroscience & Psychiatry)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans cette salle de l'Aubette, mais également derrière vos écrans sur le site du Forum européen de bioéthique pour discuter d'un sujet peut-être plus optimiste que les précédents, le bien-être en question. Et pour modérer cette table ronde,

  • Speaker #1

    je passe la parole à Aurélien Benoît-Lide. Merci. Oui, peut-être plus apaisé, mais en même temps, c'est le bien-être en question. J'espère que vous sortirez d'ici effectivement apaisés pour ce samedi après-midi. Le bien-être est un concept somme toute assez difficile à cerner, dont les contours sont flous et que l'on décline de différentes manières. Alors il y a le bien-être complet, sorte de béatitude zen, qui serait une approche du nirvana dans lequel tous les aspects de la vie seraient équilibrés et joyeux. Il y a le bien-être physique, alors là on est plutôt dans des aspects de massage, de confort on va dire. Puis le bien se définit encore ou s'associe à d'autres termes, c'est la bienveillance, on parle beaucoup de bienveillance, que ce soit une bienveillance éducationnelle, une bienveillance au travail. Il y a le bien vieillir aussi, le bien manger, le bien penser, jusqu'à la bien-pensance. Finalement le bien s'accoutume beaucoup de... de beaucoup de suffixes dans lesquels parfois on peut voir une sorte d'injonction. Mais le bien-être, en tout cas pour la philosophie, n'a pas franchement ses lettres de noblesse. On lui préfère parfois d'autres concepts, la liberté, la résilience, le devoir. Le bien-être apparaît somme toute comme quelque chose d'assez ordinaire, parfois même un peu médiocre. D'ailleurs, on ne parle pas de santé animale, on parle de bien-être animal. Pour la médecine, c'est un peu la même chose. Malgré la définition très large de l'Organisation mondiale de la santé, qui définit la santé comme un état de complet bien-être physique, mental et social, il s'avère que pour la médecine, le bien-être n'est pas forcément un aboutissement ou la mire absolue. Ça n'a qu'une importance assez relative. D'ailleurs, dans les études de médecine, on ne parle pas souvent de bien-être. On parle beaucoup de pathologie, on apprend la maladie, on apprend la physiologie, on apprend ce qui semble être l'invariable chez les patientes et les patients que l'on va rencontrer, mais pas tellement cet aspect très subjectif qu'on appelle effectivement le bien-être. En bioéthique, me direz-vous, là aussi, le bien-être n'est pas une notion qui a beaucoup la cote. J'en veux pour preuve la vie 147 du CCNE qui a été rendue... Il y a quelques jours, et dont on a déjà pas mal parlé ici, la vie 147 qui s'est posée la question de la santé mentale, en se disant de quoi est-ce qu'on va parler dans la santé mentale ? Parce que si on parle de santé mentale, alors effectivement, on va se confronter à cette notion un peu inattrapable qu'est le bien-être. Et donc finalement, on va réduire la question non pas à la santé mentale, mais à la psychiatrie, parce que la psychiatrie, on sait un peu mieux ce que c'est. Et pour les médecins, la psychiatrie, c'est aussi... un enchevêtrement de pathologies, de physiopathologies plus ou moins complexes. Donc finalement, le bien-être est un peu à la lisière, c'est un peu une sorte de territoire perdu ou abandonné par la médecine, par la bioéthique, par la science de manière générale. Pourtant, force est de constater qu'aujourd'hui, le bien-être ou la recherche du bien-être est un absolu et quelque chose qu'on retrouve dans toutes les dimensions de la société. C'est presque encore plus important que d'éviter le mal-être. Le bien-être est vraiment quelque chose à atteindre, avec une impression tantôt d'utopie, que ce serait vraiment extraordinaire d'avoir le bien-être, puis avec tantôt cet arrière-goût dystopique, où on verrait tout le monde avec un sourire béat, qui serait content de ce qui se passe, presque comme s'il y avait une forme de docilité vis-à-vis de la vie. Moi, à titre personnel, en tant que médecin et neurologue, J'observe aussi ça auprès de mes patients. C'est une préoccupation qui est très importante. Et je me rends compte, et ça je suis obligé de m'en rendre compte, c'est que finalement aujourd'hui soigner n'est plus toujours suffisant. On dispose d'une médecine qui est capable de faire des prouesses inimaginables, mais pour autant les gens ne sont pas toujours satisfaits parce qu'on ne répond pas à cette question. Peut-être que c'est cette question du bien-être. En tout cas, moi j'ai l'impression qu'on nous demande, à nous en tant que médecins aussi, de... nous impliquer dans le bien-être de mes patients. Et j'ai l'impression qu'ils n'ont pas forcément tort, mais ça sera probablement des choses dont on va discuter ensemble. Et puis, comme la médecine ne s'en préoccupe pas, mais que pour les patients et les patientes, c'est quelque chose de très important. Je dis les patients, mais pour nous tous en réalité. Et bien, comme la médecine ne s'en préoccupe pas, d'autres vont s'en préoccuper. Et parfois avec talent, avec des médecines complémentaires, alternatives, des choses qui vont permettre, et moi je le vois aussi en consultation, d'améliorer. durablement la santé des gens, mais parfois aussi maladroitement et peut-être même parfois aussi dangereusement. Donc c'est dans cette nébuleuse du bien-être que je vous propose de voyager pendant quelques minutes, quelques heures, peut-être pas quelques heures, quelques minutes, ça sera suffisant, pour ne pas non plus se noyer. Et pour ce faire, nous avons réuni autour de la table trois personnes de qualité. qui vont avoir trois angles de vue un peu différents. Il y aura tout d'abord Nicolas Marquis, qui est professeur de sociologie à l'UCL Louvain, Saint-Louis-Bruxelles. Il y aura également Esther Schmitt, qui est naturopathe, auteur publié, que l'on entend assez régulièrement sur France 3. En tout cas, c'est comme ça aussi que nous nous sommes rencontrés. Et Sébastien Weibel, qui est psychiatre, praticien hospitalier des hôpitaux universitaires de Strasbourg, chercheur associé. Donc, je vais tout d'abord donner la parole à Nicolas Marquis. Vous avez été auteur de livres sur le changement personnel. Vous avez travaillé le concept de développement personnel, de coaching, de discours de bien-être, mais aussi de la question du handicap. On vous laisse la parole.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. Tout d'abord, merci beaucoup à l'organisation de ce bel événement de m'avoir convié. Et puisque vous avez eu le courage, l'audace de convient un sociologue un samedi après-midi, qui plus est un sociologue belge, il faut peut-être que je vous dise un petit peu qu'est-ce que c'est étudier le bien-être comme un sociologue. Ou pour le formuler autrement, qu'est-ce que c'est prendre au sérieux cette catégorie du bien-être ? En quoi et de quoi cela nous parle-t-il du point de vue de la société dans laquelle nous nous trouvons ? Et pourquoi cette importance que nous lui donnons aujourd'hui ? Pour répondre à cette question de savoir c'est quoi étudier le bien-être comme sociologue, j'aimerais avec vous partir de quelque chose que tu as déjà très bien dit Aurélien, qui est cette ambivalence que toutes et tous, je pense, nous pouvons ressentir à l'égard de cette catégorie de bien-être. C'est-à-dire que d'un côté, assez clairement, le bien-être, c'est une valeur absolument évidente. C'est quelque chose auquel on tient, toutes et tous. C'est quelque chose. que l'on va considérer comme étant un droit. C'est quelque chose auquel on associe la vie bonne, la vie qui vaut la peine d'être vécue. Tu l'as dit également, du point de vue de l'OMS, il y a une équation entre bien-être et santé mentale. La santé mentale est un état de bien-être complet. Et puis le bien-être, dans le domaine des soins, c'est un horizon éthique extrêmement important. Est-ce que vous connaissez une personne qui est un soignant ou une soignante que vous considérez comme un bon soignant ? ou comme une bonne soignante, et qui ne se préoccuperait pas du bien-être de ses patients, de ses clients, etc. Donc d'un côté, on y tient, et on y tient authentiquement. Mais d'un autre côté, le bien-être, c'est aussi quelque chose dont on se méfie intuitivement.

  • Speaker #1

    Pourquoi ?

  • Speaker #0

    Eh bien parce qu'on le voit comme une norme. Directement, il y a quelque chose de l'ordre du fait qui est associé. C'est quelque chose en toque, c'est quelque chose d'artificiel. Le bien-être, il a toujours ce risque d'être frelaté. Pourquoi ? Parce qu'il nous serait éventuellement imposé de l'extérieur. On nous dit qu'il faut être bien. Le bien-être se conjugue à l'impératif. Cessez d'être gentil, soyez vrai. Vous connaissez toutes ces petites phrases. Et je pense que le petit texte rédigé à l'entame de cette table ronde qui nous réunit aujourd'hui, ça témoigne bien de cette ambivalence. Le bien-être est là. C'est important et en même temps il faut qu'on s'en méfie parce qu'il pourrait y en avoir une série de conséquences négatives sur les individus, sur la société, etc. Donc pour moi comme sociologue, l'importance que prend le bien-être aujourd'hui... Je la prends vraiment, non pas pour donner des bons et des mauvais points, mais comme porte d'entrée vers des tensions absolument centrales des sociétés dans lesquelles on se trouve. Et des tensions que toutes et tous, on peut ressentir. Premièrement, et puis cette table ronde sur le bien-être arrive après une autre table ronde sur la santé mentale des enfants, où il y a des choses extrêmement difficiles qui ont été dites. Est-ce qu'il n'y a pas un paradoxe à être dans une époque où on parle de bien-être comme sans doute jamais avant ? Alors que ce bien-être, il est peut-être là bien moins qu'avant. Est-ce qu'il n'y a pas un autre paradoxe dans cette société du bien-être, mais qui valoriserait un faux bien-être ? A se dire peut-être que si moi je me sens en bien-être, mais en vertu de critères qui sont ceux de cette société du faux bien-être, est-ce que mon bien-être est un vrai bien-être ? Autrement dit, est-ce que pour être bien, je ne devrais pas aller mal, si vous voulez ? Il y a cette fameuse phrase que beaucoup d'adeptes du bien-être citent de Christian Mourti, je cite de mémoire que c'est pas un signe de santé mentale que d'être adapté à une société qui va pas bien. Bon, voilà, et donc on est dans ces contradictions. Et puis finalement, bien-être, qui peut me dire c'est quoi mon bien-être, en quelque sorte ? Mais si personne ne peut me le dire, est-ce que moi je serais capable de trouver un langage propre ? Le philosophe Wittgenstein avait bien montré que le langage privé c'est quelque chose d'impossible. Donc voilà, il y a toute cette tension de savoir... Qui peut parler de bien-être ? Qui peut parler de bien-être pour qui ? Et c'est évidemment une tension sur laquelle on reviendra, parce que dans le domaine des soins, elle est absolument fondamentale. Donc, je dirais que d'un point de vue sociologique, si on me demande d'étudier ce que j'ai fait, le langage du bien-être comme sociologue, eh bien j'aurais tendance à l'étudier exactement comme d'autres sociologues ou d'autres anthropologues très malins, très intelligents, ont regardé par exemple la sorcellerie. dans d'autres sociétés. C'est-à-dire que le bien-être, la sorcellerie, la religion, ce sont des ressources culturelles. Ce sont des langages qui sont à notre disposition, avec lesquels nous grandissons, et que nous utilisons pour nous dire des choses les uns les autres, que nous utilisons pour nous dire des choses à nous-mêmes, pour nous dire les uns les autres qui on est. Est-ce qu'on est quelqu'un de bien ? Est-ce qu'on est quelqu'un, au contraire, qui a une vie pas trop réussie ? Ce sont des langages qu'on utilise pour s'expliquer nos malheurs, pour s'expliquer nos responsabilités dans le malheur. En bref, ça nous sert au quotidien, ce langage du bien-être. Alors, je vous l'ai dit, des langages ressources culturelles, toutes les sociétés en développent. Celui du bien-être qui nous occupe aujourd'hui, c'est un langage qui est particulièrement adapté à un certain type de société, c'est-à-dire qu'il n'est pas apparu comme ça. Si on utilisait notre langage dans d'autres lieux, ou dans d'autres temps, les Gaulois, les Grecs anciens, etc. Je ne suis pas sûr qu'ils nous regarderaient comme si on était tout à fait sains d'esprit. Notre langage du bien-être aujourd'hui, il est adapté à des sociétés qu'avec des collègues, notamment Alain Ehrenberg, nous appelons les sociétés individualistes. Alors les sociétés individualistes, ce n'est pas un jugement moral. Ce ne sont pas des sociétés qui seraient caractérisées par un égoïsme crasse où il n'y aurait plus que du chacun pour soi. Bien sûr, on peut trouver qu'il y a ça aussi. Mais sociologiquement, une société individualiste, c'est une société qui précisément a comme caractéristique de valoriser l'individu et son autonomie au-delà de la façon dont elle valorise le groupe. C'est une société dans laquelle chaque individu est au moins, je dirais théoriquement, doté d'une autonomie de principe. Et cette autonomie... Dans nos sociétés individualistes, on a tendance à la loger dans quelque chose qu'on a creusé au fil des derniers siècles, qui est notre intériorité. Il y a vraiment cette idée qui, en réalité, dans l'histoire de l'humanité, n'est pas très ancienne. Alors bien sûr, tous les individus de tous les peuples ont sans doute réussi à dire je à se faire sujet d'action. Mais ce qui nous différencie, si vous voulez, c'est l'investissement de ce quelque chose qui se logerait à l'intérieur de nous. Cette intériorité est qu'on considérait comme ressource de sens, comme ressource de puissance, et comme diapason à l'aune duquel on doit mesurer la qualité de notre vie. Donc voilà, c'est ça ce premier point qui nous différencie comme société, c'est cet investissement du bien-être intérieur. Mais ce n'est pas le seul point qui caractérise les sociétés individualistes. Lorsque le philosophe français Alexis de Tocqueville s'est rendu aux Etats-Unis au milieu ou aux premières parties du 19e siècle, il devait d'abord étudier les prisons. C'est ce qu'il a fait, mais il a aussi trouvé une série d'autres choses intéressantes dans la façon dont la société américaine était organisée à l'époque et qu'il a contrasté avec une société française qui avait peine à sortir de l'ancien régime malgré la révolution. Et ce qu'il a frappé... C'est le point auquel, dans ses propres termes que je paraphrase ici parce que j'ai une assez mauvaise mémoire, aux États-Unis, il y avait cette idée que chaque être humain potentiellement disposait d'un potentiel, d'une perfectibilité quasiment infinie. Là où, dans une société française d'ancien régime, de classe en quelque sorte, vos capacités étaient quelque part indexées sur votre statut de naissance. sur votre éducation et donc était largement plus déterminé. Et il a donc eu cette phrase qui a fait couler beaucoup d'encre, selon laquelle les sociétés démocratiques ont tendance à desserrer peut-être trop, peut-être indéfiniment, les limites de la perfectibilité humaine, là où les sociétés aristocratiques ont tendance à la resserrer. C'est-à-dire que dans les sociétés démocratiques, les sociétés individualistes, il y a cette idée que toutes et tous nous disposons... de ce potentiel, quel que soit notre état. Et je dirais que depuis Tocqueville, se présupposer de l'autonomie individuelle, il n'a fait que voir ses frontières reculer. L'enfant, la personne par exemple en situation de handicap, sont parmi les derniers personnages auxquels, alors heureusement ou pas, ce n'est pas à moi de me prononcer, j'observe cela simplement ici, nous avons enfin appliqué ce principe au même titre. qu'à d'autres personnes. Donc dans cette société des égaux, théoriquement, on est dans un pays qui a écrit ça sur un papier il y a quelques centaines d'années, nous sommes tous théoriquement égaux, mais on sait bien que pratiquement, on est toutes et tous inégaux et inégales. Et donc il y a là une tension qui est quand même très intéressante, qui est que d'une part, chacun peut, et pourtant nous n'arrivons pas à la même chose. Nous n'arrivons pas aux mêmes formes de vie. De ce point de vue, ça nous permet d'indiquer peut-être une des raisons pour lesquelles on se méfie de ce fameux bien-être parce que d'un côté, comme on l'a dit, le bien-être c'est un droit, c'est une possibilité commune, nous sommes tous égaux, même si c'est dans nos infinies différences, mais d'un autre côté, le bien-être c'est aussi un devoir, un attendu. Oui, on l'a dit tout à l'heure, le bien-être c'est une norme sociale. Et si vous voulez le tester, essayez d'aller mal. Alors, vous allez me dire, c'est très facile d'aller mal. Mais essayez d'aller mal et essayez de vous complaire là-dedans. Essayez, comme l'on dit aujourd'hui, d'occuper une position de victimisation. Vous allez voir que ce n'est pas forcément si facile que ça, de renoncer de façon autonome à son autonomie. Oui, il y a bien des attentes sociales qui pèsent sur nos épaules et qui consistent à vouloir nous éloigner du sacrilège. des sociétés individualistes, du sacrilège que représenterait le fait de ne pas explorer l'entièreté de vos capacités, de ne pas explorer l'entièreté de votre potentiel. On en a parlé un petit peu à la table ronde précédente, on est dans un environnement moral qui a beaucoup de mal avec les déterminismes, qui a beaucoup de mal à mettre en mots, en phrases, mettre en explication l'idée d'échec. Ça ne veut pas dire du tout que les déterminismes, les échecs, les souffrances... n'existe pas. Mais on ne sait pas très bien comment prendre cela parce qu'on est quelque part tenu et chapeauté par cette exigence que nous nous imposons selon laquelle les portes ne peuvent pas jamais être totalement fermées. En tant que soignant par exemple il n'est pas normal pourrait-on dire, il n'est pas bien d'abandonner par rapport à tel ou tel patient notamment dans les domaines de la santé mentale que je connais un petit peu en Belgique d'abandonner l'idée que pour cette personne, on peut en espérer un tout petit peu plus. On ne peut pas condamner, on ne peut pas étiqueter. Mais évidemment, si on ne condamne pas, si on laisse tout à chacun les possibilités de se dire qu'un petit peu plus est possible, la question est la suivante. Qui doit travailler pour que ce bien-être advienne ? Eh bien, évidemment, dans cet environnement moral-là, la réponse est assez simple. Si tout le monde peut... Alors chacun doit. C'est-à-dire que de ce présupposé démocratique selon lequel chacun a dans ses différences les capacités d'être plus que ce qu'il n'est à l'heure actuelle, on a là un principe de sens commun d'explication des inégalités. Si tout le monde a la possibilité d'être heureux mais que certains le sont et d'autres pas, et bien ça veut dire que ceux qui ne le sont pas ont à leur charge le fait de mener le combat ou les combats qui s'imposent pour obtenir ce qui théoriquement du moins leur est affublé comme potentiel. J'ai écrit récemment un petit texte sur le documentaire Kaizen, je ne sais pas si ça dit quelque chose à certains d'entre vous, c'est exactement ça que ça raconte. Ça raconte ce conte de fées des temps modernes qui consiste à considérer que rien n'est impossible pour personne Petit astérisque, tant qu'on le veut vraiment Autre petit astérisque, et tant qu'on a les capacités financières de le faire, etc. Ça évidemment c'est autre chose Mais le succès, et notamment auprès des jeunes, de ce type de messages témoigne de l'attrait que nous avons pour ces contes de fées Alors, de ce point de vue là Comme sociologue, moi, les pratiques de bien-être qui sont infinies, et on pourra revenir sur leur spécificité bien sûr tout à l'heure, on a parlé du développement personnel, le petit texte parlait également du yoga, j'étudie pour ma part pour le moment le recours de plus en plus important au psychédélique dans des pratiques de bien-être ou de santé mentale, mais aussi le coaching, la pleine conscience. Qu'est-ce que c'est ? Eh bien sociologiquement, bien sûr que ce sont des façons de s'investir pour s'en aller mieux. Mais je pense qu'il faut aussi les voir comme des instruments de distinction sociale. C'est-à-dire que dans une société des égaux, travailler à votre bien-être, ça vous permet de vous dire à vous-même et ça vous permet de dire à autrui qui vous êtes. Ça vous permet de dire que vous respectez une norme sociale qui est absolument fondamentale et qui est celle qui consiste à dire, comme nous avons tous, un potentiel. Et que ce potentiel est potentiellement infini, il convient de ne jamais se reposer sur ses lauriers. Il convient de ne jamais se laisser tranquille, en quelque sorte. C'est ça la croix, si vous voulez, que nous portons comme individus des sociétés individualistes. C'est donc une pratique et un respect des normes de ces sociétés. Et c'est un mode d'attribution des responsabilités et une explication de pourquoi certains ont et certains n'ont pas. Alors, si je peux prendre encore deux petites minutes. J'en viens maintenant à une question qui est peut-être plus proche de la thématique de la table. Finalement, dans ce contexte-là, que j'ai tenté de brosser ici à trop gros traits, quelles sont les pratiques de bien-être qu'on va avoir tendance à valoriser ? Quand je dis qu'on va avoir tendance à valoriser, c'est-à-dire en tant qu'environnement social, pas chacun individuellement, mais qu'est-ce qui va bien être vu ? Quelles pratiques est-ce qu'on va considérer comme à la fois éthiques, c'est-à-dire respectueuse des individus, et d'autre part, comme efficace. Je pense qu'essentiellement, ce sont des pratiques qui ont certaines caractéristiques. La première, c'est que ce doit être, du point de vue de notre environnement moral, une pratique qui met la personne au centre de la transformation qu'elle dit avoir besoin. dont elle dit avoir besoin pour son existence. Il y a vraiment cette idée qu'aujourd'hui, la bonne intervention sur autrui, ce n'est pas celle qui fait, c'est celle qui fait faire. Faire, faire. C'est l'empowerment. C'est le fait d'être dans cette position d'augmenter les capacités d'un individu à agir sur lui-même. Deuxième caractéristique, ce que j'ai tenté de mettre en lumière dans le cadre des travaux que j'ai pu réaliser à ce sujet, c'est qu'aujourd'hui, ce qui légitime la position de soignant, ou même plus largement la position de personne qui intervient sur autrui, cette légitimité a tendance à changer. C'est-à-dire que c'est de moins en moins les capitaux classiques, le titre de professeur, ou la blouse blanche, ou le fait d'avoir usé vos culottes très longtemps sur les bancs de l'université, etc. Alors bien sûr, ça continue à compter, mais ce qu'on voit du point de vue d'une frange importante de la population, c'est que l'intervention légitime sur moi, je vais l'attribuer en quelque sorte non pas à des experts lointains, mais à des experts du vécu, à des experts proches, c'est-à-dire à des personnes qui ont vécu la même chose que moi et qui peuvent... Faire quelque chose qui aujourd'hui prend une place très importante, c'est le témoignage. Quelqu'un qui est un frère ou une sœur humain ou humaine, qui n'est pas différent de moi, qui n'est pas au-dessus, mais qui est en quelque sorte un tout petit peu en avance sur ce parcours de vie que je connais, par exemple, une séparation difficile, par exemple, tel trouble de l'attention ou tel syndrome, tel que la schizophrénie, qui n'est d'ailleurs plus la schizophrénie mais l'entente de voix, par rapport à laquelle c'est possible d'avoir de la pér-expertise, etc. Donc, vous voyez, il y a cette idée que la bonne intervention sur autrui, Ce n'est pas celle qui se trouve au-dessus, c'est celle qui se trouve à côté, en quelque sorte, qui pratique la maïotique et surtout qui personnalise l'intervention. Il y a, je pense, aujourd'hui, et je terminerai par là, quelque chose qui est de l'ordre d'un esprit anti-institutionnel, c'est-à-dire d'un esprit relativement critique des institutions qui nous pousse à voir dans les institutions Quelque chose, et dans la société de façon générale, quelque chose qui a tendance à nous limiter, à oppresser, à ne pas permettre à nos capacités individuelles de se développer. Aujourd'hui, être soi, on a tendance à l'entendre assez rapidement et automatiquement, comme le fait d'être soi contre les normes sociales, contre une famille, contre un groupe, contre une école qui vous a assigné à une identité. que vous pouvez finalement dépasser. Il y a donc cette idée que la bonne intervention sur autrui, elle devrait se dérouler dans ces pratiques de bien-être en dehors des champs convenus, par exemple, de la psychiatrie, de la faculté, etc. Enfin, cette société qui, comme vous l'avez compris, valorise comme aucune autre la position active. plutôt que d'être passif, d'être victime. Et plus encore le fait d'être actif, d'agir sur soi-même, agir de soi-même et sur soi-même. Je pense qu'on ne peut pas en mesurer ni l'importance, ni le caractère tragique, si on ne prend pas en compte un élément plus global de la situation dans laquelle on se trouve. Et c'est un élément qui est au cœur de notre modernité. C'est-à-dire que la promesse de la modernité, ça a été celle, depuis les Lumières, d'une maîtrise. plus importante par les humains du monde, à condition que les êtres humains utilisent leurs raisons. Une maîtrise à l'extérieur, de la nature, etc. Mais aussi une maîtrise à l'intérieur. Sauf que la réalité de la modernité, ça a été quoi ? Ça a été, et on le vit chaque jour de plus en plus fort, la déprise de plus en plus massive par rapport à des enjeux qui nous dépassent. Des enjeux politiques, des enjeux économiques, des enjeux climatiques, qui font que ce que nous... avec notre cerveau individuellement, avec nos mains, nous pouvons faire, on ne sait pas très bien dans quelle mesure ça compte. Je pense que cet investissement du bien-être et de l'action de soi sur soi, on doit le comprendre aussi à l'aune de ce contexte extrêmement anxiogène, à l'intérieur duquel finalement on n'est pas sûr de savoir si on compte. Ce qu'on est sûr de faire, c'est de pouvoir travailler sur soi-même, avec ses mains et avec ses neurones, au moins ça sera toujours ça de gagné. Je vous remercie.

  • Speaker #1

    C'est parfois reposant quand même d'être passif, peut-être pas d'être victime. Et c'est vrai que cette injonction, cette utopie de soi qui cherche à se dépasser continuellement pour aller vers du mieux, vers du bien. Peut-être, je me dis, ça peut occasionner, si ce n'est de la déprime, tout du moins de la fatigue ou de l'épuisement. Et peut-être même que c'est des choses qu'on pourrait voir apparaître en clinique. Je vais maintenant laisser la parole. A Sébastien Weibel, vous êtes psychiatre, praticien hospitalier au CHU de Strasbourg, chercheur associé à l'Inserm. Vous avez une spécialisation dans les troubles déficitaires de l'attention avec hyperactivité, mais également dans les troubles de l'humeur. Vous proposez en règle générale plutôt des soins basés sur des thérapies validées scientifiquement ou dans un contexte de psychoéducation, des choses qui sont peut-être parfois un peu éloignées aussi de cette notion de bien-être. Je suis ravi de vous écouter.

  • Speaker #0

    Merci, merci de m'avoir invité et de pouvoir parler de ma perspective justement de psychiatre. Et la question pourrait être, faut-il des médecines de la santé mentale et du bien-être ? Parce que si je dois me sentir bien, si je dois être heureux, et si je ne le suis pas, est-ce que je dois consulter ? Et donc, je remercie aussi pour ton introduction Aurélien et cette très intéressante perspective sociologique qui vont finalement complètement se compléter ce que je vais m'inscrire complètement dans cette perspective. Et donc, déjà, qu'est-ce que c'est qu'être un psychiatre ? Un psychiatre, c'est un médecin qui cherche à soigner des troubles qu'on appelle des troubles psychiatriques. C'est très tautologique ce que je dis là, mais en fait, comme tout médecin qui cherche à... améliorer la santé de personnes qui l'ont soit perdu ou bien sont à risque de la perdre. Le travail du psychiatre finalement c'est d'améliorer la santé mentale du coup, on pourrait se dire ça. Mais alors est-ce que quand la santé mentale décline, est-ce que ça veut dire qu'il y a un trouble psychiatrique ? La réponse est en fait un peu plus compliquée, on pourrait vite balayer ça en disant bah non bah non ou bien peut-être oui. Parfois, Il y a un accident génétique ou dans le développement, un dysfonctionnement qui s'ancre dans le fonctionnement du cerveau et on observe des troubles. Ça peut se manifester précocement, je ne sais pas, la déficience intellectuelle ou plus tardivement à l'adolescence, malgré des gènes qui auraient pu favoriser ça, comme dans le trouble bipolaire. Parfois, les choses sont différentes et ce sont les personnes qui ont vécu. des choses radicalement anormales et qui ont une sorte de cicatrisation qui les met dans un fonctionnement qui est en soi pathologique. Alors cicatrisation c'est une métaphore, il n'y a pas de cicatrices dans le cerveau comme ça, comme on aurait sur la peau, mais une forme de switch vers une façon de fonctionner qui n'est plus adaptée malgré la disparition de la blessure. Et ça, c'est le modèle le plus typique, c'est le trouble de stress post-traumatique. J'ai subi une menace extrême et je continue, malgré la disparition de cette menace, à vivre comme si j'étais encore dans une situation de danger. Parfois encore, il peut y avoir une réaction tout à fait normale à une situation qui serait problématique. Est-ce que c'est normal d'être en bonne santé mentale dans une société qui... qui dysfonctionne, voilà, et c'est finalement l'exemple paradigmatique du deuil en fait. Est-ce que je peux dire que j'ai une bonne santé mentale quand je viens de perdre un enfant ? Je pense que c'est... Là on a tous une idée sur cette question-là. Et parfois encore... C'est en fait l'environnement qui ne colle plus avec la façon dont on est fabriqué. De façon simple, notre cerveau a évolué depuis quelques dizaines de milliers d'années, quelques centaines peut-être, quelques millions même si on part des grands singes, à une vitesse lente, et on voit aujourd'hui le changement de notre environnement de façon... très rapide. Si on prend par exemple l'émergence de l'écriture, ça envahit le monde entier en l'espace de quelques millénaires. Je dis ça vraiment avec des chiffres très larges. Avec l'émergence d'une pathologie qui s'appelle la dyslexie. Aujourd'hui, on voit l'accès par exemple à une information permanente. Internet sur nos portables, ça a survenu en dix ans, avec des conséquences énormes. C'est encore assez lent par rapport à ce qui nous arrive aujourd'hui avec d'autres choses, on peut voir plein de choses, mais l'intelligence artificielle par exemple, mais les exemples ne manquent pas. Et donc finalement, notre cerveau qui a été... formé avec un temps long, doit s'adapter à des situations ? Et est-ce que ça génère aussi des problèmes de santé mentale ? Je vous donne un peu ces idées-là parce que finalement, on peut avoir tendance à avoir un regard assez rapide entre ce qui est normal, pas normal, maladif, pas maladif. Et finalement, on pourrait se poser la question, quand ma santé mentale décline, est-ce qu'il faut voir un médecin ? Ou est-ce qu'il faut voir un thérapeute ? Qu'est-ce que c'est qu'un thérapeute ? Mais faudrait-il en parler avec un parent, un ami ? Peut-être qu'on oublie parfois un peu ça, ou bien encore un groupe social. Je laisse un peu cette question en suspens pour revenir un peu sur mon thème de prédilection. Alors, je suis un psychiatre qui a quelques spécialités, merci Aurélien de les avoir rappelées. Donc, difficultés de régulation émotionnelle, ce qu'on appelle parfois dans la forme la plus paradigmatique le trouble de la personnalité borderline, ou aussi le TDAH, le trouble du déficit de l'attention avec hyperactivité. Alors parlons un peu de TDAH, alors c'est quoi ? je le dis rapidement, c'est un trouble qu'on dit neurodéveloppemental. Ça veut dire que ça correspond à des personnes qui ont eu un développement cérébral atypique, différent de la moyenne des personnes, qui a des conséquences au courant. de l'enfance, on observe déjà parfois que certaines choses dès les premières années de vie, mais l'explosion des symptômes survient surtout dans les moments de socialisation et d'apprentissage, la scolarité. Et ensuite, ça persiste à l'adolescence, avec différentes conséquences, augmentation du risque de consommation de substances à l'âge adulte, augmentation de la mortalité chez les jeunes adultes du fait d'accidents, difficultés professionnelles, divorces, troubles psychiatriques en soi aussi. Mais en même temps, aujourd'hui, dans un monde de sur-sollicitation attentionnelle, un monde qui nous enjoint aussi d'ailleurs à nous accomplir, à être performants, à réaliser le potentiel, comme Nicolas Marquis nous a dit, bien expliqué. Voilà, notre attention sature. Nous sommes tous atteints un peu de distractibilité, tous un peu atteints de difficultés à rester concentrés, tous à avoir un peu de mal à faire une seule chose à la fois parce qu'on a plein de potentialités à réaliser dans tous les domaines de notre vie. Et notre santé mentale décline peut-être un peu à cause de ça. Effectivement, beaucoup de gens se reconnaissent ou ressentent des symptômes de TDAH. Et ce qu'on voit dans nos consultations qui sont... très sollicités. Et en fait, tous n'en ont pas. Et la prévalence du TDAH reste finalement assez stable. Et les personnes, finalement, qui ont un trouble neurodéveloppemental sont parfois un peu oubliées dans cette grande, grande masse. Et ce nombre important de personnes dont le bien-être décline, leur bien-être cognitif, et... Paradoxalement, c'est peut-être ceux qui ont le plus de difficultés à aller vers le soin qu'on oublie, les personnes précaires, les personnes incarcérées. Par exemple, je rappelle que un quart des personnes incarcérées ont un TDAH et quasiment aucun d'entre eux n'est pris en charge. Et donc, à partir de cet exemple du TDAH et aussi à partir des évocations sur la variété des situations concernant les causes des troubles mentaux, ça me permet finalement d'introduire une question d'une porosité croissante entre pathologie, troubles, santé mentale, bien-être. Et en fait, cette évolution finalement s'inscrit dans un mouvement assez bienvenu de déstigmatisation, de normalisation des problématiques psychiatriques. Ce sont des difficultés parmi les autres. qu'on peut prendre en charge et qu'on a le droit d'exprimer et pour lesquels il est légitime de demander de l'aide. Cependant, cette perte de distinction n'est pas sans conséquence. Elle brouille les frontières entre le normal, le pathologique, et ça génère aussi une certaine invisibilisation de personnes en souffrance, ce qui est toujours le risque. Pendant longtemps, les personnes souffrant de troubles psychiatriques étaient invisibilisées par une forme d'exclusion. Ça existe toujours. Aujourd'hui, cette invisibilisation se fait aussi par une forme de minimisation, d'effacement. Moi aussi j'ai ça et ça passe un peu dans un espèce de grand problème de bien-être. Et encore une fois, comme Nicolas Marquis nous l'a expliqué, ça va aussi dans une sens d'individualisation de la charge des soins. Une individualisation pas forcément au sens d'une... de soins qui seraient individualisés au sens d'une médecine personnalisée, comme on fait de plus en plus, mais aussi d'une responsabilité individuelle de la prise en charge, une injonction. Une injonction, tu dois te prendre en main, tu dois faire ce qu'il faut pour que tu ailles mieux, tu es responsable de ton bien-être et de ta santé mentale. Alors en parallèle, parlons un peu de thérapeutique, de soins ou d'aide pour la santé mentale. Et là aussi, il y a un risque de brouiller un peu les cartes. De manière très intéressante, de nombreux outils issus de perspectives non médicales ont commencé à montrer une efficacité notable et importante dans certains troubles psychiatriques, comme par exemple la dépression. Quelques exemples. L'activité physique. Une ancienne grande cause nationale, maintenant c'est la santé mentale. Donc l'activité physique dans la dépression, on sait que c'est certainement des traitements les plus utiles dans les dépressions légères, les dépressions modérées. Alors c'est pas juste le sport qui fait du bien, on sait que l'activité physique a des effets sur la perception du plaisir, on peut même l'observer de façon biologique, avec différentes façons de le faire. Un effet aussi sur la sensation d'épuisement, la fatigue, et ça peut changer de façon notable la trajectoire de personnes qui souffrent de dépression. Autre exemple, la méditation de pleine conscience. On l'a aussi déjà un peu abordé, méditation de pleine conscience qui est cette... pratique, issue des traditions bouddhistes, qui incite les personnes à apprendre, s'entraîner, réapprendre, à focaliser son attention sur l'instant, là, maintenant, et sur les sensations, en laissant filer les pensées. Et il a été montré que la méditation de pleine conscience est particulièrement efficace, par exemple, pour la prévention des rechutes dépressives. Vous savez que si vous avez fait une dépression, vous avez un risque important d'en refaire une deuxième dans votre vie, une chance sur deux au moins. Et si vous en avez fait quatre dans votre vie, il y a quasiment 90% de chances d'en refaire. Donc, on sait que la méditation de pleine conscience est tout aussi efficace que des médicaments utilisés en prévention dans la rechute de la dépression. par des mécanismes qu'on connaît, par exemple sur le plan psychologique, on sait que ça diminue la propension à avoir des ruminations. Dans le trouble du déficit de l'attention, c'est aussi une approche qui est utile, efficace. Alors peut-être avec une efficacité moindre que les médicaments dans les comparaisons, mais on sait aussi que c'est quelque chose qui est utile, par exemple, parce que ça réentraîne les personnes à focaliser leur attention sur un moment, sur une action, sur une intention. Troisième exemple, les oméga-3 qui sont des acides gras polyinsaturés. On s'est intéressé à la santé redoutable des Inuits qui mangeaient tellement de gras et tellement de calories et en fait probablement ils mangeaient beaucoup de poissons aussi et donc des acides gras qui ont aujourd'hui une efficacité notamment dans la dépression et d'autres troubles comme le trouble la personnalité borderline. Voilà, et donc ces pratiques qui sont souvent perçues comme des médecines douces, des pratiques complémentaires, participent à la diversification des réponses thérapeutiques, mais pourraient aussi suggérer une forme de démédicalisation de la prise en charge, renforcer l'idée peut-être un peu fausse que certaines maladies n'en sont pas vraiment. Il suffit de prendre soin de soi, de faire attention à son bien-être et ça ira mieux. Et à l'inverse, il existe aussi une forme de stigmatisation de certains traitements, et notamment les psychotropes, ou d'autres traitements qui peuvent être particulièrement décriés, alors qu'ils ont une utilité pour sauver la vie de certaines personnes, comme l'électroconvulsivothérapie, ou voilà. Et notamment à cause de biais qui nous traversent tous, les biais naturalistes, ce qui naturellement est bon, par exemple. Donc finalement, deux lignes de confusion, les troubles et la santé, dans une perspective assez individuelle, et en parallèle, les traitements et les stratégies d'amélioration du bien-être. Et pour le paradoxe, ça vient aussi d'une forme de médicalisation de la vie ou d'une psychothérapie de petitisation. J'invente un néologisme de la vie. Je n'utilise pas le mot psychologisation parce que la psychologie, ça reste quand même une discipline a priori. Dans son premier sens, qui est une science du fonctionnement de notre faculté, de nos facultés mentales avant d'être un soin. Donc, une médicalisation de la vie qui met ce modèle médical traverse nos sociétés et nous traverse aussi avec l'idée de tu souffres. Tu dysfonctionnes, donc tu dois consulter. Et dans nos sociétés, il y a des normes d'intervention assez systématiques et l'idée qu'il faudrait consulter un psy en cas d'adversité. Et cette perspective, ce modèle, coexiste avec une forme de délitement de réseaux d'aide collectif, de soutien informel, qui renforce parfois cette surmédicalisation des problématiques. de problématiques relevant de la sphère sociale ou existentielle. Donc, une exigence aussi au bien-être. Et on peut rappeler que parfois, nos émotions doivent être étouffées. On nous pousse à étouffer certaines choses, on est enjoint à les réguler. Alors que parfois, il y a de façon légitime des peines qu'il convient de traverser, d'accepter. Donc au final, nous assistons simultanément à une forme de démédicalisation relative. des soins psychiatriques et aussi une surmédicalisation de la santé mentale, une surmédicalisation du bien-être, ce qui génère un certain nombre de confusions. Et cette tension appelle peut-être à des clarifications sur ce, et à plusieurs niveaux, le rôle des professionnels. Qu'est-ce que c'est qu'un psychiatre ? Qu'est-ce que c'est qu'un psychologue ? Est-ce que je dois voir un psychologue quand j'ai une maladie ? Et on sait que, par exemple, les psychologues s'occupent de personnes qui sont avec des difficultés existentielles, mais aussi... Ils ont un rôle crucial pour traiter des pathologies qui ne sont traitées efficacement que par la psychothérapie. Et on voit que ce n'est pas toujours simple de dire, ok, je prescris une psychothérapie. Ce n'est pas toujours accepté de la part des psychologues eux-mêmes ou de la part des personnes. Et voilà, et aussi des questions sur les critères d'efficacité d'un traitement. Est-ce qu'un traitement qui améliore le bien-être ? est un traitement efficace. Voilà, c'est des questions qui sont très vastes et je n'aurai peut-être pas le temps d'aller plus loin. Et je pense qu'il faut aussi déconstruire certaines échelles de valeurs implicites qu'on peut avoir, comme la notion de maladie, la notion de traitement. Et finalement, pour conclure, je voudrais dire aussi que dans un contexte de société individualiste, je rebondis sur cette définition très claire que Nicolas Marquis a faite. Il faudrait peut-être aussi se rappeler qu'il faudrait passer d'un se soigner, de prendre soin de sa santé mentale. Cette injonction qui est finalement le thème de cette table ronde, passer d'un se soigner à aussi soigner les personnes qui s'entourent, soigner les autres, prendre soin des autres et à tous les niveaux. Surtout des plus vulnérables, des personnes les plus blessées. Et ça a un coût collectif. On entend beaucoup parler des difficultés de la psychiatrie et du coût que ça représente, du rattrapage qu'il conviendrait de faire. Je milite fortement pour une meilleure considération des personnes qui ont besoin de ces soins. C'est aussi une responsabilité individuelle qui convient de partager dans nos sociétés. Je vous remercie.

  • Speaker #1

    Merci Sébastien. Esther Schmitt, vous êtes issue du commerce et du marketing. Vous aviez des aspirations de changement et en 2012, dans les suites d'une série de problèmes de santé, dont vous parlez librement sur votre site internet, vous avez pris un nouveau départ. Vous dites que vous avez pris en main votre propre existence. En 2013, vous avez obtenu votre diplôme de naturopathie. Vous avez écrit deux livres sur la fatigue, sur le grignotage. Et nous, on vous connaît aussi parce que vous êtes assez présente sur France 3 Grand S, où vous dispensez vos conseils de bien-être. Et parfois, notamment quand je suis un peu désespéré de ne pas réussir à soigner mes patients, je me dis que vous faites aussi beaucoup de bien à votre manière. Et donc, on est ravi de vous accueillir et de vous entendre.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup. Et puis merci pour votre invitation. Merci d'avoir. Oser inviter quelqu'un qui représente effectivement les thérapies alternatives. Je suis ravie de vous retrouver, de vous partager ce qui me passionne depuis dix ans, qui est la naturopathie. Et c'est vrai que sur le sujet de la bioéthique et de la santé mentale, je me suis dit que pour introduire, ce serait peut-être pas mal de remettre un petit peu la naturopathie dans son contexte. Parce que moi, ça fait dix ans maintenant que je suis diplômée, que j'en m'a transmis beaucoup de choses et je retransmets maintenant moi aussi. Mais elle est parfois un petit peu mal connue ou méconnue et parfois elle est un petit peu critiquée aussi. Et je voulais juste donner quelque chose d'important à ce sujet-là. Alors déjà pour moi, la naturopathie telle qu'elle me l'a été enseignée et telle que je la transmets, pour moi c'est vraiment une discipline d'hygiène de vie qui est bien plus préventive que curative. Donc on n'est pas du tout là pour faire arrêter des traitements aux personnes qui prennent des médicaments depuis longtemps, mais on est vraiment là pour les accompagner. pour gagner en santé et en vitalité. Et en fait, c'est vrai qu'aujourd'hui, on est dans un monde où on a énormément d'informations sur le bien-être, que ce soit toutes les thérapies alternatives confondues. C'est assez difficile, effectivement, de s'en sortir. Et c'est vrai que du coup, moi, en tant que naturopathe, je retrouve toujours une grande sagesse au sein de la naturopathie parce qu'elle s'appuie finalement sur quatre piliers essentiels desquels, moi, à titre individuel, je ne sors pas. pas. Et c'est vraiment comme ça que j'accompagne mes clients depuis toujours. Et ces quatre piliers sont la nutrition et la diététique, le mouvement, le sport, le pôle de la détoxification, j'y reviendrai un petit peu plus en détail tout de suite, et le gros pôle de l'hygiène nerveuse. Et c'est vrai que quand on regarde un petit peu, on dit normalement de manière probablement naïve, mais si on applique un petit peu tous les jours. des techniques de ces quatre piliers, on devrait normalement ne pas tomber malade. Alors ça, effectivement, c'est dans un monde idéal. Mais c'est vrai que ces quatre piliers, c'est comme les quatre pieds d'une table et on s'appuie en permanence là-dessus. Alors après, bien sûr, on a des techniques mineures. On a des choses comme les techniques avec l'hydrologie, l'eau, la chaleur, le massage, l'hypnose, qui sont des choses effectivement qui fonctionnent très, très bien. Mais on a besoin que ce socle de ces quatre piliers, piliers soient vraiment nos fondamentaux. Alors, c'est vrai que dans la nutrition, c'est hyper compliqué aujourd'hui de s'en sortir parce que c'est vrai que les réseaux sociaux, c'est à la fois extraordinaire et à la fois ils ne nous facilitent pas du tout la tâche parce qu'on lit un petit peu tout et son contraire aujourd'hui. On a eu beaucoup de sujets sur les intolérances alimentaires, est-ce qu'il faut arrêter le gluten, est-ce qu'il faut arrêter de manger du fromage, est-ce qu'il faut supprimer les produits laitiers ? Ce sont de vrais sujets et en même temps, moi je me présente toujours comme une natureau mais pas trop. Une natureau mais pas trop, c'est ce qui me définit bien, c'est-à-dire que je ne souhaite absolument rien retirer dans l'alimentation et dans la nutrition des personnes. plus pour que les personnes expérimentent. Alors après, évidemment, sur le sujet de la santé mentale, on sait qu'effectivement, les oméga-3, comme tu le disais avant, Sébastien, ce sont des choses qui sont essentielles à consommer. On sait que le sucre, c'est quelque chose qui ne fait pas du tout du bien au système nerveux parce qu'il est pro-inflammatoire, parce qu'il va créer pas mal de désordres digestifs. Et c'est vrai qu'idéalement, c'est d'avoir une nutrition qui soit toujours riche. en nutriments parce que finalement le corps il a besoin de nutriments spécifiques des fruits, des légumes, des graines il a besoin de bonnes protéines il a besoin de bons gras parce qu'il a simplement besoin de ça pour bien nourrir ses cellules et il n'a pas parfois besoin de plus et c'est vrai qu'aujourd'hui ce qui est parfois un petit peu compliqué c'est qu'on a du mal à choisir les bons nutriments pour soi parce que soit on n'a pas le temps de cuisiner soit on n'a pas le temps d'aller faire ses cours soit on ne sait pas exactement quoi manger... C'est vrai que je vois bien dans les consultations que c'est vraiment un sujet qui revient souvent. Après, effectivement, la pratique du sport, du mouvement sont des choses essentielles. Il y a cette très belle expression de Pierre-Valentin Marcheseau, le père de la naturopathie, qui disait tout le temps que le sport est le contre-pied d'une aire. Et c'est vrai qu'à une époque où j'ai traversé des moments un peu compliqués au niveau de ma santé, parce que j'avais vraiment un mental qui était bien surchargé, je traversais vraiment des problèmes de santé compliqués. A chaque fois que ça n'allait pas, j'enfilais mes baskets et je partais courir. Et parfois, il ne faut pas grand-chose juste pour aller s'oxygéner, s'aérer un petit peu, parce que ça permet déjà de lâcher un petit peu tout ce qui se passe dans notre mental. Et puis après, notre corps, aujourd'hui, il est en surcharge permanente. Il est en surcharge d'informations. On n'a pas assez le temps de faire parfois bien les choses. On a des to-do list hyper longues. On a des enfants à éduquer, à aimer, on a peut-être des études, en tout cas on a des plannings hyper importants. Et c'est vrai que tout ce stress, toute cette surcharge émotionnelle à un moment, elle est extrêmement encrassante pour le corps. Et je pense que ce qui est bien effectivement c'est d'arriver à certaines périodes de l'année, de prendre quelques temps de pause et de repos, de moins manger, de moins regarder la télé, de moins être sur le téléphone. de beaucoup plus sortir, mais de juste remettre à un moment donné des petites techniques qui permettent un petit peu à notre mental de se détoxifier. Parce qu'évidemment, dans notre quatrième pilier, qui est le pilier de l'hygiène nerveuse, c'est là en fait où on se rend compte. Et je m'en rends encore plus compte maintenant parce que pour avoir assisté à pas mal de conférences pendant ce forum. On voit bien en fait que notre système nerveux, il n'est plus du tout aujourd'hui en capacité de gérer tout ce qu'il a besoin de gérer. En fait, il y a trop de choses. Il se passe beaucoup de choses dans le monde, il se passe beaucoup de choses dans la vie, dans notre vie, mais aussi dans la vie de nos proches. Et il y a un moment donné, c'est juste trop. Et le cerveau, en fait, finalement, il est assez bien fichu parce qu'il a toujours deux options, lui. C'est-à-dire que quand il est trop plein, à un moment donné, lui, il a besoin de nettoyage. Il a besoin de... Il a besoin de se faire son nettoyage. Il a toujours deux options. Il a l'option, un petit peu, ce que moi j'appelle des techniques de dérivation. Donc, il va préférer scroller son téléphone plutôt que de réfléchir un petit peu à ce qu'il doit mettre en place. Il va préférer parfois abuser un petit peu de certaines substances. Donc, on a envie de boire un petit peu plus d'alcool. On a envie de consommer plus de sucre. Et ça, en fait, c'est vraiment notre cerveau qui dérive parce qu'il a... pas envie de traiter ce qui a véritablement besoin d'être traité à l'intérieur de soi. Et c'est là en fait où la naturopathie elle arrive en fait avec beaucoup de sagesse. Moi je dis tout le temps que la meilleure recharge du système nerveux c'est le sommeil. Et c'est une vraie prescription de dire à quelqu'un, ce soir couchez-vous un petit peu plus tôt, n'emmenez pas votre téléphone dans votre lit, prenez un bon bouquin, videz-vous la tête. Et puis, mettez-vous au lit, dormez et puis vous verrez, demain, ça ira vachement mieux. Parce qu'effectivement, on voit bien qu'après une bonne nuit de sommeil, on est quand même en capacité de prendre des décisions un petit peu plus éclairées. On est déjà de meilleure humeur, on est moins dans l'émotionnel. Et c'est vrai que sur ce sujet, effectivement, des maladies mentales, à un moment donné, quand on accumule le stress, on accumule les coucher tard, on accumule les nuits pas reposantes, on accumule effectivement l'excès de sucre, l'excès de problèmes. À un moment donné, le cerveau, ça ne marche plus. Puis il finit complètement par craquer. Et puis, c'est là où la maladie s'emballe. Et j'en reviens encore effectivement à cette sagesse de naturopathie. C'est là où nous, enfin, je vais parler pour moi et pas au nom de tous les naturo. Mais moi, je suis vraiment là, en fait, pour donner des clés d'hygiène de vie en préventif. plutôt qu'en curatif. Parce que c'est vrai qu'une fois que la maladie apparaît, et plus elle est grave, effectivement, elle revient véritablement à la médecine. Et ce que j'avais... J'ai envie vraiment de partager aussi avec vous, quand j'étais venue mercredi soir à la conférence d'inauguration, il y avait un psychiatre qui a parlé de remettre le citoyen au centre de sa guérison. J'ai trouvé que c'était absolument génial d'entendre ça. Et effectivement, Nicolas, tu l'as dit aussi il y a quelques minutes, c'est que finalement, la vraie question aujourd'hui, c'est de savoir qu'est-ce qui est bon pour moi. Qu'est-ce qui est bon pour vous ? Comment savoir ce que je dois mettre dans mon assiette ? Comment savoir si je dois prendre telle et telle plante pour pouvoir me soigner ? En fait, il n'y a qu'une seule solution, c'est d'arriver à expérimenter le plus possible, mais de ne pas expérimenter aussi de manière à surconsommer tout ce qu'on peut trouver sur le marché. On voit bien que dans le marché du bien-être aujourd'hui, on trouve vraiment plein de choses. Il y a des super produits, il y a des super compléments alimentaires. Mais ça devient assez compliqué de savoir ce qui est bon pour soi. Et en fait, quand vous vous remettez au centre, faites appel parfois juste un petit peu à votre intuition. Regardez un petit peu, documentez-vous, prenez de l'information en conscience. Et puis regardez ce qui fonctionne. Essayez quelque chose. Et si ça ne marche pas, vous essayez autre chose. Et si ça, ça ne fonctionne pas. pas, eh bien, alors on essaye encore autre chose, mais c'est de finalement jamais s'arrêter d'expérimenter parce que je pense qu'on est quand même effectivement responsable de nous, responsable de notre santé. Moi, je dis à toutes les personnes que j'accompagne, je dis tout le temps, vous avez un médecin au fond de vous. Vous avez une voix, une belle voix qui vous parle. Et c'est vrai qu'au milieu de tout ce monde dans le bien-être, où il y a pas mal d'injonctions, où on est dans une société où on doit être la plus belle version de nous-mêmes et on n'a pas de problème et on n'a plus le droit d'en parler, on n'a plus le droit de se plaindre, on est constamment dans un registre hyper positif et de transformation et c'est très bien. Mais on est quand même responsable de soi et responsable de sa santé. Et je pense que parfois, des choses simples... pour pouvoir faire des choix éclairés, ça peut être simplement sortir. On sort de chez soi, on se trouve une belle balade dans la nature, on appelle ses amis, sa famille qu'on aime, on se voit, plutôt que de s'envoyer 500 000 messages sur nos téléphones. Moi, j'adore les réseaux sociaux, je trouve que cette évolution du monde, moi, elle titille ma curiosité, j'ai beaucoup de gratitude vers tous ces... tous ces outils qui sont mis à notre disposition. Mais quand il y a un moment donné, ça prend toute la place dans nos journées et qu'on a moins le temps d'être en interaction avec les autres et qu'on a moins le temps d'être en interaction avec la nature qui, elle, nous ramène toujours le calme et la sérénité dont on a besoin. Voilà, à un moment donné, il faut peut-être juste remettre un petit peu d'équilibre. Et je voulais juste effectivement terminer rapidement sur cette notion de... de bioéthique parce que moi je me suis demandé effectivement en préparant cette prise de parole, je me suis dit finalement la bioéthique qu'est-ce que ça veut dire, qu'est-ce que c'est ? C'est quoi la vraie définition de la bioéthique ? Et je me suis simplement dit que finalement, quelles sont les valeurs que vous mettez en fait derrière ce mot bioéthique ? Est-ce que ce sont des valeurs humaines ? Est-ce que ce sont des valeurs économiques ? Est-ce que ce sont des valeurs sociétales ou environnementales ? Mais finalement, c'est d'arriver à créer votre propre chaîne de valeur parce que c'est finalement ça qui pourra vous guider à faire vos bons et j'espère en tout cas vos meilleurs choix. Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Merci Esther Schmitt. Nicolas Marquis, vous avez évoqué la société individualiste comme peut-être aussi à l'origine de cet engouement.

  • Speaker #0

    pour le bien-être et c'est vrai que je ne m'étais pas formulé la chose de cette manière et ça m'a beaucoup intéressé mais je me suis dit est-ce que finalement dans d'autres cultures dans lesquelles peut-être il y a moins cet individualisme est-ce que ça change quelque chose du rapport au bien-être donc quel est un petit peu l'état des lieux du bien-être peut-être en Europe ou dans le monde et quels sont les outils en sociologie qu'on peut utiliser pour évaluer le bien-être ?

  • Speaker #1

    Merci beaucoup. Alors, je ne suis pas spécialiste de toute une série de contextes, donc je ne vais pas dire trop de bêtises par rapport à ça. Néanmoins, pour répondre à cette question, il est clair qu'il y a un instrument qui est absolument essentiel et que j'ai un tout petit peu mobilisé dans mon intervention. C'est pour moi l'outil méthodologique majeur des sciences sociales, c'est la comparaison. C'est-à-dire que... Pour pouvoir ne plus que comprendre ce qui nous brûle le regard tellement c'est proche de nous, à savoir cette injonction au bien-être dans laquelle nous sommes nés, avec laquelle nous avons été éduqués, etc., il faut aller voir comment ça se passe ailleurs. Ma façon de faire, ça a été par exemple de comparer, comme je l'ai évoqué, avec des sociétés très différentes qui ont par exemple été étudiées au début du XXe siècle par l'anthropologue Evans Pritchard. et qui mobilise la sorcellerie. Et donc, dans ces sociétés-là, dont encore une fois je ne suis pas spécialiste, je ne dirais pas du tout que la question est-ce que je vais bien ou est-ce que je ne vais pas bien ? ne se pose pas. Non, c'est bien sûr, c'est une question qui est à certains égards aussi vieille que l'humanité, en quelque sorte. Simplement, le langage qu'on va utiliser et les entités, en quelque sorte, qu'on va considérer comme étant pertinentes et comme responsables de mon bien-être, vont totalement varier. C'est-à-dire que dans cette société-là, par exemple, qui est la société Zandé, Sud-Soudan, début du XXe siècle, étudiée par Evans Pritchard, la sorcellerie, elle est à la surface des relations sociales, comme il le dit. C'est-à-dire que dès que quelqu'un rencontre un problème, alors à certaines conditions, ce qu'il va faire, c'est aller voir un oracle qui va, en donnant... une substance à une poule, etc., pouvoir répondre à la question qui, dans cette société-là, est essentielle pour comprendre le malheur et qui est la question de savoir qui m'en veut. C'est-à-dire que, dès qu'il vous arrive quelque chose, vous partez, je ne sais pas moi, hors du village, etc., pour aller chasser et puis, pas de bol, vous vous prenez le petit orteil sur une pierre, ça va très mal, vous hurlez, votre proie s'en va. Il y a quelque chose de pas normal qui s'est passé parce que vous saviez que cette pierre était là. Et donc, Si ça s'est passé aujourd'hui, maintenant, c'est probablement que quelqu'un vous a acheté un sort. Donc la question qui m'en veut, elle est totalement légitime. Vous voyez qu'aujourd'hui, dans la société qui est la nôtre, si vous posez cette question-là parce que vous tombez dans les escaliers, on aura tendance à vous regarder de travers. Si vous adoptez une lecture de la situation qui consiste à dire j'ai pas de boulot parce que Macron m'en veut personnellement Posez-vous des questions, parce que c'est plus du tout la question légitime. La question légitime pour nous, c'est la suivante, que puis-je faire pour m'en sortir ? Et la figure qui est légitime pour nous, c'est celle du résilient. La figure, je dirais, la plus prestigieuse, c'est la personne qui a subi toute une série de problèmes, mais qui ne s'est pas justement laissée complaire dans ce statut de victime. et qui a pu transformer le plomb en or, alchimiquement, qui a pu transformer cette épreuve de vie en quelque chose qui l'a fait devenir elle-même, et qui donne un sens à sa vie. Et donc, rien que par ce petit exercice de comparaison-là, on voit que ce qu'on considère, ce que l'OMS par exemple considère comme étant une évidence, à savoir un état de bien-être, c'est très construit, ça a une histoire. Ce qui n'empêche pas que toutes et tous nous le ressentons, je dirais, très personnellement et très authentiquement. Mais cet exercice de comparaison nous montre à quel point on n'est qu'un cas de figure parmi plein d'autres.

  • Speaker #0

    Et donc, est-ce que par exemple, en Chine ou au Japon, cette question est moins prégnante justement du bien-être ? Je prends l'exemple de ces pays parce qu'on dit habituellement qu'on est moins individualiste, mais plus une partie du corps de la société.

  • Speaker #1

    Oui, alors encore une fois, je ne vais pas dire des bêtises parce que je n'en suis pas spécialiste. Mais je peux faire référence à des travaux super intéressants qui ont été menés par... Un sociologue japonais ou une sociologue japonaise dont j'ai malheureusement oublié le nom et qui raconte en réalité qu'il faut tenir, dans la façon dont on imagine cette mondialisation du bien-être, il faut tenir un chemin de crête entre deux extrêmes. Premièrement, c'est vrai que le bien-être, on en a parlé comme une ressource culturelle, c'est vrai que cette idéologie du bien-être, elle se transporte tout autour du globe. qu'elle a une histoire, qu'on peut étudier comme étant née dans le protestantisme des Etats-Unis, etc., qu'elle est devenue un instrument de soft power, si vous voulez, qui s'applique à des sociétés dans lesquelles elle ne s'appliquait pas au préalable. Mais pour autant, il n'y a pas d'irénisme par rapport à ça, bien sûr, mais pour autant, il ne faut pas croire que c'est une application pure et simple. qu'on va observer dans d'autres contextes. Par exemple, cette sociologue dont j'ai malheureusement oublié le nom, qui a écrit un bouquin qui s'appelle De la mort volontaire au suicide du travail raconte comment la préoccupation pour le bien-être et pour la santé mentale est progressivement rentrée dans les représentations au Japon pour, non pas totalement balayer, mais au moins offrir une sorte d'espace. par rapport à ce qui était des codes extrêmement centrés sur l'honneur. Où la question, ce n'était pas celle de savoir si vous vous sentiez bien ou pas, c'était la question de savoir si vous étiez à votre place et si vous teniez votre rang, en quelque sorte. Eh bien, Junko Kitanaka, je parle depuis longtemps pour essayer de m'en souvenir, j'y suis arrivé, donc je vais pouvoir me taire. Elle montre qu'au Japon, par exemple, on est sur un modèle qui maintenant a tendance à mobiliser les deux codes. Le code d'honneur et le code de ce bien-être de la santé mentale. mental.

  • Speaker #0

    Merci Sébastien, je vais rebondir un petit peu sur ce qui vient d'être dit et j'ai, en prenant un exemple qui m'est arrivé il n'y a pas très longtemps, d'un patient qui était très, qui en tout cas souffrait de dépression et à qui j'ai demandé qui était son psychiatre ou son psychologue et qui m'a dit je ne suis pas allé voir un psychiatre ou un psychologue, je suis allé voir un marabout parce qu'en fait c'est parce qu'on m'a jeté un sort. Comment est-ce que dans la pratique de la psychiatrie... Vous gérez ces aspects culturels qui sont maintenant le quotidien de tous les médecins, de devoir composer avec des... Ça fait bien longtemps que la France n'est plus peuplée par des Gaulois et que donc c'est tout à fait normal de devoir composer, mais avec des cultures qu'on ne connaît pas forcément et qui peuvent justifier d'utiliser des outils qui ne sont pas nos outils traditionnels.

  • Speaker #2

    Il y a finalement deux façons de répondre à la question. Alors, la psychiatrie a toujours été traversée finalement par la question de la distinction entre... quelque chose qui serait un délire, un symptôme d'une maladie psychiatrique et une croyance tout aussi bizarre qu'elle puisse paraître. Voir un marabout, avoir des croyances médiumniques ou des choses comme ça. Il y a des façons très critériologiques de distinguer si c'est partagé par un groupe culturel. Parfois, ce n'est pas si simple. On doit s'appuyer sur une perspective un peu plus globale. Quelle est la capacité de la personne à prendre un peu de recul par rapport à ça ? C'est toujours une question de flexibilité. Mais l'autre façon de répondre à la question, c'est est-ce que la dépression est un trouble psychiatrique ? Toujours. Je caricature évidemment, parce qu'on sait qu'on parle de la dépression depuis l'Antiquité. La mélancolie est un terme démocratique. Et peut-être qu'on oublie qu'effectivement, il y a des dépressions qui sont... Il y a tout un spectre en fait, il y a des maladies biologiques, mais il ne faut pas oublier que la dépression est aussi une réaction quasiment physiologique normale, je le dis comme ça avec un peu des... j'aurais envie de mettre des guillemets, mais dans le sens où la dépression est une réaction qui nous aide à arrêter quelque chose où on va s'enferrer dans quelque chose qui ne va pas marcher. Typiquement, on peut prendre le contexte de la... je ne sais pas, imaginons l'homme préhistorique dans la savane. ou la femme préhistorique qui promène son petit dans la savane, qui se fait attraper par un lion, elle va avoir intérêt, sur le plan de la survie, d'arrêter de chercher son petit, parce que sinon le lion va revenir la manger elle, et peut-être le reste de sa progéniture à venir. et donc il y aura vraiment une réaction de dire voilà j'arrête, j'ai une réaction dépressive j'arrête de faire ce que je mets en boule dans mon coin et j'arrête de faire des choses et notre société en fait elle nous interdit de faire ça souvent je vis dans une situation qui est invivable et j'ai pas le droit de m'arrêter Parce qu'il faut aller au bout de ce qu'on a entrepris, donc des injonctions aussi. Et donc finalement, on ne respecte pas forcément la réaction physiologique qu'on devrait avoir. Et donc, si une personne... Alors, évidemment, c'est des symptômes qui peuvent être parfois de l'ordre du normal et parfois de l'ordre de ce qui devient pathologique, parce que les personnes sont coincées là-dedans. Mais il ne faut pas perdre de vue une forme de contexte dont il faut prendre compte. Et si la personne va voir quelqu'un qui l'aide... à arrêter quelque chose qui ne fonctionne pas, j'aurais envie de dire tant mieux. Je ne sais pas si je réponds à la question. J'aurais envie de dire ça dépend, mais ça ne serait pas très utile.

  • Speaker #0

    Esther Schmitt, quand je vous entends parler, et j'ai parfois cette impression aussi quand je parle avec d'autres médecines complémentaires ou alternatives, j'ai l'impression que souvent on parle un peu des mêmes choses avec un vocabulaire un peu différent. En tout cas, dans ce que vous avez dit, pour bien 80%, je trouve que c'est des choses qu'on aborde également en consultation, que ce soit chez le psychiatre, chez le neurologue, chez le médecin généraliste. Alors ma question est la suivante. A votre avis, qu'est-ce qui explique que les gens viennent quand même vous voir, alors que vous n'êtes pas remboursé par la Sécurité sociale, contrairement aux médecins, avec finalement, quelle est la valeur ajoutée de ce que vous proposez par rapport à ce que la médecine dite allopathique ou conventionnelle propose habituellement ?

  • Speaker #3

    Alors effectivement les gens viennent toujours nous voir parce qu'il y a plusieurs motifs. Parfois ils ne trouvent pas de réponse dans les traitements allopathiques purs, c'est-à-dire quand il n'y a que du traitement allopathique ça ne convient pas forcément. Alors parfois il y a des résultats et puis parfois il n'y en a pas assez. Je crois que là ce qui a vachement bougé depuis quelques années, c'est que les personnes se rendent compte en fait que quand elles ont une pathologie, Il y a cette notion de je suis responsable de ma santé et je dois faire quelque chose, je dois prendre quelque chose en charge moi-même pour que les choses changent. La perception, quand on a des diagnostics en plus, particulièrement quand on est jeune, moi j'ai des personnes parfois qui ont 30-35 ans, qui viennent me voir déjà avec des pathologies importantes, ils ne perçoivent absolument pas. pas un traitement à vie. Il se dit je ne vais pas pouvoir prendre ce traitement jusqu'à la fin de ma vie, j'ai encore de belles années à vivre et donc il y a beaucoup d'espérance en changeant son hygiène de vie pour que les choses s'améliorent. L'idéal, ce serait qu'on arrive parfois, nous, les naturopathes, à travailler un petit peu mieux avec les médecins parce que c'est vrai que moi, en tant que naturopathe, je ne suis pas du tout contre les traitements mais par contre, ce qui me fait kiffer dans mon travail c'est d'accompagner ce traitement-là. Donc je pense que ce sont les deux motivations les plus importantes. Et puis après, c'est quand même quelque chose, c'est une discipline, une hygiène de vie qui s'est quand même beaucoup démocratisée. Et c'est vrai que souvent la naturopathie, elle est aussi réduite, entre guillemets, c'est pas péjoratif ce que je dis, mais à l'alimentation. Et c'est vrai qu'aujourd'hui, il y a beaucoup de problèmes de poids, il y a beaucoup de problèmes d'intolérance alimentaire, il y a beaucoup de problèmes de fatigue. Et c'est vrai qu'en naturopathie, et sur toute la partie diététique-nutrition, on arrive quand même à... à résoudre pas mal de problèmes.

  • Speaker #0

    Merci, je crois qu'avant de laisser la parole au public, Maude avait une question.

  • Speaker #4

    J'avais envie de renvoyer un petit peu cette dernière question que tu posais Aurélien au médecin de la table ronde, le psychiatre et même peut-être le neurologue si tu as envie de nous répondre. Parce que j'ai été très intéressée par cette formule d'Esther Schmitt qui dit on a tous un médecin au fond de nous. Et finalement, la question que je me pose c'est est-ce qu'on est peut-être un petit peu dans le comble ? de ce à quoi la culture nous a menés. On ne sait plus écouter les signaux que nous envoient nos corps. On est assez déconnectés de nos corps. Et c'est vrai quand on est en bonne santé. C'est vrai aussi quand on est face à des pathologies. Et je me dis, est-ce que les médecins que vous êtes, de la manière dont vous avez été formés, est-ce que vous ne vous privez pas un petit peu de ce collègue qui est le médecin que votre patient a au fond de lui, qui finalement est quand même le premier à le mieux connaître son propre corps ?

  • Speaker #0

    Sébastien ?

  • Speaker #2

    Alors le collègue qui est le patient, j'aurais envie de dire que... Alors on ne l'enseigne pas très bien peut-être, mais on l'apprend assez vite une fois qu'on travaille. Donc voilà, je pense que... Je pense que je peux parler de ma perspective, et la psychiatrie est une discipline qui reste quand même très clinique, et notre seul examen complémentaire, c'est de poser la question aux gens. On voit quelques petits trucs sur leur visage, leur comportement, mais ça reste assez ténu. En tout cas dans les troubles dont je m'occupe le plus. Et donc on apprend assez vite que les personnes vont devoir nous enseigner beaucoup de choses. Et donc on le fait le plus possible. Et aussi on essaie de rendre ça aux personnes. Et enfin, dans l'introduction, on va rien parler de la psychoéducation. Finalement c'est dire, ok, vous... Vous allez pouvoir être acteur de vos soins, c'est vous qui allez pouvoir aussi observer, anticiper, réagir, et je pense que c'est quelque chose qu'on fait beaucoup. Après, les autres collègues qui seraient les médecines alternatives, c'est très variable, parce que ça dépend aussi beaucoup d'expérience, de ce qui est proposé, on ne sait pas toujours trop, il y a beaucoup de choses très variables, je ne sais pas combien il y a de sortes de... de naturopathe, de sorte de médecine alternative. Il y a tout un travail qui existe là-dessus. Moi, de façon personnelle, j'ai tendance à écouter déjà ce que les personnes font, ce que parfois j'arrive à traduire. Parce que parfois, il y a des choses que les personnes font, et je dis ah ouais, moi j'aurais appelé ça comme ça mais c'est pas grave. C'est les flux énergétiques, ok, pas de problème, mais j'aurais une lecture différente. Mais voilà, ça c'est beaucoup plus... expérience dépendante.

  • Speaker #0

    Et moi, puisque la question m'a été posée aussi à titre personnel, ça fait déjà un certain temps d'ailleurs que je me sens un peu limité dans mon activité strictement médicale, avec un besoin d'aller chercher d'autres choses. Et alors je répondrais que moi aussi j'ai quatre piliers, c'est marrant parce que c'est quelque chose qui ne touche pas que les tables ou les chaises, mais aussi la médecine. Mes piliers ne sont pas si différents, mais je vais vous les citer alors quand même. Alors il n'y a pas la nutrition, mais il y a... parce que j'y suis peut-être moins sensible, mais mon premier pilier important, c'est ce que j'appelle la médecine vétérinaire. C'est-à-dire, on traite un homo sapiens, il convient de le faire avec talent, sans passer à côté de quoi que ce soit. Le deuxième pilier, par contre, se retrouve, puisque c'est le pilier du mouvement, le pilier de la prise en charge fonctionnelle. Ça peut être la kiné, ça peut être de l'activité physique adaptée, ça peut être de la danse, ça peut être du yoga. Le troisième pilier vous rejoint également. Vous appelez ça, vous vous dites que c'est l'hygiène nerveuse. Moi, j'appelle ça la psychothérapie avec effectivement un certain nombre d'outils. Je rejoins notamment l'outil des TCC, qui est des thérapies cognitives et comportementales, qui est particulièrement impressionnant et que j'ai eu la chance de pouvoir mettre en place aussi qu'on appelle la psychoéducation. La psychoéducation, c'est justement faire en sorte que le patient ou la patiente puisse tendre l'oreille sur son médecin intérieur et justement se reconnecter à ses émotions, à connaître les différentes approches psychothérapeutiques. Et mon dernier pilier, par contre, diffère de la... détoxification mais rejoint quand même toutes les médecines complémentaires. Ne le prenez pas mal, mais moi j'appelle ça le pilier placebo, c'est-à-dire c'est finalement aller chercher ailleurs ce que la médecine n'est pas capable de donner. Donc ça ne veut pas dire du tout qu'il y a une inefficacité. On pourrait faire un forum entier sur l'effet placebo qui est un outil absolument merveilleux. Mais voyez, donc effectivement, je pense qu'en tant que médecin, psychiatre, neurologue, médecin généraliste, toutes spécialités confondues, on se pose régulièrement ces questions.

  • Speaker #4

    On va laisser la parole à la salle pour les questions.

  • Speaker #5

    Merci beaucoup. J'ai une question à poser peut-être à vous tous les trois. On a parlé du potentiel, on a parlé de la résilience. Et ce que je vois dans mes patients moi-même, c'est des patients qui cherchent des pathologies psychiatriques. Il y a 20 ans, on ne voulait surtout pas être estampillé, avoir une pathologie psychiatrique. Aujourd'hui, je vois même des patients qui font des tests pour savoir si elles n'auraient pas des traits autistiques, par exemple. Ce qui m'a beaucoup surpris. Pour autant, j'ai quand même le sentiment, le bien-être, il ne peut pas être en permanence. Il n'est pas une... comme le bonheur, il n'y a pas ce côté... Or, c'est ce qu'on essaye de nous enseigner quand même. Et que ces moments de difficulté aussi, elles sont utiles, en fait. C'est un peu comme des obstacles qui nous permettent aussi d'avancer. Donc, quand on dit, quand ça ne va pas, il faut aller voir quelqu'un, est-ce que c'est vraiment absolument... Alors, pas une injonction, mais disons, est-ce que ces moments, un petit peu comme les moments d'ennui, permettent aussi de... La créativité, ces moments de difficulté permettent aussi d'avancer dans notre vie. Et ça fait aussi partie du bien-être ?

  • Speaker #2

    Oui, je suis tout à fait d'accord avec ce que vous dites. Il est normal de souffrir. La vie est constituée de souffrances. On peut le dire de plein de façons différentes. Et peut-être ceux qui ont les philosophies stoïciennes, bouddhistes... Très bien, beaucoup mieux que ce que je pourrais dire, expliquer ça. C'est une forme de respiration, effectivement. Sur l'autre question, la première question qui était la recherche de diagnostics, je pense qu'il y a plusieurs explications possibles. Dans ce contexte d'injonction, on veut des explications et en fait c'est très aidant d'avoir une explication sur pourquoi je souffre, et surtout quand je souffre, de façon permanente, durable. Donc ça fait aussi sens. Il y a peut-être une autre explication qui pourrait être aussi en lien avec la recherche peut-être d'identité. Nos sociétés nous donnent aussi une espèce de potentialité absolue, deviens qui tu es. Et si avant on était né ici et fils de forgeron, on était... On restait là, on devenait forgeron. Aujourd'hui, on dit fais ce que tu veux, ce que tu peux faire, réalise ton potentiel. Et donc, parfois, on a besoin de jalons. Et parfois, je pense que les diagnostics aident à ça. Aident, parfois biaisent. Mais bon, voilà, c'est des questions très vastes. Mais c'est deux pistes que je pourrais donner, en fait.

  • Speaker #1

    Merci. Question passionnante. Et effectivement, pour rebondir sur ce que Raphaël vient de dire. Effectivement, il y a quelque chose de surprenant sur une série de catégories aujourd'hui, que ce soit la bipolarité, que ce soit l'autisme qui devient l'autisme de haut niveau, que ce soit le TDAH qui peut devenir l'hypersensibilité, que ce soit, on en a parlé tout à l'heure, la schizophrénie qui peut devenir le phénomène d'entente de voix. On assiste à des formes de réappropriation des étiquettes qui mobilisent ce qu'on pourrait appeler une inversion du stigmate. Et là, pour moi, comme sociologue, il y a un truc très intéressant, c'est-à-dire que les personnes ne se contentent pas de dire alors arrêtez de m'appeler schizophrène, je suis comme tout le monde Elles ne disent pas ça. Elles disent arrêtez de m'appeler schizophrène, mais continuez à repérer ce qui est ma spécificité, mais je vous oblige à la lire autrement Et donc, ça non seulement permet aux personnes, dans la lignée de ce qui vient d'être dit ici, de se construire, une identité, même si cette identité est basée dans des éléments de souffrance, mais aussi d'attribuer les responsabilités de cette souffrance. Parce qu'on est en train de passer, ou on est déjà passé selon les pays, de ce qu'on appelle un modèle médical de la différence ou du handicap, c'est-à-dire un modèle dans lequel la différence, c'est une caractéristique de la personne, à ce qu'on va plutôt appeler un modèle social du handicap. Et dans ce modèle social, ce qui vous handicape, ce ne sont pas vos caractéristiques propres, c'est le fait que l'environnement dans lequel vous évoluez est inadapté à votre singularité. Et donc, dire que j'ai des spécificités, je suis hypersensible, etc., non seulement ça me permet de me positionner, de faire d'une faiblesse une force, mais aussi de dire que les conditions pour... passer de ce statut d'handicapé, si je puis dire, à ce statut de personne particulière, elles dépendent de la capacité de la société à me reconnaître. Et donc, ça transforme ce qui était auparavant un critère d'exclusion en, je dirais, potentielle arme de combat que je peux mener avec éventuellement d'autres personnes avec qui je vais constituer une association, etc. Donc là, sociologiquement, il y a vraiment quelque chose de très intéressant.

  • Speaker #0

    Une question dans le public.

  • Speaker #6

    Oui, bonsoir. Je vous remercie d'abord pour vos interventions, c'était très intéressant. Ensuite, en ce qui me concerne, j'ai observé que le gluten et le sucre, c'était mauvais pour moi. Donc je l'ai bien identifié. Mais par contre, j'ai un problème, c'est que j'ai beaucoup de difficultés à maintenir l'hygiène de vie, enfin l'éviction du gluten et du sucre, parce que dans nos sociétés, on a des sollicités. des sollicitations partout. Il suffit de sortir à Place Clébert, là vous avez une boulangerie. Et donc moi, j'ai des difficultés à continuer ce régime d'éviction. Parfois, j'arrive à tenir trois semaines, mais au bout d'un moment, je craque. Et donc je voulais savoir si vous aviez des méthodes pour changer les habitudes durablement. Donc ça, c'était ma première question. Et ma deuxième question, c'est par rapport au jeûne thérapeutique. Je voudrais avoir votre avis, notamment madame qui est naturopathe. Que pensez-vous du jeûne thérapeutique, notamment si personne sur YouTube qui explique jeûner pendant parfois 30 jours. Est-ce que vous avez un avis là-dessus ? Voilà, je vous remercie.

  • Speaker #3

    Merci pour vos questions. Je vais commencer par le premier point sur le sans gluten et le sans produits laitiers. Donc oui, effectivement, ce n'est pas simple. Quand on doit sociabiliser, quand on doit sortir, ça peut être assez compliqué. Alors déjà, bravo pour le choix que vous avez fait. Vous avez identifié quelque chose qui ne marche pas pour vous et vous avez pris une décision, c'est de changer. Donc déjà, bravo pour ça. Alors l'idéal effectivement c'est de maintenir cette restriction le plus possible, surtout si ça vous fait du mal. Et puis après c'est plus une question d'organisation, c'est-à-dire que quand vous êtes chez vous et que vous avez la main sur la cuisine, vous pouvez effectivement éviter tout ce qui est à base de gluten et de produits laitiers. Après là où c'est un peu plus compliqué c'est quand vous sortez. En général moi ce que je conseille aux gens, je leur dis soit de vous manger avant la soirée, et... Comme ça, ça permet d'arriver à la soirée et puis de ne pas avoir à gérer ce problème pendant la soirée. Ou bien il faut vous accorder avec la personne qui vous reçoit pour voir s'il y a quelque chose, si elle peut préparer un repas spécifique pour vous, quitte à ce que vous vous ramenez votre repas. Mais c'est vrai qu'aujourd'hui, quand on sort au restaurant, tout dépend du restaurant. Alors il faut éviter les restaurants italiens, mais dans un bon restaurant français, ça devrait aller.

  • Speaker #0

    Et le jeûne thérapeutique ?

  • Speaker #3

    Et le jeûne thérapeutique, j'y viens tout de suite. Moi, bien sûr, je suis... pour. Je ne suis pas pour parce que je suis naturopathe, je suis surtout pour parce que je suis moi-même une jeuneuse depuis 25 ans. Et effectivement, le jeûne, il permet de réveiller les forces d'autoguerrison parce que comme le système digestif est complètement mis au repos, cette énergie va être mise au service de la guérison. Et donc, quand on jeûne, effectivement, on peut réparer ce qui ne va pas à l'intérieur de soi. Là où je mets juste une alerte, Pas tout seul chez soi à la maison au-delà de deux jours. Donc, si on fait deux jours chez soi, ça peut fonctionner. C'est déjà un début. Mais ne jamais, jamais se lancer dans des jeûnes de sept jours minimum, seul chez soi à la maison et vraiment d'être encadré.

  • Speaker #0

    Et un jeûne de 30 jours, généralement, après 30 jours, on ne souffre plus rien. Il ne se passe plus rien au bout de 30 jours. Non, mais juste au-delà de ça, c'est vrai qu'il y a le jeûne intermittent, sauter un repas, il y a le jeûne d'une journée. Mais en tant que médecin, on met aussi des alertes. Je ne vais pas vous raconter, mais j'ai au moins trois histoires de patients qui ont fini en réanimation pour des carences graves sur des jeunes, notamment des jeunes cétosiques, etc. Donc, je pense que c'est important de ne pas aller recueillir uniquement son information chez des youtubeurs, parce que malheureusement, ils n'ont pas forcément de formation. Et parfois pire, en fait, ils ne font que relayer une méthode qui ne leur appartient pas, mais qui leur permet... de financer certaines activités. Donc là aussi, il faut quand même rester très, très, très, très vigilant. Quand c'est des choses de bon sens, je pense qu'il y a assez peu de problèmes. Jeûner une journée, je pense que ce n'est pas très dangereux. Mais jeûner 30 jours, ce n'est pas que c'est dangereux, c'est radical.

  • Speaker #7

    Bonjour, merci d'avoir posé le constat que l'accès au bien-être n'est pas égal dans la société. C'est vrai que ce qui me gêne un peu, c'est... Le fait que les consultations sont chères, pas remboursées, il faut d'abord avoir accès à la connaissance de ce qui peut se faire. Je voulais savoir comment vous, en tant que soignant, vous militez pour un accès plus égal au bien-être de la société ? Par exemple, remboursement des consultations de naturopathie, accès au bien-être, pas seulement pour les personnes privilégiées. Merci.

  • Speaker #3

    Je vais commencer. Il y a beaucoup d'associations de naturopathes qui se sont créées. On essaye vraiment de tous s'unir pour pouvoir avoir notre propre label et pour pouvoir avoir une reconnaissance de nos pratiques. C'est compliqué parce qu'à partir du moment où ce n'est pas réglementé, c'est un champ qui est aussi ouvert à différentes pratiques qui ne fonctionnent pas toujours. C'est pas simple mais on y travaille beaucoup. Alors après effectivement comment la rendre accessible ? Il y a plein de façons aujourd'hui de communiquer sur la thématique du bien-être. Il y a l'écriture, il y a effectivement tous les contenus qu'on peut réaliser sur les réseaux sociaux ou via la télé. Ça c'est des choses en général qui sont soit gratuites, qui ne coûtent pas très cher le prix d'un livre. Après effectivement pour rebondir sur ce que Aurélien disait avant par rapport aux jeunes, je pense que c'est important aussi. Je pense que ce qui est important c'est de trouver des vraies sources d'inspiration, de personnes qui vous inspirent, confiance déjà, et de ne pas tout prendre et de ne pas tout écouter, parce que tout n'est pas toujours bon à prendre sur les plateformes gratuites, même si c'est très bien. Donc peut-être faire un petit travail en préambule pour trouver les bons thérapeutes qui vous inspirent et voir comment être en lien avec cet espace de connaissances.

  • Speaker #0

    Sébastien, est-ce que tu voulais rajouter quelque chose ?

  • Speaker #2

    Oui, alors l'accès aux soins de santé mentale, c'est une vaste question. C'est vrai que c'est extrêmement compliqué aujourd'hui de trouver un rendez-vous. En termes de psychiatrie, par exemple, Strasbourg est particulièrement bien fourni en psychiatre. par rapport à la moyenne des villes françaises, même de taille similaire, et pourtant c'est difficile. Je pense qu'il n'y a peut-être pas une optimisation de l'utilisation des ressources, c'est une première question, mais on pourrait aller très loin, et c'est un sujet qui dépasse un peu le thème de la table ronde.

  • Speaker #0

    Après, il y a aussi des choses qui changent doucement, des résistances, des habitudes. Je ne pourrais pas aller plus dans le détail, mais je pense qu'en France, on n'est pas les plus mal lotis en termes d'accès aux soins. Je vous le dis, même si c'est dans des pays où on a l'impression que beaucoup de choses sont beaucoup plus avancées, c'est bien pire. Donc, on n'est pas les plus mal lotis, mais évidemment, il y a des choses à améliorer, mais peut-être aussi dans la meilleure orientation vers les bonnes personnes.

  • Speaker #1

    On va prendre encore les trois dernières interventions.

  • Speaker #2

    Oui. Bonjour, merci en tout cas pour vos interventions. J'ai deux questions qui seront courtes. La première pour le docteur Marquis au niveau sociologie. Comment expliquez-vous l'accélération de l'injonction au bien-être chez les jeunes, notamment par le biais des créateurs de contenu et autres influenceurs qui vont pousser les jeunes à aller mieux pour des raisons qui m'échappent personnellement ? Et une deuxième question également aussi, par contre, pour le docteur Weibel. On a eu un rapport en 2024 des services gouvernementaux qui a listé l'ensemble des pathologies mentales, mais il n'y figure pas le trouble de la personnalité borderline. J'aurais voulu savoir pourquoi, encore en 2024 et en France, un tel trouble de la personnalité n'est pas encore reconnu au niveau national.

  • Speaker #3

    Merci beaucoup pour votre question absolument essentielle. Je vais tenter une réponse courte. Je pense que ça témoigne de la pression immense qui pèse sur les épaules de tout un chacun, et des jeunes en particulier, dans une société dans laquelle, encore une fois, il y a ce présupposé démocratique selon lequel toutes et tous nous avons ce potentiel en nous, mais que c'est à nous de le trouver. Et combiné à cette pression se retrouve, je pense... La représentation qui correspond à une certaine réalité, représentation selon laquelle l'ascenseur social classique, traditionnel, il est un peu cassé. Aujourd'hui, dans le monde dans lequel on est, c'est compliqué de se dire que faire 5, 6, 7 ans d'études supérieures, c'est un investissement qui va de toute façon payer parce que le monde change très très vite. Et donc je pense qu'il y a cette idée, cette idéologie, voire ce fantasme de pouvoir éventuellement court-circuiter ce parcours long par le fait. d'identifier et puis de développer ce qui nous fait nous-mêmes comme individus et qu'on va pouvoir constituer en capital pour, par exemple à travers de la création de contenu, etc., se faire une place dans la société. Mais à mon sens, en amont, ce dont ça témoigne, c'est de cette fameuse pression au bien-être dont on parlait au début.

  • Speaker #1

    Sébastien ?

  • Speaker #0

    Oui, sur la liste des pathologies mentales, je ne suis pas très sûr de savoir quel rapport vous faites référence, mais... Le trouble de la personnalité borderline existe dans les classifications internationales. Alors, qu'est-ce que c'est ? C'est un trouble caractérisé par une dysrégulation des émotions, des difficultés dans les relations persistantes et souvent un désespoir chronique, des idées suicidaires. Et il est vrai qu'en France, il y a beaucoup de retard et une très mauvaise prise en charge. Alors, je pense qu'à Strasbourg, on n'est pas les plus mauvais parce que c'est un sujet sur lequel on travaille beaucoup. Mais il y a peut-être une raison qui est d'ordre la responsabilité des médecins qui ne sont jamais trop intéressés au sujet parce que ce n'est pas un... Une problématique qui se règle avec des médicaments, simplement. Ça a été souvent mis un peu de côté. Une très mauvaise compréhension des mécanismes sous-jacents. Mais je pense que les choses changent et je vois ça chez les jeunes médecins, chez les jeunes psychiatres, dans les congrès. C'est un sujet qui est de plus en plus abordé et largement.

  • Speaker #1

    On va maintenant cumuler les deux dernières questions d'un seul coup et je laisserai ensuite la parole à chacun pour aussi dire le mot de la fin.

  • Speaker #4

    Bonsoir, merci pour votre... Vos interventions, c'était vraiment très intéressant. Alors moi, c'est plus un témoignage qu'une question. En qualité de naturopathe, je pense que je ne vais pas me faire que des amis, mais je trouve qu'il y a une urgence à créer des ponts forts entre la médecine moderne et la naturopathie aujourd'hui, parce que le fait de la rejeter, de la stigmatiser, et peut-être parfois de la railler... ouvre des portes un petit peu à toutes les fenêtres parce qu'aujourd'hui il y a énormément de formations qui ne sont plus sérieuses et on voit des naturopathes qui font un peu tout et n'importe quoi et je pense que c'est de notre responsabilité en tant que naturopathe quand on travaille bien de le pointer du doigt aussi il y a des gens qui sortent d'école et je suis désolé de le dire qui sont dangereux parce que ils vont avoir des discours qui vont parfois renforcer par des biais cognitifs de confirmation etc l'isolement de certaines personnes dans des croyances et qui vont pouvoir renforcer parfois certains troubles mentaux de personnes borderline ou psychotiques. Et aussi en formation, même dans les plus sérieuses, on n'est pas forcément très bien formé aux liens thérapeutiques et aux discours qu'on peut avoir avec certaines personnes qui vont justement parfois augmenter les troubles de certaines personnes et encore plus, et comme j'ai pu l'entendre, les personnes qui vont avoir des discours. parfois dangereux sur YouTube ou etc. Et YouTube n'est pas qu'une source d'information. Il faut vraiment faire attention à ça. Voilà, donc c'était l'urgence de créer des ponts parce qu'aujourd'hui, en plus renforcés par les réseaux sociaux comme on en a parlé, il y a cette forme d'injonction au bonheur et je trouve que c'était très bien souligné par Pascal Bruckner dans son livre L'euphorie perpétuelle, un essai sur le devoir du bonheur. Aujourd'hui, les gens... augmentent leur stress à vouloir devenir des êtres parfaits et c'est très complexe. Du coup, je trouve qu'une alliance entre le corps médical et les médecines alternatives est plus qu'urgent et important.

  • Speaker #1

    Merci, on va prendre la deuxième question. On y est.

  • Speaker #4

    Merci.

  • Speaker #5

    Moi je trouve le sujet du bien-être est un sujet fabuleux, passionnant et extrêmement complexe. Et je me pose la question, est-ce que je vais bien ? Parce qu'on n'a pas de définition réelle. Si j'ai une autre pathologie, on me fait une prise de sang, on me dit, voilà, ça c'est trop, c'est ceci, etc. Là c'est une question très complexe. Voilà. D'où ma question, c'est de dire, est-ce que l'environnement dans lequel on se trouve, que ce soit l'environnement familial qui soit perturbé, l'environnement social, économique, national, international, est-ce que lui aussi ne rend pas ce malaise un peu plus fort qu'il est en réalité ? Et puis un point qui a été évoqué, qui est pour moi très important, on est soi-même son médecin. Parce qu'aujourd'hui encore, aller voir le psy, si on en parle autour de soi, on se dit, il est un peu fou. On va voir les médecins ou la médecine un peu parallèle, ou alors les compléments, mais je ne sais pas trop bien. Et donc, comme je ne sais pas, finalement, je me sens mal. Et comme je me sens mal, je me complais. Comment pourrait-on activer ce médecin personnel pour prendre soin de soi-même et d'en sortir ?

  • Speaker #1

    Merci, je vais vous laisser la parole. Libre à vous d'y répondre ou de finir sur un mot de la fin. Et puis, on commence par vous, Nicolas Marquis.

  • Speaker #3

    Merci beaucoup. Je ne sais pas si vous allez bien, monsieur, mais je ne sais pas si je vais très bien non plus. Je ne vais pas vraiment pouvoir vous aider. Simplement, je dirais que je conclurai là-dessus. Moi, il me semble que dans ma perspective, encore une fois, de sociologue, quand je regarde avec des lunettes, si vous voulez, assez distantes, Ce qu'on considère aujourd'hui comme l'aller bien, que ce soit dans les pratiques de soins ou ailleurs, je dirais qu'il y a trois critères qui me sautent aux yeux. Être bien, c'est d'abord être soi, c'est-à-dire ne pas avoir des idées trop délirantes, savoir ce qu'on veut, etc. C'est être actif plutôt qu'être passif, ça veut dire savoir se mouvoir, savoir réaliser des choses. Et c'est enfin être, entre guillemets, correctement socialisé, c'est-à-dire n'être ni exclu. ni complètement collés à un environnement social qu'on arrive à tenir à bonne distance. Alors je ne dis pas que ce sont des bons critères, je dis simplement que j'ai l'impression que ce sont les critères qui aujourd'hui sont les plus souvent mobilisés et qui bien sûr doivent être sujets à discussion parce que comme tous, ce sont des critères normatifs.

  • Speaker #0

    Dans les études internationales, il y a beaucoup d'études qui ont été faites sur le bonheur. Et finalement, les chercheurs sont tous d'accord que la meilleure mesure, c'est de dire entre 0 et 10, vous vous situez où par rapport à votre bien-être. Ça reste le thermomètre finalement très simple et finalement le meilleur. Et en fait, les Français, on n'est vraiment pas très bons. Je peux vous dire qu'on est plutôt en bas de la perception de son propre bien-être. Les Belges, je ne sais pas. Les Danois, c'est beaucoup plus haut. Mais après être déménagé au Danemark, je ne suis pas sûr que ça marche tout de suite. Donc... Voilà, donc je pense qu'il y a une forme, effectivement, de comparaison qui est toujours... D'ailleurs, les réseaux sociaux sont une source de problèmes par rapport à ça, parce qu'on se compare à quoi ? C'est quoi la référence ? C'est ce que j'ai vu du petit bout du monde. Voilà, donc comment chacun va ? Je crois que c'est une question vaste et je ne saurais pas y répondre comme ça. Et peut-être c'est... Aussi observer à chaque instant, je pense que c'est aussi la sagesse de dire Ok, j'arrête de regarder trop loin, j'arrête de regarder à côté et je regarde aussi là, qu'est-ce qu'il y a maintenant ? Je respire, je ressens les choses, je vais dans la nature et je suis assez d'accord, je vais toucher un arbre. Un psychiatre peut faire ce genre de conseils aussi. Voilà, pour sentir qu'est-ce qu'il y a là maintenant. Et peut-être ça aide pour se sentir mieux sans avoir des exigences trop rigides.

  • Speaker #1

    Esther, le mot de la fin ?

  • Speaker #6

    Le mot de la fin, en fait, je n'avais pas prévu de mot de la fin, mais il y a un terme qui est arrivé dans ma tête et que je voulais juste vous partager. En fait, c'est Pierre Rabhi qui parlait de sobriété heureuse. Et en fait, parfois, juste quand on se demande si on va bien, c'est juste simplement d'apprécier dans l'instant présent ce qui va bien. Et parfois, c'est des petites choses de la vie. Et ce que je voudrais juste dire pour finir, c'est qu'en fait, on n'a pas toujours la maîtrise. de tout ce qui change autour de nous, mais on a toujours la maîtrise de changer qui on est à l'intérieur. Et je crois que le meilleur conseil que je peux vous donner, c'est amusez-vous. Amusez-vous, soyez joyeux, amusez-vous, ça c'est une belle injonction quand même.

  • Speaker #1

    Alors, merci pour vos interventions. Ce n'était pas simple de se prêter à la question et au jeu du bien-être, mais je pense que vous l'avez fait avec succès. donc merci beaucoup alors

  • Speaker #3

    Nous allons terminer notre forum en toute logique par la prochaine table ronde qui s'intitule le passage à l'acte.

  • Speaker #6

    On vous retrouve dans quelques minutes pour cette dernière table ronde.

Description

Forum européen de Bioéthique 2025 : Santé mentale & Bioéthique


Le bien-être en question


Soyez cool, soyez zen ! Mangez sainement, faites du sport ou du Yoga ! Ça ne suffit pas ? Prenez des compléments alimentaires, faites un régime ou méditez. Et si ça ne va pas mieux, qu’à cela ne tienne, utilisez des antidépresseurs ou des anxiolytiques !

Le bien-être se conjugue souvent à l’impératif. Mais comment pouvons-nous garantir des pratiques efficaces et éthiquement responsables ?


Avec :


Nicolas Marquis, Professeur de sociologie à l'UCLouvain Saint-Louis Bruxelles, ERC Starting grantee


Esther Schmitt, Naturopathe, Auteure publiée, Consultante entreprises


Sebastien Weibel, Psychiatre, Praticien Hospitalier aux Hopitaux Universitaires de Strasbourg, Chercheur associé (PhD-HDR), Inserm STEP (Strasbourg Translational nEuroscience & Psychiatry)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans cette salle de l'Aubette, mais également derrière vos écrans sur le site du Forum européen de bioéthique pour discuter d'un sujet peut-être plus optimiste que les précédents, le bien-être en question. Et pour modérer cette table ronde,

  • Speaker #1

    je passe la parole à Aurélien Benoît-Lide. Merci. Oui, peut-être plus apaisé, mais en même temps, c'est le bien-être en question. J'espère que vous sortirez d'ici effectivement apaisés pour ce samedi après-midi. Le bien-être est un concept somme toute assez difficile à cerner, dont les contours sont flous et que l'on décline de différentes manières. Alors il y a le bien-être complet, sorte de béatitude zen, qui serait une approche du nirvana dans lequel tous les aspects de la vie seraient équilibrés et joyeux. Il y a le bien-être physique, alors là on est plutôt dans des aspects de massage, de confort on va dire. Puis le bien se définit encore ou s'associe à d'autres termes, c'est la bienveillance, on parle beaucoup de bienveillance, que ce soit une bienveillance éducationnelle, une bienveillance au travail. Il y a le bien vieillir aussi, le bien manger, le bien penser, jusqu'à la bien-pensance. Finalement le bien s'accoutume beaucoup de... de beaucoup de suffixes dans lesquels parfois on peut voir une sorte d'injonction. Mais le bien-être, en tout cas pour la philosophie, n'a pas franchement ses lettres de noblesse. On lui préfère parfois d'autres concepts, la liberté, la résilience, le devoir. Le bien-être apparaît somme toute comme quelque chose d'assez ordinaire, parfois même un peu médiocre. D'ailleurs, on ne parle pas de santé animale, on parle de bien-être animal. Pour la médecine, c'est un peu la même chose. Malgré la définition très large de l'Organisation mondiale de la santé, qui définit la santé comme un état de complet bien-être physique, mental et social, il s'avère que pour la médecine, le bien-être n'est pas forcément un aboutissement ou la mire absolue. Ça n'a qu'une importance assez relative. D'ailleurs, dans les études de médecine, on ne parle pas souvent de bien-être. On parle beaucoup de pathologie, on apprend la maladie, on apprend la physiologie, on apprend ce qui semble être l'invariable chez les patientes et les patients que l'on va rencontrer, mais pas tellement cet aspect très subjectif qu'on appelle effectivement le bien-être. En bioéthique, me direz-vous, là aussi, le bien-être n'est pas une notion qui a beaucoup la cote. J'en veux pour preuve la vie 147 du CCNE qui a été rendue... Il y a quelques jours, et dont on a déjà pas mal parlé ici, la vie 147 qui s'est posée la question de la santé mentale, en se disant de quoi est-ce qu'on va parler dans la santé mentale ? Parce que si on parle de santé mentale, alors effectivement, on va se confronter à cette notion un peu inattrapable qu'est le bien-être. Et donc finalement, on va réduire la question non pas à la santé mentale, mais à la psychiatrie, parce que la psychiatrie, on sait un peu mieux ce que c'est. Et pour les médecins, la psychiatrie, c'est aussi... un enchevêtrement de pathologies, de physiopathologies plus ou moins complexes. Donc finalement, le bien-être est un peu à la lisière, c'est un peu une sorte de territoire perdu ou abandonné par la médecine, par la bioéthique, par la science de manière générale. Pourtant, force est de constater qu'aujourd'hui, le bien-être ou la recherche du bien-être est un absolu et quelque chose qu'on retrouve dans toutes les dimensions de la société. C'est presque encore plus important que d'éviter le mal-être. Le bien-être est vraiment quelque chose à atteindre, avec une impression tantôt d'utopie, que ce serait vraiment extraordinaire d'avoir le bien-être, puis avec tantôt cet arrière-goût dystopique, où on verrait tout le monde avec un sourire béat, qui serait content de ce qui se passe, presque comme s'il y avait une forme de docilité vis-à-vis de la vie. Moi, à titre personnel, en tant que médecin et neurologue, J'observe aussi ça auprès de mes patients. C'est une préoccupation qui est très importante. Et je me rends compte, et ça je suis obligé de m'en rendre compte, c'est que finalement aujourd'hui soigner n'est plus toujours suffisant. On dispose d'une médecine qui est capable de faire des prouesses inimaginables, mais pour autant les gens ne sont pas toujours satisfaits parce qu'on ne répond pas à cette question. Peut-être que c'est cette question du bien-être. En tout cas, moi j'ai l'impression qu'on nous demande, à nous en tant que médecins aussi, de... nous impliquer dans le bien-être de mes patients. Et j'ai l'impression qu'ils n'ont pas forcément tort, mais ça sera probablement des choses dont on va discuter ensemble. Et puis, comme la médecine ne s'en préoccupe pas, mais que pour les patients et les patientes, c'est quelque chose de très important. Je dis les patients, mais pour nous tous en réalité. Et bien, comme la médecine ne s'en préoccupe pas, d'autres vont s'en préoccuper. Et parfois avec talent, avec des médecines complémentaires, alternatives, des choses qui vont permettre, et moi je le vois aussi en consultation, d'améliorer. durablement la santé des gens, mais parfois aussi maladroitement et peut-être même parfois aussi dangereusement. Donc c'est dans cette nébuleuse du bien-être que je vous propose de voyager pendant quelques minutes, quelques heures, peut-être pas quelques heures, quelques minutes, ça sera suffisant, pour ne pas non plus se noyer. Et pour ce faire, nous avons réuni autour de la table trois personnes de qualité. qui vont avoir trois angles de vue un peu différents. Il y aura tout d'abord Nicolas Marquis, qui est professeur de sociologie à l'UCL Louvain, Saint-Louis-Bruxelles. Il y aura également Esther Schmitt, qui est naturopathe, auteur publié, que l'on entend assez régulièrement sur France 3. En tout cas, c'est comme ça aussi que nous nous sommes rencontrés. Et Sébastien Weibel, qui est psychiatre, praticien hospitalier des hôpitaux universitaires de Strasbourg, chercheur associé. Donc, je vais tout d'abord donner la parole à Nicolas Marquis. Vous avez été auteur de livres sur le changement personnel. Vous avez travaillé le concept de développement personnel, de coaching, de discours de bien-être, mais aussi de la question du handicap. On vous laisse la parole.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. Tout d'abord, merci beaucoup à l'organisation de ce bel événement de m'avoir convié. Et puisque vous avez eu le courage, l'audace de convient un sociologue un samedi après-midi, qui plus est un sociologue belge, il faut peut-être que je vous dise un petit peu qu'est-ce que c'est étudier le bien-être comme un sociologue. Ou pour le formuler autrement, qu'est-ce que c'est prendre au sérieux cette catégorie du bien-être ? En quoi et de quoi cela nous parle-t-il du point de vue de la société dans laquelle nous nous trouvons ? Et pourquoi cette importance que nous lui donnons aujourd'hui ? Pour répondre à cette question de savoir c'est quoi étudier le bien-être comme sociologue, j'aimerais avec vous partir de quelque chose que tu as déjà très bien dit Aurélien, qui est cette ambivalence que toutes et tous, je pense, nous pouvons ressentir à l'égard de cette catégorie de bien-être. C'est-à-dire que d'un côté, assez clairement, le bien-être, c'est une valeur absolument évidente. C'est quelque chose auquel on tient, toutes et tous. C'est quelque chose. que l'on va considérer comme étant un droit. C'est quelque chose auquel on associe la vie bonne, la vie qui vaut la peine d'être vécue. Tu l'as dit également, du point de vue de l'OMS, il y a une équation entre bien-être et santé mentale. La santé mentale est un état de bien-être complet. Et puis le bien-être, dans le domaine des soins, c'est un horizon éthique extrêmement important. Est-ce que vous connaissez une personne qui est un soignant ou une soignante que vous considérez comme un bon soignant ? ou comme une bonne soignante, et qui ne se préoccuperait pas du bien-être de ses patients, de ses clients, etc. Donc d'un côté, on y tient, et on y tient authentiquement. Mais d'un autre côté, le bien-être, c'est aussi quelque chose dont on se méfie intuitivement.

  • Speaker #1

    Pourquoi ?

  • Speaker #0

    Eh bien parce qu'on le voit comme une norme. Directement, il y a quelque chose de l'ordre du fait qui est associé. C'est quelque chose en toque, c'est quelque chose d'artificiel. Le bien-être, il a toujours ce risque d'être frelaté. Pourquoi ? Parce qu'il nous serait éventuellement imposé de l'extérieur. On nous dit qu'il faut être bien. Le bien-être se conjugue à l'impératif. Cessez d'être gentil, soyez vrai. Vous connaissez toutes ces petites phrases. Et je pense que le petit texte rédigé à l'entame de cette table ronde qui nous réunit aujourd'hui, ça témoigne bien de cette ambivalence. Le bien-être est là. C'est important et en même temps il faut qu'on s'en méfie parce qu'il pourrait y en avoir une série de conséquences négatives sur les individus, sur la société, etc. Donc pour moi comme sociologue, l'importance que prend le bien-être aujourd'hui... Je la prends vraiment, non pas pour donner des bons et des mauvais points, mais comme porte d'entrée vers des tensions absolument centrales des sociétés dans lesquelles on se trouve. Et des tensions que toutes et tous, on peut ressentir. Premièrement, et puis cette table ronde sur le bien-être arrive après une autre table ronde sur la santé mentale des enfants, où il y a des choses extrêmement difficiles qui ont été dites. Est-ce qu'il n'y a pas un paradoxe à être dans une époque où on parle de bien-être comme sans doute jamais avant ? Alors que ce bien-être, il est peut-être là bien moins qu'avant. Est-ce qu'il n'y a pas un autre paradoxe dans cette société du bien-être, mais qui valoriserait un faux bien-être ? A se dire peut-être que si moi je me sens en bien-être, mais en vertu de critères qui sont ceux de cette société du faux bien-être, est-ce que mon bien-être est un vrai bien-être ? Autrement dit, est-ce que pour être bien, je ne devrais pas aller mal, si vous voulez ? Il y a cette fameuse phrase que beaucoup d'adeptes du bien-être citent de Christian Mourti, je cite de mémoire que c'est pas un signe de santé mentale que d'être adapté à une société qui va pas bien. Bon, voilà, et donc on est dans ces contradictions. Et puis finalement, bien-être, qui peut me dire c'est quoi mon bien-être, en quelque sorte ? Mais si personne ne peut me le dire, est-ce que moi je serais capable de trouver un langage propre ? Le philosophe Wittgenstein avait bien montré que le langage privé c'est quelque chose d'impossible. Donc voilà, il y a toute cette tension de savoir... Qui peut parler de bien-être ? Qui peut parler de bien-être pour qui ? Et c'est évidemment une tension sur laquelle on reviendra, parce que dans le domaine des soins, elle est absolument fondamentale. Donc, je dirais que d'un point de vue sociologique, si on me demande d'étudier ce que j'ai fait, le langage du bien-être comme sociologue, eh bien j'aurais tendance à l'étudier exactement comme d'autres sociologues ou d'autres anthropologues très malins, très intelligents, ont regardé par exemple la sorcellerie. dans d'autres sociétés. C'est-à-dire que le bien-être, la sorcellerie, la religion, ce sont des ressources culturelles. Ce sont des langages qui sont à notre disposition, avec lesquels nous grandissons, et que nous utilisons pour nous dire des choses les uns les autres, que nous utilisons pour nous dire des choses à nous-mêmes, pour nous dire les uns les autres qui on est. Est-ce qu'on est quelqu'un de bien ? Est-ce qu'on est quelqu'un, au contraire, qui a une vie pas trop réussie ? Ce sont des langages qu'on utilise pour s'expliquer nos malheurs, pour s'expliquer nos responsabilités dans le malheur. En bref, ça nous sert au quotidien, ce langage du bien-être. Alors, je vous l'ai dit, des langages ressources culturelles, toutes les sociétés en développent. Celui du bien-être qui nous occupe aujourd'hui, c'est un langage qui est particulièrement adapté à un certain type de société, c'est-à-dire qu'il n'est pas apparu comme ça. Si on utilisait notre langage dans d'autres lieux, ou dans d'autres temps, les Gaulois, les Grecs anciens, etc. Je ne suis pas sûr qu'ils nous regarderaient comme si on était tout à fait sains d'esprit. Notre langage du bien-être aujourd'hui, il est adapté à des sociétés qu'avec des collègues, notamment Alain Ehrenberg, nous appelons les sociétés individualistes. Alors les sociétés individualistes, ce n'est pas un jugement moral. Ce ne sont pas des sociétés qui seraient caractérisées par un égoïsme crasse où il n'y aurait plus que du chacun pour soi. Bien sûr, on peut trouver qu'il y a ça aussi. Mais sociologiquement, une société individualiste, c'est une société qui précisément a comme caractéristique de valoriser l'individu et son autonomie au-delà de la façon dont elle valorise le groupe. C'est une société dans laquelle chaque individu est au moins, je dirais théoriquement, doté d'une autonomie de principe. Et cette autonomie... Dans nos sociétés individualistes, on a tendance à la loger dans quelque chose qu'on a creusé au fil des derniers siècles, qui est notre intériorité. Il y a vraiment cette idée qui, en réalité, dans l'histoire de l'humanité, n'est pas très ancienne. Alors bien sûr, tous les individus de tous les peuples ont sans doute réussi à dire je à se faire sujet d'action. Mais ce qui nous différencie, si vous voulez, c'est l'investissement de ce quelque chose qui se logerait à l'intérieur de nous. Cette intériorité est qu'on considérait comme ressource de sens, comme ressource de puissance, et comme diapason à l'aune duquel on doit mesurer la qualité de notre vie. Donc voilà, c'est ça ce premier point qui nous différencie comme société, c'est cet investissement du bien-être intérieur. Mais ce n'est pas le seul point qui caractérise les sociétés individualistes. Lorsque le philosophe français Alexis de Tocqueville s'est rendu aux Etats-Unis au milieu ou aux premières parties du 19e siècle, il devait d'abord étudier les prisons. C'est ce qu'il a fait, mais il a aussi trouvé une série d'autres choses intéressantes dans la façon dont la société américaine était organisée à l'époque et qu'il a contrasté avec une société française qui avait peine à sortir de l'ancien régime malgré la révolution. Et ce qu'il a frappé... C'est le point auquel, dans ses propres termes que je paraphrase ici parce que j'ai une assez mauvaise mémoire, aux États-Unis, il y avait cette idée que chaque être humain potentiellement disposait d'un potentiel, d'une perfectibilité quasiment infinie. Là où, dans une société française d'ancien régime, de classe en quelque sorte, vos capacités étaient quelque part indexées sur votre statut de naissance. sur votre éducation et donc était largement plus déterminé. Et il a donc eu cette phrase qui a fait couler beaucoup d'encre, selon laquelle les sociétés démocratiques ont tendance à desserrer peut-être trop, peut-être indéfiniment, les limites de la perfectibilité humaine, là où les sociétés aristocratiques ont tendance à la resserrer. C'est-à-dire que dans les sociétés démocratiques, les sociétés individualistes, il y a cette idée que toutes et tous nous disposons... de ce potentiel, quel que soit notre état. Et je dirais que depuis Tocqueville, se présupposer de l'autonomie individuelle, il n'a fait que voir ses frontières reculer. L'enfant, la personne par exemple en situation de handicap, sont parmi les derniers personnages auxquels, alors heureusement ou pas, ce n'est pas à moi de me prononcer, j'observe cela simplement ici, nous avons enfin appliqué ce principe au même titre. qu'à d'autres personnes. Donc dans cette société des égaux, théoriquement, on est dans un pays qui a écrit ça sur un papier il y a quelques centaines d'années, nous sommes tous théoriquement égaux, mais on sait bien que pratiquement, on est toutes et tous inégaux et inégales. Et donc il y a là une tension qui est quand même très intéressante, qui est que d'une part, chacun peut, et pourtant nous n'arrivons pas à la même chose. Nous n'arrivons pas aux mêmes formes de vie. De ce point de vue, ça nous permet d'indiquer peut-être une des raisons pour lesquelles on se méfie de ce fameux bien-être parce que d'un côté, comme on l'a dit, le bien-être c'est un droit, c'est une possibilité commune, nous sommes tous égaux, même si c'est dans nos infinies différences, mais d'un autre côté, le bien-être c'est aussi un devoir, un attendu. Oui, on l'a dit tout à l'heure, le bien-être c'est une norme sociale. Et si vous voulez le tester, essayez d'aller mal. Alors, vous allez me dire, c'est très facile d'aller mal. Mais essayez d'aller mal et essayez de vous complaire là-dedans. Essayez, comme l'on dit aujourd'hui, d'occuper une position de victimisation. Vous allez voir que ce n'est pas forcément si facile que ça, de renoncer de façon autonome à son autonomie. Oui, il y a bien des attentes sociales qui pèsent sur nos épaules et qui consistent à vouloir nous éloigner du sacrilège. des sociétés individualistes, du sacrilège que représenterait le fait de ne pas explorer l'entièreté de vos capacités, de ne pas explorer l'entièreté de votre potentiel. On en a parlé un petit peu à la table ronde précédente, on est dans un environnement moral qui a beaucoup de mal avec les déterminismes, qui a beaucoup de mal à mettre en mots, en phrases, mettre en explication l'idée d'échec. Ça ne veut pas dire du tout que les déterminismes, les échecs, les souffrances... n'existe pas. Mais on ne sait pas très bien comment prendre cela parce qu'on est quelque part tenu et chapeauté par cette exigence que nous nous imposons selon laquelle les portes ne peuvent pas jamais être totalement fermées. En tant que soignant par exemple il n'est pas normal pourrait-on dire, il n'est pas bien d'abandonner par rapport à tel ou tel patient notamment dans les domaines de la santé mentale que je connais un petit peu en Belgique d'abandonner l'idée que pour cette personne, on peut en espérer un tout petit peu plus. On ne peut pas condamner, on ne peut pas étiqueter. Mais évidemment, si on ne condamne pas, si on laisse tout à chacun les possibilités de se dire qu'un petit peu plus est possible, la question est la suivante. Qui doit travailler pour que ce bien-être advienne ? Eh bien, évidemment, dans cet environnement moral-là, la réponse est assez simple. Si tout le monde peut... Alors chacun doit. C'est-à-dire que de ce présupposé démocratique selon lequel chacun a dans ses différences les capacités d'être plus que ce qu'il n'est à l'heure actuelle, on a là un principe de sens commun d'explication des inégalités. Si tout le monde a la possibilité d'être heureux mais que certains le sont et d'autres pas, et bien ça veut dire que ceux qui ne le sont pas ont à leur charge le fait de mener le combat ou les combats qui s'imposent pour obtenir ce qui théoriquement du moins leur est affublé comme potentiel. J'ai écrit récemment un petit texte sur le documentaire Kaizen, je ne sais pas si ça dit quelque chose à certains d'entre vous, c'est exactement ça que ça raconte. Ça raconte ce conte de fées des temps modernes qui consiste à considérer que rien n'est impossible pour personne Petit astérisque, tant qu'on le veut vraiment Autre petit astérisque, et tant qu'on a les capacités financières de le faire, etc. Ça évidemment c'est autre chose Mais le succès, et notamment auprès des jeunes, de ce type de messages témoigne de l'attrait que nous avons pour ces contes de fées Alors, de ce point de vue là Comme sociologue, moi, les pratiques de bien-être qui sont infinies, et on pourra revenir sur leur spécificité bien sûr tout à l'heure, on a parlé du développement personnel, le petit texte parlait également du yoga, j'étudie pour ma part pour le moment le recours de plus en plus important au psychédélique dans des pratiques de bien-être ou de santé mentale, mais aussi le coaching, la pleine conscience. Qu'est-ce que c'est ? Eh bien sociologiquement, bien sûr que ce sont des façons de s'investir pour s'en aller mieux. Mais je pense qu'il faut aussi les voir comme des instruments de distinction sociale. C'est-à-dire que dans une société des égaux, travailler à votre bien-être, ça vous permet de vous dire à vous-même et ça vous permet de dire à autrui qui vous êtes. Ça vous permet de dire que vous respectez une norme sociale qui est absolument fondamentale et qui est celle qui consiste à dire, comme nous avons tous, un potentiel. Et que ce potentiel est potentiellement infini, il convient de ne jamais se reposer sur ses lauriers. Il convient de ne jamais se laisser tranquille, en quelque sorte. C'est ça la croix, si vous voulez, que nous portons comme individus des sociétés individualistes. C'est donc une pratique et un respect des normes de ces sociétés. Et c'est un mode d'attribution des responsabilités et une explication de pourquoi certains ont et certains n'ont pas. Alors, si je peux prendre encore deux petites minutes. J'en viens maintenant à une question qui est peut-être plus proche de la thématique de la table. Finalement, dans ce contexte-là, que j'ai tenté de brosser ici à trop gros traits, quelles sont les pratiques de bien-être qu'on va avoir tendance à valoriser ? Quand je dis qu'on va avoir tendance à valoriser, c'est-à-dire en tant qu'environnement social, pas chacun individuellement, mais qu'est-ce qui va bien être vu ? Quelles pratiques est-ce qu'on va considérer comme à la fois éthiques, c'est-à-dire respectueuse des individus, et d'autre part, comme efficace. Je pense qu'essentiellement, ce sont des pratiques qui ont certaines caractéristiques. La première, c'est que ce doit être, du point de vue de notre environnement moral, une pratique qui met la personne au centre de la transformation qu'elle dit avoir besoin. dont elle dit avoir besoin pour son existence. Il y a vraiment cette idée qu'aujourd'hui, la bonne intervention sur autrui, ce n'est pas celle qui fait, c'est celle qui fait faire. Faire, faire. C'est l'empowerment. C'est le fait d'être dans cette position d'augmenter les capacités d'un individu à agir sur lui-même. Deuxième caractéristique, ce que j'ai tenté de mettre en lumière dans le cadre des travaux que j'ai pu réaliser à ce sujet, c'est qu'aujourd'hui, ce qui légitime la position de soignant, ou même plus largement la position de personne qui intervient sur autrui, cette légitimité a tendance à changer. C'est-à-dire que c'est de moins en moins les capitaux classiques, le titre de professeur, ou la blouse blanche, ou le fait d'avoir usé vos culottes très longtemps sur les bancs de l'université, etc. Alors bien sûr, ça continue à compter, mais ce qu'on voit du point de vue d'une frange importante de la population, c'est que l'intervention légitime sur moi, je vais l'attribuer en quelque sorte non pas à des experts lointains, mais à des experts du vécu, à des experts proches, c'est-à-dire à des personnes qui ont vécu la même chose que moi et qui peuvent... Faire quelque chose qui aujourd'hui prend une place très importante, c'est le témoignage. Quelqu'un qui est un frère ou une sœur humain ou humaine, qui n'est pas différent de moi, qui n'est pas au-dessus, mais qui est en quelque sorte un tout petit peu en avance sur ce parcours de vie que je connais, par exemple, une séparation difficile, par exemple, tel trouble de l'attention ou tel syndrome, tel que la schizophrénie, qui n'est d'ailleurs plus la schizophrénie mais l'entente de voix, par rapport à laquelle c'est possible d'avoir de la pér-expertise, etc. Donc, vous voyez, il y a cette idée que la bonne intervention sur autrui, Ce n'est pas celle qui se trouve au-dessus, c'est celle qui se trouve à côté, en quelque sorte, qui pratique la maïotique et surtout qui personnalise l'intervention. Il y a, je pense, aujourd'hui, et je terminerai par là, quelque chose qui est de l'ordre d'un esprit anti-institutionnel, c'est-à-dire d'un esprit relativement critique des institutions qui nous pousse à voir dans les institutions Quelque chose, et dans la société de façon générale, quelque chose qui a tendance à nous limiter, à oppresser, à ne pas permettre à nos capacités individuelles de se développer. Aujourd'hui, être soi, on a tendance à l'entendre assez rapidement et automatiquement, comme le fait d'être soi contre les normes sociales, contre une famille, contre un groupe, contre une école qui vous a assigné à une identité. que vous pouvez finalement dépasser. Il y a donc cette idée que la bonne intervention sur autrui, elle devrait se dérouler dans ces pratiques de bien-être en dehors des champs convenus, par exemple, de la psychiatrie, de la faculté, etc. Enfin, cette société qui, comme vous l'avez compris, valorise comme aucune autre la position active. plutôt que d'être passif, d'être victime. Et plus encore le fait d'être actif, d'agir sur soi-même, agir de soi-même et sur soi-même. Je pense qu'on ne peut pas en mesurer ni l'importance, ni le caractère tragique, si on ne prend pas en compte un élément plus global de la situation dans laquelle on se trouve. Et c'est un élément qui est au cœur de notre modernité. C'est-à-dire que la promesse de la modernité, ça a été celle, depuis les Lumières, d'une maîtrise. plus importante par les humains du monde, à condition que les êtres humains utilisent leurs raisons. Une maîtrise à l'extérieur, de la nature, etc. Mais aussi une maîtrise à l'intérieur. Sauf que la réalité de la modernité, ça a été quoi ? Ça a été, et on le vit chaque jour de plus en plus fort, la déprise de plus en plus massive par rapport à des enjeux qui nous dépassent. Des enjeux politiques, des enjeux économiques, des enjeux climatiques, qui font que ce que nous... avec notre cerveau individuellement, avec nos mains, nous pouvons faire, on ne sait pas très bien dans quelle mesure ça compte. Je pense que cet investissement du bien-être et de l'action de soi sur soi, on doit le comprendre aussi à l'aune de ce contexte extrêmement anxiogène, à l'intérieur duquel finalement on n'est pas sûr de savoir si on compte. Ce qu'on est sûr de faire, c'est de pouvoir travailler sur soi-même, avec ses mains et avec ses neurones, au moins ça sera toujours ça de gagné. Je vous remercie.

  • Speaker #1

    C'est parfois reposant quand même d'être passif, peut-être pas d'être victime. Et c'est vrai que cette injonction, cette utopie de soi qui cherche à se dépasser continuellement pour aller vers du mieux, vers du bien. Peut-être, je me dis, ça peut occasionner, si ce n'est de la déprime, tout du moins de la fatigue ou de l'épuisement. Et peut-être même que c'est des choses qu'on pourrait voir apparaître en clinique. Je vais maintenant laisser la parole. A Sébastien Weibel, vous êtes psychiatre, praticien hospitalier au CHU de Strasbourg, chercheur associé à l'Inserm. Vous avez une spécialisation dans les troubles déficitaires de l'attention avec hyperactivité, mais également dans les troubles de l'humeur. Vous proposez en règle générale plutôt des soins basés sur des thérapies validées scientifiquement ou dans un contexte de psychoéducation, des choses qui sont peut-être parfois un peu éloignées aussi de cette notion de bien-être. Je suis ravi de vous écouter.

  • Speaker #0

    Merci, merci de m'avoir invité et de pouvoir parler de ma perspective justement de psychiatre. Et la question pourrait être, faut-il des médecines de la santé mentale et du bien-être ? Parce que si je dois me sentir bien, si je dois être heureux, et si je ne le suis pas, est-ce que je dois consulter ? Et donc, je remercie aussi pour ton introduction Aurélien et cette très intéressante perspective sociologique qui vont finalement complètement se compléter ce que je vais m'inscrire complètement dans cette perspective. Et donc, déjà, qu'est-ce que c'est qu'être un psychiatre ? Un psychiatre, c'est un médecin qui cherche à soigner des troubles qu'on appelle des troubles psychiatriques. C'est très tautologique ce que je dis là, mais en fait, comme tout médecin qui cherche à... améliorer la santé de personnes qui l'ont soit perdu ou bien sont à risque de la perdre. Le travail du psychiatre finalement c'est d'améliorer la santé mentale du coup, on pourrait se dire ça. Mais alors est-ce que quand la santé mentale décline, est-ce que ça veut dire qu'il y a un trouble psychiatrique ? La réponse est en fait un peu plus compliquée, on pourrait vite balayer ça en disant bah non bah non ou bien peut-être oui. Parfois, Il y a un accident génétique ou dans le développement, un dysfonctionnement qui s'ancre dans le fonctionnement du cerveau et on observe des troubles. Ça peut se manifester précocement, je ne sais pas, la déficience intellectuelle ou plus tardivement à l'adolescence, malgré des gènes qui auraient pu favoriser ça, comme dans le trouble bipolaire. Parfois, les choses sont différentes et ce sont les personnes qui ont vécu. des choses radicalement anormales et qui ont une sorte de cicatrisation qui les met dans un fonctionnement qui est en soi pathologique. Alors cicatrisation c'est une métaphore, il n'y a pas de cicatrices dans le cerveau comme ça, comme on aurait sur la peau, mais une forme de switch vers une façon de fonctionner qui n'est plus adaptée malgré la disparition de la blessure. Et ça, c'est le modèle le plus typique, c'est le trouble de stress post-traumatique. J'ai subi une menace extrême et je continue, malgré la disparition de cette menace, à vivre comme si j'étais encore dans une situation de danger. Parfois encore, il peut y avoir une réaction tout à fait normale à une situation qui serait problématique. Est-ce que c'est normal d'être en bonne santé mentale dans une société qui... qui dysfonctionne, voilà, et c'est finalement l'exemple paradigmatique du deuil en fait. Est-ce que je peux dire que j'ai une bonne santé mentale quand je viens de perdre un enfant ? Je pense que c'est... Là on a tous une idée sur cette question-là. Et parfois encore... C'est en fait l'environnement qui ne colle plus avec la façon dont on est fabriqué. De façon simple, notre cerveau a évolué depuis quelques dizaines de milliers d'années, quelques centaines peut-être, quelques millions même si on part des grands singes, à une vitesse lente, et on voit aujourd'hui le changement de notre environnement de façon... très rapide. Si on prend par exemple l'émergence de l'écriture, ça envahit le monde entier en l'espace de quelques millénaires. Je dis ça vraiment avec des chiffres très larges. Avec l'émergence d'une pathologie qui s'appelle la dyslexie. Aujourd'hui, on voit l'accès par exemple à une information permanente. Internet sur nos portables, ça a survenu en dix ans, avec des conséquences énormes. C'est encore assez lent par rapport à ce qui nous arrive aujourd'hui avec d'autres choses, on peut voir plein de choses, mais l'intelligence artificielle par exemple, mais les exemples ne manquent pas. Et donc finalement, notre cerveau qui a été... formé avec un temps long, doit s'adapter à des situations ? Et est-ce que ça génère aussi des problèmes de santé mentale ? Je vous donne un peu ces idées-là parce que finalement, on peut avoir tendance à avoir un regard assez rapide entre ce qui est normal, pas normal, maladif, pas maladif. Et finalement, on pourrait se poser la question, quand ma santé mentale décline, est-ce qu'il faut voir un médecin ? Ou est-ce qu'il faut voir un thérapeute ? Qu'est-ce que c'est qu'un thérapeute ? Mais faudrait-il en parler avec un parent, un ami ? Peut-être qu'on oublie parfois un peu ça, ou bien encore un groupe social. Je laisse un peu cette question en suspens pour revenir un peu sur mon thème de prédilection. Alors, je suis un psychiatre qui a quelques spécialités, merci Aurélien de les avoir rappelées. Donc, difficultés de régulation émotionnelle, ce qu'on appelle parfois dans la forme la plus paradigmatique le trouble de la personnalité borderline, ou aussi le TDAH, le trouble du déficit de l'attention avec hyperactivité. Alors parlons un peu de TDAH, alors c'est quoi ? je le dis rapidement, c'est un trouble qu'on dit neurodéveloppemental. Ça veut dire que ça correspond à des personnes qui ont eu un développement cérébral atypique, différent de la moyenne des personnes, qui a des conséquences au courant. de l'enfance, on observe déjà parfois que certaines choses dès les premières années de vie, mais l'explosion des symptômes survient surtout dans les moments de socialisation et d'apprentissage, la scolarité. Et ensuite, ça persiste à l'adolescence, avec différentes conséquences, augmentation du risque de consommation de substances à l'âge adulte, augmentation de la mortalité chez les jeunes adultes du fait d'accidents, difficultés professionnelles, divorces, troubles psychiatriques en soi aussi. Mais en même temps, aujourd'hui, dans un monde de sur-sollicitation attentionnelle, un monde qui nous enjoint aussi d'ailleurs à nous accomplir, à être performants, à réaliser le potentiel, comme Nicolas Marquis nous a dit, bien expliqué. Voilà, notre attention sature. Nous sommes tous atteints un peu de distractibilité, tous un peu atteints de difficultés à rester concentrés, tous à avoir un peu de mal à faire une seule chose à la fois parce qu'on a plein de potentialités à réaliser dans tous les domaines de notre vie. Et notre santé mentale décline peut-être un peu à cause de ça. Effectivement, beaucoup de gens se reconnaissent ou ressentent des symptômes de TDAH. Et ce qu'on voit dans nos consultations qui sont... très sollicités. Et en fait, tous n'en ont pas. Et la prévalence du TDAH reste finalement assez stable. Et les personnes, finalement, qui ont un trouble neurodéveloppemental sont parfois un peu oubliées dans cette grande, grande masse. Et ce nombre important de personnes dont le bien-être décline, leur bien-être cognitif, et... Paradoxalement, c'est peut-être ceux qui ont le plus de difficultés à aller vers le soin qu'on oublie, les personnes précaires, les personnes incarcérées. Par exemple, je rappelle que un quart des personnes incarcérées ont un TDAH et quasiment aucun d'entre eux n'est pris en charge. Et donc, à partir de cet exemple du TDAH et aussi à partir des évocations sur la variété des situations concernant les causes des troubles mentaux, ça me permet finalement d'introduire une question d'une porosité croissante entre pathologie, troubles, santé mentale, bien-être. Et en fait, cette évolution finalement s'inscrit dans un mouvement assez bienvenu de déstigmatisation, de normalisation des problématiques psychiatriques. Ce sont des difficultés parmi les autres. qu'on peut prendre en charge et qu'on a le droit d'exprimer et pour lesquels il est légitime de demander de l'aide. Cependant, cette perte de distinction n'est pas sans conséquence. Elle brouille les frontières entre le normal, le pathologique, et ça génère aussi une certaine invisibilisation de personnes en souffrance, ce qui est toujours le risque. Pendant longtemps, les personnes souffrant de troubles psychiatriques étaient invisibilisées par une forme d'exclusion. Ça existe toujours. Aujourd'hui, cette invisibilisation se fait aussi par une forme de minimisation, d'effacement. Moi aussi j'ai ça et ça passe un peu dans un espèce de grand problème de bien-être. Et encore une fois, comme Nicolas Marquis nous l'a expliqué, ça va aussi dans une sens d'individualisation de la charge des soins. Une individualisation pas forcément au sens d'une... de soins qui seraient individualisés au sens d'une médecine personnalisée, comme on fait de plus en plus, mais aussi d'une responsabilité individuelle de la prise en charge, une injonction. Une injonction, tu dois te prendre en main, tu dois faire ce qu'il faut pour que tu ailles mieux, tu es responsable de ton bien-être et de ta santé mentale. Alors en parallèle, parlons un peu de thérapeutique, de soins ou d'aide pour la santé mentale. Et là aussi, il y a un risque de brouiller un peu les cartes. De manière très intéressante, de nombreux outils issus de perspectives non médicales ont commencé à montrer une efficacité notable et importante dans certains troubles psychiatriques, comme par exemple la dépression. Quelques exemples. L'activité physique. Une ancienne grande cause nationale, maintenant c'est la santé mentale. Donc l'activité physique dans la dépression, on sait que c'est certainement des traitements les plus utiles dans les dépressions légères, les dépressions modérées. Alors c'est pas juste le sport qui fait du bien, on sait que l'activité physique a des effets sur la perception du plaisir, on peut même l'observer de façon biologique, avec différentes façons de le faire. Un effet aussi sur la sensation d'épuisement, la fatigue, et ça peut changer de façon notable la trajectoire de personnes qui souffrent de dépression. Autre exemple, la méditation de pleine conscience. On l'a aussi déjà un peu abordé, méditation de pleine conscience qui est cette... pratique, issue des traditions bouddhistes, qui incite les personnes à apprendre, s'entraîner, réapprendre, à focaliser son attention sur l'instant, là, maintenant, et sur les sensations, en laissant filer les pensées. Et il a été montré que la méditation de pleine conscience est particulièrement efficace, par exemple, pour la prévention des rechutes dépressives. Vous savez que si vous avez fait une dépression, vous avez un risque important d'en refaire une deuxième dans votre vie, une chance sur deux au moins. Et si vous en avez fait quatre dans votre vie, il y a quasiment 90% de chances d'en refaire. Donc, on sait que la méditation de pleine conscience est tout aussi efficace que des médicaments utilisés en prévention dans la rechute de la dépression. par des mécanismes qu'on connaît, par exemple sur le plan psychologique, on sait que ça diminue la propension à avoir des ruminations. Dans le trouble du déficit de l'attention, c'est aussi une approche qui est utile, efficace. Alors peut-être avec une efficacité moindre que les médicaments dans les comparaisons, mais on sait aussi que c'est quelque chose qui est utile, par exemple, parce que ça réentraîne les personnes à focaliser leur attention sur un moment, sur une action, sur une intention. Troisième exemple, les oméga-3 qui sont des acides gras polyinsaturés. On s'est intéressé à la santé redoutable des Inuits qui mangeaient tellement de gras et tellement de calories et en fait probablement ils mangeaient beaucoup de poissons aussi et donc des acides gras qui ont aujourd'hui une efficacité notamment dans la dépression et d'autres troubles comme le trouble la personnalité borderline. Voilà, et donc ces pratiques qui sont souvent perçues comme des médecines douces, des pratiques complémentaires, participent à la diversification des réponses thérapeutiques, mais pourraient aussi suggérer une forme de démédicalisation de la prise en charge, renforcer l'idée peut-être un peu fausse que certaines maladies n'en sont pas vraiment. Il suffit de prendre soin de soi, de faire attention à son bien-être et ça ira mieux. Et à l'inverse, il existe aussi une forme de stigmatisation de certains traitements, et notamment les psychotropes, ou d'autres traitements qui peuvent être particulièrement décriés, alors qu'ils ont une utilité pour sauver la vie de certaines personnes, comme l'électroconvulsivothérapie, ou voilà. Et notamment à cause de biais qui nous traversent tous, les biais naturalistes, ce qui naturellement est bon, par exemple. Donc finalement, deux lignes de confusion, les troubles et la santé, dans une perspective assez individuelle, et en parallèle, les traitements et les stratégies d'amélioration du bien-être. Et pour le paradoxe, ça vient aussi d'une forme de médicalisation de la vie ou d'une psychothérapie de petitisation. J'invente un néologisme de la vie. Je n'utilise pas le mot psychologisation parce que la psychologie, ça reste quand même une discipline a priori. Dans son premier sens, qui est une science du fonctionnement de notre faculté, de nos facultés mentales avant d'être un soin. Donc, une médicalisation de la vie qui met ce modèle médical traverse nos sociétés et nous traverse aussi avec l'idée de tu souffres. Tu dysfonctionnes, donc tu dois consulter. Et dans nos sociétés, il y a des normes d'intervention assez systématiques et l'idée qu'il faudrait consulter un psy en cas d'adversité. Et cette perspective, ce modèle, coexiste avec une forme de délitement de réseaux d'aide collectif, de soutien informel, qui renforce parfois cette surmédicalisation des problématiques. de problématiques relevant de la sphère sociale ou existentielle. Donc, une exigence aussi au bien-être. Et on peut rappeler que parfois, nos émotions doivent être étouffées. On nous pousse à étouffer certaines choses, on est enjoint à les réguler. Alors que parfois, il y a de façon légitime des peines qu'il convient de traverser, d'accepter. Donc au final, nous assistons simultanément à une forme de démédicalisation relative. des soins psychiatriques et aussi une surmédicalisation de la santé mentale, une surmédicalisation du bien-être, ce qui génère un certain nombre de confusions. Et cette tension appelle peut-être à des clarifications sur ce, et à plusieurs niveaux, le rôle des professionnels. Qu'est-ce que c'est qu'un psychiatre ? Qu'est-ce que c'est qu'un psychologue ? Est-ce que je dois voir un psychologue quand j'ai une maladie ? Et on sait que, par exemple, les psychologues s'occupent de personnes qui sont avec des difficultés existentielles, mais aussi... Ils ont un rôle crucial pour traiter des pathologies qui ne sont traitées efficacement que par la psychothérapie. Et on voit que ce n'est pas toujours simple de dire, ok, je prescris une psychothérapie. Ce n'est pas toujours accepté de la part des psychologues eux-mêmes ou de la part des personnes. Et voilà, et aussi des questions sur les critères d'efficacité d'un traitement. Est-ce qu'un traitement qui améliore le bien-être ? est un traitement efficace. Voilà, c'est des questions qui sont très vastes et je n'aurai peut-être pas le temps d'aller plus loin. Et je pense qu'il faut aussi déconstruire certaines échelles de valeurs implicites qu'on peut avoir, comme la notion de maladie, la notion de traitement. Et finalement, pour conclure, je voudrais dire aussi que dans un contexte de société individualiste, je rebondis sur cette définition très claire que Nicolas Marquis a faite. Il faudrait peut-être aussi se rappeler qu'il faudrait passer d'un se soigner, de prendre soin de sa santé mentale. Cette injonction qui est finalement le thème de cette table ronde, passer d'un se soigner à aussi soigner les personnes qui s'entourent, soigner les autres, prendre soin des autres et à tous les niveaux. Surtout des plus vulnérables, des personnes les plus blessées. Et ça a un coût collectif. On entend beaucoup parler des difficultés de la psychiatrie et du coût que ça représente, du rattrapage qu'il conviendrait de faire. Je milite fortement pour une meilleure considération des personnes qui ont besoin de ces soins. C'est aussi une responsabilité individuelle qui convient de partager dans nos sociétés. Je vous remercie.

  • Speaker #1

    Merci Sébastien. Esther Schmitt, vous êtes issue du commerce et du marketing. Vous aviez des aspirations de changement et en 2012, dans les suites d'une série de problèmes de santé, dont vous parlez librement sur votre site internet, vous avez pris un nouveau départ. Vous dites que vous avez pris en main votre propre existence. En 2013, vous avez obtenu votre diplôme de naturopathie. Vous avez écrit deux livres sur la fatigue, sur le grignotage. Et nous, on vous connaît aussi parce que vous êtes assez présente sur France 3 Grand S, où vous dispensez vos conseils de bien-être. Et parfois, notamment quand je suis un peu désespéré de ne pas réussir à soigner mes patients, je me dis que vous faites aussi beaucoup de bien à votre manière. Et donc, on est ravi de vous accueillir et de vous entendre.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup. Et puis merci pour votre invitation. Merci d'avoir. Oser inviter quelqu'un qui représente effectivement les thérapies alternatives. Je suis ravie de vous retrouver, de vous partager ce qui me passionne depuis dix ans, qui est la naturopathie. Et c'est vrai que sur le sujet de la bioéthique et de la santé mentale, je me suis dit que pour introduire, ce serait peut-être pas mal de remettre un petit peu la naturopathie dans son contexte. Parce que moi, ça fait dix ans maintenant que je suis diplômée, que j'en m'a transmis beaucoup de choses et je retransmets maintenant moi aussi. Mais elle est parfois un petit peu mal connue ou méconnue et parfois elle est un petit peu critiquée aussi. Et je voulais juste donner quelque chose d'important à ce sujet-là. Alors déjà pour moi, la naturopathie telle qu'elle me l'a été enseignée et telle que je la transmets, pour moi c'est vraiment une discipline d'hygiène de vie qui est bien plus préventive que curative. Donc on n'est pas du tout là pour faire arrêter des traitements aux personnes qui prennent des médicaments depuis longtemps, mais on est vraiment là pour les accompagner. pour gagner en santé et en vitalité. Et en fait, c'est vrai qu'aujourd'hui, on est dans un monde où on a énormément d'informations sur le bien-être, que ce soit toutes les thérapies alternatives confondues. C'est assez difficile, effectivement, de s'en sortir. Et c'est vrai que du coup, moi, en tant que naturopathe, je retrouve toujours une grande sagesse au sein de la naturopathie parce qu'elle s'appuie finalement sur quatre piliers essentiels desquels, moi, à titre individuel, je ne sors pas. pas. Et c'est vraiment comme ça que j'accompagne mes clients depuis toujours. Et ces quatre piliers sont la nutrition et la diététique, le mouvement, le sport, le pôle de la détoxification, j'y reviendrai un petit peu plus en détail tout de suite, et le gros pôle de l'hygiène nerveuse. Et c'est vrai que quand on regarde un petit peu, on dit normalement de manière probablement naïve, mais si on applique un petit peu tous les jours. des techniques de ces quatre piliers, on devrait normalement ne pas tomber malade. Alors ça, effectivement, c'est dans un monde idéal. Mais c'est vrai que ces quatre piliers, c'est comme les quatre pieds d'une table et on s'appuie en permanence là-dessus. Alors après, bien sûr, on a des techniques mineures. On a des choses comme les techniques avec l'hydrologie, l'eau, la chaleur, le massage, l'hypnose, qui sont des choses effectivement qui fonctionnent très, très bien. Mais on a besoin que ce socle de ces quatre piliers, piliers soient vraiment nos fondamentaux. Alors, c'est vrai que dans la nutrition, c'est hyper compliqué aujourd'hui de s'en sortir parce que c'est vrai que les réseaux sociaux, c'est à la fois extraordinaire et à la fois ils ne nous facilitent pas du tout la tâche parce qu'on lit un petit peu tout et son contraire aujourd'hui. On a eu beaucoup de sujets sur les intolérances alimentaires, est-ce qu'il faut arrêter le gluten, est-ce qu'il faut arrêter de manger du fromage, est-ce qu'il faut supprimer les produits laitiers ? Ce sont de vrais sujets et en même temps, moi je me présente toujours comme une natureau mais pas trop. Une natureau mais pas trop, c'est ce qui me définit bien, c'est-à-dire que je ne souhaite absolument rien retirer dans l'alimentation et dans la nutrition des personnes. plus pour que les personnes expérimentent. Alors après, évidemment, sur le sujet de la santé mentale, on sait qu'effectivement, les oméga-3, comme tu le disais avant, Sébastien, ce sont des choses qui sont essentielles à consommer. On sait que le sucre, c'est quelque chose qui ne fait pas du tout du bien au système nerveux parce qu'il est pro-inflammatoire, parce qu'il va créer pas mal de désordres digestifs. Et c'est vrai qu'idéalement, c'est d'avoir une nutrition qui soit toujours riche. en nutriments parce que finalement le corps il a besoin de nutriments spécifiques des fruits, des légumes, des graines il a besoin de bonnes protéines il a besoin de bons gras parce qu'il a simplement besoin de ça pour bien nourrir ses cellules et il n'a pas parfois besoin de plus et c'est vrai qu'aujourd'hui ce qui est parfois un petit peu compliqué c'est qu'on a du mal à choisir les bons nutriments pour soi parce que soit on n'a pas le temps de cuisiner soit on n'a pas le temps d'aller faire ses cours soit on ne sait pas exactement quoi manger... C'est vrai que je vois bien dans les consultations que c'est vraiment un sujet qui revient souvent. Après, effectivement, la pratique du sport, du mouvement sont des choses essentielles. Il y a cette très belle expression de Pierre-Valentin Marcheseau, le père de la naturopathie, qui disait tout le temps que le sport est le contre-pied d'une aire. Et c'est vrai qu'à une époque où j'ai traversé des moments un peu compliqués au niveau de ma santé, parce que j'avais vraiment un mental qui était bien surchargé, je traversais vraiment des problèmes de santé compliqués. A chaque fois que ça n'allait pas, j'enfilais mes baskets et je partais courir. Et parfois, il ne faut pas grand-chose juste pour aller s'oxygéner, s'aérer un petit peu, parce que ça permet déjà de lâcher un petit peu tout ce qui se passe dans notre mental. Et puis après, notre corps, aujourd'hui, il est en surcharge permanente. Il est en surcharge d'informations. On n'a pas assez le temps de faire parfois bien les choses. On a des to-do list hyper longues. On a des enfants à éduquer, à aimer, on a peut-être des études, en tout cas on a des plannings hyper importants. Et c'est vrai que tout ce stress, toute cette surcharge émotionnelle à un moment, elle est extrêmement encrassante pour le corps. Et je pense que ce qui est bien effectivement c'est d'arriver à certaines périodes de l'année, de prendre quelques temps de pause et de repos, de moins manger, de moins regarder la télé, de moins être sur le téléphone. de beaucoup plus sortir, mais de juste remettre à un moment donné des petites techniques qui permettent un petit peu à notre mental de se détoxifier. Parce qu'évidemment, dans notre quatrième pilier, qui est le pilier de l'hygiène nerveuse, c'est là en fait où on se rend compte. Et je m'en rends encore plus compte maintenant parce que pour avoir assisté à pas mal de conférences pendant ce forum. On voit bien en fait que notre système nerveux, il n'est plus du tout aujourd'hui en capacité de gérer tout ce qu'il a besoin de gérer. En fait, il y a trop de choses. Il se passe beaucoup de choses dans le monde, il se passe beaucoup de choses dans la vie, dans notre vie, mais aussi dans la vie de nos proches. Et il y a un moment donné, c'est juste trop. Et le cerveau, en fait, finalement, il est assez bien fichu parce qu'il a toujours deux options, lui. C'est-à-dire que quand il est trop plein, à un moment donné, lui, il a besoin de nettoyage. Il a besoin de... Il a besoin de se faire son nettoyage. Il a toujours deux options. Il a l'option, un petit peu, ce que moi j'appelle des techniques de dérivation. Donc, il va préférer scroller son téléphone plutôt que de réfléchir un petit peu à ce qu'il doit mettre en place. Il va préférer parfois abuser un petit peu de certaines substances. Donc, on a envie de boire un petit peu plus d'alcool. On a envie de consommer plus de sucre. Et ça, en fait, c'est vraiment notre cerveau qui dérive parce qu'il a... pas envie de traiter ce qui a véritablement besoin d'être traité à l'intérieur de soi. Et c'est là en fait où la naturopathie elle arrive en fait avec beaucoup de sagesse. Moi je dis tout le temps que la meilleure recharge du système nerveux c'est le sommeil. Et c'est une vraie prescription de dire à quelqu'un, ce soir couchez-vous un petit peu plus tôt, n'emmenez pas votre téléphone dans votre lit, prenez un bon bouquin, videz-vous la tête. Et puis, mettez-vous au lit, dormez et puis vous verrez, demain, ça ira vachement mieux. Parce qu'effectivement, on voit bien qu'après une bonne nuit de sommeil, on est quand même en capacité de prendre des décisions un petit peu plus éclairées. On est déjà de meilleure humeur, on est moins dans l'émotionnel. Et c'est vrai que sur ce sujet, effectivement, des maladies mentales, à un moment donné, quand on accumule le stress, on accumule les coucher tard, on accumule les nuits pas reposantes, on accumule effectivement l'excès de sucre, l'excès de problèmes. À un moment donné, le cerveau, ça ne marche plus. Puis il finit complètement par craquer. Et puis, c'est là où la maladie s'emballe. Et j'en reviens encore effectivement à cette sagesse de naturopathie. C'est là où nous, enfin, je vais parler pour moi et pas au nom de tous les naturo. Mais moi, je suis vraiment là, en fait, pour donner des clés d'hygiène de vie en préventif. plutôt qu'en curatif. Parce que c'est vrai qu'une fois que la maladie apparaît, et plus elle est grave, effectivement, elle revient véritablement à la médecine. Et ce que j'avais... J'ai envie vraiment de partager aussi avec vous, quand j'étais venue mercredi soir à la conférence d'inauguration, il y avait un psychiatre qui a parlé de remettre le citoyen au centre de sa guérison. J'ai trouvé que c'était absolument génial d'entendre ça. Et effectivement, Nicolas, tu l'as dit aussi il y a quelques minutes, c'est que finalement, la vraie question aujourd'hui, c'est de savoir qu'est-ce qui est bon pour moi. Qu'est-ce qui est bon pour vous ? Comment savoir ce que je dois mettre dans mon assiette ? Comment savoir si je dois prendre telle et telle plante pour pouvoir me soigner ? En fait, il n'y a qu'une seule solution, c'est d'arriver à expérimenter le plus possible, mais de ne pas expérimenter aussi de manière à surconsommer tout ce qu'on peut trouver sur le marché. On voit bien que dans le marché du bien-être aujourd'hui, on trouve vraiment plein de choses. Il y a des super produits, il y a des super compléments alimentaires. Mais ça devient assez compliqué de savoir ce qui est bon pour soi. Et en fait, quand vous vous remettez au centre, faites appel parfois juste un petit peu à votre intuition. Regardez un petit peu, documentez-vous, prenez de l'information en conscience. Et puis regardez ce qui fonctionne. Essayez quelque chose. Et si ça ne marche pas, vous essayez autre chose. Et si ça, ça ne fonctionne pas. pas, eh bien, alors on essaye encore autre chose, mais c'est de finalement jamais s'arrêter d'expérimenter parce que je pense qu'on est quand même effectivement responsable de nous, responsable de notre santé. Moi, je dis à toutes les personnes que j'accompagne, je dis tout le temps, vous avez un médecin au fond de vous. Vous avez une voix, une belle voix qui vous parle. Et c'est vrai qu'au milieu de tout ce monde dans le bien-être, où il y a pas mal d'injonctions, où on est dans une société où on doit être la plus belle version de nous-mêmes et on n'a pas de problème et on n'a plus le droit d'en parler, on n'a plus le droit de se plaindre, on est constamment dans un registre hyper positif et de transformation et c'est très bien. Mais on est quand même responsable de soi et responsable de sa santé. Et je pense que parfois, des choses simples... pour pouvoir faire des choix éclairés, ça peut être simplement sortir. On sort de chez soi, on se trouve une belle balade dans la nature, on appelle ses amis, sa famille qu'on aime, on se voit, plutôt que de s'envoyer 500 000 messages sur nos téléphones. Moi, j'adore les réseaux sociaux, je trouve que cette évolution du monde, moi, elle titille ma curiosité, j'ai beaucoup de gratitude vers tous ces... tous ces outils qui sont mis à notre disposition. Mais quand il y a un moment donné, ça prend toute la place dans nos journées et qu'on a moins le temps d'être en interaction avec les autres et qu'on a moins le temps d'être en interaction avec la nature qui, elle, nous ramène toujours le calme et la sérénité dont on a besoin. Voilà, à un moment donné, il faut peut-être juste remettre un petit peu d'équilibre. Et je voulais juste effectivement terminer rapidement sur cette notion de... de bioéthique parce que moi je me suis demandé effectivement en préparant cette prise de parole, je me suis dit finalement la bioéthique qu'est-ce que ça veut dire, qu'est-ce que c'est ? C'est quoi la vraie définition de la bioéthique ? Et je me suis simplement dit que finalement, quelles sont les valeurs que vous mettez en fait derrière ce mot bioéthique ? Est-ce que ce sont des valeurs humaines ? Est-ce que ce sont des valeurs économiques ? Est-ce que ce sont des valeurs sociétales ou environnementales ? Mais finalement, c'est d'arriver à créer votre propre chaîne de valeur parce que c'est finalement ça qui pourra vous guider à faire vos bons et j'espère en tout cas vos meilleurs choix. Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Merci Esther Schmitt. Nicolas Marquis, vous avez évoqué la société individualiste comme peut-être aussi à l'origine de cet engouement.

  • Speaker #0

    pour le bien-être et c'est vrai que je ne m'étais pas formulé la chose de cette manière et ça m'a beaucoup intéressé mais je me suis dit est-ce que finalement dans d'autres cultures dans lesquelles peut-être il y a moins cet individualisme est-ce que ça change quelque chose du rapport au bien-être donc quel est un petit peu l'état des lieux du bien-être peut-être en Europe ou dans le monde et quels sont les outils en sociologie qu'on peut utiliser pour évaluer le bien-être ?

  • Speaker #1

    Merci beaucoup. Alors, je ne suis pas spécialiste de toute une série de contextes, donc je ne vais pas dire trop de bêtises par rapport à ça. Néanmoins, pour répondre à cette question, il est clair qu'il y a un instrument qui est absolument essentiel et que j'ai un tout petit peu mobilisé dans mon intervention. C'est pour moi l'outil méthodologique majeur des sciences sociales, c'est la comparaison. C'est-à-dire que... Pour pouvoir ne plus que comprendre ce qui nous brûle le regard tellement c'est proche de nous, à savoir cette injonction au bien-être dans laquelle nous sommes nés, avec laquelle nous avons été éduqués, etc., il faut aller voir comment ça se passe ailleurs. Ma façon de faire, ça a été par exemple de comparer, comme je l'ai évoqué, avec des sociétés très différentes qui ont par exemple été étudiées au début du XXe siècle par l'anthropologue Evans Pritchard. et qui mobilise la sorcellerie. Et donc, dans ces sociétés-là, dont encore une fois je ne suis pas spécialiste, je ne dirais pas du tout que la question est-ce que je vais bien ou est-ce que je ne vais pas bien ? ne se pose pas. Non, c'est bien sûr, c'est une question qui est à certains égards aussi vieille que l'humanité, en quelque sorte. Simplement, le langage qu'on va utiliser et les entités, en quelque sorte, qu'on va considérer comme étant pertinentes et comme responsables de mon bien-être, vont totalement varier. C'est-à-dire que dans cette société-là, par exemple, qui est la société Zandé, Sud-Soudan, début du XXe siècle, étudiée par Evans Pritchard, la sorcellerie, elle est à la surface des relations sociales, comme il le dit. C'est-à-dire que dès que quelqu'un rencontre un problème, alors à certaines conditions, ce qu'il va faire, c'est aller voir un oracle qui va, en donnant... une substance à une poule, etc., pouvoir répondre à la question qui, dans cette société-là, est essentielle pour comprendre le malheur et qui est la question de savoir qui m'en veut. C'est-à-dire que, dès qu'il vous arrive quelque chose, vous partez, je ne sais pas moi, hors du village, etc., pour aller chasser et puis, pas de bol, vous vous prenez le petit orteil sur une pierre, ça va très mal, vous hurlez, votre proie s'en va. Il y a quelque chose de pas normal qui s'est passé parce que vous saviez que cette pierre était là. Et donc, Si ça s'est passé aujourd'hui, maintenant, c'est probablement que quelqu'un vous a acheté un sort. Donc la question qui m'en veut, elle est totalement légitime. Vous voyez qu'aujourd'hui, dans la société qui est la nôtre, si vous posez cette question-là parce que vous tombez dans les escaliers, on aura tendance à vous regarder de travers. Si vous adoptez une lecture de la situation qui consiste à dire j'ai pas de boulot parce que Macron m'en veut personnellement Posez-vous des questions, parce que c'est plus du tout la question légitime. La question légitime pour nous, c'est la suivante, que puis-je faire pour m'en sortir ? Et la figure qui est légitime pour nous, c'est celle du résilient. La figure, je dirais, la plus prestigieuse, c'est la personne qui a subi toute une série de problèmes, mais qui ne s'est pas justement laissée complaire dans ce statut de victime. et qui a pu transformer le plomb en or, alchimiquement, qui a pu transformer cette épreuve de vie en quelque chose qui l'a fait devenir elle-même, et qui donne un sens à sa vie. Et donc, rien que par ce petit exercice de comparaison-là, on voit que ce qu'on considère, ce que l'OMS par exemple considère comme étant une évidence, à savoir un état de bien-être, c'est très construit, ça a une histoire. Ce qui n'empêche pas que toutes et tous nous le ressentons, je dirais, très personnellement et très authentiquement. Mais cet exercice de comparaison nous montre à quel point on n'est qu'un cas de figure parmi plein d'autres.

  • Speaker #0

    Et donc, est-ce que par exemple, en Chine ou au Japon, cette question est moins prégnante justement du bien-être ? Je prends l'exemple de ces pays parce qu'on dit habituellement qu'on est moins individualiste, mais plus une partie du corps de la société.

  • Speaker #1

    Oui, alors encore une fois, je ne vais pas dire des bêtises parce que je n'en suis pas spécialiste. Mais je peux faire référence à des travaux super intéressants qui ont été menés par... Un sociologue japonais ou une sociologue japonaise dont j'ai malheureusement oublié le nom et qui raconte en réalité qu'il faut tenir, dans la façon dont on imagine cette mondialisation du bien-être, il faut tenir un chemin de crête entre deux extrêmes. Premièrement, c'est vrai que le bien-être, on en a parlé comme une ressource culturelle, c'est vrai que cette idéologie du bien-être, elle se transporte tout autour du globe. qu'elle a une histoire, qu'on peut étudier comme étant née dans le protestantisme des Etats-Unis, etc., qu'elle est devenue un instrument de soft power, si vous voulez, qui s'applique à des sociétés dans lesquelles elle ne s'appliquait pas au préalable. Mais pour autant, il n'y a pas d'irénisme par rapport à ça, bien sûr, mais pour autant, il ne faut pas croire que c'est une application pure et simple. qu'on va observer dans d'autres contextes. Par exemple, cette sociologue dont j'ai malheureusement oublié le nom, qui a écrit un bouquin qui s'appelle De la mort volontaire au suicide du travail raconte comment la préoccupation pour le bien-être et pour la santé mentale est progressivement rentrée dans les représentations au Japon pour, non pas totalement balayer, mais au moins offrir une sorte d'espace. par rapport à ce qui était des codes extrêmement centrés sur l'honneur. Où la question, ce n'était pas celle de savoir si vous vous sentiez bien ou pas, c'était la question de savoir si vous étiez à votre place et si vous teniez votre rang, en quelque sorte. Eh bien, Junko Kitanaka, je parle depuis longtemps pour essayer de m'en souvenir, j'y suis arrivé, donc je vais pouvoir me taire. Elle montre qu'au Japon, par exemple, on est sur un modèle qui maintenant a tendance à mobiliser les deux codes. Le code d'honneur et le code de ce bien-être de la santé mentale. mental.

  • Speaker #0

    Merci Sébastien, je vais rebondir un petit peu sur ce qui vient d'être dit et j'ai, en prenant un exemple qui m'est arrivé il n'y a pas très longtemps, d'un patient qui était très, qui en tout cas souffrait de dépression et à qui j'ai demandé qui était son psychiatre ou son psychologue et qui m'a dit je ne suis pas allé voir un psychiatre ou un psychologue, je suis allé voir un marabout parce qu'en fait c'est parce qu'on m'a jeté un sort. Comment est-ce que dans la pratique de la psychiatrie... Vous gérez ces aspects culturels qui sont maintenant le quotidien de tous les médecins, de devoir composer avec des... Ça fait bien longtemps que la France n'est plus peuplée par des Gaulois et que donc c'est tout à fait normal de devoir composer, mais avec des cultures qu'on ne connaît pas forcément et qui peuvent justifier d'utiliser des outils qui ne sont pas nos outils traditionnels.

  • Speaker #2

    Il y a finalement deux façons de répondre à la question. Alors, la psychiatrie a toujours été traversée finalement par la question de la distinction entre... quelque chose qui serait un délire, un symptôme d'une maladie psychiatrique et une croyance tout aussi bizarre qu'elle puisse paraître. Voir un marabout, avoir des croyances médiumniques ou des choses comme ça. Il y a des façons très critériologiques de distinguer si c'est partagé par un groupe culturel. Parfois, ce n'est pas si simple. On doit s'appuyer sur une perspective un peu plus globale. Quelle est la capacité de la personne à prendre un peu de recul par rapport à ça ? C'est toujours une question de flexibilité. Mais l'autre façon de répondre à la question, c'est est-ce que la dépression est un trouble psychiatrique ? Toujours. Je caricature évidemment, parce qu'on sait qu'on parle de la dépression depuis l'Antiquité. La mélancolie est un terme démocratique. Et peut-être qu'on oublie qu'effectivement, il y a des dépressions qui sont... Il y a tout un spectre en fait, il y a des maladies biologiques, mais il ne faut pas oublier que la dépression est aussi une réaction quasiment physiologique normale, je le dis comme ça avec un peu des... j'aurais envie de mettre des guillemets, mais dans le sens où la dépression est une réaction qui nous aide à arrêter quelque chose où on va s'enferrer dans quelque chose qui ne va pas marcher. Typiquement, on peut prendre le contexte de la... je ne sais pas, imaginons l'homme préhistorique dans la savane. ou la femme préhistorique qui promène son petit dans la savane, qui se fait attraper par un lion, elle va avoir intérêt, sur le plan de la survie, d'arrêter de chercher son petit, parce que sinon le lion va revenir la manger elle, et peut-être le reste de sa progéniture à venir. et donc il y aura vraiment une réaction de dire voilà j'arrête, j'ai une réaction dépressive j'arrête de faire ce que je mets en boule dans mon coin et j'arrête de faire des choses et notre société en fait elle nous interdit de faire ça souvent je vis dans une situation qui est invivable et j'ai pas le droit de m'arrêter Parce qu'il faut aller au bout de ce qu'on a entrepris, donc des injonctions aussi. Et donc finalement, on ne respecte pas forcément la réaction physiologique qu'on devrait avoir. Et donc, si une personne... Alors, évidemment, c'est des symptômes qui peuvent être parfois de l'ordre du normal et parfois de l'ordre de ce qui devient pathologique, parce que les personnes sont coincées là-dedans. Mais il ne faut pas perdre de vue une forme de contexte dont il faut prendre compte. Et si la personne va voir quelqu'un qui l'aide... à arrêter quelque chose qui ne fonctionne pas, j'aurais envie de dire tant mieux. Je ne sais pas si je réponds à la question. J'aurais envie de dire ça dépend, mais ça ne serait pas très utile.

  • Speaker #0

    Esther Schmitt, quand je vous entends parler, et j'ai parfois cette impression aussi quand je parle avec d'autres médecines complémentaires ou alternatives, j'ai l'impression que souvent on parle un peu des mêmes choses avec un vocabulaire un peu différent. En tout cas, dans ce que vous avez dit, pour bien 80%, je trouve que c'est des choses qu'on aborde également en consultation, que ce soit chez le psychiatre, chez le neurologue, chez le médecin généraliste. Alors ma question est la suivante. A votre avis, qu'est-ce qui explique que les gens viennent quand même vous voir, alors que vous n'êtes pas remboursé par la Sécurité sociale, contrairement aux médecins, avec finalement, quelle est la valeur ajoutée de ce que vous proposez par rapport à ce que la médecine dite allopathique ou conventionnelle propose habituellement ?

  • Speaker #3

    Alors effectivement les gens viennent toujours nous voir parce qu'il y a plusieurs motifs. Parfois ils ne trouvent pas de réponse dans les traitements allopathiques purs, c'est-à-dire quand il n'y a que du traitement allopathique ça ne convient pas forcément. Alors parfois il y a des résultats et puis parfois il n'y en a pas assez. Je crois que là ce qui a vachement bougé depuis quelques années, c'est que les personnes se rendent compte en fait que quand elles ont une pathologie, Il y a cette notion de je suis responsable de ma santé et je dois faire quelque chose, je dois prendre quelque chose en charge moi-même pour que les choses changent. La perception, quand on a des diagnostics en plus, particulièrement quand on est jeune, moi j'ai des personnes parfois qui ont 30-35 ans, qui viennent me voir déjà avec des pathologies importantes, ils ne perçoivent absolument pas. pas un traitement à vie. Il se dit je ne vais pas pouvoir prendre ce traitement jusqu'à la fin de ma vie, j'ai encore de belles années à vivre et donc il y a beaucoup d'espérance en changeant son hygiène de vie pour que les choses s'améliorent. L'idéal, ce serait qu'on arrive parfois, nous, les naturopathes, à travailler un petit peu mieux avec les médecins parce que c'est vrai que moi, en tant que naturopathe, je ne suis pas du tout contre les traitements mais par contre, ce qui me fait kiffer dans mon travail c'est d'accompagner ce traitement-là. Donc je pense que ce sont les deux motivations les plus importantes. Et puis après, c'est quand même quelque chose, c'est une discipline, une hygiène de vie qui s'est quand même beaucoup démocratisée. Et c'est vrai que souvent la naturopathie, elle est aussi réduite, entre guillemets, c'est pas péjoratif ce que je dis, mais à l'alimentation. Et c'est vrai qu'aujourd'hui, il y a beaucoup de problèmes de poids, il y a beaucoup de problèmes d'intolérance alimentaire, il y a beaucoup de problèmes de fatigue. Et c'est vrai qu'en naturopathie, et sur toute la partie diététique-nutrition, on arrive quand même à... à résoudre pas mal de problèmes.

  • Speaker #0

    Merci, je crois qu'avant de laisser la parole au public, Maude avait une question.

  • Speaker #4

    J'avais envie de renvoyer un petit peu cette dernière question que tu posais Aurélien au médecin de la table ronde, le psychiatre et même peut-être le neurologue si tu as envie de nous répondre. Parce que j'ai été très intéressée par cette formule d'Esther Schmitt qui dit on a tous un médecin au fond de nous. Et finalement, la question que je me pose c'est est-ce qu'on est peut-être un petit peu dans le comble ? de ce à quoi la culture nous a menés. On ne sait plus écouter les signaux que nous envoient nos corps. On est assez déconnectés de nos corps. Et c'est vrai quand on est en bonne santé. C'est vrai aussi quand on est face à des pathologies. Et je me dis, est-ce que les médecins que vous êtes, de la manière dont vous avez été formés, est-ce que vous ne vous privez pas un petit peu de ce collègue qui est le médecin que votre patient a au fond de lui, qui finalement est quand même le premier à le mieux connaître son propre corps ?

  • Speaker #0

    Sébastien ?

  • Speaker #2

    Alors le collègue qui est le patient, j'aurais envie de dire que... Alors on ne l'enseigne pas très bien peut-être, mais on l'apprend assez vite une fois qu'on travaille. Donc voilà, je pense que... Je pense que je peux parler de ma perspective, et la psychiatrie est une discipline qui reste quand même très clinique, et notre seul examen complémentaire, c'est de poser la question aux gens. On voit quelques petits trucs sur leur visage, leur comportement, mais ça reste assez ténu. En tout cas dans les troubles dont je m'occupe le plus. Et donc on apprend assez vite que les personnes vont devoir nous enseigner beaucoup de choses. Et donc on le fait le plus possible. Et aussi on essaie de rendre ça aux personnes. Et enfin, dans l'introduction, on va rien parler de la psychoéducation. Finalement c'est dire, ok, vous... Vous allez pouvoir être acteur de vos soins, c'est vous qui allez pouvoir aussi observer, anticiper, réagir, et je pense que c'est quelque chose qu'on fait beaucoup. Après, les autres collègues qui seraient les médecines alternatives, c'est très variable, parce que ça dépend aussi beaucoup d'expérience, de ce qui est proposé, on ne sait pas toujours trop, il y a beaucoup de choses très variables, je ne sais pas combien il y a de sortes de... de naturopathe, de sorte de médecine alternative. Il y a tout un travail qui existe là-dessus. Moi, de façon personnelle, j'ai tendance à écouter déjà ce que les personnes font, ce que parfois j'arrive à traduire. Parce que parfois, il y a des choses que les personnes font, et je dis ah ouais, moi j'aurais appelé ça comme ça mais c'est pas grave. C'est les flux énergétiques, ok, pas de problème, mais j'aurais une lecture différente. Mais voilà, ça c'est beaucoup plus... expérience dépendante.

  • Speaker #0

    Et moi, puisque la question m'a été posée aussi à titre personnel, ça fait déjà un certain temps d'ailleurs que je me sens un peu limité dans mon activité strictement médicale, avec un besoin d'aller chercher d'autres choses. Et alors je répondrais que moi aussi j'ai quatre piliers, c'est marrant parce que c'est quelque chose qui ne touche pas que les tables ou les chaises, mais aussi la médecine. Mes piliers ne sont pas si différents, mais je vais vous les citer alors quand même. Alors il n'y a pas la nutrition, mais il y a... parce que j'y suis peut-être moins sensible, mais mon premier pilier important, c'est ce que j'appelle la médecine vétérinaire. C'est-à-dire, on traite un homo sapiens, il convient de le faire avec talent, sans passer à côté de quoi que ce soit. Le deuxième pilier, par contre, se retrouve, puisque c'est le pilier du mouvement, le pilier de la prise en charge fonctionnelle. Ça peut être la kiné, ça peut être de l'activité physique adaptée, ça peut être de la danse, ça peut être du yoga. Le troisième pilier vous rejoint également. Vous appelez ça, vous vous dites que c'est l'hygiène nerveuse. Moi, j'appelle ça la psychothérapie avec effectivement un certain nombre d'outils. Je rejoins notamment l'outil des TCC, qui est des thérapies cognitives et comportementales, qui est particulièrement impressionnant et que j'ai eu la chance de pouvoir mettre en place aussi qu'on appelle la psychoéducation. La psychoéducation, c'est justement faire en sorte que le patient ou la patiente puisse tendre l'oreille sur son médecin intérieur et justement se reconnecter à ses émotions, à connaître les différentes approches psychothérapeutiques. Et mon dernier pilier, par contre, diffère de la... détoxification mais rejoint quand même toutes les médecines complémentaires. Ne le prenez pas mal, mais moi j'appelle ça le pilier placebo, c'est-à-dire c'est finalement aller chercher ailleurs ce que la médecine n'est pas capable de donner. Donc ça ne veut pas dire du tout qu'il y a une inefficacité. On pourrait faire un forum entier sur l'effet placebo qui est un outil absolument merveilleux. Mais voyez, donc effectivement, je pense qu'en tant que médecin, psychiatre, neurologue, médecin généraliste, toutes spécialités confondues, on se pose régulièrement ces questions.

  • Speaker #4

    On va laisser la parole à la salle pour les questions.

  • Speaker #5

    Merci beaucoup. J'ai une question à poser peut-être à vous tous les trois. On a parlé du potentiel, on a parlé de la résilience. Et ce que je vois dans mes patients moi-même, c'est des patients qui cherchent des pathologies psychiatriques. Il y a 20 ans, on ne voulait surtout pas être estampillé, avoir une pathologie psychiatrique. Aujourd'hui, je vois même des patients qui font des tests pour savoir si elles n'auraient pas des traits autistiques, par exemple. Ce qui m'a beaucoup surpris. Pour autant, j'ai quand même le sentiment, le bien-être, il ne peut pas être en permanence. Il n'est pas une... comme le bonheur, il n'y a pas ce côté... Or, c'est ce qu'on essaye de nous enseigner quand même. Et que ces moments de difficulté aussi, elles sont utiles, en fait. C'est un peu comme des obstacles qui nous permettent aussi d'avancer. Donc, quand on dit, quand ça ne va pas, il faut aller voir quelqu'un, est-ce que c'est vraiment absolument... Alors, pas une injonction, mais disons, est-ce que ces moments, un petit peu comme les moments d'ennui, permettent aussi de... La créativité, ces moments de difficulté permettent aussi d'avancer dans notre vie. Et ça fait aussi partie du bien-être ?

  • Speaker #2

    Oui, je suis tout à fait d'accord avec ce que vous dites. Il est normal de souffrir. La vie est constituée de souffrances. On peut le dire de plein de façons différentes. Et peut-être ceux qui ont les philosophies stoïciennes, bouddhistes... Très bien, beaucoup mieux que ce que je pourrais dire, expliquer ça. C'est une forme de respiration, effectivement. Sur l'autre question, la première question qui était la recherche de diagnostics, je pense qu'il y a plusieurs explications possibles. Dans ce contexte d'injonction, on veut des explications et en fait c'est très aidant d'avoir une explication sur pourquoi je souffre, et surtout quand je souffre, de façon permanente, durable. Donc ça fait aussi sens. Il y a peut-être une autre explication qui pourrait être aussi en lien avec la recherche peut-être d'identité. Nos sociétés nous donnent aussi une espèce de potentialité absolue, deviens qui tu es. Et si avant on était né ici et fils de forgeron, on était... On restait là, on devenait forgeron. Aujourd'hui, on dit fais ce que tu veux, ce que tu peux faire, réalise ton potentiel. Et donc, parfois, on a besoin de jalons. Et parfois, je pense que les diagnostics aident à ça. Aident, parfois biaisent. Mais bon, voilà, c'est des questions très vastes. Mais c'est deux pistes que je pourrais donner, en fait.

  • Speaker #1

    Merci. Question passionnante. Et effectivement, pour rebondir sur ce que Raphaël vient de dire. Effectivement, il y a quelque chose de surprenant sur une série de catégories aujourd'hui, que ce soit la bipolarité, que ce soit l'autisme qui devient l'autisme de haut niveau, que ce soit le TDAH qui peut devenir l'hypersensibilité, que ce soit, on en a parlé tout à l'heure, la schizophrénie qui peut devenir le phénomène d'entente de voix. On assiste à des formes de réappropriation des étiquettes qui mobilisent ce qu'on pourrait appeler une inversion du stigmate. Et là, pour moi, comme sociologue, il y a un truc très intéressant, c'est-à-dire que les personnes ne se contentent pas de dire alors arrêtez de m'appeler schizophrène, je suis comme tout le monde Elles ne disent pas ça. Elles disent arrêtez de m'appeler schizophrène, mais continuez à repérer ce qui est ma spécificité, mais je vous oblige à la lire autrement Et donc, ça non seulement permet aux personnes, dans la lignée de ce qui vient d'être dit ici, de se construire, une identité, même si cette identité est basée dans des éléments de souffrance, mais aussi d'attribuer les responsabilités de cette souffrance. Parce qu'on est en train de passer, ou on est déjà passé selon les pays, de ce qu'on appelle un modèle médical de la différence ou du handicap, c'est-à-dire un modèle dans lequel la différence, c'est une caractéristique de la personne, à ce qu'on va plutôt appeler un modèle social du handicap. Et dans ce modèle social, ce qui vous handicape, ce ne sont pas vos caractéristiques propres, c'est le fait que l'environnement dans lequel vous évoluez est inadapté à votre singularité. Et donc, dire que j'ai des spécificités, je suis hypersensible, etc., non seulement ça me permet de me positionner, de faire d'une faiblesse une force, mais aussi de dire que les conditions pour... passer de ce statut d'handicapé, si je puis dire, à ce statut de personne particulière, elles dépendent de la capacité de la société à me reconnaître. Et donc, ça transforme ce qui était auparavant un critère d'exclusion en, je dirais, potentielle arme de combat que je peux mener avec éventuellement d'autres personnes avec qui je vais constituer une association, etc. Donc là, sociologiquement, il y a vraiment quelque chose de très intéressant.

  • Speaker #0

    Une question dans le public.

  • Speaker #6

    Oui, bonsoir. Je vous remercie d'abord pour vos interventions, c'était très intéressant. Ensuite, en ce qui me concerne, j'ai observé que le gluten et le sucre, c'était mauvais pour moi. Donc je l'ai bien identifié. Mais par contre, j'ai un problème, c'est que j'ai beaucoup de difficultés à maintenir l'hygiène de vie, enfin l'éviction du gluten et du sucre, parce que dans nos sociétés, on a des sollicités. des sollicitations partout. Il suffit de sortir à Place Clébert, là vous avez une boulangerie. Et donc moi, j'ai des difficultés à continuer ce régime d'éviction. Parfois, j'arrive à tenir trois semaines, mais au bout d'un moment, je craque. Et donc je voulais savoir si vous aviez des méthodes pour changer les habitudes durablement. Donc ça, c'était ma première question. Et ma deuxième question, c'est par rapport au jeûne thérapeutique. Je voudrais avoir votre avis, notamment madame qui est naturopathe. Que pensez-vous du jeûne thérapeutique, notamment si personne sur YouTube qui explique jeûner pendant parfois 30 jours. Est-ce que vous avez un avis là-dessus ? Voilà, je vous remercie.

  • Speaker #3

    Merci pour vos questions. Je vais commencer par le premier point sur le sans gluten et le sans produits laitiers. Donc oui, effectivement, ce n'est pas simple. Quand on doit sociabiliser, quand on doit sortir, ça peut être assez compliqué. Alors déjà, bravo pour le choix que vous avez fait. Vous avez identifié quelque chose qui ne marche pas pour vous et vous avez pris une décision, c'est de changer. Donc déjà, bravo pour ça. Alors l'idéal effectivement c'est de maintenir cette restriction le plus possible, surtout si ça vous fait du mal. Et puis après c'est plus une question d'organisation, c'est-à-dire que quand vous êtes chez vous et que vous avez la main sur la cuisine, vous pouvez effectivement éviter tout ce qui est à base de gluten et de produits laitiers. Après là où c'est un peu plus compliqué c'est quand vous sortez. En général moi ce que je conseille aux gens, je leur dis soit de vous manger avant la soirée, et... Comme ça, ça permet d'arriver à la soirée et puis de ne pas avoir à gérer ce problème pendant la soirée. Ou bien il faut vous accorder avec la personne qui vous reçoit pour voir s'il y a quelque chose, si elle peut préparer un repas spécifique pour vous, quitte à ce que vous vous ramenez votre repas. Mais c'est vrai qu'aujourd'hui, quand on sort au restaurant, tout dépend du restaurant. Alors il faut éviter les restaurants italiens, mais dans un bon restaurant français, ça devrait aller.

  • Speaker #0

    Et le jeûne thérapeutique ?

  • Speaker #3

    Et le jeûne thérapeutique, j'y viens tout de suite. Moi, bien sûr, je suis... pour. Je ne suis pas pour parce que je suis naturopathe, je suis surtout pour parce que je suis moi-même une jeuneuse depuis 25 ans. Et effectivement, le jeûne, il permet de réveiller les forces d'autoguerrison parce que comme le système digestif est complètement mis au repos, cette énergie va être mise au service de la guérison. Et donc, quand on jeûne, effectivement, on peut réparer ce qui ne va pas à l'intérieur de soi. Là où je mets juste une alerte, Pas tout seul chez soi à la maison au-delà de deux jours. Donc, si on fait deux jours chez soi, ça peut fonctionner. C'est déjà un début. Mais ne jamais, jamais se lancer dans des jeûnes de sept jours minimum, seul chez soi à la maison et vraiment d'être encadré.

  • Speaker #0

    Et un jeûne de 30 jours, généralement, après 30 jours, on ne souffre plus rien. Il ne se passe plus rien au bout de 30 jours. Non, mais juste au-delà de ça, c'est vrai qu'il y a le jeûne intermittent, sauter un repas, il y a le jeûne d'une journée. Mais en tant que médecin, on met aussi des alertes. Je ne vais pas vous raconter, mais j'ai au moins trois histoires de patients qui ont fini en réanimation pour des carences graves sur des jeunes, notamment des jeunes cétosiques, etc. Donc, je pense que c'est important de ne pas aller recueillir uniquement son information chez des youtubeurs, parce que malheureusement, ils n'ont pas forcément de formation. Et parfois pire, en fait, ils ne font que relayer une méthode qui ne leur appartient pas, mais qui leur permet... de financer certaines activités. Donc là aussi, il faut quand même rester très, très, très, très vigilant. Quand c'est des choses de bon sens, je pense qu'il y a assez peu de problèmes. Jeûner une journée, je pense que ce n'est pas très dangereux. Mais jeûner 30 jours, ce n'est pas que c'est dangereux, c'est radical.

  • Speaker #7

    Bonjour, merci d'avoir posé le constat que l'accès au bien-être n'est pas égal dans la société. C'est vrai que ce qui me gêne un peu, c'est... Le fait que les consultations sont chères, pas remboursées, il faut d'abord avoir accès à la connaissance de ce qui peut se faire. Je voulais savoir comment vous, en tant que soignant, vous militez pour un accès plus égal au bien-être de la société ? Par exemple, remboursement des consultations de naturopathie, accès au bien-être, pas seulement pour les personnes privilégiées. Merci.

  • Speaker #3

    Je vais commencer. Il y a beaucoup d'associations de naturopathes qui se sont créées. On essaye vraiment de tous s'unir pour pouvoir avoir notre propre label et pour pouvoir avoir une reconnaissance de nos pratiques. C'est compliqué parce qu'à partir du moment où ce n'est pas réglementé, c'est un champ qui est aussi ouvert à différentes pratiques qui ne fonctionnent pas toujours. C'est pas simple mais on y travaille beaucoup. Alors après effectivement comment la rendre accessible ? Il y a plein de façons aujourd'hui de communiquer sur la thématique du bien-être. Il y a l'écriture, il y a effectivement tous les contenus qu'on peut réaliser sur les réseaux sociaux ou via la télé. Ça c'est des choses en général qui sont soit gratuites, qui ne coûtent pas très cher le prix d'un livre. Après effectivement pour rebondir sur ce que Aurélien disait avant par rapport aux jeunes, je pense que c'est important aussi. Je pense que ce qui est important c'est de trouver des vraies sources d'inspiration, de personnes qui vous inspirent, confiance déjà, et de ne pas tout prendre et de ne pas tout écouter, parce que tout n'est pas toujours bon à prendre sur les plateformes gratuites, même si c'est très bien. Donc peut-être faire un petit travail en préambule pour trouver les bons thérapeutes qui vous inspirent et voir comment être en lien avec cet espace de connaissances.

  • Speaker #0

    Sébastien, est-ce que tu voulais rajouter quelque chose ?

  • Speaker #2

    Oui, alors l'accès aux soins de santé mentale, c'est une vaste question. C'est vrai que c'est extrêmement compliqué aujourd'hui de trouver un rendez-vous. En termes de psychiatrie, par exemple, Strasbourg est particulièrement bien fourni en psychiatre. par rapport à la moyenne des villes françaises, même de taille similaire, et pourtant c'est difficile. Je pense qu'il n'y a peut-être pas une optimisation de l'utilisation des ressources, c'est une première question, mais on pourrait aller très loin, et c'est un sujet qui dépasse un peu le thème de la table ronde.

  • Speaker #0

    Après, il y a aussi des choses qui changent doucement, des résistances, des habitudes. Je ne pourrais pas aller plus dans le détail, mais je pense qu'en France, on n'est pas les plus mal lotis en termes d'accès aux soins. Je vous le dis, même si c'est dans des pays où on a l'impression que beaucoup de choses sont beaucoup plus avancées, c'est bien pire. Donc, on n'est pas les plus mal lotis, mais évidemment, il y a des choses à améliorer, mais peut-être aussi dans la meilleure orientation vers les bonnes personnes.

  • Speaker #1

    On va prendre encore les trois dernières interventions.

  • Speaker #2

    Oui. Bonjour, merci en tout cas pour vos interventions. J'ai deux questions qui seront courtes. La première pour le docteur Marquis au niveau sociologie. Comment expliquez-vous l'accélération de l'injonction au bien-être chez les jeunes, notamment par le biais des créateurs de contenu et autres influenceurs qui vont pousser les jeunes à aller mieux pour des raisons qui m'échappent personnellement ? Et une deuxième question également aussi, par contre, pour le docteur Weibel. On a eu un rapport en 2024 des services gouvernementaux qui a listé l'ensemble des pathologies mentales, mais il n'y figure pas le trouble de la personnalité borderline. J'aurais voulu savoir pourquoi, encore en 2024 et en France, un tel trouble de la personnalité n'est pas encore reconnu au niveau national.

  • Speaker #3

    Merci beaucoup pour votre question absolument essentielle. Je vais tenter une réponse courte. Je pense que ça témoigne de la pression immense qui pèse sur les épaules de tout un chacun, et des jeunes en particulier, dans une société dans laquelle, encore une fois, il y a ce présupposé démocratique selon lequel toutes et tous nous avons ce potentiel en nous, mais que c'est à nous de le trouver. Et combiné à cette pression se retrouve, je pense... La représentation qui correspond à une certaine réalité, représentation selon laquelle l'ascenseur social classique, traditionnel, il est un peu cassé. Aujourd'hui, dans le monde dans lequel on est, c'est compliqué de se dire que faire 5, 6, 7 ans d'études supérieures, c'est un investissement qui va de toute façon payer parce que le monde change très très vite. Et donc je pense qu'il y a cette idée, cette idéologie, voire ce fantasme de pouvoir éventuellement court-circuiter ce parcours long par le fait. d'identifier et puis de développer ce qui nous fait nous-mêmes comme individus et qu'on va pouvoir constituer en capital pour, par exemple à travers de la création de contenu, etc., se faire une place dans la société. Mais à mon sens, en amont, ce dont ça témoigne, c'est de cette fameuse pression au bien-être dont on parlait au début.

  • Speaker #1

    Sébastien ?

  • Speaker #0

    Oui, sur la liste des pathologies mentales, je ne suis pas très sûr de savoir quel rapport vous faites référence, mais... Le trouble de la personnalité borderline existe dans les classifications internationales. Alors, qu'est-ce que c'est ? C'est un trouble caractérisé par une dysrégulation des émotions, des difficultés dans les relations persistantes et souvent un désespoir chronique, des idées suicidaires. Et il est vrai qu'en France, il y a beaucoup de retard et une très mauvaise prise en charge. Alors, je pense qu'à Strasbourg, on n'est pas les plus mauvais parce que c'est un sujet sur lequel on travaille beaucoup. Mais il y a peut-être une raison qui est d'ordre la responsabilité des médecins qui ne sont jamais trop intéressés au sujet parce que ce n'est pas un... Une problématique qui se règle avec des médicaments, simplement. Ça a été souvent mis un peu de côté. Une très mauvaise compréhension des mécanismes sous-jacents. Mais je pense que les choses changent et je vois ça chez les jeunes médecins, chez les jeunes psychiatres, dans les congrès. C'est un sujet qui est de plus en plus abordé et largement.

  • Speaker #1

    On va maintenant cumuler les deux dernières questions d'un seul coup et je laisserai ensuite la parole à chacun pour aussi dire le mot de la fin.

  • Speaker #4

    Bonsoir, merci pour votre... Vos interventions, c'était vraiment très intéressant. Alors moi, c'est plus un témoignage qu'une question. En qualité de naturopathe, je pense que je ne vais pas me faire que des amis, mais je trouve qu'il y a une urgence à créer des ponts forts entre la médecine moderne et la naturopathie aujourd'hui, parce que le fait de la rejeter, de la stigmatiser, et peut-être parfois de la railler... ouvre des portes un petit peu à toutes les fenêtres parce qu'aujourd'hui il y a énormément de formations qui ne sont plus sérieuses et on voit des naturopathes qui font un peu tout et n'importe quoi et je pense que c'est de notre responsabilité en tant que naturopathe quand on travaille bien de le pointer du doigt aussi il y a des gens qui sortent d'école et je suis désolé de le dire qui sont dangereux parce que ils vont avoir des discours qui vont parfois renforcer par des biais cognitifs de confirmation etc l'isolement de certaines personnes dans des croyances et qui vont pouvoir renforcer parfois certains troubles mentaux de personnes borderline ou psychotiques. Et aussi en formation, même dans les plus sérieuses, on n'est pas forcément très bien formé aux liens thérapeutiques et aux discours qu'on peut avoir avec certaines personnes qui vont justement parfois augmenter les troubles de certaines personnes et encore plus, et comme j'ai pu l'entendre, les personnes qui vont avoir des discours. parfois dangereux sur YouTube ou etc. Et YouTube n'est pas qu'une source d'information. Il faut vraiment faire attention à ça. Voilà, donc c'était l'urgence de créer des ponts parce qu'aujourd'hui, en plus renforcés par les réseaux sociaux comme on en a parlé, il y a cette forme d'injonction au bonheur et je trouve que c'était très bien souligné par Pascal Bruckner dans son livre L'euphorie perpétuelle, un essai sur le devoir du bonheur. Aujourd'hui, les gens... augmentent leur stress à vouloir devenir des êtres parfaits et c'est très complexe. Du coup, je trouve qu'une alliance entre le corps médical et les médecines alternatives est plus qu'urgent et important.

  • Speaker #1

    Merci, on va prendre la deuxième question. On y est.

  • Speaker #4

    Merci.

  • Speaker #5

    Moi je trouve le sujet du bien-être est un sujet fabuleux, passionnant et extrêmement complexe. Et je me pose la question, est-ce que je vais bien ? Parce qu'on n'a pas de définition réelle. Si j'ai une autre pathologie, on me fait une prise de sang, on me dit, voilà, ça c'est trop, c'est ceci, etc. Là c'est une question très complexe. Voilà. D'où ma question, c'est de dire, est-ce que l'environnement dans lequel on se trouve, que ce soit l'environnement familial qui soit perturbé, l'environnement social, économique, national, international, est-ce que lui aussi ne rend pas ce malaise un peu plus fort qu'il est en réalité ? Et puis un point qui a été évoqué, qui est pour moi très important, on est soi-même son médecin. Parce qu'aujourd'hui encore, aller voir le psy, si on en parle autour de soi, on se dit, il est un peu fou. On va voir les médecins ou la médecine un peu parallèle, ou alors les compléments, mais je ne sais pas trop bien. Et donc, comme je ne sais pas, finalement, je me sens mal. Et comme je me sens mal, je me complais. Comment pourrait-on activer ce médecin personnel pour prendre soin de soi-même et d'en sortir ?

  • Speaker #1

    Merci, je vais vous laisser la parole. Libre à vous d'y répondre ou de finir sur un mot de la fin. Et puis, on commence par vous, Nicolas Marquis.

  • Speaker #3

    Merci beaucoup. Je ne sais pas si vous allez bien, monsieur, mais je ne sais pas si je vais très bien non plus. Je ne vais pas vraiment pouvoir vous aider. Simplement, je dirais que je conclurai là-dessus. Moi, il me semble que dans ma perspective, encore une fois, de sociologue, quand je regarde avec des lunettes, si vous voulez, assez distantes, Ce qu'on considère aujourd'hui comme l'aller bien, que ce soit dans les pratiques de soins ou ailleurs, je dirais qu'il y a trois critères qui me sautent aux yeux. Être bien, c'est d'abord être soi, c'est-à-dire ne pas avoir des idées trop délirantes, savoir ce qu'on veut, etc. C'est être actif plutôt qu'être passif, ça veut dire savoir se mouvoir, savoir réaliser des choses. Et c'est enfin être, entre guillemets, correctement socialisé, c'est-à-dire n'être ni exclu. ni complètement collés à un environnement social qu'on arrive à tenir à bonne distance. Alors je ne dis pas que ce sont des bons critères, je dis simplement que j'ai l'impression que ce sont les critères qui aujourd'hui sont les plus souvent mobilisés et qui bien sûr doivent être sujets à discussion parce que comme tous, ce sont des critères normatifs.

  • Speaker #0

    Dans les études internationales, il y a beaucoup d'études qui ont été faites sur le bonheur. Et finalement, les chercheurs sont tous d'accord que la meilleure mesure, c'est de dire entre 0 et 10, vous vous situez où par rapport à votre bien-être. Ça reste le thermomètre finalement très simple et finalement le meilleur. Et en fait, les Français, on n'est vraiment pas très bons. Je peux vous dire qu'on est plutôt en bas de la perception de son propre bien-être. Les Belges, je ne sais pas. Les Danois, c'est beaucoup plus haut. Mais après être déménagé au Danemark, je ne suis pas sûr que ça marche tout de suite. Donc... Voilà, donc je pense qu'il y a une forme, effectivement, de comparaison qui est toujours... D'ailleurs, les réseaux sociaux sont une source de problèmes par rapport à ça, parce qu'on se compare à quoi ? C'est quoi la référence ? C'est ce que j'ai vu du petit bout du monde. Voilà, donc comment chacun va ? Je crois que c'est une question vaste et je ne saurais pas y répondre comme ça. Et peut-être c'est... Aussi observer à chaque instant, je pense que c'est aussi la sagesse de dire Ok, j'arrête de regarder trop loin, j'arrête de regarder à côté et je regarde aussi là, qu'est-ce qu'il y a maintenant ? Je respire, je ressens les choses, je vais dans la nature et je suis assez d'accord, je vais toucher un arbre. Un psychiatre peut faire ce genre de conseils aussi. Voilà, pour sentir qu'est-ce qu'il y a là maintenant. Et peut-être ça aide pour se sentir mieux sans avoir des exigences trop rigides.

  • Speaker #1

    Esther, le mot de la fin ?

  • Speaker #6

    Le mot de la fin, en fait, je n'avais pas prévu de mot de la fin, mais il y a un terme qui est arrivé dans ma tête et que je voulais juste vous partager. En fait, c'est Pierre Rabhi qui parlait de sobriété heureuse. Et en fait, parfois, juste quand on se demande si on va bien, c'est juste simplement d'apprécier dans l'instant présent ce qui va bien. Et parfois, c'est des petites choses de la vie. Et ce que je voudrais juste dire pour finir, c'est qu'en fait, on n'a pas toujours la maîtrise. de tout ce qui change autour de nous, mais on a toujours la maîtrise de changer qui on est à l'intérieur. Et je crois que le meilleur conseil que je peux vous donner, c'est amusez-vous. Amusez-vous, soyez joyeux, amusez-vous, ça c'est une belle injonction quand même.

  • Speaker #1

    Alors, merci pour vos interventions. Ce n'était pas simple de se prêter à la question et au jeu du bien-être, mais je pense que vous l'avez fait avec succès. donc merci beaucoup alors

  • Speaker #3

    Nous allons terminer notre forum en toute logique par la prochaine table ronde qui s'intitule le passage à l'acte.

  • Speaker #6

    On vous retrouve dans quelques minutes pour cette dernière table ronde.

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Description

Forum européen de Bioéthique 2025 : Santé mentale & Bioéthique


Le bien-être en question


Soyez cool, soyez zen ! Mangez sainement, faites du sport ou du Yoga ! Ça ne suffit pas ? Prenez des compléments alimentaires, faites un régime ou méditez. Et si ça ne va pas mieux, qu’à cela ne tienne, utilisez des antidépresseurs ou des anxiolytiques !

Le bien-être se conjugue souvent à l’impératif. Mais comment pouvons-nous garantir des pratiques efficaces et éthiquement responsables ?


Avec :


Nicolas Marquis, Professeur de sociologie à l'UCLouvain Saint-Louis Bruxelles, ERC Starting grantee


Esther Schmitt, Naturopathe, Auteure publiée, Consultante entreprises


Sebastien Weibel, Psychiatre, Praticien Hospitalier aux Hopitaux Universitaires de Strasbourg, Chercheur associé (PhD-HDR), Inserm STEP (Strasbourg Translational nEuroscience & Psychiatry)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans cette salle de l'Aubette, mais également derrière vos écrans sur le site du Forum européen de bioéthique pour discuter d'un sujet peut-être plus optimiste que les précédents, le bien-être en question. Et pour modérer cette table ronde,

  • Speaker #1

    je passe la parole à Aurélien Benoît-Lide. Merci. Oui, peut-être plus apaisé, mais en même temps, c'est le bien-être en question. J'espère que vous sortirez d'ici effectivement apaisés pour ce samedi après-midi. Le bien-être est un concept somme toute assez difficile à cerner, dont les contours sont flous et que l'on décline de différentes manières. Alors il y a le bien-être complet, sorte de béatitude zen, qui serait une approche du nirvana dans lequel tous les aspects de la vie seraient équilibrés et joyeux. Il y a le bien-être physique, alors là on est plutôt dans des aspects de massage, de confort on va dire. Puis le bien se définit encore ou s'associe à d'autres termes, c'est la bienveillance, on parle beaucoup de bienveillance, que ce soit une bienveillance éducationnelle, une bienveillance au travail. Il y a le bien vieillir aussi, le bien manger, le bien penser, jusqu'à la bien-pensance. Finalement le bien s'accoutume beaucoup de... de beaucoup de suffixes dans lesquels parfois on peut voir une sorte d'injonction. Mais le bien-être, en tout cas pour la philosophie, n'a pas franchement ses lettres de noblesse. On lui préfère parfois d'autres concepts, la liberté, la résilience, le devoir. Le bien-être apparaît somme toute comme quelque chose d'assez ordinaire, parfois même un peu médiocre. D'ailleurs, on ne parle pas de santé animale, on parle de bien-être animal. Pour la médecine, c'est un peu la même chose. Malgré la définition très large de l'Organisation mondiale de la santé, qui définit la santé comme un état de complet bien-être physique, mental et social, il s'avère que pour la médecine, le bien-être n'est pas forcément un aboutissement ou la mire absolue. Ça n'a qu'une importance assez relative. D'ailleurs, dans les études de médecine, on ne parle pas souvent de bien-être. On parle beaucoup de pathologie, on apprend la maladie, on apprend la physiologie, on apprend ce qui semble être l'invariable chez les patientes et les patients que l'on va rencontrer, mais pas tellement cet aspect très subjectif qu'on appelle effectivement le bien-être. En bioéthique, me direz-vous, là aussi, le bien-être n'est pas une notion qui a beaucoup la cote. J'en veux pour preuve la vie 147 du CCNE qui a été rendue... Il y a quelques jours, et dont on a déjà pas mal parlé ici, la vie 147 qui s'est posée la question de la santé mentale, en se disant de quoi est-ce qu'on va parler dans la santé mentale ? Parce que si on parle de santé mentale, alors effectivement, on va se confronter à cette notion un peu inattrapable qu'est le bien-être. Et donc finalement, on va réduire la question non pas à la santé mentale, mais à la psychiatrie, parce que la psychiatrie, on sait un peu mieux ce que c'est. Et pour les médecins, la psychiatrie, c'est aussi... un enchevêtrement de pathologies, de physiopathologies plus ou moins complexes. Donc finalement, le bien-être est un peu à la lisière, c'est un peu une sorte de territoire perdu ou abandonné par la médecine, par la bioéthique, par la science de manière générale. Pourtant, force est de constater qu'aujourd'hui, le bien-être ou la recherche du bien-être est un absolu et quelque chose qu'on retrouve dans toutes les dimensions de la société. C'est presque encore plus important que d'éviter le mal-être. Le bien-être est vraiment quelque chose à atteindre, avec une impression tantôt d'utopie, que ce serait vraiment extraordinaire d'avoir le bien-être, puis avec tantôt cet arrière-goût dystopique, où on verrait tout le monde avec un sourire béat, qui serait content de ce qui se passe, presque comme s'il y avait une forme de docilité vis-à-vis de la vie. Moi, à titre personnel, en tant que médecin et neurologue, J'observe aussi ça auprès de mes patients. C'est une préoccupation qui est très importante. Et je me rends compte, et ça je suis obligé de m'en rendre compte, c'est que finalement aujourd'hui soigner n'est plus toujours suffisant. On dispose d'une médecine qui est capable de faire des prouesses inimaginables, mais pour autant les gens ne sont pas toujours satisfaits parce qu'on ne répond pas à cette question. Peut-être que c'est cette question du bien-être. En tout cas, moi j'ai l'impression qu'on nous demande, à nous en tant que médecins aussi, de... nous impliquer dans le bien-être de mes patients. Et j'ai l'impression qu'ils n'ont pas forcément tort, mais ça sera probablement des choses dont on va discuter ensemble. Et puis, comme la médecine ne s'en préoccupe pas, mais que pour les patients et les patientes, c'est quelque chose de très important. Je dis les patients, mais pour nous tous en réalité. Et bien, comme la médecine ne s'en préoccupe pas, d'autres vont s'en préoccuper. Et parfois avec talent, avec des médecines complémentaires, alternatives, des choses qui vont permettre, et moi je le vois aussi en consultation, d'améliorer. durablement la santé des gens, mais parfois aussi maladroitement et peut-être même parfois aussi dangereusement. Donc c'est dans cette nébuleuse du bien-être que je vous propose de voyager pendant quelques minutes, quelques heures, peut-être pas quelques heures, quelques minutes, ça sera suffisant, pour ne pas non plus se noyer. Et pour ce faire, nous avons réuni autour de la table trois personnes de qualité. qui vont avoir trois angles de vue un peu différents. Il y aura tout d'abord Nicolas Marquis, qui est professeur de sociologie à l'UCL Louvain, Saint-Louis-Bruxelles. Il y aura également Esther Schmitt, qui est naturopathe, auteur publié, que l'on entend assez régulièrement sur France 3. En tout cas, c'est comme ça aussi que nous nous sommes rencontrés. Et Sébastien Weibel, qui est psychiatre, praticien hospitalier des hôpitaux universitaires de Strasbourg, chercheur associé. Donc, je vais tout d'abord donner la parole à Nicolas Marquis. Vous avez été auteur de livres sur le changement personnel. Vous avez travaillé le concept de développement personnel, de coaching, de discours de bien-être, mais aussi de la question du handicap. On vous laisse la parole.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. Tout d'abord, merci beaucoup à l'organisation de ce bel événement de m'avoir convié. Et puisque vous avez eu le courage, l'audace de convient un sociologue un samedi après-midi, qui plus est un sociologue belge, il faut peut-être que je vous dise un petit peu qu'est-ce que c'est étudier le bien-être comme un sociologue. Ou pour le formuler autrement, qu'est-ce que c'est prendre au sérieux cette catégorie du bien-être ? En quoi et de quoi cela nous parle-t-il du point de vue de la société dans laquelle nous nous trouvons ? Et pourquoi cette importance que nous lui donnons aujourd'hui ? Pour répondre à cette question de savoir c'est quoi étudier le bien-être comme sociologue, j'aimerais avec vous partir de quelque chose que tu as déjà très bien dit Aurélien, qui est cette ambivalence que toutes et tous, je pense, nous pouvons ressentir à l'égard de cette catégorie de bien-être. C'est-à-dire que d'un côté, assez clairement, le bien-être, c'est une valeur absolument évidente. C'est quelque chose auquel on tient, toutes et tous. C'est quelque chose. que l'on va considérer comme étant un droit. C'est quelque chose auquel on associe la vie bonne, la vie qui vaut la peine d'être vécue. Tu l'as dit également, du point de vue de l'OMS, il y a une équation entre bien-être et santé mentale. La santé mentale est un état de bien-être complet. Et puis le bien-être, dans le domaine des soins, c'est un horizon éthique extrêmement important. Est-ce que vous connaissez une personne qui est un soignant ou une soignante que vous considérez comme un bon soignant ? ou comme une bonne soignante, et qui ne se préoccuperait pas du bien-être de ses patients, de ses clients, etc. Donc d'un côté, on y tient, et on y tient authentiquement. Mais d'un autre côté, le bien-être, c'est aussi quelque chose dont on se méfie intuitivement.

  • Speaker #1

    Pourquoi ?

  • Speaker #0

    Eh bien parce qu'on le voit comme une norme. Directement, il y a quelque chose de l'ordre du fait qui est associé. C'est quelque chose en toque, c'est quelque chose d'artificiel. Le bien-être, il a toujours ce risque d'être frelaté. Pourquoi ? Parce qu'il nous serait éventuellement imposé de l'extérieur. On nous dit qu'il faut être bien. Le bien-être se conjugue à l'impératif. Cessez d'être gentil, soyez vrai. Vous connaissez toutes ces petites phrases. Et je pense que le petit texte rédigé à l'entame de cette table ronde qui nous réunit aujourd'hui, ça témoigne bien de cette ambivalence. Le bien-être est là. C'est important et en même temps il faut qu'on s'en méfie parce qu'il pourrait y en avoir une série de conséquences négatives sur les individus, sur la société, etc. Donc pour moi comme sociologue, l'importance que prend le bien-être aujourd'hui... Je la prends vraiment, non pas pour donner des bons et des mauvais points, mais comme porte d'entrée vers des tensions absolument centrales des sociétés dans lesquelles on se trouve. Et des tensions que toutes et tous, on peut ressentir. Premièrement, et puis cette table ronde sur le bien-être arrive après une autre table ronde sur la santé mentale des enfants, où il y a des choses extrêmement difficiles qui ont été dites. Est-ce qu'il n'y a pas un paradoxe à être dans une époque où on parle de bien-être comme sans doute jamais avant ? Alors que ce bien-être, il est peut-être là bien moins qu'avant. Est-ce qu'il n'y a pas un autre paradoxe dans cette société du bien-être, mais qui valoriserait un faux bien-être ? A se dire peut-être que si moi je me sens en bien-être, mais en vertu de critères qui sont ceux de cette société du faux bien-être, est-ce que mon bien-être est un vrai bien-être ? Autrement dit, est-ce que pour être bien, je ne devrais pas aller mal, si vous voulez ? Il y a cette fameuse phrase que beaucoup d'adeptes du bien-être citent de Christian Mourti, je cite de mémoire que c'est pas un signe de santé mentale que d'être adapté à une société qui va pas bien. Bon, voilà, et donc on est dans ces contradictions. Et puis finalement, bien-être, qui peut me dire c'est quoi mon bien-être, en quelque sorte ? Mais si personne ne peut me le dire, est-ce que moi je serais capable de trouver un langage propre ? Le philosophe Wittgenstein avait bien montré que le langage privé c'est quelque chose d'impossible. Donc voilà, il y a toute cette tension de savoir... Qui peut parler de bien-être ? Qui peut parler de bien-être pour qui ? Et c'est évidemment une tension sur laquelle on reviendra, parce que dans le domaine des soins, elle est absolument fondamentale. Donc, je dirais que d'un point de vue sociologique, si on me demande d'étudier ce que j'ai fait, le langage du bien-être comme sociologue, eh bien j'aurais tendance à l'étudier exactement comme d'autres sociologues ou d'autres anthropologues très malins, très intelligents, ont regardé par exemple la sorcellerie. dans d'autres sociétés. C'est-à-dire que le bien-être, la sorcellerie, la religion, ce sont des ressources culturelles. Ce sont des langages qui sont à notre disposition, avec lesquels nous grandissons, et que nous utilisons pour nous dire des choses les uns les autres, que nous utilisons pour nous dire des choses à nous-mêmes, pour nous dire les uns les autres qui on est. Est-ce qu'on est quelqu'un de bien ? Est-ce qu'on est quelqu'un, au contraire, qui a une vie pas trop réussie ? Ce sont des langages qu'on utilise pour s'expliquer nos malheurs, pour s'expliquer nos responsabilités dans le malheur. En bref, ça nous sert au quotidien, ce langage du bien-être. Alors, je vous l'ai dit, des langages ressources culturelles, toutes les sociétés en développent. Celui du bien-être qui nous occupe aujourd'hui, c'est un langage qui est particulièrement adapté à un certain type de société, c'est-à-dire qu'il n'est pas apparu comme ça. Si on utilisait notre langage dans d'autres lieux, ou dans d'autres temps, les Gaulois, les Grecs anciens, etc. Je ne suis pas sûr qu'ils nous regarderaient comme si on était tout à fait sains d'esprit. Notre langage du bien-être aujourd'hui, il est adapté à des sociétés qu'avec des collègues, notamment Alain Ehrenberg, nous appelons les sociétés individualistes. Alors les sociétés individualistes, ce n'est pas un jugement moral. Ce ne sont pas des sociétés qui seraient caractérisées par un égoïsme crasse où il n'y aurait plus que du chacun pour soi. Bien sûr, on peut trouver qu'il y a ça aussi. Mais sociologiquement, une société individualiste, c'est une société qui précisément a comme caractéristique de valoriser l'individu et son autonomie au-delà de la façon dont elle valorise le groupe. C'est une société dans laquelle chaque individu est au moins, je dirais théoriquement, doté d'une autonomie de principe. Et cette autonomie... Dans nos sociétés individualistes, on a tendance à la loger dans quelque chose qu'on a creusé au fil des derniers siècles, qui est notre intériorité. Il y a vraiment cette idée qui, en réalité, dans l'histoire de l'humanité, n'est pas très ancienne. Alors bien sûr, tous les individus de tous les peuples ont sans doute réussi à dire je à se faire sujet d'action. Mais ce qui nous différencie, si vous voulez, c'est l'investissement de ce quelque chose qui se logerait à l'intérieur de nous. Cette intériorité est qu'on considérait comme ressource de sens, comme ressource de puissance, et comme diapason à l'aune duquel on doit mesurer la qualité de notre vie. Donc voilà, c'est ça ce premier point qui nous différencie comme société, c'est cet investissement du bien-être intérieur. Mais ce n'est pas le seul point qui caractérise les sociétés individualistes. Lorsque le philosophe français Alexis de Tocqueville s'est rendu aux Etats-Unis au milieu ou aux premières parties du 19e siècle, il devait d'abord étudier les prisons. C'est ce qu'il a fait, mais il a aussi trouvé une série d'autres choses intéressantes dans la façon dont la société américaine était organisée à l'époque et qu'il a contrasté avec une société française qui avait peine à sortir de l'ancien régime malgré la révolution. Et ce qu'il a frappé... C'est le point auquel, dans ses propres termes que je paraphrase ici parce que j'ai une assez mauvaise mémoire, aux États-Unis, il y avait cette idée que chaque être humain potentiellement disposait d'un potentiel, d'une perfectibilité quasiment infinie. Là où, dans une société française d'ancien régime, de classe en quelque sorte, vos capacités étaient quelque part indexées sur votre statut de naissance. sur votre éducation et donc était largement plus déterminé. Et il a donc eu cette phrase qui a fait couler beaucoup d'encre, selon laquelle les sociétés démocratiques ont tendance à desserrer peut-être trop, peut-être indéfiniment, les limites de la perfectibilité humaine, là où les sociétés aristocratiques ont tendance à la resserrer. C'est-à-dire que dans les sociétés démocratiques, les sociétés individualistes, il y a cette idée que toutes et tous nous disposons... de ce potentiel, quel que soit notre état. Et je dirais que depuis Tocqueville, se présupposer de l'autonomie individuelle, il n'a fait que voir ses frontières reculer. L'enfant, la personne par exemple en situation de handicap, sont parmi les derniers personnages auxquels, alors heureusement ou pas, ce n'est pas à moi de me prononcer, j'observe cela simplement ici, nous avons enfin appliqué ce principe au même titre. qu'à d'autres personnes. Donc dans cette société des égaux, théoriquement, on est dans un pays qui a écrit ça sur un papier il y a quelques centaines d'années, nous sommes tous théoriquement égaux, mais on sait bien que pratiquement, on est toutes et tous inégaux et inégales. Et donc il y a là une tension qui est quand même très intéressante, qui est que d'une part, chacun peut, et pourtant nous n'arrivons pas à la même chose. Nous n'arrivons pas aux mêmes formes de vie. De ce point de vue, ça nous permet d'indiquer peut-être une des raisons pour lesquelles on se méfie de ce fameux bien-être parce que d'un côté, comme on l'a dit, le bien-être c'est un droit, c'est une possibilité commune, nous sommes tous égaux, même si c'est dans nos infinies différences, mais d'un autre côté, le bien-être c'est aussi un devoir, un attendu. Oui, on l'a dit tout à l'heure, le bien-être c'est une norme sociale. Et si vous voulez le tester, essayez d'aller mal. Alors, vous allez me dire, c'est très facile d'aller mal. Mais essayez d'aller mal et essayez de vous complaire là-dedans. Essayez, comme l'on dit aujourd'hui, d'occuper une position de victimisation. Vous allez voir que ce n'est pas forcément si facile que ça, de renoncer de façon autonome à son autonomie. Oui, il y a bien des attentes sociales qui pèsent sur nos épaules et qui consistent à vouloir nous éloigner du sacrilège. des sociétés individualistes, du sacrilège que représenterait le fait de ne pas explorer l'entièreté de vos capacités, de ne pas explorer l'entièreté de votre potentiel. On en a parlé un petit peu à la table ronde précédente, on est dans un environnement moral qui a beaucoup de mal avec les déterminismes, qui a beaucoup de mal à mettre en mots, en phrases, mettre en explication l'idée d'échec. Ça ne veut pas dire du tout que les déterminismes, les échecs, les souffrances... n'existe pas. Mais on ne sait pas très bien comment prendre cela parce qu'on est quelque part tenu et chapeauté par cette exigence que nous nous imposons selon laquelle les portes ne peuvent pas jamais être totalement fermées. En tant que soignant par exemple il n'est pas normal pourrait-on dire, il n'est pas bien d'abandonner par rapport à tel ou tel patient notamment dans les domaines de la santé mentale que je connais un petit peu en Belgique d'abandonner l'idée que pour cette personne, on peut en espérer un tout petit peu plus. On ne peut pas condamner, on ne peut pas étiqueter. Mais évidemment, si on ne condamne pas, si on laisse tout à chacun les possibilités de se dire qu'un petit peu plus est possible, la question est la suivante. Qui doit travailler pour que ce bien-être advienne ? Eh bien, évidemment, dans cet environnement moral-là, la réponse est assez simple. Si tout le monde peut... Alors chacun doit. C'est-à-dire que de ce présupposé démocratique selon lequel chacun a dans ses différences les capacités d'être plus que ce qu'il n'est à l'heure actuelle, on a là un principe de sens commun d'explication des inégalités. Si tout le monde a la possibilité d'être heureux mais que certains le sont et d'autres pas, et bien ça veut dire que ceux qui ne le sont pas ont à leur charge le fait de mener le combat ou les combats qui s'imposent pour obtenir ce qui théoriquement du moins leur est affublé comme potentiel. J'ai écrit récemment un petit texte sur le documentaire Kaizen, je ne sais pas si ça dit quelque chose à certains d'entre vous, c'est exactement ça que ça raconte. Ça raconte ce conte de fées des temps modernes qui consiste à considérer que rien n'est impossible pour personne Petit astérisque, tant qu'on le veut vraiment Autre petit astérisque, et tant qu'on a les capacités financières de le faire, etc. Ça évidemment c'est autre chose Mais le succès, et notamment auprès des jeunes, de ce type de messages témoigne de l'attrait que nous avons pour ces contes de fées Alors, de ce point de vue là Comme sociologue, moi, les pratiques de bien-être qui sont infinies, et on pourra revenir sur leur spécificité bien sûr tout à l'heure, on a parlé du développement personnel, le petit texte parlait également du yoga, j'étudie pour ma part pour le moment le recours de plus en plus important au psychédélique dans des pratiques de bien-être ou de santé mentale, mais aussi le coaching, la pleine conscience. Qu'est-ce que c'est ? Eh bien sociologiquement, bien sûr que ce sont des façons de s'investir pour s'en aller mieux. Mais je pense qu'il faut aussi les voir comme des instruments de distinction sociale. C'est-à-dire que dans une société des égaux, travailler à votre bien-être, ça vous permet de vous dire à vous-même et ça vous permet de dire à autrui qui vous êtes. Ça vous permet de dire que vous respectez une norme sociale qui est absolument fondamentale et qui est celle qui consiste à dire, comme nous avons tous, un potentiel. Et que ce potentiel est potentiellement infini, il convient de ne jamais se reposer sur ses lauriers. Il convient de ne jamais se laisser tranquille, en quelque sorte. C'est ça la croix, si vous voulez, que nous portons comme individus des sociétés individualistes. C'est donc une pratique et un respect des normes de ces sociétés. Et c'est un mode d'attribution des responsabilités et une explication de pourquoi certains ont et certains n'ont pas. Alors, si je peux prendre encore deux petites minutes. J'en viens maintenant à une question qui est peut-être plus proche de la thématique de la table. Finalement, dans ce contexte-là, que j'ai tenté de brosser ici à trop gros traits, quelles sont les pratiques de bien-être qu'on va avoir tendance à valoriser ? Quand je dis qu'on va avoir tendance à valoriser, c'est-à-dire en tant qu'environnement social, pas chacun individuellement, mais qu'est-ce qui va bien être vu ? Quelles pratiques est-ce qu'on va considérer comme à la fois éthiques, c'est-à-dire respectueuse des individus, et d'autre part, comme efficace. Je pense qu'essentiellement, ce sont des pratiques qui ont certaines caractéristiques. La première, c'est que ce doit être, du point de vue de notre environnement moral, une pratique qui met la personne au centre de la transformation qu'elle dit avoir besoin. dont elle dit avoir besoin pour son existence. Il y a vraiment cette idée qu'aujourd'hui, la bonne intervention sur autrui, ce n'est pas celle qui fait, c'est celle qui fait faire. Faire, faire. C'est l'empowerment. C'est le fait d'être dans cette position d'augmenter les capacités d'un individu à agir sur lui-même. Deuxième caractéristique, ce que j'ai tenté de mettre en lumière dans le cadre des travaux que j'ai pu réaliser à ce sujet, c'est qu'aujourd'hui, ce qui légitime la position de soignant, ou même plus largement la position de personne qui intervient sur autrui, cette légitimité a tendance à changer. C'est-à-dire que c'est de moins en moins les capitaux classiques, le titre de professeur, ou la blouse blanche, ou le fait d'avoir usé vos culottes très longtemps sur les bancs de l'université, etc. Alors bien sûr, ça continue à compter, mais ce qu'on voit du point de vue d'une frange importante de la population, c'est que l'intervention légitime sur moi, je vais l'attribuer en quelque sorte non pas à des experts lointains, mais à des experts du vécu, à des experts proches, c'est-à-dire à des personnes qui ont vécu la même chose que moi et qui peuvent... Faire quelque chose qui aujourd'hui prend une place très importante, c'est le témoignage. Quelqu'un qui est un frère ou une sœur humain ou humaine, qui n'est pas différent de moi, qui n'est pas au-dessus, mais qui est en quelque sorte un tout petit peu en avance sur ce parcours de vie que je connais, par exemple, une séparation difficile, par exemple, tel trouble de l'attention ou tel syndrome, tel que la schizophrénie, qui n'est d'ailleurs plus la schizophrénie mais l'entente de voix, par rapport à laquelle c'est possible d'avoir de la pér-expertise, etc. Donc, vous voyez, il y a cette idée que la bonne intervention sur autrui, Ce n'est pas celle qui se trouve au-dessus, c'est celle qui se trouve à côté, en quelque sorte, qui pratique la maïotique et surtout qui personnalise l'intervention. Il y a, je pense, aujourd'hui, et je terminerai par là, quelque chose qui est de l'ordre d'un esprit anti-institutionnel, c'est-à-dire d'un esprit relativement critique des institutions qui nous pousse à voir dans les institutions Quelque chose, et dans la société de façon générale, quelque chose qui a tendance à nous limiter, à oppresser, à ne pas permettre à nos capacités individuelles de se développer. Aujourd'hui, être soi, on a tendance à l'entendre assez rapidement et automatiquement, comme le fait d'être soi contre les normes sociales, contre une famille, contre un groupe, contre une école qui vous a assigné à une identité. que vous pouvez finalement dépasser. Il y a donc cette idée que la bonne intervention sur autrui, elle devrait se dérouler dans ces pratiques de bien-être en dehors des champs convenus, par exemple, de la psychiatrie, de la faculté, etc. Enfin, cette société qui, comme vous l'avez compris, valorise comme aucune autre la position active. plutôt que d'être passif, d'être victime. Et plus encore le fait d'être actif, d'agir sur soi-même, agir de soi-même et sur soi-même. Je pense qu'on ne peut pas en mesurer ni l'importance, ni le caractère tragique, si on ne prend pas en compte un élément plus global de la situation dans laquelle on se trouve. Et c'est un élément qui est au cœur de notre modernité. C'est-à-dire que la promesse de la modernité, ça a été celle, depuis les Lumières, d'une maîtrise. plus importante par les humains du monde, à condition que les êtres humains utilisent leurs raisons. Une maîtrise à l'extérieur, de la nature, etc. Mais aussi une maîtrise à l'intérieur. Sauf que la réalité de la modernité, ça a été quoi ? Ça a été, et on le vit chaque jour de plus en plus fort, la déprise de plus en plus massive par rapport à des enjeux qui nous dépassent. Des enjeux politiques, des enjeux économiques, des enjeux climatiques, qui font que ce que nous... avec notre cerveau individuellement, avec nos mains, nous pouvons faire, on ne sait pas très bien dans quelle mesure ça compte. Je pense que cet investissement du bien-être et de l'action de soi sur soi, on doit le comprendre aussi à l'aune de ce contexte extrêmement anxiogène, à l'intérieur duquel finalement on n'est pas sûr de savoir si on compte. Ce qu'on est sûr de faire, c'est de pouvoir travailler sur soi-même, avec ses mains et avec ses neurones, au moins ça sera toujours ça de gagné. Je vous remercie.

  • Speaker #1

    C'est parfois reposant quand même d'être passif, peut-être pas d'être victime. Et c'est vrai que cette injonction, cette utopie de soi qui cherche à se dépasser continuellement pour aller vers du mieux, vers du bien. Peut-être, je me dis, ça peut occasionner, si ce n'est de la déprime, tout du moins de la fatigue ou de l'épuisement. Et peut-être même que c'est des choses qu'on pourrait voir apparaître en clinique. Je vais maintenant laisser la parole. A Sébastien Weibel, vous êtes psychiatre, praticien hospitalier au CHU de Strasbourg, chercheur associé à l'Inserm. Vous avez une spécialisation dans les troubles déficitaires de l'attention avec hyperactivité, mais également dans les troubles de l'humeur. Vous proposez en règle générale plutôt des soins basés sur des thérapies validées scientifiquement ou dans un contexte de psychoéducation, des choses qui sont peut-être parfois un peu éloignées aussi de cette notion de bien-être. Je suis ravi de vous écouter.

  • Speaker #0

    Merci, merci de m'avoir invité et de pouvoir parler de ma perspective justement de psychiatre. Et la question pourrait être, faut-il des médecines de la santé mentale et du bien-être ? Parce que si je dois me sentir bien, si je dois être heureux, et si je ne le suis pas, est-ce que je dois consulter ? Et donc, je remercie aussi pour ton introduction Aurélien et cette très intéressante perspective sociologique qui vont finalement complètement se compléter ce que je vais m'inscrire complètement dans cette perspective. Et donc, déjà, qu'est-ce que c'est qu'être un psychiatre ? Un psychiatre, c'est un médecin qui cherche à soigner des troubles qu'on appelle des troubles psychiatriques. C'est très tautologique ce que je dis là, mais en fait, comme tout médecin qui cherche à... améliorer la santé de personnes qui l'ont soit perdu ou bien sont à risque de la perdre. Le travail du psychiatre finalement c'est d'améliorer la santé mentale du coup, on pourrait se dire ça. Mais alors est-ce que quand la santé mentale décline, est-ce que ça veut dire qu'il y a un trouble psychiatrique ? La réponse est en fait un peu plus compliquée, on pourrait vite balayer ça en disant bah non bah non ou bien peut-être oui. Parfois, Il y a un accident génétique ou dans le développement, un dysfonctionnement qui s'ancre dans le fonctionnement du cerveau et on observe des troubles. Ça peut se manifester précocement, je ne sais pas, la déficience intellectuelle ou plus tardivement à l'adolescence, malgré des gènes qui auraient pu favoriser ça, comme dans le trouble bipolaire. Parfois, les choses sont différentes et ce sont les personnes qui ont vécu. des choses radicalement anormales et qui ont une sorte de cicatrisation qui les met dans un fonctionnement qui est en soi pathologique. Alors cicatrisation c'est une métaphore, il n'y a pas de cicatrices dans le cerveau comme ça, comme on aurait sur la peau, mais une forme de switch vers une façon de fonctionner qui n'est plus adaptée malgré la disparition de la blessure. Et ça, c'est le modèle le plus typique, c'est le trouble de stress post-traumatique. J'ai subi une menace extrême et je continue, malgré la disparition de cette menace, à vivre comme si j'étais encore dans une situation de danger. Parfois encore, il peut y avoir une réaction tout à fait normale à une situation qui serait problématique. Est-ce que c'est normal d'être en bonne santé mentale dans une société qui... qui dysfonctionne, voilà, et c'est finalement l'exemple paradigmatique du deuil en fait. Est-ce que je peux dire que j'ai une bonne santé mentale quand je viens de perdre un enfant ? Je pense que c'est... Là on a tous une idée sur cette question-là. Et parfois encore... C'est en fait l'environnement qui ne colle plus avec la façon dont on est fabriqué. De façon simple, notre cerveau a évolué depuis quelques dizaines de milliers d'années, quelques centaines peut-être, quelques millions même si on part des grands singes, à une vitesse lente, et on voit aujourd'hui le changement de notre environnement de façon... très rapide. Si on prend par exemple l'émergence de l'écriture, ça envahit le monde entier en l'espace de quelques millénaires. Je dis ça vraiment avec des chiffres très larges. Avec l'émergence d'une pathologie qui s'appelle la dyslexie. Aujourd'hui, on voit l'accès par exemple à une information permanente. Internet sur nos portables, ça a survenu en dix ans, avec des conséquences énormes. C'est encore assez lent par rapport à ce qui nous arrive aujourd'hui avec d'autres choses, on peut voir plein de choses, mais l'intelligence artificielle par exemple, mais les exemples ne manquent pas. Et donc finalement, notre cerveau qui a été... formé avec un temps long, doit s'adapter à des situations ? Et est-ce que ça génère aussi des problèmes de santé mentale ? Je vous donne un peu ces idées-là parce que finalement, on peut avoir tendance à avoir un regard assez rapide entre ce qui est normal, pas normal, maladif, pas maladif. Et finalement, on pourrait se poser la question, quand ma santé mentale décline, est-ce qu'il faut voir un médecin ? Ou est-ce qu'il faut voir un thérapeute ? Qu'est-ce que c'est qu'un thérapeute ? Mais faudrait-il en parler avec un parent, un ami ? Peut-être qu'on oublie parfois un peu ça, ou bien encore un groupe social. Je laisse un peu cette question en suspens pour revenir un peu sur mon thème de prédilection. Alors, je suis un psychiatre qui a quelques spécialités, merci Aurélien de les avoir rappelées. Donc, difficultés de régulation émotionnelle, ce qu'on appelle parfois dans la forme la plus paradigmatique le trouble de la personnalité borderline, ou aussi le TDAH, le trouble du déficit de l'attention avec hyperactivité. Alors parlons un peu de TDAH, alors c'est quoi ? je le dis rapidement, c'est un trouble qu'on dit neurodéveloppemental. Ça veut dire que ça correspond à des personnes qui ont eu un développement cérébral atypique, différent de la moyenne des personnes, qui a des conséquences au courant. de l'enfance, on observe déjà parfois que certaines choses dès les premières années de vie, mais l'explosion des symptômes survient surtout dans les moments de socialisation et d'apprentissage, la scolarité. Et ensuite, ça persiste à l'adolescence, avec différentes conséquences, augmentation du risque de consommation de substances à l'âge adulte, augmentation de la mortalité chez les jeunes adultes du fait d'accidents, difficultés professionnelles, divorces, troubles psychiatriques en soi aussi. Mais en même temps, aujourd'hui, dans un monde de sur-sollicitation attentionnelle, un monde qui nous enjoint aussi d'ailleurs à nous accomplir, à être performants, à réaliser le potentiel, comme Nicolas Marquis nous a dit, bien expliqué. Voilà, notre attention sature. Nous sommes tous atteints un peu de distractibilité, tous un peu atteints de difficultés à rester concentrés, tous à avoir un peu de mal à faire une seule chose à la fois parce qu'on a plein de potentialités à réaliser dans tous les domaines de notre vie. Et notre santé mentale décline peut-être un peu à cause de ça. Effectivement, beaucoup de gens se reconnaissent ou ressentent des symptômes de TDAH. Et ce qu'on voit dans nos consultations qui sont... très sollicités. Et en fait, tous n'en ont pas. Et la prévalence du TDAH reste finalement assez stable. Et les personnes, finalement, qui ont un trouble neurodéveloppemental sont parfois un peu oubliées dans cette grande, grande masse. Et ce nombre important de personnes dont le bien-être décline, leur bien-être cognitif, et... Paradoxalement, c'est peut-être ceux qui ont le plus de difficultés à aller vers le soin qu'on oublie, les personnes précaires, les personnes incarcérées. Par exemple, je rappelle que un quart des personnes incarcérées ont un TDAH et quasiment aucun d'entre eux n'est pris en charge. Et donc, à partir de cet exemple du TDAH et aussi à partir des évocations sur la variété des situations concernant les causes des troubles mentaux, ça me permet finalement d'introduire une question d'une porosité croissante entre pathologie, troubles, santé mentale, bien-être. Et en fait, cette évolution finalement s'inscrit dans un mouvement assez bienvenu de déstigmatisation, de normalisation des problématiques psychiatriques. Ce sont des difficultés parmi les autres. qu'on peut prendre en charge et qu'on a le droit d'exprimer et pour lesquels il est légitime de demander de l'aide. Cependant, cette perte de distinction n'est pas sans conséquence. Elle brouille les frontières entre le normal, le pathologique, et ça génère aussi une certaine invisibilisation de personnes en souffrance, ce qui est toujours le risque. Pendant longtemps, les personnes souffrant de troubles psychiatriques étaient invisibilisées par une forme d'exclusion. Ça existe toujours. Aujourd'hui, cette invisibilisation se fait aussi par une forme de minimisation, d'effacement. Moi aussi j'ai ça et ça passe un peu dans un espèce de grand problème de bien-être. Et encore une fois, comme Nicolas Marquis nous l'a expliqué, ça va aussi dans une sens d'individualisation de la charge des soins. Une individualisation pas forcément au sens d'une... de soins qui seraient individualisés au sens d'une médecine personnalisée, comme on fait de plus en plus, mais aussi d'une responsabilité individuelle de la prise en charge, une injonction. Une injonction, tu dois te prendre en main, tu dois faire ce qu'il faut pour que tu ailles mieux, tu es responsable de ton bien-être et de ta santé mentale. Alors en parallèle, parlons un peu de thérapeutique, de soins ou d'aide pour la santé mentale. Et là aussi, il y a un risque de brouiller un peu les cartes. De manière très intéressante, de nombreux outils issus de perspectives non médicales ont commencé à montrer une efficacité notable et importante dans certains troubles psychiatriques, comme par exemple la dépression. Quelques exemples. L'activité physique. Une ancienne grande cause nationale, maintenant c'est la santé mentale. Donc l'activité physique dans la dépression, on sait que c'est certainement des traitements les plus utiles dans les dépressions légères, les dépressions modérées. Alors c'est pas juste le sport qui fait du bien, on sait que l'activité physique a des effets sur la perception du plaisir, on peut même l'observer de façon biologique, avec différentes façons de le faire. Un effet aussi sur la sensation d'épuisement, la fatigue, et ça peut changer de façon notable la trajectoire de personnes qui souffrent de dépression. Autre exemple, la méditation de pleine conscience. On l'a aussi déjà un peu abordé, méditation de pleine conscience qui est cette... pratique, issue des traditions bouddhistes, qui incite les personnes à apprendre, s'entraîner, réapprendre, à focaliser son attention sur l'instant, là, maintenant, et sur les sensations, en laissant filer les pensées. Et il a été montré que la méditation de pleine conscience est particulièrement efficace, par exemple, pour la prévention des rechutes dépressives. Vous savez que si vous avez fait une dépression, vous avez un risque important d'en refaire une deuxième dans votre vie, une chance sur deux au moins. Et si vous en avez fait quatre dans votre vie, il y a quasiment 90% de chances d'en refaire. Donc, on sait que la méditation de pleine conscience est tout aussi efficace que des médicaments utilisés en prévention dans la rechute de la dépression. par des mécanismes qu'on connaît, par exemple sur le plan psychologique, on sait que ça diminue la propension à avoir des ruminations. Dans le trouble du déficit de l'attention, c'est aussi une approche qui est utile, efficace. Alors peut-être avec une efficacité moindre que les médicaments dans les comparaisons, mais on sait aussi que c'est quelque chose qui est utile, par exemple, parce que ça réentraîne les personnes à focaliser leur attention sur un moment, sur une action, sur une intention. Troisième exemple, les oméga-3 qui sont des acides gras polyinsaturés. On s'est intéressé à la santé redoutable des Inuits qui mangeaient tellement de gras et tellement de calories et en fait probablement ils mangeaient beaucoup de poissons aussi et donc des acides gras qui ont aujourd'hui une efficacité notamment dans la dépression et d'autres troubles comme le trouble la personnalité borderline. Voilà, et donc ces pratiques qui sont souvent perçues comme des médecines douces, des pratiques complémentaires, participent à la diversification des réponses thérapeutiques, mais pourraient aussi suggérer une forme de démédicalisation de la prise en charge, renforcer l'idée peut-être un peu fausse que certaines maladies n'en sont pas vraiment. Il suffit de prendre soin de soi, de faire attention à son bien-être et ça ira mieux. Et à l'inverse, il existe aussi une forme de stigmatisation de certains traitements, et notamment les psychotropes, ou d'autres traitements qui peuvent être particulièrement décriés, alors qu'ils ont une utilité pour sauver la vie de certaines personnes, comme l'électroconvulsivothérapie, ou voilà. Et notamment à cause de biais qui nous traversent tous, les biais naturalistes, ce qui naturellement est bon, par exemple. Donc finalement, deux lignes de confusion, les troubles et la santé, dans une perspective assez individuelle, et en parallèle, les traitements et les stratégies d'amélioration du bien-être. Et pour le paradoxe, ça vient aussi d'une forme de médicalisation de la vie ou d'une psychothérapie de petitisation. J'invente un néologisme de la vie. Je n'utilise pas le mot psychologisation parce que la psychologie, ça reste quand même une discipline a priori. Dans son premier sens, qui est une science du fonctionnement de notre faculté, de nos facultés mentales avant d'être un soin. Donc, une médicalisation de la vie qui met ce modèle médical traverse nos sociétés et nous traverse aussi avec l'idée de tu souffres. Tu dysfonctionnes, donc tu dois consulter. Et dans nos sociétés, il y a des normes d'intervention assez systématiques et l'idée qu'il faudrait consulter un psy en cas d'adversité. Et cette perspective, ce modèle, coexiste avec une forme de délitement de réseaux d'aide collectif, de soutien informel, qui renforce parfois cette surmédicalisation des problématiques. de problématiques relevant de la sphère sociale ou existentielle. Donc, une exigence aussi au bien-être. Et on peut rappeler que parfois, nos émotions doivent être étouffées. On nous pousse à étouffer certaines choses, on est enjoint à les réguler. Alors que parfois, il y a de façon légitime des peines qu'il convient de traverser, d'accepter. Donc au final, nous assistons simultanément à une forme de démédicalisation relative. des soins psychiatriques et aussi une surmédicalisation de la santé mentale, une surmédicalisation du bien-être, ce qui génère un certain nombre de confusions. Et cette tension appelle peut-être à des clarifications sur ce, et à plusieurs niveaux, le rôle des professionnels. Qu'est-ce que c'est qu'un psychiatre ? Qu'est-ce que c'est qu'un psychologue ? Est-ce que je dois voir un psychologue quand j'ai une maladie ? Et on sait que, par exemple, les psychologues s'occupent de personnes qui sont avec des difficultés existentielles, mais aussi... Ils ont un rôle crucial pour traiter des pathologies qui ne sont traitées efficacement que par la psychothérapie. Et on voit que ce n'est pas toujours simple de dire, ok, je prescris une psychothérapie. Ce n'est pas toujours accepté de la part des psychologues eux-mêmes ou de la part des personnes. Et voilà, et aussi des questions sur les critères d'efficacité d'un traitement. Est-ce qu'un traitement qui améliore le bien-être ? est un traitement efficace. Voilà, c'est des questions qui sont très vastes et je n'aurai peut-être pas le temps d'aller plus loin. Et je pense qu'il faut aussi déconstruire certaines échelles de valeurs implicites qu'on peut avoir, comme la notion de maladie, la notion de traitement. Et finalement, pour conclure, je voudrais dire aussi que dans un contexte de société individualiste, je rebondis sur cette définition très claire que Nicolas Marquis a faite. Il faudrait peut-être aussi se rappeler qu'il faudrait passer d'un se soigner, de prendre soin de sa santé mentale. Cette injonction qui est finalement le thème de cette table ronde, passer d'un se soigner à aussi soigner les personnes qui s'entourent, soigner les autres, prendre soin des autres et à tous les niveaux. Surtout des plus vulnérables, des personnes les plus blessées. Et ça a un coût collectif. On entend beaucoup parler des difficultés de la psychiatrie et du coût que ça représente, du rattrapage qu'il conviendrait de faire. Je milite fortement pour une meilleure considération des personnes qui ont besoin de ces soins. C'est aussi une responsabilité individuelle qui convient de partager dans nos sociétés. Je vous remercie.

  • Speaker #1

    Merci Sébastien. Esther Schmitt, vous êtes issue du commerce et du marketing. Vous aviez des aspirations de changement et en 2012, dans les suites d'une série de problèmes de santé, dont vous parlez librement sur votre site internet, vous avez pris un nouveau départ. Vous dites que vous avez pris en main votre propre existence. En 2013, vous avez obtenu votre diplôme de naturopathie. Vous avez écrit deux livres sur la fatigue, sur le grignotage. Et nous, on vous connaît aussi parce que vous êtes assez présente sur France 3 Grand S, où vous dispensez vos conseils de bien-être. Et parfois, notamment quand je suis un peu désespéré de ne pas réussir à soigner mes patients, je me dis que vous faites aussi beaucoup de bien à votre manière. Et donc, on est ravi de vous accueillir et de vous entendre.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup. Et puis merci pour votre invitation. Merci d'avoir. Oser inviter quelqu'un qui représente effectivement les thérapies alternatives. Je suis ravie de vous retrouver, de vous partager ce qui me passionne depuis dix ans, qui est la naturopathie. Et c'est vrai que sur le sujet de la bioéthique et de la santé mentale, je me suis dit que pour introduire, ce serait peut-être pas mal de remettre un petit peu la naturopathie dans son contexte. Parce que moi, ça fait dix ans maintenant que je suis diplômée, que j'en m'a transmis beaucoup de choses et je retransmets maintenant moi aussi. Mais elle est parfois un petit peu mal connue ou méconnue et parfois elle est un petit peu critiquée aussi. Et je voulais juste donner quelque chose d'important à ce sujet-là. Alors déjà pour moi, la naturopathie telle qu'elle me l'a été enseignée et telle que je la transmets, pour moi c'est vraiment une discipline d'hygiène de vie qui est bien plus préventive que curative. Donc on n'est pas du tout là pour faire arrêter des traitements aux personnes qui prennent des médicaments depuis longtemps, mais on est vraiment là pour les accompagner. pour gagner en santé et en vitalité. Et en fait, c'est vrai qu'aujourd'hui, on est dans un monde où on a énormément d'informations sur le bien-être, que ce soit toutes les thérapies alternatives confondues. C'est assez difficile, effectivement, de s'en sortir. Et c'est vrai que du coup, moi, en tant que naturopathe, je retrouve toujours une grande sagesse au sein de la naturopathie parce qu'elle s'appuie finalement sur quatre piliers essentiels desquels, moi, à titre individuel, je ne sors pas. pas. Et c'est vraiment comme ça que j'accompagne mes clients depuis toujours. Et ces quatre piliers sont la nutrition et la diététique, le mouvement, le sport, le pôle de la détoxification, j'y reviendrai un petit peu plus en détail tout de suite, et le gros pôle de l'hygiène nerveuse. Et c'est vrai que quand on regarde un petit peu, on dit normalement de manière probablement naïve, mais si on applique un petit peu tous les jours. des techniques de ces quatre piliers, on devrait normalement ne pas tomber malade. Alors ça, effectivement, c'est dans un monde idéal. Mais c'est vrai que ces quatre piliers, c'est comme les quatre pieds d'une table et on s'appuie en permanence là-dessus. Alors après, bien sûr, on a des techniques mineures. On a des choses comme les techniques avec l'hydrologie, l'eau, la chaleur, le massage, l'hypnose, qui sont des choses effectivement qui fonctionnent très, très bien. Mais on a besoin que ce socle de ces quatre piliers, piliers soient vraiment nos fondamentaux. Alors, c'est vrai que dans la nutrition, c'est hyper compliqué aujourd'hui de s'en sortir parce que c'est vrai que les réseaux sociaux, c'est à la fois extraordinaire et à la fois ils ne nous facilitent pas du tout la tâche parce qu'on lit un petit peu tout et son contraire aujourd'hui. On a eu beaucoup de sujets sur les intolérances alimentaires, est-ce qu'il faut arrêter le gluten, est-ce qu'il faut arrêter de manger du fromage, est-ce qu'il faut supprimer les produits laitiers ? Ce sont de vrais sujets et en même temps, moi je me présente toujours comme une natureau mais pas trop. Une natureau mais pas trop, c'est ce qui me définit bien, c'est-à-dire que je ne souhaite absolument rien retirer dans l'alimentation et dans la nutrition des personnes. plus pour que les personnes expérimentent. Alors après, évidemment, sur le sujet de la santé mentale, on sait qu'effectivement, les oméga-3, comme tu le disais avant, Sébastien, ce sont des choses qui sont essentielles à consommer. On sait que le sucre, c'est quelque chose qui ne fait pas du tout du bien au système nerveux parce qu'il est pro-inflammatoire, parce qu'il va créer pas mal de désordres digestifs. Et c'est vrai qu'idéalement, c'est d'avoir une nutrition qui soit toujours riche. en nutriments parce que finalement le corps il a besoin de nutriments spécifiques des fruits, des légumes, des graines il a besoin de bonnes protéines il a besoin de bons gras parce qu'il a simplement besoin de ça pour bien nourrir ses cellules et il n'a pas parfois besoin de plus et c'est vrai qu'aujourd'hui ce qui est parfois un petit peu compliqué c'est qu'on a du mal à choisir les bons nutriments pour soi parce que soit on n'a pas le temps de cuisiner soit on n'a pas le temps d'aller faire ses cours soit on ne sait pas exactement quoi manger... C'est vrai que je vois bien dans les consultations que c'est vraiment un sujet qui revient souvent. Après, effectivement, la pratique du sport, du mouvement sont des choses essentielles. Il y a cette très belle expression de Pierre-Valentin Marcheseau, le père de la naturopathie, qui disait tout le temps que le sport est le contre-pied d'une aire. Et c'est vrai qu'à une époque où j'ai traversé des moments un peu compliqués au niveau de ma santé, parce que j'avais vraiment un mental qui était bien surchargé, je traversais vraiment des problèmes de santé compliqués. A chaque fois que ça n'allait pas, j'enfilais mes baskets et je partais courir. Et parfois, il ne faut pas grand-chose juste pour aller s'oxygéner, s'aérer un petit peu, parce que ça permet déjà de lâcher un petit peu tout ce qui se passe dans notre mental. Et puis après, notre corps, aujourd'hui, il est en surcharge permanente. Il est en surcharge d'informations. On n'a pas assez le temps de faire parfois bien les choses. On a des to-do list hyper longues. On a des enfants à éduquer, à aimer, on a peut-être des études, en tout cas on a des plannings hyper importants. Et c'est vrai que tout ce stress, toute cette surcharge émotionnelle à un moment, elle est extrêmement encrassante pour le corps. Et je pense que ce qui est bien effectivement c'est d'arriver à certaines périodes de l'année, de prendre quelques temps de pause et de repos, de moins manger, de moins regarder la télé, de moins être sur le téléphone. de beaucoup plus sortir, mais de juste remettre à un moment donné des petites techniques qui permettent un petit peu à notre mental de se détoxifier. Parce qu'évidemment, dans notre quatrième pilier, qui est le pilier de l'hygiène nerveuse, c'est là en fait où on se rend compte. Et je m'en rends encore plus compte maintenant parce que pour avoir assisté à pas mal de conférences pendant ce forum. On voit bien en fait que notre système nerveux, il n'est plus du tout aujourd'hui en capacité de gérer tout ce qu'il a besoin de gérer. En fait, il y a trop de choses. Il se passe beaucoup de choses dans le monde, il se passe beaucoup de choses dans la vie, dans notre vie, mais aussi dans la vie de nos proches. Et il y a un moment donné, c'est juste trop. Et le cerveau, en fait, finalement, il est assez bien fichu parce qu'il a toujours deux options, lui. C'est-à-dire que quand il est trop plein, à un moment donné, lui, il a besoin de nettoyage. Il a besoin de... Il a besoin de se faire son nettoyage. Il a toujours deux options. Il a l'option, un petit peu, ce que moi j'appelle des techniques de dérivation. Donc, il va préférer scroller son téléphone plutôt que de réfléchir un petit peu à ce qu'il doit mettre en place. Il va préférer parfois abuser un petit peu de certaines substances. Donc, on a envie de boire un petit peu plus d'alcool. On a envie de consommer plus de sucre. Et ça, en fait, c'est vraiment notre cerveau qui dérive parce qu'il a... pas envie de traiter ce qui a véritablement besoin d'être traité à l'intérieur de soi. Et c'est là en fait où la naturopathie elle arrive en fait avec beaucoup de sagesse. Moi je dis tout le temps que la meilleure recharge du système nerveux c'est le sommeil. Et c'est une vraie prescription de dire à quelqu'un, ce soir couchez-vous un petit peu plus tôt, n'emmenez pas votre téléphone dans votre lit, prenez un bon bouquin, videz-vous la tête. Et puis, mettez-vous au lit, dormez et puis vous verrez, demain, ça ira vachement mieux. Parce qu'effectivement, on voit bien qu'après une bonne nuit de sommeil, on est quand même en capacité de prendre des décisions un petit peu plus éclairées. On est déjà de meilleure humeur, on est moins dans l'émotionnel. Et c'est vrai que sur ce sujet, effectivement, des maladies mentales, à un moment donné, quand on accumule le stress, on accumule les coucher tard, on accumule les nuits pas reposantes, on accumule effectivement l'excès de sucre, l'excès de problèmes. À un moment donné, le cerveau, ça ne marche plus. Puis il finit complètement par craquer. Et puis, c'est là où la maladie s'emballe. Et j'en reviens encore effectivement à cette sagesse de naturopathie. C'est là où nous, enfin, je vais parler pour moi et pas au nom de tous les naturo. Mais moi, je suis vraiment là, en fait, pour donner des clés d'hygiène de vie en préventif. plutôt qu'en curatif. Parce que c'est vrai qu'une fois que la maladie apparaît, et plus elle est grave, effectivement, elle revient véritablement à la médecine. Et ce que j'avais... J'ai envie vraiment de partager aussi avec vous, quand j'étais venue mercredi soir à la conférence d'inauguration, il y avait un psychiatre qui a parlé de remettre le citoyen au centre de sa guérison. J'ai trouvé que c'était absolument génial d'entendre ça. Et effectivement, Nicolas, tu l'as dit aussi il y a quelques minutes, c'est que finalement, la vraie question aujourd'hui, c'est de savoir qu'est-ce qui est bon pour moi. Qu'est-ce qui est bon pour vous ? Comment savoir ce que je dois mettre dans mon assiette ? Comment savoir si je dois prendre telle et telle plante pour pouvoir me soigner ? En fait, il n'y a qu'une seule solution, c'est d'arriver à expérimenter le plus possible, mais de ne pas expérimenter aussi de manière à surconsommer tout ce qu'on peut trouver sur le marché. On voit bien que dans le marché du bien-être aujourd'hui, on trouve vraiment plein de choses. Il y a des super produits, il y a des super compléments alimentaires. Mais ça devient assez compliqué de savoir ce qui est bon pour soi. Et en fait, quand vous vous remettez au centre, faites appel parfois juste un petit peu à votre intuition. Regardez un petit peu, documentez-vous, prenez de l'information en conscience. Et puis regardez ce qui fonctionne. Essayez quelque chose. Et si ça ne marche pas, vous essayez autre chose. Et si ça, ça ne fonctionne pas. pas, eh bien, alors on essaye encore autre chose, mais c'est de finalement jamais s'arrêter d'expérimenter parce que je pense qu'on est quand même effectivement responsable de nous, responsable de notre santé. Moi, je dis à toutes les personnes que j'accompagne, je dis tout le temps, vous avez un médecin au fond de vous. Vous avez une voix, une belle voix qui vous parle. Et c'est vrai qu'au milieu de tout ce monde dans le bien-être, où il y a pas mal d'injonctions, où on est dans une société où on doit être la plus belle version de nous-mêmes et on n'a pas de problème et on n'a plus le droit d'en parler, on n'a plus le droit de se plaindre, on est constamment dans un registre hyper positif et de transformation et c'est très bien. Mais on est quand même responsable de soi et responsable de sa santé. Et je pense que parfois, des choses simples... pour pouvoir faire des choix éclairés, ça peut être simplement sortir. On sort de chez soi, on se trouve une belle balade dans la nature, on appelle ses amis, sa famille qu'on aime, on se voit, plutôt que de s'envoyer 500 000 messages sur nos téléphones. Moi, j'adore les réseaux sociaux, je trouve que cette évolution du monde, moi, elle titille ma curiosité, j'ai beaucoup de gratitude vers tous ces... tous ces outils qui sont mis à notre disposition. Mais quand il y a un moment donné, ça prend toute la place dans nos journées et qu'on a moins le temps d'être en interaction avec les autres et qu'on a moins le temps d'être en interaction avec la nature qui, elle, nous ramène toujours le calme et la sérénité dont on a besoin. Voilà, à un moment donné, il faut peut-être juste remettre un petit peu d'équilibre. Et je voulais juste effectivement terminer rapidement sur cette notion de... de bioéthique parce que moi je me suis demandé effectivement en préparant cette prise de parole, je me suis dit finalement la bioéthique qu'est-ce que ça veut dire, qu'est-ce que c'est ? C'est quoi la vraie définition de la bioéthique ? Et je me suis simplement dit que finalement, quelles sont les valeurs que vous mettez en fait derrière ce mot bioéthique ? Est-ce que ce sont des valeurs humaines ? Est-ce que ce sont des valeurs économiques ? Est-ce que ce sont des valeurs sociétales ou environnementales ? Mais finalement, c'est d'arriver à créer votre propre chaîne de valeur parce que c'est finalement ça qui pourra vous guider à faire vos bons et j'espère en tout cas vos meilleurs choix. Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Merci Esther Schmitt. Nicolas Marquis, vous avez évoqué la société individualiste comme peut-être aussi à l'origine de cet engouement.

  • Speaker #0

    pour le bien-être et c'est vrai que je ne m'étais pas formulé la chose de cette manière et ça m'a beaucoup intéressé mais je me suis dit est-ce que finalement dans d'autres cultures dans lesquelles peut-être il y a moins cet individualisme est-ce que ça change quelque chose du rapport au bien-être donc quel est un petit peu l'état des lieux du bien-être peut-être en Europe ou dans le monde et quels sont les outils en sociologie qu'on peut utiliser pour évaluer le bien-être ?

  • Speaker #1

    Merci beaucoup. Alors, je ne suis pas spécialiste de toute une série de contextes, donc je ne vais pas dire trop de bêtises par rapport à ça. Néanmoins, pour répondre à cette question, il est clair qu'il y a un instrument qui est absolument essentiel et que j'ai un tout petit peu mobilisé dans mon intervention. C'est pour moi l'outil méthodologique majeur des sciences sociales, c'est la comparaison. C'est-à-dire que... Pour pouvoir ne plus que comprendre ce qui nous brûle le regard tellement c'est proche de nous, à savoir cette injonction au bien-être dans laquelle nous sommes nés, avec laquelle nous avons été éduqués, etc., il faut aller voir comment ça se passe ailleurs. Ma façon de faire, ça a été par exemple de comparer, comme je l'ai évoqué, avec des sociétés très différentes qui ont par exemple été étudiées au début du XXe siècle par l'anthropologue Evans Pritchard. et qui mobilise la sorcellerie. Et donc, dans ces sociétés-là, dont encore une fois je ne suis pas spécialiste, je ne dirais pas du tout que la question est-ce que je vais bien ou est-ce que je ne vais pas bien ? ne se pose pas. Non, c'est bien sûr, c'est une question qui est à certains égards aussi vieille que l'humanité, en quelque sorte. Simplement, le langage qu'on va utiliser et les entités, en quelque sorte, qu'on va considérer comme étant pertinentes et comme responsables de mon bien-être, vont totalement varier. C'est-à-dire que dans cette société-là, par exemple, qui est la société Zandé, Sud-Soudan, début du XXe siècle, étudiée par Evans Pritchard, la sorcellerie, elle est à la surface des relations sociales, comme il le dit. C'est-à-dire que dès que quelqu'un rencontre un problème, alors à certaines conditions, ce qu'il va faire, c'est aller voir un oracle qui va, en donnant... une substance à une poule, etc., pouvoir répondre à la question qui, dans cette société-là, est essentielle pour comprendre le malheur et qui est la question de savoir qui m'en veut. C'est-à-dire que, dès qu'il vous arrive quelque chose, vous partez, je ne sais pas moi, hors du village, etc., pour aller chasser et puis, pas de bol, vous vous prenez le petit orteil sur une pierre, ça va très mal, vous hurlez, votre proie s'en va. Il y a quelque chose de pas normal qui s'est passé parce que vous saviez que cette pierre était là. Et donc, Si ça s'est passé aujourd'hui, maintenant, c'est probablement que quelqu'un vous a acheté un sort. Donc la question qui m'en veut, elle est totalement légitime. Vous voyez qu'aujourd'hui, dans la société qui est la nôtre, si vous posez cette question-là parce que vous tombez dans les escaliers, on aura tendance à vous regarder de travers. Si vous adoptez une lecture de la situation qui consiste à dire j'ai pas de boulot parce que Macron m'en veut personnellement Posez-vous des questions, parce que c'est plus du tout la question légitime. La question légitime pour nous, c'est la suivante, que puis-je faire pour m'en sortir ? Et la figure qui est légitime pour nous, c'est celle du résilient. La figure, je dirais, la plus prestigieuse, c'est la personne qui a subi toute une série de problèmes, mais qui ne s'est pas justement laissée complaire dans ce statut de victime. et qui a pu transformer le plomb en or, alchimiquement, qui a pu transformer cette épreuve de vie en quelque chose qui l'a fait devenir elle-même, et qui donne un sens à sa vie. Et donc, rien que par ce petit exercice de comparaison-là, on voit que ce qu'on considère, ce que l'OMS par exemple considère comme étant une évidence, à savoir un état de bien-être, c'est très construit, ça a une histoire. Ce qui n'empêche pas que toutes et tous nous le ressentons, je dirais, très personnellement et très authentiquement. Mais cet exercice de comparaison nous montre à quel point on n'est qu'un cas de figure parmi plein d'autres.

  • Speaker #0

    Et donc, est-ce que par exemple, en Chine ou au Japon, cette question est moins prégnante justement du bien-être ? Je prends l'exemple de ces pays parce qu'on dit habituellement qu'on est moins individualiste, mais plus une partie du corps de la société.

  • Speaker #1

    Oui, alors encore une fois, je ne vais pas dire des bêtises parce que je n'en suis pas spécialiste. Mais je peux faire référence à des travaux super intéressants qui ont été menés par... Un sociologue japonais ou une sociologue japonaise dont j'ai malheureusement oublié le nom et qui raconte en réalité qu'il faut tenir, dans la façon dont on imagine cette mondialisation du bien-être, il faut tenir un chemin de crête entre deux extrêmes. Premièrement, c'est vrai que le bien-être, on en a parlé comme une ressource culturelle, c'est vrai que cette idéologie du bien-être, elle se transporte tout autour du globe. qu'elle a une histoire, qu'on peut étudier comme étant née dans le protestantisme des Etats-Unis, etc., qu'elle est devenue un instrument de soft power, si vous voulez, qui s'applique à des sociétés dans lesquelles elle ne s'appliquait pas au préalable. Mais pour autant, il n'y a pas d'irénisme par rapport à ça, bien sûr, mais pour autant, il ne faut pas croire que c'est une application pure et simple. qu'on va observer dans d'autres contextes. Par exemple, cette sociologue dont j'ai malheureusement oublié le nom, qui a écrit un bouquin qui s'appelle De la mort volontaire au suicide du travail raconte comment la préoccupation pour le bien-être et pour la santé mentale est progressivement rentrée dans les représentations au Japon pour, non pas totalement balayer, mais au moins offrir une sorte d'espace. par rapport à ce qui était des codes extrêmement centrés sur l'honneur. Où la question, ce n'était pas celle de savoir si vous vous sentiez bien ou pas, c'était la question de savoir si vous étiez à votre place et si vous teniez votre rang, en quelque sorte. Eh bien, Junko Kitanaka, je parle depuis longtemps pour essayer de m'en souvenir, j'y suis arrivé, donc je vais pouvoir me taire. Elle montre qu'au Japon, par exemple, on est sur un modèle qui maintenant a tendance à mobiliser les deux codes. Le code d'honneur et le code de ce bien-être de la santé mentale. mental.

  • Speaker #0

    Merci Sébastien, je vais rebondir un petit peu sur ce qui vient d'être dit et j'ai, en prenant un exemple qui m'est arrivé il n'y a pas très longtemps, d'un patient qui était très, qui en tout cas souffrait de dépression et à qui j'ai demandé qui était son psychiatre ou son psychologue et qui m'a dit je ne suis pas allé voir un psychiatre ou un psychologue, je suis allé voir un marabout parce qu'en fait c'est parce qu'on m'a jeté un sort. Comment est-ce que dans la pratique de la psychiatrie... Vous gérez ces aspects culturels qui sont maintenant le quotidien de tous les médecins, de devoir composer avec des... Ça fait bien longtemps que la France n'est plus peuplée par des Gaulois et que donc c'est tout à fait normal de devoir composer, mais avec des cultures qu'on ne connaît pas forcément et qui peuvent justifier d'utiliser des outils qui ne sont pas nos outils traditionnels.

  • Speaker #2

    Il y a finalement deux façons de répondre à la question. Alors, la psychiatrie a toujours été traversée finalement par la question de la distinction entre... quelque chose qui serait un délire, un symptôme d'une maladie psychiatrique et une croyance tout aussi bizarre qu'elle puisse paraître. Voir un marabout, avoir des croyances médiumniques ou des choses comme ça. Il y a des façons très critériologiques de distinguer si c'est partagé par un groupe culturel. Parfois, ce n'est pas si simple. On doit s'appuyer sur une perspective un peu plus globale. Quelle est la capacité de la personne à prendre un peu de recul par rapport à ça ? C'est toujours une question de flexibilité. Mais l'autre façon de répondre à la question, c'est est-ce que la dépression est un trouble psychiatrique ? Toujours. Je caricature évidemment, parce qu'on sait qu'on parle de la dépression depuis l'Antiquité. La mélancolie est un terme démocratique. Et peut-être qu'on oublie qu'effectivement, il y a des dépressions qui sont... Il y a tout un spectre en fait, il y a des maladies biologiques, mais il ne faut pas oublier que la dépression est aussi une réaction quasiment physiologique normale, je le dis comme ça avec un peu des... j'aurais envie de mettre des guillemets, mais dans le sens où la dépression est une réaction qui nous aide à arrêter quelque chose où on va s'enferrer dans quelque chose qui ne va pas marcher. Typiquement, on peut prendre le contexte de la... je ne sais pas, imaginons l'homme préhistorique dans la savane. ou la femme préhistorique qui promène son petit dans la savane, qui se fait attraper par un lion, elle va avoir intérêt, sur le plan de la survie, d'arrêter de chercher son petit, parce que sinon le lion va revenir la manger elle, et peut-être le reste de sa progéniture à venir. et donc il y aura vraiment une réaction de dire voilà j'arrête, j'ai une réaction dépressive j'arrête de faire ce que je mets en boule dans mon coin et j'arrête de faire des choses et notre société en fait elle nous interdit de faire ça souvent je vis dans une situation qui est invivable et j'ai pas le droit de m'arrêter Parce qu'il faut aller au bout de ce qu'on a entrepris, donc des injonctions aussi. Et donc finalement, on ne respecte pas forcément la réaction physiologique qu'on devrait avoir. Et donc, si une personne... Alors, évidemment, c'est des symptômes qui peuvent être parfois de l'ordre du normal et parfois de l'ordre de ce qui devient pathologique, parce que les personnes sont coincées là-dedans. Mais il ne faut pas perdre de vue une forme de contexte dont il faut prendre compte. Et si la personne va voir quelqu'un qui l'aide... à arrêter quelque chose qui ne fonctionne pas, j'aurais envie de dire tant mieux. Je ne sais pas si je réponds à la question. J'aurais envie de dire ça dépend, mais ça ne serait pas très utile.

  • Speaker #0

    Esther Schmitt, quand je vous entends parler, et j'ai parfois cette impression aussi quand je parle avec d'autres médecines complémentaires ou alternatives, j'ai l'impression que souvent on parle un peu des mêmes choses avec un vocabulaire un peu différent. En tout cas, dans ce que vous avez dit, pour bien 80%, je trouve que c'est des choses qu'on aborde également en consultation, que ce soit chez le psychiatre, chez le neurologue, chez le médecin généraliste. Alors ma question est la suivante. A votre avis, qu'est-ce qui explique que les gens viennent quand même vous voir, alors que vous n'êtes pas remboursé par la Sécurité sociale, contrairement aux médecins, avec finalement, quelle est la valeur ajoutée de ce que vous proposez par rapport à ce que la médecine dite allopathique ou conventionnelle propose habituellement ?

  • Speaker #3

    Alors effectivement les gens viennent toujours nous voir parce qu'il y a plusieurs motifs. Parfois ils ne trouvent pas de réponse dans les traitements allopathiques purs, c'est-à-dire quand il n'y a que du traitement allopathique ça ne convient pas forcément. Alors parfois il y a des résultats et puis parfois il n'y en a pas assez. Je crois que là ce qui a vachement bougé depuis quelques années, c'est que les personnes se rendent compte en fait que quand elles ont une pathologie, Il y a cette notion de je suis responsable de ma santé et je dois faire quelque chose, je dois prendre quelque chose en charge moi-même pour que les choses changent. La perception, quand on a des diagnostics en plus, particulièrement quand on est jeune, moi j'ai des personnes parfois qui ont 30-35 ans, qui viennent me voir déjà avec des pathologies importantes, ils ne perçoivent absolument pas. pas un traitement à vie. Il se dit je ne vais pas pouvoir prendre ce traitement jusqu'à la fin de ma vie, j'ai encore de belles années à vivre et donc il y a beaucoup d'espérance en changeant son hygiène de vie pour que les choses s'améliorent. L'idéal, ce serait qu'on arrive parfois, nous, les naturopathes, à travailler un petit peu mieux avec les médecins parce que c'est vrai que moi, en tant que naturopathe, je ne suis pas du tout contre les traitements mais par contre, ce qui me fait kiffer dans mon travail c'est d'accompagner ce traitement-là. Donc je pense que ce sont les deux motivations les plus importantes. Et puis après, c'est quand même quelque chose, c'est une discipline, une hygiène de vie qui s'est quand même beaucoup démocratisée. Et c'est vrai que souvent la naturopathie, elle est aussi réduite, entre guillemets, c'est pas péjoratif ce que je dis, mais à l'alimentation. Et c'est vrai qu'aujourd'hui, il y a beaucoup de problèmes de poids, il y a beaucoup de problèmes d'intolérance alimentaire, il y a beaucoup de problèmes de fatigue. Et c'est vrai qu'en naturopathie, et sur toute la partie diététique-nutrition, on arrive quand même à... à résoudre pas mal de problèmes.

  • Speaker #0

    Merci, je crois qu'avant de laisser la parole au public, Maude avait une question.

  • Speaker #4

    J'avais envie de renvoyer un petit peu cette dernière question que tu posais Aurélien au médecin de la table ronde, le psychiatre et même peut-être le neurologue si tu as envie de nous répondre. Parce que j'ai été très intéressée par cette formule d'Esther Schmitt qui dit on a tous un médecin au fond de nous. Et finalement, la question que je me pose c'est est-ce qu'on est peut-être un petit peu dans le comble ? de ce à quoi la culture nous a menés. On ne sait plus écouter les signaux que nous envoient nos corps. On est assez déconnectés de nos corps. Et c'est vrai quand on est en bonne santé. C'est vrai aussi quand on est face à des pathologies. Et je me dis, est-ce que les médecins que vous êtes, de la manière dont vous avez été formés, est-ce que vous ne vous privez pas un petit peu de ce collègue qui est le médecin que votre patient a au fond de lui, qui finalement est quand même le premier à le mieux connaître son propre corps ?

  • Speaker #0

    Sébastien ?

  • Speaker #2

    Alors le collègue qui est le patient, j'aurais envie de dire que... Alors on ne l'enseigne pas très bien peut-être, mais on l'apprend assez vite une fois qu'on travaille. Donc voilà, je pense que... Je pense que je peux parler de ma perspective, et la psychiatrie est une discipline qui reste quand même très clinique, et notre seul examen complémentaire, c'est de poser la question aux gens. On voit quelques petits trucs sur leur visage, leur comportement, mais ça reste assez ténu. En tout cas dans les troubles dont je m'occupe le plus. Et donc on apprend assez vite que les personnes vont devoir nous enseigner beaucoup de choses. Et donc on le fait le plus possible. Et aussi on essaie de rendre ça aux personnes. Et enfin, dans l'introduction, on va rien parler de la psychoéducation. Finalement c'est dire, ok, vous... Vous allez pouvoir être acteur de vos soins, c'est vous qui allez pouvoir aussi observer, anticiper, réagir, et je pense que c'est quelque chose qu'on fait beaucoup. Après, les autres collègues qui seraient les médecines alternatives, c'est très variable, parce que ça dépend aussi beaucoup d'expérience, de ce qui est proposé, on ne sait pas toujours trop, il y a beaucoup de choses très variables, je ne sais pas combien il y a de sortes de... de naturopathe, de sorte de médecine alternative. Il y a tout un travail qui existe là-dessus. Moi, de façon personnelle, j'ai tendance à écouter déjà ce que les personnes font, ce que parfois j'arrive à traduire. Parce que parfois, il y a des choses que les personnes font, et je dis ah ouais, moi j'aurais appelé ça comme ça mais c'est pas grave. C'est les flux énergétiques, ok, pas de problème, mais j'aurais une lecture différente. Mais voilà, ça c'est beaucoup plus... expérience dépendante.

  • Speaker #0

    Et moi, puisque la question m'a été posée aussi à titre personnel, ça fait déjà un certain temps d'ailleurs que je me sens un peu limité dans mon activité strictement médicale, avec un besoin d'aller chercher d'autres choses. Et alors je répondrais que moi aussi j'ai quatre piliers, c'est marrant parce que c'est quelque chose qui ne touche pas que les tables ou les chaises, mais aussi la médecine. Mes piliers ne sont pas si différents, mais je vais vous les citer alors quand même. Alors il n'y a pas la nutrition, mais il y a... parce que j'y suis peut-être moins sensible, mais mon premier pilier important, c'est ce que j'appelle la médecine vétérinaire. C'est-à-dire, on traite un homo sapiens, il convient de le faire avec talent, sans passer à côté de quoi que ce soit. Le deuxième pilier, par contre, se retrouve, puisque c'est le pilier du mouvement, le pilier de la prise en charge fonctionnelle. Ça peut être la kiné, ça peut être de l'activité physique adaptée, ça peut être de la danse, ça peut être du yoga. Le troisième pilier vous rejoint également. Vous appelez ça, vous vous dites que c'est l'hygiène nerveuse. Moi, j'appelle ça la psychothérapie avec effectivement un certain nombre d'outils. Je rejoins notamment l'outil des TCC, qui est des thérapies cognitives et comportementales, qui est particulièrement impressionnant et que j'ai eu la chance de pouvoir mettre en place aussi qu'on appelle la psychoéducation. La psychoéducation, c'est justement faire en sorte que le patient ou la patiente puisse tendre l'oreille sur son médecin intérieur et justement se reconnecter à ses émotions, à connaître les différentes approches psychothérapeutiques. Et mon dernier pilier, par contre, diffère de la... détoxification mais rejoint quand même toutes les médecines complémentaires. Ne le prenez pas mal, mais moi j'appelle ça le pilier placebo, c'est-à-dire c'est finalement aller chercher ailleurs ce que la médecine n'est pas capable de donner. Donc ça ne veut pas dire du tout qu'il y a une inefficacité. On pourrait faire un forum entier sur l'effet placebo qui est un outil absolument merveilleux. Mais voyez, donc effectivement, je pense qu'en tant que médecin, psychiatre, neurologue, médecin généraliste, toutes spécialités confondues, on se pose régulièrement ces questions.

  • Speaker #4

    On va laisser la parole à la salle pour les questions.

  • Speaker #5

    Merci beaucoup. J'ai une question à poser peut-être à vous tous les trois. On a parlé du potentiel, on a parlé de la résilience. Et ce que je vois dans mes patients moi-même, c'est des patients qui cherchent des pathologies psychiatriques. Il y a 20 ans, on ne voulait surtout pas être estampillé, avoir une pathologie psychiatrique. Aujourd'hui, je vois même des patients qui font des tests pour savoir si elles n'auraient pas des traits autistiques, par exemple. Ce qui m'a beaucoup surpris. Pour autant, j'ai quand même le sentiment, le bien-être, il ne peut pas être en permanence. Il n'est pas une... comme le bonheur, il n'y a pas ce côté... Or, c'est ce qu'on essaye de nous enseigner quand même. Et que ces moments de difficulté aussi, elles sont utiles, en fait. C'est un peu comme des obstacles qui nous permettent aussi d'avancer. Donc, quand on dit, quand ça ne va pas, il faut aller voir quelqu'un, est-ce que c'est vraiment absolument... Alors, pas une injonction, mais disons, est-ce que ces moments, un petit peu comme les moments d'ennui, permettent aussi de... La créativité, ces moments de difficulté permettent aussi d'avancer dans notre vie. Et ça fait aussi partie du bien-être ?

  • Speaker #2

    Oui, je suis tout à fait d'accord avec ce que vous dites. Il est normal de souffrir. La vie est constituée de souffrances. On peut le dire de plein de façons différentes. Et peut-être ceux qui ont les philosophies stoïciennes, bouddhistes... Très bien, beaucoup mieux que ce que je pourrais dire, expliquer ça. C'est une forme de respiration, effectivement. Sur l'autre question, la première question qui était la recherche de diagnostics, je pense qu'il y a plusieurs explications possibles. Dans ce contexte d'injonction, on veut des explications et en fait c'est très aidant d'avoir une explication sur pourquoi je souffre, et surtout quand je souffre, de façon permanente, durable. Donc ça fait aussi sens. Il y a peut-être une autre explication qui pourrait être aussi en lien avec la recherche peut-être d'identité. Nos sociétés nous donnent aussi une espèce de potentialité absolue, deviens qui tu es. Et si avant on était né ici et fils de forgeron, on était... On restait là, on devenait forgeron. Aujourd'hui, on dit fais ce que tu veux, ce que tu peux faire, réalise ton potentiel. Et donc, parfois, on a besoin de jalons. Et parfois, je pense que les diagnostics aident à ça. Aident, parfois biaisent. Mais bon, voilà, c'est des questions très vastes. Mais c'est deux pistes que je pourrais donner, en fait.

  • Speaker #1

    Merci. Question passionnante. Et effectivement, pour rebondir sur ce que Raphaël vient de dire. Effectivement, il y a quelque chose de surprenant sur une série de catégories aujourd'hui, que ce soit la bipolarité, que ce soit l'autisme qui devient l'autisme de haut niveau, que ce soit le TDAH qui peut devenir l'hypersensibilité, que ce soit, on en a parlé tout à l'heure, la schizophrénie qui peut devenir le phénomène d'entente de voix. On assiste à des formes de réappropriation des étiquettes qui mobilisent ce qu'on pourrait appeler une inversion du stigmate. Et là, pour moi, comme sociologue, il y a un truc très intéressant, c'est-à-dire que les personnes ne se contentent pas de dire alors arrêtez de m'appeler schizophrène, je suis comme tout le monde Elles ne disent pas ça. Elles disent arrêtez de m'appeler schizophrène, mais continuez à repérer ce qui est ma spécificité, mais je vous oblige à la lire autrement Et donc, ça non seulement permet aux personnes, dans la lignée de ce qui vient d'être dit ici, de se construire, une identité, même si cette identité est basée dans des éléments de souffrance, mais aussi d'attribuer les responsabilités de cette souffrance. Parce qu'on est en train de passer, ou on est déjà passé selon les pays, de ce qu'on appelle un modèle médical de la différence ou du handicap, c'est-à-dire un modèle dans lequel la différence, c'est une caractéristique de la personne, à ce qu'on va plutôt appeler un modèle social du handicap. Et dans ce modèle social, ce qui vous handicape, ce ne sont pas vos caractéristiques propres, c'est le fait que l'environnement dans lequel vous évoluez est inadapté à votre singularité. Et donc, dire que j'ai des spécificités, je suis hypersensible, etc., non seulement ça me permet de me positionner, de faire d'une faiblesse une force, mais aussi de dire que les conditions pour... passer de ce statut d'handicapé, si je puis dire, à ce statut de personne particulière, elles dépendent de la capacité de la société à me reconnaître. Et donc, ça transforme ce qui était auparavant un critère d'exclusion en, je dirais, potentielle arme de combat que je peux mener avec éventuellement d'autres personnes avec qui je vais constituer une association, etc. Donc là, sociologiquement, il y a vraiment quelque chose de très intéressant.

  • Speaker #0

    Une question dans le public.

  • Speaker #6

    Oui, bonsoir. Je vous remercie d'abord pour vos interventions, c'était très intéressant. Ensuite, en ce qui me concerne, j'ai observé que le gluten et le sucre, c'était mauvais pour moi. Donc je l'ai bien identifié. Mais par contre, j'ai un problème, c'est que j'ai beaucoup de difficultés à maintenir l'hygiène de vie, enfin l'éviction du gluten et du sucre, parce que dans nos sociétés, on a des sollicités. des sollicitations partout. Il suffit de sortir à Place Clébert, là vous avez une boulangerie. Et donc moi, j'ai des difficultés à continuer ce régime d'éviction. Parfois, j'arrive à tenir trois semaines, mais au bout d'un moment, je craque. Et donc je voulais savoir si vous aviez des méthodes pour changer les habitudes durablement. Donc ça, c'était ma première question. Et ma deuxième question, c'est par rapport au jeûne thérapeutique. Je voudrais avoir votre avis, notamment madame qui est naturopathe. Que pensez-vous du jeûne thérapeutique, notamment si personne sur YouTube qui explique jeûner pendant parfois 30 jours. Est-ce que vous avez un avis là-dessus ? Voilà, je vous remercie.

  • Speaker #3

    Merci pour vos questions. Je vais commencer par le premier point sur le sans gluten et le sans produits laitiers. Donc oui, effectivement, ce n'est pas simple. Quand on doit sociabiliser, quand on doit sortir, ça peut être assez compliqué. Alors déjà, bravo pour le choix que vous avez fait. Vous avez identifié quelque chose qui ne marche pas pour vous et vous avez pris une décision, c'est de changer. Donc déjà, bravo pour ça. Alors l'idéal effectivement c'est de maintenir cette restriction le plus possible, surtout si ça vous fait du mal. Et puis après c'est plus une question d'organisation, c'est-à-dire que quand vous êtes chez vous et que vous avez la main sur la cuisine, vous pouvez effectivement éviter tout ce qui est à base de gluten et de produits laitiers. Après là où c'est un peu plus compliqué c'est quand vous sortez. En général moi ce que je conseille aux gens, je leur dis soit de vous manger avant la soirée, et... Comme ça, ça permet d'arriver à la soirée et puis de ne pas avoir à gérer ce problème pendant la soirée. Ou bien il faut vous accorder avec la personne qui vous reçoit pour voir s'il y a quelque chose, si elle peut préparer un repas spécifique pour vous, quitte à ce que vous vous ramenez votre repas. Mais c'est vrai qu'aujourd'hui, quand on sort au restaurant, tout dépend du restaurant. Alors il faut éviter les restaurants italiens, mais dans un bon restaurant français, ça devrait aller.

  • Speaker #0

    Et le jeûne thérapeutique ?

  • Speaker #3

    Et le jeûne thérapeutique, j'y viens tout de suite. Moi, bien sûr, je suis... pour. Je ne suis pas pour parce que je suis naturopathe, je suis surtout pour parce que je suis moi-même une jeuneuse depuis 25 ans. Et effectivement, le jeûne, il permet de réveiller les forces d'autoguerrison parce que comme le système digestif est complètement mis au repos, cette énergie va être mise au service de la guérison. Et donc, quand on jeûne, effectivement, on peut réparer ce qui ne va pas à l'intérieur de soi. Là où je mets juste une alerte, Pas tout seul chez soi à la maison au-delà de deux jours. Donc, si on fait deux jours chez soi, ça peut fonctionner. C'est déjà un début. Mais ne jamais, jamais se lancer dans des jeûnes de sept jours minimum, seul chez soi à la maison et vraiment d'être encadré.

  • Speaker #0

    Et un jeûne de 30 jours, généralement, après 30 jours, on ne souffre plus rien. Il ne se passe plus rien au bout de 30 jours. Non, mais juste au-delà de ça, c'est vrai qu'il y a le jeûne intermittent, sauter un repas, il y a le jeûne d'une journée. Mais en tant que médecin, on met aussi des alertes. Je ne vais pas vous raconter, mais j'ai au moins trois histoires de patients qui ont fini en réanimation pour des carences graves sur des jeunes, notamment des jeunes cétosiques, etc. Donc, je pense que c'est important de ne pas aller recueillir uniquement son information chez des youtubeurs, parce que malheureusement, ils n'ont pas forcément de formation. Et parfois pire, en fait, ils ne font que relayer une méthode qui ne leur appartient pas, mais qui leur permet... de financer certaines activités. Donc là aussi, il faut quand même rester très, très, très, très vigilant. Quand c'est des choses de bon sens, je pense qu'il y a assez peu de problèmes. Jeûner une journée, je pense que ce n'est pas très dangereux. Mais jeûner 30 jours, ce n'est pas que c'est dangereux, c'est radical.

  • Speaker #7

    Bonjour, merci d'avoir posé le constat que l'accès au bien-être n'est pas égal dans la société. C'est vrai que ce qui me gêne un peu, c'est... Le fait que les consultations sont chères, pas remboursées, il faut d'abord avoir accès à la connaissance de ce qui peut se faire. Je voulais savoir comment vous, en tant que soignant, vous militez pour un accès plus égal au bien-être de la société ? Par exemple, remboursement des consultations de naturopathie, accès au bien-être, pas seulement pour les personnes privilégiées. Merci.

  • Speaker #3

    Je vais commencer. Il y a beaucoup d'associations de naturopathes qui se sont créées. On essaye vraiment de tous s'unir pour pouvoir avoir notre propre label et pour pouvoir avoir une reconnaissance de nos pratiques. C'est compliqué parce qu'à partir du moment où ce n'est pas réglementé, c'est un champ qui est aussi ouvert à différentes pratiques qui ne fonctionnent pas toujours. C'est pas simple mais on y travaille beaucoup. Alors après effectivement comment la rendre accessible ? Il y a plein de façons aujourd'hui de communiquer sur la thématique du bien-être. Il y a l'écriture, il y a effectivement tous les contenus qu'on peut réaliser sur les réseaux sociaux ou via la télé. Ça c'est des choses en général qui sont soit gratuites, qui ne coûtent pas très cher le prix d'un livre. Après effectivement pour rebondir sur ce que Aurélien disait avant par rapport aux jeunes, je pense que c'est important aussi. Je pense que ce qui est important c'est de trouver des vraies sources d'inspiration, de personnes qui vous inspirent, confiance déjà, et de ne pas tout prendre et de ne pas tout écouter, parce que tout n'est pas toujours bon à prendre sur les plateformes gratuites, même si c'est très bien. Donc peut-être faire un petit travail en préambule pour trouver les bons thérapeutes qui vous inspirent et voir comment être en lien avec cet espace de connaissances.

  • Speaker #0

    Sébastien, est-ce que tu voulais rajouter quelque chose ?

  • Speaker #2

    Oui, alors l'accès aux soins de santé mentale, c'est une vaste question. C'est vrai que c'est extrêmement compliqué aujourd'hui de trouver un rendez-vous. En termes de psychiatrie, par exemple, Strasbourg est particulièrement bien fourni en psychiatre. par rapport à la moyenne des villes françaises, même de taille similaire, et pourtant c'est difficile. Je pense qu'il n'y a peut-être pas une optimisation de l'utilisation des ressources, c'est une première question, mais on pourrait aller très loin, et c'est un sujet qui dépasse un peu le thème de la table ronde.

  • Speaker #0

    Après, il y a aussi des choses qui changent doucement, des résistances, des habitudes. Je ne pourrais pas aller plus dans le détail, mais je pense qu'en France, on n'est pas les plus mal lotis en termes d'accès aux soins. Je vous le dis, même si c'est dans des pays où on a l'impression que beaucoup de choses sont beaucoup plus avancées, c'est bien pire. Donc, on n'est pas les plus mal lotis, mais évidemment, il y a des choses à améliorer, mais peut-être aussi dans la meilleure orientation vers les bonnes personnes.

  • Speaker #1

    On va prendre encore les trois dernières interventions.

  • Speaker #2

    Oui. Bonjour, merci en tout cas pour vos interventions. J'ai deux questions qui seront courtes. La première pour le docteur Marquis au niveau sociologie. Comment expliquez-vous l'accélération de l'injonction au bien-être chez les jeunes, notamment par le biais des créateurs de contenu et autres influenceurs qui vont pousser les jeunes à aller mieux pour des raisons qui m'échappent personnellement ? Et une deuxième question également aussi, par contre, pour le docteur Weibel. On a eu un rapport en 2024 des services gouvernementaux qui a listé l'ensemble des pathologies mentales, mais il n'y figure pas le trouble de la personnalité borderline. J'aurais voulu savoir pourquoi, encore en 2024 et en France, un tel trouble de la personnalité n'est pas encore reconnu au niveau national.

  • Speaker #3

    Merci beaucoup pour votre question absolument essentielle. Je vais tenter une réponse courte. Je pense que ça témoigne de la pression immense qui pèse sur les épaules de tout un chacun, et des jeunes en particulier, dans une société dans laquelle, encore une fois, il y a ce présupposé démocratique selon lequel toutes et tous nous avons ce potentiel en nous, mais que c'est à nous de le trouver. Et combiné à cette pression se retrouve, je pense... La représentation qui correspond à une certaine réalité, représentation selon laquelle l'ascenseur social classique, traditionnel, il est un peu cassé. Aujourd'hui, dans le monde dans lequel on est, c'est compliqué de se dire que faire 5, 6, 7 ans d'études supérieures, c'est un investissement qui va de toute façon payer parce que le monde change très très vite. Et donc je pense qu'il y a cette idée, cette idéologie, voire ce fantasme de pouvoir éventuellement court-circuiter ce parcours long par le fait. d'identifier et puis de développer ce qui nous fait nous-mêmes comme individus et qu'on va pouvoir constituer en capital pour, par exemple à travers de la création de contenu, etc., se faire une place dans la société. Mais à mon sens, en amont, ce dont ça témoigne, c'est de cette fameuse pression au bien-être dont on parlait au début.

  • Speaker #1

    Sébastien ?

  • Speaker #0

    Oui, sur la liste des pathologies mentales, je ne suis pas très sûr de savoir quel rapport vous faites référence, mais... Le trouble de la personnalité borderline existe dans les classifications internationales. Alors, qu'est-ce que c'est ? C'est un trouble caractérisé par une dysrégulation des émotions, des difficultés dans les relations persistantes et souvent un désespoir chronique, des idées suicidaires. Et il est vrai qu'en France, il y a beaucoup de retard et une très mauvaise prise en charge. Alors, je pense qu'à Strasbourg, on n'est pas les plus mauvais parce que c'est un sujet sur lequel on travaille beaucoup. Mais il y a peut-être une raison qui est d'ordre la responsabilité des médecins qui ne sont jamais trop intéressés au sujet parce que ce n'est pas un... Une problématique qui se règle avec des médicaments, simplement. Ça a été souvent mis un peu de côté. Une très mauvaise compréhension des mécanismes sous-jacents. Mais je pense que les choses changent et je vois ça chez les jeunes médecins, chez les jeunes psychiatres, dans les congrès. C'est un sujet qui est de plus en plus abordé et largement.

  • Speaker #1

    On va maintenant cumuler les deux dernières questions d'un seul coup et je laisserai ensuite la parole à chacun pour aussi dire le mot de la fin.

  • Speaker #4

    Bonsoir, merci pour votre... Vos interventions, c'était vraiment très intéressant. Alors moi, c'est plus un témoignage qu'une question. En qualité de naturopathe, je pense que je ne vais pas me faire que des amis, mais je trouve qu'il y a une urgence à créer des ponts forts entre la médecine moderne et la naturopathie aujourd'hui, parce que le fait de la rejeter, de la stigmatiser, et peut-être parfois de la railler... ouvre des portes un petit peu à toutes les fenêtres parce qu'aujourd'hui il y a énormément de formations qui ne sont plus sérieuses et on voit des naturopathes qui font un peu tout et n'importe quoi et je pense que c'est de notre responsabilité en tant que naturopathe quand on travaille bien de le pointer du doigt aussi il y a des gens qui sortent d'école et je suis désolé de le dire qui sont dangereux parce que ils vont avoir des discours qui vont parfois renforcer par des biais cognitifs de confirmation etc l'isolement de certaines personnes dans des croyances et qui vont pouvoir renforcer parfois certains troubles mentaux de personnes borderline ou psychotiques. Et aussi en formation, même dans les plus sérieuses, on n'est pas forcément très bien formé aux liens thérapeutiques et aux discours qu'on peut avoir avec certaines personnes qui vont justement parfois augmenter les troubles de certaines personnes et encore plus, et comme j'ai pu l'entendre, les personnes qui vont avoir des discours. parfois dangereux sur YouTube ou etc. Et YouTube n'est pas qu'une source d'information. Il faut vraiment faire attention à ça. Voilà, donc c'était l'urgence de créer des ponts parce qu'aujourd'hui, en plus renforcés par les réseaux sociaux comme on en a parlé, il y a cette forme d'injonction au bonheur et je trouve que c'était très bien souligné par Pascal Bruckner dans son livre L'euphorie perpétuelle, un essai sur le devoir du bonheur. Aujourd'hui, les gens... augmentent leur stress à vouloir devenir des êtres parfaits et c'est très complexe. Du coup, je trouve qu'une alliance entre le corps médical et les médecines alternatives est plus qu'urgent et important.

  • Speaker #1

    Merci, on va prendre la deuxième question. On y est.

  • Speaker #4

    Merci.

  • Speaker #5

    Moi je trouve le sujet du bien-être est un sujet fabuleux, passionnant et extrêmement complexe. Et je me pose la question, est-ce que je vais bien ? Parce qu'on n'a pas de définition réelle. Si j'ai une autre pathologie, on me fait une prise de sang, on me dit, voilà, ça c'est trop, c'est ceci, etc. Là c'est une question très complexe. Voilà. D'où ma question, c'est de dire, est-ce que l'environnement dans lequel on se trouve, que ce soit l'environnement familial qui soit perturbé, l'environnement social, économique, national, international, est-ce que lui aussi ne rend pas ce malaise un peu plus fort qu'il est en réalité ? Et puis un point qui a été évoqué, qui est pour moi très important, on est soi-même son médecin. Parce qu'aujourd'hui encore, aller voir le psy, si on en parle autour de soi, on se dit, il est un peu fou. On va voir les médecins ou la médecine un peu parallèle, ou alors les compléments, mais je ne sais pas trop bien. Et donc, comme je ne sais pas, finalement, je me sens mal. Et comme je me sens mal, je me complais. Comment pourrait-on activer ce médecin personnel pour prendre soin de soi-même et d'en sortir ?

  • Speaker #1

    Merci, je vais vous laisser la parole. Libre à vous d'y répondre ou de finir sur un mot de la fin. Et puis, on commence par vous, Nicolas Marquis.

  • Speaker #3

    Merci beaucoup. Je ne sais pas si vous allez bien, monsieur, mais je ne sais pas si je vais très bien non plus. Je ne vais pas vraiment pouvoir vous aider. Simplement, je dirais que je conclurai là-dessus. Moi, il me semble que dans ma perspective, encore une fois, de sociologue, quand je regarde avec des lunettes, si vous voulez, assez distantes, Ce qu'on considère aujourd'hui comme l'aller bien, que ce soit dans les pratiques de soins ou ailleurs, je dirais qu'il y a trois critères qui me sautent aux yeux. Être bien, c'est d'abord être soi, c'est-à-dire ne pas avoir des idées trop délirantes, savoir ce qu'on veut, etc. C'est être actif plutôt qu'être passif, ça veut dire savoir se mouvoir, savoir réaliser des choses. Et c'est enfin être, entre guillemets, correctement socialisé, c'est-à-dire n'être ni exclu. ni complètement collés à un environnement social qu'on arrive à tenir à bonne distance. Alors je ne dis pas que ce sont des bons critères, je dis simplement que j'ai l'impression que ce sont les critères qui aujourd'hui sont les plus souvent mobilisés et qui bien sûr doivent être sujets à discussion parce que comme tous, ce sont des critères normatifs.

  • Speaker #0

    Dans les études internationales, il y a beaucoup d'études qui ont été faites sur le bonheur. Et finalement, les chercheurs sont tous d'accord que la meilleure mesure, c'est de dire entre 0 et 10, vous vous situez où par rapport à votre bien-être. Ça reste le thermomètre finalement très simple et finalement le meilleur. Et en fait, les Français, on n'est vraiment pas très bons. Je peux vous dire qu'on est plutôt en bas de la perception de son propre bien-être. Les Belges, je ne sais pas. Les Danois, c'est beaucoup plus haut. Mais après être déménagé au Danemark, je ne suis pas sûr que ça marche tout de suite. Donc... Voilà, donc je pense qu'il y a une forme, effectivement, de comparaison qui est toujours... D'ailleurs, les réseaux sociaux sont une source de problèmes par rapport à ça, parce qu'on se compare à quoi ? C'est quoi la référence ? C'est ce que j'ai vu du petit bout du monde. Voilà, donc comment chacun va ? Je crois que c'est une question vaste et je ne saurais pas y répondre comme ça. Et peut-être c'est... Aussi observer à chaque instant, je pense que c'est aussi la sagesse de dire Ok, j'arrête de regarder trop loin, j'arrête de regarder à côté et je regarde aussi là, qu'est-ce qu'il y a maintenant ? Je respire, je ressens les choses, je vais dans la nature et je suis assez d'accord, je vais toucher un arbre. Un psychiatre peut faire ce genre de conseils aussi. Voilà, pour sentir qu'est-ce qu'il y a là maintenant. Et peut-être ça aide pour se sentir mieux sans avoir des exigences trop rigides.

  • Speaker #1

    Esther, le mot de la fin ?

  • Speaker #6

    Le mot de la fin, en fait, je n'avais pas prévu de mot de la fin, mais il y a un terme qui est arrivé dans ma tête et que je voulais juste vous partager. En fait, c'est Pierre Rabhi qui parlait de sobriété heureuse. Et en fait, parfois, juste quand on se demande si on va bien, c'est juste simplement d'apprécier dans l'instant présent ce qui va bien. Et parfois, c'est des petites choses de la vie. Et ce que je voudrais juste dire pour finir, c'est qu'en fait, on n'a pas toujours la maîtrise. de tout ce qui change autour de nous, mais on a toujours la maîtrise de changer qui on est à l'intérieur. Et je crois que le meilleur conseil que je peux vous donner, c'est amusez-vous. Amusez-vous, soyez joyeux, amusez-vous, ça c'est une belle injonction quand même.

  • Speaker #1

    Alors, merci pour vos interventions. Ce n'était pas simple de se prêter à la question et au jeu du bien-être, mais je pense que vous l'avez fait avec succès. donc merci beaucoup alors

  • Speaker #3

    Nous allons terminer notre forum en toute logique par la prochaine table ronde qui s'intitule le passage à l'acte.

  • Speaker #6

    On vous retrouve dans quelques minutes pour cette dernière table ronde.

Description

Forum européen de Bioéthique 2025 : Santé mentale & Bioéthique


Le bien-être en question


Soyez cool, soyez zen ! Mangez sainement, faites du sport ou du Yoga ! Ça ne suffit pas ? Prenez des compléments alimentaires, faites un régime ou méditez. Et si ça ne va pas mieux, qu’à cela ne tienne, utilisez des antidépresseurs ou des anxiolytiques !

Le bien-être se conjugue souvent à l’impératif. Mais comment pouvons-nous garantir des pratiques efficaces et éthiquement responsables ?


Avec :


Nicolas Marquis, Professeur de sociologie à l'UCLouvain Saint-Louis Bruxelles, ERC Starting grantee


Esther Schmitt, Naturopathe, Auteure publiée, Consultante entreprises


Sebastien Weibel, Psychiatre, Praticien Hospitalier aux Hopitaux Universitaires de Strasbourg, Chercheur associé (PhD-HDR), Inserm STEP (Strasbourg Translational nEuroscience & Psychiatry)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans cette salle de l'Aubette, mais également derrière vos écrans sur le site du Forum européen de bioéthique pour discuter d'un sujet peut-être plus optimiste que les précédents, le bien-être en question. Et pour modérer cette table ronde,

  • Speaker #1

    je passe la parole à Aurélien Benoît-Lide. Merci. Oui, peut-être plus apaisé, mais en même temps, c'est le bien-être en question. J'espère que vous sortirez d'ici effectivement apaisés pour ce samedi après-midi. Le bien-être est un concept somme toute assez difficile à cerner, dont les contours sont flous et que l'on décline de différentes manières. Alors il y a le bien-être complet, sorte de béatitude zen, qui serait une approche du nirvana dans lequel tous les aspects de la vie seraient équilibrés et joyeux. Il y a le bien-être physique, alors là on est plutôt dans des aspects de massage, de confort on va dire. Puis le bien se définit encore ou s'associe à d'autres termes, c'est la bienveillance, on parle beaucoup de bienveillance, que ce soit une bienveillance éducationnelle, une bienveillance au travail. Il y a le bien vieillir aussi, le bien manger, le bien penser, jusqu'à la bien-pensance. Finalement le bien s'accoutume beaucoup de... de beaucoup de suffixes dans lesquels parfois on peut voir une sorte d'injonction. Mais le bien-être, en tout cas pour la philosophie, n'a pas franchement ses lettres de noblesse. On lui préfère parfois d'autres concepts, la liberté, la résilience, le devoir. Le bien-être apparaît somme toute comme quelque chose d'assez ordinaire, parfois même un peu médiocre. D'ailleurs, on ne parle pas de santé animale, on parle de bien-être animal. Pour la médecine, c'est un peu la même chose. Malgré la définition très large de l'Organisation mondiale de la santé, qui définit la santé comme un état de complet bien-être physique, mental et social, il s'avère que pour la médecine, le bien-être n'est pas forcément un aboutissement ou la mire absolue. Ça n'a qu'une importance assez relative. D'ailleurs, dans les études de médecine, on ne parle pas souvent de bien-être. On parle beaucoup de pathologie, on apprend la maladie, on apprend la physiologie, on apprend ce qui semble être l'invariable chez les patientes et les patients que l'on va rencontrer, mais pas tellement cet aspect très subjectif qu'on appelle effectivement le bien-être. En bioéthique, me direz-vous, là aussi, le bien-être n'est pas une notion qui a beaucoup la cote. J'en veux pour preuve la vie 147 du CCNE qui a été rendue... Il y a quelques jours, et dont on a déjà pas mal parlé ici, la vie 147 qui s'est posée la question de la santé mentale, en se disant de quoi est-ce qu'on va parler dans la santé mentale ? Parce que si on parle de santé mentale, alors effectivement, on va se confronter à cette notion un peu inattrapable qu'est le bien-être. Et donc finalement, on va réduire la question non pas à la santé mentale, mais à la psychiatrie, parce que la psychiatrie, on sait un peu mieux ce que c'est. Et pour les médecins, la psychiatrie, c'est aussi... un enchevêtrement de pathologies, de physiopathologies plus ou moins complexes. Donc finalement, le bien-être est un peu à la lisière, c'est un peu une sorte de territoire perdu ou abandonné par la médecine, par la bioéthique, par la science de manière générale. Pourtant, force est de constater qu'aujourd'hui, le bien-être ou la recherche du bien-être est un absolu et quelque chose qu'on retrouve dans toutes les dimensions de la société. C'est presque encore plus important que d'éviter le mal-être. Le bien-être est vraiment quelque chose à atteindre, avec une impression tantôt d'utopie, que ce serait vraiment extraordinaire d'avoir le bien-être, puis avec tantôt cet arrière-goût dystopique, où on verrait tout le monde avec un sourire béat, qui serait content de ce qui se passe, presque comme s'il y avait une forme de docilité vis-à-vis de la vie. Moi, à titre personnel, en tant que médecin et neurologue, J'observe aussi ça auprès de mes patients. C'est une préoccupation qui est très importante. Et je me rends compte, et ça je suis obligé de m'en rendre compte, c'est que finalement aujourd'hui soigner n'est plus toujours suffisant. On dispose d'une médecine qui est capable de faire des prouesses inimaginables, mais pour autant les gens ne sont pas toujours satisfaits parce qu'on ne répond pas à cette question. Peut-être que c'est cette question du bien-être. En tout cas, moi j'ai l'impression qu'on nous demande, à nous en tant que médecins aussi, de... nous impliquer dans le bien-être de mes patients. Et j'ai l'impression qu'ils n'ont pas forcément tort, mais ça sera probablement des choses dont on va discuter ensemble. Et puis, comme la médecine ne s'en préoccupe pas, mais que pour les patients et les patientes, c'est quelque chose de très important. Je dis les patients, mais pour nous tous en réalité. Et bien, comme la médecine ne s'en préoccupe pas, d'autres vont s'en préoccuper. Et parfois avec talent, avec des médecines complémentaires, alternatives, des choses qui vont permettre, et moi je le vois aussi en consultation, d'améliorer. durablement la santé des gens, mais parfois aussi maladroitement et peut-être même parfois aussi dangereusement. Donc c'est dans cette nébuleuse du bien-être que je vous propose de voyager pendant quelques minutes, quelques heures, peut-être pas quelques heures, quelques minutes, ça sera suffisant, pour ne pas non plus se noyer. Et pour ce faire, nous avons réuni autour de la table trois personnes de qualité. qui vont avoir trois angles de vue un peu différents. Il y aura tout d'abord Nicolas Marquis, qui est professeur de sociologie à l'UCL Louvain, Saint-Louis-Bruxelles. Il y aura également Esther Schmitt, qui est naturopathe, auteur publié, que l'on entend assez régulièrement sur France 3. En tout cas, c'est comme ça aussi que nous nous sommes rencontrés. Et Sébastien Weibel, qui est psychiatre, praticien hospitalier des hôpitaux universitaires de Strasbourg, chercheur associé. Donc, je vais tout d'abord donner la parole à Nicolas Marquis. Vous avez été auteur de livres sur le changement personnel. Vous avez travaillé le concept de développement personnel, de coaching, de discours de bien-être, mais aussi de la question du handicap. On vous laisse la parole.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. Tout d'abord, merci beaucoup à l'organisation de ce bel événement de m'avoir convié. Et puisque vous avez eu le courage, l'audace de convient un sociologue un samedi après-midi, qui plus est un sociologue belge, il faut peut-être que je vous dise un petit peu qu'est-ce que c'est étudier le bien-être comme un sociologue. Ou pour le formuler autrement, qu'est-ce que c'est prendre au sérieux cette catégorie du bien-être ? En quoi et de quoi cela nous parle-t-il du point de vue de la société dans laquelle nous nous trouvons ? Et pourquoi cette importance que nous lui donnons aujourd'hui ? Pour répondre à cette question de savoir c'est quoi étudier le bien-être comme sociologue, j'aimerais avec vous partir de quelque chose que tu as déjà très bien dit Aurélien, qui est cette ambivalence que toutes et tous, je pense, nous pouvons ressentir à l'égard de cette catégorie de bien-être. C'est-à-dire que d'un côté, assez clairement, le bien-être, c'est une valeur absolument évidente. C'est quelque chose auquel on tient, toutes et tous. C'est quelque chose. que l'on va considérer comme étant un droit. C'est quelque chose auquel on associe la vie bonne, la vie qui vaut la peine d'être vécue. Tu l'as dit également, du point de vue de l'OMS, il y a une équation entre bien-être et santé mentale. La santé mentale est un état de bien-être complet. Et puis le bien-être, dans le domaine des soins, c'est un horizon éthique extrêmement important. Est-ce que vous connaissez une personne qui est un soignant ou une soignante que vous considérez comme un bon soignant ? ou comme une bonne soignante, et qui ne se préoccuperait pas du bien-être de ses patients, de ses clients, etc. Donc d'un côté, on y tient, et on y tient authentiquement. Mais d'un autre côté, le bien-être, c'est aussi quelque chose dont on se méfie intuitivement.

  • Speaker #1

    Pourquoi ?

  • Speaker #0

    Eh bien parce qu'on le voit comme une norme. Directement, il y a quelque chose de l'ordre du fait qui est associé. C'est quelque chose en toque, c'est quelque chose d'artificiel. Le bien-être, il a toujours ce risque d'être frelaté. Pourquoi ? Parce qu'il nous serait éventuellement imposé de l'extérieur. On nous dit qu'il faut être bien. Le bien-être se conjugue à l'impératif. Cessez d'être gentil, soyez vrai. Vous connaissez toutes ces petites phrases. Et je pense que le petit texte rédigé à l'entame de cette table ronde qui nous réunit aujourd'hui, ça témoigne bien de cette ambivalence. Le bien-être est là. C'est important et en même temps il faut qu'on s'en méfie parce qu'il pourrait y en avoir une série de conséquences négatives sur les individus, sur la société, etc. Donc pour moi comme sociologue, l'importance que prend le bien-être aujourd'hui... Je la prends vraiment, non pas pour donner des bons et des mauvais points, mais comme porte d'entrée vers des tensions absolument centrales des sociétés dans lesquelles on se trouve. Et des tensions que toutes et tous, on peut ressentir. Premièrement, et puis cette table ronde sur le bien-être arrive après une autre table ronde sur la santé mentale des enfants, où il y a des choses extrêmement difficiles qui ont été dites. Est-ce qu'il n'y a pas un paradoxe à être dans une époque où on parle de bien-être comme sans doute jamais avant ? Alors que ce bien-être, il est peut-être là bien moins qu'avant. Est-ce qu'il n'y a pas un autre paradoxe dans cette société du bien-être, mais qui valoriserait un faux bien-être ? A se dire peut-être que si moi je me sens en bien-être, mais en vertu de critères qui sont ceux de cette société du faux bien-être, est-ce que mon bien-être est un vrai bien-être ? Autrement dit, est-ce que pour être bien, je ne devrais pas aller mal, si vous voulez ? Il y a cette fameuse phrase que beaucoup d'adeptes du bien-être citent de Christian Mourti, je cite de mémoire que c'est pas un signe de santé mentale que d'être adapté à une société qui va pas bien. Bon, voilà, et donc on est dans ces contradictions. Et puis finalement, bien-être, qui peut me dire c'est quoi mon bien-être, en quelque sorte ? Mais si personne ne peut me le dire, est-ce que moi je serais capable de trouver un langage propre ? Le philosophe Wittgenstein avait bien montré que le langage privé c'est quelque chose d'impossible. Donc voilà, il y a toute cette tension de savoir... Qui peut parler de bien-être ? Qui peut parler de bien-être pour qui ? Et c'est évidemment une tension sur laquelle on reviendra, parce que dans le domaine des soins, elle est absolument fondamentale. Donc, je dirais que d'un point de vue sociologique, si on me demande d'étudier ce que j'ai fait, le langage du bien-être comme sociologue, eh bien j'aurais tendance à l'étudier exactement comme d'autres sociologues ou d'autres anthropologues très malins, très intelligents, ont regardé par exemple la sorcellerie. dans d'autres sociétés. C'est-à-dire que le bien-être, la sorcellerie, la religion, ce sont des ressources culturelles. Ce sont des langages qui sont à notre disposition, avec lesquels nous grandissons, et que nous utilisons pour nous dire des choses les uns les autres, que nous utilisons pour nous dire des choses à nous-mêmes, pour nous dire les uns les autres qui on est. Est-ce qu'on est quelqu'un de bien ? Est-ce qu'on est quelqu'un, au contraire, qui a une vie pas trop réussie ? Ce sont des langages qu'on utilise pour s'expliquer nos malheurs, pour s'expliquer nos responsabilités dans le malheur. En bref, ça nous sert au quotidien, ce langage du bien-être. Alors, je vous l'ai dit, des langages ressources culturelles, toutes les sociétés en développent. Celui du bien-être qui nous occupe aujourd'hui, c'est un langage qui est particulièrement adapté à un certain type de société, c'est-à-dire qu'il n'est pas apparu comme ça. Si on utilisait notre langage dans d'autres lieux, ou dans d'autres temps, les Gaulois, les Grecs anciens, etc. Je ne suis pas sûr qu'ils nous regarderaient comme si on était tout à fait sains d'esprit. Notre langage du bien-être aujourd'hui, il est adapté à des sociétés qu'avec des collègues, notamment Alain Ehrenberg, nous appelons les sociétés individualistes. Alors les sociétés individualistes, ce n'est pas un jugement moral. Ce ne sont pas des sociétés qui seraient caractérisées par un égoïsme crasse où il n'y aurait plus que du chacun pour soi. Bien sûr, on peut trouver qu'il y a ça aussi. Mais sociologiquement, une société individualiste, c'est une société qui précisément a comme caractéristique de valoriser l'individu et son autonomie au-delà de la façon dont elle valorise le groupe. C'est une société dans laquelle chaque individu est au moins, je dirais théoriquement, doté d'une autonomie de principe. Et cette autonomie... Dans nos sociétés individualistes, on a tendance à la loger dans quelque chose qu'on a creusé au fil des derniers siècles, qui est notre intériorité. Il y a vraiment cette idée qui, en réalité, dans l'histoire de l'humanité, n'est pas très ancienne. Alors bien sûr, tous les individus de tous les peuples ont sans doute réussi à dire je à se faire sujet d'action. Mais ce qui nous différencie, si vous voulez, c'est l'investissement de ce quelque chose qui se logerait à l'intérieur de nous. Cette intériorité est qu'on considérait comme ressource de sens, comme ressource de puissance, et comme diapason à l'aune duquel on doit mesurer la qualité de notre vie. Donc voilà, c'est ça ce premier point qui nous différencie comme société, c'est cet investissement du bien-être intérieur. Mais ce n'est pas le seul point qui caractérise les sociétés individualistes. Lorsque le philosophe français Alexis de Tocqueville s'est rendu aux Etats-Unis au milieu ou aux premières parties du 19e siècle, il devait d'abord étudier les prisons. C'est ce qu'il a fait, mais il a aussi trouvé une série d'autres choses intéressantes dans la façon dont la société américaine était organisée à l'époque et qu'il a contrasté avec une société française qui avait peine à sortir de l'ancien régime malgré la révolution. Et ce qu'il a frappé... C'est le point auquel, dans ses propres termes que je paraphrase ici parce que j'ai une assez mauvaise mémoire, aux États-Unis, il y avait cette idée que chaque être humain potentiellement disposait d'un potentiel, d'une perfectibilité quasiment infinie. Là où, dans une société française d'ancien régime, de classe en quelque sorte, vos capacités étaient quelque part indexées sur votre statut de naissance. sur votre éducation et donc était largement plus déterminé. Et il a donc eu cette phrase qui a fait couler beaucoup d'encre, selon laquelle les sociétés démocratiques ont tendance à desserrer peut-être trop, peut-être indéfiniment, les limites de la perfectibilité humaine, là où les sociétés aristocratiques ont tendance à la resserrer. C'est-à-dire que dans les sociétés démocratiques, les sociétés individualistes, il y a cette idée que toutes et tous nous disposons... de ce potentiel, quel que soit notre état. Et je dirais que depuis Tocqueville, se présupposer de l'autonomie individuelle, il n'a fait que voir ses frontières reculer. L'enfant, la personne par exemple en situation de handicap, sont parmi les derniers personnages auxquels, alors heureusement ou pas, ce n'est pas à moi de me prononcer, j'observe cela simplement ici, nous avons enfin appliqué ce principe au même titre. qu'à d'autres personnes. Donc dans cette société des égaux, théoriquement, on est dans un pays qui a écrit ça sur un papier il y a quelques centaines d'années, nous sommes tous théoriquement égaux, mais on sait bien que pratiquement, on est toutes et tous inégaux et inégales. Et donc il y a là une tension qui est quand même très intéressante, qui est que d'une part, chacun peut, et pourtant nous n'arrivons pas à la même chose. Nous n'arrivons pas aux mêmes formes de vie. De ce point de vue, ça nous permet d'indiquer peut-être une des raisons pour lesquelles on se méfie de ce fameux bien-être parce que d'un côté, comme on l'a dit, le bien-être c'est un droit, c'est une possibilité commune, nous sommes tous égaux, même si c'est dans nos infinies différences, mais d'un autre côté, le bien-être c'est aussi un devoir, un attendu. Oui, on l'a dit tout à l'heure, le bien-être c'est une norme sociale. Et si vous voulez le tester, essayez d'aller mal. Alors, vous allez me dire, c'est très facile d'aller mal. Mais essayez d'aller mal et essayez de vous complaire là-dedans. Essayez, comme l'on dit aujourd'hui, d'occuper une position de victimisation. Vous allez voir que ce n'est pas forcément si facile que ça, de renoncer de façon autonome à son autonomie. Oui, il y a bien des attentes sociales qui pèsent sur nos épaules et qui consistent à vouloir nous éloigner du sacrilège. des sociétés individualistes, du sacrilège que représenterait le fait de ne pas explorer l'entièreté de vos capacités, de ne pas explorer l'entièreté de votre potentiel. On en a parlé un petit peu à la table ronde précédente, on est dans un environnement moral qui a beaucoup de mal avec les déterminismes, qui a beaucoup de mal à mettre en mots, en phrases, mettre en explication l'idée d'échec. Ça ne veut pas dire du tout que les déterminismes, les échecs, les souffrances... n'existe pas. Mais on ne sait pas très bien comment prendre cela parce qu'on est quelque part tenu et chapeauté par cette exigence que nous nous imposons selon laquelle les portes ne peuvent pas jamais être totalement fermées. En tant que soignant par exemple il n'est pas normal pourrait-on dire, il n'est pas bien d'abandonner par rapport à tel ou tel patient notamment dans les domaines de la santé mentale que je connais un petit peu en Belgique d'abandonner l'idée que pour cette personne, on peut en espérer un tout petit peu plus. On ne peut pas condamner, on ne peut pas étiqueter. Mais évidemment, si on ne condamne pas, si on laisse tout à chacun les possibilités de se dire qu'un petit peu plus est possible, la question est la suivante. Qui doit travailler pour que ce bien-être advienne ? Eh bien, évidemment, dans cet environnement moral-là, la réponse est assez simple. Si tout le monde peut... Alors chacun doit. C'est-à-dire que de ce présupposé démocratique selon lequel chacun a dans ses différences les capacités d'être plus que ce qu'il n'est à l'heure actuelle, on a là un principe de sens commun d'explication des inégalités. Si tout le monde a la possibilité d'être heureux mais que certains le sont et d'autres pas, et bien ça veut dire que ceux qui ne le sont pas ont à leur charge le fait de mener le combat ou les combats qui s'imposent pour obtenir ce qui théoriquement du moins leur est affublé comme potentiel. J'ai écrit récemment un petit texte sur le documentaire Kaizen, je ne sais pas si ça dit quelque chose à certains d'entre vous, c'est exactement ça que ça raconte. Ça raconte ce conte de fées des temps modernes qui consiste à considérer que rien n'est impossible pour personne Petit astérisque, tant qu'on le veut vraiment Autre petit astérisque, et tant qu'on a les capacités financières de le faire, etc. Ça évidemment c'est autre chose Mais le succès, et notamment auprès des jeunes, de ce type de messages témoigne de l'attrait que nous avons pour ces contes de fées Alors, de ce point de vue là Comme sociologue, moi, les pratiques de bien-être qui sont infinies, et on pourra revenir sur leur spécificité bien sûr tout à l'heure, on a parlé du développement personnel, le petit texte parlait également du yoga, j'étudie pour ma part pour le moment le recours de plus en plus important au psychédélique dans des pratiques de bien-être ou de santé mentale, mais aussi le coaching, la pleine conscience. Qu'est-ce que c'est ? Eh bien sociologiquement, bien sûr que ce sont des façons de s'investir pour s'en aller mieux. Mais je pense qu'il faut aussi les voir comme des instruments de distinction sociale. C'est-à-dire que dans une société des égaux, travailler à votre bien-être, ça vous permet de vous dire à vous-même et ça vous permet de dire à autrui qui vous êtes. Ça vous permet de dire que vous respectez une norme sociale qui est absolument fondamentale et qui est celle qui consiste à dire, comme nous avons tous, un potentiel. Et que ce potentiel est potentiellement infini, il convient de ne jamais se reposer sur ses lauriers. Il convient de ne jamais se laisser tranquille, en quelque sorte. C'est ça la croix, si vous voulez, que nous portons comme individus des sociétés individualistes. C'est donc une pratique et un respect des normes de ces sociétés. Et c'est un mode d'attribution des responsabilités et une explication de pourquoi certains ont et certains n'ont pas. Alors, si je peux prendre encore deux petites minutes. J'en viens maintenant à une question qui est peut-être plus proche de la thématique de la table. Finalement, dans ce contexte-là, que j'ai tenté de brosser ici à trop gros traits, quelles sont les pratiques de bien-être qu'on va avoir tendance à valoriser ? Quand je dis qu'on va avoir tendance à valoriser, c'est-à-dire en tant qu'environnement social, pas chacun individuellement, mais qu'est-ce qui va bien être vu ? Quelles pratiques est-ce qu'on va considérer comme à la fois éthiques, c'est-à-dire respectueuse des individus, et d'autre part, comme efficace. Je pense qu'essentiellement, ce sont des pratiques qui ont certaines caractéristiques. La première, c'est que ce doit être, du point de vue de notre environnement moral, une pratique qui met la personne au centre de la transformation qu'elle dit avoir besoin. dont elle dit avoir besoin pour son existence. Il y a vraiment cette idée qu'aujourd'hui, la bonne intervention sur autrui, ce n'est pas celle qui fait, c'est celle qui fait faire. Faire, faire. C'est l'empowerment. C'est le fait d'être dans cette position d'augmenter les capacités d'un individu à agir sur lui-même. Deuxième caractéristique, ce que j'ai tenté de mettre en lumière dans le cadre des travaux que j'ai pu réaliser à ce sujet, c'est qu'aujourd'hui, ce qui légitime la position de soignant, ou même plus largement la position de personne qui intervient sur autrui, cette légitimité a tendance à changer. C'est-à-dire que c'est de moins en moins les capitaux classiques, le titre de professeur, ou la blouse blanche, ou le fait d'avoir usé vos culottes très longtemps sur les bancs de l'université, etc. Alors bien sûr, ça continue à compter, mais ce qu'on voit du point de vue d'une frange importante de la population, c'est que l'intervention légitime sur moi, je vais l'attribuer en quelque sorte non pas à des experts lointains, mais à des experts du vécu, à des experts proches, c'est-à-dire à des personnes qui ont vécu la même chose que moi et qui peuvent... Faire quelque chose qui aujourd'hui prend une place très importante, c'est le témoignage. Quelqu'un qui est un frère ou une sœur humain ou humaine, qui n'est pas différent de moi, qui n'est pas au-dessus, mais qui est en quelque sorte un tout petit peu en avance sur ce parcours de vie que je connais, par exemple, une séparation difficile, par exemple, tel trouble de l'attention ou tel syndrome, tel que la schizophrénie, qui n'est d'ailleurs plus la schizophrénie mais l'entente de voix, par rapport à laquelle c'est possible d'avoir de la pér-expertise, etc. Donc, vous voyez, il y a cette idée que la bonne intervention sur autrui, Ce n'est pas celle qui se trouve au-dessus, c'est celle qui se trouve à côté, en quelque sorte, qui pratique la maïotique et surtout qui personnalise l'intervention. Il y a, je pense, aujourd'hui, et je terminerai par là, quelque chose qui est de l'ordre d'un esprit anti-institutionnel, c'est-à-dire d'un esprit relativement critique des institutions qui nous pousse à voir dans les institutions Quelque chose, et dans la société de façon générale, quelque chose qui a tendance à nous limiter, à oppresser, à ne pas permettre à nos capacités individuelles de se développer. Aujourd'hui, être soi, on a tendance à l'entendre assez rapidement et automatiquement, comme le fait d'être soi contre les normes sociales, contre une famille, contre un groupe, contre une école qui vous a assigné à une identité. que vous pouvez finalement dépasser. Il y a donc cette idée que la bonne intervention sur autrui, elle devrait se dérouler dans ces pratiques de bien-être en dehors des champs convenus, par exemple, de la psychiatrie, de la faculté, etc. Enfin, cette société qui, comme vous l'avez compris, valorise comme aucune autre la position active. plutôt que d'être passif, d'être victime. Et plus encore le fait d'être actif, d'agir sur soi-même, agir de soi-même et sur soi-même. Je pense qu'on ne peut pas en mesurer ni l'importance, ni le caractère tragique, si on ne prend pas en compte un élément plus global de la situation dans laquelle on se trouve. Et c'est un élément qui est au cœur de notre modernité. C'est-à-dire que la promesse de la modernité, ça a été celle, depuis les Lumières, d'une maîtrise. plus importante par les humains du monde, à condition que les êtres humains utilisent leurs raisons. Une maîtrise à l'extérieur, de la nature, etc. Mais aussi une maîtrise à l'intérieur. Sauf que la réalité de la modernité, ça a été quoi ? Ça a été, et on le vit chaque jour de plus en plus fort, la déprise de plus en plus massive par rapport à des enjeux qui nous dépassent. Des enjeux politiques, des enjeux économiques, des enjeux climatiques, qui font que ce que nous... avec notre cerveau individuellement, avec nos mains, nous pouvons faire, on ne sait pas très bien dans quelle mesure ça compte. Je pense que cet investissement du bien-être et de l'action de soi sur soi, on doit le comprendre aussi à l'aune de ce contexte extrêmement anxiogène, à l'intérieur duquel finalement on n'est pas sûr de savoir si on compte. Ce qu'on est sûr de faire, c'est de pouvoir travailler sur soi-même, avec ses mains et avec ses neurones, au moins ça sera toujours ça de gagné. Je vous remercie.

  • Speaker #1

    C'est parfois reposant quand même d'être passif, peut-être pas d'être victime. Et c'est vrai que cette injonction, cette utopie de soi qui cherche à se dépasser continuellement pour aller vers du mieux, vers du bien. Peut-être, je me dis, ça peut occasionner, si ce n'est de la déprime, tout du moins de la fatigue ou de l'épuisement. Et peut-être même que c'est des choses qu'on pourrait voir apparaître en clinique. Je vais maintenant laisser la parole. A Sébastien Weibel, vous êtes psychiatre, praticien hospitalier au CHU de Strasbourg, chercheur associé à l'Inserm. Vous avez une spécialisation dans les troubles déficitaires de l'attention avec hyperactivité, mais également dans les troubles de l'humeur. Vous proposez en règle générale plutôt des soins basés sur des thérapies validées scientifiquement ou dans un contexte de psychoéducation, des choses qui sont peut-être parfois un peu éloignées aussi de cette notion de bien-être. Je suis ravi de vous écouter.

  • Speaker #0

    Merci, merci de m'avoir invité et de pouvoir parler de ma perspective justement de psychiatre. Et la question pourrait être, faut-il des médecines de la santé mentale et du bien-être ? Parce que si je dois me sentir bien, si je dois être heureux, et si je ne le suis pas, est-ce que je dois consulter ? Et donc, je remercie aussi pour ton introduction Aurélien et cette très intéressante perspective sociologique qui vont finalement complètement se compléter ce que je vais m'inscrire complètement dans cette perspective. Et donc, déjà, qu'est-ce que c'est qu'être un psychiatre ? Un psychiatre, c'est un médecin qui cherche à soigner des troubles qu'on appelle des troubles psychiatriques. C'est très tautologique ce que je dis là, mais en fait, comme tout médecin qui cherche à... améliorer la santé de personnes qui l'ont soit perdu ou bien sont à risque de la perdre. Le travail du psychiatre finalement c'est d'améliorer la santé mentale du coup, on pourrait se dire ça. Mais alors est-ce que quand la santé mentale décline, est-ce que ça veut dire qu'il y a un trouble psychiatrique ? La réponse est en fait un peu plus compliquée, on pourrait vite balayer ça en disant bah non bah non ou bien peut-être oui. Parfois, Il y a un accident génétique ou dans le développement, un dysfonctionnement qui s'ancre dans le fonctionnement du cerveau et on observe des troubles. Ça peut se manifester précocement, je ne sais pas, la déficience intellectuelle ou plus tardivement à l'adolescence, malgré des gènes qui auraient pu favoriser ça, comme dans le trouble bipolaire. Parfois, les choses sont différentes et ce sont les personnes qui ont vécu. des choses radicalement anormales et qui ont une sorte de cicatrisation qui les met dans un fonctionnement qui est en soi pathologique. Alors cicatrisation c'est une métaphore, il n'y a pas de cicatrices dans le cerveau comme ça, comme on aurait sur la peau, mais une forme de switch vers une façon de fonctionner qui n'est plus adaptée malgré la disparition de la blessure. Et ça, c'est le modèle le plus typique, c'est le trouble de stress post-traumatique. J'ai subi une menace extrême et je continue, malgré la disparition de cette menace, à vivre comme si j'étais encore dans une situation de danger. Parfois encore, il peut y avoir une réaction tout à fait normale à une situation qui serait problématique. Est-ce que c'est normal d'être en bonne santé mentale dans une société qui... qui dysfonctionne, voilà, et c'est finalement l'exemple paradigmatique du deuil en fait. Est-ce que je peux dire que j'ai une bonne santé mentale quand je viens de perdre un enfant ? Je pense que c'est... Là on a tous une idée sur cette question-là. Et parfois encore... C'est en fait l'environnement qui ne colle plus avec la façon dont on est fabriqué. De façon simple, notre cerveau a évolué depuis quelques dizaines de milliers d'années, quelques centaines peut-être, quelques millions même si on part des grands singes, à une vitesse lente, et on voit aujourd'hui le changement de notre environnement de façon... très rapide. Si on prend par exemple l'émergence de l'écriture, ça envahit le monde entier en l'espace de quelques millénaires. Je dis ça vraiment avec des chiffres très larges. Avec l'émergence d'une pathologie qui s'appelle la dyslexie. Aujourd'hui, on voit l'accès par exemple à une information permanente. Internet sur nos portables, ça a survenu en dix ans, avec des conséquences énormes. C'est encore assez lent par rapport à ce qui nous arrive aujourd'hui avec d'autres choses, on peut voir plein de choses, mais l'intelligence artificielle par exemple, mais les exemples ne manquent pas. Et donc finalement, notre cerveau qui a été... formé avec un temps long, doit s'adapter à des situations ? Et est-ce que ça génère aussi des problèmes de santé mentale ? Je vous donne un peu ces idées-là parce que finalement, on peut avoir tendance à avoir un regard assez rapide entre ce qui est normal, pas normal, maladif, pas maladif. Et finalement, on pourrait se poser la question, quand ma santé mentale décline, est-ce qu'il faut voir un médecin ? Ou est-ce qu'il faut voir un thérapeute ? Qu'est-ce que c'est qu'un thérapeute ? Mais faudrait-il en parler avec un parent, un ami ? Peut-être qu'on oublie parfois un peu ça, ou bien encore un groupe social. Je laisse un peu cette question en suspens pour revenir un peu sur mon thème de prédilection. Alors, je suis un psychiatre qui a quelques spécialités, merci Aurélien de les avoir rappelées. Donc, difficultés de régulation émotionnelle, ce qu'on appelle parfois dans la forme la plus paradigmatique le trouble de la personnalité borderline, ou aussi le TDAH, le trouble du déficit de l'attention avec hyperactivité. Alors parlons un peu de TDAH, alors c'est quoi ? je le dis rapidement, c'est un trouble qu'on dit neurodéveloppemental. Ça veut dire que ça correspond à des personnes qui ont eu un développement cérébral atypique, différent de la moyenne des personnes, qui a des conséquences au courant. de l'enfance, on observe déjà parfois que certaines choses dès les premières années de vie, mais l'explosion des symptômes survient surtout dans les moments de socialisation et d'apprentissage, la scolarité. Et ensuite, ça persiste à l'adolescence, avec différentes conséquences, augmentation du risque de consommation de substances à l'âge adulte, augmentation de la mortalité chez les jeunes adultes du fait d'accidents, difficultés professionnelles, divorces, troubles psychiatriques en soi aussi. Mais en même temps, aujourd'hui, dans un monde de sur-sollicitation attentionnelle, un monde qui nous enjoint aussi d'ailleurs à nous accomplir, à être performants, à réaliser le potentiel, comme Nicolas Marquis nous a dit, bien expliqué. Voilà, notre attention sature. Nous sommes tous atteints un peu de distractibilité, tous un peu atteints de difficultés à rester concentrés, tous à avoir un peu de mal à faire une seule chose à la fois parce qu'on a plein de potentialités à réaliser dans tous les domaines de notre vie. Et notre santé mentale décline peut-être un peu à cause de ça. Effectivement, beaucoup de gens se reconnaissent ou ressentent des symptômes de TDAH. Et ce qu'on voit dans nos consultations qui sont... très sollicités. Et en fait, tous n'en ont pas. Et la prévalence du TDAH reste finalement assez stable. Et les personnes, finalement, qui ont un trouble neurodéveloppemental sont parfois un peu oubliées dans cette grande, grande masse. Et ce nombre important de personnes dont le bien-être décline, leur bien-être cognitif, et... Paradoxalement, c'est peut-être ceux qui ont le plus de difficultés à aller vers le soin qu'on oublie, les personnes précaires, les personnes incarcérées. Par exemple, je rappelle que un quart des personnes incarcérées ont un TDAH et quasiment aucun d'entre eux n'est pris en charge. Et donc, à partir de cet exemple du TDAH et aussi à partir des évocations sur la variété des situations concernant les causes des troubles mentaux, ça me permet finalement d'introduire une question d'une porosité croissante entre pathologie, troubles, santé mentale, bien-être. Et en fait, cette évolution finalement s'inscrit dans un mouvement assez bienvenu de déstigmatisation, de normalisation des problématiques psychiatriques. Ce sont des difficultés parmi les autres. qu'on peut prendre en charge et qu'on a le droit d'exprimer et pour lesquels il est légitime de demander de l'aide. Cependant, cette perte de distinction n'est pas sans conséquence. Elle brouille les frontières entre le normal, le pathologique, et ça génère aussi une certaine invisibilisation de personnes en souffrance, ce qui est toujours le risque. Pendant longtemps, les personnes souffrant de troubles psychiatriques étaient invisibilisées par une forme d'exclusion. Ça existe toujours. Aujourd'hui, cette invisibilisation se fait aussi par une forme de minimisation, d'effacement. Moi aussi j'ai ça et ça passe un peu dans un espèce de grand problème de bien-être. Et encore une fois, comme Nicolas Marquis nous l'a expliqué, ça va aussi dans une sens d'individualisation de la charge des soins. Une individualisation pas forcément au sens d'une... de soins qui seraient individualisés au sens d'une médecine personnalisée, comme on fait de plus en plus, mais aussi d'une responsabilité individuelle de la prise en charge, une injonction. Une injonction, tu dois te prendre en main, tu dois faire ce qu'il faut pour que tu ailles mieux, tu es responsable de ton bien-être et de ta santé mentale. Alors en parallèle, parlons un peu de thérapeutique, de soins ou d'aide pour la santé mentale. Et là aussi, il y a un risque de brouiller un peu les cartes. De manière très intéressante, de nombreux outils issus de perspectives non médicales ont commencé à montrer une efficacité notable et importante dans certains troubles psychiatriques, comme par exemple la dépression. Quelques exemples. L'activité physique. Une ancienne grande cause nationale, maintenant c'est la santé mentale. Donc l'activité physique dans la dépression, on sait que c'est certainement des traitements les plus utiles dans les dépressions légères, les dépressions modérées. Alors c'est pas juste le sport qui fait du bien, on sait que l'activité physique a des effets sur la perception du plaisir, on peut même l'observer de façon biologique, avec différentes façons de le faire. Un effet aussi sur la sensation d'épuisement, la fatigue, et ça peut changer de façon notable la trajectoire de personnes qui souffrent de dépression. Autre exemple, la méditation de pleine conscience. On l'a aussi déjà un peu abordé, méditation de pleine conscience qui est cette... pratique, issue des traditions bouddhistes, qui incite les personnes à apprendre, s'entraîner, réapprendre, à focaliser son attention sur l'instant, là, maintenant, et sur les sensations, en laissant filer les pensées. Et il a été montré que la méditation de pleine conscience est particulièrement efficace, par exemple, pour la prévention des rechutes dépressives. Vous savez que si vous avez fait une dépression, vous avez un risque important d'en refaire une deuxième dans votre vie, une chance sur deux au moins. Et si vous en avez fait quatre dans votre vie, il y a quasiment 90% de chances d'en refaire. Donc, on sait que la méditation de pleine conscience est tout aussi efficace que des médicaments utilisés en prévention dans la rechute de la dépression. par des mécanismes qu'on connaît, par exemple sur le plan psychologique, on sait que ça diminue la propension à avoir des ruminations. Dans le trouble du déficit de l'attention, c'est aussi une approche qui est utile, efficace. Alors peut-être avec une efficacité moindre que les médicaments dans les comparaisons, mais on sait aussi que c'est quelque chose qui est utile, par exemple, parce que ça réentraîne les personnes à focaliser leur attention sur un moment, sur une action, sur une intention. Troisième exemple, les oméga-3 qui sont des acides gras polyinsaturés. On s'est intéressé à la santé redoutable des Inuits qui mangeaient tellement de gras et tellement de calories et en fait probablement ils mangeaient beaucoup de poissons aussi et donc des acides gras qui ont aujourd'hui une efficacité notamment dans la dépression et d'autres troubles comme le trouble la personnalité borderline. Voilà, et donc ces pratiques qui sont souvent perçues comme des médecines douces, des pratiques complémentaires, participent à la diversification des réponses thérapeutiques, mais pourraient aussi suggérer une forme de démédicalisation de la prise en charge, renforcer l'idée peut-être un peu fausse que certaines maladies n'en sont pas vraiment. Il suffit de prendre soin de soi, de faire attention à son bien-être et ça ira mieux. Et à l'inverse, il existe aussi une forme de stigmatisation de certains traitements, et notamment les psychotropes, ou d'autres traitements qui peuvent être particulièrement décriés, alors qu'ils ont une utilité pour sauver la vie de certaines personnes, comme l'électroconvulsivothérapie, ou voilà. Et notamment à cause de biais qui nous traversent tous, les biais naturalistes, ce qui naturellement est bon, par exemple. Donc finalement, deux lignes de confusion, les troubles et la santé, dans une perspective assez individuelle, et en parallèle, les traitements et les stratégies d'amélioration du bien-être. Et pour le paradoxe, ça vient aussi d'une forme de médicalisation de la vie ou d'une psychothérapie de petitisation. J'invente un néologisme de la vie. Je n'utilise pas le mot psychologisation parce que la psychologie, ça reste quand même une discipline a priori. Dans son premier sens, qui est une science du fonctionnement de notre faculté, de nos facultés mentales avant d'être un soin. Donc, une médicalisation de la vie qui met ce modèle médical traverse nos sociétés et nous traverse aussi avec l'idée de tu souffres. Tu dysfonctionnes, donc tu dois consulter. Et dans nos sociétés, il y a des normes d'intervention assez systématiques et l'idée qu'il faudrait consulter un psy en cas d'adversité. Et cette perspective, ce modèle, coexiste avec une forme de délitement de réseaux d'aide collectif, de soutien informel, qui renforce parfois cette surmédicalisation des problématiques. de problématiques relevant de la sphère sociale ou existentielle. Donc, une exigence aussi au bien-être. Et on peut rappeler que parfois, nos émotions doivent être étouffées. On nous pousse à étouffer certaines choses, on est enjoint à les réguler. Alors que parfois, il y a de façon légitime des peines qu'il convient de traverser, d'accepter. Donc au final, nous assistons simultanément à une forme de démédicalisation relative. des soins psychiatriques et aussi une surmédicalisation de la santé mentale, une surmédicalisation du bien-être, ce qui génère un certain nombre de confusions. Et cette tension appelle peut-être à des clarifications sur ce, et à plusieurs niveaux, le rôle des professionnels. Qu'est-ce que c'est qu'un psychiatre ? Qu'est-ce que c'est qu'un psychologue ? Est-ce que je dois voir un psychologue quand j'ai une maladie ? Et on sait que, par exemple, les psychologues s'occupent de personnes qui sont avec des difficultés existentielles, mais aussi... Ils ont un rôle crucial pour traiter des pathologies qui ne sont traitées efficacement que par la psychothérapie. Et on voit que ce n'est pas toujours simple de dire, ok, je prescris une psychothérapie. Ce n'est pas toujours accepté de la part des psychologues eux-mêmes ou de la part des personnes. Et voilà, et aussi des questions sur les critères d'efficacité d'un traitement. Est-ce qu'un traitement qui améliore le bien-être ? est un traitement efficace. Voilà, c'est des questions qui sont très vastes et je n'aurai peut-être pas le temps d'aller plus loin. Et je pense qu'il faut aussi déconstruire certaines échelles de valeurs implicites qu'on peut avoir, comme la notion de maladie, la notion de traitement. Et finalement, pour conclure, je voudrais dire aussi que dans un contexte de société individualiste, je rebondis sur cette définition très claire que Nicolas Marquis a faite. Il faudrait peut-être aussi se rappeler qu'il faudrait passer d'un se soigner, de prendre soin de sa santé mentale. Cette injonction qui est finalement le thème de cette table ronde, passer d'un se soigner à aussi soigner les personnes qui s'entourent, soigner les autres, prendre soin des autres et à tous les niveaux. Surtout des plus vulnérables, des personnes les plus blessées. Et ça a un coût collectif. On entend beaucoup parler des difficultés de la psychiatrie et du coût que ça représente, du rattrapage qu'il conviendrait de faire. Je milite fortement pour une meilleure considération des personnes qui ont besoin de ces soins. C'est aussi une responsabilité individuelle qui convient de partager dans nos sociétés. Je vous remercie.

  • Speaker #1

    Merci Sébastien. Esther Schmitt, vous êtes issue du commerce et du marketing. Vous aviez des aspirations de changement et en 2012, dans les suites d'une série de problèmes de santé, dont vous parlez librement sur votre site internet, vous avez pris un nouveau départ. Vous dites que vous avez pris en main votre propre existence. En 2013, vous avez obtenu votre diplôme de naturopathie. Vous avez écrit deux livres sur la fatigue, sur le grignotage. Et nous, on vous connaît aussi parce que vous êtes assez présente sur France 3 Grand S, où vous dispensez vos conseils de bien-être. Et parfois, notamment quand je suis un peu désespéré de ne pas réussir à soigner mes patients, je me dis que vous faites aussi beaucoup de bien à votre manière. Et donc, on est ravi de vous accueillir et de vous entendre.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup. Et puis merci pour votre invitation. Merci d'avoir. Oser inviter quelqu'un qui représente effectivement les thérapies alternatives. Je suis ravie de vous retrouver, de vous partager ce qui me passionne depuis dix ans, qui est la naturopathie. Et c'est vrai que sur le sujet de la bioéthique et de la santé mentale, je me suis dit que pour introduire, ce serait peut-être pas mal de remettre un petit peu la naturopathie dans son contexte. Parce que moi, ça fait dix ans maintenant que je suis diplômée, que j'en m'a transmis beaucoup de choses et je retransmets maintenant moi aussi. Mais elle est parfois un petit peu mal connue ou méconnue et parfois elle est un petit peu critiquée aussi. Et je voulais juste donner quelque chose d'important à ce sujet-là. Alors déjà pour moi, la naturopathie telle qu'elle me l'a été enseignée et telle que je la transmets, pour moi c'est vraiment une discipline d'hygiène de vie qui est bien plus préventive que curative. Donc on n'est pas du tout là pour faire arrêter des traitements aux personnes qui prennent des médicaments depuis longtemps, mais on est vraiment là pour les accompagner. pour gagner en santé et en vitalité. Et en fait, c'est vrai qu'aujourd'hui, on est dans un monde où on a énormément d'informations sur le bien-être, que ce soit toutes les thérapies alternatives confondues. C'est assez difficile, effectivement, de s'en sortir. Et c'est vrai que du coup, moi, en tant que naturopathe, je retrouve toujours une grande sagesse au sein de la naturopathie parce qu'elle s'appuie finalement sur quatre piliers essentiels desquels, moi, à titre individuel, je ne sors pas. pas. Et c'est vraiment comme ça que j'accompagne mes clients depuis toujours. Et ces quatre piliers sont la nutrition et la diététique, le mouvement, le sport, le pôle de la détoxification, j'y reviendrai un petit peu plus en détail tout de suite, et le gros pôle de l'hygiène nerveuse. Et c'est vrai que quand on regarde un petit peu, on dit normalement de manière probablement naïve, mais si on applique un petit peu tous les jours. des techniques de ces quatre piliers, on devrait normalement ne pas tomber malade. Alors ça, effectivement, c'est dans un monde idéal. Mais c'est vrai que ces quatre piliers, c'est comme les quatre pieds d'une table et on s'appuie en permanence là-dessus. Alors après, bien sûr, on a des techniques mineures. On a des choses comme les techniques avec l'hydrologie, l'eau, la chaleur, le massage, l'hypnose, qui sont des choses effectivement qui fonctionnent très, très bien. Mais on a besoin que ce socle de ces quatre piliers, piliers soient vraiment nos fondamentaux. Alors, c'est vrai que dans la nutrition, c'est hyper compliqué aujourd'hui de s'en sortir parce que c'est vrai que les réseaux sociaux, c'est à la fois extraordinaire et à la fois ils ne nous facilitent pas du tout la tâche parce qu'on lit un petit peu tout et son contraire aujourd'hui. On a eu beaucoup de sujets sur les intolérances alimentaires, est-ce qu'il faut arrêter le gluten, est-ce qu'il faut arrêter de manger du fromage, est-ce qu'il faut supprimer les produits laitiers ? Ce sont de vrais sujets et en même temps, moi je me présente toujours comme une natureau mais pas trop. Une natureau mais pas trop, c'est ce qui me définit bien, c'est-à-dire que je ne souhaite absolument rien retirer dans l'alimentation et dans la nutrition des personnes. plus pour que les personnes expérimentent. Alors après, évidemment, sur le sujet de la santé mentale, on sait qu'effectivement, les oméga-3, comme tu le disais avant, Sébastien, ce sont des choses qui sont essentielles à consommer. On sait que le sucre, c'est quelque chose qui ne fait pas du tout du bien au système nerveux parce qu'il est pro-inflammatoire, parce qu'il va créer pas mal de désordres digestifs. Et c'est vrai qu'idéalement, c'est d'avoir une nutrition qui soit toujours riche. en nutriments parce que finalement le corps il a besoin de nutriments spécifiques des fruits, des légumes, des graines il a besoin de bonnes protéines il a besoin de bons gras parce qu'il a simplement besoin de ça pour bien nourrir ses cellules et il n'a pas parfois besoin de plus et c'est vrai qu'aujourd'hui ce qui est parfois un petit peu compliqué c'est qu'on a du mal à choisir les bons nutriments pour soi parce que soit on n'a pas le temps de cuisiner soit on n'a pas le temps d'aller faire ses cours soit on ne sait pas exactement quoi manger... C'est vrai que je vois bien dans les consultations que c'est vraiment un sujet qui revient souvent. Après, effectivement, la pratique du sport, du mouvement sont des choses essentielles. Il y a cette très belle expression de Pierre-Valentin Marcheseau, le père de la naturopathie, qui disait tout le temps que le sport est le contre-pied d'une aire. Et c'est vrai qu'à une époque où j'ai traversé des moments un peu compliqués au niveau de ma santé, parce que j'avais vraiment un mental qui était bien surchargé, je traversais vraiment des problèmes de santé compliqués. A chaque fois que ça n'allait pas, j'enfilais mes baskets et je partais courir. Et parfois, il ne faut pas grand-chose juste pour aller s'oxygéner, s'aérer un petit peu, parce que ça permet déjà de lâcher un petit peu tout ce qui se passe dans notre mental. Et puis après, notre corps, aujourd'hui, il est en surcharge permanente. Il est en surcharge d'informations. On n'a pas assez le temps de faire parfois bien les choses. On a des to-do list hyper longues. On a des enfants à éduquer, à aimer, on a peut-être des études, en tout cas on a des plannings hyper importants. Et c'est vrai que tout ce stress, toute cette surcharge émotionnelle à un moment, elle est extrêmement encrassante pour le corps. Et je pense que ce qui est bien effectivement c'est d'arriver à certaines périodes de l'année, de prendre quelques temps de pause et de repos, de moins manger, de moins regarder la télé, de moins être sur le téléphone. de beaucoup plus sortir, mais de juste remettre à un moment donné des petites techniques qui permettent un petit peu à notre mental de se détoxifier. Parce qu'évidemment, dans notre quatrième pilier, qui est le pilier de l'hygiène nerveuse, c'est là en fait où on se rend compte. Et je m'en rends encore plus compte maintenant parce que pour avoir assisté à pas mal de conférences pendant ce forum. On voit bien en fait que notre système nerveux, il n'est plus du tout aujourd'hui en capacité de gérer tout ce qu'il a besoin de gérer. En fait, il y a trop de choses. Il se passe beaucoup de choses dans le monde, il se passe beaucoup de choses dans la vie, dans notre vie, mais aussi dans la vie de nos proches. Et il y a un moment donné, c'est juste trop. Et le cerveau, en fait, finalement, il est assez bien fichu parce qu'il a toujours deux options, lui. C'est-à-dire que quand il est trop plein, à un moment donné, lui, il a besoin de nettoyage. Il a besoin de... Il a besoin de se faire son nettoyage. Il a toujours deux options. Il a l'option, un petit peu, ce que moi j'appelle des techniques de dérivation. Donc, il va préférer scroller son téléphone plutôt que de réfléchir un petit peu à ce qu'il doit mettre en place. Il va préférer parfois abuser un petit peu de certaines substances. Donc, on a envie de boire un petit peu plus d'alcool. On a envie de consommer plus de sucre. Et ça, en fait, c'est vraiment notre cerveau qui dérive parce qu'il a... pas envie de traiter ce qui a véritablement besoin d'être traité à l'intérieur de soi. Et c'est là en fait où la naturopathie elle arrive en fait avec beaucoup de sagesse. Moi je dis tout le temps que la meilleure recharge du système nerveux c'est le sommeil. Et c'est une vraie prescription de dire à quelqu'un, ce soir couchez-vous un petit peu plus tôt, n'emmenez pas votre téléphone dans votre lit, prenez un bon bouquin, videz-vous la tête. Et puis, mettez-vous au lit, dormez et puis vous verrez, demain, ça ira vachement mieux. Parce qu'effectivement, on voit bien qu'après une bonne nuit de sommeil, on est quand même en capacité de prendre des décisions un petit peu plus éclairées. On est déjà de meilleure humeur, on est moins dans l'émotionnel. Et c'est vrai que sur ce sujet, effectivement, des maladies mentales, à un moment donné, quand on accumule le stress, on accumule les coucher tard, on accumule les nuits pas reposantes, on accumule effectivement l'excès de sucre, l'excès de problèmes. À un moment donné, le cerveau, ça ne marche plus. Puis il finit complètement par craquer. Et puis, c'est là où la maladie s'emballe. Et j'en reviens encore effectivement à cette sagesse de naturopathie. C'est là où nous, enfin, je vais parler pour moi et pas au nom de tous les naturo. Mais moi, je suis vraiment là, en fait, pour donner des clés d'hygiène de vie en préventif. plutôt qu'en curatif. Parce que c'est vrai qu'une fois que la maladie apparaît, et plus elle est grave, effectivement, elle revient véritablement à la médecine. Et ce que j'avais... J'ai envie vraiment de partager aussi avec vous, quand j'étais venue mercredi soir à la conférence d'inauguration, il y avait un psychiatre qui a parlé de remettre le citoyen au centre de sa guérison. J'ai trouvé que c'était absolument génial d'entendre ça. Et effectivement, Nicolas, tu l'as dit aussi il y a quelques minutes, c'est que finalement, la vraie question aujourd'hui, c'est de savoir qu'est-ce qui est bon pour moi. Qu'est-ce qui est bon pour vous ? Comment savoir ce que je dois mettre dans mon assiette ? Comment savoir si je dois prendre telle et telle plante pour pouvoir me soigner ? En fait, il n'y a qu'une seule solution, c'est d'arriver à expérimenter le plus possible, mais de ne pas expérimenter aussi de manière à surconsommer tout ce qu'on peut trouver sur le marché. On voit bien que dans le marché du bien-être aujourd'hui, on trouve vraiment plein de choses. Il y a des super produits, il y a des super compléments alimentaires. Mais ça devient assez compliqué de savoir ce qui est bon pour soi. Et en fait, quand vous vous remettez au centre, faites appel parfois juste un petit peu à votre intuition. Regardez un petit peu, documentez-vous, prenez de l'information en conscience. Et puis regardez ce qui fonctionne. Essayez quelque chose. Et si ça ne marche pas, vous essayez autre chose. Et si ça, ça ne fonctionne pas. pas, eh bien, alors on essaye encore autre chose, mais c'est de finalement jamais s'arrêter d'expérimenter parce que je pense qu'on est quand même effectivement responsable de nous, responsable de notre santé. Moi, je dis à toutes les personnes que j'accompagne, je dis tout le temps, vous avez un médecin au fond de vous. Vous avez une voix, une belle voix qui vous parle. Et c'est vrai qu'au milieu de tout ce monde dans le bien-être, où il y a pas mal d'injonctions, où on est dans une société où on doit être la plus belle version de nous-mêmes et on n'a pas de problème et on n'a plus le droit d'en parler, on n'a plus le droit de se plaindre, on est constamment dans un registre hyper positif et de transformation et c'est très bien. Mais on est quand même responsable de soi et responsable de sa santé. Et je pense que parfois, des choses simples... pour pouvoir faire des choix éclairés, ça peut être simplement sortir. On sort de chez soi, on se trouve une belle balade dans la nature, on appelle ses amis, sa famille qu'on aime, on se voit, plutôt que de s'envoyer 500 000 messages sur nos téléphones. Moi, j'adore les réseaux sociaux, je trouve que cette évolution du monde, moi, elle titille ma curiosité, j'ai beaucoup de gratitude vers tous ces... tous ces outils qui sont mis à notre disposition. Mais quand il y a un moment donné, ça prend toute la place dans nos journées et qu'on a moins le temps d'être en interaction avec les autres et qu'on a moins le temps d'être en interaction avec la nature qui, elle, nous ramène toujours le calme et la sérénité dont on a besoin. Voilà, à un moment donné, il faut peut-être juste remettre un petit peu d'équilibre. Et je voulais juste effectivement terminer rapidement sur cette notion de... de bioéthique parce que moi je me suis demandé effectivement en préparant cette prise de parole, je me suis dit finalement la bioéthique qu'est-ce que ça veut dire, qu'est-ce que c'est ? C'est quoi la vraie définition de la bioéthique ? Et je me suis simplement dit que finalement, quelles sont les valeurs que vous mettez en fait derrière ce mot bioéthique ? Est-ce que ce sont des valeurs humaines ? Est-ce que ce sont des valeurs économiques ? Est-ce que ce sont des valeurs sociétales ou environnementales ? Mais finalement, c'est d'arriver à créer votre propre chaîne de valeur parce que c'est finalement ça qui pourra vous guider à faire vos bons et j'espère en tout cas vos meilleurs choix. Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Merci Esther Schmitt. Nicolas Marquis, vous avez évoqué la société individualiste comme peut-être aussi à l'origine de cet engouement.

  • Speaker #0

    pour le bien-être et c'est vrai que je ne m'étais pas formulé la chose de cette manière et ça m'a beaucoup intéressé mais je me suis dit est-ce que finalement dans d'autres cultures dans lesquelles peut-être il y a moins cet individualisme est-ce que ça change quelque chose du rapport au bien-être donc quel est un petit peu l'état des lieux du bien-être peut-être en Europe ou dans le monde et quels sont les outils en sociologie qu'on peut utiliser pour évaluer le bien-être ?

  • Speaker #1

    Merci beaucoup. Alors, je ne suis pas spécialiste de toute une série de contextes, donc je ne vais pas dire trop de bêtises par rapport à ça. Néanmoins, pour répondre à cette question, il est clair qu'il y a un instrument qui est absolument essentiel et que j'ai un tout petit peu mobilisé dans mon intervention. C'est pour moi l'outil méthodologique majeur des sciences sociales, c'est la comparaison. C'est-à-dire que... Pour pouvoir ne plus que comprendre ce qui nous brûle le regard tellement c'est proche de nous, à savoir cette injonction au bien-être dans laquelle nous sommes nés, avec laquelle nous avons été éduqués, etc., il faut aller voir comment ça se passe ailleurs. Ma façon de faire, ça a été par exemple de comparer, comme je l'ai évoqué, avec des sociétés très différentes qui ont par exemple été étudiées au début du XXe siècle par l'anthropologue Evans Pritchard. et qui mobilise la sorcellerie. Et donc, dans ces sociétés-là, dont encore une fois je ne suis pas spécialiste, je ne dirais pas du tout que la question est-ce que je vais bien ou est-ce que je ne vais pas bien ? ne se pose pas. Non, c'est bien sûr, c'est une question qui est à certains égards aussi vieille que l'humanité, en quelque sorte. Simplement, le langage qu'on va utiliser et les entités, en quelque sorte, qu'on va considérer comme étant pertinentes et comme responsables de mon bien-être, vont totalement varier. C'est-à-dire que dans cette société-là, par exemple, qui est la société Zandé, Sud-Soudan, début du XXe siècle, étudiée par Evans Pritchard, la sorcellerie, elle est à la surface des relations sociales, comme il le dit. C'est-à-dire que dès que quelqu'un rencontre un problème, alors à certaines conditions, ce qu'il va faire, c'est aller voir un oracle qui va, en donnant... une substance à une poule, etc., pouvoir répondre à la question qui, dans cette société-là, est essentielle pour comprendre le malheur et qui est la question de savoir qui m'en veut. C'est-à-dire que, dès qu'il vous arrive quelque chose, vous partez, je ne sais pas moi, hors du village, etc., pour aller chasser et puis, pas de bol, vous vous prenez le petit orteil sur une pierre, ça va très mal, vous hurlez, votre proie s'en va. Il y a quelque chose de pas normal qui s'est passé parce que vous saviez que cette pierre était là. Et donc, Si ça s'est passé aujourd'hui, maintenant, c'est probablement que quelqu'un vous a acheté un sort. Donc la question qui m'en veut, elle est totalement légitime. Vous voyez qu'aujourd'hui, dans la société qui est la nôtre, si vous posez cette question-là parce que vous tombez dans les escaliers, on aura tendance à vous regarder de travers. Si vous adoptez une lecture de la situation qui consiste à dire j'ai pas de boulot parce que Macron m'en veut personnellement Posez-vous des questions, parce que c'est plus du tout la question légitime. La question légitime pour nous, c'est la suivante, que puis-je faire pour m'en sortir ? Et la figure qui est légitime pour nous, c'est celle du résilient. La figure, je dirais, la plus prestigieuse, c'est la personne qui a subi toute une série de problèmes, mais qui ne s'est pas justement laissée complaire dans ce statut de victime. et qui a pu transformer le plomb en or, alchimiquement, qui a pu transformer cette épreuve de vie en quelque chose qui l'a fait devenir elle-même, et qui donne un sens à sa vie. Et donc, rien que par ce petit exercice de comparaison-là, on voit que ce qu'on considère, ce que l'OMS par exemple considère comme étant une évidence, à savoir un état de bien-être, c'est très construit, ça a une histoire. Ce qui n'empêche pas que toutes et tous nous le ressentons, je dirais, très personnellement et très authentiquement. Mais cet exercice de comparaison nous montre à quel point on n'est qu'un cas de figure parmi plein d'autres.

  • Speaker #0

    Et donc, est-ce que par exemple, en Chine ou au Japon, cette question est moins prégnante justement du bien-être ? Je prends l'exemple de ces pays parce qu'on dit habituellement qu'on est moins individualiste, mais plus une partie du corps de la société.

  • Speaker #1

    Oui, alors encore une fois, je ne vais pas dire des bêtises parce que je n'en suis pas spécialiste. Mais je peux faire référence à des travaux super intéressants qui ont été menés par... Un sociologue japonais ou une sociologue japonaise dont j'ai malheureusement oublié le nom et qui raconte en réalité qu'il faut tenir, dans la façon dont on imagine cette mondialisation du bien-être, il faut tenir un chemin de crête entre deux extrêmes. Premièrement, c'est vrai que le bien-être, on en a parlé comme une ressource culturelle, c'est vrai que cette idéologie du bien-être, elle se transporte tout autour du globe. qu'elle a une histoire, qu'on peut étudier comme étant née dans le protestantisme des Etats-Unis, etc., qu'elle est devenue un instrument de soft power, si vous voulez, qui s'applique à des sociétés dans lesquelles elle ne s'appliquait pas au préalable. Mais pour autant, il n'y a pas d'irénisme par rapport à ça, bien sûr, mais pour autant, il ne faut pas croire que c'est une application pure et simple. qu'on va observer dans d'autres contextes. Par exemple, cette sociologue dont j'ai malheureusement oublié le nom, qui a écrit un bouquin qui s'appelle De la mort volontaire au suicide du travail raconte comment la préoccupation pour le bien-être et pour la santé mentale est progressivement rentrée dans les représentations au Japon pour, non pas totalement balayer, mais au moins offrir une sorte d'espace. par rapport à ce qui était des codes extrêmement centrés sur l'honneur. Où la question, ce n'était pas celle de savoir si vous vous sentiez bien ou pas, c'était la question de savoir si vous étiez à votre place et si vous teniez votre rang, en quelque sorte. Eh bien, Junko Kitanaka, je parle depuis longtemps pour essayer de m'en souvenir, j'y suis arrivé, donc je vais pouvoir me taire. Elle montre qu'au Japon, par exemple, on est sur un modèle qui maintenant a tendance à mobiliser les deux codes. Le code d'honneur et le code de ce bien-être de la santé mentale. mental.

  • Speaker #0

    Merci Sébastien, je vais rebondir un petit peu sur ce qui vient d'être dit et j'ai, en prenant un exemple qui m'est arrivé il n'y a pas très longtemps, d'un patient qui était très, qui en tout cas souffrait de dépression et à qui j'ai demandé qui était son psychiatre ou son psychologue et qui m'a dit je ne suis pas allé voir un psychiatre ou un psychologue, je suis allé voir un marabout parce qu'en fait c'est parce qu'on m'a jeté un sort. Comment est-ce que dans la pratique de la psychiatrie... Vous gérez ces aspects culturels qui sont maintenant le quotidien de tous les médecins, de devoir composer avec des... Ça fait bien longtemps que la France n'est plus peuplée par des Gaulois et que donc c'est tout à fait normal de devoir composer, mais avec des cultures qu'on ne connaît pas forcément et qui peuvent justifier d'utiliser des outils qui ne sont pas nos outils traditionnels.

  • Speaker #2

    Il y a finalement deux façons de répondre à la question. Alors, la psychiatrie a toujours été traversée finalement par la question de la distinction entre... quelque chose qui serait un délire, un symptôme d'une maladie psychiatrique et une croyance tout aussi bizarre qu'elle puisse paraître. Voir un marabout, avoir des croyances médiumniques ou des choses comme ça. Il y a des façons très critériologiques de distinguer si c'est partagé par un groupe culturel. Parfois, ce n'est pas si simple. On doit s'appuyer sur une perspective un peu plus globale. Quelle est la capacité de la personne à prendre un peu de recul par rapport à ça ? C'est toujours une question de flexibilité. Mais l'autre façon de répondre à la question, c'est est-ce que la dépression est un trouble psychiatrique ? Toujours. Je caricature évidemment, parce qu'on sait qu'on parle de la dépression depuis l'Antiquité. La mélancolie est un terme démocratique. Et peut-être qu'on oublie qu'effectivement, il y a des dépressions qui sont... Il y a tout un spectre en fait, il y a des maladies biologiques, mais il ne faut pas oublier que la dépression est aussi une réaction quasiment physiologique normale, je le dis comme ça avec un peu des... j'aurais envie de mettre des guillemets, mais dans le sens où la dépression est une réaction qui nous aide à arrêter quelque chose où on va s'enferrer dans quelque chose qui ne va pas marcher. Typiquement, on peut prendre le contexte de la... je ne sais pas, imaginons l'homme préhistorique dans la savane. ou la femme préhistorique qui promène son petit dans la savane, qui se fait attraper par un lion, elle va avoir intérêt, sur le plan de la survie, d'arrêter de chercher son petit, parce que sinon le lion va revenir la manger elle, et peut-être le reste de sa progéniture à venir. et donc il y aura vraiment une réaction de dire voilà j'arrête, j'ai une réaction dépressive j'arrête de faire ce que je mets en boule dans mon coin et j'arrête de faire des choses et notre société en fait elle nous interdit de faire ça souvent je vis dans une situation qui est invivable et j'ai pas le droit de m'arrêter Parce qu'il faut aller au bout de ce qu'on a entrepris, donc des injonctions aussi. Et donc finalement, on ne respecte pas forcément la réaction physiologique qu'on devrait avoir. Et donc, si une personne... Alors, évidemment, c'est des symptômes qui peuvent être parfois de l'ordre du normal et parfois de l'ordre de ce qui devient pathologique, parce que les personnes sont coincées là-dedans. Mais il ne faut pas perdre de vue une forme de contexte dont il faut prendre compte. Et si la personne va voir quelqu'un qui l'aide... à arrêter quelque chose qui ne fonctionne pas, j'aurais envie de dire tant mieux. Je ne sais pas si je réponds à la question. J'aurais envie de dire ça dépend, mais ça ne serait pas très utile.

  • Speaker #0

    Esther Schmitt, quand je vous entends parler, et j'ai parfois cette impression aussi quand je parle avec d'autres médecines complémentaires ou alternatives, j'ai l'impression que souvent on parle un peu des mêmes choses avec un vocabulaire un peu différent. En tout cas, dans ce que vous avez dit, pour bien 80%, je trouve que c'est des choses qu'on aborde également en consultation, que ce soit chez le psychiatre, chez le neurologue, chez le médecin généraliste. Alors ma question est la suivante. A votre avis, qu'est-ce qui explique que les gens viennent quand même vous voir, alors que vous n'êtes pas remboursé par la Sécurité sociale, contrairement aux médecins, avec finalement, quelle est la valeur ajoutée de ce que vous proposez par rapport à ce que la médecine dite allopathique ou conventionnelle propose habituellement ?

  • Speaker #3

    Alors effectivement les gens viennent toujours nous voir parce qu'il y a plusieurs motifs. Parfois ils ne trouvent pas de réponse dans les traitements allopathiques purs, c'est-à-dire quand il n'y a que du traitement allopathique ça ne convient pas forcément. Alors parfois il y a des résultats et puis parfois il n'y en a pas assez. Je crois que là ce qui a vachement bougé depuis quelques années, c'est que les personnes se rendent compte en fait que quand elles ont une pathologie, Il y a cette notion de je suis responsable de ma santé et je dois faire quelque chose, je dois prendre quelque chose en charge moi-même pour que les choses changent. La perception, quand on a des diagnostics en plus, particulièrement quand on est jeune, moi j'ai des personnes parfois qui ont 30-35 ans, qui viennent me voir déjà avec des pathologies importantes, ils ne perçoivent absolument pas. pas un traitement à vie. Il se dit je ne vais pas pouvoir prendre ce traitement jusqu'à la fin de ma vie, j'ai encore de belles années à vivre et donc il y a beaucoup d'espérance en changeant son hygiène de vie pour que les choses s'améliorent. L'idéal, ce serait qu'on arrive parfois, nous, les naturopathes, à travailler un petit peu mieux avec les médecins parce que c'est vrai que moi, en tant que naturopathe, je ne suis pas du tout contre les traitements mais par contre, ce qui me fait kiffer dans mon travail c'est d'accompagner ce traitement-là. Donc je pense que ce sont les deux motivations les plus importantes. Et puis après, c'est quand même quelque chose, c'est une discipline, une hygiène de vie qui s'est quand même beaucoup démocratisée. Et c'est vrai que souvent la naturopathie, elle est aussi réduite, entre guillemets, c'est pas péjoratif ce que je dis, mais à l'alimentation. Et c'est vrai qu'aujourd'hui, il y a beaucoup de problèmes de poids, il y a beaucoup de problèmes d'intolérance alimentaire, il y a beaucoup de problèmes de fatigue. Et c'est vrai qu'en naturopathie, et sur toute la partie diététique-nutrition, on arrive quand même à... à résoudre pas mal de problèmes.

  • Speaker #0

    Merci, je crois qu'avant de laisser la parole au public, Maude avait une question.

  • Speaker #4

    J'avais envie de renvoyer un petit peu cette dernière question que tu posais Aurélien au médecin de la table ronde, le psychiatre et même peut-être le neurologue si tu as envie de nous répondre. Parce que j'ai été très intéressée par cette formule d'Esther Schmitt qui dit on a tous un médecin au fond de nous. Et finalement, la question que je me pose c'est est-ce qu'on est peut-être un petit peu dans le comble ? de ce à quoi la culture nous a menés. On ne sait plus écouter les signaux que nous envoient nos corps. On est assez déconnectés de nos corps. Et c'est vrai quand on est en bonne santé. C'est vrai aussi quand on est face à des pathologies. Et je me dis, est-ce que les médecins que vous êtes, de la manière dont vous avez été formés, est-ce que vous ne vous privez pas un petit peu de ce collègue qui est le médecin que votre patient a au fond de lui, qui finalement est quand même le premier à le mieux connaître son propre corps ?

  • Speaker #0

    Sébastien ?

  • Speaker #2

    Alors le collègue qui est le patient, j'aurais envie de dire que... Alors on ne l'enseigne pas très bien peut-être, mais on l'apprend assez vite une fois qu'on travaille. Donc voilà, je pense que... Je pense que je peux parler de ma perspective, et la psychiatrie est une discipline qui reste quand même très clinique, et notre seul examen complémentaire, c'est de poser la question aux gens. On voit quelques petits trucs sur leur visage, leur comportement, mais ça reste assez ténu. En tout cas dans les troubles dont je m'occupe le plus. Et donc on apprend assez vite que les personnes vont devoir nous enseigner beaucoup de choses. Et donc on le fait le plus possible. Et aussi on essaie de rendre ça aux personnes. Et enfin, dans l'introduction, on va rien parler de la psychoéducation. Finalement c'est dire, ok, vous... Vous allez pouvoir être acteur de vos soins, c'est vous qui allez pouvoir aussi observer, anticiper, réagir, et je pense que c'est quelque chose qu'on fait beaucoup. Après, les autres collègues qui seraient les médecines alternatives, c'est très variable, parce que ça dépend aussi beaucoup d'expérience, de ce qui est proposé, on ne sait pas toujours trop, il y a beaucoup de choses très variables, je ne sais pas combien il y a de sortes de... de naturopathe, de sorte de médecine alternative. Il y a tout un travail qui existe là-dessus. Moi, de façon personnelle, j'ai tendance à écouter déjà ce que les personnes font, ce que parfois j'arrive à traduire. Parce que parfois, il y a des choses que les personnes font, et je dis ah ouais, moi j'aurais appelé ça comme ça mais c'est pas grave. C'est les flux énergétiques, ok, pas de problème, mais j'aurais une lecture différente. Mais voilà, ça c'est beaucoup plus... expérience dépendante.

  • Speaker #0

    Et moi, puisque la question m'a été posée aussi à titre personnel, ça fait déjà un certain temps d'ailleurs que je me sens un peu limité dans mon activité strictement médicale, avec un besoin d'aller chercher d'autres choses. Et alors je répondrais que moi aussi j'ai quatre piliers, c'est marrant parce que c'est quelque chose qui ne touche pas que les tables ou les chaises, mais aussi la médecine. Mes piliers ne sont pas si différents, mais je vais vous les citer alors quand même. Alors il n'y a pas la nutrition, mais il y a... parce que j'y suis peut-être moins sensible, mais mon premier pilier important, c'est ce que j'appelle la médecine vétérinaire. C'est-à-dire, on traite un homo sapiens, il convient de le faire avec talent, sans passer à côté de quoi que ce soit. Le deuxième pilier, par contre, se retrouve, puisque c'est le pilier du mouvement, le pilier de la prise en charge fonctionnelle. Ça peut être la kiné, ça peut être de l'activité physique adaptée, ça peut être de la danse, ça peut être du yoga. Le troisième pilier vous rejoint également. Vous appelez ça, vous vous dites que c'est l'hygiène nerveuse. Moi, j'appelle ça la psychothérapie avec effectivement un certain nombre d'outils. Je rejoins notamment l'outil des TCC, qui est des thérapies cognitives et comportementales, qui est particulièrement impressionnant et que j'ai eu la chance de pouvoir mettre en place aussi qu'on appelle la psychoéducation. La psychoéducation, c'est justement faire en sorte que le patient ou la patiente puisse tendre l'oreille sur son médecin intérieur et justement se reconnecter à ses émotions, à connaître les différentes approches psychothérapeutiques. Et mon dernier pilier, par contre, diffère de la... détoxification mais rejoint quand même toutes les médecines complémentaires. Ne le prenez pas mal, mais moi j'appelle ça le pilier placebo, c'est-à-dire c'est finalement aller chercher ailleurs ce que la médecine n'est pas capable de donner. Donc ça ne veut pas dire du tout qu'il y a une inefficacité. On pourrait faire un forum entier sur l'effet placebo qui est un outil absolument merveilleux. Mais voyez, donc effectivement, je pense qu'en tant que médecin, psychiatre, neurologue, médecin généraliste, toutes spécialités confondues, on se pose régulièrement ces questions.

  • Speaker #4

    On va laisser la parole à la salle pour les questions.

  • Speaker #5

    Merci beaucoup. J'ai une question à poser peut-être à vous tous les trois. On a parlé du potentiel, on a parlé de la résilience. Et ce que je vois dans mes patients moi-même, c'est des patients qui cherchent des pathologies psychiatriques. Il y a 20 ans, on ne voulait surtout pas être estampillé, avoir une pathologie psychiatrique. Aujourd'hui, je vois même des patients qui font des tests pour savoir si elles n'auraient pas des traits autistiques, par exemple. Ce qui m'a beaucoup surpris. Pour autant, j'ai quand même le sentiment, le bien-être, il ne peut pas être en permanence. Il n'est pas une... comme le bonheur, il n'y a pas ce côté... Or, c'est ce qu'on essaye de nous enseigner quand même. Et que ces moments de difficulté aussi, elles sont utiles, en fait. C'est un peu comme des obstacles qui nous permettent aussi d'avancer. Donc, quand on dit, quand ça ne va pas, il faut aller voir quelqu'un, est-ce que c'est vraiment absolument... Alors, pas une injonction, mais disons, est-ce que ces moments, un petit peu comme les moments d'ennui, permettent aussi de... La créativité, ces moments de difficulté permettent aussi d'avancer dans notre vie. Et ça fait aussi partie du bien-être ?

  • Speaker #2

    Oui, je suis tout à fait d'accord avec ce que vous dites. Il est normal de souffrir. La vie est constituée de souffrances. On peut le dire de plein de façons différentes. Et peut-être ceux qui ont les philosophies stoïciennes, bouddhistes... Très bien, beaucoup mieux que ce que je pourrais dire, expliquer ça. C'est une forme de respiration, effectivement. Sur l'autre question, la première question qui était la recherche de diagnostics, je pense qu'il y a plusieurs explications possibles. Dans ce contexte d'injonction, on veut des explications et en fait c'est très aidant d'avoir une explication sur pourquoi je souffre, et surtout quand je souffre, de façon permanente, durable. Donc ça fait aussi sens. Il y a peut-être une autre explication qui pourrait être aussi en lien avec la recherche peut-être d'identité. Nos sociétés nous donnent aussi une espèce de potentialité absolue, deviens qui tu es. Et si avant on était né ici et fils de forgeron, on était... On restait là, on devenait forgeron. Aujourd'hui, on dit fais ce que tu veux, ce que tu peux faire, réalise ton potentiel. Et donc, parfois, on a besoin de jalons. Et parfois, je pense que les diagnostics aident à ça. Aident, parfois biaisent. Mais bon, voilà, c'est des questions très vastes. Mais c'est deux pistes que je pourrais donner, en fait.

  • Speaker #1

    Merci. Question passionnante. Et effectivement, pour rebondir sur ce que Raphaël vient de dire. Effectivement, il y a quelque chose de surprenant sur une série de catégories aujourd'hui, que ce soit la bipolarité, que ce soit l'autisme qui devient l'autisme de haut niveau, que ce soit le TDAH qui peut devenir l'hypersensibilité, que ce soit, on en a parlé tout à l'heure, la schizophrénie qui peut devenir le phénomène d'entente de voix. On assiste à des formes de réappropriation des étiquettes qui mobilisent ce qu'on pourrait appeler une inversion du stigmate. Et là, pour moi, comme sociologue, il y a un truc très intéressant, c'est-à-dire que les personnes ne se contentent pas de dire alors arrêtez de m'appeler schizophrène, je suis comme tout le monde Elles ne disent pas ça. Elles disent arrêtez de m'appeler schizophrène, mais continuez à repérer ce qui est ma spécificité, mais je vous oblige à la lire autrement Et donc, ça non seulement permet aux personnes, dans la lignée de ce qui vient d'être dit ici, de se construire, une identité, même si cette identité est basée dans des éléments de souffrance, mais aussi d'attribuer les responsabilités de cette souffrance. Parce qu'on est en train de passer, ou on est déjà passé selon les pays, de ce qu'on appelle un modèle médical de la différence ou du handicap, c'est-à-dire un modèle dans lequel la différence, c'est une caractéristique de la personne, à ce qu'on va plutôt appeler un modèle social du handicap. Et dans ce modèle social, ce qui vous handicape, ce ne sont pas vos caractéristiques propres, c'est le fait que l'environnement dans lequel vous évoluez est inadapté à votre singularité. Et donc, dire que j'ai des spécificités, je suis hypersensible, etc., non seulement ça me permet de me positionner, de faire d'une faiblesse une force, mais aussi de dire que les conditions pour... passer de ce statut d'handicapé, si je puis dire, à ce statut de personne particulière, elles dépendent de la capacité de la société à me reconnaître. Et donc, ça transforme ce qui était auparavant un critère d'exclusion en, je dirais, potentielle arme de combat que je peux mener avec éventuellement d'autres personnes avec qui je vais constituer une association, etc. Donc là, sociologiquement, il y a vraiment quelque chose de très intéressant.

  • Speaker #0

    Une question dans le public.

  • Speaker #6

    Oui, bonsoir. Je vous remercie d'abord pour vos interventions, c'était très intéressant. Ensuite, en ce qui me concerne, j'ai observé que le gluten et le sucre, c'était mauvais pour moi. Donc je l'ai bien identifié. Mais par contre, j'ai un problème, c'est que j'ai beaucoup de difficultés à maintenir l'hygiène de vie, enfin l'éviction du gluten et du sucre, parce que dans nos sociétés, on a des sollicités. des sollicitations partout. Il suffit de sortir à Place Clébert, là vous avez une boulangerie. Et donc moi, j'ai des difficultés à continuer ce régime d'éviction. Parfois, j'arrive à tenir trois semaines, mais au bout d'un moment, je craque. Et donc je voulais savoir si vous aviez des méthodes pour changer les habitudes durablement. Donc ça, c'était ma première question. Et ma deuxième question, c'est par rapport au jeûne thérapeutique. Je voudrais avoir votre avis, notamment madame qui est naturopathe. Que pensez-vous du jeûne thérapeutique, notamment si personne sur YouTube qui explique jeûner pendant parfois 30 jours. Est-ce que vous avez un avis là-dessus ? Voilà, je vous remercie.

  • Speaker #3

    Merci pour vos questions. Je vais commencer par le premier point sur le sans gluten et le sans produits laitiers. Donc oui, effectivement, ce n'est pas simple. Quand on doit sociabiliser, quand on doit sortir, ça peut être assez compliqué. Alors déjà, bravo pour le choix que vous avez fait. Vous avez identifié quelque chose qui ne marche pas pour vous et vous avez pris une décision, c'est de changer. Donc déjà, bravo pour ça. Alors l'idéal effectivement c'est de maintenir cette restriction le plus possible, surtout si ça vous fait du mal. Et puis après c'est plus une question d'organisation, c'est-à-dire que quand vous êtes chez vous et que vous avez la main sur la cuisine, vous pouvez effectivement éviter tout ce qui est à base de gluten et de produits laitiers. Après là où c'est un peu plus compliqué c'est quand vous sortez. En général moi ce que je conseille aux gens, je leur dis soit de vous manger avant la soirée, et... Comme ça, ça permet d'arriver à la soirée et puis de ne pas avoir à gérer ce problème pendant la soirée. Ou bien il faut vous accorder avec la personne qui vous reçoit pour voir s'il y a quelque chose, si elle peut préparer un repas spécifique pour vous, quitte à ce que vous vous ramenez votre repas. Mais c'est vrai qu'aujourd'hui, quand on sort au restaurant, tout dépend du restaurant. Alors il faut éviter les restaurants italiens, mais dans un bon restaurant français, ça devrait aller.

  • Speaker #0

    Et le jeûne thérapeutique ?

  • Speaker #3

    Et le jeûne thérapeutique, j'y viens tout de suite. Moi, bien sûr, je suis... pour. Je ne suis pas pour parce que je suis naturopathe, je suis surtout pour parce que je suis moi-même une jeuneuse depuis 25 ans. Et effectivement, le jeûne, il permet de réveiller les forces d'autoguerrison parce que comme le système digestif est complètement mis au repos, cette énergie va être mise au service de la guérison. Et donc, quand on jeûne, effectivement, on peut réparer ce qui ne va pas à l'intérieur de soi. Là où je mets juste une alerte, Pas tout seul chez soi à la maison au-delà de deux jours. Donc, si on fait deux jours chez soi, ça peut fonctionner. C'est déjà un début. Mais ne jamais, jamais se lancer dans des jeûnes de sept jours minimum, seul chez soi à la maison et vraiment d'être encadré.

  • Speaker #0

    Et un jeûne de 30 jours, généralement, après 30 jours, on ne souffre plus rien. Il ne se passe plus rien au bout de 30 jours. Non, mais juste au-delà de ça, c'est vrai qu'il y a le jeûne intermittent, sauter un repas, il y a le jeûne d'une journée. Mais en tant que médecin, on met aussi des alertes. Je ne vais pas vous raconter, mais j'ai au moins trois histoires de patients qui ont fini en réanimation pour des carences graves sur des jeunes, notamment des jeunes cétosiques, etc. Donc, je pense que c'est important de ne pas aller recueillir uniquement son information chez des youtubeurs, parce que malheureusement, ils n'ont pas forcément de formation. Et parfois pire, en fait, ils ne font que relayer une méthode qui ne leur appartient pas, mais qui leur permet... de financer certaines activités. Donc là aussi, il faut quand même rester très, très, très, très vigilant. Quand c'est des choses de bon sens, je pense qu'il y a assez peu de problèmes. Jeûner une journée, je pense que ce n'est pas très dangereux. Mais jeûner 30 jours, ce n'est pas que c'est dangereux, c'est radical.

  • Speaker #7

    Bonjour, merci d'avoir posé le constat que l'accès au bien-être n'est pas égal dans la société. C'est vrai que ce qui me gêne un peu, c'est... Le fait que les consultations sont chères, pas remboursées, il faut d'abord avoir accès à la connaissance de ce qui peut se faire. Je voulais savoir comment vous, en tant que soignant, vous militez pour un accès plus égal au bien-être de la société ? Par exemple, remboursement des consultations de naturopathie, accès au bien-être, pas seulement pour les personnes privilégiées. Merci.

  • Speaker #3

    Je vais commencer. Il y a beaucoup d'associations de naturopathes qui se sont créées. On essaye vraiment de tous s'unir pour pouvoir avoir notre propre label et pour pouvoir avoir une reconnaissance de nos pratiques. C'est compliqué parce qu'à partir du moment où ce n'est pas réglementé, c'est un champ qui est aussi ouvert à différentes pratiques qui ne fonctionnent pas toujours. C'est pas simple mais on y travaille beaucoup. Alors après effectivement comment la rendre accessible ? Il y a plein de façons aujourd'hui de communiquer sur la thématique du bien-être. Il y a l'écriture, il y a effectivement tous les contenus qu'on peut réaliser sur les réseaux sociaux ou via la télé. Ça c'est des choses en général qui sont soit gratuites, qui ne coûtent pas très cher le prix d'un livre. Après effectivement pour rebondir sur ce que Aurélien disait avant par rapport aux jeunes, je pense que c'est important aussi. Je pense que ce qui est important c'est de trouver des vraies sources d'inspiration, de personnes qui vous inspirent, confiance déjà, et de ne pas tout prendre et de ne pas tout écouter, parce que tout n'est pas toujours bon à prendre sur les plateformes gratuites, même si c'est très bien. Donc peut-être faire un petit travail en préambule pour trouver les bons thérapeutes qui vous inspirent et voir comment être en lien avec cet espace de connaissances.

  • Speaker #0

    Sébastien, est-ce que tu voulais rajouter quelque chose ?

  • Speaker #2

    Oui, alors l'accès aux soins de santé mentale, c'est une vaste question. C'est vrai que c'est extrêmement compliqué aujourd'hui de trouver un rendez-vous. En termes de psychiatrie, par exemple, Strasbourg est particulièrement bien fourni en psychiatre. par rapport à la moyenne des villes françaises, même de taille similaire, et pourtant c'est difficile. Je pense qu'il n'y a peut-être pas une optimisation de l'utilisation des ressources, c'est une première question, mais on pourrait aller très loin, et c'est un sujet qui dépasse un peu le thème de la table ronde.

  • Speaker #0

    Après, il y a aussi des choses qui changent doucement, des résistances, des habitudes. Je ne pourrais pas aller plus dans le détail, mais je pense qu'en France, on n'est pas les plus mal lotis en termes d'accès aux soins. Je vous le dis, même si c'est dans des pays où on a l'impression que beaucoup de choses sont beaucoup plus avancées, c'est bien pire. Donc, on n'est pas les plus mal lotis, mais évidemment, il y a des choses à améliorer, mais peut-être aussi dans la meilleure orientation vers les bonnes personnes.

  • Speaker #1

    On va prendre encore les trois dernières interventions.

  • Speaker #2

    Oui. Bonjour, merci en tout cas pour vos interventions. J'ai deux questions qui seront courtes. La première pour le docteur Marquis au niveau sociologie. Comment expliquez-vous l'accélération de l'injonction au bien-être chez les jeunes, notamment par le biais des créateurs de contenu et autres influenceurs qui vont pousser les jeunes à aller mieux pour des raisons qui m'échappent personnellement ? Et une deuxième question également aussi, par contre, pour le docteur Weibel. On a eu un rapport en 2024 des services gouvernementaux qui a listé l'ensemble des pathologies mentales, mais il n'y figure pas le trouble de la personnalité borderline. J'aurais voulu savoir pourquoi, encore en 2024 et en France, un tel trouble de la personnalité n'est pas encore reconnu au niveau national.

  • Speaker #3

    Merci beaucoup pour votre question absolument essentielle. Je vais tenter une réponse courte. Je pense que ça témoigne de la pression immense qui pèse sur les épaules de tout un chacun, et des jeunes en particulier, dans une société dans laquelle, encore une fois, il y a ce présupposé démocratique selon lequel toutes et tous nous avons ce potentiel en nous, mais que c'est à nous de le trouver. Et combiné à cette pression se retrouve, je pense... La représentation qui correspond à une certaine réalité, représentation selon laquelle l'ascenseur social classique, traditionnel, il est un peu cassé. Aujourd'hui, dans le monde dans lequel on est, c'est compliqué de se dire que faire 5, 6, 7 ans d'études supérieures, c'est un investissement qui va de toute façon payer parce que le monde change très très vite. Et donc je pense qu'il y a cette idée, cette idéologie, voire ce fantasme de pouvoir éventuellement court-circuiter ce parcours long par le fait. d'identifier et puis de développer ce qui nous fait nous-mêmes comme individus et qu'on va pouvoir constituer en capital pour, par exemple à travers de la création de contenu, etc., se faire une place dans la société. Mais à mon sens, en amont, ce dont ça témoigne, c'est de cette fameuse pression au bien-être dont on parlait au début.

  • Speaker #1

    Sébastien ?

  • Speaker #0

    Oui, sur la liste des pathologies mentales, je ne suis pas très sûr de savoir quel rapport vous faites référence, mais... Le trouble de la personnalité borderline existe dans les classifications internationales. Alors, qu'est-ce que c'est ? C'est un trouble caractérisé par une dysrégulation des émotions, des difficultés dans les relations persistantes et souvent un désespoir chronique, des idées suicidaires. Et il est vrai qu'en France, il y a beaucoup de retard et une très mauvaise prise en charge. Alors, je pense qu'à Strasbourg, on n'est pas les plus mauvais parce que c'est un sujet sur lequel on travaille beaucoup. Mais il y a peut-être une raison qui est d'ordre la responsabilité des médecins qui ne sont jamais trop intéressés au sujet parce que ce n'est pas un... Une problématique qui se règle avec des médicaments, simplement. Ça a été souvent mis un peu de côté. Une très mauvaise compréhension des mécanismes sous-jacents. Mais je pense que les choses changent et je vois ça chez les jeunes médecins, chez les jeunes psychiatres, dans les congrès. C'est un sujet qui est de plus en plus abordé et largement.

  • Speaker #1

    On va maintenant cumuler les deux dernières questions d'un seul coup et je laisserai ensuite la parole à chacun pour aussi dire le mot de la fin.

  • Speaker #4

    Bonsoir, merci pour votre... Vos interventions, c'était vraiment très intéressant. Alors moi, c'est plus un témoignage qu'une question. En qualité de naturopathe, je pense que je ne vais pas me faire que des amis, mais je trouve qu'il y a une urgence à créer des ponts forts entre la médecine moderne et la naturopathie aujourd'hui, parce que le fait de la rejeter, de la stigmatiser, et peut-être parfois de la railler... ouvre des portes un petit peu à toutes les fenêtres parce qu'aujourd'hui il y a énormément de formations qui ne sont plus sérieuses et on voit des naturopathes qui font un peu tout et n'importe quoi et je pense que c'est de notre responsabilité en tant que naturopathe quand on travaille bien de le pointer du doigt aussi il y a des gens qui sortent d'école et je suis désolé de le dire qui sont dangereux parce que ils vont avoir des discours qui vont parfois renforcer par des biais cognitifs de confirmation etc l'isolement de certaines personnes dans des croyances et qui vont pouvoir renforcer parfois certains troubles mentaux de personnes borderline ou psychotiques. Et aussi en formation, même dans les plus sérieuses, on n'est pas forcément très bien formé aux liens thérapeutiques et aux discours qu'on peut avoir avec certaines personnes qui vont justement parfois augmenter les troubles de certaines personnes et encore plus, et comme j'ai pu l'entendre, les personnes qui vont avoir des discours. parfois dangereux sur YouTube ou etc. Et YouTube n'est pas qu'une source d'information. Il faut vraiment faire attention à ça. Voilà, donc c'était l'urgence de créer des ponts parce qu'aujourd'hui, en plus renforcés par les réseaux sociaux comme on en a parlé, il y a cette forme d'injonction au bonheur et je trouve que c'était très bien souligné par Pascal Bruckner dans son livre L'euphorie perpétuelle, un essai sur le devoir du bonheur. Aujourd'hui, les gens... augmentent leur stress à vouloir devenir des êtres parfaits et c'est très complexe. Du coup, je trouve qu'une alliance entre le corps médical et les médecines alternatives est plus qu'urgent et important.

  • Speaker #1

    Merci, on va prendre la deuxième question. On y est.

  • Speaker #4

    Merci.

  • Speaker #5

    Moi je trouve le sujet du bien-être est un sujet fabuleux, passionnant et extrêmement complexe. Et je me pose la question, est-ce que je vais bien ? Parce qu'on n'a pas de définition réelle. Si j'ai une autre pathologie, on me fait une prise de sang, on me dit, voilà, ça c'est trop, c'est ceci, etc. Là c'est une question très complexe. Voilà. D'où ma question, c'est de dire, est-ce que l'environnement dans lequel on se trouve, que ce soit l'environnement familial qui soit perturbé, l'environnement social, économique, national, international, est-ce que lui aussi ne rend pas ce malaise un peu plus fort qu'il est en réalité ? Et puis un point qui a été évoqué, qui est pour moi très important, on est soi-même son médecin. Parce qu'aujourd'hui encore, aller voir le psy, si on en parle autour de soi, on se dit, il est un peu fou. On va voir les médecins ou la médecine un peu parallèle, ou alors les compléments, mais je ne sais pas trop bien. Et donc, comme je ne sais pas, finalement, je me sens mal. Et comme je me sens mal, je me complais. Comment pourrait-on activer ce médecin personnel pour prendre soin de soi-même et d'en sortir ?

  • Speaker #1

    Merci, je vais vous laisser la parole. Libre à vous d'y répondre ou de finir sur un mot de la fin. Et puis, on commence par vous, Nicolas Marquis.

  • Speaker #3

    Merci beaucoup. Je ne sais pas si vous allez bien, monsieur, mais je ne sais pas si je vais très bien non plus. Je ne vais pas vraiment pouvoir vous aider. Simplement, je dirais que je conclurai là-dessus. Moi, il me semble que dans ma perspective, encore une fois, de sociologue, quand je regarde avec des lunettes, si vous voulez, assez distantes, Ce qu'on considère aujourd'hui comme l'aller bien, que ce soit dans les pratiques de soins ou ailleurs, je dirais qu'il y a trois critères qui me sautent aux yeux. Être bien, c'est d'abord être soi, c'est-à-dire ne pas avoir des idées trop délirantes, savoir ce qu'on veut, etc. C'est être actif plutôt qu'être passif, ça veut dire savoir se mouvoir, savoir réaliser des choses. Et c'est enfin être, entre guillemets, correctement socialisé, c'est-à-dire n'être ni exclu. ni complètement collés à un environnement social qu'on arrive à tenir à bonne distance. Alors je ne dis pas que ce sont des bons critères, je dis simplement que j'ai l'impression que ce sont les critères qui aujourd'hui sont les plus souvent mobilisés et qui bien sûr doivent être sujets à discussion parce que comme tous, ce sont des critères normatifs.

  • Speaker #0

    Dans les études internationales, il y a beaucoup d'études qui ont été faites sur le bonheur. Et finalement, les chercheurs sont tous d'accord que la meilleure mesure, c'est de dire entre 0 et 10, vous vous situez où par rapport à votre bien-être. Ça reste le thermomètre finalement très simple et finalement le meilleur. Et en fait, les Français, on n'est vraiment pas très bons. Je peux vous dire qu'on est plutôt en bas de la perception de son propre bien-être. Les Belges, je ne sais pas. Les Danois, c'est beaucoup plus haut. Mais après être déménagé au Danemark, je ne suis pas sûr que ça marche tout de suite. Donc... Voilà, donc je pense qu'il y a une forme, effectivement, de comparaison qui est toujours... D'ailleurs, les réseaux sociaux sont une source de problèmes par rapport à ça, parce qu'on se compare à quoi ? C'est quoi la référence ? C'est ce que j'ai vu du petit bout du monde. Voilà, donc comment chacun va ? Je crois que c'est une question vaste et je ne saurais pas y répondre comme ça. Et peut-être c'est... Aussi observer à chaque instant, je pense que c'est aussi la sagesse de dire Ok, j'arrête de regarder trop loin, j'arrête de regarder à côté et je regarde aussi là, qu'est-ce qu'il y a maintenant ? Je respire, je ressens les choses, je vais dans la nature et je suis assez d'accord, je vais toucher un arbre. Un psychiatre peut faire ce genre de conseils aussi. Voilà, pour sentir qu'est-ce qu'il y a là maintenant. Et peut-être ça aide pour se sentir mieux sans avoir des exigences trop rigides.

  • Speaker #1

    Esther, le mot de la fin ?

  • Speaker #6

    Le mot de la fin, en fait, je n'avais pas prévu de mot de la fin, mais il y a un terme qui est arrivé dans ma tête et que je voulais juste vous partager. En fait, c'est Pierre Rabhi qui parlait de sobriété heureuse. Et en fait, parfois, juste quand on se demande si on va bien, c'est juste simplement d'apprécier dans l'instant présent ce qui va bien. Et parfois, c'est des petites choses de la vie. Et ce que je voudrais juste dire pour finir, c'est qu'en fait, on n'a pas toujours la maîtrise. de tout ce qui change autour de nous, mais on a toujours la maîtrise de changer qui on est à l'intérieur. Et je crois que le meilleur conseil que je peux vous donner, c'est amusez-vous. Amusez-vous, soyez joyeux, amusez-vous, ça c'est une belle injonction quand même.

  • Speaker #1

    Alors, merci pour vos interventions. Ce n'était pas simple de se prêter à la question et au jeu du bien-être, mais je pense que vous l'avez fait avec succès. donc merci beaucoup alors

  • Speaker #3

    Nous allons terminer notre forum en toute logique par la prochaine table ronde qui s'intitule le passage à l'acte.

  • Speaker #6

    On vous retrouve dans quelques minutes pour cette dernière table ronde.

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