- Speaker #0
Bonjour et bienvenue à tous ceux qui nous rejoignent dans cette salle de l'Aubette ou derrière vos écrans sur le site internet du Forum européen de bioéthique. Nous allons démarrer une nouvelle table ronde sur le syndrome post-traumatique et pour modérer cette table,
- Speaker #1
un fidèle du Forum européen de bioéthique,
- Speaker #0
je passe la parole à Grégoire Moutel.
- Speaker #2
Merci Maud et bonjour à tout le monde. Alors petit codicil d'introduction, ce forum est suivi, il faut le rappeler, dans la France entière. Il n'y a pas que les Strasbourgeois puisque par exemple les espaces régionaux de réflexion éthique, les facultés de médecine, les universités qui portent la réflexion de bioéthique sont très attentives aux travaux qui sont menés ici. Alors aujourd'hui c'est un sujet assez commun mais évidemment complexe puisque... Dans vos vies, dans nos vies, on subit tous des traumatismes. Alors les plus jeunes, des fois, n'en ont pas encore toujours conscience, quoiqu'il y a des jeunes qui subissent des traumatismes aussi. Mais en tout cas, au fil des ans, on sait qu'il n'y a pas de vie sans traumatisme. Une des questions qui se posent souvent, c'est quand est-ce qu'on est dans le registre de la normalité, dans la façon de gérer ces traumatismes, et quand est-ce qu'on tombe dans le pathologique, ce qui fait le lien avec la table ronde précédente. Et il y a aussi la question des acteurs qui génèrent le traumatisme versus celui qui le subissent. Et chacun peut d'ailleurs avoir à gérer de ce point de vue des choses très différentes. Et souvent, moi, du point de vue de ma discipline, qui est le fait d'accueillir des personnes victimes de violences dans mon service, on accueille chaque année plus de 2000 personnes victimes de violences. On s'intéresse aussi à la question des auteurs qui ont aussi des choses à porter. Et les sujets sont multiples de l'agression sexuelle, du deuil, de la maladie sévère, du harcèlement, des attentats. On n'a pas mis aussi les victimes de guerre, mais elles sont aussi concernées. Et je pense que la liste pourrait être beaucoup, beaucoup plus longue et que bien sûr, elle n'est pas exhaustive. Donc, du coup, incontestablement, ces éléments impactent ce qu'on appelle la santé mentale des personnes. Et les questions qui doivent être débattues, c'est... un peu dans l'idée du forum en général, c'est comment on repère, comment on prise en charge, comment on s'interroge sur les répercussions que tout cela a au plan individuel, mais aussi au plan collectif. Alors j'ai la chance d'avoir une table ronde d'une très grande richesse, avec une diversité d'âges et de compétences. Donc je rappelle que ce forum est en partenariat avec l'UCL Jean Rostand de Strasbourg et il y a Chloé et Chiara qui sont à nos côtés, qui vont prendre la parole en premier. Ensuite, je présenterai les différents intervenants qui couvriront l'ensemble des thèmes que je viens d'évoquer. Alors, Chloé Car, je sais que vous avez beaucoup, beaucoup travaillé, que maintenant vous êtes en pleine lumière pour nous communiquer le point de vue et le regard que porte votre génération après avoir travaillé. Parce que vous m'avez dit que vous avez travaillé beaucoup pendant quatre semaines sur le sujet pour voir comment vous aviez à nous communiquer votre savoir et vos interrogations sur ce vaste sujet. Donc, allez-y. dans un binôme que je sais qui va être extraordinaire.
- Speaker #0
Bonjour, je m'appelle Chloé et avec Chiara, nous sommes des étudiantes en ST2S au lycée Jean Rostand.
- Speaker #3
Nous avons préparé une synthèse sur le trouble du stress post-traumatique que je vais raccourcir sous forme de TSPT qui se déroule en trois parties.
- Speaker #0
Donc, nous allons pouvoir commencer. Certaines personnes auront la chance de vivre une vie heureuse et saine. Leur identité se construira correctement. Pour d'autres, la vie pourrait être marquée par des épreuves, des attentats, des guerres, des catastrophes naturelles. Ce sont souvent les premières choses qui nous viennent à l'esprit lorsque l'on pense au traumatisme. Mais ces derniers ne sont pas seulement cela. En effet, ce n'est pas forcément que des situations extraordinaires. Ça peut aussi être des situations plus ordinaires, telles que l'abandon, la négligence, l'harcèlement, l'agression sexuelle. Nous serons tous à un moment ou à un autre confrontés au traumatisme. En effet, le deuil, la perte d'un être cher, ce sont des choses qui sont universelles et malheureusement personne n'y échappera. Mais l'impact ne sera pas le même pour tout le monde. En effet, la cassure différera d'une personne à une autre. Deux enfants peuvent vivre dans la même maison sous les mêmes abus et pourtant ne pas développer les mêmes conséquences à cela. Ainsi, ce phénomène permet de souper plusieurs questions. Comment le syndrome post-traumatique se manifeste-t-il ? Et comment le diagnostiquer ? Et quelles sont les étapes clés pour la prise en charge et le rétablissement ? Le trouble du stress post-traumatique est caractérisé par des réactions intenses, désagréables et dysfonctionnelles, après un événement traumatisant. C'est une définition que nous avons trouvée dans le manuel MSD, en sorte de dictionnaire médical, dont nous avons pris connaissance en lisant le répertoire de Jean-Louis Pédinilier et André Malraux. Il se manifeste donc le syndrome du stress post-traumatique par un ensemble de symptômes caractéristiques qui peuvent apparaître dans les mois, voire dans les années suivant un événement traumatisant. Ils peuvent se manifester sous différentes formes, dont les trois catégories principales peuvent être par exemple la reviviscence, donc l'individu va revivre le traumatisme par des cauchemars, des flashbacks, voire même des souvenirs, des pensées. Il y a aussi l'évitement. Donc la personne va éviter tout ce qui pourrait lui rappeler le traumatisme des personnes, des lieux, également ici des pensées. Et enfin, il y a aussi l'hypervigilance. La personne sera constamment sur ses gardes. Elle va sursauter facilement, avoir du mal à se concentrer, avoir du mal à dormir. Mais ce syndrome peut aussi prendre d'autres formes. Des crises d'anxiété, l'irritabilité, également un sentiment d'anesthésie affective. Et aussi une perte d'estime de soi, surtout si la personne se sent... Coupable du traumatisme. En ce qui concerne le diagnostic du trouble du stress post-traumatique, il est établi par un professionnel de santé compétent, donc généralement un psychiatre, étant donné qu'il a fait des années de médecine pour cela, qui sera capable de poser un diagnostic sur des critères spécifiques. Comme cité plus haut, les critères vont être posés par le MSD, donc le manuel de psychiatrie. Le diagnostic va reposer sur des entretiens cliniques approfondis. avec du coup un psychiatre et il va faire un espèce de... Le diagnostic va être un protocole qu'après le médecin pourra suivre pour savoir comment traiter le patient et de quoi il est question. En ce qui concerne la prise en charge du syndrome du stress post-traumatique, la prise en charge du syndrome, elle repose sur plusieurs traitements complémentaires, donc pour atténuer les symptômes et améliorer la qualité de vie du patient. Parce que malheureusement, des fois, avec certains syndromes, il n'est pas possible de réellement en guérir, mais il va plutôt être question de vivre avec. Donc les psychothérapies, telles que les thérapies cognitivo-comportementales ou l'EMDR, donc une thérapie oculaire, qui vont aider à affronter les souvenirs traumatiques et à restructurer les pensées négatives. Il y a aussi des médicaments, comme les antidépresseurs, qui vont réduire l'anxiété, les flashbacks, les cauchemars, comme par exemple le Xanax. Ces traitements médicamenteux vont aider à réguler l'état du patient pendant qu'il suit des thérapies.
- Speaker #3
Les approches complémentaires comme la relaxation et l'exercice physique, le yoga, la marche, permettent de réduire le stress et d'améliorer le bien-être de l'individu traumatisé. Le soutien social via la famille, les amis et les groupes de soutien est essentiel pour renforcer la résilience de l'individu. Un suivi à long terme est très important pour améliorer le traitement et prévenir les rechutes, tout en soutenant le patient dans sa réadaptation sociale. Ces interventions combinées visent à rétablir une vie plus sereine, plus équilibrée et... moins choquantes pour l'individu. Afin de prévenir ce syndrome, il y a trois préventions qui sont mises en place. Il y a la prévention primaire, qui est mise en place avant tout traumatisme. Cette prévention passe par la formation des professionnels qui sont souvent à risque d'éléments traumatisants. Il y a les pompiers, les militaires, le personnel soignant, qui peuvent être concentrés aux accidents, aux décès. Ces formations ont des programmes spécialisés spécifiques qui visent à améliorer la gestion du stress et à renforcer les mécanismes d'adaptation face aux situations qui peuvent être traumatisantes. De plus, être exposé à des situations qui peuvent être choquantes dans un environnement sécurisé et encadré peut aider à mieux réagir et à mieux gérer ses émotions lorsqu'on y est concentré dans la réalité. Pour illustrer, j'ai choisi un exemple, les agents mortuaires qui travaillent aux morgues rattachés aux hôpitaux sont encadrés par des professionnels et sont donc moins choqués. lorsqu'ils voient des cadavres, s'ils en voyaient un, comme ça, en cas d'accident de la route. Nous avons aussi la prévention secondaire qui intervient immédiatement après un événement traumatisant pour prévenir l'aggravation des symptômes et limiter les troubles. Elle se déroule en quatre grands points. Un soutien psychologique immédiat qui est une aide rapide pour les accompagner émotionnellement ainsi que les rassurer. Un soutien psychosocial qui est une aide pour se reconnecter avec l'entourage, la famille, les amis. Une aide matérielle, par exemple une femme victime de violences conjugales pourrait être accueillie dans un centre d'hébergement. d'urgence comme une maison des femmes où elle recevra un logement sécurisé, des repas et des vêtements adaptés à sa situation. Et le dernier point, une orientation post-traumatique, un suivi plus spécialisé peut être nécessaire, donc psychiatre, psychothérapeute, EMDR. Il est aussi primordial de comprendre qu'il faut éviter les debriefings forcés, ce qui consiste à ne pas forcer l'individu traumatisé à en parler s'il n'est pas prêt et s'il n'en a pas envie, puisque cela peut engendrer une réaction traumatique. Les personnes sont suivies de très près par un personnel de santé et le suivi médical peut être prolongé si nécessaire. Cela dépend de la gravité du traumatisme, de la résilience personnelle et de l'accès aux soins. Pour illustrer cette partie, j'ai choisi un événement traumatisant qui s'est passé au lycée Jean Rostand l'année dernière. Suite à l'attentat du collège d'Arras, le lycée Jean Rostand a été touché par deux attaques à la bombe dans la même semaine. Cet enchaînement d'événements a généré une peur au sein des étudiants. qui n'ont plus voulu aller en cours ou qui y allaient avec une boule au ventre. Si une prise en charge psychologique avait été rapide, elle aurait pu permettre de limiter ces effets et donc de rassurer les élèves pour aller en cours. Et pour finir, nous avons en place la prévention tertiaire qui est là pour limiter l'impact d'un TSPT qui, du coup, est diagnostiqué. Elle s'adresse aux personnes chez qui un TSPT est diagnostiqué, est connu et qui vise à réduire son impact sur sa vie quotidienne. Cela passe par un accès aux soins spécialisés, en s'assurant qu'elles reçoivent un suivi rapide et approprié à sa demande, approprié à ses problèmes. Et elle est aussi suivie par des professionnels de santé mentale, comme des psychologues ou des psychiatres. Cependant, l'accès aux soins spécialisés n'est pas toujours garanti. Par exemple, durant l'attentat de 2015 au Bataclan, une jeune fille de 14 ans ayant survécu à cet attentat a été traumatisée et a voulu consulter un psychiatre qui malheureusement n'était pas formé à recevoir des adolescents. Ce manque de prise en charge a pu aggraver son état psychologique et retarder son rétablissement mental. Le trouble du stress post-traumatique n'est plus un phénomène réservé aux seuls militaires ayant vécu des guerres. Tout le monde peut être touché par ce trouble. De nos jours, les conséquences d'un traumatisme peuvent être radicales et mortelles. Le cas du collégien Lucas, qui s'est suicidé en janvier 2023, ou encore Nicolas, un lycéen qui s'est donné la mort à son domicile en septembre 2023. Un cas parmi tant d'autres qui rappelle la réalité brutale et les blessures invisibles. La question se pose aussi concernant la phobie scolaire qui touche de nombreux jeunes aujourd'hui. Ne stresse-t-elle pas un TSPT ? Selon l'Inserm, 1 à 5% des enfants en France et des lycéens sont concernés par la phobie scolaire, un phénomène souvent difficile à diagnostiquer, où l'anxiété intense liée à l'école peut avoir des conséquences dramatiques. Il est donc primordial de prévenir, d'orienter et de prendre en charge les victimes de traumatismes sous toutes les formes, qu'elles soient visibles ou non, afin de réduire leurs effets. et d'améliorer leur quotidien. Pour réaliser cette synthèse, j'aimerais remercier mes neuf camarades qui nous ont aidés sur des heures de cours, sur des heures personnelles. Donc, Lily Victoria,
- Speaker #0
Camille,
- Speaker #3
Anna, Pierrine, Fanny, Sajda, Esther qui est absente, Madame Young de nous avoir inscrits, de nous avoir parlé. Merci beaucoup parce que sans vous, nous n'aurions pas pu réaliser ceci.
- Speaker #2
Bien, Chloé Marac et Chiara Hugel, j'ai envie de dire qu'on aurait presque pu se passer des autres spécialistes autour de cette table et que plus tard, je pourrais presque vous confier peut-être quelques enseignements à l'université. Donc, on verra ce que vous deviendrez. Mais en tout cas, bravo et on peut les réapplaudir. Alors, il n'empêche que sans vous faire offense, on a quand même quelques experts et expertes autour de la table. On va passer la parole à Aurélien Benolide qui, outre être le président de ce fameux forum européen, est neurologue. Et avant de commencer, je lui dis, est-ce que tu vas parler de neurologie, de clinique ou de psychiatrie ? Il m'a dit, on est à la frontière. Donc voilà, on va voir ce que le neurologue a à nous dire de cette frontière et de l'explication clinique et physiologique qu'il peut avoir sur ce sujet-là.
- Speaker #4
Merci Grégoire. Effectivement, je serai à la frontière. La frontière entre la neurologie et la psychiatrie, entre le corps et l'esprit. J'en avais parlé pendant la conférence inaugurale de mon hésitation entre la psychiatrie et la neurologie pour finalement m'orienter vers la neurologie. Le syndrome de stress post-traumatique, c'est un syndrome. Ça veut dire que c'est une association non fortuite de signes cliniques en lien avec un fait générateur, en l'occurrence un traumatisme. Moi, je ne vais pas directement parler de ce syndrome, puisque ce serait faire un peu d'exercice illégal de la psychiatrie, ce n'est pas mon habitude. Ça associe un certain nombre de manifestations, vous en avez parlé, les réminiscences, les troubles du sommeil, l'anxiété, etc. Moi, je vais plutôt m'intéresser à quelque chose de plus modeste, mais qui est à l'origine de tout ça, c'est ce qu'on appelle finalement le psychotrauma. et vous dire à quel point je pense qu'il est important dans la clinique et dans la vie de tous les jours, raison pour laquelle j'ai vraiment tenu à ce qu'on ait cette session. Alors qu'on m'a parfois posé la question, on me demandait est-ce que c'est vraiment de l'ordre de la bioéthique de parler du psychotrauma ou du syndrome de stress post-traumatique. Un peu dans la veine de la conférence inaugurale que j'avais réalisée, je vais commencer par vous raconter une histoire, et désolé, c'est mon histoire. Mais c'est un fait qui me semble, en tout cas qui pour moi est un épisode fondateur dans ma carrière de médecin et que je souhaiterais partager avec vous. C'était il y a quelques années, dans le cadre d'une opération qui était en partenariat entre le service de gynécologie obstétrique du CMCO d'Israël Nizan et de Nadine Knezovic et il me semble également en partenariat avec le Forum européen de bioéthique. C'était une projection publique d'un film. qui s'intitule Les Chatouilles, dont vous avez peut-être déjà entendu parler, qui est réalisé par Andréa Bescon et Éric Métaillé, qui était son époux à l'époque, qui adaptait de leur pièce de théâtre, qu'ils avaient également faite ensemble, qui s'appelle Les Chatouilles ou la danse de la colère. J'y suis allé avec Maud ici présent et nous avons assisté à cette séance en présence d'Andréa Bescon et suivi d'une conférence après. Vous voyez... Je me souviens bien de l'ambiance, un peu comme dans les épisodes post-traumatiques. Vous savez, on se souvient, on sait tous là où on était le 11 septembre. Mais pas vous, je n'en doute pas. Mais on se souvient tous de l'environnement. Et moi, je me souviens très bien, alors que pour autant, je n'ai pas véritablement vécu un traumatisme ce jour-là. Mais lorsque les choses impactent ou viennent percuter la psyché, je crois qu'on imprime plus durablement les épisodes dans sa mémoire. Donc, pour vous dire très brièvement, le film... l'histoire plutôt s'inspire de l'enfance d'Andréa Bescon qui a été elle-même victime de violences sexuelles répétées sur une assez longue période de la part d'un ami de la famille. Dans le film, elle ne s'appelle pas Andréa mais elle s'appelle Odette certainement en référence aux signes blancs dans le lac des signes et on suit sa tragédie au fur et à mesure et la manière dont la danse va l'aider à s'éloigner de son prédateur, à s'éloigner de sa famille. et va lui permettre également d'exprimer sa souffrance. On va suivre un parcours douloureux, assez classique, d'une personne qui a été exposée à des traumatismes sexuels, avec de l'addiction, avec des troubles qui ont attrait à la santé mentale. Et figurez-vous que ce n'est pas au moment de la discussion ou de la conférence avec Andréa Bescon qu'a eu lieu le choc, mais c'était au générique de fin. Alors laissez-moi vous dire à quoi correspondait le générique de fin. Le générique de fin... Si vous regardez le film, il me semble que c'est Andrea Bescon qui danse de manière assez improvisée, on ne peut pas tellement en douter, qui danse sur le générique. Et ça dure un certain nombre de minutes, le temps que les remerciements, que les différents acteurs passent. Et donc, c'est une danse qui est très singulière. C'est vraiment de la danse contemporaine, mais on voit en même temps qu'elle est réalisée par quelqu'un qui a beaucoup de talent, puisque Andrea Bescon est danseuse professionnelle, évidemment. Donc c'est très joli et moi, ça m'a mis profondément mal à l'aise et j'ai mis quelques minutes à comprendre pourquoi. Et en réalité, cette chorégraphie, je l'ai compris vers la fin du générique de fin, cette chorégraphie m'évoquait une maladie neurologique très mystérieuse dont je vais vous parler tout de suite. En neurologie, il y a différentes branches distinctes et il y en a notamment deux. qui parfois ont tendance à se rapprocher ou à se confondre, c'est ce qu'on appelle les mouvements anormaux. Alors, les mouvements anormaux les plus classiques qu'on connaît, c'est le tremblement, la maladie de Parkinson, les mouvements choréiques, les tics, les tocs, etc. Et une autre discipline qu'on appelle l'épilepsie, qui elle, s'intéresse plutôt à des manifestations électriques du cerveau et des manifestations comportementales qui en résultent et qui sont en lien avec une pathologie cérébrale. Et en fait, moi, j'ai vu dans ce générique de fin, dans cette... très syncopée, très chaotique, en même temps très belle et très inquiétante. J'ai reconnu les mouvements que j'observais, parce que j'étais chef de clinique en épilepsie à ce moment-là, et j'ai reconnu ce que j'observais chez des patients qui sont atteints d'une maladie particulière, qu'on appelait avant les crises non épileptiques psychogènes, ou CNEP, que vous ne connaissez peut-être pas, qui aujourd'hui portent encore un nom différent, ce sont les crises dissociatives fonctionnelles. Je vais juste vous parler quelques instants de ces CNEP et vous verrez à quel moment je reviendrai sur le psychotrauma. Les CNEP, c'est un peu le Canada Dry de l'épilepsie. Ça veut dire que ça ressemble à de l'épilepsie, ça a le goût de l'épilepsie, mais ça n'est pas l'épilepsie. Il faut un neurologue. J'allais dire chevronné, c'est pas que je me considère comme chevronné, mais il faut avoir une certaine expérience pour pouvoir distinguer une crise non épileptique d'une crise épileptique. Bon nombre de médecins, généralistes, d'urgentistes, de neurologues, s'y trompent à tel point qu'il arrive de temps en temps, chaque année, Dominique Mastelli connaît très bien cette pathologie puisque j'ai travaillé notamment avec lui dans le service d'épilepsie, que bon nombre de patients soient intubés, adressés en réanimation, sédatés, pour une suspicion d'état de mal, c'est-à-dire de crise. épileptiques ou en l'occurrence ici non épileptiques qui se succèdent. La crise non épileptique, c'est une crise qui, comme son nom l'indique, n'est pas épileptique, c'est-à-dire que le patient va avoir des manifestations ou la patiente des manifestations psychocomportementales très évocatrices qui, pour la plupart des gens sur scène ici et même probablement à table ronde, mais pas Dominique, pourraient correspondre à une crise d'épilepsie. Bien évidemment, les causes ne sont pas les mêmes et les traitements non plus ne sont pas les mêmes. La crise non épileptique psychogène ou crise conversive fonctionnelle, c'est quelque chose d'assez fréquent. On considère que c'est environ un patient sur cinq qui consulte pour une épilepsie résistante au traitement. On estime que c'est entre 10 et 30 cas pour 100 000 habitants. Ça en fait une pathologie qui est loin d'être rare, qui touche trois femmes pour un homme et que l'on diagnostique d'une manière assez singulière que je vais juste prendre le temps de vous expliquer. On appelait à l'époque un test de suggestion, mais qu'on dénomme un peu différemment aujourd'hui. C'est-à-dire qu'on fait venir le patient dans une salle où on va faire un enregistrement électro-encéphalographique, c'est-à-dire qu'on pose des électrodes sur sa tête pour enregistrer l'activité électrique du cerveau. Et on va faire un test de suggestion qui est finalement une approche plutôt hypnotique, c'est-à-dire qu'on est bien habillé, on met la blouse, on la ferme au dernier bouton, on se rapproche, on a un air assez sérieux. On a des techniciens ou des techniciennes de EG qui sont à côté, qui vont mettre une lumière stroboscopique éventuellement susceptible de favoriser une crise d'épilepsie. Et on va induire l'observation d'un certain nombre de symptômes, le tout étant filmé et sous les fils. Sous les fils, c'est-à-dire qu'on est capable de dire s'il y a une crise épileptique ou pas. Et donc, avec cette stratégie qui est un peu grandiloquente, ou qu'il était en tout cas à l'époque pour le jeune médecin que j'étais, on est en mesure de pouvoir reproduire le malaise. tout en ayant un enregistrement de ce qui se passe au même moment dans le cerveau. Et donc on peut dire que c'est une crise qui n'est pas épileptique. Le grand avantage, c'est que ça fait partie des très rares manifestations qu'on appelle fonctionnelles ou psychosomatiques qui fassent l'objet de publications scientifiques. Donc ça a intéressé les chercheurs, et donc les chercheurs, de manière avec des équipes internationales, ont pu démontrer l'existence de ce syndrome et de pouvoir en faire une pathologie à part entière que l'on peut décrire. Or, ce que l'on sait, ce que les études ont pu nous montrer, c'est que parmi les causes possibles de cette crise non épileptique psychogène qui est très envahissante pour les patients, la cause principale, qui n'est pas exclusive évidemment, ce sont les traumatismes qui ont lieu pendant l'enfance. En l'occurrence, les violences sexuelles, les violences physiques, les négligences, la maltraitance émotionnelle. Donc bien évidemment, on n'a pas une certitude absolue sur l'origine, mais il y a une telle surreprésentation. de l'intrusion du psychotrauma dans l'enfance chez ces patients, qu'on est dans l'obligation ensuite non seulement de leur poser la question, mais de leur proposer une prise en charge. Et ça, si Dominique le souhaite, il pourra en parler. C'est des choses qui se font très régulièrement. Je vous l'ai dit, on parle maintenant plutôt de crise conversive fonctionnelle. Et en réalité, ça appartient à un spectre dont j'avais parlé au moment de la... Le discours inaugural, c'est ce qu'on appelle les troubles neurologiques fonctionnels. Les troubles neurologiques fonctionnels, ça représente quasiment 10% des consultations. On est sur une fréquence qui est bien plus importante. Et il apparaît aujourd'hui évident, dans de plus en plus de publications, que bon nombre de troubles neurologiques fonctionnels sont en lien avec, finalement, l'irruption d'un psychotrauma dans l'enfance. Tout ça pour vous dire qu'on ne peut pas toujours comprendre un patient si on ne lui pose pas forcément les bonnes questions. Je vous avais parlé initialement d'une dimension très physique, matérielle, qu'on apprend à la fac des médecines, et d'une dimension qui est plus immatérielle, parce que là aussi, si on est dans de l'agression physique, c'est très clair, mais si on est dans un rapport très toxique à l'autre ou aux parents, ça peut générer des symptômes sans que pour autant, on ait un fait qui soit justifié par... par une agression qui passerait sous le coup de la justice, par exemple. C'est pour ça que moi, le fait d'avoir pris conscience assez brutalement au décours de... d'un film, qu'il y avait en fait cette irruption du réel, cette irruption de la maladie en lien avec un psychotrauma, et ce de manière fréquente, puisqu'aujourd'hui moi je suis assez spécialisé dans les douleurs chroniques et dans les douleurs pelviennes, et on sait très bien aussi qu'il y a une grande surreprésentation des psychotraumas, ça m'a amené à changer la manière dont je voyais la médecine. Et notamment, c'est des choses dont je parle parfois aux étudiants en médecine, que je croise ou que je suis amené à voir en cours. c'est de dire qu'il faut réapprendre la médecine en intégrant cette notion du psychotrauma, qui malheureusement est très fréquente. Depuis que j'ai intégré à ma checklist, c'est-à-dire aux questions que je pose de manière systématique, la question de l'agression sexuelle ou la question de l'inceste, je suis étonné, malheureusement, et ça n'a rien d'étonnant, de retrouver la même fréquence que ce qu'on observe. En France, je vous rappelle que toutes les trois minutes, Il y a un enfant qui est victime d'inceste, de viol ou d'agression sexuelle et pour un certain nombre d'entre eux, ça va donner des adultes qui vont avoir des manifestations cliniques, qui vont avoir des maladies. Et donc voilà, c'était simplement pour vous proposer une mise en abîme de ce que le psychotrauma peut occasionner dans la vie concrète, que ce n'est pas seulement effectivement les accidents ou les catastrophes naturelles, mais que ce sont aussi les agressions sexuelles qui sont très surreprésentées. dans les troubles et notamment dans les douleurs. Je vous remercie.
- Speaker #2
Merci Aurélien. Tu nous rappelles ce qu'on nous apprend en médecine, que l'observation reste le maître mot d'une bonne clinique, le repérage, mais que le repérage va bien en amont. Il faut essayer de tracer dans l'histoire de vie des personnes ce qui peut amener aux symptômes d'aujourd'hui. Et je pense qu'effectivement, tu as cité des sujets qui me sont chers, sur lesquels les questions... n'étant pas posé. L'explication est difficile à trouver, mais ça va faire le lit des intervenants suivants. Sylvie Tenenbaum, vous êtes psychothérapeute, vous êtes consacrée longtemps à tous ces sujets-là. Vous avez écrit beaucoup d'ouvrages sur ces sujets-là. Quand on a échangé, vous m'aviez dit que vous voudriez peut-être mettre un focus sur la question de l'emprise et du cyberharcèlement. Puis tout à l'heure, vous m'avez glissé que vous aviez un autre petit sujet à aborder. Donc je vous cite... Pas dans l'exhaustivité de vos propos, sinon je vais trahir vos propos, donc je préfère vous céder la parole et que vous ayez allé de vive voix pour une dizaine de minutes et puis après on enchaînera.
- Speaker #1
Merci. Alors, je savais bien que quelqu'un allait parler de toutes les manifestations, de l'état de troubles, de stress post-traumatique. Vous l'avez très bien fait, mesdemoiselles. Donc, ce n'est pas la peine de le rappeler. Ce qu'on vient d'entendre était tout à fait passionnant. Je voulais juste rappeler que le traumatisme, ce n'est pas... Un événement, c'est un état dans lequel on est après un événement majeur ou après toute une série d'événements très importants. Alors pourquoi est-ce que je voudrais parler de l'emprise et du cyberharcèlement ? Tout simplement, c'est issu de ma pratique. Je suis thérapeute depuis plus de 40 ans. Et je n'ai pas calculé le pourcentage de personnes qui souffraient de TSPT, mais sans le savoir d'ailleurs. pour trois personnes sur quatre, puisque des fois, au bout de 30 ans, malgré une anamnèse dont vous avez parlé extrêmement poussée, l'inconscient a refoulé certains événements traumatisants, certains chocs sont complètement refoulés dans un autre univers, et il faut parfois travailler plusieurs années pour... que la lumière soit faite sur ces événements. J'ai énormément d'exemples, je ne vais pas tous les raconter parce qu'on serait là encore dans six mois. Donc, c'est l'emprise, pourquoi ? Parce que ça touche le fondement de l'identité. Alors, il peut y avoir de l'emprise en famille, bien sûr, des parents sur des enfants ou un de leurs enfants, dans la fratrie ou sur les personnes âgées. Il y a de l'emprise chez des psychothérapeutes, ou des thérapeutes, que j'appelle des dérapeutes, ceux qui font un peu un complexe de Dieu, je l'appelle comme ça. Il y a aussi de l'emprise parfois dans la religion.
- Speaker #0
Chez des fanatiques, chez des intégristes ou chez des abuseurs sexuels, il y en a un malheureusement bien connu maintenant. Dans le domaine médical aussi, on peut être sous l'emprise du monde médical. Dans certaines institutions, dans l'armée, les groupes de pression économiques, financiers, politiques, etc. Donc c'est la domination d'une ou d'une poignée de personnes sur les autres. Comme on peut le voir aussi dans le monde carcéral, il y a des situations d'emprise. Quelqu'un a un protecteur ou un caïd qui s'occupe d'un groupe ou d'une personne. Donc, ça peut être aussi l'emprise du sexisme. C'est pour ça que je parlerais à la fois du sexisme qu'on vit tous les jours parce qu'il est à 80% inconscient chez ceux qui le pratiquent. Regardez monsieur, je ne vais pas dire le nom, une journaliste... qui disait qu'ils n'étaient pas d'accord sur un sujet. Il lui disait, ça va bien se passer, madame, ça va bien se passer, avec une condescendance absolument fondamentale. C'était une bonne preuve de sexisme. Et puis dans la pornographie aussi, ça peut être une forme d'emprise. Il y a des gens qui ne peuvent pas se passer, d'aller regarder aussi les sites pornos. Donc ça déborde largement la sphère de l'intime. Dans les addictions, on est sous emprise, sous l'emprise d'un produit, sous l'emprise d'un jeu, sous l'emprise d'un comportement. Donc, les produits évidemment. Et l'emprise, quand ça vient d'une personne, c'est une attaque, l'attaque du psychisme. Et cette attaque fait en sorte qu'elle est tellement bien menée que... la personne ou le groupe, mais plutôt la personne, devient complètement dépendante de son prédateur. Ce que j'appelle les empriseurs ou les empriseuses, ce n'est pas réservé aux messieurs. Et donc la mainmise des prédateurs va complètement pervertir toute la relation entre ces deux personnes. Et donc l'emprise mentale, qui est un groupe de stress post-traumatique, mais continue, ce n'est pas des chocs. c'est continu, c'est une prison dans laquelle vivent les victimes, elles s'y perdent et c'est une prédation qui effectivement conditionne le contrôle d'un côté, la résignation de l'autre, c'est pour ça qu'il faut parfois des années, mais des dizaines d'années pour en prendre conscience et pour en sortir parce qu'on est réduit à un état d'objet sous le joug d'un tyran le mot n'existe pas au féminin, une tyranne ou d'un groupe. Donc c'est l'intégrité psychique qui est mise en jeu et la dignité aussi, la dignité de la personne, comme dans l'esclavage. Et quand la mort psychique n'est plus la solution, là, avec un L majuscule, alors c'est la mort physique qui devient une véritable délivrance. C'est pour ça qu'on parle de suicide, comme vous en avez parlé toutes les deux. Parce que quand on vit en continu... Dans un état de TSTP, on est psychologiquement aliéné. Donc c'est une souffrance à bas bruit, mais qui modifie complètement la façon de vivre, enfin qui conditionne la façon dont on organise sa vie. C'est ce qu'on appelle une effraction psychique. Et c'est ce que dit Muriel Salmona, médecin bien connu, la violence morale est un formidable instrument de soumission et en même temps de dissociation. des symptômes du TSTP dans un scénario insensé. La victime est quasiment paralysée et pour survivre, elle se soumet. Il y a donc l'emprise en famille avec des parents dysfonctionnels et l'autre qui peut-être a le syndrome de Stockholm et qui va fermer les yeux. Bref, l'enfant se sent seul, pas aimé, pas existant. Il ne se sent pas existé. Je l'ai entendu, je l'entends encore. plusieurs fois par jour, et avec tous les syndromes déjà exposés du TSTP. Donc, vivre dans la terreur, quand on connaît en plus les déclencheurs, tous les matins on se demande qu'est-ce qui va m'arriver aujourd'hui, avec des violences répétées, même une claque peut être un déclencheur d'état de TSTP, malgré les gens qui disent moi j'en ai reçu, je ne suis pas mort ben non, puisqu'ils le disent, ou qui en donnent. Il peut y avoir des TSTP, ce que je disais, à bas bruit, en fond, comme ça, quand il y en a beaucoup, bien sûr. Parfois, il y en a tellement que l'enfant ou l'adolescent se sent en danger de mort imminente, qui est également... un des critères pour dire qu'il y a un TSPT. Donc, les crimes silencieux sur les enfants, des meurtres psychiques et des mises à mort identitaires qui touchent au moi. Donald Vinicote, ce grand psy anglais, disait que la crainte clinique de l'effondrement est la crainte d'un effondrement qui a déjà été éprouvé pour montrer que ça se répète, que ça continue, que c'est dans la durée. Alors donc, longue succession de traumatismes et ceux qui ont vécu longtemps, on peut dire que, qui ont survécu pendant des dizaines d'années, on peut dire que ce sont des survivants. Ils ont en eux, ce que Boris Cyrulnik appelle depuis longtemps la résilience, ils ont trouvé une façon de vivre, de survivre, de vivre presque normalement. Mais ce sont des survivants. Il y a aussi des TSTP qui sont dus aux transgénét... au transgénérationnel. C'est tellement évident que, j'en ai fait un bouquin, mais parfois, étant donné que l'ADN peut être modifié sur quatre générations après des chocs absolument énormes, comme après par exemple la Shoah ou le Bataclan ou d'autres attentats similaires, on peut souffrir de... Troubles de stress post-traumatique sans avoir eu soi-même de choc, mais parce qu'on revit les chocs qui ont été vécus par des gens de notre famille précédemment. Voilà, et ça, c'est pas facile à trouver, mais on peut arriver à le trouver. Alors toutes les formes de maltraitance qu'on peut avoir sur les enfants, de chantage affectif, de menace, de chantage, bien sûr d'abus sexuels, sont des crimes... que j'appelle des crimes d'inhumanité. Près de 80% des violences sexuelles ont lieu au sein de la famille. 8% sont commis... Non, pardon, c'est tout, je m'arrête là. Et les traumas infantiles sont extrêmement fréquents. Je ne vais pas répéter que je cite là les chiffres donnés par le docteur Muriel Salmona, psychiatre. 78% des enfants de moins de 5 ans en ont subi. 94%... Des enfants victimes de violences ne sont jamais protégés ni reconnus comme tels. Elle a écrit ça il y a déjà quelques années, je pense que maintenant, j'espère que ça peut changer. L'emprise dans le couple, bien sûr, surtout dans ce qu'on appelle la dépendance affective, fait qu'il y a un prédateur et une prédatée, ou un prédaté si c'est dans l'autre sens, mais c'est plus souvent le prédateur, malheureusement, et plus souvent un homme. Donc... L'emprise dans le couple consacre la prise de contrôle d'une personne sur l'autre, avec la violence psychologique, physique, sexuelle, matérielle, économique. C'est une action d'appropriation de l'autre par dépossession de l'autre, qui réduit cet autre-là à un état d'objet. Là aussi, c'est dans l'emprise, dans ce type d'emprise, dans tous les types d'emprise d'ailleurs. C'est souvent un état de TSPT qui est continu, qui est chronique, en fait. Le philosophe disait que les empruneurs des plus bénins ou plus toxiques, pratiques, ce n'est pas je me montre à toi tel que je suis, mais je me montre à toi tel que je veux que tu me vois Et que ce soit même les... Les petits entrepreneurs, les petits manipulateurs au quotidien, c'est comme s'ils tenaient un ballon d'oxygène au-dessus d'un malade et qu'ils décidaient quand ils arrêtaient de pomper, et puis ils renvoient de l'oxygène, et puis ils arrêtent, et puis ils renvoient. C'est un petit peu cet état-là de TSPT que vivent les gens sous emprise, avec une arme terrible qui est la disqualification, c'est-à-dire la critique. La critique tout le temps, la critique sur ce qu'on est, sur ce qu'on fait. sur ce qu'on va faire, sur ce qu'on pense, sur la façon dont on se présente. Elle instaure l'annihilation des facultés de la victime quand c'est au bout de quelque temps. Et alors on se dit, mais pourquoi la personne persécutée ne part pas ? Mais parce qu'elle a peur. D'abord, elle n'a pas forcément conscience d'être à ce point persécutée. Elle se dit que ça va changer. Comme une femme battue va se dire, mais non, il m'a dit qu'il ne me battrait plus. Et puis le lendemain, elle revient, moi j'en ai vu avec des Ausha, les avant-bras dans le plâtre, etc. Il y en a même qui m'a dit, mais si moi je m'en vais, sur qui il va taper ? Il y a aussi des situations d'emprise, je ne les aborderai pas parce que sinon ça va durer trop longtemps, dans les sectes, évidemment, pour fragiliser, déstabiliser les gens. L'emprise au travail, le harcèlement moral, qui fait une sorte de psychotéreur, qui ne s'arrête pas avec des conflits répétés, des phrases malveillantes. L'emprise avec, j'en ai parlé avec les dérapeutes, et l'emprise aussi par le harcèlement. Le harcèlement qui vise la destruction progressive d'un individu. ou d'un groupe par un autre individu ou un groupe. Moyen de pression réitérée, destinée à obtenir de force de l'individu quelque chose contre son gré. Alors du harcèlement à l'école, l'actualité nous en parle sans arrêt, qui peuvent parfois mener au suicide. Une enquête de l'IFOP disait qu'un élève sur cinq est victime de harcèlement scolaire. Certains se sont suicidés. Alors c'est des moqueries, c'est des insultes, des humiliations, des grimaces, des gestes obscènes, des violences physiques. Et il y a un sentiment de peur, de culpabilité et il y en a un qui est énorme aussi, c'est la honte. Quand on se fait harceler ou quand on vit avec un prédateur, que ce soit en famille ou en couple, on a honte. Et ça aussi, ça fait qu'on n'ose pas le dire. Et puis ce cyberharcèlement avec les réseaux sociaux qui occupe une place énorme, surtout chez les adolescents, mais enfin ils vont un peu comme leurs parents. Parce que des parents, moi j'en ai vu tellement, téléphone en main qui dit à son gamin mais arrête d'être sur l'écran, c'est un peu paradoxal. Donc il y a déjà un exemple là à donner. Et c'est une nouvelle forme de dépendance, c'est une déclinaison de la dépendance affective, cette cyberdépendance. Ce qui peut arriver de pire à ces ados, c'est que le téléphone soit déchargé, c'est qu'il n'y ait pas de prise pour le recharger, c'est qu'il ne marche plus, c'est qu'on soit dans une zone blanche, comme on dit, où on ne peut pas s'en servir. Et là, les traumatismes, c'est ce qu'ils entendent, c'est ce qu'ils entendent sur eux, parce qu'ils veulent donner une image d'eux à travers les likes, à travers tout ça. Ils veulent se montrer à la hauteur. de tout ce que les influenceurs disent. Dans la table ronde précédente, on parlait des normes. La femme parfaite, elle doit être comme ci, comme ça. C'est les critères. Parce que personne ne remplit les critères de la perfection. Ça n'existe pas. Personne n'est parfait. Donc, parce qu'on ne respecte pas ces critères-là, on va finir par être tellement insultés, par avoir tellement honte, qu'on va se retrouver aussi en TSTP, encore une fois, à bas bruit. Parce qu'en plus, on est seul derrière son écran, l'ado seul dans sa chambre, qui ne sort plus, qui ne va plus voir ses copains, qui n'a que des amis virtuels, qui du jour au lendemain va les plaquer, va le plaquer. Et ça, c'est encore un choc qui va le mettre dans un TSTP possiblement, jusqu'à ce que parfois, il se suicide aussi. Ce cyberharcèlement, il va aussi à l'encontre des professeurs. On a vu des cas graves, de cas de chantage, de manipulation. C'est facile de jouer avec les cyberdépendants. Humilier, les anéantir, les fragiliser. Et quand le TSTP commence à faire surface, parfois il est trop tard. Parce qu'ils sont incapables eux-mêmes d'en prendre conscience. Déjà, il y a une estime de soi qui est en dessous de zéro et une honte, un sentiment de valeur personnelle qui a complètement disparu. Il y a par exemple le choc de voir son image intime, ce qu'on appelle une sextorsion, qui apparaît sur les écrans de toute une classe, de tout un collège ou de tout un lycée. Le revenge porn, après une rupture, on envoie des photos de son ou sa partenaire, c'est plutôt sa partenaire, soit toute nue, soit assez sexy. La honte encore. La honte qui va jusqu'à ne pas en parler et les parents se demandent pourquoi l'enfant se fait du mal et parfois se suicide. Il y a aussi le grooming, c'est les adultes qui se font passer pour des adolescents pour les rencontrer et puis après les violer. C'est une traque furtive comme le cyber-stalking, on cherche, on observe, on épie. C'est du harcèlement, puisqu'il y a à la fois du harcèlement, de la persécution. et de l'espionnage. Il y a aussi du harassement, c'est-à-dire qu'on envoie des messages injurieux, horribles. C'est du terrorisme psychologique. Tout ça crée des TSTP, encore une fois, extrêmement insidieux. Il y a rarement un choc, comme ça peut arriver, un accident, un décès, etc. Un deuil. Il n'y a pas de choc. Il y a un trouble de stress post-traumatique constant, chronique. Voilà. Je vais vous laisser tranquille, bien sûr. Ce n'est beaucoup. parce que je voulais aussi parler de la pornographie. Des enfants de moins de 10 ans vont sur des sites de porno. Ils apprennent des drôles de trucs sur la sexualité qui ne correspondent à rien. Et ils peuvent après être capables, eux, de passer à l'acte. Dangereusement, très dangereusement. Les jeux vidéo aussi. Et puis alors, je ne parle même pas du Darknet, là où il y a la barbarie. Voilà.
- Speaker #1
Qu'est-ce que tu dis ?
- Speaker #0
Voilà, bon. Il faut pas se faire chier, je pourrais continuer.
- Speaker #1
Alors effectivement, la liste est longue, j'ai envie de dire malheureusement longue, qui amène à ces questions de syndrome de stress post-traumatique. Vous en avez fait une description. Il y a un domaine particulier quand on prononce le mot attentat, c'est que le stress post-traumatique touche les individus victimes directes, les victimes indirectes, et certains ont pu dire, Denis Péchanski, la société dans sa globalité, à travers les élus, d'une part, les décideurs. mais certainement tous les citoyens, puisque tout à l'heure, on évoquait la force des images. Denis Pessanski, vous avez été chargé d'un grand programme d'évaluation des attentats du 13 novembre, ce qui me permet de saluer aussi vos collègues d'étape Francis Eustache, avec qui, je le disais, je croise les couloirs de l'Université de Normandie de temps à autre. Je pense qu'à travers ce travail, votre témoignage nous est important pour parler de cette dimension individuelle et collective. Donc je vous cède la parole et après il y aura le régional de l'hépatope et enfin psychiatre puisqu'on évoque l'intérêt de la psychiatrie depuis tout à l'heure. Dominique Mastelli vous fera suite. Donc Denis je vous donne la parole.
- Speaker #2
Merci beaucoup et c'est vrai que présenter ce programme à Strasbourg a quand même une signification singulière et fera écho à ce qu'on a connu évidemment dans cette ville. Je voudrais montrer comment de travailler sur les troubles de stress post-traumatique, donc ce choc traumatique qui s'enquiste plus d'un mois si on prend la terminologie et la définition officielle, mais implique aussi une dimension épistémologique, et en particulier une réflexion sur la mémoire à travers la remise en cause des frontières traditionnelles. dont on souffre beaucoup, cette étanchéité disciplinaire qui fait que chacun reste dans son rail. Le point de départ de la réflexion que je vous propose et des réflexions que je mène, le point de départ est antérieur, bien antérieur, aux attentats terroristes de 2015. Le 13 novembre 2015, c'est tout simplement une interrogation sur la mémoire, puisqu'on sait bien que c'est une pathologie de la mémoire, le TSPT, mais mon interrogation sur la mémoire, c'était de considérer qu'il était impossible de comprendre pleinement ce sur quoi nous, nous travaillons comme historiens, comme sociologues, c'est-à-dire la mémoire collective, si on ne prend pas en compte les dynamiques cérébrales de la mémoire, et qu'on ne peut pas comprendre... pleinement ces dynamiques cérébrales de la mémoire si on ne prend pas en compte l'impact du social. Et ça, l'imagerie, évidemment, le montre et pas simplement l'imagerie. Et à partir du moment où ce postulat, qui est fondé sur l'idée qu'on était en train de, si je peux me permettre, de patiner dans nos travaux sur la mémoire collective, et donc j'essayais de trouver une porte de sortie vers une réflexion de ce type-là, Ça impliquait évidemment qu'on travaille dans les sciences humaines et sociales, mais aussi avec les sciences du vivant et singulièrement les neuroscientifiques et les cognitivistes. Et puis aussi parce qu'on travaille sur des bases de données importantes, les mathématiciens, les informaticiens et tous ceux qui... finalement ont affaire avec la mémoire. Donc ça, ça a été le point de départ, et je me permets d'assister, parce que c'est une idée qui est venue, exactement qui a été mise en œuvre en 2008 à New York, dans le contexte d'ailleurs d'un travail sur la Deuxième Guerre mondiale, qui est un peu ma spécialité quand même, initialement, et puis sur les attentats du 11 septembre 2001. Donc c'est parti de là. Et est arrivé le choc du 13 novembre 2015 avec le sentiment qu'on partageait, puisque là ça faisait des années qu'on travaillait entre, en particulier, les sciences du ménéstastique et les sciences du vivant, et singulièrement avec mon collègue Francis Sostache, que tu évoquais, qui est un neuropsychologue. Là, il y avait une sorte d'obligation pour nous de réagir, répondre avec nos armes, qui sont les armes de la recherche et de la connaissance. Donc ce n'est pas simplement raisonner en termes scientifiques, mais aussi comment le traduire. Peut-être par une phrase que je m'étais dit, on leur doit bien ça. On leur doit bien ça. Et donc on s'est lancé dans ce programme, de mon côté, une idée un peu basique, mais évidemment assez compliquée à mettre en œuvre. J'ai trouvé, je dis à un moment donné, on va interviewer 1000 personnes du plus proche au plus lointain de l'événement, à 4 reprises, en 10 ans, et au maximum les mêmes personnes. Et en plus, on va le faire en audiovisuel. Pour qu'on n'ait pas simplement les traces écrites, parce qu'avec les psychologues, souvent, ce n'est pas réécrit, mais pour donner un seul exemple, pour comparer avec un entretien que j'ai pu faire dans cette série de captations audiovisuelles, quand vous répondez à un questionnaire de psychologue, je pense que ce serait un peu plus facile de faire un entretien. Mon collègue Bill Hurst aux Etats-Unis, on avait travaillé ensemble et on avait sorti un papier sur justement une des questions ouvertes. Mais une des questions ouvertes, la réponse qui était donnée, c'était en deux paragraphes. Bon, moi quand je pose une question, comme tous mes camarades, pouvez-vous me raconter le 13 novembre ? Et contre cette première question en semi-directif, jusqu'à... Non pas la deuxième question, mais la première relance, il se passe 1h40, parce qu'on a comme consigne absolue de ne pas interrompre la personne avant qu'elle arrête de parler, sauf si, évidemment, ça part dans tous les sens. Mais c'est pour dire la richesse potentielle de ce qu'on a pu réunir, et je vais vous le traduire en quelques chiffres. Mais il faut savoir qu'en parallèle, je téléphone... Petit camarade Francis, au stage, ça tombe bien parce que moi je voulais qu'on travaille sur le trouble de stress post-traumatique. Là il faut qu'on avance, c'est pas possible, c'est une pathologie de la mémoire et en particulier on doit travailler sur ce qui est l'un des symptômes du trouble de stress post-traumatique, c'est-à-dire les images intrusives. Donc des images qui vous viennent comme ça, sans que vous puissiez les contrôler, généralement complètement décontextualisées, donc c'est une tâche de sens, c'est... C'est le canon d'une Kalachnikov. Et ça vous vient comme ça. Ou bien c'est un camion. Je pense à ceux qui ont subi Nice. Donc ça, oui, il faut qu'on travaille là-dessus. Et l'évitement, ceux qui vont dans la foulée tout faire pour éviter de... voir survenir ces images intrusives. Donc on ne va plus aller dans les salles de spectacle, bien entendu. On ne va plus aller dans les restaurants. Mais on ne va plus non plus prendre le métro à Paris. C'est aller très loin. Et ça, pendant des semaines, des mois, voire au-delà. Donc ça, c'est un tableau clinique, en quelque sorte, qui est très classique, on va dire, quand on travaille sur les suites. sur le TSPT en général et singulièrement sur les suites d'attentats. Donc on a décidé de se lancer là-dedans, dans une approche résolument transdisciplinaire. C'est-à-dire qu'il s'agit de construire en commun notre objet de recherche. et non pas de convoquer des camarades de disciplines différentes, et on appellera ça plutôt la pluridisciplinarité, où on va poser nous notre question, par exemple, moi comme historien, je pose une question et je convoque les camarades de différentes disciplines pour répondre à la question que je pose. La transdisciplinarité, c'est d'essayer au maximum de poser ensemble la question et de se donner les outils pour pouvoir y répondre. Alors... Je ne vais pas évidemment présenter tout le programme, mais pour avoir une idée, c'est un programme qui a commencé en 2016, il doit se terminer en 2028.
- Speaker #0
Bien.
- Speaker #2
On se posait la question, est-ce que ça pourra marcher ? Outre le... je ne vais pas rentrer sur le process qui a abouti au fait que ça a été retenu, mais marcher, ça veut dire quoi ? Ça veut dire, est-ce qu'on va pouvoir réunir... Mon idée était quand même un peu folle, c'est-à-dire de trouver 1000 volontaires qui accepteraient de venir pour répondre à nos questions, et ça à 4 reprises en 10 ans au maximum, au moins la première fois. Et la première fois, en plus, on voulait que ça se fasse, sachant qu'on a eu le feu vert le 9 avril 2016, on voulait que ça se fasse avant la première commémoration, donc avant le 13 novembre 2016. pour que ça n'impacte pas sur le témoignage qu'on a eu. Sauf qu'en passant, parce que c'est ça la recherche, on a eu quand même l'attentat de Nice du 14 juillet, entre autres, et vous imaginez l'impact que ça a pu avoir. Mais on était d'autant plus inquiets qu'on se fondait sur le volontariat, bien entendu, et que, eh bien, des psys nous disaient que ça allait être très compliqué. Pour ceux qu'on appelle le cercle 1, c'est-à-dire ceux qui sont directement exposés, est-ce qu'ils vont venir témoigner ? Est-ce qu'ils vont venir parler ? Est-ce qu'ils voudront parler ? Ils voulant parler, est-ce qu'ils vont parler dans la continuité ou est-ce qu'ils vont s'arrêter au bout d'un quart d'heure en disant non, là, je ne peux plus Dans les faits, à l'arrivée de la phase 1, On a donc quatre cercles, du plus proche au plus lointain. Le premier cercle, on le dit, c'est ceux qui sont au plus proche de l'événement, les rescapés, les témoins, les intervenants, policiers, médecins et autres dont vous avez très bien parlé. mais aussi les parents endeuillés. Ça, c'est la nouveauté du DSM, qui a introduit ces parents endeuillés, soit dit en passant. Et pourquoi je parle du DSM ? Parce que vous voyez bien que dans ce premier cercle, c'est des personnes que nous, comme historiens ou sociologues, on considère au plus proche de l'attentat. Et donc, ça nous semble tout à fait logique de les regrouper. Mais c'est aussi construit ensemble avec des neurones et des psychologues qui nous disent que ce sont des personnes exposées, comme on les définit, mais potentiellement exposées à un trouble de stress post-traumatique, puisque c'est la condition pour pouvoir être retenue potentiellement comme pouvant développer un trouble de stress post-traumatique. C'est là où on voit aussi comment la transdisciplinarité a joué. y compris sur notre questionnaire. Donc on a ceux-là, on a les gens du quartier mais qui n'étaient pas directement au contact. Vous avez le reste de la région parisienne. Alors les quartiers, c'est le quartier des terrasses, le quartier du Bataclan et le quartier de Saint-Denis. Ensuite, vous avez le reste de la région parisienne et le quatrième, c'est trois villes de province. Je reviendrai sur la question de la diversité des lieux. Parce que j'ai beaucoup entendu parler de Bataclan, de même que j'ai beaucoup en janvier entendu parler de Charlie. Imaginez les conséquences que ça a sur ceux qui sont rescapés des terrasses, ou rescapés de l'hypercachère, ou bien les parents qui ont perdu des gamins, leurs jeunes qui sont morts sur les terrasses. dont on ne parle plus ou bien à l'hypercachère dont on parlait beaucoup moins. Heureusement, dans la commémoration, ça a bougé.
- Speaker #0
Je le signale en passant parce que ça a des conséquences pathologiques. Quand la mémoire individuelle n'est plus relayée par la mémoire collective, ça a des conséquences aussi pathologiques sur l'individu. Donc, on se retrouve avec ce premier corpus, premier travail. Je ne vais pas rentrer dans les détails, mais il faut savoir que sur la première phase, et à chacune des trois phases, on a eu en gros à chaque fois entre... 900 et 1000 personnes. Et on attend la quatrième phase en 2026. Donc 2016, 2018, 2021. 21, 22, parce qu'il y a eu le Covid, donc il a fallu qu'on aille plus loin. Et puis on fera normalement... Mais ça veut dire que, par exemple, sur la première phase, on a 1431 heures d'entretien audiovisuel. Et je passe sur la partie écrite complémentaire qu'on leur demande de remplir. Donc, ça nous donne, soit dit en passant, ça participe à la construction d'un patrimoine dans la mémoire du 13 novembre, mais aussi des outils, on utilise des outils pour analyser ce discours. Je ne vais pas rentrer dans le détail, mais on utilise des outils en particulier de la textométrie, donc de l'analyse statistique de vocabulaire, ce qui permet aussi de singulariser chacun des groupes avec une surreprésentation de tel ou tel registre de vocabulaire, telle ou telle catégorie. Mais aussi, et c'est là un article qui vient de paraître, qui vient d'être soutenu en intelligence artificielle ? Est-ce qu'on peut repérer, question quand même assez fondamentale, est-ce qu'on peut repérer dans le vocabulaire utilisé des indices d'un sans doute trouble de stress post-traumatique ? C'est quand même une interrogation épistémologique assez majeure qu'on peut arriver à résoudre parce que... on peut croiser justement cette étude que j'appelle l'étude 1000, qui est dominante, on va dire sociologique et psychologique, avec l'étude biomédicale Remember. qui est une étude qui va prendre 200 sur les 1000 pour travailler sur le trouble de stress post-traumatique dans une étude biomédicale, avec IRM, enfin la totale, à Caen, dans les services de... Francis Ausha. Et c'est piloté par un... Je dis un jeune chercheur. Sauf qu'en 2016, il était jeune. Oui, il l'est encore. Pierre Gagnepin. Et qui pilote Remember. Parce qu'on l'a appelé Remember. Donc 200 sur les 1000, ça veut dire que sur ces 200 personnes, on a tous les résultats des études médicales et... les psychos et autres, et l'IRM, mais on a aussi leurs entretiens. Et surtout, ce qui est très intéressant, c'est qu'on a trois catégories, et non pas deux groupes, comme on a souvent dans les études biomédicales. Vous savez, le groupe pathologique est un groupe contrôle, sauf que nous, notre groupe contrôle, c'est des gens du cercle 4, qui ont été interviewés dans l'étude 1000, mais qui habitent Caen, qui n'étaient absolument pas en lien avec les événements, et en particulier les lieux des événements qui n'ont pas de famille concernée. Ils l'ont vécu à travers, on va dire, soit les réseaux sociaux, soit la télé, peu importe. Donc ça, c'est notre groupe contrôle. Et puis, notre groupe d'exposés, ils se dédoublent. Parce que quand ils arrivent à Caen pour faire une étude biomédicale, il y a ceux qui ont toujours un trouble de stress post-traumatique, et il y a ceux... qui peut-être en avaient ou n'en avaient pas on n'avait pas on va les appeler les résistants et et on y on avait mais on était guéri au bout de quelques mois avant de venir à Caen qu'on va appeler des résilients donc vous avez trois groupes sur lesquels on va pouvoir travailler L'idée, en particulier, c'est de reconstituer le mécanisme des images intrusives et de voir l'impact sur les hippocampes et les zones de la mémoire. En fait, tout Remember fonctionne au travers de cette... Cette connexion, cette régulation, par le cortex préfrontal, qui est une sorte de tour de contrôle cognitive, sur les fonctions cognitives internes les plus variées, on pense aux amygdales, enfin celles-là il ne faut pas les enlever, sur les zones des émotions, et puis évidemment les hippocampes, zones de la mémoire en dominante. Il n'y a pas que l'hippocampe, mais en dominante évidemment c'est l'hippocampe qui est fondamentale dans les mécanismes mémoriels. Bon, et on voulait voir, enfin, ils ont voulu voir ce que ça donnait, en particulier la capacité de régulation par ces tours de contrôle cognitifs. Et on arrive, donc c'est un papier qui est sorti d'enseignants de centre 2020, on arrive à avoir trois cerveaux. Un cerveau... Groupe contrôle, avec au moment où on reconstitue ces images intrusives mais non traumatiques, on voit qu'il y a les connexions qui fonctionnent entre ce cortex et à l'intérieur les hippocampes. vous avez un cerveau qui est complètement vide, entre guillemets. Je parle avec mon vocabulaire d'historien. Mais quand vous le voyez, il n'y a plus aucune connexion. C'est comme si les fonctions, les hippocampes et évidemment les amygdales tournaient sur elles-mêmes, sans aucune régulation par le cortex préfrontal. Et puis vous avez le troisième cerveau. essentiellement des résilients qui ont vécu, qui ont eu le choc traumatique, qui pour beaucoup ont développé pendant quelque temps un trouble de stress post-traumatique, mais qui sont guéris. Non seulement on a les traces de cette régulation, Mais c'est complètement verrouillé. C'est extraordinaire. Quand vous voyez les trois cerveaux, là, vous avez des liens partout. Et c'est résumé par quelqu'un qui fait un autre papier, Giovanni Leone, qui disait, mais pour... A priori, pour des personnes qui ont un trouble de stress post-traumatique au moment où ils sont à Caen, qui ont vécu ce qu'ils ont vécu, toute image est intrusive. Pour les personnes qui sont guéries, a priori, toute image est non intrusive. Et ça c'est quand même assez spectaculaire. Mais ce qu'il y a évidemment d'intéressant pour nous, c'est de savoir ce qui se passe deux ans plus tard. Parce que là aussi, on a fait une deuxième étape de Remember. Et pas simplement la deuxième étape des entretiens études 1000. Même si je pourrais vous en raconter sur la difficulté de faire ces entretiens. Bon. Et entre autres avec les parents endeuillés. Mais bon. Passons sur une autre histoire. Mais là, Remember, phase 2. Mais la phase 2, on voit comment... On doit pouvoir répondre à une question. Est-ce que c'est l'œuf ou est-ce que c'est la poule ? Est-ce que c'est le TSPT qui est à l'origine des indices qu'on va trouver en particulier dans la baisse de la volumétrie hippocampique ? qui est très caractéristique, c'est un autre papier qui a été fait, de l'état de troubles de stress post-traumatique. Sur mes trois groupes, j'en ai un, ceux qui ont un trouble de stress post-traumatique, où on voit un décrochage de la volumétrie hippocampique. Mais encore une fois, c'est l'œuf ou la poule ? Est-ce que c'est parce que les personnes avaient une faiblesse hippocampique qu'elles sont plus fragiles, elles sont fragilisées face aux troubles de stress post-traumatique, ou est-ce que c'est le trouble de stress post-traumatique qui provoque cet affaissement ? Eh bien, on a en partie la réponse avec un papier qui est sorti il y a trois semaines. dans Science Advances, parce qu'on a pu travailler sur la situation deux ans plus tard. Et comme le taux d'attrition, ça fait très bien, j'ai appris ça au début, au bout de six mois, je le replace à chaque fois. Ça fait bien, le taux d'attrition. Bon, donc on a un taux d'attrition à 10%. Ça veut dire que 90% de ceux qui étaient venus en 2016-2017 sont revenus deux ans plus tard. À quand ? entre autres pour passer quand même une heure et demie en IRM après ce qu'ils ont vécu, mais ils voulaient comprendre, ils voulaient nous aider et ça revient à ce qu'on parlait de sciences participatives tout à l'heure Mais, non, ce n'est pas l'essentiel. C'est qu'évidemment, on voyait les évolutions. C'est qu'entre ce moment-là, 2016, et puis deux ans plus tard, il y en a qui ont été guéris. Donc, ça veut dire qu'on peut comparer. Et là, ce qu'il y a d'essai extraordinaire qui rend quand même un petit peu optimiste dans notre affaire, c'est qu'on s'aperçoit que chez les personnes qui avaient un trouble de stress post-traumatique en phase 1, quand ils reviennent en phase 2, le système de régulation par le cortex préfrontal, on a la preuve que c'est complètement rétabli. Ce qui est aussi intéressant quand on travaille sur les sous-champs hippocampiques, quand on essaie de comprendre comment évolue la volumétrie hippocampique, ce sont ceux qui ont toujours un trouble de stress post-traumatique, malheureusement, ça continue à tomber, et ceux qui sont guéris, à minima, s'est stabilisé, mais comme on n'a pas un nombre suffisant pour en tirer des conclusions statistiques fortes, Je vous le dis parce que comme on est tout seul entre nous, je vais vous le lâcher. Manifestement, quand on le voit, il y a une évolution qui traduirait ce qu'on subodore. Ce n'est pas simplement la plasticité des connexions, mais une plasticité cérébrale de reconstitution de la volumétrie hippocampique. Et ça, ça a évidemment aussi des conséquences sur les thérapies. c'est qu'on peut se tourner vers des gens qui ne vont pas bien, et on leur dit, écoute, comme je l'ai fait, tu ne vas pas bien. Bon, quand avec le TCC, avec le MDR, tu arriveras à te guérir, sache que ce n'est pas foutu. Que ta mémoire, ton cerveau, il va pouvoir se remettre en état. Parce que la plupart du temps, ils sont dans l'idée que, bon, peut-être que ça va aller mieux, mais non. Comment ? Là, moi, c'est foutu du côté de la mémoire. Ben non. Justement. Et ça, ça peut être aussi un facteur pour aider à ce que ça aille mieux. Alors, dans vos questions, parce que vous allez me poser une question, par exemple, sur est la société française dans son ensemble ? Mais comme je n'ai pas le temps là, parce que tu vas me faire engueuler.
- Speaker #1
On va attendre. On va attendre qu'il la pose.
- Speaker #2
Vous me posez la question.
- Speaker #1
Quelqu'un dans la salle vient poser la question.
- Speaker #0
C'est pas mal. Tu me la poses. Allez, vas-y.
- Speaker #1
Merci Denis, je crois qu'on peut vous applaudir. Alors Denis, merci parce qu'on ne va pas faire dans ce forum une question de spécialisme, mais la transdisciplinarité, pour ceux qui voudront bosser le sujet, bossez-la parce que c'est un vrai sujet. C'est-à-dire qu'on voit bien comment l'historien travaillant avec le neurosciences, moi au début quand j'ai découvert ce programme, je me suis dit, purée. D'abord, ils vont y arriver. Mais deuxièmement, s'ils y arrivent, ils prouveront que ça sert à quelque chose. Parce que dans le débat universitaire et politique, il faut le vendre, cette idée de la transitionnalité. Et ce projet montre que ça marche.
- Speaker #0
Une seule chose que je n'ai pas dite. C'est que sur la transdisciplinarité, on plaide pour des nouvelles sciences de la mémoire. Et des sciences de la mémoire qui sont fondées sur la dialectique entre mémoire individuelle et mémoire collective, la transdisciplinarité, construction commune d'un objet d'étude, la modélisation mathématique, parce qu'on travaille sur des big data, généralement pour aller très vite, et donc on doit mobiliser ces outils. Et puis sur ce que le vieux Edgar Morin, puisqu'il a quand même 103 ans passé maintenant, Edgar Morin, la complexité, c'est-à-dire qu'il est impossible de réduire la compréhension d'un tout à la somme des compréhensions de ses composantes. C'est une bonne transition, non ?
- Speaker #1
C'est une très bonne transition parce que du coup, on l'attend depuis tout à l'heure. On en parle du psychiatre depuis tout à l'heure. Dominique Mastelli est avec nous. On l'a dit tout à l'heure de par sa compétence. Deuxièmement, par rapport au fait quand même que sur cette bonne ville de Strasbourg, la communauté a aussi été impactée par ce sujet là. Et donc, je pense que Dominique va nous donner cet éclairage à la fois clinique et sociologique. J'ai envie de dire du sujet.
- Speaker #2
Je vais essayer de vous dire quelque chose quand même. Encore après ces tellement belles présentations que nous avons. Tout a déjà été dit. Je vais essayer quand même, comme Denis, de rajouter encore un truc. Alors, on dit toujours que les psychiatres sont un peu paresseux, ils ne préparent pas, etc. Donc j'avais préparé. Et que va faire le psychiatre ? Je vais laisser de côté parce qu'effectivement ce qui a déjà été dit est suffisamment essentiel et va directement au but de mon propos, qui va me suffire de m'appuyer sur ce qu'ont travaillé mes camarades pour pouvoir essayer de compléter et dire quelque chose depuis le psychiatre. Alors pas n'importe quel psychiatre, c'est toujours pareil, chacun parle de soi un peu. Et notamment quand on parle de trauma, mais c'est vrai que les enseignements qui ont été tirés, Pierre Vidaillet qui était à ma place tout à l'heure, m'avait fait l'honneur il y a une dizaine d'années de me confier la responsabilité des cellules d'urgence médico-psychologique du Barin, du Grand Est, de la Zone. J'ai fait ça pendant pratiquement dix ans, je suis un jeune retraité des CUMPS. Est-ce que quelqu'un sait ce que sont les cellules d'urgence médico-psychologique ? Bien, je ne suis donc pas venu prêcher en terre connue, mais bien ici pour essayer de vous en montrer l'intérêt. Et je vais le décliner un peu comme l'ont fait mes collègues lycéens, ils ont bien travaillé. Vous avez présenté le trouble du stress post-traumatique. traumatique comme je l'enseigne, comme nous l'enseignons à nos étudiants. Il y a des signes, des symptômes qui se regroupent en syndrome et qui définissent une entité, une pathologie, qui peut donc se diagnostiquer, se repérer. Une fois qu'elle est repérée, tenter de se traiter pour essayer d'en améliorer les choses. Ce que vous n'avez pas dit, Et je peux compléter, c'est que la base du syndrome de stress post-traumatique, c'est un stress, un impact, une réaction. Et qu'est-ce que c'est qu'un stress ? À la salle, quand on est deux ans, c'est un peu chaud de faire l'interaction. Je vais essayer avec tous mes talents latins que mon don laisse présager. Un stress, ce n'est pas négatif, contrairement à ce qu'on croit. Ce n'est pas univoquement négatif. C'est une tentative de s'adapter à une situation inhabituelle qui nous surprend, qu'on n'a pas prévue, qui vient nous impacter, nous surprendre, de façon douloureuse ou négative. et à laquelle il faut répondre. Le stress, c'est ça à la base. Vous voyez, la réaction du stress post-traumatique. D'abord, il faut un événement, comme vous l'avez dit, unique. Il l'a dit Aurélien. Et des fois, cet événement unique, il est oublié et il laisse la place à un symptôme. Et le seul représentant de ce stress, de cet impact, c'est le symptôme. La personne, des fois, a même oublié. On dit dissociatif le trouble. Parce qu'il s'est détaché, quelque chose s'est séparé à notre intérieur, on a vécu un stress, ça a été tellement douloureux, que notre cerveau, je parle un peu sous le contrôle de l'historien et des neuroscientifiques, mais notre cerveau a mis de côté cette affaire-là pour s'en protéger. C'est dissocié. Et les événements les plus terribles nous amènent à nous dissocier. Donc il faut un événement, un stress, et le stress c'est fait pour s'adapter. C'est fait pour apprendre que... On ne doit pas reproduire l'événement stressant, il faut essayer de l'éviter, syndrome d'évitement. Il faut essayer de l'anticiper pour ne pas être de nouveau exposé, il faut le chasser de sa mémoire pour essayer de continuer à vivre. Vous voyez que tout ce que je suis en train de décrire, c'est des réactions adaptées au stress, mais qui s'emballent, qui sont trop fortes, qui dépassent. Pour prendre l'exemple, l'attentat à Strasbourg. Il y a peut-être quelques Strasbourgeois dans la salle. Comme l'a dit Aurélien, on se souvient tous où on était ce soir, quasiment. En tous les cas, le contexte. On a une mémoire qui s'est fabriquée. C'est un événement important. Il y a eu une dizaine de milliers de personnes directement impactées par l'attente à Strasbourg. Il y en a quelques milliers qui ont réagi immédiatement de façon tellement importante qu'elles ont été dépassées. Il y en a quelques centaines... qui ont fait des symptômes, pas pu dormir, pas pu retourner à la place où ils étaient ce soir-là, qui n'ont pas pu re-rencontrer les personnes. Il y en a quelques dizaines, parce qu'ils étaient directement impactés, qui vont faire une pathologie qui non seulement va être la réaction au stress, mais qui va durer suffisamment longtemps. On dit un mois, mais en fait, il suffit de quelques semaines, et des fois c'est un an après que ça réapparaît, et ça devient une maladie. Donc vous voyez que par rapport à ce stress, il peut y avoir Une réaction physiologique, tout le monde a eu peur. Et d'ailleurs, ceux qui n'ont pas eu peur ce soir-là, c'est qu'ils étaient suffisamment dissociés de leur peur que c'est déjà un symptôme. D'accord ? Eh oui ! Moi, j'étais pendant une semaine avec toutes les équipes de la Cump, on n'a rencontré personne, j'ai eu peur, j'étais là. Tout seul qui m'a dit Non, j'ai rien senti, je suis retourné me coucher, j'ai fait comme d'hab, j'étais en mode automatique, vous savez, comme un robot. Je vais travailler, le lendemain, ça ne m'a rien fait. Et bien ça, c'est le signe de la dissociation. Ça signe que notre cerveau s'est déconnecté de l'événement pour se protéger de l'horreur. Ce symptôme qui a l'air le plus normal pour revenir, non, c'est le plus pathologique pour nous. Pour repérer ce symptôme, il faut quoi ? Il faut des gens qui le connaissent. Sur 10 000 personnes qui sont passées, qui ont été impactées, est-ce que vous pensez qu'un psychologue ou un psychiatre peut rencontrer 10 000 personnes à Strasbourg ? Ou alors il est complètement fou ? Non, il faut des équipes formées, des psychologues, des infirmiers, des psychiatres, qui se rendent au plus tôt, au plus vite sur les lieux, qui voient qu'il y a des centaines de personnes qui viennent, qui vont peut-être entrer en contact visuel, physique, quelques secondes avec tout le monde, mais qui vont reparer parmi ces dizaines de milliers de personnes, celles qui vont spécialement pas bien parce que ça se voit, parce que d'autres disent... Un tel est spécialement impacté, ma mère ne va pas bien, ma voisine qui est à côté de moi, c'est son mari qui a été tué en place cléber, elle a vu le tireur, elle ne peut plus bouger, elle ne dit plus rien. Il y a quelqu'un d'autre qui, au contraire, ne va pas avoir de symptômes, il va parler tellement vite, il va tellement s'emballer, vous voyez, j'étais là, moi je n'ai rien senti, je n'étais pas inquiet, tout s'est très bien passé. Et bien tous ces symptômes, tous ces signes, ce sont des signes de réaction au stress. Vous voyez que certains sont adaptés, j'ai eu peur, je me suis mis à l'abri, j'ai fui, j'ai essayé de protéger mon enfant. Tout ça ce sont des réactions adaptées. D'autres ont été sidérés, j'ai pas pu bouger, le mec avançait vers moi avec le pétard, je les regarde dans les yeux, j'étais comme une statue, pétrifiée. Vous savez la pétrification. D'autres vont partir, fuir, mais dans la direction de l'arme. Tout ceci, ce sont des réactions au stress, mais ce sont des réactions au stress dépassées, dissociées de l'événement. En gros, je ne me suis pas mis en sécurité, je ne me suis pas protégé, j'ai commencé à faire un symptôme. Si vous repérez ces personnes-là, et que vous savez que leur stress, déjà au début, il a été dépassé, voire même il y a eu de la dissociation, ils sont plus à risque de développer un tableau post-traumatique après. Et donc le travail des cellules d'urgence médico-psychologique qui se rendent, place Cléber, aux arcades, dans la foulée du SAMU, Ces équipes sont là pour repérer ces signes, pour qu'on amène vers elles des personnes qui ont présenté ces signes, pour peut-être donner de l'information, pour que si ces signes apparaissent dans les jours qu'ils viennent perdure ou handicap la personne, ils puissent venir demander de l'aide. Et vous voyez que ça relève d'une organisation, d'une coordination avec le SAMU, les pompiers, la ville de Strasbourg, qui met en place quelque chose le soir même, qui met en place, je ne sais pas si vous vous rappelez... Le soir même, il y avait un centre d'accueil à la chambre de commerce et d'industrie, la place Guttemberg. Puis pendant une semaine, au palais de la musique et de la danse, il y a eu des consultations de psychologie pendant une semaine pour les personnes qui, quelques jours après, présenteraient des signes, auraient des questions, relèveraient d'informations. C'est-à-dire en gros seraient repérées pour être inscrites dans les filières de soins, comme on dit, pour qu'elles aient plus de chances de guérir et d'évoluer favorablement que les autres. Parce que si on ne fait rien, on a l'évolution naturelle des choses. La nature est plutôt bien faite, on a entendu des choses terribles, des personnes qui tombent malades. La plupart des personnes, la majorité, vont surmonter ce stress, vont fabriquer une adaptation un peu après, vont changer peut-être quelques habitudes. Et comme l'a dit très bien Denis, vont continuer leur vie parce que notre corps, notre psychisme dispose d'outils. Sauf qu'on n'est pas égaux par rapport au stress, on n'est pas égaux par rapport au traumatisme. C'est un peu la double ou triple peine. Si vous avez déjà eu un impact traumatique, si vous avez une pathologie physique ou psychique, si vous avez été maltraité, si vous êtes malade, pauvre, isolé, c'est ça qui est injuste, c'est que vous avez plus de risques de développer ce trouble. Et donc vous voyez que là déjà il ne faut pas que des psychologues et des psychiatres, il faut aussi des assistantes sociales qui repèrent les personnes, il faut aussi des juristes, vous l'avez dit. Un des enjeux du psychotrauma, il n'est pas médico-médical ou psycho-psychologique, il est social, judiciaire. Il faut que l'auteur du traumatisme, s'il relève du droit commun, soit puni, condamné. Il faut que les victimes soient repérées, évaluées, pour pouvoir s'inscrire dans la reconnaissance du dommage corporel auprès des assurances du fonds de garantie. Il faut qu'elles soient relogées, il faut peut-être qu'elles aient des accompagnements ou des placements sociaux qui relèvent de la ville. Vous voyez le nombre d'acteurs. Il n'y a pas qu'en recherche que la pluridisciplinarité est importante. Dès le début de la prise en charge, parce que j'essaierai d'avoir, après ce noir tableau, quelques éclairages à vous donner. que l'ensemble de ces acteurs, chacun dans leur champ, les juristes qui repèrent au début, les policiers qui font les premières constatations et repèrent, les médecins qui font les certificats éditiaux, les psychologues qui proposent les premiers soins, parce qu'ils sont formés, font partie d'une grande chaîne qui, mis bout à bout et si elle tient, va pouvoir porter et extraire les personnes qui en ont besoin vers le soin, l'accompagnement social, l'accompagnement juridique, etc. Et vont farger, vous voyez l'histoire, tous les hommes servent tous, et vont forger ensemble une histoire. Pour certains, l'histoire individuelle, celle qui leur est propre. Moi, j'étais à Talendon, j'ai vécu ceci, j'ai réagi comme ça, ça a produit cela. Chacun la sienne. Si on interroge chacun d'entre nous, on peut se raconter notre histoire du 11 décembre. Cette date-là, je connais, le 11 décembre 2018, il faut dire que dans une carrière de médecin psychiatre, quand c'est votre ville, quand c'est votre équipe qui intervient... Chacun se souvient de ce qu'il a fait ce soir-là. Mais où on peut s'arrêter, où on peut dire que cette date, elle a été une des dates qui m'ont permis de continuer mon histoire. Autrement que comme c'était avant, parce qu'aucun d'entre nous n'a fait exactement la même chose le lendemain que la veille, mais a proposé quelque chose de continuer. Et en faisant des histoires singulières, comme l'a très bien dit Denis, on n'a pas fabriqué la somme d'histoires individuelles pour faire un collectif. Ça, c'est faux. Et c'est là que j'élargis la question du psychotrauma individuel à la question collective. La fabrication d'une mémoire collective, elle concerne pas seulement chaque individu. Et là, évidemment, c'est un peu à la ville de Strasbourg que je m'adresse. Elle concerne l'ensemble d'une cité ou d'une unité qui a vécu ensemble le même événement. Et à la fois, il y a un risque qu'on se dissocie, en gros qu'on se monte les uns contre les autres, que sous le stress on enveuille au groupe. social familial et religieux de celui qui a agressé ça c'est une hypothèse on clive au lieu de se casser en deux à l'intérieur de nous on en veut et moi j'étais à nice je peux vous promettre en étant intervenu plus tard en secours de mes collègues des cumes de nice qui sont intervenus tout de suite chaque département après a relayé les niçois pour que cette chaîne et continue longtemps pendant des semaines et ben à la quatrième semaine où l'équipe de l'est est allé nice était fracturé Il y avait la généralisation des camions blancs qui étaient tous dangereux. Plus personne ne voulait croiser un camion blanc. Camion blanc égale un assassin dedans qui écrase tout le monde. Je ne veux plus voir de camion blanc. C'est le début de la question de l'évitement, le symptôme. Le mec était d'une telle religion, d'une telle ethnie, je ne veux plus entendre parler de cette ethnie. Avec un risque de casser la société en deux. Et qu'est-ce qui s'est passé à Strasbourg ? Et bien quelques années après, on a appris, y compris de Nice, qu'une société, qu'un groupe à qui on parlait, à qui on expliquait, à qui on proposait des soins médicaux, sociaux, à qui on donnait du sens à l'événement, et bien ils ne se prenaient pas la même chose. Strasbourg, globalement, après l'attentat, a fait bloc. Je ne sais pas si vous vous rappelez. Il y avait une impression d'ailleurs assez bizarre. On a l'impression que chacun est un peu sauf, que l'autre est un peu notre frère, notre copain, on a vécu un truc commun, t'étais où, vous vous rappelez de ça ou pas ? Moi je m'en rappelle très bien, tout le monde me racontait où il était, ce qu'il faisait, ça fait une espèce de bloc. Et ce bloc, il peut être salutaire à un groupe humain. On peut fabriquer une commémoration, là on est en train de discuter de savoir comment on fera un objet mémoriel, comment on se souviendra de l'attentat de Strasbourg, pour que ce soit un outil de réunion des Strasbourgeois. Pour qu'on fabrique comme... après tel bombardement, après telle libération de Strasbourg, après telle capitulation et non pas telle armistice, en 1945, on a fabriqué l'histoire commune qui nous aide pour l'histoire à venir. Donc vous voyez que sur chaque champ, médical, psychologique, judiciaire, c'est l'enquête, juridique, la réparation, neurologique, avec des personnes qui vont peut-être marquer cette histoire-là par un symptôme, il y a moyen d'attraper quelque chose et d'en faire une chose ou une autre. Et ça, c'est un peu la note d'espoir des psychiatres. Les neurologues, c'est un peu pareil. On pourrait dire à la neurologie, quand j'ai commencé, j'ai hésité entre neurologie et psychiatrie, comme mon ami Aurélien. Lui, il était jeune chef de clinique, moi, j'étais jeune praticien. Et on a finalement choisi quelque chose qui nous a distingués, mais finalement avec une racine commune. Parce que je ne veux pas faire la psychanalyse d'Aurélien aujourd'hui. Ça s'appelle une dénégation en psychologie. Vous savez, quand vous dites que vous faites... ou une prétérition d'ailleurs même en français, et ce serait un peu long, mais Aurélien il est le neurologue qu'il est aujourd'hui parce qu'il a vu ce film. Il a cette sensibilité parce que peut-être dans son histoire, quelque chose l'a préparé à recevoir cet événement et à donner ce sens-là.
- Speaker #0
Et ça donne donc sa spécificité, son unicité, aucun autre neurologue ne le comprend rien. Mais en même temps, c'est la petite séance où les copains disent du bien à l'autre, très honnêtement, où ça fabrique une spécificité, mais que cette spécificité, elle peut venir rencontrer d'autres champs, historiques, psychologiques, psychiatriques, qui fait qu'ensemble, parce qu'on a la même préoccupation, on peut... Travailler dans le bien commun d'un individu quand il vient en consultation qui présente des troubles dissociatifs que l'épileptologue s'arrache les cheveux en disant mais putain le EG il est normal, je sais pas quel fait sa crise à l'époque on disait oh là c'est dans la tête C'était dans la tête justement on voit ça chez le psy ou c'est genre ça, les gens savaient pas pourquoi ils venaient aujourd'hui dès le diagnostic il y a des neurologues et des psychologues et des psychiatres qui sont associés on explique d'emblée que le symptôme il a du sens qui va être pris en charge par un neurologue et un psy de façon conjointe, jusqu'à ce que l'un des deux soit plus utile ou plus nécessaire, parce que la plupart du temps, notre objectif, c'est d'arrêter les antiépileptiques, puisque la plupart de ces patients ont déjà des médicaments antiépileptiques, et depuis en général des années. Donc nous, on sait prescrire, mais ce qu'on ne nous apprend pas à la fac, c'est déprescrire. Il devrait y avoir une discipline, la déprescription. C'est-à-dire, à partir de quand un traitement n'est plus indiqué, ou alors parce que je le donne depuis tellement longtemps qu'il ne sert plus à rien, Ou bien parce que dès le début, s'il n'a pas marché, c'est peut-être parce que ce n'est pas le bon traitement au bon endroit. Vous voyez que cette démarche de déprescription, c'est-à-dire en gros de relire le symptôme, l'histoire autrement, des fois ça ouvre sur des choses plus optimistes. Et le psychotrauma, c'est vrai que nous nos patients, ils ont des histoires longues, douloureuses, mais ce n'est pas la règle. Chacun d'entre nous, nous allons vivre des événements douloureux, potentiellement psychotraumatiques. Les journalistes, alors j'espère qu'il n'y a personne des DNA là parce que je me fais encore allumer, mais les journalistes, la population est psychotraumatisée. Vous voyez, il y a eu un incendie dans un immeuble. Non. La population est impactée, peut-être choquée. Elle a eu une réaction de stress et parmi ces personnes, on sait qu'il y a plus de risques de fabriquer un psychotrauma. Donc les cumpes interviennent, elles repèrent les personnes, elles proposent les premiers soins. certaines vont peut-être, parce qu'elles ont des symptômes tellement importants, être orientées vers les agences psychiatriques, peut-être bénéficier d'un traitement, mais c'est rarissime, ce n'est pas la règle. La plupart du temps, c'est des apaisements ou des prises en charge immédiates, des consultations après pour faire des prises en charge longues, des fois même juste de l'information, parce que l'événement va faire du même tour que une semaine ou deux après.
- Speaker #1
Est-ce qu'on peut en garder pour les questions ? Termine.
- Speaker #0
Et tout ça, mis bout à bout, va changer le destin des personnes qu'on soigne. Donc vous voyez que le psychotrauma individualisé, C'est une entité médicale qui a des diagnostics, qui a des symptômes, qui font des diagnostics et qui font des traitements, dans le champ beaucoup plus large d'une population qui est impactée. Et c'est là le joint, c'est là-dessus que je voulais finir, c'est là le joint entre la psychiatrie qui ne fait que partie du champ de la santé mentale. La santé mentale, c'est beaucoup plus vaste, c'est beaucoup plus large. Ça concerne la sociologie, l'histoire, la politique peut-être et les élus.
- Speaker #1
Est-ce que vous connaissez des gens qui sont passionnants ?
- Speaker #0
évidemment...
- Speaker #1
Dominique, tu connais le peuple des gens qui sont passionnants ? Pardon ? C'est qu'ils sont passionnés.
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #2
Voilà,
- Speaker #3
on va laisser le peu de temps qu'il reste la parole au public pour des questions, même s'il n'y en aura peut-être pas beaucoup. Bonjour, je vous remercie de me donner la parole. Je voudrais apporter un témoignage à cette conférence, merci pour cette conférence d'ailleurs, un témoignage d'un stress post-traumatique que je subis depuis tellement longtemps, que je viens seulement... de comprendre que je subissais un stress post-traumatique. Dans mon cas, toutes les fonctions vitales étaient touchées. Et franchement, c'était devenu tellement compliqué de vivre que je ne savais vraiment plus vers qui me tourner. Et ça a été vraiment une longue errance médicale. Et aujourd'hui, je sais que c'est une amnésie traumatique qui est à l'origine de mon stress post-traumatique. Et cela a rendu très difficile mon diagnostic et aujourd'hui la prise en charge est toujours très compliquée. Donc on entend beaucoup parler d'agression sexuelle, aujourd'hui ça devient un sujet qu'on peut aborder mais ça reste très difficile. Dans mon cas, ces agressions ont lieu dans le milieu scolaire. Il faut savoir qu'aujourd'hui, je ne peux plus exercer mon métier d'enseignante. C'est vraiment une très grande difficulté de se sortir d'une situation de stress post-traumatique. Donc il y a encore des progrès à faire, mais merci en tout cas de parler de ce sujet pour permettre un petit peu aux personnes de connaître, de comprendre et peut-être aux professionnels de la santé de s'adapter aux difficultés de cette prise en charge. Il faut savoir que j'ai pu bénéficier de quelques séances au centre de psychotrauma de Strasbourg, mais j'ai entendu que j'étais un cas atypique et que peut-être, si je retrouvais la mémoire, on pourrait me soigner. Moi j'ai une vie, j'en ai qu'une, c'est la première, c'est la dernière, elle est en train de passer, et je cherche des solutions et c'est un parcours du combattant. Donc voilà, j'espère, je ne perds pas espoir, il n'y a pas de raison que je n'arrive pas à m'en sortir, mais voilà, je voulais apporter ce petit témoignage. pour vous dire de continuer les recherches. Parce que les malades, là, on ne veut pas baisser les bras. On veut profiter de la vie, tout simplement.
- Speaker #1
Merci. Merci pour votre témoignage. Je ne sais pas si ça appelle une réflexion de la salle, mais une réflexion un peu globale. C'est-à-dire qu'à travers votre témoignage, on voit effectivement tout ce qu'il faut lever dans la société. La compétence des professionnels, donc qui passent par la connaissance, la connaissance, elle-même, passant par la recherche. Donc, vous voyez que de la recherche... Souvent, on dit à quoi ça sert, mais ça sert à élaborer des connaissances. La connaissance va améliorer le soin. Et puis, on l'a dit, les institutions, les institutions qui doivent reconnaître ce stress post-traumatique comme venant d'une origine. Et donc, les institutions, vous avez cité l'Éducation nationale. Il y en a bien d'autres. On a cité l'Église. Les collègues tout à l'heure ont cité les agents des chambres mortuaires dont je m'occupe pendant très longtemps. On a négligé ces métiers. L'institution n'a pas regardé la pénibilité de leur travail. Donc, vous avez raison dans votre témoignage. C'est un chaînage complet. qui fera que les choses évolueront. Donc merci pour votre courage et d'être venu nous voir. Marc, ou Denis, pardon. Ça c'est mon frère. Denis.
- Speaker #4
Non, je voulais vous remercier parce que c'est très fort, parce que vous avez eu le courage de le dire et que ça va servir aux autres. Voilà. Et moi, simplement, ça me fait penser à une chose. Le trauma, c'est quoi ? C'est la présence du passé dans le présent comme présent. Ça vous envahit complètement. Toutes les thérapies, et aussi la psychanalyse, visent à quoi ? Visent à renvoyer l'événement là où il est. Là où il doit être, c'est-à-dire dans le passé. Ça ne veut pas dire qu'on l'oublie. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a plus de douleur. Mais l'événement lui-même est renvoyé dans le passé. Et s'il est renvoyé dans le passé, il n'y a plus trauma. Mais renvoyé dans le passé, ça veut dire qu'on doit construire un récit. C'est pour ça que vous parlez d'amnésie, effectivement. Il faut qu'on arrive, il faut que vous arriviez, il faut que les gens arrivent à se reconstruire un récit cohérent et non pas raisonner avec ces images flash qui vous reviennent, ces images intrusives qui vous reviennent comme ça. On doit reconstruire un récit cohérent. Et c'est ce qui fait, je vais quand même mettre un peu d'humour dans ce moment très émouvant, je parlais avec une de tes collègues il y a très longtemps, au début des travaux, je parlais avec une psychanalyste, je lui parle comme ça, deuxième guerre mondiale, mémoire traumatique. Elle me dit, tu sais, chez nous, c'est compliqué, mémoire traumatique. Parce qu'elle me dit, donc, le trauma, présence du passé dans le présent comme présent, si ça envahit votre présent, il n'y a plus de place pour la mémoire. Ou en tout cas, la mémoire est extrêmement abîmée. Si on le renvoie dans le passé, et donc il y a la place pour la mémoire, mais s'il est dans le passé, il n'y a plus de trauma. Donc mémoire traumatique, c'est un oxymore.
- Speaker #1
Merci Denis.
- Speaker #5
Merci pour vos interventions. Je parle sous votre contrôle, mais il me semble que certains ont le stress communicatif. D'autres ont une capacité à absorber les émotions des autres. Est-ce que dans le cas du PTSD, il y a des cas de contagion émotionnelle qui ont été repérés à plus ou moins grande échelle, avec par exemple la création de faux souvenirs ? avec des images ruminantes qui reviendraient alors même que les patients, les personnes atteintes n'ont jamais été victimes ou témoins de ces événements. Merci.
- Speaker #1
Qui est-ce qui veut suivre la réponse ? Sylvie peut-être ?
- Speaker #2
Je me souviens d'une fois après le tsunami au Japon. Plusieurs personnes sont venues, elles faisaient un TSPT, elles avaient juste vu les images à la télé de ce tsunami. Voilà, les témoins même très loin peuvent vivre la même chose, pas moins fort, mais quand même très fort.
- Speaker #1
Dominique, complétez.
- Speaker #0
Je trouve la question tout à fait passionnante, parce qu'elle fait le joint entre deux concepts un peu différents. Il y a à la fois... Le fait d'être impacté de façon indirecte, c'est-à-dire qu'effectivement on peut avoir une image qui fabrique un trauma ou un impact de façon très indirecte, ça c'est l'événement, l'image qui fabrique, et ce que vous disiez, la contagion. La contagion émotionnelle c'est un petit peu différent, ça rejoint un peu ce qu'on disait tout à l'heure de l'individu et du groupe. Quand il y a une ou deux personnes d'un groupe qui ont vécu quelque chose, il y a une propension à faire de ce souvenir ou de cette émotion un partage. Plus on est d'ailleurs un peu empathique, plus on partage, plus on est un peu sensible à ça, on est un peu transpercé par les émotions de l'autre. C'est d'ailleurs un peu le danger des soignants. Si quand vous venez auprès de quelqu'un d'impacté, vous êtes en totale compassion avec lui, cum vous voyez, compassion c'est cum patior c'est-à-dire je souffre avec Sachant que patior c'est réfléchir en latin, c'est pas je souffre c'est je suis ouvert Si on est en compassion, on se décale pas. On est en totale miroir et pour le coup on est en contagion. On n'aide pas la personne à faire de cet événement un souvenir. Parce que la différence, c'est ce que disait Denis, entre un trauma et un souvenir, c'est que le souvenir, même extrêmement douloureux, je peux aller le chercher, le convoquer et le réécarter. Le trauma, il s'impose à moi et je dois faire un effort pour le chasser. Et malgré mon effort, il s'impose. Donc vous voyez, cette contagion émotionnelle, elle est très importante. Je vais même vous donner un peu une triste anecdote. Le suicide est contagieux. Quand dans un groupe fermé, il y a une tentative de suicide, et notamment une tentative de suicide qui aboutit au décès, on sait que statistiquement, le risque qu'un autre suicide emporte quelqu'un d'autre est plus important que dans la population générale. Alors c'est pas parce que c'est contagieux au sens de viral, c'est parce que le mécanisme qui convoque une émotion, qui fait pousser à quelque chose, peut être partagé. Et se protéger justement de... De cette compassion, le soignant doit être pas compatissant, il doit être empathique, pouvoir saisir l'émotion de quelqu'un pour la redistribuer à l'événement et justement ne pas se laisser envahir par ça. Donc vous voyez, c'est très intéressant parce qu'effectivement vous repérez que ça existe, vous repérez probablement le mécanisme par lequel c'est possible, mais aussi par lequel on peut du coup se protéger.
- Speaker #1
Peut-être encore une ou deux questions ?
- Speaker #5
Oui, bonsoir. Je me demandais... Vous avez expliqué qu'il y avait des victimes qui ressentaient de la honte et je me demandais quel était le mécanisme à l'œuvre, pourquoi les victimes ressentent de la honte dans ces situations, enfin dans le syndrome de stress post-traumatique.
- Speaker #1
Sylvie, un petit mot ?
- Speaker #2
En quelques mots, la honte d'avoir subi sans réagir, la honte de s'être laissé humilier sans réagir, la honte de continuer à se laisser humilier. Sans réagir, je me souviens d'une patiente qui cherchait des partenaires sur Tinder parce qu'elle ne supportait pas de vivre seule. Elle a vécu des choses absolument abominables, quasiment d'aller en prison pour dette parce que ses hommes lui extorquaient, prenaient des crédits pour leur donner de l'argent. C'était abominable, il leur volait des choses, il lui volait des trucs. Et la honte, père qui s'était suicidé avec un fusil quand elle avait 20 ans, qui lui avait dit si je meurs, ce sera de ta faute. Eh bien, ce traumatisme-là, maintenant qu'elle en a 52, elle l'a encore. Ce trouble-là, ce TSPT, elle l'a encore. Et elle a honte de ce père-là aussi. Il y a beaucoup de honte dans sa vie.
- Speaker #1
Je change un peu de casquette pour prendre celle qui est la mienne. Nous, dans le service, on accueille trois types de victimes. Agression sexuelle, inceste et harcèlement, et je fais exprès de les dissocier parce que l'inceste va au-delà de la question de l'agression sexuelle. Cette honte, elle est liée souvent à deux choses. La première, c'est de ne pas avoir saisi au bon moment des portes qui s'ouvraient. Voilà. Et de porter la culpabilité de ce que l'événement fait porter à d'autres. C'est-à-dire que la victime porte la culpabilité que, par exemple, l'auteur devrait porter. Et l'exemple typique, c'est quand l'auteur se suicide, il dit c'est suicidé à cause de moi Alors que dans les faits, non. Donc ce que ça veut dire ça, et là je suis prudent parce que moi je ne suis que médecin légiste, mais la porte d'ouverture vers le soin... des victimes est essentiel, c'est-à-dire donner les armes à. Voilà, donner les armes. Et je pense qu'on est une société qui ne donne pas encore assez les armes aux victimes de faire face à, et donc quand on ne fait pas face à, on culpabilise. Je suis assez basique, moi, comme garçon, et donc moi je fais partie de ceux qui me battent pour que les gens aient accès aux armes, accès aux outils, accès aux thérapeutes, mais que la société aussi change. Parce que la culpabilité vient aussi du fait que la société n'a pas aidé. La société, c'est nous tous. Et donc voilà, l'isolement plus cette question un peu d'incompétence au centre-neuve du terme. Quand je dis incompétence, c'est parce qu'on n'a pas les outils pour. Je pense qu'il faut se battre pour que les gens aient les outils.
- Speaker #2
Je peux dire juste un mot ? Je peux dire juste un petit mot ?
- Speaker #1
Un tout petit. Pardon,
- Speaker #2
un tout petit. C'est un des slogans de Oser le féminisme je crois. Il dit Il faut que la honte change de camp C'est exactement ça.
- Speaker #1
Est-ce que ce ne pourrait pas être le mot de la fin ?
- Speaker #2
On va peut-être clôturer ainsi cette table ronde qui était très riche. Merci beaucoup pour pouvoir laisser la place à d'autres de nous rejoindre. Pour la prochaine table ronde qui s'intitule Identité et santé mentale,
- Speaker #3
qui commencera à 18h.
- Speaker #2
Merci à tous pour votre présence.