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Forum Européen de Bioéthique

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1h43 |01/02/2025
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Description

Forum Européen de Bioéthique 2025 : Santé mentale et bioéthique


Le passage à l'acte


Le passage à l'acte, qu'il s'agisse de violence envers soi-même ou envers autrui, est une manifestation dramatique des troubles mentaux. Quels sont les facteurs de risque et comment pouvons-nous prévenir ces comportements ?


Avec :


Gilles Bertschy, Professeur de psychiatrie, Chef de service aux Hôpitaux universitaires à Strasbourg


Maurice Corcos, Psychiatre, Psychanalyste, Chef de service du département de Psychiatrie de l'Institut Mutualiste Montsouris - Paris


Guillaume Corduan, Psychiatre, Pédopsychiatre aux Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, au DITEP Les Mouettes, Médecin coordonnateur de la Maison Des Adolescent du Bas-Rhin et du Réseau VIRAGE (dispositif de prévention des radicalisations violentes), Expert auprès des tribunaux


David Le Breton, Professeur émérite de sociologie à l’université de Strasbourg, Membre senior de l’Institut Universitaire de France,

Titulaire de la chaire « Anthropologie des mondes contemporains » de l’Institut des Études Avancées de l’université de Strasbourg (USIAS)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonsoir à tous, bienvenue pour cette dernière session du Forum européen de bioéthique qui a pour thème cette année la santé mentale et la bioéthique. Je vais tout de suite laisser la parole à Grégoire Moutel, médecin légiste bioéthicien qui travaille avec nous, qui est au conseil d'administration, au conseil scientifique et qui nous accompagne au Forum européen de bioéthique depuis le tout début. Grégoire, je te laisse la parole. Merci Aurélien et c'est avec grand plaisir que je vais animer cette table ronde qui est la dernière de ce formidable forum. Mais j'ai envie de dire comme tous les formidables forums précédents. Donc je remercie également les organisateurs Aurélien, toutes les équipes, Raphaël, Israël Nisan et j'en oublie et je m'en excuse pour tous ceux que j'oublie ici présents. Alors le sujet qui nous réunit ce soir n'est pas un sujet simple puisque c'est un sujet dont vous entendez des fois parler. par voie médiatique, comme un slogan. On pourrait dire le passage à l'acte, c'est un slogan. Dans le service que je dirige, je vous donne cette petite histoire introductive. Et après, je passe la parole aux éminents experts ici présents. Il y a des femmes victimes de violences qui me disent il va passer à l'acte. En parlant de l'auteur, on ne sait pas ce qu'il y a derrière ce mot. Plein de choses. Et puis, quand ces femmes vont mal. Les frôles, des fois, malheureusement, elles passent à l'acte suicidaire, elles passent aussi à l'acte. Donc vous voyez que déjà sur ce versant, auteur, victime, passage à l'acte, c'est un premier sujet. Le deuxième sujet, souvent, c'est on dit il y a un risque de passage à l'acte, et dans la société on se dit est-ce qu'on peut prévenir finalement, repérer, prévenir. Et peut-être que c'est là qu'on touche aussi à la bioéthique. De temps en temps, on se pose la question de la privation de liberté d'un être potentiellement dangereux, pour lui-même ou pour autrui. Et faut-il priver de liberté de manière préventive alors qu'il n'a encore rien fait ? C'est un débat que les politiques portent souvent. Et puis autre regard qui va m'inviter à me retourner vers les spécialistes de la table ronde, c'est que souvent on évoque la question du pourquoi, qu'est-ce qui se passe comme mécanisme. Donc là je suis entouré d'éminents psychiatres parce que c'est un sujet souvent confié aux psychiatres et ils ont besoin de nous éclairer sur ce versant-là. Et pourquoi il y a un panel ? Parce que vous verrez qu'il y a un panel aussi De l'enfance jusqu'à l'âge adulte, tout le monde peut passer à l'acte à des moments différents de sa vie, de son âge. Et puis nous avons la chance également d'avoir David Le Breton, le sociologue éminemment émérite de Strasbourg qui nous accompagne sur plein de sujets parce qu'il y a des actes signifiants autour de ce sujet-là, sur les individus, sur la société, le regard que l'on porte sur les actes signifiants dans le passage à l'acte. Je pense que David, on aura besoin de ton regard. Alors les trois psychiatres qui nous accompagnent aujourd'hui sont Gilbert Schick, professeur de psychiatrie et chef de service aux hôpitaux de Strasbourg, Maurice Corcos qui est psychiatre et psychanalyste et qui travaille à l'Institut Mutualiste de Paris, j'ai souvent croisé son chemin et ses réflexions, et puis Guillaume Corduan qui lui a un regard de pédopsychiatre, plutôt orienté sur la question de l'enfant et de l'adolescent, donc je pense que leurs regards croisés vont être captivants pour nous tous. Alors Maurice Corcos, on a décidé dans un... tirage au sort intellectuel de vous passer la parole en premier en se disant qu'un regard explicatif global pour que ceux qui sont dans la salle comprennent mieux les enjeux sera certainement enrichissant pour nous tous. Donc on te cède la parole.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup. Bonjour à toutes et à tous à nouveau. Merci à nouveau aux organisateurs pour cette invitation à venir réfléchir avec vous sur cette notion de passage à l'acte. Mon propos sur un sujet aussi vaste, c'est d'essayer de réfléchir avec vous sur la question du pourquoi et du comment de ces passages à l'acte. Évidemment, je ne vais pas... Pouvoir éviter la plaie qui menace tout conférencier, c'est celui de la généralité. D'ores et déjà, je veux vous dire que chaque cas est singulier, chaque individu est singulier, chaque histoire de cet individu est singulier, et donc chaque passage à l'acte est singulier, même si, et c'est peut-être ça la psychiatrie, c'est que si ce sujet n'est pas pris suffisamment à ton, s'il répète ses passages à l'acte, S'ils se chronicisent, alors tous les passages à l'acte finissent par se ressembler. L'anorexie n'existe pas, il existe des anorexies. La schizophrénie n'existe pas, il existe des schizophrènes, des troubles bipolaires, des transidentités. Mais si les choses s'installent sur la durée, si elles se chronicisent, si les passages à l'acte se répètent, si ces passages à l'acte en particulier auto-agressifs, suicidaires, qui ne sont pas anodins d'attenter à ces jours. Ou si le passage à l'acte meurtrier, tuer quelqu'un, ce n'est pas anodin. Ce passage à l'acte extrême, auto-agressif ou hétéro-agressif, change radicalement l'organisation de la personnalité du sujet. Toute la personnalité du sujet se réorganise autour de ce passage à l'acte et la chronicisation advient et le sujet, schizophrène, anorexique, toxicomane, finit par ressembler à son collègue d'à côté, schizophrène, toxicomane, anorexique. Donc, la capacité que l'acte a de s'auto-renforcer, s'auto-engendrer et réorganiser le sujet est quelque chose de fondamental et c'est ça qu'il faut éviter, cette chronicisation. Alors, avant d'évoquer ce qui est le champ de mon expérience, c'est-à-dire les adolescents, les adultes jeunes et les familles. N'oubliez pas que les pédopsychiatres s'occupent d'adultes puisqu'ils s'occupent des familles. Un mot sur le passage à l'acte névrotico-normal. Chez tout un chacun, vous comme moi, nous arrive de faire des passages à l'acte. C'est ce qu'on appelle des actes manqués, qui sont comme vous le savez, des actes réussis. Si vous oubliez vos clés chez quelqu'un que vous n'aimez pas et dont vous aimeriez revenir pour lui casser la figure, ou que vous aimez et que vous aimeriez revenir pour lui dire que vous l'aimez et que vous n'avez pas pu lui dire, vous avez fait un passage à l'acte qui vous permet de revenir. Ce passage à l'acte, attention, le passage à l'acte, acte manqué que je viens de décrire, ou le lapsus où vous dites quelque chose à la place de quelque chose d'autre, il faut bien comprendre cette chose essentielle que vous voulez dire les deux choses. Un, je veux revenir et je ne veux pas revenir. Ce que vous avez témoigné, c'est un compromis entre vos pulsions, votre désir et vos défenses. Puisqu'on est à l'actualité du consentement. Il y avait un assentiment à venir lui casser la figure ou lui dire que vous l'aimez, mais il n'y avait pas de consentement à le faire parce que vous avez un surmoi qui vous fait obéir aux lois et donc vous évitez ce passage à l'acte. Mais vous faites quand même un acte qui est ce compromis. Ce compromis n'étant ni l'endroit ni l'envers, mais l'endroit et l'envers en même temps. Et ça, on le fait tout le temps dans la vie parce que nous sommes tout le temps en conflit entre nos pulsions, nos désirs. et la réalité qui n'obéit pas particulièrement à satisfaire ses pulsions ou ses désirs. Chez nos adolescents difficiles, chez les adultes en proie à des passages à l'acte beaucoup plus massifs, intenses, brutales, impérieux, que ce soit, et alors c'est un point d'importance, que ce soit des passages à l'acte silencieux ou des passages à l'acte externalisés, bruyants. Je veux dire ici un point important, qui est une phrase de Winnicott que je reprends. Tant que ces adolescents bougent, tant qu'ils sont violents, tant qu'ils sollicitent l'extérieur, tant qu'ils testent le social, tant qu'ils le remuent, tant qu'ils le questionnent, tant qu'ils sont vivants. Si ces adolescents arrêtent d'être bruyants, d'être virevoltants, d'être dans le passage à l'acte, alors il faut s'inquiéter. Il faut s'inquiéter actuellement des adolescents qui sont... surtout après le confinement, dans le repli, le retrait ou le retranchement. Les ikikomorik, 1,5 million au Japon, avec un taux suicidaire de près de 15%, sont très inquiétants. Ceux qui se retirent du jeu social, du jeu relationnel, du jeu affectif, du jeu amoureux, du jeu sexuel, c'est qu'ils sont déjà engagés dans un processus de mort psychique silencieuse. Ceux-là, il faut aller les chercher. Leur demande n'est pas exprimée dans un passage à l'aide bruyant et a fortiori pas dans le verbe, elle est exprimée dans ce symptôme de repli de retrait. Il faut les désenclaver, désincarcérer. Les unités d'équipe mobile se développent un peu partout en France et vont tenter de désincarcérer des adolescents enfermés chez eux dans leur chambre devant Internet et qui n'ont plus de relation avec les autres. Venons-en maintenant au passage à l'acte de ces adolescents, de ces adultes en extrême difficulté qui font des passages à l'acte suicidaires. Je l'ai dit tout à l'heure, de plus en plus inquiétant dans leur radicalité. Plutôt défenestration, plutôt pendaison que simplement prise de médicaments. Plutôt automutilation extrêmement sévère que simple scarification. Il y a une certaine radicalité, une intensité qui témoigne de quelque chose d'important sur lequel je vais maintenant... évoquer deux trois choses. Quel est le sens que peut avoir ce passage à l'acte ? Il a un sens. Les psychiatres sont en quête de sens. On leur reproche même de projeter leurs propres idées, leur propre sens, alors que c'est une barbarie, c'est une sauvagerie, il n'y a rien à comprendre, il faut réprimer. Ça a un sens, mais pas celui qu'on croit. Et le sens qu'ont ces passages à l'acte, est un sens qui est toujours après coup, c'est-à-dire que le sujet et vous-même ne le comprenez qu'après ce passage. Quel est le sens de ce passage à l'acte ? Je parle des passages à l'acte extrêmes de ces adolescents difficiles, je ne parle pas des passages à l'acte mineurs. Dans la grande majorité des cas, ce que ça signifie, c'est que le sujet va très mal à l'intérieur de lui-même. Il va très mal, et là je suis obligé de schématiser, Pour deux raisons. La première, c'est qu'il est en proie à un chaos pulsionnel, pas simplement une question d'envers et d'endroit, j'y vais, j'y vais pas, une excitation extrême, pas qui se conflictualise, pas qui se conscientise, pas qui se représente, non, une excitation qui le déborde, et le passage à l'acte vise d'abord à calmer cette excitation. J'en veux pour preuve que le choix... puisque ça s'impose à lui plus qu'autre chose, mais qu'ensuite il y adhère ou pas, le choix du type de stratégie pour contenir ce passage à l'acte témoigne de la nature de cette excitation, de ces conflits pulsionnels qui le désaniment. Si vous interrogez un bon toxicomane, il va vous expliquer pourquoi il faut préférer la kétamine, la cocaïne, l'ecstasy ou un certain nombre de produits chimiques sur Internet pour favoriser une reprise d'exaltation des... parce qu'il est plutôt désanimé, plutôt ralenti. S'il vous dit qu'il prend de l'héroïne, il vous expliquera très bien pourquoi. Il veut fixer au contraire quelque chose qui est un chaos pulsionnel, qui le désorganise plutôt que simplement une anesthésie qu'il voudrait réanimer avec des amphétamines ou de l'ecstasy, etc. Même chose dans les troubles de l'humeur. Mon ami et mon collègue l'a évoqué hier ou avant-hier sur cette question de la gestion par les troubles bipolaires. de l'idée qu'ils se font de comment s'arranger avec ce biologique qui les exalte ou qui les ralentisse en fonction de la gestion de son traitement médicamenteux. Donc je veux insister sur le fait que ce qui est le sens de ce passage à l'acte, c'est qu'il est hors sens ou non sens. Ce sujet est en proie à une excitation débordante dont il ne sait pas quoi faire et qu'il calme par un passage à l'acte toxicomaniaque qui calme son excitation. à avoir cette stratégie défensive par un passage à l'axe suicidaire qui organise un court circuit pour que cette excitation ne le désorganise pas. Mais dans d'autres cas, ce n'est pas le chaos qu'il prend, le chaos pulsionnel, mais plutôt le néant, la néantisation. Ça a été évoqué aussi par un collègue hier, d'un point de vue plutôt neurologique, sur les états de stress post-traumatiques, où il avait très bien montré ce que les cliniciens observent, c'est que si le sujet... a l'air résilient, c'est-à-dire qu'il ne réagit pas aux sollicitations alors qu'il a été traumatisé, contrairement à d'autres. C'est parce qu'il a éteint, d'un point de vue neuroanatomique, son cortex profondal, son hippocampe, qui ne répond pas, qui ne s'allume pas, mais qui, d'un point de vue clinique, correspond à une défense par anesthésie, par insensibilisation, dont on sait qu'elle est efficace. dans les médias, mais qui à court terme, évidemment, l'appauvrit puisqu'il n'entre plus en relation, il ne répond plus à aucune sollicitation, car toute sollicitation peut faire revivre cette expérience traumatique. Alors, le psychothérapeute qui s'intéresse à ce qui se joue en amont de ce passage à l'acte, et dont je répète que ce n'est pas une histoire passée qui se reproduirait là, dans une conversion signifiante que le passage à l'acte pourrait révéler, mais plutôt que le sujet est en train de chuter, un peu comme les schizophrènes qui délirent. On a un certain nombre d'auteurs, on pensait que la nature de ce qui était exprimé dans le délire de grandiosité ou d'érotomanie ou de ce que vous voulez, pouvait avoir un sens par rapport à l'histoire ancienne du sujet et qu'on pourrait faire le lien. La plupart du temps, on remarque que tous ces patients délirent tous de la même façon et que ce délire de grandiosité auquel ils se rattachent, c'est pour se soutenir par rapport à un sentiment de dévalorisation, d'échec ou de néantisation. C'est donc un compromis contre. un sentiment de vacuité interne important. Une fois que vous avez compris ce qu'est la fonction économique du passage à l'acte, court-circuiter un chaos pulsionnel qui désorganise, réanimer un sentiment de vacuité, ça n'est pas fini. Il va falloir essayer de trouver, si vous avez une attention portée à votre patient, et si vous considérez que ce passage à l'acte, ici et maintenant, Dans cette situation particulière que le patient présente, une séparation amoureuse qui lui fait faire un acte suicidaire, si vous considérez que ce passage à l'acte, ici et maintenant, est une réminiscence ou une reviviscence, une réactivation d'une expérience antérieure autrefois ailleurs, et en particulier dans l'enfance, si cette séparation qu'il a désorganisée, qu'il a obligée à faire un passage à l'acte suicidaire, n'est peut-être que la réactivation d'une première séparation dans l'enfance avec des objets importants pour lui, son environnement parental, alors vous allez travailler sur le fait que ce sujet, et c'est un point d'importance, dans l'acte vous communique quelque chose. Pas sous une forme de représentation, pas sous une forme vermale, c'est ce qu'on appelle une communication primitive en acte. Il vous témoigne qu'il chute aujourd'hui. comme autrefois ailleurs. Et si vous faites un lien entre cette expérience de séparation à l'adolescence, l'expérience de séparation amoureuse, de déception, et souvent le mode d'entrée dans un passage à l'acte, si vous faites ce lien de la reviviscence, d'un abandon, chez ce patient eu égard à ce qui s'est joué dans son enfance, vous pouvez créer un pont. Un pont qui relie, qui donne un sens à ce qui s'est passé aujourd'hui, et qui différencie. Le pont... C'est ce qui relie et qui différencie. Et donc vous travaillez la fonction économique du symptôme en même temps que le sens qu'il peut avoir été celui du sujet. Deuxième élément d'importance que je veux souligner de manière générale dans les passages à l'acte. Mais c'est un élément compliqué. Donc je vous demande de l'entendre et ensuite pourquoi pas de le discuter parce qu'il est discutable. Ça a été évoqué tout à l'heure aussi, bon, vous êtes gentils, les passages à l'acte hétéro-agressifs, il faut quand même les réprimer. On ne va pas continuer à avoir ces adolescents qui tuent alors qu'ils sont de plus en plus jeunes pour un portable. Ça n'est pas possible de continuer à accepter, à tolérer ça, sûrement, et qu'il faut qu'il puisse y avoir une sanction, sûrement. Mais si vous me suivez sur une idée centrale et si vous reprenez les cas qui ont été évoqués, si... Vous voyez bien que tout ça n'a pas vraiment beaucoup de sens, enfin que ce n'est pas une histoire de portable, c'est une autre histoire dont il s'agit. L'histoire d'adolescents qui sont en proie à ce chaos pulsionnel ou à ce vécu de vacuité, de néantisation, c'est-à-dire qui ont la mort en eux et qui font quelque chose qui est très humain et qui est vrai dans tous les passages à l'acte, c'est que vous avez intérêt à haïr quelqu'un à l'extérieur. si vous ne voulez pas vous tuer. Vous avez intérêt à trouver une personnalité à l'extérieur sur qui projeter ce sentiment de vide qui est en train de vous désorganiser. En fait, le passage à l'acte hétéro-agressif extérieur, dans la grande majorité des cas, n'est pas maniquer un pervers pour chercher à voler un portable ou tuer quelqu'un plutôt qu'un autre. Il s'agit dans la grande majorité des cas, chez ces adolescents, je ne parle pas de tout le monde bien sûr, d'un sentiment de mort psychique qui est en train de les habiter, qui sont obligés de défléchir en partie à l'extérieur pour sauver leur peau. Si vous écoutez un certain nombre de grands artistes qui ont pu avoir des histoires limites et qui ont fini plutôt mal, ils vous raconteront ça beaucoup mieux que moi. Je vous invite à écouter les chansons d'Alain Bachung qui évoquent Cette nécessité de se faire sauter le caisson, le conteneur, parce qu'il ne contient plus rien et que c'est lui qui est obligé de faire un incendie volontaire, sinon ce conteneur va exploser. Je vous remercie de votre attention.

  • Speaker #0

    Merci Maurice. Je vous avais annoncé un kaléidoscope complémentaire. Donc on va se retourner vers Guillaume Cordian. Guillaume est pédopsychiatre aux hôpitaux universitaires de Strasbourg avec un focus dont je pense qu'il va nous dire quelques mots sur la question de la radicalisation violente des plus jeunes dans la société, des adolescents en particulier. Je pense que ça va être un complément utile aux propos de Maurice à l'instant. Donc Guillaume, on te laisse nous éclairer.

  • Speaker #2

    Merci, bonjour à toutes et à tous. Alors je ne vais pas vous parler uniquement de radicalisation violente ce soir, même si ça va être une partie de mon propos, du fait de mes pratiques depuis quelques années, mais avoir un focus effectivement sur les passages à l'acte violent chez les enfants et les adolescents. Alors c'est sûr que quand on parle de passages à l'acte violent en psychiatrie, on a souvent à l'esprit celui du délirant qui prie. d'injonction hallucinatoire pourrait s'en prendre au quidam dans la rue et hélas on entend parler de ça dans les journaux de temps en temps pour autant je voudrais prendre quelques minutes ici pour vous parler de violences bien plus fréquentes et qui vont certainement reprendre énormément de points que Maurice Corcot s'évoquait juste avant mais pour introduire en premier lieu mon propos je voulais citer un autre psychiatre qui est pas là forcément... un ancien psychiatre, Frantz Fanon, décédé, et qui en 1952 écrivait dans son livre Peau noire, masque blanc, que selon lui, la violence peut être entendue comme, je cite, un moyen de guérir la dépression et l'identité blessée des opprimés en les transformant en désir de vie. En désir de vie, ça rejoint ce qu'on évoquait juste avant. Alors... C'est une phrase qui m'a interpellé et que j'entends comme finalement le passage à actes violents serait ainsi une défense, une lutte contre la passivité. Ce serait une reprise brutale de son sentiment d'agentivité, c'est-à-dire cette capacité à agir sur le réel. Et c'est en effet ce qu'on observe en clinique psychiatrique de l'enfant et de l'adolescent. Alors que ce soit au réseau virage, le dispositif qu'on a créé il y a quelques années sur la question des radicalisations violentes dans le Grand Est, que ce soit à l'ITEP, du médico-social, où on s'occupe d'enfants et des troubles du comportement, ou que ce soit en détention, en expertise ou même aux urgences, en lien avec les dynamiques suicidaires dont on parlait tout à l'heure. Et pour reprendre un des termes que tu employais juste avant, Moïse, je vous propose aujourd'hui d'explorer un pont. En 10 minutes, on peut difficilement être exhaustif, mais un des ponts que je vous propose aujourd'hui, c'est celui de la violence précoce que nombre de ces enfants et adolescents ont vécu. Violence traumatique, enfin, passivation traumatique, on pourrait dire, à travers des violences psychologiques, physiques, sexuelles, associées à de fréquentes dynamiques de soumission dans ces familles. Ils ont ainsi appris précocement un rapport aux autres basé sur une dichotomie stricte entre être soumis ou soumettre. Il n'y a pas d'intermédiaire, c'est soit l'un soit l'autre. Et ce dilemme, il est présent dans la plupart des situations de passage à actes violents dont je vais vouloir vous parler maintenant. Cette passivation a d'ailleurs été mise en lumière récemment par les travaux d'une consoeur, le docteur Julie Balzer, qui dans son travail en éthique du soin auprès d'enfants placés à l'aide sociale à l'enfance, a pu mettre en évidence ces dynamiques de passivation dans leur parcours de vie. Alors c'est vrai, certains auteurs de violences ont pour objectif une domination perverse, une domination sociale, que ce soit à l'échelle duelle, dans une rencontre fortuite, ou dans le couple, on parlait des violences conjugales tout à l'heure. Ça peut être également dans un groupe plus large, comme on peut le voir dans certaines dynamiques de harcèlement scolaire, ou dans la société dans son ensemble, où l'expression, les manifestations perverses de dictateurs ou de mégalomanes de la tech. peuvent s'exprimer pleinement. Mais ce n'est pas de ça dont je vais vous parler aujourd'hui. C'est... Réellement, le fait que la plupart des passages à actes violents qu'on observe en clinique se situent subjectivement, c'est-à-dire pour l'auteur de ces violences, en défense face au risque de passivation. Autour d'une formule que j'entends souvent, il faut que ça s'arrête. Alors le ça est multiple, et je vais vous donner cinq petits exemples d'illustrer ce qu'est-ce qui doit s'arrêter à ce moment-là et qui nécessite. cet agir violent. Alors le premier point, on l'évoquait juste avant et je crois que Gilles tu en parleras également, c'est la question suicidaire. Parce que ce qui doit s'arrêter en premier lieu se situe en soi-même, c'est le vide, cette vacuité dont on parlait, c'est la souffrance narcissique que l'adolescente suicidaire entreprend de faire disparaître dans le seul agir qu'elle perçoit comme encore possible, se faire du mal. À ce titre, quelques chiffres pour vous donner une idée. Entre 2010 et 2022, on évalue à peu près une augmentation de 190% des tentatives de suicide chez les adolescentes. Ce qui nous amène en 2022 à une proportion d'environ 20% des lycéennes qui déclarent avoir fait une tentative de suicide. Ça c'est le premier... Point, le passage à actes suicidaires. Le deuxième exemple de il faut que ça s'arrête correspond peut-être à ce qui avait été évoqué à la séance d'avant, j'y étais pas donc j'ai pas pu entendre, c'est cette question des passages à actes violents qui surgissent au décours d'un événement vécu comme une ultime humiliation, à savoir le refus, le désaccord ou même un simple regard dans la rue. qui peut suffire dans ces situations où finalement seul le sentiment de toute puissance de l'adolescent lui permet d'éviter cet effondrement, ce chaos dont tu parlais tout à l'heure. C'est typiquement la phrase, comme disait Mardi, un jeune homme que je suis en obligation de soins pour des actes violents, notamment face à des personnes dans la rue. Il disait je vois noir quand c'est comme ça, on me regarde mal, on me parle mal, je vois noir et à ce moment-là tout est possible, je cogne et il n'y a plus rien qui m'arrête et quelles que soient les conséquences, de toute façon les conséquences, j'y pense qu'après Alors c'est sûr que dans ces situations-là, l'impulsivité qu'on peut retrouver dans les troubles déficitaires de l'attention, je me tourne vers toi Gilles, est clairement un facteur de risque, d'aggravation du risque de passage à l'acte. Et d'ailleurs on n'a pas obligé d'avoir une personne en face de soi. Pour être dans ce type de passage à l'acte, c'est typiquement le coup de poing dans le mur qui donne ce que nos collègues chirurgiens appellent la fracture de l'abruti. Ce n'est pas très joli, mais c'est comme ça qu'ils l'appellent, avec la fracture du cinquième méta en tapant le poing dans le mur. Voilà, c'est passage à l'acte, donc vécu comme des attaques au narcissisme. Troisième situation, c'est celle que vous évoquiez dans l'introduction, c'est celle que j'observe dans les dynamiques de radicalisation. Ce sont ces passages d'actes violents qui se manifestent quand l'autre finalement n'est que la surface de projection d'une haine qui a été soigneusement alimentée par des discours identitaires radicaux. La violence alors n'est finalement que la manifestation d'une exaltation, d'une toute-puissance qui est offerte par la cause, alors la cause quelle qu'elle soit, qu'elle soit religieuse, d'inspiration religieuse, d'inspiration... racial ou nationaliste, peu importe. Et dans ces situations-là, on peut les accompagner après, là c'est un passage à l'acte, mais la question de surtout les accompagner en prévention du risque de passage à l'acte est une question hautement éthique et on en parlait en introduction et je pense que ce sera peut-être un des sujets de réflexion tout à l'heure. Quatrième situation, c'est des situations où il n'y a pas forcément de haine. C'est certaines situations d'agression sexuelle chez des adolescents qui finalement nous décrivent une absence d'autres. Ils vont s'attaquer sexuellement à quelqu'un, mais ce quelqu'un, il n'existe pas. Leur objectif finalement, c'est avant tout la résolution de cette pulsion sexuelle qui les déborde.

  • Speaker #0

    qui rend leur intérieur psychique totalement chaotique et qui les rend incapables de réaliser ce qu'ils sont en train de faire à cet autre qui n'existe pas, qui n'est pas subjectivé, qui n'est pas différencié, qui n'est pas sujet en face d'eux. Et là, tout le travail thérapeutique, ça va être justement de réintroduire cet autrui dans la victime pour éviter la récidive. Cinquième temps... type de ça, dans le il faut que ça s'arrête c'est la question de la réviscence, la réactivation directe de cette passivation traumatique originelle. On peut l'observer, typiquement, en expertise, on peut le voir, vous en entendez parler dans les journaux aussi, je pense, c'est, titre d'exemple, j'ai entendu ça récemment, un jeune homme introverti, qui brutalement, en pleine nuit, décide d'aller casser la gueule du beau-père qui maltraite depuis des années sa mère. Et je voulais terminer mon propos sur des passages à l'acte violent par, encore une autre catégorie, si on peut en parler comme ça, par refus de l'injustice de trop. Alors l'injustice, c'est un concept qui est plutôt compliqué, qui est multiforme, et qui ne va pas réussir à être déployé aujourd'hui. Certes, on peut le retrouver d'un point de vue psychopathologique dans les personnalités pathologiques dites sensitives qui vont ressasser leurs ressentiments autour d'un vécu de préjudice sub-délirant, voire complètement délirant pour certains. Mais, c'est de ça dont je voulais vous parler pour terminer mon propos introductif, c'est que force est de constater qu'il peut également y avoir, et là on est hors du champ de la psychiatrie, la manifestation... d'un vrai désir de vie, comme l'exprimait Fanon ou Winnicott, finalement la référence me va très bien également, ce refus finalement de l'injustice par l'agir violent, qui, ce qu'on observe, croit à mesure que l'on multiplie les perdants dans la société. Et alors là, on ne s'était pas mis d'accord tout à l'heure avec Maurice. Mais figure-toi que c'est aussi une citation d'Hachoum. Multiplier les perdants dans les sociétés, voilà des injustices qui favorisent hélas le terreau de certaines manifestations violentes que je mettrais de côté hors du champ de psychiatrie. Et donc c'est également le cas, à mon sens, quand on contraint les jeunes générations à subir, d'une certaine façon, les choix irresponsables et violents de leurs aînés. Je m'arrêterai là-dessus. Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Merci, Guillaume. Écoutez, vos deux propos. On a l'impression que vous ne parliez que des jeunes et des adolescents, mais ces jeunes et adolescents deviennent des adultes. Je ne sais pas, Gilbert, si c'est de ça dont tu veux nous parler, mais quelque part, il y a ensuite quelque chose qui se prolonge. quelque chose qui se manifeste de manière différente. Et donc voilà, s'il existe des spécialistes de la pédopsychiatrie, il existe aussi des spécialistes de la psychiatrie adulte, et ils n'ont peut-être pas le même regard, ou du moins un regard historiquement complémentaire au premier. Donc merci de nous éclairer.

  • Speaker #2

    Merci, merci bien, merci aux organisateurs pour l'invitation, bonsoir à tous. Je suis un spécialiste des troubles de l'humeur, et donc je vais parler de la question sur... surtout du passage à l'acte suicidaire. Mais en préambule, et pour faire le lien avec les thématiques qu'on vient d'évoquer, je rappellerai qu'il y a un autre enjeu dans le champ psychiatrique, le passage à l'acte hétéroagressif, dont on vient d'entendre chez mes collègues toute la complexité de ce qui peut se jouer en matière de déterminants qui ne sont pas forcément à proprement parler des maladies psychiatriques. mais qui sont des déterminants psychologiques et psychopathologiques et sociétaux. Pour rappeler que certes, il arrive et il continue d'arriver de temps en temps des événements tragiques qui impliquent des patients souffrant de troubles psychiatriques caractérisés, peut-être le plus souvent des troubles schizophréniques. Si on met de côté les problématiques d'addiction, qui sont aussi des facteurs importants dans la détermination du passage à l'acte violent, y compris chez des gens qui ne sont pas des malades psychiatriques, mais finalement, ces affaires tragiques... qui résonne énormément sur le plan médiatique chaque fois qu'il se passe quelque chose, qu'ont fait les psychiatres, pourquoi ce patient est sorti de l'hôpital, etc. ne représentent qu'une toute petite minorité des décès par assassinat, par meurtre. Et on finit par avoir dans notre monde, où on pense plus qu'en 140 signes, Ça représente un vrai danger pour la société. Nos patients, par exemple, souffrant de troubles psychotiques et schizophrènes, ils ont surtout un risque d'être victimes de violences et de l'agressivité des autres plutôt que d'être eux-mêmes des auteurs de violences. Pour en revenir à cette question du suicide, là aussi, je devrais être bref, dans un domaine où la nuance est forcément nécessaire. Il y a des suicides, il y a ce qu'on appelle des conduites autodommageables qui peuvent faire partie d'un système de régulation face à la détresse, face à ce qui est insupportable, auquel mes collègues ont fait allusion. Mais les choses ne sont pas forcément si binaires que ça. Il y a entre les deux tout un ensemble de conduites. Par exemple, des intoxications médicamenteuses volontaires, où il s'agissait bien de faire arrêter quelque chose, où la question de la volonté suicidaire n'est pas toujours absolument claire, mais au fond, c'est une sorte de risque pris pour interrompre l'insupportable. Et donc la question, quand on demande à un patient mais vous vouliez vraiment mourir ? n'est pas une question à laquelle il est si simple de répondre. Il ne reste que 9000... Une personne, en gros, meurt par suicide en France chaque année. 7% des Français ont déjà fait une tentative de suicide dans leur vie. Et c'est vrai que même si les choses ne s'aggravent pas en termes de nombre de suicides en France, on est face à une montée importante de la prévalence de la dépression, de l'anxiété, des idées suicidaires, des passages à l'acte. de toutes sortes, autodommageables ou suicidaires. Chez les adolescents et chez les jeunes adultes, il y a eu une très nette aggravation au moment de la crise Covid. Les choses ne vont plus avec un tel niveau d'aggravation, mais il n'y a pas eu non plus de décru pour le moment, d'où la saturation de nos systèmes de soins. Et on voit bien que ces jeunes adultes ne vont pas bien. En tant que psychiatre hospitalier, ça fait plusieurs décennies que j'exerce mon métier. Je vois bien que nos unités d'hospitalisation se rajeunissent. Il y a beaucoup de jeunes adultes que nous sommes obligés d'hospitaliser dans des cliniques qui sont complexes. Ou même les troubles de l'humeur classique, troubles bipolaires par exemple, sont toujours présents mais sont souvent intriqués avec des problématiques complexes, borderline, des troubles du neurodéveloppement, TDAH, troubles du spectre autistique, etc. des enjeux de transidentité par exemple aussi. Il y a donc vraiment quelque chose qui est en train de changer aussi à ce nouveau-là. Ce que je voulais aussi apporter comme éclairage, c'est finalement quand on s'arrête sur ce étonnant terme de passage à l'acte, on peut faire saisonner sur un plan des multiples sens qu'on peut donner à cette expression. Dans le passage, il y a aussi l'idée de... de quelque chose où on se faufile d'une voie de sortie qui, à un moment donné, peut être que la seule voie de sortie. Ils font résonner aussi des sens autour de l'idée que l'acte, c'est quelque chose d'actif, mais il y a en même temps quelque chose qui peut être passif, quelque chose où on glisse vers le passage à l'acte. Parce qu'il y a parfois de l'impulsivité, il y a parfois... Quelque chose a été construit pas à pas, sans interruption. Mais ma conviction comme clinicien qui a rencontré beaucoup de patients avec des conduites suicidaires, qui a perdu un certain nombre de ces patients qui se sont suicidés, pendant leurs soins ambulatoires, parfois même pendant leurs soins hospitaliers, c'est que la... La voie qui mène au suicide est une voie un peu en pointillé, faite d'aller et retour. On s'approche, on expérimente. D'où l'attention qu'on doit porter à quelque chose qui se commence, quelque chose qui se répète, quelque chose qui revient, et dont on ne doit pas se dire Oh, finalement, ça n'est que des répétitions, on peut être rassuré, ça n'ira pas plus loin Et les patients, ils vont jusqu'au bout à un moment donné de l'acte qui va être létal. Ils ont souvent fait ce chemin-là, dans cette direction-là, par étapes successives, puis des retours, mais au moment où ils vont passer à l'acte, c'est comme s'établissait une sorte de continuité de tous ces moments où ils ont déjà pensé à cela, préparé cela. Et préparer, c'est parfois les repérages des lieux où on va se précipiter, les moyens qu'on va utiliser, sa réserve médicamenteuse. la corde, l'arme à feu, etc. Et à un moment donné, tout devient comme une évidence. Je vais faire quelque chose que j'ai dans la tête depuis très longtemps. Et ça peut être comme ça, alors même qu'une heure ou deux plus tôt, dans l'interaction avec l'infirmière de l'unité, il y avait quelque chose qui semblait bien se passer et qui ne laissait pas présager que quelque chose allait... basculer ainsi. Mais au moment où le patient bascule, lui, il n'a plus aucun lien avec ce moment, une heure ou deux plus tôt, où il a pu échanger avec l'infirmière et où les choses semblaient pas si mal se passer. Il n'est plus connecté qu'avec la noirceur de sa souffrance, le caractère intolérable de tout cela et qui peut amener à ces gestes désespérés qui débouchent sur un suicide, qui se font parfois avec une violence Impressionnante quand il faut se mettre sur le passage d'un train ou se précipiter dans les hauteurs, ou sauter dans l'eau. Et cela, c'est quelque chose qui me paraît vraiment important. Enfin, je voudrais juste aussi pour terminer, revenir sur quelque chose qui est peut-être en train d'évoluer, mais on ne va pas faire un sondage dans la salle. Vous vous demandez... Si ce que je vais vous dire là vous surprend ou pas, les professionnels qui sont présents ici ne seront pas surpris. Mais c'est la question, est-ce qu'on peut parler du risque suicidaire ? Est-ce que si je parle de la question du suicide avec celui qui est en face de moi, qui ne va pas bien, je vais augmenter un risque de passage à l'acte ? Eh bien, il y a un consensus dans notre profession pour dire non. Au contraire, il faut demander à celui qui est face à nous, qu'on soit là comme amis, comme parents, comme médecins, infirmiers, soignants, etc. Comment vous vous sentez ? Vous vous sentez mal ? D'accord ? Jusqu'à quel point ? Jusqu'à quel degré de douleur intolérable ? Jusqu'à quel degré de désespoir ? Est-ce que cela... vous amène, t'amène à considérer que la mort serait la seule issue pour être soulagé de tout cela. Ne pensons pas que si on aborde cette question-là, on va augmenter le risque de passage à l'acte. Au contraire, notre interlocuteur va réaliser qu'on est capable de se représenter, que là où il en est dans sa souffrance, il peut être à ce stade-là, à ce point limite-là, et on peut réouvrir quelque chose, retendre un fil. lancer une corde sur laquelle on va pouvoir essayer de le réamarrer à quelque chose. Je vous remercie de votre attention.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup Gilles, je savais que le complément serait indispensable, il l'a été. Alors le légiste que je suis est bien modeste parce que j'ai entendu les gens de la psyché, moi je ne suis que l'acteur du corps. Est-ce qu'il de temps en temps me... Me rappelle au travail de David Le Breton, c'est justement ce rapport au corps et comment ce corps peut finalement parler, exprimer quelque chose autour de l'individu, mais quelque chose autour des faits de société, quelque chose autour des souffrances. Et David a beaucoup, beaucoup travaillé ces questions là. Et je pense que dans cette table ronde, la place du sociologue est tout à fait justifiée pour nous emmener sur un autre chemin. Donc, on te cède la parole avec bonheur.

  • Speaker #3

    Merci Grégoire. Alors l'anthropologie évidemment c'est toujours un pas de côté, c'est la pratique du détour comme disait autrefois Georges Ballandier, qui amène à dépayser des notions de sens commun, mais aussi des notions médicales ou psychiatriques qui sont parfois posées dans l'absolu. Surtout par ailleurs que l'anthropologie récuse de toute façon les étiquettes qui dépossèdent les acteurs de leur souveraineté, pour les traiter comme des figures. interchangeables. Par exemple, être un toxico, un anorexique, etc. Alors que, comme Maurice l'a rappelé tout à l'heure, il n'existe que des singularités et que le symptôme ne dévore pas le sujet dans sa totalité. Évidemment, le sujet, la personne qui a une pratique de toxicomania, qui a mille autres choses, évidemment, que son rapport aussi à la drogue. D'où ma position souvent de déconstruction du regard au regard des catégories psychiatriques ou médicales, ou en tous les cas de problématisation à leur égard. Et s'agissant de la notion de passage à l'acte, vu comme une sorte de court-circuit de l'inconscient, je voudrais donc montrer que cet usage un peu systématique, un peu magique, qu'on entend souvent autour de soi, me paraît parfois un peu contestable. J'ai souvent eu l'occasion de l'entendre comme un abus de langage de mon point de vue, surtout dans le contexte des attaques au corps, des scarifications, sur lesquelles je suis énormément deux fois intervenu. Et ça m'a toujours paru une manière de clore toute réflexion sur ce qui pouvait amener un adolescent à s'entailler de la sorte. Alors bien entendu, je ne conteste absolument pas la notion de passage à l'acte, mais je souhaite la nuancer, la contester en tous les cas, s'agissant de... S'agissant des scarifications à l'adolescence, moins des automutilations dont Maurice parlait, parce qu'on est fait sur un autre registre. Je parle des attaques au corps d'adolescentes ou d'adolescents bien ordinaires, entre guillemets. Les attaques au corps visent à fabriquer du sens pour continuer à vivre. Ce sont souvent des actes de passage, et c'est la notion que je voulais introduire dans le débat, non pas des passages à l'acte, mais des actes de passage. Acte. En ce sens, qu'à mes yeux, le jeune demeure acteur de son comportement et passage, car il s'agit justement de passer sur l'autre rive d'un fleuve de souffrance, d'une hémorragie de souffrance qui menace de tout emporter. L'acte de passage relaie l'élaboration mentale qui ne suffit pas en elle-même à désamorcer sa souffrance. Le soulagement implique un supplément de corps qui lui donne son efficacité. Le jeune est parfaitement capable d'expliquer son geste, d'expliquer aussi le sens de son acte, même s'il ne parvient pas toujours à y échapper. Il sait que le soulagement l'attend à son terme en lui faisant traverser la tension intérieure. Je me fais mal pour avoir moins mal voilà le propos qu'on entend régulièrement de la part de ses ados. Je me fais mal, mais c'est pour avoir moins mal Et puis j'ai très souvent cité cette adolescente qui me disait il y a quelques années, Je me fais mal à mon corps pour avoir moins mal à mon cœur Je trouve que cette réflexion est absolument magnifique, mais démontre bien cette position d'acteur, d'actrice en tous les cas, de cette adolescente qui s'entaillait régulièrement. Le jeune donc est acteur de son geste, à la différence de la notion de passage à l'acte, qui le dépossède de sa responsabilité dans ce qu'il fait, le transforme en objet passif d'un jeu de l'inconscient, d'une sorte de court-circuit intérieur. Cette notion d'acte de passage récuse le dualisme entre l'esprit d'une part et le corps de l'autre, comme si les manques du premier, l'esprit, ricochaient machinalement sur le corps. Bien entendu, la parole est essentielle comme instance thérapeutique, mais elle n'est absolument pas suffisante quand le moment n'est pas venu. La blessure volontaire absorbe ce reste que les mots ne saisissent pas, c'est au-delà que les paroles ne peuvent contenir. Le jeûne fixe son chaos intérieur sur son corps afin d'y voir plus clair, il met en acte une impossibilité de transformer les choses. Dire un inceste par exemple, ne suffit absolument pas à en désamorcer la virulence, la brûlure. Ces attaques au corps sont donc des tentatives de contrôler un univers intérieur qui échappe encore, d'élaborer une relation moins confuse entre soi et l'autre en soi. À travers cet acte de passage, finalement, le jeune se remet au monde et se sort de sa noyade. Le passage à l'acte n'est pas une modalité de résolution de la tension interne. Il la maintient au cœur du sujet, comme s'il se débattait dans une nasse. Au contraire, l'acte de passage permet de surmonter la tension et de devenir à nouveau acteur de son existence. Dans tous les cas, avec un gradient plus ou moins prononcé, l'acte autorise un passage, une transition vers l'autre rive. Il est une tentative de restauration du lien, à la différence du passage à l'acte, qui élimine en partie le sujet de la scène. L'acte de passage est une action sur soi qui fonctionne comme un appui pour s'arracher aux anciennes pesanteurs, un remède pour s'extirper d'une situation apparemment sans issue. Même s'il se répète, il est un chemin tracé dans le corps en en payant le prix pour se retrouver et rejoindre le lien social. Il est aussi d'ailleurs à l'occasion un levier thérapeutique, une accroche pour une reprise de parole ou un accompagnement thérapeutique. Martine par exemple, une des personnes que j'ai rencontrées, le dit avec force, les coupures c'était la seule manière de supporter cette souffrance, c'était la seule manière que j'avais trouvé à ce moment-là pour ne pas vouloir mourir. C'est elle qui dit vouloir mourir. Ces attaques au corps avaient été pour elle une forme de prévention au pire. Victime d'inceste, Chloé dit avec finesse que les scarifications non seulement permettent de passer les moments de souffrance, mais suscitent également une sorte de savoir sur les épreuves vécues. Chloé dit Je trouve qu'on apprend à travers ces scarifications, je trouve qu'on apprend à comprendre et à accepter sa douleur. Pour moi, à ce moment-là, C'est à ça que ça servait. L'acte de passage est donc un appui pour s'arracher aux pesanteurs. Il est un remède pour s'extirper peu à peu d'une situation qui paraissait bloquée. Même s'il se répète, je m'aperçois qu'il y a une répétition dans mon texte, mais ce n'est pas grave. Même s'il se répète, il est un chemin tracé dans le corps en en payant le prix pour se retrouver. Il fonde au fil du temps, en soi et autour de soi, les conditions d'une acceptation de soi. ou d'une capacité à transformer la situation mortifère. La plupart du temps, les scarifications ne sont pas montrées aux autres et ne permettent pas l'instauration d'un échange, mais même à ce niveau, elles participent du franchissement de la barrière de souffrance. En ce sens, j'analyse pour ma part les scarifications comme étant dans la majorité des cas une technique de survie. Une technique de survie, à l'image de ce que disait Martine tout à l'heure, C'est aussi d'ailleurs pour restaurer la souveraineté du jeune que j'ai avancé cette notion d'acte de passage, pour le poser comme un acteur. Dans l'immense majorité des cas, les scarifications adolescentes sont provisoires. En plus, elles ne s'attaquent pas aux visages ou aux organes sexuels. Quand c'est le cas, on est plutôt dans le passage à l'acte et une prise en charge s'impose en urgence. Là, il y a une dimension profondément anthropologique, évidemment, du rapport au visage, du rapport aussi aux organes sexuels, par exemple. Dans mon expérience, les attaques au corps durent rarement au-delà de quelques mois ou au pire de quelques années. Certes, il arrive que des personnes plus âgées persistent de manière rituelle, soulignent les mots, à s'entailler secrètement. Elles ont trouvé une sorte de compromis avec le monde qui les autorise à vivre. Et chacun de nous se souvient du personnage d'Erika. dans le très beau film de Michael Haneke, La pianiste. Vous vous rappelez d'Isabelle Huppert, qui s'entaille paisiblement, tranquillement, dans sa baignoire, au niveau d'ailleurs de son sexe, enfin, de la proximité de son sexe, parce qu'elle se sent dépossédée de sa féminité par ses règles, et elle décide de faire couler son sang de manière délibérée. C'est compliqué à comprendre quand on n'a pas lu le livre de... Le livre de cet auteur autrichien dont le nom est... J'ai le fric de Jelinek. Je trouve que dans le roman et dans le film, tout est parfaitement bien expliqué. D'ailleurs, il y a différents types de scarification dans le film. C'est un document clinique absolument extraordinaire. Donc, il y a des personnes qui persistent, en effet, mais c'est leur manière de vivre. Et puis, voilà, à mon avis, ça ne se discute pas parce que ce ne sont pas des gens qui vont chercher de l'aide. Ce sont des gens qui ont trouvé un rapport au monde qui les satisfait, entre guillemets. Donc, la notion de... La notion de passage à l'acte, si elle a une légitimité dans bien des situations, m'a souvent paru un mot magique pour effacer la souveraineté du sujet et le subordonner à un savoir psychiatrique ou médical, ou encore pour médicaliser son comportement lors par exemple de suicides ou de tentatives de suicide ou d'actions criminelles qui sont parfaitement élaborées par des individus. Et en ce sens, je parlerais plutôt de passage à l'action. C'est-à-dire qu'auparavant, il y a une immense réflexivité qui fait qu'on passe à l'action de l'attentat, du meurtre ou du suicide, mais ce n'est pas une espèce de surgissement impromptu, inopiné, c'est en fait une longue histoire. Évidemment, là je suis profondément sociologue, de vouloir toujours restaurer la position du sujet et ne pas le considérer comme une sorte de jouet du destin ou de son inconscient. Mais évidemment, la différence entre ces deux... Ces notions, un passage à l'acte, acte de passage, passage à l'action, engagent des compréhensions, mais surtout des cliniques, des éthiques en amont, mais surtout des cliniques radicalement différentes. Voilà. Merci. Merci de votre attention.

  • Speaker #1

    Merci, David. Avec Aurélien, on va passer les questions à la salle. Mais c'est vrai que le débat est un peu ouvert parce que à lésion équivalente. Si je suis un peu basique, l'histoire et la narration peuvent différer d'un individu à l'autre. Le problème c'est que face aux symptômes, la famille, le clinicien, qui n'est pas forcément psychiatre spécialiste, qui peut être généraliste, qui peut être gynécologue, et tout un chacun quand il voit un proche s'interroge. Et entre la vision que tu proposes de l'acte de passage, qui est finalement une vision qui peut être positive, qui peut rappeler les rites d'autres cultures d'ailleurs, où les scarifications ont un sens très positif, Et puis l'histoire du psychiatre adulte qui nous dit Mie une marche de progression et ce premier signe peut-être aussi la voie vers quelque chose de beaucoup plus grave qui va mener soit à se supprimer, soit à supprimer l'autre. Il faudra des arbitres dans l'analyse de tout cela. Et effectivement, ton regard est intéressant pour montrer qu'il ne faut pas tout mettre dans le même tout, mais qu'il faut s'interroger sur le sens de chaque chose. Donc, si il va nous permettre de dialoguer avec la salle, Aurélien, allons-y. On laisse la parole au public.

  • Speaker #4

    Oui, merci. Merci à tous les 4-5 orateurs, parce que je trouve que le format qui a été fait nous permet de beaucoup mieux comprendre quand on n'est pas spécialiste, et chaque intervention était complémentaire de l'autre. passionnant comme approche de ces choses-là. Et je voudrais juste évoquer peut-être un autre éclairage, parce que j'aime beaucoup le cinéma, et le cinéma c'est un reflet extraordinaire de notre société, pour le point social. Actuellement, il y a un film qui parle extraordinairement bien de cette problématique qui s'appelle Jouer avec le feu qui est sorti il y a quelques jours avec Vincent Lindon dans le rôle principal, et qui parle d'un acte hétéro-agressif Mais c'est vraiment un passage à l'acte et qui étudie magnifiquement bien la réaction de différents groupes, c'est-à-dire d'abord la famille, la souffrance interne, et on ne comprend pas le passage à l'acte, mais on arrive à le suivre très très bien. Là, il s'agit d'un acte hétéro-agressif, puisque un adolescent devient un criminel. Mais là, c'est la pression sociale, puisque c'est un acte politique. Il y a un autre film que j'ai vu. qui est un film américain et c'est ça qui est très intéressant, qui s'appelle A Feel Fine et qui est le traitement du suicide d'un adolescent sous les yeux de la culpabilité terrible de son entourage. Dans les deux cas, on voit un père aimant, un père particulier, pour l'image du père, une famille aimante. Et je trouve que c'est absolument passionnant de voir au cinéma la manière dont la société américaine, où il y a un psychiatre aussi dedans, et la société française européenne traitent de la souffrance des adolescents. y compris le passage à l'acte. Et pour revenir à ce que disait M. Le Breton, c'est très intéressant parce que notre société observe... et fait des statistiques au sujet des suicides et des passages à l'acte. Mais la question principale, c'est comment va agir le groupe, la famille en particulier, et comment est-ce qu'elle peut percevoir tout ça ?

  • Speaker #1

    Est-ce que l'un d'entre vous veut s'en parler de la question ? Effectivement, si on focalise sur la question des proches et de la famille, on a entendu les cliniciens, mais finalement, quel regard les cliniciens ont ? On va porter sur ce conseil ou cet accompagnement à la famille. Je ne sais pas, Gilles, je te regardais dans les yeux, mais est-ce que tu veux en dire un mot ?

  • Speaker #2

    Oui, forcément.

  • Speaker #0

    On ne peut jamais aborder ces problématiques-là en envisageant l'individu coupé de son contexte. La première couche du contexte, dans une vision un peu concentrique, de couche successive, c'est les proches, c'est la famille. A partir de là, on pourrait développer beaucoup, mais c'est une dimension extrêmement importante.

  • Speaker #1

    Maurice, tu veux compléter ?

  • Speaker #2

    Oui, alors dans le champ qui est le mien et uniquement dans ce Ausha, c'est-à-dire la pédopsychiatrie, les adolescents, les familles, un psychiatre d'adolescence, un psychiatre de famille, bon, je l'ai déjà dit tout à l'heure, je le répète, dans mon nombre de cas, les adolescents nous amènent leurs parents pour qu'on soigne leurs parents. Et le passage à l'acte, en particulier suicidaire, et le témoignage dans un certain nombre de cas, de cette problématique-là, c'est-à-dire de la problématique inconsciente, transgénérationnelle, si ce n'est de la problématique consciente, ici et maintenant, d'une maltraitance, d'une violence, d'une agression sexuelle, d'un inceste. Nous sommes effarés d'avoir vu pendant le confinement que la proximité des familles a entraîné une multiplication des violences intrafamiliales, des passages à l'acte sexuel et des révélations. en décédant sexuellement. Cette dimension-là est à prendre en compte, c'est-à-dire que le symptôme présent de l'adolescent a toujours, peu ou prou, une dimension familiale et parfois prévalente. Pas à l'inverse, pas pour contrebalancer, mais quand même, qu'est-ce qu'il y a de plus agressif vis-à-vis de la famille qu'un passage à l'acte, en particulier suicidaire, ou même une automitulation, en particulier sur le visage ? mais qui atteint le corps qui est le fruit de l'amour, du désir de ses deux géniteurs. Cette agression vis-à-vis des parents est une source d'angoisse extrême, c'est une désaffiliation. Un passage à l'acte suicidaire est une désaffiliation en acte. Une chirurgie esthétique réparatrice itérative et une démonstration répétée que je ne veux pas avoir le nez de mon père, les joues de ma mère et je ne veux pas devenir le corps de ma mère. Cette agression, cette agressivité vis-à-vis de la famille va avoir une réponse déprimée ou une réponse en représailles. Plus complexe, mais tout aussi important, un certain nombre de familles perçoivent très bien que ces passages à l'acte, en particulier les scarifications, mais pas n'importe lesquelles, David a bien signifié. celles qui touchent les zones sexuelles, celles qui sont répétées, celles qui sont intenses, massives, brutales, impérieuses, qui s'imposent au sujet, sont une source de jouissance, de jouissance auto-érotique que perçoit très bien la famille. Donc, agression du corps issu du fruit de l'amour parental, du fruit déchu, et jouissance auto-érotique, c'est-à-dire non relationnelle, purement autarcique, sont des éléments qu'il va falloir prendre en compte pour que... on puisse traiter la part qui appartient à la famille, primaire ou secondaire, du symptôme. Et si ce traitement n'est pas fait, s'il n'est pas évalué, s'il n'y a pas eu d'un antécédent de trauma ou d'agression sexuelle. Pour vous donner un exemple encore plus signifiant, le nombre de révélations sexuelles en hospitalisation, un autre élément. Quand une hospitalisation d'adolescent dure longtemps, C'est parce que le gosse n'a pas eu la possibilité encore de vous révéler qu'il a été abusé sexuellement. Ayez ça en tête, dans un grand nombre de cas c'est vrai. Ce gosse donc reste très longtemps, il révèle un abus sexuel et dans la grande majorité des cas, cette révélation c'est pour témoigner qu'il a perçu qu'il y avait un antécédent d'agression sexuelle chez la mère et que la façon qu'il a de le révéler permet à l'autre de le révéler. Donc la dimension familiale de tout symptôme qui attend à ses jours... doit être prise en compte en amont, est-ce qu'il y a une participation carentielle, traumatique ou les deux de la famille ? Et en aval, est-ce que cette jouissance auto-érotique qui se désaffilie du relationnel est acceptée ou pas par la famille ?

  • Speaker #1

    Merci. Sur cet éclairage, je ne sais pas si les images cinématographiques allaient vous amener juste à ce type de réponse, mais au moins, on a pris en compte que l'individu n'est pas étranger à la globalité de sa famille réciproquement. Il y a d'autres questions dans la salle ? Oui,

  • Speaker #2

    bonsoir, merci de ces très intéressantes réflexions. On pensait, on pense peut-être encore aujourd'hui, que derrière toute tentative de suicide, il y a un appel à l'aide. Est-ce qu'on a raison de penser ça ? Qui est-ce qu'on interpelle ? La société ? Les parents ?

  • Speaker #0

    Je donne une première réponse dans ma perspective de psychiatre d'adulte. Je reviendrai à cette idée qu'il faut toujours nuancer les choses. Oui, parfois c'est quelque chose de cet ordre-là, de communiquer qu'on est débordé par sa souffrance. Peut-être que c'est une façon en raccourci à la fois d'interrompre le moment qui est intolérable et puis de se dire qu'il y aura un après qui permettra peut-être qu'autour de moi, on se rende compte à quel point je vais. Mais ce n'est pas toujours aussi clair que ça. Et puis, il faut toujours se méfier dans notre domaine de formulation qui dit toujours ou au contraire, celle qui ne dit jamais. Il y a nombre de passages à l'acte suicidaire qui ne sont pas un appel à l'aide, qui sont juste la voie de sortie par rapport à quelque chose qui est intolérable.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce que tu penses tout de même du récent procès d'Orange, c'est ça ? Le téléphone ? Le moins qu'on puisse dire que c'est... C'est une interpellation sur une modalité de management social effarant, héritée de nos amis américains et que nous avons importée. Oui,

  • Speaker #0

    ça, c'est une autre notion très intéressante que tu introduis. C'est au fond, certains suicides sont sacrificiels, c'est à dire je vais interpeller l'entourage et la société. Mais ce n'est pas un appel à l'aide pour moi. pour essayer de changer quelque chose après moi.

  • Speaker #2

    Signal d'alarme et appel à témoins.

  • Speaker #1

    Premier rang, une question.

  • Speaker #3

    Oui, donc bonsoir et merci beaucoup pour ces interventions qui ont été vraiment extrêmement riches. Je souhaiterais donc vous faire part d'une réflexion et du coup engager la discussion si possible et si ça vous convient. Donc particulièrement sur la question de la stigmatisation et en particulier des enfants placés, si j'irais même déplacés. Et pour revenir donc sur le thème de ce soir concernant donc ces enfants qui pour certains malheureusement beaucoup trop passent du statut de victime au statut d'auteur, de passage à l'acte. en particulier des passages à l'acte hétéroagressif. Finalement, je me pose la question de qu'en est-il de leur responsabilité ? Qu'en est-il de leur responsabilité ? Parce que, notamment, la question que je me pose, c'est finalement, est-ce qu'ils ne seraient pas également victimes, en plus d'être auteurs ? Je me base sur deux points de réflexion. D'un point de vue neuropsychologique, on sait que les cortexs préfrontal maturent jusqu'à 25 ans. Par rapport à ça, et aussi par rapport à l'excuse de minorité, qui est une thématique que j'aimerais vous demander votre avis si possible. Je me questionne sur, finalement, à partir de 16 ans, alors sauf erreur de ma part, je ne suis pas juriste, Mais je crois comprendre ou savoir, en tout cas de manière expérientielle, qu'à partir de 16 ans, le jeune, victime et malheureusement auteur de violences, de passage à l'acte, finalement n'est plus automatiquement dispensé de l'excuse de minorité. Donc ça en revient vraiment à la question de la responsabilité. Et voilà finalement en gros pour reprendre les propos de monsieur le professeur Le Breton, j'ai beaucoup apprécié finalement voilà ce jeu de mots et je me demande est-ce que finalement ces jeunes ne seraient pas d'une part point numéro un victimes en fait d'un acte de passage souvent invisible en fait sur terre ou en fait ils sont malheureusement souvent bien trop souvent en manque de tuteurs de résilience. Si on prend le cas des foyers avec des figures d'attachement qui ne font que de changer en fait, donc comment se construire d'un point de vue narcissique et identitaire. et souvent en manque de mère, de père et de tout repère. Et pour conclure, finalement, ne serait-il pas aussi victime d'un système social globalement défaillant ? Je parle particulièrement du système de l'aide sociale à l'enfance. Et finalement, est-ce que ce système de l'aide sociale à l'enfance, etc., ne contribuerait-il pas à assigner à la double peine ces enfants ? et notamment en déresponsabilisant les géniteurs un peu trop, souvent. Je parle en connaissance de cause. Il y a une question sur laquelle je n'ai toujours pas trouvé de réponse. Est-il bien normal que dès qu'un enfant est déplacé, je préfère le terme de déplacé, ça représente un peu mieux ce qui se passe, Est-ce que finalement, l'État ne contribuerait-il pas à ça ?

  • Speaker #1

    Il y a plusieurs questions dans votre question. Je propose de passer la parole à Guillaume Cordevant, parce que je pense qu'il a un focus et une appétence particulière, en particulier, il a une expertise dans les tribunaux sur ces sujets-là.

  • Speaker #4

    C'est un sujet de mes journées, de mes semaines, de mon année. Que ce soit des placements, que ce soit de l'agir violent chez certains enfants qui ont été placés, comme on peut le voir dans l'institution où je travaille, à l'ITEP des Mouettes, où on a plus de la moitié des enfants qui sont accompagnés par la protection de l'enfance. Et on ne peut pas faire abstraction de ce qu'ils ont vécu avant leur placement, des raisons pour lesquelles ils sont accompagnés par la protection de l'enfance, et du lien qu'il peut y avoir avec leur manifestation comportementale. Bien entendu, et c'est ce que j'essaie de mettre en propos tout à l'heure, c'est que ce qu'ils ont vécu précocement va avoir un impact, vous le disiez, au niveau neurophysiologique, bien entendu, on le rappelait tout à l'heure, va avoir un impact sur leur modalité également de perception de la relation à l'autre fondamentalement. Et l'enjeu central, on parlait de résilience, alors ce n'est pas un terme que j'emploie quotidiennement parce que derrière ça, il y a tellement de... de définition de termes, de concepts. Mais la question est bien, quelle figure d'attachement sécure va pouvoir les accompagner vers une autre façon d'interagir avec l'autre, pour vivre une autre relation à l'autre ? Et là-dessus, oui, on sort du champ de la clinique, pour aller sur le champ politique, parce que j'ai l'impression que c'est là-dessus que vous voulez nous amener, et ça me va très bien. Oui, on est très défaillant. On est très défaillant. Le système est défaillant. Qu'est-ce que ça signifie ? d'attendre autant de temps pour réaliser des placements, pour déjà faire les évaluations et ensuite appliquer les placements qui ont été ordonnés. Il y a eu les assises récemment, c'était la semaine dernière, les assises de la protection de l'enfance, vous y étiez ? Ah ben voilà ! Combien il y en a ? 200 enfants en Alsace, qui sont en attente de placements, placements ordonnés par des juges, mais pas de place. Ne vous inquiétez pas, on a trouvé la technique pour compenser le manque de place. On a inventé le placement à domicile. Alors ça veut dire quoi ? C'est-à-dire que les enfants qui sont en danger, on ne les met pas en institution, en famille d'accueil, parce qu'il n'y en a pas. On les laisse à la maison et puis il y a un éducateur qui vient quand même une fois par semaine. Je caricature pas en fait, c'est ça. Qu'est-ce que ça veut dire pour ces enfants ? On considère socialement, légalement, cliniquement, que les conditions dans lesquelles ils vivent, mettent en péril leur fonctionnement psycho-affectif. Pour autant, ce qu'on leur propose, c'est une heure avec une éducatrice par semaine. Ensuite, vous évoquez la question plus judiciaire de leur responsabilité quand ils sont auteurs par la suite de passage à l'acte. C'est très compliqué parce que c'est à partir de 13 ans qu'ils sont considérés comme potentiellement auteurs. Donc après, il y a quand même la minorité qui va jouer en fonction de ce qu'ils ont fait pour appliquer une forme de peine et de réparation. Donc là, on ne peut pas dire qu'on fait mal. Les textes sont intéressants et la protection judiciaire de la jeunesse fait le maximum pour justement accompagner ces jeunes, pour éviter d'une part la récidive, mais aussi retrouver une place socialement. Parce que c'est bien ça l'enjeu, je veux dire. Mais trouver une place socialement, ça veut dire, ça veut dire à nouveau, trouver ces modèles d'interaction à l'autre qui ne sont pas basés sur la domination, la soumission, la violence. Or, si on les laisse dans un milieu... Et on parle du milieu familial, c'est le premier milieu, évidemment, mais on peut parler également des modèles globalement sociaux qu'on propose. Écoutez, quand on voit Trump et puis l'autre, le vendeur de voitures électriques, leur concept, c'est, et ce qu'ils affichent à la face du monde entier, c'est plus on est fort, plus on est riche, et plus on a le droit d'écraser les autres.

  • Speaker #2

    Donc,

  • Speaker #4

    finalement, le modèle sociétal est basé sur soumettre ou être soumis. Donc, c'est compliqué. après, nous éducateurs, nous psy, nous parents, d'aller proposer un autre modèle. Mais c'est tout l'enjeu, et je pense que c'est l'enjeu éthique, c'est pour rien qu'on est aujourd'hui sur des réflexions éthiques, un enjeu de société. Quelle société pour demain on veut ? Bien sûr, les enfants placés sont les plus vulnérables, mais c'est un enjeu global du futur. Alors, on se revoit et on en reparle encore des années.

  • Speaker #1

    Guillaume, je pourrais rajouter un petit complément. Je change de casquette de modérateur à acteur. Quand vous dirigez un service de médecine égale dans un grand CHU et unité d'accueil pédiatrique en France en danger, l'indicateur politique aujourd'hui, c'est le nombre de signalements. Je fais court. Et on vous dit plus vous signalez, meilleur vous serez. La question que vous posez, c'est comment on soigne et comment on accompagne. Et là, c'est une question politique. Donc c'est pour ça que je prends la parole. Il ne faut pas se tromper d'indicateur. Si on met les moyens sur soigner, accompagner. Ce n'est pas la même chose que si on met l'indicateur sur signaler. Et ce que je trouve dramatique, c'est un peu comme le dépistage. Si on dépiste et qu'on ne prend pas en charge, ça ne sert à rien de faire du dépistage. Et faire du signalement à outrance si on n'accompagne pas. Et puis deuxième chose, mais ça je parle de concert avec mes collègues pédopsychiatres et tout acteur de l'aide sociale en France, c'est qu'il faut faire du sur-mesure. Il y a tellement de situations différentes de victimes qu'il faudrait faire du sur-mesure. Or en France, on ne sait pas très bien faire du sur-mesure. C'est l'enfant victime, il y a une automutilisation, je veux dire, du placement un peu. Et il y a tellement de cas particuliers, on ne va pas énoncer tout ça, mais il y a des enfants qui peuvent rester avec la maman, le papa doit être évincé. Il y a l'inverse, il y a des enfants qui ne doivent surtout pas revenir dans l'environnement, parce que je ne vais pas décrire ici tout ce qu'on voit dans un service de médecine égale, mais on sait qu'il y a des enfants qu'il faut totalement évincé et très rapidement, et c'est là que les délais sont inadmissibles. C'est une question de citoyens. On est dans un forum citoyen. C'est bien que les gens sachent que les politiques publiques en la matière sont encore inefficaces.

  • Speaker #0

    Merci pour vos exposés totalement exceptionnels. J'avais une question qui s'adresse à la fois à David et à Maurice. Il y a aujourd'hui des milliers de jeunes adultes de l'ordre de 20 ans. garçons et filles qui demandent une ligature de trompe ou une ligature des canaux déférents 30 mille ligatures de canaux déférents par an c'est quand même énorme est ce que pour vous il s'agit d'actes de passage allez on va passer à par la david en premier

  • Speaker #5

    Avant de répondre à Israël, je voulais juste ajouter, évidemment je suis totalement d'accord avec ce qu'a dit Guillaume et ce que tu as ajouté Grégoire. Je voulais simplement dire qu'il n'y avait évidemment jamais de fatalité dans les fracas de l'enfance qu'on a vécu les uns et les autres. J'aime bien citer Sartre qui disait on est ce qu'on fait de ce que les autres ont fait de nous C'est-à-dire qu'on a toujours une marge de liberté. Et il y a bon nombre d'écrivains ou de cinéastes, par exemple, qui ont vécu des enfances absolument tragiques, mais qui en ont fait des choses extraordinaires. Ils sont minoritaires, c'est évident, mais en tous les cas, c'est important de rappeler qu'on a toujours eu une marge de liberté. Et puis là, au regard de ce qu'évoque Israël, j'y vois un effet de l'hyper-individualisation du monde contemporain. C'est le fait qu'on veut vivre pour soi, dans le bonheur de sa vie personnelle. On ne veut pas être encombré d'une responsabilité. La notion de responsabilité, d'ailleurs, elle vole de plus en plus en éclats autour de nous. Et c'est difficile. D'ailleurs, c'est Charles Péguy qui disait que le plus grand risque qu'on peut mener dans sa vie, c'est de mettre un enfant au monde. Voilà, parce que là, on en a pour toute sa vie. Et bien voilà, donc des hommes ou des femmes qui en devenir, en tous les cas, qui refusent tout simplement une responsabilité à cet égard, ce qui est un autre indice de cette crise énorme du lien social. qu'on est en train de vivre en ce moment, que j'évoquais aussi avec le smartphone l'autre jour. On fait un monde à soi tout seul, donc on n'a plus besoin tellement des autres qui sont plutôt des encombrements autour de soi. Je généralise évidemment, il faut après introduire énormément de nuances, mais je vois ça comme élément de réponse.

  • Speaker #1

    Vous voulez ajouter un compliment ?

  • Speaker #2

    Juste pour dire aussi autre chose par rapport à ce qui a été dit par mes collègues. N'oubliez pas aussi l'autre chose effarante, c'est qu'à 18 ans, tout s'arrête. Et que je crois avoir compris que chez ces patients de l'ASE, de la PJJ, s'il y a au moins une chose qu'il faut faire, c'est être authentique. Ne pas leur mentir. On les a beaucoup... On leur a beaucoup menti, on les a beaucoup emmenés dans des espérances et on les a abandonnés après. Si nous, les adultes qui venons après, qui sont des référents sociaux, nous leur montons ou nous leur donnons des espérances et nous les laissons à domicile avec le prédateur, et il n'y a pas de judiciarisation, et ça s'arrête à 18 ans brutalement, le risque de passage à l'acte suicidaire, on le sait bien, dans ces moments de transition, est considérable. Je n'ai pas d'expérience particulière sur la question de la ligature, mais... Pour moi, comme pour toute demande, il faut l'accueillir. L'accueillir comme un rêve ou un fantasme. Mais l'accueillir toujours, l'accréditer toujours. Toujours écouter le patient dans sa demande, quelle que soit l'inquiétude qu'on peut avoir par rapport à la radicalité de cette demande. L'accueillir, l'accréditer, mais ne pas la valider. Essayer de tenir sur commencer à parler, on verra bien, on ira Et dans un certain nombre de cas, non négligeable, si on a une capacité d'écoute de ce qu'il y a derrière la demande, y compris l'inverse de ce qu'elle demande, on peut éviter un certain nombre de radicalisations.

  • Speaker #1

    C'est là justement, mais c'est pour le public, je le dis après, je donne la parole à la salle, que le rôle du psychiatre est intéressant pour décortiquer et pas pour psychiatriser la problématique, juste pour essayer de mieux la comprendre. Il y a une autre question dans la salle. Oui,

  • Speaker #6

    bonsoir. Merci pour vos éclairages sur ces différentes questions. J'avais une question qui était plutôt pour les cliniciens et les membres hospitaliers, principalement sur le suicide et plutôt sur les tentatives de suicide qui peuvent se chroniciser chez certaines personnes. Du coup, j'imagine qu'en tant que clinicien, vous devez en tout cas avoir une certaine confiance dans la parole des personnes que vous recevez. Est-ce que dans le cas des personnes qui sont justement dans ce genre de dynamique et qui arrivent par exemple dans vos services ou en service d'urgence, est-ce que vous devez en quelque sorte moins les croire ou lire un peu plus à travers les lignes ? Je sais bien sûr qu'on ne peut pas prévenir totalement un risque plus grand par la suite. Est-ce qu'il y a des précautions à prendre et même plus globalement, est-ce qu'il y a une éthique de soins particulière pour ce genre de personnes qui peut-être en quelque sorte impliquerait de... Moins croire la parole.

  • Speaker #2

    Merci.

  • Speaker #1

    Gilles, tu te lances.

  • Speaker #0

    C'est une question complexe. C'est un vrai défi permanent dans notre exercice clinique d'être au clair avec les patients sur ce qu'on négocie. On contractualise d'une certaine façon à un moment donné avec eux sur le fait qu'on va les laisser sortir en permission, j'aime pas trop ce terme, mais à les prendre l'air hors de l'hôpital. On va terminer l'hospitalisation et des soins se poursuivront en ambulatoire. Il faut prendre ce risque. Essayer de clarifier avec le patient quels peuvent être les enjeux qu'il peut y avoir. Effectivement, de temps en temps, on se fait piéger dans les grandes largeurs parce qu'on a cru le patient. D'où cette posture plutôt éducative qu'on doit avoir avec le patient, de lui dire, vous savez, on ne va pouvoir travailler que de cette façon-là, dans une confiance mutuelle. Et si pour vous... Il y a quelque chose dans votre moteur personnel qui est de nous prouver qu'on va se faire avoir, qu'on est des incapables. À ce jeu-là, vous allez gagner, mais vous allez gagner et c'est vous qui allez tout perdre. Parce que nous, on souffre quand on perd des patients, mais on continue à s'occuper des autres patients. Ne vous mettez pas dans cette situation. Et je dois dire que parfois, c'est des très jeunes adultes avec des grosses histoires. autour de pathologies de l'attachement, c'est des enjeux très complexes parce qu'il y a un peu l'idée que,

  • Speaker #4

    au fond,

  • Speaker #0

    leur suicide, ce sera notre punition. Il faut essayer de ne pas se laisser prendre là-dedans. Mais, et je terminerai là-dessus, c'est vraiment important cette question de confiance. Et aussi, nous, en tant qu'équipe médico-soignante, on doit travailler avec ces risques, aussi pour que les patients n'aient pas l'impression que, quand ils s'adressent à nous, il y a des lourdes portes qui se referment définitivement et qui les empêcheront de refaire appel à nous. quand ils seront à nouveau en détresse. Donc il y a ce jeu entre le dedans et le dehors, avec lequel nous devons jouer de la façon la plus prudente, mais en même temps la plus efficiente, et parfois en prenant des risques.

  • Speaker #4

    Ah, ça ne marche plus. Tu le rappelais, il n'y a pas une protection à 100% en hospitalisation.

  • Speaker #0

    Eh oui.

  • Speaker #4

    D'une part et d'autre part, il y a un risque iatrogène à l'hospitalisation également. Nous, on le voit particulièrement avec mes collègues dans l'unité d'hospitalisation pour adolescents. Je ne sais pas si tu as la même expérience, mais des hospitalisations chez certains adolescents vont parfois aggraver la symptomatologie, la chroniciser. On parlait de la question de la chronicisation et donc la question de la... prise au sérieux, si j'ai bien compris votre question, du propos du patient, ne va pas forcément conduire à jouer la carte hospitalisation à 100%. Ça va dépendre de nombreux facteurs, bien sûr des places, mais ça c'est un autre aspect. Hélas, hélas, et aussi économique, mais également vraiment de l'intérêt du patient.

  • Speaker #1

    On a une question au fond de la salle.

  • Speaker #7

    Oui, bonsoir. Je voulais vous poser une question par rapport à la délinquance des majeurs. Moi, j'ai été amené à voir de nombreuses audiences pénales, que ce soit des audiences criminelles ou des audiences correctionnelles. Et très souvent, je ne dis pas que c'est tout le temps le cas, mais très souvent, les auteurs d'infractions, donc on est vraiment dans le cadre d'un passage à l'acte pour le coup, les auteurs d'infractions, ils ont énormément de difficultés à reconnaître les faits. Même quand ils sont filmés, même quand il y a énormément de preuves matérielles, ils ont énormément de difficultés à reconnaître les faits. Et je pense par exemple à une personne dans le cadre d'une audience d'assises publiques, un auteur d'infraction, il avait expliqué qu'il avait acheté une machette pour décorer le salon par exemple. Donc dans ce cas-là, la cour généralement... accueillent ces déclarations. Ils sont très énervés. Ça a du mal à passer dans une cour d'assises, ce genre de déclaration. Et donc, la question que je me pose, c'est comment expliquer la non reconnaissance des faits, même si les faits sont matériellement visibles ? Et comment expliquer ça ? Comment amener l'auteur d'une infraction dans ce cas de figure-là, comment l'amener à la reconnaissance des faits, comment on peut accéder à sa psyché pour qu'il y ait une reconnaissance ou au moins un début de travail intellectuel et d'introspection par rapport aux faits.

  • Speaker #1

    Alors là, vous êtes tous compétents, tous les trois, sur ce sujet-là. Mais bon, la question pudiquement est celle dans le langage commun du déni et de l'acceptation d'un regard sur la violence de sa propre violence.

  • Speaker #4

    Pour commencer la réponse, je vois deux situations un peu différentes. Soit effectivement là où pour le sujet auteur de l'infraction, reconnaître qu'il a été l'auteur d'infraction. C'est narcissiquement trop coûteux, ça le met en position de soumission, il n'a pas la capacité à la culpabilité, on a bien compris, il n'a pas la capacité non plus à reconnaître du coup son erreur, parce que dans son économie psychique, ça ne fonctionne pas. Il est encore en mode de je dois être dans cette position de toute puissance qui me permet de surnager Deuxième possibilité,

  • Speaker #0

    C'est d'autres formes de passage à l'acte, où je vois, que je peux avoir en suivi pour des injonctions, des obligations de soins, c'est des personnes qui ne se considèrent pas comme étant coupables parce qu'ils vont justifier leur action parce qu'ils étaient victimes. Ils étaient victimes d'un préjudice et ils ont agi violemment pour se défendre. La justice ne le reconnaît pas dans ce sens-là, mais eux, subjectivement, ils ne sont pas auteurs, ils sont victimes en fait. Et donc... On est sur une autre forme de position subjective. Il va falloir aller travailler. Alors ça va être compliqué à déconstruire parce qu'il va falloir aller accéder à ça et surtout travailler face à une autre situation similaire, éviter qu'il y ait une récidive. C'est surtout là l'enjeu, toujours cet enjeu éthique de la prévention quelque part.

  • Speaker #1

    Oui, je crois qu'il y a un troisième cas de figure et à mon avis c'est le plus fréquent. Et c'est pour ça que je suis... pour ne pas enlever l'excuse de minorité. Dans un nombre non négligeable de cas, il y a une totale conscientisation des faits. C'est un mensonge cousu de fil blanc. C'est celui d'un enfant qui a été pris les mains dans le Nutella, qui a la bouche qui est totalement barbouillée et qui dit que ce n'est pas lui. Je préfère cette innocence infantile à celle d'un certain nombre d'hommes politiques qui disent que c'est moi qui l'ai fait, mais ce n'était pas moi quand je l'ai fait. Parce qu'ils sont conscients.

  • Speaker #2

    Et des fois, c'est le poisson rouge qui a tout mangé. Est-ce qu'il y a encore une ou deux dernières questions ? Et après, je passerai la parole à l'ensemble de mes collègues pour qu'ils formulent un mot de conclusion.

  • Speaker #3

    Alors, ce n'est pas une question. C'est, comme dirait Israël Nizan, une petite vignette politico-clinique. C'est pour un petit peu compléter ce qu'avait dit l'intervenante là tout devant au premier rang, puisqu'il se trouve que je baigne personnellement dans une ambiance, on parle beaucoup de cela, puisque une de mes filles travaille avec Guillaume Cordon dans son équipe et une autre travaille dans un service d'aide à l'enfance. Donc, elles sont au premier rang et... De quoi on parle autour de la table ? C'est des énormes difficultés politiques, pardon, financières, qui ont tous ces services pour prendre en charge les enfants. Et donc, notre éthique sociale, ce n'est pas une question, c'est une remarque. Si on veut parler d'éthique, notre société ne s'occupe pas des adolescents, on va dire, ou près d'un incant, ou en énorme souffrance psychologique, elle ne se donne pas les moyens. Et je pense que les gens autour de cette table Le savent et peut-être si on veut faire une petite conclusion sur l'éthique par rapport à ce sujet, c'est que notre société ne se donne pas les moyens financiers et les moyens en équipe, en personnel, pour essayer d'aborder ce problème dans la souffrance de ses enfants. Il n'y a pas de réponse suffisante de ce côté-là. Je pense que M. Corduon pourra un peu confirmer.

  • Speaker #2

    Alors le forum sert aussi à ça. On va tenter chacun un mot de conclusion, un rebond à la remarque ou sur autre chose, quelque chose que vous voulez rajouter. David, on te laisse commencer ?

  • Speaker #4

    Pour terminer, je pense qu'il faut faire évidemment l'éloge des nuances, rappeler que tous les actes de la vie peuvent être profondément ambivalents, d'une très grande complexité, qu'on n'a jamais réponse à tout et qu'il faut plutôt avoir question à tout. C'est un peu comme ça que j'ai toujours vu la sociologie ou l'anthropologie, avoir question à tout.

  • Speaker #2

    Je suis un garçon basique, on va passer la parole à ton voisin, donc Gilles.

  • Speaker #5

    Pour sortir de ce qui a été mon expertise, mais faire écho à ces enjeux sociétaux et dire que ce qui vient nous interpeller dans un certain nombre de passages à l'acte dont sont porteurs les jeunes et les adolescents, viennent questionner des choix sociétaux forts. On est dans un moment de dilution sur... Les réponses qu'on peut y apporter, que ce soit des réponses de type économique, juste parce qu'on va retirer des allocations familiales aux parents des adolescents qui posent certains problèmes. On va résoudre les choses. Il y a des enjeux très forts pour l'avenir.

  • Speaker #2

    Guillaume.

  • Speaker #0

    Je suis plus au dépourvu là. Non, je peux rejoindre les propos qu'on vient d'avoir. Et ça aurait été vraiment intéressant de poursuivre sur ces réflexions. Et je me dis que oui, comment redonner ce sentiment assez aux générations futures, on va dire, d'avoir cette capacité à agir sur le réel ? Alors qu'ils soient les plus vulnérables ou tout un chacun. Comment se sentir capable d'agir ? Je pense que c'est... Ça rejoint, je ne sais plus qui évoquait la question du sens, David t'évoquais ça, fabriquer du sens. Et je repensais en même temps à un livre de Sébastien Belair, Où est le sens ? Il questionne justement cet enjeu de société de remettre du sens là où vraisemblablement les grands sens politiques et mystiques qui géraient les sociétés préalablement avaient tendance à disparaître. Et comment recréer... du sens à l'échelle collective. Je pense que nous en avons tous besoin, et particulièrement les jeunes générations. Ce sens, on peut le trouver à différents endroits. Je pense qu'un des aspects, c'est celui qui me vient à l'esprit, l'enjeu principal qui me vient à l'esprit, c'est celui de la survie, la survie de la vie sur Terre, avec les questions écologiques. Je pense que ça, c'est une dynamique de sens qui peut porter les futures générations.

  • Speaker #2

    Maurice, le mot de la fin ?

  • Speaker #1

    Moi, je crois que la rencontre avec un médecin est toujours un événement. Et que là, ce n'est pas simplement un rendez-vous de consultation, c'est un événement. Ce n'est pas pour valoriser particulièrement le métier, bien qu'il en ait besoin, le métier de psychiatre. Mais la rencontre avec un psychiatre, c'est un grand événement. Pour une raison simple, c'est que l'adolescent, l'enfant... à des idées un peu très organisées, des fantasmes quant au fait que ce sachant-là va dire s'il est fou ou pas, s'il est aliéné ou pas. C'est ça le grand danger. C'est pour ça qu'ils viennent à reculons. Et si c'est un événement, il faut être à la hauteur. C'est-à-dire qu'il faut que ce gosse trouve à qui parler. Quelqu'un qui l'écoute, qui le contienne, qui le limite et aussi qui très vite ne le réduit pas à ses symptômes. ou à ses syndromes ou à sa maladie. C'est-à-dire qu'il lui accorde, comme à tout un chacun, comme à un frère humain, une liberté, y compris quant à ses actes. Et par rapport à la question du suicide, ça a été dit, il est très important d'évoquer les idées suicidaires, les risques de passage à l'acte, de ne pas en avoir peur. Ça fait partie du tragique de la vie. L'autre élément très important pour éviter le passage à l'acte suicidaire, c'est de ne pas laisser entendre au patient que ce psychiatre qui n'est pas n'importe qui et qui peut l'interner pourrait avoir une maîtrise sur sa mort. Donc laisser la possibilité au sujet d'avoir une liberté libre, y compris avec des risques, c'est une prévention du suicide. Lui laisser penser qu'on a toute possibilité de maîtriser et sa vie et sa mort, c'est le faire aller vers un chemin où il va vous prouver le contraire. Merci beaucoup.

  • Speaker #2

    Aurélien, on arrive à la fin de ce forum. Voilà,

  • Speaker #6

    je vais vous demander de retarder encore un tout petit peu vos applaudissements pour cette table ronde qui était très enrichissante. Moi, à chaque fois que je vous écoute, je me dis que même si les sujets sont parfois graves ou difficiles, on a toujours de la joie à apprendre. Et c'est ce qu'on retrouve peut-être chaque année dans le forum, même si les thématiques peuvent nous donner l'impression qu'on va sombrer dans le pessimisme. Mais finalement. retirer quelque chose de ce qui est dit. Ça nous permet de voir plus loin et d'éclaircir un petit peu l'horizon. Le forum, ça passe toujours en un claquement de doigts, mais il y a beaucoup de travail en amont et surtout beaucoup de personnes qui rendent le forum possible. Donc je vais prendre quelques instants pour les remercier. Et je vous remercie, vous, par avance de votre patience et des applaudissements que vous leur réservez. Tout d'abord, un immense remerciement pour l'ensemble des partenaires du contrat TRIENAL Strasbourg, capitale européenne. Ce sont... qui nous permettent de financer le forum. Et depuis le début de l'aventure, la préfecture de la région Grand Est, la région Grand Est, la collectivité européenne d'Alsace, l'euro-métropole de Strasbourg et la ville de Strasbourg. Mais nous avons également cette année de nouveaux partenaires, l'Agence régionale de santé Grand Est, la Fondation de France et l'une de ses fondations imbritées, Ethikia, le Crédit agricole Alsace-Vosges. Tous ces partenaires nous permettent de vous faire bénéficier d'un forum européen de bioéthique qui est... gratuit. Nous remercions également tous les intervenants qui ont participé à cette 15e édition, c'est-à-dire le Conseil de l'Europe, l'Association des parlementaires européens, l'Université de Strasbourg. de Lorraine et notamment la chaire Jean Monnet UbiOethics, les hôpitaux universitaires de Strasbourg, le comité consultatif national d'éthique et le comité national pilote d'éthique du numérique, la conférence nationale des espaces de réflexion éthique régionaux, l'ensemble des espaces régionaux de réflexion éthique, l'INSERM, les DNA du groupe Ebra, les magazines cerveau et psycho, pour la science, le journal Libération, Arte, France 3 Grand Est, France Bleu Alsace, Radio Judaïca, la librairie Kleber, les bibliothèques idéales. le club de la presse et l'agence culturelle Grand Est. J'ai presque fini, mais c'est presque le plus important. Toutes ces personnes qui permettent de faire en sorte que le Forum européen de bioéthique existe chaque année. Tous les membres du conseil scientifique dont certains sont présents ici, qui nous aident à confectionner et qui nous aideront à confectionner le prochain. Donc le conseil scientifique et son président, évidemment, le fondateur du Forum européen de bioéthique, j'ai nommé Israël Nizan, sans qui rien ne serait possible. Maud Nizan qui a consacré des heures, des nuits pour préparer les tables rondes et nous aider à organiser ce forum. Raphaël Bloch, la cheville ouvrière, qui est le chef organisateur, qui nous permet de faire vivre, d'organiser et de voir plus loin avec le forum pour les années à venir. Les équipes de Boulevard des Productions qui sont nos partenaires depuis le tout début, qui ont énormément d'expertise et qui sont toujours au rendez-vous. Les équipes de Goodway qui ont conçu l'affiche, qui animent les réseaux sociaux, les équipes de collectivités partenaires qui nous ont accompagnés. Merci à tous les orateurs qui sont intervenus. Merci au public qui s'est déplacé en nombre et on est vraiment ravi de les avoir à nos côtés, de vous avoir à nos côtés. Vous pouvez nous retrouver sur le site le forum européen de bioéthique.eu pour retrouver cette 15e édition, les 14 éditions passées, le podcast qui est également disponible et qui sera disponible pour toutes les tables rondes qui sont déjà passées. Et il ne me reste plus qu'à vous souhaiter. une bonne continuation et de vous retrouver l'année prochaine pour une nouvelle édition. Merci à tout le monde.

  • Speaker #2

    Attendez avant d'applaudir. Attendez. Ou alors vous allez réapplaudir une deuxième fois parce qu'il y a une personne qui ne l'a pas cité parce qu'il est bien élevé. C'est Aurélien Benoît lui même. Voilà. Et pour être complètement complet. Israël Nizan est venu me voir jusqu'à tout à l'heure en disant on va remercier tous les deux Auréliens. Donc voilà, il y a de la transmission et c'est une excellente chose.

Description

Forum Européen de Bioéthique 2025 : Santé mentale et bioéthique


Le passage à l'acte


Le passage à l'acte, qu'il s'agisse de violence envers soi-même ou envers autrui, est une manifestation dramatique des troubles mentaux. Quels sont les facteurs de risque et comment pouvons-nous prévenir ces comportements ?


Avec :


Gilles Bertschy, Professeur de psychiatrie, Chef de service aux Hôpitaux universitaires à Strasbourg


Maurice Corcos, Psychiatre, Psychanalyste, Chef de service du département de Psychiatrie de l'Institut Mutualiste Montsouris - Paris


Guillaume Corduan, Psychiatre, Pédopsychiatre aux Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, au DITEP Les Mouettes, Médecin coordonnateur de la Maison Des Adolescent du Bas-Rhin et du Réseau VIRAGE (dispositif de prévention des radicalisations violentes), Expert auprès des tribunaux


David Le Breton, Professeur émérite de sociologie à l’université de Strasbourg, Membre senior de l’Institut Universitaire de France,

Titulaire de la chaire « Anthropologie des mondes contemporains » de l’Institut des Études Avancées de l’université de Strasbourg (USIAS)


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Transcription

  • Speaker #0

    Bonsoir à tous, bienvenue pour cette dernière session du Forum européen de bioéthique qui a pour thème cette année la santé mentale et la bioéthique. Je vais tout de suite laisser la parole à Grégoire Moutel, médecin légiste bioéthicien qui travaille avec nous, qui est au conseil d'administration, au conseil scientifique et qui nous accompagne au Forum européen de bioéthique depuis le tout début. Grégoire, je te laisse la parole. Merci Aurélien et c'est avec grand plaisir que je vais animer cette table ronde qui est la dernière de ce formidable forum. Mais j'ai envie de dire comme tous les formidables forums précédents. Donc je remercie également les organisateurs Aurélien, toutes les équipes, Raphaël, Israël Nisan et j'en oublie et je m'en excuse pour tous ceux que j'oublie ici présents. Alors le sujet qui nous réunit ce soir n'est pas un sujet simple puisque c'est un sujet dont vous entendez des fois parler. par voie médiatique, comme un slogan. On pourrait dire le passage à l'acte, c'est un slogan. Dans le service que je dirige, je vous donne cette petite histoire introductive. Et après, je passe la parole aux éminents experts ici présents. Il y a des femmes victimes de violences qui me disent il va passer à l'acte. En parlant de l'auteur, on ne sait pas ce qu'il y a derrière ce mot. Plein de choses. Et puis, quand ces femmes vont mal. Les frôles, des fois, malheureusement, elles passent à l'acte suicidaire, elles passent aussi à l'acte. Donc vous voyez que déjà sur ce versant, auteur, victime, passage à l'acte, c'est un premier sujet. Le deuxième sujet, souvent, c'est on dit il y a un risque de passage à l'acte, et dans la société on se dit est-ce qu'on peut prévenir finalement, repérer, prévenir. Et peut-être que c'est là qu'on touche aussi à la bioéthique. De temps en temps, on se pose la question de la privation de liberté d'un être potentiellement dangereux, pour lui-même ou pour autrui. Et faut-il priver de liberté de manière préventive alors qu'il n'a encore rien fait ? C'est un débat que les politiques portent souvent. Et puis autre regard qui va m'inviter à me retourner vers les spécialistes de la table ronde, c'est que souvent on évoque la question du pourquoi, qu'est-ce qui se passe comme mécanisme. Donc là je suis entouré d'éminents psychiatres parce que c'est un sujet souvent confié aux psychiatres et ils ont besoin de nous éclairer sur ce versant-là. Et pourquoi il y a un panel ? Parce que vous verrez qu'il y a un panel aussi De l'enfance jusqu'à l'âge adulte, tout le monde peut passer à l'acte à des moments différents de sa vie, de son âge. Et puis nous avons la chance également d'avoir David Le Breton, le sociologue éminemment émérite de Strasbourg qui nous accompagne sur plein de sujets parce qu'il y a des actes signifiants autour de ce sujet-là, sur les individus, sur la société, le regard que l'on porte sur les actes signifiants dans le passage à l'acte. Je pense que David, on aura besoin de ton regard. Alors les trois psychiatres qui nous accompagnent aujourd'hui sont Gilbert Schick, professeur de psychiatrie et chef de service aux hôpitaux de Strasbourg, Maurice Corcos qui est psychiatre et psychanalyste et qui travaille à l'Institut Mutualiste de Paris, j'ai souvent croisé son chemin et ses réflexions, et puis Guillaume Corduan qui lui a un regard de pédopsychiatre, plutôt orienté sur la question de l'enfant et de l'adolescent, donc je pense que leurs regards croisés vont être captivants pour nous tous. Alors Maurice Corcos, on a décidé dans un... tirage au sort intellectuel de vous passer la parole en premier en se disant qu'un regard explicatif global pour que ceux qui sont dans la salle comprennent mieux les enjeux sera certainement enrichissant pour nous tous. Donc on te cède la parole.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup. Bonjour à toutes et à tous à nouveau. Merci à nouveau aux organisateurs pour cette invitation à venir réfléchir avec vous sur cette notion de passage à l'acte. Mon propos sur un sujet aussi vaste, c'est d'essayer de réfléchir avec vous sur la question du pourquoi et du comment de ces passages à l'acte. Évidemment, je ne vais pas... Pouvoir éviter la plaie qui menace tout conférencier, c'est celui de la généralité. D'ores et déjà, je veux vous dire que chaque cas est singulier, chaque individu est singulier, chaque histoire de cet individu est singulier, et donc chaque passage à l'acte est singulier, même si, et c'est peut-être ça la psychiatrie, c'est que si ce sujet n'est pas pris suffisamment à ton, s'il répète ses passages à l'acte, S'ils se chronicisent, alors tous les passages à l'acte finissent par se ressembler. L'anorexie n'existe pas, il existe des anorexies. La schizophrénie n'existe pas, il existe des schizophrènes, des troubles bipolaires, des transidentités. Mais si les choses s'installent sur la durée, si elles se chronicisent, si les passages à l'acte se répètent, si ces passages à l'acte en particulier auto-agressifs, suicidaires, qui ne sont pas anodins d'attenter à ces jours. Ou si le passage à l'acte meurtrier, tuer quelqu'un, ce n'est pas anodin. Ce passage à l'acte extrême, auto-agressif ou hétéro-agressif, change radicalement l'organisation de la personnalité du sujet. Toute la personnalité du sujet se réorganise autour de ce passage à l'acte et la chronicisation advient et le sujet, schizophrène, anorexique, toxicomane, finit par ressembler à son collègue d'à côté, schizophrène, toxicomane, anorexique. Donc, la capacité que l'acte a de s'auto-renforcer, s'auto-engendrer et réorganiser le sujet est quelque chose de fondamental et c'est ça qu'il faut éviter, cette chronicisation. Alors, avant d'évoquer ce qui est le champ de mon expérience, c'est-à-dire les adolescents, les adultes jeunes et les familles. N'oubliez pas que les pédopsychiatres s'occupent d'adultes puisqu'ils s'occupent des familles. Un mot sur le passage à l'acte névrotico-normal. Chez tout un chacun, vous comme moi, nous arrive de faire des passages à l'acte. C'est ce qu'on appelle des actes manqués, qui sont comme vous le savez, des actes réussis. Si vous oubliez vos clés chez quelqu'un que vous n'aimez pas et dont vous aimeriez revenir pour lui casser la figure, ou que vous aimez et que vous aimeriez revenir pour lui dire que vous l'aimez et que vous n'avez pas pu lui dire, vous avez fait un passage à l'acte qui vous permet de revenir. Ce passage à l'acte, attention, le passage à l'acte, acte manqué que je viens de décrire, ou le lapsus où vous dites quelque chose à la place de quelque chose d'autre, il faut bien comprendre cette chose essentielle que vous voulez dire les deux choses. Un, je veux revenir et je ne veux pas revenir. Ce que vous avez témoigné, c'est un compromis entre vos pulsions, votre désir et vos défenses. Puisqu'on est à l'actualité du consentement. Il y avait un assentiment à venir lui casser la figure ou lui dire que vous l'aimez, mais il n'y avait pas de consentement à le faire parce que vous avez un surmoi qui vous fait obéir aux lois et donc vous évitez ce passage à l'acte. Mais vous faites quand même un acte qui est ce compromis. Ce compromis n'étant ni l'endroit ni l'envers, mais l'endroit et l'envers en même temps. Et ça, on le fait tout le temps dans la vie parce que nous sommes tout le temps en conflit entre nos pulsions, nos désirs. et la réalité qui n'obéit pas particulièrement à satisfaire ses pulsions ou ses désirs. Chez nos adolescents difficiles, chez les adultes en proie à des passages à l'acte beaucoup plus massifs, intenses, brutales, impérieux, que ce soit, et alors c'est un point d'importance, que ce soit des passages à l'acte silencieux ou des passages à l'acte externalisés, bruyants. Je veux dire ici un point important, qui est une phrase de Winnicott que je reprends. Tant que ces adolescents bougent, tant qu'ils sont violents, tant qu'ils sollicitent l'extérieur, tant qu'ils testent le social, tant qu'ils le remuent, tant qu'ils le questionnent, tant qu'ils sont vivants. Si ces adolescents arrêtent d'être bruyants, d'être virevoltants, d'être dans le passage à l'acte, alors il faut s'inquiéter. Il faut s'inquiéter actuellement des adolescents qui sont... surtout après le confinement, dans le repli, le retrait ou le retranchement. Les ikikomorik, 1,5 million au Japon, avec un taux suicidaire de près de 15%, sont très inquiétants. Ceux qui se retirent du jeu social, du jeu relationnel, du jeu affectif, du jeu amoureux, du jeu sexuel, c'est qu'ils sont déjà engagés dans un processus de mort psychique silencieuse. Ceux-là, il faut aller les chercher. Leur demande n'est pas exprimée dans un passage à l'aide bruyant et a fortiori pas dans le verbe, elle est exprimée dans ce symptôme de repli de retrait. Il faut les désenclaver, désincarcérer. Les unités d'équipe mobile se développent un peu partout en France et vont tenter de désincarcérer des adolescents enfermés chez eux dans leur chambre devant Internet et qui n'ont plus de relation avec les autres. Venons-en maintenant au passage à l'acte de ces adolescents, de ces adultes en extrême difficulté qui font des passages à l'acte suicidaires. Je l'ai dit tout à l'heure, de plus en plus inquiétant dans leur radicalité. Plutôt défenestration, plutôt pendaison que simplement prise de médicaments. Plutôt automutilation extrêmement sévère que simple scarification. Il y a une certaine radicalité, une intensité qui témoigne de quelque chose d'important sur lequel je vais maintenant... évoquer deux trois choses. Quel est le sens que peut avoir ce passage à l'acte ? Il a un sens. Les psychiatres sont en quête de sens. On leur reproche même de projeter leurs propres idées, leur propre sens, alors que c'est une barbarie, c'est une sauvagerie, il n'y a rien à comprendre, il faut réprimer. Ça a un sens, mais pas celui qu'on croit. Et le sens qu'ont ces passages à l'acte, est un sens qui est toujours après coup, c'est-à-dire que le sujet et vous-même ne le comprenez qu'après ce passage. Quel est le sens de ce passage à l'acte ? Je parle des passages à l'acte extrêmes de ces adolescents difficiles, je ne parle pas des passages à l'acte mineurs. Dans la grande majorité des cas, ce que ça signifie, c'est que le sujet va très mal à l'intérieur de lui-même. Il va très mal, et là je suis obligé de schématiser, Pour deux raisons. La première, c'est qu'il est en proie à un chaos pulsionnel, pas simplement une question d'envers et d'endroit, j'y vais, j'y vais pas, une excitation extrême, pas qui se conflictualise, pas qui se conscientise, pas qui se représente, non, une excitation qui le déborde, et le passage à l'acte vise d'abord à calmer cette excitation. J'en veux pour preuve que le choix... puisque ça s'impose à lui plus qu'autre chose, mais qu'ensuite il y adhère ou pas, le choix du type de stratégie pour contenir ce passage à l'acte témoigne de la nature de cette excitation, de ces conflits pulsionnels qui le désaniment. Si vous interrogez un bon toxicomane, il va vous expliquer pourquoi il faut préférer la kétamine, la cocaïne, l'ecstasy ou un certain nombre de produits chimiques sur Internet pour favoriser une reprise d'exaltation des... parce qu'il est plutôt désanimé, plutôt ralenti. S'il vous dit qu'il prend de l'héroïne, il vous expliquera très bien pourquoi. Il veut fixer au contraire quelque chose qui est un chaos pulsionnel, qui le désorganise plutôt que simplement une anesthésie qu'il voudrait réanimer avec des amphétamines ou de l'ecstasy, etc. Même chose dans les troubles de l'humeur. Mon ami et mon collègue l'a évoqué hier ou avant-hier sur cette question de la gestion par les troubles bipolaires. de l'idée qu'ils se font de comment s'arranger avec ce biologique qui les exalte ou qui les ralentisse en fonction de la gestion de son traitement médicamenteux. Donc je veux insister sur le fait que ce qui est le sens de ce passage à l'acte, c'est qu'il est hors sens ou non sens. Ce sujet est en proie à une excitation débordante dont il ne sait pas quoi faire et qu'il calme par un passage à l'acte toxicomaniaque qui calme son excitation. à avoir cette stratégie défensive par un passage à l'axe suicidaire qui organise un court circuit pour que cette excitation ne le désorganise pas. Mais dans d'autres cas, ce n'est pas le chaos qu'il prend, le chaos pulsionnel, mais plutôt le néant, la néantisation. Ça a été évoqué aussi par un collègue hier, d'un point de vue plutôt neurologique, sur les états de stress post-traumatiques, où il avait très bien montré ce que les cliniciens observent, c'est que si le sujet... a l'air résilient, c'est-à-dire qu'il ne réagit pas aux sollicitations alors qu'il a été traumatisé, contrairement à d'autres. C'est parce qu'il a éteint, d'un point de vue neuroanatomique, son cortex profondal, son hippocampe, qui ne répond pas, qui ne s'allume pas, mais qui, d'un point de vue clinique, correspond à une défense par anesthésie, par insensibilisation, dont on sait qu'elle est efficace. dans les médias, mais qui à court terme, évidemment, l'appauvrit puisqu'il n'entre plus en relation, il ne répond plus à aucune sollicitation, car toute sollicitation peut faire revivre cette expérience traumatique. Alors, le psychothérapeute qui s'intéresse à ce qui se joue en amont de ce passage à l'acte, et dont je répète que ce n'est pas une histoire passée qui se reproduirait là, dans une conversion signifiante que le passage à l'acte pourrait révéler, mais plutôt que le sujet est en train de chuter, un peu comme les schizophrènes qui délirent. On a un certain nombre d'auteurs, on pensait que la nature de ce qui était exprimé dans le délire de grandiosité ou d'érotomanie ou de ce que vous voulez, pouvait avoir un sens par rapport à l'histoire ancienne du sujet et qu'on pourrait faire le lien. La plupart du temps, on remarque que tous ces patients délirent tous de la même façon et que ce délire de grandiosité auquel ils se rattachent, c'est pour se soutenir par rapport à un sentiment de dévalorisation, d'échec ou de néantisation. C'est donc un compromis contre. un sentiment de vacuité interne important. Une fois que vous avez compris ce qu'est la fonction économique du passage à l'acte, court-circuiter un chaos pulsionnel qui désorganise, réanimer un sentiment de vacuité, ça n'est pas fini. Il va falloir essayer de trouver, si vous avez une attention portée à votre patient, et si vous considérez que ce passage à l'acte, ici et maintenant, Dans cette situation particulière que le patient présente, une séparation amoureuse qui lui fait faire un acte suicidaire, si vous considérez que ce passage à l'acte, ici et maintenant, est une réminiscence ou une reviviscence, une réactivation d'une expérience antérieure autrefois ailleurs, et en particulier dans l'enfance, si cette séparation qu'il a désorganisée, qu'il a obligée à faire un passage à l'acte suicidaire, n'est peut-être que la réactivation d'une première séparation dans l'enfance avec des objets importants pour lui, son environnement parental, alors vous allez travailler sur le fait que ce sujet, et c'est un point d'importance, dans l'acte vous communique quelque chose. Pas sous une forme de représentation, pas sous une forme vermale, c'est ce qu'on appelle une communication primitive en acte. Il vous témoigne qu'il chute aujourd'hui. comme autrefois ailleurs. Et si vous faites un lien entre cette expérience de séparation à l'adolescence, l'expérience de séparation amoureuse, de déception, et souvent le mode d'entrée dans un passage à l'acte, si vous faites ce lien de la reviviscence, d'un abandon, chez ce patient eu égard à ce qui s'est joué dans son enfance, vous pouvez créer un pont. Un pont qui relie, qui donne un sens à ce qui s'est passé aujourd'hui, et qui différencie. Le pont... C'est ce qui relie et qui différencie. Et donc vous travaillez la fonction économique du symptôme en même temps que le sens qu'il peut avoir été celui du sujet. Deuxième élément d'importance que je veux souligner de manière générale dans les passages à l'acte. Mais c'est un élément compliqué. Donc je vous demande de l'entendre et ensuite pourquoi pas de le discuter parce qu'il est discutable. Ça a été évoqué tout à l'heure aussi, bon, vous êtes gentils, les passages à l'acte hétéro-agressifs, il faut quand même les réprimer. On ne va pas continuer à avoir ces adolescents qui tuent alors qu'ils sont de plus en plus jeunes pour un portable. Ça n'est pas possible de continuer à accepter, à tolérer ça, sûrement, et qu'il faut qu'il puisse y avoir une sanction, sûrement. Mais si vous me suivez sur une idée centrale et si vous reprenez les cas qui ont été évoqués, si... Vous voyez bien que tout ça n'a pas vraiment beaucoup de sens, enfin que ce n'est pas une histoire de portable, c'est une autre histoire dont il s'agit. L'histoire d'adolescents qui sont en proie à ce chaos pulsionnel ou à ce vécu de vacuité, de néantisation, c'est-à-dire qui ont la mort en eux et qui font quelque chose qui est très humain et qui est vrai dans tous les passages à l'acte, c'est que vous avez intérêt à haïr quelqu'un à l'extérieur. si vous ne voulez pas vous tuer. Vous avez intérêt à trouver une personnalité à l'extérieur sur qui projeter ce sentiment de vide qui est en train de vous désorganiser. En fait, le passage à l'acte hétéro-agressif extérieur, dans la grande majorité des cas, n'est pas maniquer un pervers pour chercher à voler un portable ou tuer quelqu'un plutôt qu'un autre. Il s'agit dans la grande majorité des cas, chez ces adolescents, je ne parle pas de tout le monde bien sûr, d'un sentiment de mort psychique qui est en train de les habiter, qui sont obligés de défléchir en partie à l'extérieur pour sauver leur peau. Si vous écoutez un certain nombre de grands artistes qui ont pu avoir des histoires limites et qui ont fini plutôt mal, ils vous raconteront ça beaucoup mieux que moi. Je vous invite à écouter les chansons d'Alain Bachung qui évoquent Cette nécessité de se faire sauter le caisson, le conteneur, parce qu'il ne contient plus rien et que c'est lui qui est obligé de faire un incendie volontaire, sinon ce conteneur va exploser. Je vous remercie de votre attention.

  • Speaker #0

    Merci Maurice. Je vous avais annoncé un kaléidoscope complémentaire. Donc on va se retourner vers Guillaume Cordian. Guillaume est pédopsychiatre aux hôpitaux universitaires de Strasbourg avec un focus dont je pense qu'il va nous dire quelques mots sur la question de la radicalisation violente des plus jeunes dans la société, des adolescents en particulier. Je pense que ça va être un complément utile aux propos de Maurice à l'instant. Donc Guillaume, on te laisse nous éclairer.

  • Speaker #2

    Merci, bonjour à toutes et à tous. Alors je ne vais pas vous parler uniquement de radicalisation violente ce soir, même si ça va être une partie de mon propos, du fait de mes pratiques depuis quelques années, mais avoir un focus effectivement sur les passages à l'acte violent chez les enfants et les adolescents. Alors c'est sûr que quand on parle de passages à l'acte violent en psychiatrie, on a souvent à l'esprit celui du délirant qui prie. d'injonction hallucinatoire pourrait s'en prendre au quidam dans la rue et hélas on entend parler de ça dans les journaux de temps en temps pour autant je voudrais prendre quelques minutes ici pour vous parler de violences bien plus fréquentes et qui vont certainement reprendre énormément de points que Maurice Corcot s'évoquait juste avant mais pour introduire en premier lieu mon propos je voulais citer un autre psychiatre qui est pas là forcément... un ancien psychiatre, Frantz Fanon, décédé, et qui en 1952 écrivait dans son livre Peau noire, masque blanc, que selon lui, la violence peut être entendue comme, je cite, un moyen de guérir la dépression et l'identité blessée des opprimés en les transformant en désir de vie. En désir de vie, ça rejoint ce qu'on évoquait juste avant. Alors... C'est une phrase qui m'a interpellé et que j'entends comme finalement le passage à actes violents serait ainsi une défense, une lutte contre la passivité. Ce serait une reprise brutale de son sentiment d'agentivité, c'est-à-dire cette capacité à agir sur le réel. Et c'est en effet ce qu'on observe en clinique psychiatrique de l'enfant et de l'adolescent. Alors que ce soit au réseau virage, le dispositif qu'on a créé il y a quelques années sur la question des radicalisations violentes dans le Grand Est, que ce soit à l'ITEP, du médico-social, où on s'occupe d'enfants et des troubles du comportement, ou que ce soit en détention, en expertise ou même aux urgences, en lien avec les dynamiques suicidaires dont on parlait tout à l'heure. Et pour reprendre un des termes que tu employais juste avant, Moïse, je vous propose aujourd'hui d'explorer un pont. En 10 minutes, on peut difficilement être exhaustif, mais un des ponts que je vous propose aujourd'hui, c'est celui de la violence précoce que nombre de ces enfants et adolescents ont vécu. Violence traumatique, enfin, passivation traumatique, on pourrait dire, à travers des violences psychologiques, physiques, sexuelles, associées à de fréquentes dynamiques de soumission dans ces familles. Ils ont ainsi appris précocement un rapport aux autres basé sur une dichotomie stricte entre être soumis ou soumettre. Il n'y a pas d'intermédiaire, c'est soit l'un soit l'autre. Et ce dilemme, il est présent dans la plupart des situations de passage à actes violents dont je vais vouloir vous parler maintenant. Cette passivation a d'ailleurs été mise en lumière récemment par les travaux d'une consoeur, le docteur Julie Balzer, qui dans son travail en éthique du soin auprès d'enfants placés à l'aide sociale à l'enfance, a pu mettre en évidence ces dynamiques de passivation dans leur parcours de vie. Alors c'est vrai, certains auteurs de violences ont pour objectif une domination perverse, une domination sociale, que ce soit à l'échelle duelle, dans une rencontre fortuite, ou dans le couple, on parlait des violences conjugales tout à l'heure. Ça peut être également dans un groupe plus large, comme on peut le voir dans certaines dynamiques de harcèlement scolaire, ou dans la société dans son ensemble, où l'expression, les manifestations perverses de dictateurs ou de mégalomanes de la tech. peuvent s'exprimer pleinement. Mais ce n'est pas de ça dont je vais vous parler aujourd'hui. C'est... Réellement, le fait que la plupart des passages à actes violents qu'on observe en clinique se situent subjectivement, c'est-à-dire pour l'auteur de ces violences, en défense face au risque de passivation. Autour d'une formule que j'entends souvent, il faut que ça s'arrête. Alors le ça est multiple, et je vais vous donner cinq petits exemples d'illustrer ce qu'est-ce qui doit s'arrêter à ce moment-là et qui nécessite. cet agir violent. Alors le premier point, on l'évoquait juste avant et je crois que Gilles tu en parleras également, c'est la question suicidaire. Parce que ce qui doit s'arrêter en premier lieu se situe en soi-même, c'est le vide, cette vacuité dont on parlait, c'est la souffrance narcissique que l'adolescente suicidaire entreprend de faire disparaître dans le seul agir qu'elle perçoit comme encore possible, se faire du mal. À ce titre, quelques chiffres pour vous donner une idée. Entre 2010 et 2022, on évalue à peu près une augmentation de 190% des tentatives de suicide chez les adolescentes. Ce qui nous amène en 2022 à une proportion d'environ 20% des lycéennes qui déclarent avoir fait une tentative de suicide. Ça c'est le premier... Point, le passage à actes suicidaires. Le deuxième exemple de il faut que ça s'arrête correspond peut-être à ce qui avait été évoqué à la séance d'avant, j'y étais pas donc j'ai pas pu entendre, c'est cette question des passages à actes violents qui surgissent au décours d'un événement vécu comme une ultime humiliation, à savoir le refus, le désaccord ou même un simple regard dans la rue. qui peut suffire dans ces situations où finalement seul le sentiment de toute puissance de l'adolescent lui permet d'éviter cet effondrement, ce chaos dont tu parlais tout à l'heure. C'est typiquement la phrase, comme disait Mardi, un jeune homme que je suis en obligation de soins pour des actes violents, notamment face à des personnes dans la rue. Il disait je vois noir quand c'est comme ça, on me regarde mal, on me parle mal, je vois noir et à ce moment-là tout est possible, je cogne et il n'y a plus rien qui m'arrête et quelles que soient les conséquences, de toute façon les conséquences, j'y pense qu'après Alors c'est sûr que dans ces situations-là, l'impulsivité qu'on peut retrouver dans les troubles déficitaires de l'attention, je me tourne vers toi Gilles, est clairement un facteur de risque, d'aggravation du risque de passage à l'acte. Et d'ailleurs on n'a pas obligé d'avoir une personne en face de soi. Pour être dans ce type de passage à l'acte, c'est typiquement le coup de poing dans le mur qui donne ce que nos collègues chirurgiens appellent la fracture de l'abruti. Ce n'est pas très joli, mais c'est comme ça qu'ils l'appellent, avec la fracture du cinquième méta en tapant le poing dans le mur. Voilà, c'est passage à l'acte, donc vécu comme des attaques au narcissisme. Troisième situation, c'est celle que vous évoquiez dans l'introduction, c'est celle que j'observe dans les dynamiques de radicalisation. Ce sont ces passages d'actes violents qui se manifestent quand l'autre finalement n'est que la surface de projection d'une haine qui a été soigneusement alimentée par des discours identitaires radicaux. La violence alors n'est finalement que la manifestation d'une exaltation, d'une toute-puissance qui est offerte par la cause, alors la cause quelle qu'elle soit, qu'elle soit religieuse, d'inspiration religieuse, d'inspiration... racial ou nationaliste, peu importe. Et dans ces situations-là, on peut les accompagner après, là c'est un passage à l'acte, mais la question de surtout les accompagner en prévention du risque de passage à l'acte est une question hautement éthique et on en parlait en introduction et je pense que ce sera peut-être un des sujets de réflexion tout à l'heure. Quatrième situation, c'est des situations où il n'y a pas forcément de haine. C'est certaines situations d'agression sexuelle chez des adolescents qui finalement nous décrivent une absence d'autres. Ils vont s'attaquer sexuellement à quelqu'un, mais ce quelqu'un, il n'existe pas. Leur objectif finalement, c'est avant tout la résolution de cette pulsion sexuelle qui les déborde.

  • Speaker #0

    qui rend leur intérieur psychique totalement chaotique et qui les rend incapables de réaliser ce qu'ils sont en train de faire à cet autre qui n'existe pas, qui n'est pas subjectivé, qui n'est pas différencié, qui n'est pas sujet en face d'eux. Et là, tout le travail thérapeutique, ça va être justement de réintroduire cet autrui dans la victime pour éviter la récidive. Cinquième temps... type de ça, dans le il faut que ça s'arrête c'est la question de la réviscence, la réactivation directe de cette passivation traumatique originelle. On peut l'observer, typiquement, en expertise, on peut le voir, vous en entendez parler dans les journaux aussi, je pense, c'est, titre d'exemple, j'ai entendu ça récemment, un jeune homme introverti, qui brutalement, en pleine nuit, décide d'aller casser la gueule du beau-père qui maltraite depuis des années sa mère. Et je voulais terminer mon propos sur des passages à l'acte violent par, encore une autre catégorie, si on peut en parler comme ça, par refus de l'injustice de trop. Alors l'injustice, c'est un concept qui est plutôt compliqué, qui est multiforme, et qui ne va pas réussir à être déployé aujourd'hui. Certes, on peut le retrouver d'un point de vue psychopathologique dans les personnalités pathologiques dites sensitives qui vont ressasser leurs ressentiments autour d'un vécu de préjudice sub-délirant, voire complètement délirant pour certains. Mais, c'est de ça dont je voulais vous parler pour terminer mon propos introductif, c'est que force est de constater qu'il peut également y avoir, et là on est hors du champ de la psychiatrie, la manifestation... d'un vrai désir de vie, comme l'exprimait Fanon ou Winnicott, finalement la référence me va très bien également, ce refus finalement de l'injustice par l'agir violent, qui, ce qu'on observe, croit à mesure que l'on multiplie les perdants dans la société. Et alors là, on ne s'était pas mis d'accord tout à l'heure avec Maurice. Mais figure-toi que c'est aussi une citation d'Hachoum. Multiplier les perdants dans les sociétés, voilà des injustices qui favorisent hélas le terreau de certaines manifestations violentes que je mettrais de côté hors du champ de psychiatrie. Et donc c'est également le cas, à mon sens, quand on contraint les jeunes générations à subir, d'une certaine façon, les choix irresponsables et violents de leurs aînés. Je m'arrêterai là-dessus. Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Merci, Guillaume. Écoutez, vos deux propos. On a l'impression que vous ne parliez que des jeunes et des adolescents, mais ces jeunes et adolescents deviennent des adultes. Je ne sais pas, Gilbert, si c'est de ça dont tu veux nous parler, mais quelque part, il y a ensuite quelque chose qui se prolonge. quelque chose qui se manifeste de manière différente. Et donc voilà, s'il existe des spécialistes de la pédopsychiatrie, il existe aussi des spécialistes de la psychiatrie adulte, et ils n'ont peut-être pas le même regard, ou du moins un regard historiquement complémentaire au premier. Donc merci de nous éclairer.

  • Speaker #2

    Merci, merci bien, merci aux organisateurs pour l'invitation, bonsoir à tous. Je suis un spécialiste des troubles de l'humeur, et donc je vais parler de la question sur... surtout du passage à l'acte suicidaire. Mais en préambule, et pour faire le lien avec les thématiques qu'on vient d'évoquer, je rappellerai qu'il y a un autre enjeu dans le champ psychiatrique, le passage à l'acte hétéroagressif, dont on vient d'entendre chez mes collègues toute la complexité de ce qui peut se jouer en matière de déterminants qui ne sont pas forcément à proprement parler des maladies psychiatriques. mais qui sont des déterminants psychologiques et psychopathologiques et sociétaux. Pour rappeler que certes, il arrive et il continue d'arriver de temps en temps des événements tragiques qui impliquent des patients souffrant de troubles psychiatriques caractérisés, peut-être le plus souvent des troubles schizophréniques. Si on met de côté les problématiques d'addiction, qui sont aussi des facteurs importants dans la détermination du passage à l'acte violent, y compris chez des gens qui ne sont pas des malades psychiatriques, mais finalement, ces affaires tragiques... qui résonne énormément sur le plan médiatique chaque fois qu'il se passe quelque chose, qu'ont fait les psychiatres, pourquoi ce patient est sorti de l'hôpital, etc. ne représentent qu'une toute petite minorité des décès par assassinat, par meurtre. Et on finit par avoir dans notre monde, où on pense plus qu'en 140 signes, Ça représente un vrai danger pour la société. Nos patients, par exemple, souffrant de troubles psychotiques et schizophrènes, ils ont surtout un risque d'être victimes de violences et de l'agressivité des autres plutôt que d'être eux-mêmes des auteurs de violences. Pour en revenir à cette question du suicide, là aussi, je devrais être bref, dans un domaine où la nuance est forcément nécessaire. Il y a des suicides, il y a ce qu'on appelle des conduites autodommageables qui peuvent faire partie d'un système de régulation face à la détresse, face à ce qui est insupportable, auquel mes collègues ont fait allusion. Mais les choses ne sont pas forcément si binaires que ça. Il y a entre les deux tout un ensemble de conduites. Par exemple, des intoxications médicamenteuses volontaires, où il s'agissait bien de faire arrêter quelque chose, où la question de la volonté suicidaire n'est pas toujours absolument claire, mais au fond, c'est une sorte de risque pris pour interrompre l'insupportable. Et donc la question, quand on demande à un patient mais vous vouliez vraiment mourir ? n'est pas une question à laquelle il est si simple de répondre. Il ne reste que 9000... Une personne, en gros, meurt par suicide en France chaque année. 7% des Français ont déjà fait une tentative de suicide dans leur vie. Et c'est vrai que même si les choses ne s'aggravent pas en termes de nombre de suicides en France, on est face à une montée importante de la prévalence de la dépression, de l'anxiété, des idées suicidaires, des passages à l'acte. de toutes sortes, autodommageables ou suicidaires. Chez les adolescents et chez les jeunes adultes, il y a eu une très nette aggravation au moment de la crise Covid. Les choses ne vont plus avec un tel niveau d'aggravation, mais il n'y a pas eu non plus de décru pour le moment, d'où la saturation de nos systèmes de soins. Et on voit bien que ces jeunes adultes ne vont pas bien. En tant que psychiatre hospitalier, ça fait plusieurs décennies que j'exerce mon métier. Je vois bien que nos unités d'hospitalisation se rajeunissent. Il y a beaucoup de jeunes adultes que nous sommes obligés d'hospitaliser dans des cliniques qui sont complexes. Ou même les troubles de l'humeur classique, troubles bipolaires par exemple, sont toujours présents mais sont souvent intriqués avec des problématiques complexes, borderline, des troubles du neurodéveloppement, TDAH, troubles du spectre autistique, etc. des enjeux de transidentité par exemple aussi. Il y a donc vraiment quelque chose qui est en train de changer aussi à ce nouveau-là. Ce que je voulais aussi apporter comme éclairage, c'est finalement quand on s'arrête sur ce étonnant terme de passage à l'acte, on peut faire saisonner sur un plan des multiples sens qu'on peut donner à cette expression. Dans le passage, il y a aussi l'idée de... de quelque chose où on se faufile d'une voie de sortie qui, à un moment donné, peut être que la seule voie de sortie. Ils font résonner aussi des sens autour de l'idée que l'acte, c'est quelque chose d'actif, mais il y a en même temps quelque chose qui peut être passif, quelque chose où on glisse vers le passage à l'acte. Parce qu'il y a parfois de l'impulsivité, il y a parfois... Quelque chose a été construit pas à pas, sans interruption. Mais ma conviction comme clinicien qui a rencontré beaucoup de patients avec des conduites suicidaires, qui a perdu un certain nombre de ces patients qui se sont suicidés, pendant leurs soins ambulatoires, parfois même pendant leurs soins hospitaliers, c'est que la... La voie qui mène au suicide est une voie un peu en pointillé, faite d'aller et retour. On s'approche, on expérimente. D'où l'attention qu'on doit porter à quelque chose qui se commence, quelque chose qui se répète, quelque chose qui revient, et dont on ne doit pas se dire Oh, finalement, ça n'est que des répétitions, on peut être rassuré, ça n'ira pas plus loin Et les patients, ils vont jusqu'au bout à un moment donné de l'acte qui va être létal. Ils ont souvent fait ce chemin-là, dans cette direction-là, par étapes successives, puis des retours, mais au moment où ils vont passer à l'acte, c'est comme s'établissait une sorte de continuité de tous ces moments où ils ont déjà pensé à cela, préparé cela. Et préparer, c'est parfois les repérages des lieux où on va se précipiter, les moyens qu'on va utiliser, sa réserve médicamenteuse. la corde, l'arme à feu, etc. Et à un moment donné, tout devient comme une évidence. Je vais faire quelque chose que j'ai dans la tête depuis très longtemps. Et ça peut être comme ça, alors même qu'une heure ou deux plus tôt, dans l'interaction avec l'infirmière de l'unité, il y avait quelque chose qui semblait bien se passer et qui ne laissait pas présager que quelque chose allait... basculer ainsi. Mais au moment où le patient bascule, lui, il n'a plus aucun lien avec ce moment, une heure ou deux plus tôt, où il a pu échanger avec l'infirmière et où les choses semblaient pas si mal se passer. Il n'est plus connecté qu'avec la noirceur de sa souffrance, le caractère intolérable de tout cela et qui peut amener à ces gestes désespérés qui débouchent sur un suicide, qui se font parfois avec une violence Impressionnante quand il faut se mettre sur le passage d'un train ou se précipiter dans les hauteurs, ou sauter dans l'eau. Et cela, c'est quelque chose qui me paraît vraiment important. Enfin, je voudrais juste aussi pour terminer, revenir sur quelque chose qui est peut-être en train d'évoluer, mais on ne va pas faire un sondage dans la salle. Vous vous demandez... Si ce que je vais vous dire là vous surprend ou pas, les professionnels qui sont présents ici ne seront pas surpris. Mais c'est la question, est-ce qu'on peut parler du risque suicidaire ? Est-ce que si je parle de la question du suicide avec celui qui est en face de moi, qui ne va pas bien, je vais augmenter un risque de passage à l'acte ? Eh bien, il y a un consensus dans notre profession pour dire non. Au contraire, il faut demander à celui qui est face à nous, qu'on soit là comme amis, comme parents, comme médecins, infirmiers, soignants, etc. Comment vous vous sentez ? Vous vous sentez mal ? D'accord ? Jusqu'à quel point ? Jusqu'à quel degré de douleur intolérable ? Jusqu'à quel degré de désespoir ? Est-ce que cela... vous amène, t'amène à considérer que la mort serait la seule issue pour être soulagé de tout cela. Ne pensons pas que si on aborde cette question-là, on va augmenter le risque de passage à l'acte. Au contraire, notre interlocuteur va réaliser qu'on est capable de se représenter, que là où il en est dans sa souffrance, il peut être à ce stade-là, à ce point limite-là, et on peut réouvrir quelque chose, retendre un fil. lancer une corde sur laquelle on va pouvoir essayer de le réamarrer à quelque chose. Je vous remercie de votre attention.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup Gilles, je savais que le complément serait indispensable, il l'a été. Alors le légiste que je suis est bien modeste parce que j'ai entendu les gens de la psyché, moi je ne suis que l'acteur du corps. Est-ce qu'il de temps en temps me... Me rappelle au travail de David Le Breton, c'est justement ce rapport au corps et comment ce corps peut finalement parler, exprimer quelque chose autour de l'individu, mais quelque chose autour des faits de société, quelque chose autour des souffrances. Et David a beaucoup, beaucoup travaillé ces questions là. Et je pense que dans cette table ronde, la place du sociologue est tout à fait justifiée pour nous emmener sur un autre chemin. Donc, on te cède la parole avec bonheur.

  • Speaker #3

    Merci Grégoire. Alors l'anthropologie évidemment c'est toujours un pas de côté, c'est la pratique du détour comme disait autrefois Georges Ballandier, qui amène à dépayser des notions de sens commun, mais aussi des notions médicales ou psychiatriques qui sont parfois posées dans l'absolu. Surtout par ailleurs que l'anthropologie récuse de toute façon les étiquettes qui dépossèdent les acteurs de leur souveraineté, pour les traiter comme des figures. interchangeables. Par exemple, être un toxico, un anorexique, etc. Alors que, comme Maurice l'a rappelé tout à l'heure, il n'existe que des singularités et que le symptôme ne dévore pas le sujet dans sa totalité. Évidemment, le sujet, la personne qui a une pratique de toxicomania, qui a mille autres choses, évidemment, que son rapport aussi à la drogue. D'où ma position souvent de déconstruction du regard au regard des catégories psychiatriques ou médicales, ou en tous les cas de problématisation à leur égard. Et s'agissant de la notion de passage à l'acte, vu comme une sorte de court-circuit de l'inconscient, je voudrais donc montrer que cet usage un peu systématique, un peu magique, qu'on entend souvent autour de soi, me paraît parfois un peu contestable. J'ai souvent eu l'occasion de l'entendre comme un abus de langage de mon point de vue, surtout dans le contexte des attaques au corps, des scarifications, sur lesquelles je suis énormément deux fois intervenu. Et ça m'a toujours paru une manière de clore toute réflexion sur ce qui pouvait amener un adolescent à s'entailler de la sorte. Alors bien entendu, je ne conteste absolument pas la notion de passage à l'acte, mais je souhaite la nuancer, la contester en tous les cas, s'agissant de... S'agissant des scarifications à l'adolescence, moins des automutilations dont Maurice parlait, parce qu'on est fait sur un autre registre. Je parle des attaques au corps d'adolescentes ou d'adolescents bien ordinaires, entre guillemets. Les attaques au corps visent à fabriquer du sens pour continuer à vivre. Ce sont souvent des actes de passage, et c'est la notion que je voulais introduire dans le débat, non pas des passages à l'acte, mais des actes de passage. Acte. En ce sens, qu'à mes yeux, le jeune demeure acteur de son comportement et passage, car il s'agit justement de passer sur l'autre rive d'un fleuve de souffrance, d'une hémorragie de souffrance qui menace de tout emporter. L'acte de passage relaie l'élaboration mentale qui ne suffit pas en elle-même à désamorcer sa souffrance. Le soulagement implique un supplément de corps qui lui donne son efficacité. Le jeune est parfaitement capable d'expliquer son geste, d'expliquer aussi le sens de son acte, même s'il ne parvient pas toujours à y échapper. Il sait que le soulagement l'attend à son terme en lui faisant traverser la tension intérieure. Je me fais mal pour avoir moins mal voilà le propos qu'on entend régulièrement de la part de ses ados. Je me fais mal, mais c'est pour avoir moins mal Et puis j'ai très souvent cité cette adolescente qui me disait il y a quelques années, Je me fais mal à mon corps pour avoir moins mal à mon cœur Je trouve que cette réflexion est absolument magnifique, mais démontre bien cette position d'acteur, d'actrice en tous les cas, de cette adolescente qui s'entaillait régulièrement. Le jeune donc est acteur de son geste, à la différence de la notion de passage à l'acte, qui le dépossède de sa responsabilité dans ce qu'il fait, le transforme en objet passif d'un jeu de l'inconscient, d'une sorte de court-circuit intérieur. Cette notion d'acte de passage récuse le dualisme entre l'esprit d'une part et le corps de l'autre, comme si les manques du premier, l'esprit, ricochaient machinalement sur le corps. Bien entendu, la parole est essentielle comme instance thérapeutique, mais elle n'est absolument pas suffisante quand le moment n'est pas venu. La blessure volontaire absorbe ce reste que les mots ne saisissent pas, c'est au-delà que les paroles ne peuvent contenir. Le jeûne fixe son chaos intérieur sur son corps afin d'y voir plus clair, il met en acte une impossibilité de transformer les choses. Dire un inceste par exemple, ne suffit absolument pas à en désamorcer la virulence, la brûlure. Ces attaques au corps sont donc des tentatives de contrôler un univers intérieur qui échappe encore, d'élaborer une relation moins confuse entre soi et l'autre en soi. À travers cet acte de passage, finalement, le jeune se remet au monde et se sort de sa noyade. Le passage à l'acte n'est pas une modalité de résolution de la tension interne. Il la maintient au cœur du sujet, comme s'il se débattait dans une nasse. Au contraire, l'acte de passage permet de surmonter la tension et de devenir à nouveau acteur de son existence. Dans tous les cas, avec un gradient plus ou moins prononcé, l'acte autorise un passage, une transition vers l'autre rive. Il est une tentative de restauration du lien, à la différence du passage à l'acte, qui élimine en partie le sujet de la scène. L'acte de passage est une action sur soi qui fonctionne comme un appui pour s'arracher aux anciennes pesanteurs, un remède pour s'extirper d'une situation apparemment sans issue. Même s'il se répète, il est un chemin tracé dans le corps en en payant le prix pour se retrouver et rejoindre le lien social. Il est aussi d'ailleurs à l'occasion un levier thérapeutique, une accroche pour une reprise de parole ou un accompagnement thérapeutique. Martine par exemple, une des personnes que j'ai rencontrées, le dit avec force, les coupures c'était la seule manière de supporter cette souffrance, c'était la seule manière que j'avais trouvé à ce moment-là pour ne pas vouloir mourir. C'est elle qui dit vouloir mourir. Ces attaques au corps avaient été pour elle une forme de prévention au pire. Victime d'inceste, Chloé dit avec finesse que les scarifications non seulement permettent de passer les moments de souffrance, mais suscitent également une sorte de savoir sur les épreuves vécues. Chloé dit Je trouve qu'on apprend à travers ces scarifications, je trouve qu'on apprend à comprendre et à accepter sa douleur. Pour moi, à ce moment-là, C'est à ça que ça servait. L'acte de passage est donc un appui pour s'arracher aux pesanteurs. Il est un remède pour s'extirper peu à peu d'une situation qui paraissait bloquée. Même s'il se répète, je m'aperçois qu'il y a une répétition dans mon texte, mais ce n'est pas grave. Même s'il se répète, il est un chemin tracé dans le corps en en payant le prix pour se retrouver. Il fonde au fil du temps, en soi et autour de soi, les conditions d'une acceptation de soi. ou d'une capacité à transformer la situation mortifère. La plupart du temps, les scarifications ne sont pas montrées aux autres et ne permettent pas l'instauration d'un échange, mais même à ce niveau, elles participent du franchissement de la barrière de souffrance. En ce sens, j'analyse pour ma part les scarifications comme étant dans la majorité des cas une technique de survie. Une technique de survie, à l'image de ce que disait Martine tout à l'heure, C'est aussi d'ailleurs pour restaurer la souveraineté du jeune que j'ai avancé cette notion d'acte de passage, pour le poser comme un acteur. Dans l'immense majorité des cas, les scarifications adolescentes sont provisoires. En plus, elles ne s'attaquent pas aux visages ou aux organes sexuels. Quand c'est le cas, on est plutôt dans le passage à l'acte et une prise en charge s'impose en urgence. Là, il y a une dimension profondément anthropologique, évidemment, du rapport au visage, du rapport aussi aux organes sexuels, par exemple. Dans mon expérience, les attaques au corps durent rarement au-delà de quelques mois ou au pire de quelques années. Certes, il arrive que des personnes plus âgées persistent de manière rituelle, soulignent les mots, à s'entailler secrètement. Elles ont trouvé une sorte de compromis avec le monde qui les autorise à vivre. Et chacun de nous se souvient du personnage d'Erika. dans le très beau film de Michael Haneke, La pianiste. Vous vous rappelez d'Isabelle Huppert, qui s'entaille paisiblement, tranquillement, dans sa baignoire, au niveau d'ailleurs de son sexe, enfin, de la proximité de son sexe, parce qu'elle se sent dépossédée de sa féminité par ses règles, et elle décide de faire couler son sang de manière délibérée. C'est compliqué à comprendre quand on n'a pas lu le livre de... Le livre de cet auteur autrichien dont le nom est... J'ai le fric de Jelinek. Je trouve que dans le roman et dans le film, tout est parfaitement bien expliqué. D'ailleurs, il y a différents types de scarification dans le film. C'est un document clinique absolument extraordinaire. Donc, il y a des personnes qui persistent, en effet, mais c'est leur manière de vivre. Et puis, voilà, à mon avis, ça ne se discute pas parce que ce ne sont pas des gens qui vont chercher de l'aide. Ce sont des gens qui ont trouvé un rapport au monde qui les satisfait, entre guillemets. Donc, la notion de... La notion de passage à l'acte, si elle a une légitimité dans bien des situations, m'a souvent paru un mot magique pour effacer la souveraineté du sujet et le subordonner à un savoir psychiatrique ou médical, ou encore pour médicaliser son comportement lors par exemple de suicides ou de tentatives de suicide ou d'actions criminelles qui sont parfaitement élaborées par des individus. Et en ce sens, je parlerais plutôt de passage à l'action. C'est-à-dire qu'auparavant, il y a une immense réflexivité qui fait qu'on passe à l'action de l'attentat, du meurtre ou du suicide, mais ce n'est pas une espèce de surgissement impromptu, inopiné, c'est en fait une longue histoire. Évidemment, là je suis profondément sociologue, de vouloir toujours restaurer la position du sujet et ne pas le considérer comme une sorte de jouet du destin ou de son inconscient. Mais évidemment, la différence entre ces deux... Ces notions, un passage à l'acte, acte de passage, passage à l'action, engagent des compréhensions, mais surtout des cliniques, des éthiques en amont, mais surtout des cliniques radicalement différentes. Voilà. Merci. Merci de votre attention.

  • Speaker #1

    Merci, David. Avec Aurélien, on va passer les questions à la salle. Mais c'est vrai que le débat est un peu ouvert parce que à lésion équivalente. Si je suis un peu basique, l'histoire et la narration peuvent différer d'un individu à l'autre. Le problème c'est que face aux symptômes, la famille, le clinicien, qui n'est pas forcément psychiatre spécialiste, qui peut être généraliste, qui peut être gynécologue, et tout un chacun quand il voit un proche s'interroge. Et entre la vision que tu proposes de l'acte de passage, qui est finalement une vision qui peut être positive, qui peut rappeler les rites d'autres cultures d'ailleurs, où les scarifications ont un sens très positif, Et puis l'histoire du psychiatre adulte qui nous dit Mie une marche de progression et ce premier signe peut-être aussi la voie vers quelque chose de beaucoup plus grave qui va mener soit à se supprimer, soit à supprimer l'autre. Il faudra des arbitres dans l'analyse de tout cela. Et effectivement, ton regard est intéressant pour montrer qu'il ne faut pas tout mettre dans le même tout, mais qu'il faut s'interroger sur le sens de chaque chose. Donc, si il va nous permettre de dialoguer avec la salle, Aurélien, allons-y. On laisse la parole au public.

  • Speaker #4

    Oui, merci. Merci à tous les 4-5 orateurs, parce que je trouve que le format qui a été fait nous permet de beaucoup mieux comprendre quand on n'est pas spécialiste, et chaque intervention était complémentaire de l'autre. passionnant comme approche de ces choses-là. Et je voudrais juste évoquer peut-être un autre éclairage, parce que j'aime beaucoup le cinéma, et le cinéma c'est un reflet extraordinaire de notre société, pour le point social. Actuellement, il y a un film qui parle extraordinairement bien de cette problématique qui s'appelle Jouer avec le feu qui est sorti il y a quelques jours avec Vincent Lindon dans le rôle principal, et qui parle d'un acte hétéro-agressif Mais c'est vraiment un passage à l'acte et qui étudie magnifiquement bien la réaction de différents groupes, c'est-à-dire d'abord la famille, la souffrance interne, et on ne comprend pas le passage à l'acte, mais on arrive à le suivre très très bien. Là, il s'agit d'un acte hétéro-agressif, puisque un adolescent devient un criminel. Mais là, c'est la pression sociale, puisque c'est un acte politique. Il y a un autre film que j'ai vu. qui est un film américain et c'est ça qui est très intéressant, qui s'appelle A Feel Fine et qui est le traitement du suicide d'un adolescent sous les yeux de la culpabilité terrible de son entourage. Dans les deux cas, on voit un père aimant, un père particulier, pour l'image du père, une famille aimante. Et je trouve que c'est absolument passionnant de voir au cinéma la manière dont la société américaine, où il y a un psychiatre aussi dedans, et la société française européenne traitent de la souffrance des adolescents. y compris le passage à l'acte. Et pour revenir à ce que disait M. Le Breton, c'est très intéressant parce que notre société observe... et fait des statistiques au sujet des suicides et des passages à l'acte. Mais la question principale, c'est comment va agir le groupe, la famille en particulier, et comment est-ce qu'elle peut percevoir tout ça ?

  • Speaker #1

    Est-ce que l'un d'entre vous veut s'en parler de la question ? Effectivement, si on focalise sur la question des proches et de la famille, on a entendu les cliniciens, mais finalement, quel regard les cliniciens ont ? On va porter sur ce conseil ou cet accompagnement à la famille. Je ne sais pas, Gilles, je te regardais dans les yeux, mais est-ce que tu veux en dire un mot ?

  • Speaker #2

    Oui, forcément.

  • Speaker #0

    On ne peut jamais aborder ces problématiques-là en envisageant l'individu coupé de son contexte. La première couche du contexte, dans une vision un peu concentrique, de couche successive, c'est les proches, c'est la famille. A partir de là, on pourrait développer beaucoup, mais c'est une dimension extrêmement importante.

  • Speaker #1

    Maurice, tu veux compléter ?

  • Speaker #2

    Oui, alors dans le champ qui est le mien et uniquement dans ce Ausha, c'est-à-dire la pédopsychiatrie, les adolescents, les familles, un psychiatre d'adolescence, un psychiatre de famille, bon, je l'ai déjà dit tout à l'heure, je le répète, dans mon nombre de cas, les adolescents nous amènent leurs parents pour qu'on soigne leurs parents. Et le passage à l'acte, en particulier suicidaire, et le témoignage dans un certain nombre de cas, de cette problématique-là, c'est-à-dire de la problématique inconsciente, transgénérationnelle, si ce n'est de la problématique consciente, ici et maintenant, d'une maltraitance, d'une violence, d'une agression sexuelle, d'un inceste. Nous sommes effarés d'avoir vu pendant le confinement que la proximité des familles a entraîné une multiplication des violences intrafamiliales, des passages à l'acte sexuel et des révélations. en décédant sexuellement. Cette dimension-là est à prendre en compte, c'est-à-dire que le symptôme présent de l'adolescent a toujours, peu ou prou, une dimension familiale et parfois prévalente. Pas à l'inverse, pas pour contrebalancer, mais quand même, qu'est-ce qu'il y a de plus agressif vis-à-vis de la famille qu'un passage à l'acte, en particulier suicidaire, ou même une automitulation, en particulier sur le visage ? mais qui atteint le corps qui est le fruit de l'amour, du désir de ses deux géniteurs. Cette agression vis-à-vis des parents est une source d'angoisse extrême, c'est une désaffiliation. Un passage à l'acte suicidaire est une désaffiliation en acte. Une chirurgie esthétique réparatrice itérative et une démonstration répétée que je ne veux pas avoir le nez de mon père, les joues de ma mère et je ne veux pas devenir le corps de ma mère. Cette agression, cette agressivité vis-à-vis de la famille va avoir une réponse déprimée ou une réponse en représailles. Plus complexe, mais tout aussi important, un certain nombre de familles perçoivent très bien que ces passages à l'acte, en particulier les scarifications, mais pas n'importe lesquelles, David a bien signifié. celles qui touchent les zones sexuelles, celles qui sont répétées, celles qui sont intenses, massives, brutales, impérieuses, qui s'imposent au sujet, sont une source de jouissance, de jouissance auto-érotique que perçoit très bien la famille. Donc, agression du corps issu du fruit de l'amour parental, du fruit déchu, et jouissance auto-érotique, c'est-à-dire non relationnelle, purement autarcique, sont des éléments qu'il va falloir prendre en compte pour que... on puisse traiter la part qui appartient à la famille, primaire ou secondaire, du symptôme. Et si ce traitement n'est pas fait, s'il n'est pas évalué, s'il n'y a pas eu d'un antécédent de trauma ou d'agression sexuelle. Pour vous donner un exemple encore plus signifiant, le nombre de révélations sexuelles en hospitalisation, un autre élément. Quand une hospitalisation d'adolescent dure longtemps, C'est parce que le gosse n'a pas eu la possibilité encore de vous révéler qu'il a été abusé sexuellement. Ayez ça en tête, dans un grand nombre de cas c'est vrai. Ce gosse donc reste très longtemps, il révèle un abus sexuel et dans la grande majorité des cas, cette révélation c'est pour témoigner qu'il a perçu qu'il y avait un antécédent d'agression sexuelle chez la mère et que la façon qu'il a de le révéler permet à l'autre de le révéler. Donc la dimension familiale de tout symptôme qui attend à ses jours... doit être prise en compte en amont, est-ce qu'il y a une participation carentielle, traumatique ou les deux de la famille ? Et en aval, est-ce que cette jouissance auto-érotique qui se désaffilie du relationnel est acceptée ou pas par la famille ?

  • Speaker #1

    Merci. Sur cet éclairage, je ne sais pas si les images cinématographiques allaient vous amener juste à ce type de réponse, mais au moins, on a pris en compte que l'individu n'est pas étranger à la globalité de sa famille réciproquement. Il y a d'autres questions dans la salle ? Oui,

  • Speaker #2

    bonsoir, merci de ces très intéressantes réflexions. On pensait, on pense peut-être encore aujourd'hui, que derrière toute tentative de suicide, il y a un appel à l'aide. Est-ce qu'on a raison de penser ça ? Qui est-ce qu'on interpelle ? La société ? Les parents ?

  • Speaker #0

    Je donne une première réponse dans ma perspective de psychiatre d'adulte. Je reviendrai à cette idée qu'il faut toujours nuancer les choses. Oui, parfois c'est quelque chose de cet ordre-là, de communiquer qu'on est débordé par sa souffrance. Peut-être que c'est une façon en raccourci à la fois d'interrompre le moment qui est intolérable et puis de se dire qu'il y aura un après qui permettra peut-être qu'autour de moi, on se rende compte à quel point je vais. Mais ce n'est pas toujours aussi clair que ça. Et puis, il faut toujours se méfier dans notre domaine de formulation qui dit toujours ou au contraire, celle qui ne dit jamais. Il y a nombre de passages à l'acte suicidaire qui ne sont pas un appel à l'aide, qui sont juste la voie de sortie par rapport à quelque chose qui est intolérable.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce que tu penses tout de même du récent procès d'Orange, c'est ça ? Le téléphone ? Le moins qu'on puisse dire que c'est... C'est une interpellation sur une modalité de management social effarant, héritée de nos amis américains et que nous avons importée. Oui,

  • Speaker #0

    ça, c'est une autre notion très intéressante que tu introduis. C'est au fond, certains suicides sont sacrificiels, c'est à dire je vais interpeller l'entourage et la société. Mais ce n'est pas un appel à l'aide pour moi. pour essayer de changer quelque chose après moi.

  • Speaker #2

    Signal d'alarme et appel à témoins.

  • Speaker #1

    Premier rang, une question.

  • Speaker #3

    Oui, donc bonsoir et merci beaucoup pour ces interventions qui ont été vraiment extrêmement riches. Je souhaiterais donc vous faire part d'une réflexion et du coup engager la discussion si possible et si ça vous convient. Donc particulièrement sur la question de la stigmatisation et en particulier des enfants placés, si j'irais même déplacés. Et pour revenir donc sur le thème de ce soir concernant donc ces enfants qui pour certains malheureusement beaucoup trop passent du statut de victime au statut d'auteur, de passage à l'acte. en particulier des passages à l'acte hétéroagressif. Finalement, je me pose la question de qu'en est-il de leur responsabilité ? Qu'en est-il de leur responsabilité ? Parce que, notamment, la question que je me pose, c'est finalement, est-ce qu'ils ne seraient pas également victimes, en plus d'être auteurs ? Je me base sur deux points de réflexion. D'un point de vue neuropsychologique, on sait que les cortexs préfrontal maturent jusqu'à 25 ans. Par rapport à ça, et aussi par rapport à l'excuse de minorité, qui est une thématique que j'aimerais vous demander votre avis si possible. Je me questionne sur, finalement, à partir de 16 ans, alors sauf erreur de ma part, je ne suis pas juriste, Mais je crois comprendre ou savoir, en tout cas de manière expérientielle, qu'à partir de 16 ans, le jeune, victime et malheureusement auteur de violences, de passage à l'acte, finalement n'est plus automatiquement dispensé de l'excuse de minorité. Donc ça en revient vraiment à la question de la responsabilité. Et voilà finalement en gros pour reprendre les propos de monsieur le professeur Le Breton, j'ai beaucoup apprécié finalement voilà ce jeu de mots et je me demande est-ce que finalement ces jeunes ne seraient pas d'une part point numéro un victimes en fait d'un acte de passage souvent invisible en fait sur terre ou en fait ils sont malheureusement souvent bien trop souvent en manque de tuteurs de résilience. Si on prend le cas des foyers avec des figures d'attachement qui ne font que de changer en fait, donc comment se construire d'un point de vue narcissique et identitaire. et souvent en manque de mère, de père et de tout repère. Et pour conclure, finalement, ne serait-il pas aussi victime d'un système social globalement défaillant ? Je parle particulièrement du système de l'aide sociale à l'enfance. Et finalement, est-ce que ce système de l'aide sociale à l'enfance, etc., ne contribuerait-il pas à assigner à la double peine ces enfants ? et notamment en déresponsabilisant les géniteurs un peu trop, souvent. Je parle en connaissance de cause. Il y a une question sur laquelle je n'ai toujours pas trouvé de réponse. Est-il bien normal que dès qu'un enfant est déplacé, je préfère le terme de déplacé, ça représente un peu mieux ce qui se passe, Est-ce que finalement, l'État ne contribuerait-il pas à ça ?

  • Speaker #1

    Il y a plusieurs questions dans votre question. Je propose de passer la parole à Guillaume Cordevant, parce que je pense qu'il a un focus et une appétence particulière, en particulier, il a une expertise dans les tribunaux sur ces sujets-là.

  • Speaker #4

    C'est un sujet de mes journées, de mes semaines, de mon année. Que ce soit des placements, que ce soit de l'agir violent chez certains enfants qui ont été placés, comme on peut le voir dans l'institution où je travaille, à l'ITEP des Mouettes, où on a plus de la moitié des enfants qui sont accompagnés par la protection de l'enfance. Et on ne peut pas faire abstraction de ce qu'ils ont vécu avant leur placement, des raisons pour lesquelles ils sont accompagnés par la protection de l'enfance, et du lien qu'il peut y avoir avec leur manifestation comportementale. Bien entendu, et c'est ce que j'essaie de mettre en propos tout à l'heure, c'est que ce qu'ils ont vécu précocement va avoir un impact, vous le disiez, au niveau neurophysiologique, bien entendu, on le rappelait tout à l'heure, va avoir un impact sur leur modalité également de perception de la relation à l'autre fondamentalement. Et l'enjeu central, on parlait de résilience, alors ce n'est pas un terme que j'emploie quotidiennement parce que derrière ça, il y a tellement de... de définition de termes, de concepts. Mais la question est bien, quelle figure d'attachement sécure va pouvoir les accompagner vers une autre façon d'interagir avec l'autre, pour vivre une autre relation à l'autre ? Et là-dessus, oui, on sort du champ de la clinique, pour aller sur le champ politique, parce que j'ai l'impression que c'est là-dessus que vous voulez nous amener, et ça me va très bien. Oui, on est très défaillant. On est très défaillant. Le système est défaillant. Qu'est-ce que ça signifie ? d'attendre autant de temps pour réaliser des placements, pour déjà faire les évaluations et ensuite appliquer les placements qui ont été ordonnés. Il y a eu les assises récemment, c'était la semaine dernière, les assises de la protection de l'enfance, vous y étiez ? Ah ben voilà ! Combien il y en a ? 200 enfants en Alsace, qui sont en attente de placements, placements ordonnés par des juges, mais pas de place. Ne vous inquiétez pas, on a trouvé la technique pour compenser le manque de place. On a inventé le placement à domicile. Alors ça veut dire quoi ? C'est-à-dire que les enfants qui sont en danger, on ne les met pas en institution, en famille d'accueil, parce qu'il n'y en a pas. On les laisse à la maison et puis il y a un éducateur qui vient quand même une fois par semaine. Je caricature pas en fait, c'est ça. Qu'est-ce que ça veut dire pour ces enfants ? On considère socialement, légalement, cliniquement, que les conditions dans lesquelles ils vivent, mettent en péril leur fonctionnement psycho-affectif. Pour autant, ce qu'on leur propose, c'est une heure avec une éducatrice par semaine. Ensuite, vous évoquez la question plus judiciaire de leur responsabilité quand ils sont auteurs par la suite de passage à l'acte. C'est très compliqué parce que c'est à partir de 13 ans qu'ils sont considérés comme potentiellement auteurs. Donc après, il y a quand même la minorité qui va jouer en fonction de ce qu'ils ont fait pour appliquer une forme de peine et de réparation. Donc là, on ne peut pas dire qu'on fait mal. Les textes sont intéressants et la protection judiciaire de la jeunesse fait le maximum pour justement accompagner ces jeunes, pour éviter d'une part la récidive, mais aussi retrouver une place socialement. Parce que c'est bien ça l'enjeu, je veux dire. Mais trouver une place socialement, ça veut dire, ça veut dire à nouveau, trouver ces modèles d'interaction à l'autre qui ne sont pas basés sur la domination, la soumission, la violence. Or, si on les laisse dans un milieu... Et on parle du milieu familial, c'est le premier milieu, évidemment, mais on peut parler également des modèles globalement sociaux qu'on propose. Écoutez, quand on voit Trump et puis l'autre, le vendeur de voitures électriques, leur concept, c'est, et ce qu'ils affichent à la face du monde entier, c'est plus on est fort, plus on est riche, et plus on a le droit d'écraser les autres.

  • Speaker #2

    Donc,

  • Speaker #4

    finalement, le modèle sociétal est basé sur soumettre ou être soumis. Donc, c'est compliqué. après, nous éducateurs, nous psy, nous parents, d'aller proposer un autre modèle. Mais c'est tout l'enjeu, et je pense que c'est l'enjeu éthique, c'est pour rien qu'on est aujourd'hui sur des réflexions éthiques, un enjeu de société. Quelle société pour demain on veut ? Bien sûr, les enfants placés sont les plus vulnérables, mais c'est un enjeu global du futur. Alors, on se revoit et on en reparle encore des années.

  • Speaker #1

    Guillaume, je pourrais rajouter un petit complément. Je change de casquette de modérateur à acteur. Quand vous dirigez un service de médecine égale dans un grand CHU et unité d'accueil pédiatrique en France en danger, l'indicateur politique aujourd'hui, c'est le nombre de signalements. Je fais court. Et on vous dit plus vous signalez, meilleur vous serez. La question que vous posez, c'est comment on soigne et comment on accompagne. Et là, c'est une question politique. Donc c'est pour ça que je prends la parole. Il ne faut pas se tromper d'indicateur. Si on met les moyens sur soigner, accompagner. Ce n'est pas la même chose que si on met l'indicateur sur signaler. Et ce que je trouve dramatique, c'est un peu comme le dépistage. Si on dépiste et qu'on ne prend pas en charge, ça ne sert à rien de faire du dépistage. Et faire du signalement à outrance si on n'accompagne pas. Et puis deuxième chose, mais ça je parle de concert avec mes collègues pédopsychiatres et tout acteur de l'aide sociale en France, c'est qu'il faut faire du sur-mesure. Il y a tellement de situations différentes de victimes qu'il faudrait faire du sur-mesure. Or en France, on ne sait pas très bien faire du sur-mesure. C'est l'enfant victime, il y a une automutilisation, je veux dire, du placement un peu. Et il y a tellement de cas particuliers, on ne va pas énoncer tout ça, mais il y a des enfants qui peuvent rester avec la maman, le papa doit être évincé. Il y a l'inverse, il y a des enfants qui ne doivent surtout pas revenir dans l'environnement, parce que je ne vais pas décrire ici tout ce qu'on voit dans un service de médecine égale, mais on sait qu'il y a des enfants qu'il faut totalement évincé et très rapidement, et c'est là que les délais sont inadmissibles. C'est une question de citoyens. On est dans un forum citoyen. C'est bien que les gens sachent que les politiques publiques en la matière sont encore inefficaces.

  • Speaker #0

    Merci pour vos exposés totalement exceptionnels. J'avais une question qui s'adresse à la fois à David et à Maurice. Il y a aujourd'hui des milliers de jeunes adultes de l'ordre de 20 ans. garçons et filles qui demandent une ligature de trompe ou une ligature des canaux déférents 30 mille ligatures de canaux déférents par an c'est quand même énorme est ce que pour vous il s'agit d'actes de passage allez on va passer à par la david en premier

  • Speaker #5

    Avant de répondre à Israël, je voulais juste ajouter, évidemment je suis totalement d'accord avec ce qu'a dit Guillaume et ce que tu as ajouté Grégoire. Je voulais simplement dire qu'il n'y avait évidemment jamais de fatalité dans les fracas de l'enfance qu'on a vécu les uns et les autres. J'aime bien citer Sartre qui disait on est ce qu'on fait de ce que les autres ont fait de nous C'est-à-dire qu'on a toujours une marge de liberté. Et il y a bon nombre d'écrivains ou de cinéastes, par exemple, qui ont vécu des enfances absolument tragiques, mais qui en ont fait des choses extraordinaires. Ils sont minoritaires, c'est évident, mais en tous les cas, c'est important de rappeler qu'on a toujours eu une marge de liberté. Et puis là, au regard de ce qu'évoque Israël, j'y vois un effet de l'hyper-individualisation du monde contemporain. C'est le fait qu'on veut vivre pour soi, dans le bonheur de sa vie personnelle. On ne veut pas être encombré d'une responsabilité. La notion de responsabilité, d'ailleurs, elle vole de plus en plus en éclats autour de nous. Et c'est difficile. D'ailleurs, c'est Charles Péguy qui disait que le plus grand risque qu'on peut mener dans sa vie, c'est de mettre un enfant au monde. Voilà, parce que là, on en a pour toute sa vie. Et bien voilà, donc des hommes ou des femmes qui en devenir, en tous les cas, qui refusent tout simplement une responsabilité à cet égard, ce qui est un autre indice de cette crise énorme du lien social. qu'on est en train de vivre en ce moment, que j'évoquais aussi avec le smartphone l'autre jour. On fait un monde à soi tout seul, donc on n'a plus besoin tellement des autres qui sont plutôt des encombrements autour de soi. Je généralise évidemment, il faut après introduire énormément de nuances, mais je vois ça comme élément de réponse.

  • Speaker #1

    Vous voulez ajouter un compliment ?

  • Speaker #2

    Juste pour dire aussi autre chose par rapport à ce qui a été dit par mes collègues. N'oubliez pas aussi l'autre chose effarante, c'est qu'à 18 ans, tout s'arrête. Et que je crois avoir compris que chez ces patients de l'ASE, de la PJJ, s'il y a au moins une chose qu'il faut faire, c'est être authentique. Ne pas leur mentir. On les a beaucoup... On leur a beaucoup menti, on les a beaucoup emmenés dans des espérances et on les a abandonnés après. Si nous, les adultes qui venons après, qui sont des référents sociaux, nous leur montons ou nous leur donnons des espérances et nous les laissons à domicile avec le prédateur, et il n'y a pas de judiciarisation, et ça s'arrête à 18 ans brutalement, le risque de passage à l'acte suicidaire, on le sait bien, dans ces moments de transition, est considérable. Je n'ai pas d'expérience particulière sur la question de la ligature, mais... Pour moi, comme pour toute demande, il faut l'accueillir. L'accueillir comme un rêve ou un fantasme. Mais l'accueillir toujours, l'accréditer toujours. Toujours écouter le patient dans sa demande, quelle que soit l'inquiétude qu'on peut avoir par rapport à la radicalité de cette demande. L'accueillir, l'accréditer, mais ne pas la valider. Essayer de tenir sur commencer à parler, on verra bien, on ira Et dans un certain nombre de cas, non négligeable, si on a une capacité d'écoute de ce qu'il y a derrière la demande, y compris l'inverse de ce qu'elle demande, on peut éviter un certain nombre de radicalisations.

  • Speaker #1

    C'est là justement, mais c'est pour le public, je le dis après, je donne la parole à la salle, que le rôle du psychiatre est intéressant pour décortiquer et pas pour psychiatriser la problématique, juste pour essayer de mieux la comprendre. Il y a une autre question dans la salle. Oui,

  • Speaker #6

    bonsoir. Merci pour vos éclairages sur ces différentes questions. J'avais une question qui était plutôt pour les cliniciens et les membres hospitaliers, principalement sur le suicide et plutôt sur les tentatives de suicide qui peuvent se chroniciser chez certaines personnes. Du coup, j'imagine qu'en tant que clinicien, vous devez en tout cas avoir une certaine confiance dans la parole des personnes que vous recevez. Est-ce que dans le cas des personnes qui sont justement dans ce genre de dynamique et qui arrivent par exemple dans vos services ou en service d'urgence, est-ce que vous devez en quelque sorte moins les croire ou lire un peu plus à travers les lignes ? Je sais bien sûr qu'on ne peut pas prévenir totalement un risque plus grand par la suite. Est-ce qu'il y a des précautions à prendre et même plus globalement, est-ce qu'il y a une éthique de soins particulière pour ce genre de personnes qui peut-être en quelque sorte impliquerait de... Moins croire la parole.

  • Speaker #2

    Merci.

  • Speaker #1

    Gilles, tu te lances.

  • Speaker #0

    C'est une question complexe. C'est un vrai défi permanent dans notre exercice clinique d'être au clair avec les patients sur ce qu'on négocie. On contractualise d'une certaine façon à un moment donné avec eux sur le fait qu'on va les laisser sortir en permission, j'aime pas trop ce terme, mais à les prendre l'air hors de l'hôpital. On va terminer l'hospitalisation et des soins se poursuivront en ambulatoire. Il faut prendre ce risque. Essayer de clarifier avec le patient quels peuvent être les enjeux qu'il peut y avoir. Effectivement, de temps en temps, on se fait piéger dans les grandes largeurs parce qu'on a cru le patient. D'où cette posture plutôt éducative qu'on doit avoir avec le patient, de lui dire, vous savez, on ne va pouvoir travailler que de cette façon-là, dans une confiance mutuelle. Et si pour vous... Il y a quelque chose dans votre moteur personnel qui est de nous prouver qu'on va se faire avoir, qu'on est des incapables. À ce jeu-là, vous allez gagner, mais vous allez gagner et c'est vous qui allez tout perdre. Parce que nous, on souffre quand on perd des patients, mais on continue à s'occuper des autres patients. Ne vous mettez pas dans cette situation. Et je dois dire que parfois, c'est des très jeunes adultes avec des grosses histoires. autour de pathologies de l'attachement, c'est des enjeux très complexes parce qu'il y a un peu l'idée que,

  • Speaker #4

    au fond,

  • Speaker #0

    leur suicide, ce sera notre punition. Il faut essayer de ne pas se laisser prendre là-dedans. Mais, et je terminerai là-dessus, c'est vraiment important cette question de confiance. Et aussi, nous, en tant qu'équipe médico-soignante, on doit travailler avec ces risques, aussi pour que les patients n'aient pas l'impression que, quand ils s'adressent à nous, il y a des lourdes portes qui se referment définitivement et qui les empêcheront de refaire appel à nous. quand ils seront à nouveau en détresse. Donc il y a ce jeu entre le dedans et le dehors, avec lequel nous devons jouer de la façon la plus prudente, mais en même temps la plus efficiente, et parfois en prenant des risques.

  • Speaker #4

    Ah, ça ne marche plus. Tu le rappelais, il n'y a pas une protection à 100% en hospitalisation.

  • Speaker #0

    Eh oui.

  • Speaker #4

    D'une part et d'autre part, il y a un risque iatrogène à l'hospitalisation également. Nous, on le voit particulièrement avec mes collègues dans l'unité d'hospitalisation pour adolescents. Je ne sais pas si tu as la même expérience, mais des hospitalisations chez certains adolescents vont parfois aggraver la symptomatologie, la chroniciser. On parlait de la question de la chronicisation et donc la question de la... prise au sérieux, si j'ai bien compris votre question, du propos du patient, ne va pas forcément conduire à jouer la carte hospitalisation à 100%. Ça va dépendre de nombreux facteurs, bien sûr des places, mais ça c'est un autre aspect. Hélas, hélas, et aussi économique, mais également vraiment de l'intérêt du patient.

  • Speaker #1

    On a une question au fond de la salle.

  • Speaker #7

    Oui, bonsoir. Je voulais vous poser une question par rapport à la délinquance des majeurs. Moi, j'ai été amené à voir de nombreuses audiences pénales, que ce soit des audiences criminelles ou des audiences correctionnelles. Et très souvent, je ne dis pas que c'est tout le temps le cas, mais très souvent, les auteurs d'infractions, donc on est vraiment dans le cadre d'un passage à l'acte pour le coup, les auteurs d'infractions, ils ont énormément de difficultés à reconnaître les faits. Même quand ils sont filmés, même quand il y a énormément de preuves matérielles, ils ont énormément de difficultés à reconnaître les faits. Et je pense par exemple à une personne dans le cadre d'une audience d'assises publiques, un auteur d'infraction, il avait expliqué qu'il avait acheté une machette pour décorer le salon par exemple. Donc dans ce cas-là, la cour généralement... accueillent ces déclarations. Ils sont très énervés. Ça a du mal à passer dans une cour d'assises, ce genre de déclaration. Et donc, la question que je me pose, c'est comment expliquer la non reconnaissance des faits, même si les faits sont matériellement visibles ? Et comment expliquer ça ? Comment amener l'auteur d'une infraction dans ce cas de figure-là, comment l'amener à la reconnaissance des faits, comment on peut accéder à sa psyché pour qu'il y ait une reconnaissance ou au moins un début de travail intellectuel et d'introspection par rapport aux faits.

  • Speaker #1

    Alors là, vous êtes tous compétents, tous les trois, sur ce sujet-là. Mais bon, la question pudiquement est celle dans le langage commun du déni et de l'acceptation d'un regard sur la violence de sa propre violence.

  • Speaker #4

    Pour commencer la réponse, je vois deux situations un peu différentes. Soit effectivement là où pour le sujet auteur de l'infraction, reconnaître qu'il a été l'auteur d'infraction. C'est narcissiquement trop coûteux, ça le met en position de soumission, il n'a pas la capacité à la culpabilité, on a bien compris, il n'a pas la capacité non plus à reconnaître du coup son erreur, parce que dans son économie psychique, ça ne fonctionne pas. Il est encore en mode de je dois être dans cette position de toute puissance qui me permet de surnager Deuxième possibilité,

  • Speaker #0

    C'est d'autres formes de passage à l'acte, où je vois, que je peux avoir en suivi pour des injonctions, des obligations de soins, c'est des personnes qui ne se considèrent pas comme étant coupables parce qu'ils vont justifier leur action parce qu'ils étaient victimes. Ils étaient victimes d'un préjudice et ils ont agi violemment pour se défendre. La justice ne le reconnaît pas dans ce sens-là, mais eux, subjectivement, ils ne sont pas auteurs, ils sont victimes en fait. Et donc... On est sur une autre forme de position subjective. Il va falloir aller travailler. Alors ça va être compliqué à déconstruire parce qu'il va falloir aller accéder à ça et surtout travailler face à une autre situation similaire, éviter qu'il y ait une récidive. C'est surtout là l'enjeu, toujours cet enjeu éthique de la prévention quelque part.

  • Speaker #1

    Oui, je crois qu'il y a un troisième cas de figure et à mon avis c'est le plus fréquent. Et c'est pour ça que je suis... pour ne pas enlever l'excuse de minorité. Dans un nombre non négligeable de cas, il y a une totale conscientisation des faits. C'est un mensonge cousu de fil blanc. C'est celui d'un enfant qui a été pris les mains dans le Nutella, qui a la bouche qui est totalement barbouillée et qui dit que ce n'est pas lui. Je préfère cette innocence infantile à celle d'un certain nombre d'hommes politiques qui disent que c'est moi qui l'ai fait, mais ce n'était pas moi quand je l'ai fait. Parce qu'ils sont conscients.

  • Speaker #2

    Et des fois, c'est le poisson rouge qui a tout mangé. Est-ce qu'il y a encore une ou deux dernières questions ? Et après, je passerai la parole à l'ensemble de mes collègues pour qu'ils formulent un mot de conclusion.

  • Speaker #3

    Alors, ce n'est pas une question. C'est, comme dirait Israël Nizan, une petite vignette politico-clinique. C'est pour un petit peu compléter ce qu'avait dit l'intervenante là tout devant au premier rang, puisqu'il se trouve que je baigne personnellement dans une ambiance, on parle beaucoup de cela, puisque une de mes filles travaille avec Guillaume Cordon dans son équipe et une autre travaille dans un service d'aide à l'enfance. Donc, elles sont au premier rang et... De quoi on parle autour de la table ? C'est des énormes difficultés politiques, pardon, financières, qui ont tous ces services pour prendre en charge les enfants. Et donc, notre éthique sociale, ce n'est pas une question, c'est une remarque. Si on veut parler d'éthique, notre société ne s'occupe pas des adolescents, on va dire, ou près d'un incant, ou en énorme souffrance psychologique, elle ne se donne pas les moyens. Et je pense que les gens autour de cette table Le savent et peut-être si on veut faire une petite conclusion sur l'éthique par rapport à ce sujet, c'est que notre société ne se donne pas les moyens financiers et les moyens en équipe, en personnel, pour essayer d'aborder ce problème dans la souffrance de ses enfants. Il n'y a pas de réponse suffisante de ce côté-là. Je pense que M. Corduon pourra un peu confirmer.

  • Speaker #2

    Alors le forum sert aussi à ça. On va tenter chacun un mot de conclusion, un rebond à la remarque ou sur autre chose, quelque chose que vous voulez rajouter. David, on te laisse commencer ?

  • Speaker #4

    Pour terminer, je pense qu'il faut faire évidemment l'éloge des nuances, rappeler que tous les actes de la vie peuvent être profondément ambivalents, d'une très grande complexité, qu'on n'a jamais réponse à tout et qu'il faut plutôt avoir question à tout. C'est un peu comme ça que j'ai toujours vu la sociologie ou l'anthropologie, avoir question à tout.

  • Speaker #2

    Je suis un garçon basique, on va passer la parole à ton voisin, donc Gilles.

  • Speaker #5

    Pour sortir de ce qui a été mon expertise, mais faire écho à ces enjeux sociétaux et dire que ce qui vient nous interpeller dans un certain nombre de passages à l'acte dont sont porteurs les jeunes et les adolescents, viennent questionner des choix sociétaux forts. On est dans un moment de dilution sur... Les réponses qu'on peut y apporter, que ce soit des réponses de type économique, juste parce qu'on va retirer des allocations familiales aux parents des adolescents qui posent certains problèmes. On va résoudre les choses. Il y a des enjeux très forts pour l'avenir.

  • Speaker #2

    Guillaume.

  • Speaker #0

    Je suis plus au dépourvu là. Non, je peux rejoindre les propos qu'on vient d'avoir. Et ça aurait été vraiment intéressant de poursuivre sur ces réflexions. Et je me dis que oui, comment redonner ce sentiment assez aux générations futures, on va dire, d'avoir cette capacité à agir sur le réel ? Alors qu'ils soient les plus vulnérables ou tout un chacun. Comment se sentir capable d'agir ? Je pense que c'est... Ça rejoint, je ne sais plus qui évoquait la question du sens, David t'évoquais ça, fabriquer du sens. Et je repensais en même temps à un livre de Sébastien Belair, Où est le sens ? Il questionne justement cet enjeu de société de remettre du sens là où vraisemblablement les grands sens politiques et mystiques qui géraient les sociétés préalablement avaient tendance à disparaître. Et comment recréer... du sens à l'échelle collective. Je pense que nous en avons tous besoin, et particulièrement les jeunes générations. Ce sens, on peut le trouver à différents endroits. Je pense qu'un des aspects, c'est celui qui me vient à l'esprit, l'enjeu principal qui me vient à l'esprit, c'est celui de la survie, la survie de la vie sur Terre, avec les questions écologiques. Je pense que ça, c'est une dynamique de sens qui peut porter les futures générations.

  • Speaker #2

    Maurice, le mot de la fin ?

  • Speaker #1

    Moi, je crois que la rencontre avec un médecin est toujours un événement. Et que là, ce n'est pas simplement un rendez-vous de consultation, c'est un événement. Ce n'est pas pour valoriser particulièrement le métier, bien qu'il en ait besoin, le métier de psychiatre. Mais la rencontre avec un psychiatre, c'est un grand événement. Pour une raison simple, c'est que l'adolescent, l'enfant... à des idées un peu très organisées, des fantasmes quant au fait que ce sachant-là va dire s'il est fou ou pas, s'il est aliéné ou pas. C'est ça le grand danger. C'est pour ça qu'ils viennent à reculons. Et si c'est un événement, il faut être à la hauteur. C'est-à-dire qu'il faut que ce gosse trouve à qui parler. Quelqu'un qui l'écoute, qui le contienne, qui le limite et aussi qui très vite ne le réduit pas à ses symptômes. ou à ses syndromes ou à sa maladie. C'est-à-dire qu'il lui accorde, comme à tout un chacun, comme à un frère humain, une liberté, y compris quant à ses actes. Et par rapport à la question du suicide, ça a été dit, il est très important d'évoquer les idées suicidaires, les risques de passage à l'acte, de ne pas en avoir peur. Ça fait partie du tragique de la vie. L'autre élément très important pour éviter le passage à l'acte suicidaire, c'est de ne pas laisser entendre au patient que ce psychiatre qui n'est pas n'importe qui et qui peut l'interner pourrait avoir une maîtrise sur sa mort. Donc laisser la possibilité au sujet d'avoir une liberté libre, y compris avec des risques, c'est une prévention du suicide. Lui laisser penser qu'on a toute possibilité de maîtriser et sa vie et sa mort, c'est le faire aller vers un chemin où il va vous prouver le contraire. Merci beaucoup.

  • Speaker #2

    Aurélien, on arrive à la fin de ce forum. Voilà,

  • Speaker #6

    je vais vous demander de retarder encore un tout petit peu vos applaudissements pour cette table ronde qui était très enrichissante. Moi, à chaque fois que je vous écoute, je me dis que même si les sujets sont parfois graves ou difficiles, on a toujours de la joie à apprendre. Et c'est ce qu'on retrouve peut-être chaque année dans le forum, même si les thématiques peuvent nous donner l'impression qu'on va sombrer dans le pessimisme. Mais finalement. retirer quelque chose de ce qui est dit. Ça nous permet de voir plus loin et d'éclaircir un petit peu l'horizon. Le forum, ça passe toujours en un claquement de doigts, mais il y a beaucoup de travail en amont et surtout beaucoup de personnes qui rendent le forum possible. Donc je vais prendre quelques instants pour les remercier. Et je vous remercie, vous, par avance de votre patience et des applaudissements que vous leur réservez. Tout d'abord, un immense remerciement pour l'ensemble des partenaires du contrat TRIENAL Strasbourg, capitale européenne. Ce sont... qui nous permettent de financer le forum. Et depuis le début de l'aventure, la préfecture de la région Grand Est, la région Grand Est, la collectivité européenne d'Alsace, l'euro-métropole de Strasbourg et la ville de Strasbourg. Mais nous avons également cette année de nouveaux partenaires, l'Agence régionale de santé Grand Est, la Fondation de France et l'une de ses fondations imbritées, Ethikia, le Crédit agricole Alsace-Vosges. Tous ces partenaires nous permettent de vous faire bénéficier d'un forum européen de bioéthique qui est... gratuit. Nous remercions également tous les intervenants qui ont participé à cette 15e édition, c'est-à-dire le Conseil de l'Europe, l'Association des parlementaires européens, l'Université de Strasbourg. de Lorraine et notamment la chaire Jean Monnet UbiOethics, les hôpitaux universitaires de Strasbourg, le comité consultatif national d'éthique et le comité national pilote d'éthique du numérique, la conférence nationale des espaces de réflexion éthique régionaux, l'ensemble des espaces régionaux de réflexion éthique, l'INSERM, les DNA du groupe Ebra, les magazines cerveau et psycho, pour la science, le journal Libération, Arte, France 3 Grand Est, France Bleu Alsace, Radio Judaïca, la librairie Kleber, les bibliothèques idéales. le club de la presse et l'agence culturelle Grand Est. J'ai presque fini, mais c'est presque le plus important. Toutes ces personnes qui permettent de faire en sorte que le Forum européen de bioéthique existe chaque année. Tous les membres du conseil scientifique dont certains sont présents ici, qui nous aident à confectionner et qui nous aideront à confectionner le prochain. Donc le conseil scientifique et son président, évidemment, le fondateur du Forum européen de bioéthique, j'ai nommé Israël Nizan, sans qui rien ne serait possible. Maud Nizan qui a consacré des heures, des nuits pour préparer les tables rondes et nous aider à organiser ce forum. Raphaël Bloch, la cheville ouvrière, qui est le chef organisateur, qui nous permet de faire vivre, d'organiser et de voir plus loin avec le forum pour les années à venir. Les équipes de Boulevard des Productions qui sont nos partenaires depuis le tout début, qui ont énormément d'expertise et qui sont toujours au rendez-vous. Les équipes de Goodway qui ont conçu l'affiche, qui animent les réseaux sociaux, les équipes de collectivités partenaires qui nous ont accompagnés. Merci à tous les orateurs qui sont intervenus. Merci au public qui s'est déplacé en nombre et on est vraiment ravi de les avoir à nos côtés, de vous avoir à nos côtés. Vous pouvez nous retrouver sur le site le forum européen de bioéthique.eu pour retrouver cette 15e édition, les 14 éditions passées, le podcast qui est également disponible et qui sera disponible pour toutes les tables rondes qui sont déjà passées. Et il ne me reste plus qu'à vous souhaiter. une bonne continuation et de vous retrouver l'année prochaine pour une nouvelle édition. Merci à tout le monde.

  • Speaker #2

    Attendez avant d'applaudir. Attendez. Ou alors vous allez réapplaudir une deuxième fois parce qu'il y a une personne qui ne l'a pas cité parce qu'il est bien élevé. C'est Aurélien Benoît lui même. Voilà. Et pour être complètement complet. Israël Nizan est venu me voir jusqu'à tout à l'heure en disant on va remercier tous les deux Auréliens. Donc voilà, il y a de la transmission et c'est une excellente chose.

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Avec :


Gilles Bertschy, Professeur de psychiatrie, Chef de service aux Hôpitaux universitaires à Strasbourg


Maurice Corcos, Psychiatre, Psychanalyste, Chef de service du département de Psychiatrie de l'Institut Mutualiste Montsouris - Paris


Guillaume Corduan, Psychiatre, Pédopsychiatre aux Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, au DITEP Les Mouettes, Médecin coordonnateur de la Maison Des Adolescent du Bas-Rhin et du Réseau VIRAGE (dispositif de prévention des radicalisations violentes), Expert auprès des tribunaux


David Le Breton, Professeur émérite de sociologie à l’université de Strasbourg, Membre senior de l’Institut Universitaire de France,

Titulaire de la chaire « Anthropologie des mondes contemporains » de l’Institut des Études Avancées de l’université de Strasbourg (USIAS)


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Transcription

  • Speaker #0

    Bonsoir à tous, bienvenue pour cette dernière session du Forum européen de bioéthique qui a pour thème cette année la santé mentale et la bioéthique. Je vais tout de suite laisser la parole à Grégoire Moutel, médecin légiste bioéthicien qui travaille avec nous, qui est au conseil d'administration, au conseil scientifique et qui nous accompagne au Forum européen de bioéthique depuis le tout début. Grégoire, je te laisse la parole. Merci Aurélien et c'est avec grand plaisir que je vais animer cette table ronde qui est la dernière de ce formidable forum. Mais j'ai envie de dire comme tous les formidables forums précédents. Donc je remercie également les organisateurs Aurélien, toutes les équipes, Raphaël, Israël Nisan et j'en oublie et je m'en excuse pour tous ceux que j'oublie ici présents. Alors le sujet qui nous réunit ce soir n'est pas un sujet simple puisque c'est un sujet dont vous entendez des fois parler. par voie médiatique, comme un slogan. On pourrait dire le passage à l'acte, c'est un slogan. Dans le service que je dirige, je vous donne cette petite histoire introductive. Et après, je passe la parole aux éminents experts ici présents. Il y a des femmes victimes de violences qui me disent il va passer à l'acte. En parlant de l'auteur, on ne sait pas ce qu'il y a derrière ce mot. Plein de choses. Et puis, quand ces femmes vont mal. Les frôles, des fois, malheureusement, elles passent à l'acte suicidaire, elles passent aussi à l'acte. Donc vous voyez que déjà sur ce versant, auteur, victime, passage à l'acte, c'est un premier sujet. Le deuxième sujet, souvent, c'est on dit il y a un risque de passage à l'acte, et dans la société on se dit est-ce qu'on peut prévenir finalement, repérer, prévenir. Et peut-être que c'est là qu'on touche aussi à la bioéthique. De temps en temps, on se pose la question de la privation de liberté d'un être potentiellement dangereux, pour lui-même ou pour autrui. Et faut-il priver de liberté de manière préventive alors qu'il n'a encore rien fait ? C'est un débat que les politiques portent souvent. Et puis autre regard qui va m'inviter à me retourner vers les spécialistes de la table ronde, c'est que souvent on évoque la question du pourquoi, qu'est-ce qui se passe comme mécanisme. Donc là je suis entouré d'éminents psychiatres parce que c'est un sujet souvent confié aux psychiatres et ils ont besoin de nous éclairer sur ce versant-là. Et pourquoi il y a un panel ? Parce que vous verrez qu'il y a un panel aussi De l'enfance jusqu'à l'âge adulte, tout le monde peut passer à l'acte à des moments différents de sa vie, de son âge. Et puis nous avons la chance également d'avoir David Le Breton, le sociologue éminemment émérite de Strasbourg qui nous accompagne sur plein de sujets parce qu'il y a des actes signifiants autour de ce sujet-là, sur les individus, sur la société, le regard que l'on porte sur les actes signifiants dans le passage à l'acte. Je pense que David, on aura besoin de ton regard. Alors les trois psychiatres qui nous accompagnent aujourd'hui sont Gilbert Schick, professeur de psychiatrie et chef de service aux hôpitaux de Strasbourg, Maurice Corcos qui est psychiatre et psychanalyste et qui travaille à l'Institut Mutualiste de Paris, j'ai souvent croisé son chemin et ses réflexions, et puis Guillaume Corduan qui lui a un regard de pédopsychiatre, plutôt orienté sur la question de l'enfant et de l'adolescent, donc je pense que leurs regards croisés vont être captivants pour nous tous. Alors Maurice Corcos, on a décidé dans un... tirage au sort intellectuel de vous passer la parole en premier en se disant qu'un regard explicatif global pour que ceux qui sont dans la salle comprennent mieux les enjeux sera certainement enrichissant pour nous tous. Donc on te cède la parole.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup. Bonjour à toutes et à tous à nouveau. Merci à nouveau aux organisateurs pour cette invitation à venir réfléchir avec vous sur cette notion de passage à l'acte. Mon propos sur un sujet aussi vaste, c'est d'essayer de réfléchir avec vous sur la question du pourquoi et du comment de ces passages à l'acte. Évidemment, je ne vais pas... Pouvoir éviter la plaie qui menace tout conférencier, c'est celui de la généralité. D'ores et déjà, je veux vous dire que chaque cas est singulier, chaque individu est singulier, chaque histoire de cet individu est singulier, et donc chaque passage à l'acte est singulier, même si, et c'est peut-être ça la psychiatrie, c'est que si ce sujet n'est pas pris suffisamment à ton, s'il répète ses passages à l'acte, S'ils se chronicisent, alors tous les passages à l'acte finissent par se ressembler. L'anorexie n'existe pas, il existe des anorexies. La schizophrénie n'existe pas, il existe des schizophrènes, des troubles bipolaires, des transidentités. Mais si les choses s'installent sur la durée, si elles se chronicisent, si les passages à l'acte se répètent, si ces passages à l'acte en particulier auto-agressifs, suicidaires, qui ne sont pas anodins d'attenter à ces jours. Ou si le passage à l'acte meurtrier, tuer quelqu'un, ce n'est pas anodin. Ce passage à l'acte extrême, auto-agressif ou hétéro-agressif, change radicalement l'organisation de la personnalité du sujet. Toute la personnalité du sujet se réorganise autour de ce passage à l'acte et la chronicisation advient et le sujet, schizophrène, anorexique, toxicomane, finit par ressembler à son collègue d'à côté, schizophrène, toxicomane, anorexique. Donc, la capacité que l'acte a de s'auto-renforcer, s'auto-engendrer et réorganiser le sujet est quelque chose de fondamental et c'est ça qu'il faut éviter, cette chronicisation. Alors, avant d'évoquer ce qui est le champ de mon expérience, c'est-à-dire les adolescents, les adultes jeunes et les familles. N'oubliez pas que les pédopsychiatres s'occupent d'adultes puisqu'ils s'occupent des familles. Un mot sur le passage à l'acte névrotico-normal. Chez tout un chacun, vous comme moi, nous arrive de faire des passages à l'acte. C'est ce qu'on appelle des actes manqués, qui sont comme vous le savez, des actes réussis. Si vous oubliez vos clés chez quelqu'un que vous n'aimez pas et dont vous aimeriez revenir pour lui casser la figure, ou que vous aimez et que vous aimeriez revenir pour lui dire que vous l'aimez et que vous n'avez pas pu lui dire, vous avez fait un passage à l'acte qui vous permet de revenir. Ce passage à l'acte, attention, le passage à l'acte, acte manqué que je viens de décrire, ou le lapsus où vous dites quelque chose à la place de quelque chose d'autre, il faut bien comprendre cette chose essentielle que vous voulez dire les deux choses. Un, je veux revenir et je ne veux pas revenir. Ce que vous avez témoigné, c'est un compromis entre vos pulsions, votre désir et vos défenses. Puisqu'on est à l'actualité du consentement. Il y avait un assentiment à venir lui casser la figure ou lui dire que vous l'aimez, mais il n'y avait pas de consentement à le faire parce que vous avez un surmoi qui vous fait obéir aux lois et donc vous évitez ce passage à l'acte. Mais vous faites quand même un acte qui est ce compromis. Ce compromis n'étant ni l'endroit ni l'envers, mais l'endroit et l'envers en même temps. Et ça, on le fait tout le temps dans la vie parce que nous sommes tout le temps en conflit entre nos pulsions, nos désirs. et la réalité qui n'obéit pas particulièrement à satisfaire ses pulsions ou ses désirs. Chez nos adolescents difficiles, chez les adultes en proie à des passages à l'acte beaucoup plus massifs, intenses, brutales, impérieux, que ce soit, et alors c'est un point d'importance, que ce soit des passages à l'acte silencieux ou des passages à l'acte externalisés, bruyants. Je veux dire ici un point important, qui est une phrase de Winnicott que je reprends. Tant que ces adolescents bougent, tant qu'ils sont violents, tant qu'ils sollicitent l'extérieur, tant qu'ils testent le social, tant qu'ils le remuent, tant qu'ils le questionnent, tant qu'ils sont vivants. Si ces adolescents arrêtent d'être bruyants, d'être virevoltants, d'être dans le passage à l'acte, alors il faut s'inquiéter. Il faut s'inquiéter actuellement des adolescents qui sont... surtout après le confinement, dans le repli, le retrait ou le retranchement. Les ikikomorik, 1,5 million au Japon, avec un taux suicidaire de près de 15%, sont très inquiétants. Ceux qui se retirent du jeu social, du jeu relationnel, du jeu affectif, du jeu amoureux, du jeu sexuel, c'est qu'ils sont déjà engagés dans un processus de mort psychique silencieuse. Ceux-là, il faut aller les chercher. Leur demande n'est pas exprimée dans un passage à l'aide bruyant et a fortiori pas dans le verbe, elle est exprimée dans ce symptôme de repli de retrait. Il faut les désenclaver, désincarcérer. Les unités d'équipe mobile se développent un peu partout en France et vont tenter de désincarcérer des adolescents enfermés chez eux dans leur chambre devant Internet et qui n'ont plus de relation avec les autres. Venons-en maintenant au passage à l'acte de ces adolescents, de ces adultes en extrême difficulté qui font des passages à l'acte suicidaires. Je l'ai dit tout à l'heure, de plus en plus inquiétant dans leur radicalité. Plutôt défenestration, plutôt pendaison que simplement prise de médicaments. Plutôt automutilation extrêmement sévère que simple scarification. Il y a une certaine radicalité, une intensité qui témoigne de quelque chose d'important sur lequel je vais maintenant... évoquer deux trois choses. Quel est le sens que peut avoir ce passage à l'acte ? Il a un sens. Les psychiatres sont en quête de sens. On leur reproche même de projeter leurs propres idées, leur propre sens, alors que c'est une barbarie, c'est une sauvagerie, il n'y a rien à comprendre, il faut réprimer. Ça a un sens, mais pas celui qu'on croit. Et le sens qu'ont ces passages à l'acte, est un sens qui est toujours après coup, c'est-à-dire que le sujet et vous-même ne le comprenez qu'après ce passage. Quel est le sens de ce passage à l'acte ? Je parle des passages à l'acte extrêmes de ces adolescents difficiles, je ne parle pas des passages à l'acte mineurs. Dans la grande majorité des cas, ce que ça signifie, c'est que le sujet va très mal à l'intérieur de lui-même. Il va très mal, et là je suis obligé de schématiser, Pour deux raisons. La première, c'est qu'il est en proie à un chaos pulsionnel, pas simplement une question d'envers et d'endroit, j'y vais, j'y vais pas, une excitation extrême, pas qui se conflictualise, pas qui se conscientise, pas qui se représente, non, une excitation qui le déborde, et le passage à l'acte vise d'abord à calmer cette excitation. J'en veux pour preuve que le choix... puisque ça s'impose à lui plus qu'autre chose, mais qu'ensuite il y adhère ou pas, le choix du type de stratégie pour contenir ce passage à l'acte témoigne de la nature de cette excitation, de ces conflits pulsionnels qui le désaniment. Si vous interrogez un bon toxicomane, il va vous expliquer pourquoi il faut préférer la kétamine, la cocaïne, l'ecstasy ou un certain nombre de produits chimiques sur Internet pour favoriser une reprise d'exaltation des... parce qu'il est plutôt désanimé, plutôt ralenti. S'il vous dit qu'il prend de l'héroïne, il vous expliquera très bien pourquoi. Il veut fixer au contraire quelque chose qui est un chaos pulsionnel, qui le désorganise plutôt que simplement une anesthésie qu'il voudrait réanimer avec des amphétamines ou de l'ecstasy, etc. Même chose dans les troubles de l'humeur. Mon ami et mon collègue l'a évoqué hier ou avant-hier sur cette question de la gestion par les troubles bipolaires. de l'idée qu'ils se font de comment s'arranger avec ce biologique qui les exalte ou qui les ralentisse en fonction de la gestion de son traitement médicamenteux. Donc je veux insister sur le fait que ce qui est le sens de ce passage à l'acte, c'est qu'il est hors sens ou non sens. Ce sujet est en proie à une excitation débordante dont il ne sait pas quoi faire et qu'il calme par un passage à l'acte toxicomaniaque qui calme son excitation. à avoir cette stratégie défensive par un passage à l'axe suicidaire qui organise un court circuit pour que cette excitation ne le désorganise pas. Mais dans d'autres cas, ce n'est pas le chaos qu'il prend, le chaos pulsionnel, mais plutôt le néant, la néantisation. Ça a été évoqué aussi par un collègue hier, d'un point de vue plutôt neurologique, sur les états de stress post-traumatiques, où il avait très bien montré ce que les cliniciens observent, c'est que si le sujet... a l'air résilient, c'est-à-dire qu'il ne réagit pas aux sollicitations alors qu'il a été traumatisé, contrairement à d'autres. C'est parce qu'il a éteint, d'un point de vue neuroanatomique, son cortex profondal, son hippocampe, qui ne répond pas, qui ne s'allume pas, mais qui, d'un point de vue clinique, correspond à une défense par anesthésie, par insensibilisation, dont on sait qu'elle est efficace. dans les médias, mais qui à court terme, évidemment, l'appauvrit puisqu'il n'entre plus en relation, il ne répond plus à aucune sollicitation, car toute sollicitation peut faire revivre cette expérience traumatique. Alors, le psychothérapeute qui s'intéresse à ce qui se joue en amont de ce passage à l'acte, et dont je répète que ce n'est pas une histoire passée qui se reproduirait là, dans une conversion signifiante que le passage à l'acte pourrait révéler, mais plutôt que le sujet est en train de chuter, un peu comme les schizophrènes qui délirent. On a un certain nombre d'auteurs, on pensait que la nature de ce qui était exprimé dans le délire de grandiosité ou d'érotomanie ou de ce que vous voulez, pouvait avoir un sens par rapport à l'histoire ancienne du sujet et qu'on pourrait faire le lien. La plupart du temps, on remarque que tous ces patients délirent tous de la même façon et que ce délire de grandiosité auquel ils se rattachent, c'est pour se soutenir par rapport à un sentiment de dévalorisation, d'échec ou de néantisation. C'est donc un compromis contre. un sentiment de vacuité interne important. Une fois que vous avez compris ce qu'est la fonction économique du passage à l'acte, court-circuiter un chaos pulsionnel qui désorganise, réanimer un sentiment de vacuité, ça n'est pas fini. Il va falloir essayer de trouver, si vous avez une attention portée à votre patient, et si vous considérez que ce passage à l'acte, ici et maintenant, Dans cette situation particulière que le patient présente, une séparation amoureuse qui lui fait faire un acte suicidaire, si vous considérez que ce passage à l'acte, ici et maintenant, est une réminiscence ou une reviviscence, une réactivation d'une expérience antérieure autrefois ailleurs, et en particulier dans l'enfance, si cette séparation qu'il a désorganisée, qu'il a obligée à faire un passage à l'acte suicidaire, n'est peut-être que la réactivation d'une première séparation dans l'enfance avec des objets importants pour lui, son environnement parental, alors vous allez travailler sur le fait que ce sujet, et c'est un point d'importance, dans l'acte vous communique quelque chose. Pas sous une forme de représentation, pas sous une forme vermale, c'est ce qu'on appelle une communication primitive en acte. Il vous témoigne qu'il chute aujourd'hui. comme autrefois ailleurs. Et si vous faites un lien entre cette expérience de séparation à l'adolescence, l'expérience de séparation amoureuse, de déception, et souvent le mode d'entrée dans un passage à l'acte, si vous faites ce lien de la reviviscence, d'un abandon, chez ce patient eu égard à ce qui s'est joué dans son enfance, vous pouvez créer un pont. Un pont qui relie, qui donne un sens à ce qui s'est passé aujourd'hui, et qui différencie. Le pont... C'est ce qui relie et qui différencie. Et donc vous travaillez la fonction économique du symptôme en même temps que le sens qu'il peut avoir été celui du sujet. Deuxième élément d'importance que je veux souligner de manière générale dans les passages à l'acte. Mais c'est un élément compliqué. Donc je vous demande de l'entendre et ensuite pourquoi pas de le discuter parce qu'il est discutable. Ça a été évoqué tout à l'heure aussi, bon, vous êtes gentils, les passages à l'acte hétéro-agressifs, il faut quand même les réprimer. On ne va pas continuer à avoir ces adolescents qui tuent alors qu'ils sont de plus en plus jeunes pour un portable. Ça n'est pas possible de continuer à accepter, à tolérer ça, sûrement, et qu'il faut qu'il puisse y avoir une sanction, sûrement. Mais si vous me suivez sur une idée centrale et si vous reprenez les cas qui ont été évoqués, si... Vous voyez bien que tout ça n'a pas vraiment beaucoup de sens, enfin que ce n'est pas une histoire de portable, c'est une autre histoire dont il s'agit. L'histoire d'adolescents qui sont en proie à ce chaos pulsionnel ou à ce vécu de vacuité, de néantisation, c'est-à-dire qui ont la mort en eux et qui font quelque chose qui est très humain et qui est vrai dans tous les passages à l'acte, c'est que vous avez intérêt à haïr quelqu'un à l'extérieur. si vous ne voulez pas vous tuer. Vous avez intérêt à trouver une personnalité à l'extérieur sur qui projeter ce sentiment de vide qui est en train de vous désorganiser. En fait, le passage à l'acte hétéro-agressif extérieur, dans la grande majorité des cas, n'est pas maniquer un pervers pour chercher à voler un portable ou tuer quelqu'un plutôt qu'un autre. Il s'agit dans la grande majorité des cas, chez ces adolescents, je ne parle pas de tout le monde bien sûr, d'un sentiment de mort psychique qui est en train de les habiter, qui sont obligés de défléchir en partie à l'extérieur pour sauver leur peau. Si vous écoutez un certain nombre de grands artistes qui ont pu avoir des histoires limites et qui ont fini plutôt mal, ils vous raconteront ça beaucoup mieux que moi. Je vous invite à écouter les chansons d'Alain Bachung qui évoquent Cette nécessité de se faire sauter le caisson, le conteneur, parce qu'il ne contient plus rien et que c'est lui qui est obligé de faire un incendie volontaire, sinon ce conteneur va exploser. Je vous remercie de votre attention.

  • Speaker #0

    Merci Maurice. Je vous avais annoncé un kaléidoscope complémentaire. Donc on va se retourner vers Guillaume Cordian. Guillaume est pédopsychiatre aux hôpitaux universitaires de Strasbourg avec un focus dont je pense qu'il va nous dire quelques mots sur la question de la radicalisation violente des plus jeunes dans la société, des adolescents en particulier. Je pense que ça va être un complément utile aux propos de Maurice à l'instant. Donc Guillaume, on te laisse nous éclairer.

  • Speaker #2

    Merci, bonjour à toutes et à tous. Alors je ne vais pas vous parler uniquement de radicalisation violente ce soir, même si ça va être une partie de mon propos, du fait de mes pratiques depuis quelques années, mais avoir un focus effectivement sur les passages à l'acte violent chez les enfants et les adolescents. Alors c'est sûr que quand on parle de passages à l'acte violent en psychiatrie, on a souvent à l'esprit celui du délirant qui prie. d'injonction hallucinatoire pourrait s'en prendre au quidam dans la rue et hélas on entend parler de ça dans les journaux de temps en temps pour autant je voudrais prendre quelques minutes ici pour vous parler de violences bien plus fréquentes et qui vont certainement reprendre énormément de points que Maurice Corcot s'évoquait juste avant mais pour introduire en premier lieu mon propos je voulais citer un autre psychiatre qui est pas là forcément... un ancien psychiatre, Frantz Fanon, décédé, et qui en 1952 écrivait dans son livre Peau noire, masque blanc, que selon lui, la violence peut être entendue comme, je cite, un moyen de guérir la dépression et l'identité blessée des opprimés en les transformant en désir de vie. En désir de vie, ça rejoint ce qu'on évoquait juste avant. Alors... C'est une phrase qui m'a interpellé et que j'entends comme finalement le passage à actes violents serait ainsi une défense, une lutte contre la passivité. Ce serait une reprise brutale de son sentiment d'agentivité, c'est-à-dire cette capacité à agir sur le réel. Et c'est en effet ce qu'on observe en clinique psychiatrique de l'enfant et de l'adolescent. Alors que ce soit au réseau virage, le dispositif qu'on a créé il y a quelques années sur la question des radicalisations violentes dans le Grand Est, que ce soit à l'ITEP, du médico-social, où on s'occupe d'enfants et des troubles du comportement, ou que ce soit en détention, en expertise ou même aux urgences, en lien avec les dynamiques suicidaires dont on parlait tout à l'heure. Et pour reprendre un des termes que tu employais juste avant, Moïse, je vous propose aujourd'hui d'explorer un pont. En 10 minutes, on peut difficilement être exhaustif, mais un des ponts que je vous propose aujourd'hui, c'est celui de la violence précoce que nombre de ces enfants et adolescents ont vécu. Violence traumatique, enfin, passivation traumatique, on pourrait dire, à travers des violences psychologiques, physiques, sexuelles, associées à de fréquentes dynamiques de soumission dans ces familles. Ils ont ainsi appris précocement un rapport aux autres basé sur une dichotomie stricte entre être soumis ou soumettre. Il n'y a pas d'intermédiaire, c'est soit l'un soit l'autre. Et ce dilemme, il est présent dans la plupart des situations de passage à actes violents dont je vais vouloir vous parler maintenant. Cette passivation a d'ailleurs été mise en lumière récemment par les travaux d'une consoeur, le docteur Julie Balzer, qui dans son travail en éthique du soin auprès d'enfants placés à l'aide sociale à l'enfance, a pu mettre en évidence ces dynamiques de passivation dans leur parcours de vie. Alors c'est vrai, certains auteurs de violences ont pour objectif une domination perverse, une domination sociale, que ce soit à l'échelle duelle, dans une rencontre fortuite, ou dans le couple, on parlait des violences conjugales tout à l'heure. Ça peut être également dans un groupe plus large, comme on peut le voir dans certaines dynamiques de harcèlement scolaire, ou dans la société dans son ensemble, où l'expression, les manifestations perverses de dictateurs ou de mégalomanes de la tech. peuvent s'exprimer pleinement. Mais ce n'est pas de ça dont je vais vous parler aujourd'hui. C'est... Réellement, le fait que la plupart des passages à actes violents qu'on observe en clinique se situent subjectivement, c'est-à-dire pour l'auteur de ces violences, en défense face au risque de passivation. Autour d'une formule que j'entends souvent, il faut que ça s'arrête. Alors le ça est multiple, et je vais vous donner cinq petits exemples d'illustrer ce qu'est-ce qui doit s'arrêter à ce moment-là et qui nécessite. cet agir violent. Alors le premier point, on l'évoquait juste avant et je crois que Gilles tu en parleras également, c'est la question suicidaire. Parce que ce qui doit s'arrêter en premier lieu se situe en soi-même, c'est le vide, cette vacuité dont on parlait, c'est la souffrance narcissique que l'adolescente suicidaire entreprend de faire disparaître dans le seul agir qu'elle perçoit comme encore possible, se faire du mal. À ce titre, quelques chiffres pour vous donner une idée. Entre 2010 et 2022, on évalue à peu près une augmentation de 190% des tentatives de suicide chez les adolescentes. Ce qui nous amène en 2022 à une proportion d'environ 20% des lycéennes qui déclarent avoir fait une tentative de suicide. Ça c'est le premier... Point, le passage à actes suicidaires. Le deuxième exemple de il faut que ça s'arrête correspond peut-être à ce qui avait été évoqué à la séance d'avant, j'y étais pas donc j'ai pas pu entendre, c'est cette question des passages à actes violents qui surgissent au décours d'un événement vécu comme une ultime humiliation, à savoir le refus, le désaccord ou même un simple regard dans la rue. qui peut suffire dans ces situations où finalement seul le sentiment de toute puissance de l'adolescent lui permet d'éviter cet effondrement, ce chaos dont tu parlais tout à l'heure. C'est typiquement la phrase, comme disait Mardi, un jeune homme que je suis en obligation de soins pour des actes violents, notamment face à des personnes dans la rue. Il disait je vois noir quand c'est comme ça, on me regarde mal, on me parle mal, je vois noir et à ce moment-là tout est possible, je cogne et il n'y a plus rien qui m'arrête et quelles que soient les conséquences, de toute façon les conséquences, j'y pense qu'après Alors c'est sûr que dans ces situations-là, l'impulsivité qu'on peut retrouver dans les troubles déficitaires de l'attention, je me tourne vers toi Gilles, est clairement un facteur de risque, d'aggravation du risque de passage à l'acte. Et d'ailleurs on n'a pas obligé d'avoir une personne en face de soi. Pour être dans ce type de passage à l'acte, c'est typiquement le coup de poing dans le mur qui donne ce que nos collègues chirurgiens appellent la fracture de l'abruti. Ce n'est pas très joli, mais c'est comme ça qu'ils l'appellent, avec la fracture du cinquième méta en tapant le poing dans le mur. Voilà, c'est passage à l'acte, donc vécu comme des attaques au narcissisme. Troisième situation, c'est celle que vous évoquiez dans l'introduction, c'est celle que j'observe dans les dynamiques de radicalisation. Ce sont ces passages d'actes violents qui se manifestent quand l'autre finalement n'est que la surface de projection d'une haine qui a été soigneusement alimentée par des discours identitaires radicaux. La violence alors n'est finalement que la manifestation d'une exaltation, d'une toute-puissance qui est offerte par la cause, alors la cause quelle qu'elle soit, qu'elle soit religieuse, d'inspiration religieuse, d'inspiration... racial ou nationaliste, peu importe. Et dans ces situations-là, on peut les accompagner après, là c'est un passage à l'acte, mais la question de surtout les accompagner en prévention du risque de passage à l'acte est une question hautement éthique et on en parlait en introduction et je pense que ce sera peut-être un des sujets de réflexion tout à l'heure. Quatrième situation, c'est des situations où il n'y a pas forcément de haine. C'est certaines situations d'agression sexuelle chez des adolescents qui finalement nous décrivent une absence d'autres. Ils vont s'attaquer sexuellement à quelqu'un, mais ce quelqu'un, il n'existe pas. Leur objectif finalement, c'est avant tout la résolution de cette pulsion sexuelle qui les déborde.

  • Speaker #0

    qui rend leur intérieur psychique totalement chaotique et qui les rend incapables de réaliser ce qu'ils sont en train de faire à cet autre qui n'existe pas, qui n'est pas subjectivé, qui n'est pas différencié, qui n'est pas sujet en face d'eux. Et là, tout le travail thérapeutique, ça va être justement de réintroduire cet autrui dans la victime pour éviter la récidive. Cinquième temps... type de ça, dans le il faut que ça s'arrête c'est la question de la réviscence, la réactivation directe de cette passivation traumatique originelle. On peut l'observer, typiquement, en expertise, on peut le voir, vous en entendez parler dans les journaux aussi, je pense, c'est, titre d'exemple, j'ai entendu ça récemment, un jeune homme introverti, qui brutalement, en pleine nuit, décide d'aller casser la gueule du beau-père qui maltraite depuis des années sa mère. Et je voulais terminer mon propos sur des passages à l'acte violent par, encore une autre catégorie, si on peut en parler comme ça, par refus de l'injustice de trop. Alors l'injustice, c'est un concept qui est plutôt compliqué, qui est multiforme, et qui ne va pas réussir à être déployé aujourd'hui. Certes, on peut le retrouver d'un point de vue psychopathologique dans les personnalités pathologiques dites sensitives qui vont ressasser leurs ressentiments autour d'un vécu de préjudice sub-délirant, voire complètement délirant pour certains. Mais, c'est de ça dont je voulais vous parler pour terminer mon propos introductif, c'est que force est de constater qu'il peut également y avoir, et là on est hors du champ de la psychiatrie, la manifestation... d'un vrai désir de vie, comme l'exprimait Fanon ou Winnicott, finalement la référence me va très bien également, ce refus finalement de l'injustice par l'agir violent, qui, ce qu'on observe, croit à mesure que l'on multiplie les perdants dans la société. Et alors là, on ne s'était pas mis d'accord tout à l'heure avec Maurice. Mais figure-toi que c'est aussi une citation d'Hachoum. Multiplier les perdants dans les sociétés, voilà des injustices qui favorisent hélas le terreau de certaines manifestations violentes que je mettrais de côté hors du champ de psychiatrie. Et donc c'est également le cas, à mon sens, quand on contraint les jeunes générations à subir, d'une certaine façon, les choix irresponsables et violents de leurs aînés. Je m'arrêterai là-dessus. Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Merci, Guillaume. Écoutez, vos deux propos. On a l'impression que vous ne parliez que des jeunes et des adolescents, mais ces jeunes et adolescents deviennent des adultes. Je ne sais pas, Gilbert, si c'est de ça dont tu veux nous parler, mais quelque part, il y a ensuite quelque chose qui se prolonge. quelque chose qui se manifeste de manière différente. Et donc voilà, s'il existe des spécialistes de la pédopsychiatrie, il existe aussi des spécialistes de la psychiatrie adulte, et ils n'ont peut-être pas le même regard, ou du moins un regard historiquement complémentaire au premier. Donc merci de nous éclairer.

  • Speaker #2

    Merci, merci bien, merci aux organisateurs pour l'invitation, bonsoir à tous. Je suis un spécialiste des troubles de l'humeur, et donc je vais parler de la question sur... surtout du passage à l'acte suicidaire. Mais en préambule, et pour faire le lien avec les thématiques qu'on vient d'évoquer, je rappellerai qu'il y a un autre enjeu dans le champ psychiatrique, le passage à l'acte hétéroagressif, dont on vient d'entendre chez mes collègues toute la complexité de ce qui peut se jouer en matière de déterminants qui ne sont pas forcément à proprement parler des maladies psychiatriques. mais qui sont des déterminants psychologiques et psychopathologiques et sociétaux. Pour rappeler que certes, il arrive et il continue d'arriver de temps en temps des événements tragiques qui impliquent des patients souffrant de troubles psychiatriques caractérisés, peut-être le plus souvent des troubles schizophréniques. Si on met de côté les problématiques d'addiction, qui sont aussi des facteurs importants dans la détermination du passage à l'acte violent, y compris chez des gens qui ne sont pas des malades psychiatriques, mais finalement, ces affaires tragiques... qui résonne énormément sur le plan médiatique chaque fois qu'il se passe quelque chose, qu'ont fait les psychiatres, pourquoi ce patient est sorti de l'hôpital, etc. ne représentent qu'une toute petite minorité des décès par assassinat, par meurtre. Et on finit par avoir dans notre monde, où on pense plus qu'en 140 signes, Ça représente un vrai danger pour la société. Nos patients, par exemple, souffrant de troubles psychotiques et schizophrènes, ils ont surtout un risque d'être victimes de violences et de l'agressivité des autres plutôt que d'être eux-mêmes des auteurs de violences. Pour en revenir à cette question du suicide, là aussi, je devrais être bref, dans un domaine où la nuance est forcément nécessaire. Il y a des suicides, il y a ce qu'on appelle des conduites autodommageables qui peuvent faire partie d'un système de régulation face à la détresse, face à ce qui est insupportable, auquel mes collègues ont fait allusion. Mais les choses ne sont pas forcément si binaires que ça. Il y a entre les deux tout un ensemble de conduites. Par exemple, des intoxications médicamenteuses volontaires, où il s'agissait bien de faire arrêter quelque chose, où la question de la volonté suicidaire n'est pas toujours absolument claire, mais au fond, c'est une sorte de risque pris pour interrompre l'insupportable. Et donc la question, quand on demande à un patient mais vous vouliez vraiment mourir ? n'est pas une question à laquelle il est si simple de répondre. Il ne reste que 9000... Une personne, en gros, meurt par suicide en France chaque année. 7% des Français ont déjà fait une tentative de suicide dans leur vie. Et c'est vrai que même si les choses ne s'aggravent pas en termes de nombre de suicides en France, on est face à une montée importante de la prévalence de la dépression, de l'anxiété, des idées suicidaires, des passages à l'acte. de toutes sortes, autodommageables ou suicidaires. Chez les adolescents et chez les jeunes adultes, il y a eu une très nette aggravation au moment de la crise Covid. Les choses ne vont plus avec un tel niveau d'aggravation, mais il n'y a pas eu non plus de décru pour le moment, d'où la saturation de nos systèmes de soins. Et on voit bien que ces jeunes adultes ne vont pas bien. En tant que psychiatre hospitalier, ça fait plusieurs décennies que j'exerce mon métier. Je vois bien que nos unités d'hospitalisation se rajeunissent. Il y a beaucoup de jeunes adultes que nous sommes obligés d'hospitaliser dans des cliniques qui sont complexes. Ou même les troubles de l'humeur classique, troubles bipolaires par exemple, sont toujours présents mais sont souvent intriqués avec des problématiques complexes, borderline, des troubles du neurodéveloppement, TDAH, troubles du spectre autistique, etc. des enjeux de transidentité par exemple aussi. Il y a donc vraiment quelque chose qui est en train de changer aussi à ce nouveau-là. Ce que je voulais aussi apporter comme éclairage, c'est finalement quand on s'arrête sur ce étonnant terme de passage à l'acte, on peut faire saisonner sur un plan des multiples sens qu'on peut donner à cette expression. Dans le passage, il y a aussi l'idée de... de quelque chose où on se faufile d'une voie de sortie qui, à un moment donné, peut être que la seule voie de sortie. Ils font résonner aussi des sens autour de l'idée que l'acte, c'est quelque chose d'actif, mais il y a en même temps quelque chose qui peut être passif, quelque chose où on glisse vers le passage à l'acte. Parce qu'il y a parfois de l'impulsivité, il y a parfois... Quelque chose a été construit pas à pas, sans interruption. Mais ma conviction comme clinicien qui a rencontré beaucoup de patients avec des conduites suicidaires, qui a perdu un certain nombre de ces patients qui se sont suicidés, pendant leurs soins ambulatoires, parfois même pendant leurs soins hospitaliers, c'est que la... La voie qui mène au suicide est une voie un peu en pointillé, faite d'aller et retour. On s'approche, on expérimente. D'où l'attention qu'on doit porter à quelque chose qui se commence, quelque chose qui se répète, quelque chose qui revient, et dont on ne doit pas se dire Oh, finalement, ça n'est que des répétitions, on peut être rassuré, ça n'ira pas plus loin Et les patients, ils vont jusqu'au bout à un moment donné de l'acte qui va être létal. Ils ont souvent fait ce chemin-là, dans cette direction-là, par étapes successives, puis des retours, mais au moment où ils vont passer à l'acte, c'est comme s'établissait une sorte de continuité de tous ces moments où ils ont déjà pensé à cela, préparé cela. Et préparer, c'est parfois les repérages des lieux où on va se précipiter, les moyens qu'on va utiliser, sa réserve médicamenteuse. la corde, l'arme à feu, etc. Et à un moment donné, tout devient comme une évidence. Je vais faire quelque chose que j'ai dans la tête depuis très longtemps. Et ça peut être comme ça, alors même qu'une heure ou deux plus tôt, dans l'interaction avec l'infirmière de l'unité, il y avait quelque chose qui semblait bien se passer et qui ne laissait pas présager que quelque chose allait... basculer ainsi. Mais au moment où le patient bascule, lui, il n'a plus aucun lien avec ce moment, une heure ou deux plus tôt, où il a pu échanger avec l'infirmière et où les choses semblaient pas si mal se passer. Il n'est plus connecté qu'avec la noirceur de sa souffrance, le caractère intolérable de tout cela et qui peut amener à ces gestes désespérés qui débouchent sur un suicide, qui se font parfois avec une violence Impressionnante quand il faut se mettre sur le passage d'un train ou se précipiter dans les hauteurs, ou sauter dans l'eau. Et cela, c'est quelque chose qui me paraît vraiment important. Enfin, je voudrais juste aussi pour terminer, revenir sur quelque chose qui est peut-être en train d'évoluer, mais on ne va pas faire un sondage dans la salle. Vous vous demandez... Si ce que je vais vous dire là vous surprend ou pas, les professionnels qui sont présents ici ne seront pas surpris. Mais c'est la question, est-ce qu'on peut parler du risque suicidaire ? Est-ce que si je parle de la question du suicide avec celui qui est en face de moi, qui ne va pas bien, je vais augmenter un risque de passage à l'acte ? Eh bien, il y a un consensus dans notre profession pour dire non. Au contraire, il faut demander à celui qui est face à nous, qu'on soit là comme amis, comme parents, comme médecins, infirmiers, soignants, etc. Comment vous vous sentez ? Vous vous sentez mal ? D'accord ? Jusqu'à quel point ? Jusqu'à quel degré de douleur intolérable ? Jusqu'à quel degré de désespoir ? Est-ce que cela... vous amène, t'amène à considérer que la mort serait la seule issue pour être soulagé de tout cela. Ne pensons pas que si on aborde cette question-là, on va augmenter le risque de passage à l'acte. Au contraire, notre interlocuteur va réaliser qu'on est capable de se représenter, que là où il en est dans sa souffrance, il peut être à ce stade-là, à ce point limite-là, et on peut réouvrir quelque chose, retendre un fil. lancer une corde sur laquelle on va pouvoir essayer de le réamarrer à quelque chose. Je vous remercie de votre attention.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup Gilles, je savais que le complément serait indispensable, il l'a été. Alors le légiste que je suis est bien modeste parce que j'ai entendu les gens de la psyché, moi je ne suis que l'acteur du corps. Est-ce qu'il de temps en temps me... Me rappelle au travail de David Le Breton, c'est justement ce rapport au corps et comment ce corps peut finalement parler, exprimer quelque chose autour de l'individu, mais quelque chose autour des faits de société, quelque chose autour des souffrances. Et David a beaucoup, beaucoup travaillé ces questions là. Et je pense que dans cette table ronde, la place du sociologue est tout à fait justifiée pour nous emmener sur un autre chemin. Donc, on te cède la parole avec bonheur.

  • Speaker #3

    Merci Grégoire. Alors l'anthropologie évidemment c'est toujours un pas de côté, c'est la pratique du détour comme disait autrefois Georges Ballandier, qui amène à dépayser des notions de sens commun, mais aussi des notions médicales ou psychiatriques qui sont parfois posées dans l'absolu. Surtout par ailleurs que l'anthropologie récuse de toute façon les étiquettes qui dépossèdent les acteurs de leur souveraineté, pour les traiter comme des figures. interchangeables. Par exemple, être un toxico, un anorexique, etc. Alors que, comme Maurice l'a rappelé tout à l'heure, il n'existe que des singularités et que le symptôme ne dévore pas le sujet dans sa totalité. Évidemment, le sujet, la personne qui a une pratique de toxicomania, qui a mille autres choses, évidemment, que son rapport aussi à la drogue. D'où ma position souvent de déconstruction du regard au regard des catégories psychiatriques ou médicales, ou en tous les cas de problématisation à leur égard. Et s'agissant de la notion de passage à l'acte, vu comme une sorte de court-circuit de l'inconscient, je voudrais donc montrer que cet usage un peu systématique, un peu magique, qu'on entend souvent autour de soi, me paraît parfois un peu contestable. J'ai souvent eu l'occasion de l'entendre comme un abus de langage de mon point de vue, surtout dans le contexte des attaques au corps, des scarifications, sur lesquelles je suis énormément deux fois intervenu. Et ça m'a toujours paru une manière de clore toute réflexion sur ce qui pouvait amener un adolescent à s'entailler de la sorte. Alors bien entendu, je ne conteste absolument pas la notion de passage à l'acte, mais je souhaite la nuancer, la contester en tous les cas, s'agissant de... S'agissant des scarifications à l'adolescence, moins des automutilations dont Maurice parlait, parce qu'on est fait sur un autre registre. Je parle des attaques au corps d'adolescentes ou d'adolescents bien ordinaires, entre guillemets. Les attaques au corps visent à fabriquer du sens pour continuer à vivre. Ce sont souvent des actes de passage, et c'est la notion que je voulais introduire dans le débat, non pas des passages à l'acte, mais des actes de passage. Acte. En ce sens, qu'à mes yeux, le jeune demeure acteur de son comportement et passage, car il s'agit justement de passer sur l'autre rive d'un fleuve de souffrance, d'une hémorragie de souffrance qui menace de tout emporter. L'acte de passage relaie l'élaboration mentale qui ne suffit pas en elle-même à désamorcer sa souffrance. Le soulagement implique un supplément de corps qui lui donne son efficacité. Le jeune est parfaitement capable d'expliquer son geste, d'expliquer aussi le sens de son acte, même s'il ne parvient pas toujours à y échapper. Il sait que le soulagement l'attend à son terme en lui faisant traverser la tension intérieure. Je me fais mal pour avoir moins mal voilà le propos qu'on entend régulièrement de la part de ses ados. Je me fais mal, mais c'est pour avoir moins mal Et puis j'ai très souvent cité cette adolescente qui me disait il y a quelques années, Je me fais mal à mon corps pour avoir moins mal à mon cœur Je trouve que cette réflexion est absolument magnifique, mais démontre bien cette position d'acteur, d'actrice en tous les cas, de cette adolescente qui s'entaillait régulièrement. Le jeune donc est acteur de son geste, à la différence de la notion de passage à l'acte, qui le dépossède de sa responsabilité dans ce qu'il fait, le transforme en objet passif d'un jeu de l'inconscient, d'une sorte de court-circuit intérieur. Cette notion d'acte de passage récuse le dualisme entre l'esprit d'une part et le corps de l'autre, comme si les manques du premier, l'esprit, ricochaient machinalement sur le corps. Bien entendu, la parole est essentielle comme instance thérapeutique, mais elle n'est absolument pas suffisante quand le moment n'est pas venu. La blessure volontaire absorbe ce reste que les mots ne saisissent pas, c'est au-delà que les paroles ne peuvent contenir. Le jeûne fixe son chaos intérieur sur son corps afin d'y voir plus clair, il met en acte une impossibilité de transformer les choses. Dire un inceste par exemple, ne suffit absolument pas à en désamorcer la virulence, la brûlure. Ces attaques au corps sont donc des tentatives de contrôler un univers intérieur qui échappe encore, d'élaborer une relation moins confuse entre soi et l'autre en soi. À travers cet acte de passage, finalement, le jeune se remet au monde et se sort de sa noyade. Le passage à l'acte n'est pas une modalité de résolution de la tension interne. Il la maintient au cœur du sujet, comme s'il se débattait dans une nasse. Au contraire, l'acte de passage permet de surmonter la tension et de devenir à nouveau acteur de son existence. Dans tous les cas, avec un gradient plus ou moins prononcé, l'acte autorise un passage, une transition vers l'autre rive. Il est une tentative de restauration du lien, à la différence du passage à l'acte, qui élimine en partie le sujet de la scène. L'acte de passage est une action sur soi qui fonctionne comme un appui pour s'arracher aux anciennes pesanteurs, un remède pour s'extirper d'une situation apparemment sans issue. Même s'il se répète, il est un chemin tracé dans le corps en en payant le prix pour se retrouver et rejoindre le lien social. Il est aussi d'ailleurs à l'occasion un levier thérapeutique, une accroche pour une reprise de parole ou un accompagnement thérapeutique. Martine par exemple, une des personnes que j'ai rencontrées, le dit avec force, les coupures c'était la seule manière de supporter cette souffrance, c'était la seule manière que j'avais trouvé à ce moment-là pour ne pas vouloir mourir. C'est elle qui dit vouloir mourir. Ces attaques au corps avaient été pour elle une forme de prévention au pire. Victime d'inceste, Chloé dit avec finesse que les scarifications non seulement permettent de passer les moments de souffrance, mais suscitent également une sorte de savoir sur les épreuves vécues. Chloé dit Je trouve qu'on apprend à travers ces scarifications, je trouve qu'on apprend à comprendre et à accepter sa douleur. Pour moi, à ce moment-là, C'est à ça que ça servait. L'acte de passage est donc un appui pour s'arracher aux pesanteurs. Il est un remède pour s'extirper peu à peu d'une situation qui paraissait bloquée. Même s'il se répète, je m'aperçois qu'il y a une répétition dans mon texte, mais ce n'est pas grave. Même s'il se répète, il est un chemin tracé dans le corps en en payant le prix pour se retrouver. Il fonde au fil du temps, en soi et autour de soi, les conditions d'une acceptation de soi. ou d'une capacité à transformer la situation mortifère. La plupart du temps, les scarifications ne sont pas montrées aux autres et ne permettent pas l'instauration d'un échange, mais même à ce niveau, elles participent du franchissement de la barrière de souffrance. En ce sens, j'analyse pour ma part les scarifications comme étant dans la majorité des cas une technique de survie. Une technique de survie, à l'image de ce que disait Martine tout à l'heure, C'est aussi d'ailleurs pour restaurer la souveraineté du jeune que j'ai avancé cette notion d'acte de passage, pour le poser comme un acteur. Dans l'immense majorité des cas, les scarifications adolescentes sont provisoires. En plus, elles ne s'attaquent pas aux visages ou aux organes sexuels. Quand c'est le cas, on est plutôt dans le passage à l'acte et une prise en charge s'impose en urgence. Là, il y a une dimension profondément anthropologique, évidemment, du rapport au visage, du rapport aussi aux organes sexuels, par exemple. Dans mon expérience, les attaques au corps durent rarement au-delà de quelques mois ou au pire de quelques années. Certes, il arrive que des personnes plus âgées persistent de manière rituelle, soulignent les mots, à s'entailler secrètement. Elles ont trouvé une sorte de compromis avec le monde qui les autorise à vivre. Et chacun de nous se souvient du personnage d'Erika. dans le très beau film de Michael Haneke, La pianiste. Vous vous rappelez d'Isabelle Huppert, qui s'entaille paisiblement, tranquillement, dans sa baignoire, au niveau d'ailleurs de son sexe, enfin, de la proximité de son sexe, parce qu'elle se sent dépossédée de sa féminité par ses règles, et elle décide de faire couler son sang de manière délibérée. C'est compliqué à comprendre quand on n'a pas lu le livre de... Le livre de cet auteur autrichien dont le nom est... J'ai le fric de Jelinek. Je trouve que dans le roman et dans le film, tout est parfaitement bien expliqué. D'ailleurs, il y a différents types de scarification dans le film. C'est un document clinique absolument extraordinaire. Donc, il y a des personnes qui persistent, en effet, mais c'est leur manière de vivre. Et puis, voilà, à mon avis, ça ne se discute pas parce que ce ne sont pas des gens qui vont chercher de l'aide. Ce sont des gens qui ont trouvé un rapport au monde qui les satisfait, entre guillemets. Donc, la notion de... La notion de passage à l'acte, si elle a une légitimité dans bien des situations, m'a souvent paru un mot magique pour effacer la souveraineté du sujet et le subordonner à un savoir psychiatrique ou médical, ou encore pour médicaliser son comportement lors par exemple de suicides ou de tentatives de suicide ou d'actions criminelles qui sont parfaitement élaborées par des individus. Et en ce sens, je parlerais plutôt de passage à l'action. C'est-à-dire qu'auparavant, il y a une immense réflexivité qui fait qu'on passe à l'action de l'attentat, du meurtre ou du suicide, mais ce n'est pas une espèce de surgissement impromptu, inopiné, c'est en fait une longue histoire. Évidemment, là je suis profondément sociologue, de vouloir toujours restaurer la position du sujet et ne pas le considérer comme une sorte de jouet du destin ou de son inconscient. Mais évidemment, la différence entre ces deux... Ces notions, un passage à l'acte, acte de passage, passage à l'action, engagent des compréhensions, mais surtout des cliniques, des éthiques en amont, mais surtout des cliniques radicalement différentes. Voilà. Merci. Merci de votre attention.

  • Speaker #1

    Merci, David. Avec Aurélien, on va passer les questions à la salle. Mais c'est vrai que le débat est un peu ouvert parce que à lésion équivalente. Si je suis un peu basique, l'histoire et la narration peuvent différer d'un individu à l'autre. Le problème c'est que face aux symptômes, la famille, le clinicien, qui n'est pas forcément psychiatre spécialiste, qui peut être généraliste, qui peut être gynécologue, et tout un chacun quand il voit un proche s'interroge. Et entre la vision que tu proposes de l'acte de passage, qui est finalement une vision qui peut être positive, qui peut rappeler les rites d'autres cultures d'ailleurs, où les scarifications ont un sens très positif, Et puis l'histoire du psychiatre adulte qui nous dit Mie une marche de progression et ce premier signe peut-être aussi la voie vers quelque chose de beaucoup plus grave qui va mener soit à se supprimer, soit à supprimer l'autre. Il faudra des arbitres dans l'analyse de tout cela. Et effectivement, ton regard est intéressant pour montrer qu'il ne faut pas tout mettre dans le même tout, mais qu'il faut s'interroger sur le sens de chaque chose. Donc, si il va nous permettre de dialoguer avec la salle, Aurélien, allons-y. On laisse la parole au public.

  • Speaker #4

    Oui, merci. Merci à tous les 4-5 orateurs, parce que je trouve que le format qui a été fait nous permet de beaucoup mieux comprendre quand on n'est pas spécialiste, et chaque intervention était complémentaire de l'autre. passionnant comme approche de ces choses-là. Et je voudrais juste évoquer peut-être un autre éclairage, parce que j'aime beaucoup le cinéma, et le cinéma c'est un reflet extraordinaire de notre société, pour le point social. Actuellement, il y a un film qui parle extraordinairement bien de cette problématique qui s'appelle Jouer avec le feu qui est sorti il y a quelques jours avec Vincent Lindon dans le rôle principal, et qui parle d'un acte hétéro-agressif Mais c'est vraiment un passage à l'acte et qui étudie magnifiquement bien la réaction de différents groupes, c'est-à-dire d'abord la famille, la souffrance interne, et on ne comprend pas le passage à l'acte, mais on arrive à le suivre très très bien. Là, il s'agit d'un acte hétéro-agressif, puisque un adolescent devient un criminel. Mais là, c'est la pression sociale, puisque c'est un acte politique. Il y a un autre film que j'ai vu. qui est un film américain et c'est ça qui est très intéressant, qui s'appelle A Feel Fine et qui est le traitement du suicide d'un adolescent sous les yeux de la culpabilité terrible de son entourage. Dans les deux cas, on voit un père aimant, un père particulier, pour l'image du père, une famille aimante. Et je trouve que c'est absolument passionnant de voir au cinéma la manière dont la société américaine, où il y a un psychiatre aussi dedans, et la société française européenne traitent de la souffrance des adolescents. y compris le passage à l'acte. Et pour revenir à ce que disait M. Le Breton, c'est très intéressant parce que notre société observe... et fait des statistiques au sujet des suicides et des passages à l'acte. Mais la question principale, c'est comment va agir le groupe, la famille en particulier, et comment est-ce qu'elle peut percevoir tout ça ?

  • Speaker #1

    Est-ce que l'un d'entre vous veut s'en parler de la question ? Effectivement, si on focalise sur la question des proches et de la famille, on a entendu les cliniciens, mais finalement, quel regard les cliniciens ont ? On va porter sur ce conseil ou cet accompagnement à la famille. Je ne sais pas, Gilles, je te regardais dans les yeux, mais est-ce que tu veux en dire un mot ?

  • Speaker #2

    Oui, forcément.

  • Speaker #0

    On ne peut jamais aborder ces problématiques-là en envisageant l'individu coupé de son contexte. La première couche du contexte, dans une vision un peu concentrique, de couche successive, c'est les proches, c'est la famille. A partir de là, on pourrait développer beaucoup, mais c'est une dimension extrêmement importante.

  • Speaker #1

    Maurice, tu veux compléter ?

  • Speaker #2

    Oui, alors dans le champ qui est le mien et uniquement dans ce Ausha, c'est-à-dire la pédopsychiatrie, les adolescents, les familles, un psychiatre d'adolescence, un psychiatre de famille, bon, je l'ai déjà dit tout à l'heure, je le répète, dans mon nombre de cas, les adolescents nous amènent leurs parents pour qu'on soigne leurs parents. Et le passage à l'acte, en particulier suicidaire, et le témoignage dans un certain nombre de cas, de cette problématique-là, c'est-à-dire de la problématique inconsciente, transgénérationnelle, si ce n'est de la problématique consciente, ici et maintenant, d'une maltraitance, d'une violence, d'une agression sexuelle, d'un inceste. Nous sommes effarés d'avoir vu pendant le confinement que la proximité des familles a entraîné une multiplication des violences intrafamiliales, des passages à l'acte sexuel et des révélations. en décédant sexuellement. Cette dimension-là est à prendre en compte, c'est-à-dire que le symptôme présent de l'adolescent a toujours, peu ou prou, une dimension familiale et parfois prévalente. Pas à l'inverse, pas pour contrebalancer, mais quand même, qu'est-ce qu'il y a de plus agressif vis-à-vis de la famille qu'un passage à l'acte, en particulier suicidaire, ou même une automitulation, en particulier sur le visage ? mais qui atteint le corps qui est le fruit de l'amour, du désir de ses deux géniteurs. Cette agression vis-à-vis des parents est une source d'angoisse extrême, c'est une désaffiliation. Un passage à l'acte suicidaire est une désaffiliation en acte. Une chirurgie esthétique réparatrice itérative et une démonstration répétée que je ne veux pas avoir le nez de mon père, les joues de ma mère et je ne veux pas devenir le corps de ma mère. Cette agression, cette agressivité vis-à-vis de la famille va avoir une réponse déprimée ou une réponse en représailles. Plus complexe, mais tout aussi important, un certain nombre de familles perçoivent très bien que ces passages à l'acte, en particulier les scarifications, mais pas n'importe lesquelles, David a bien signifié. celles qui touchent les zones sexuelles, celles qui sont répétées, celles qui sont intenses, massives, brutales, impérieuses, qui s'imposent au sujet, sont une source de jouissance, de jouissance auto-érotique que perçoit très bien la famille. Donc, agression du corps issu du fruit de l'amour parental, du fruit déchu, et jouissance auto-érotique, c'est-à-dire non relationnelle, purement autarcique, sont des éléments qu'il va falloir prendre en compte pour que... on puisse traiter la part qui appartient à la famille, primaire ou secondaire, du symptôme. Et si ce traitement n'est pas fait, s'il n'est pas évalué, s'il n'y a pas eu d'un antécédent de trauma ou d'agression sexuelle. Pour vous donner un exemple encore plus signifiant, le nombre de révélations sexuelles en hospitalisation, un autre élément. Quand une hospitalisation d'adolescent dure longtemps, C'est parce que le gosse n'a pas eu la possibilité encore de vous révéler qu'il a été abusé sexuellement. Ayez ça en tête, dans un grand nombre de cas c'est vrai. Ce gosse donc reste très longtemps, il révèle un abus sexuel et dans la grande majorité des cas, cette révélation c'est pour témoigner qu'il a perçu qu'il y avait un antécédent d'agression sexuelle chez la mère et que la façon qu'il a de le révéler permet à l'autre de le révéler. Donc la dimension familiale de tout symptôme qui attend à ses jours... doit être prise en compte en amont, est-ce qu'il y a une participation carentielle, traumatique ou les deux de la famille ? Et en aval, est-ce que cette jouissance auto-érotique qui se désaffilie du relationnel est acceptée ou pas par la famille ?

  • Speaker #1

    Merci. Sur cet éclairage, je ne sais pas si les images cinématographiques allaient vous amener juste à ce type de réponse, mais au moins, on a pris en compte que l'individu n'est pas étranger à la globalité de sa famille réciproquement. Il y a d'autres questions dans la salle ? Oui,

  • Speaker #2

    bonsoir, merci de ces très intéressantes réflexions. On pensait, on pense peut-être encore aujourd'hui, que derrière toute tentative de suicide, il y a un appel à l'aide. Est-ce qu'on a raison de penser ça ? Qui est-ce qu'on interpelle ? La société ? Les parents ?

  • Speaker #0

    Je donne une première réponse dans ma perspective de psychiatre d'adulte. Je reviendrai à cette idée qu'il faut toujours nuancer les choses. Oui, parfois c'est quelque chose de cet ordre-là, de communiquer qu'on est débordé par sa souffrance. Peut-être que c'est une façon en raccourci à la fois d'interrompre le moment qui est intolérable et puis de se dire qu'il y aura un après qui permettra peut-être qu'autour de moi, on se rende compte à quel point je vais. Mais ce n'est pas toujours aussi clair que ça. Et puis, il faut toujours se méfier dans notre domaine de formulation qui dit toujours ou au contraire, celle qui ne dit jamais. Il y a nombre de passages à l'acte suicidaire qui ne sont pas un appel à l'aide, qui sont juste la voie de sortie par rapport à quelque chose qui est intolérable.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce que tu penses tout de même du récent procès d'Orange, c'est ça ? Le téléphone ? Le moins qu'on puisse dire que c'est... C'est une interpellation sur une modalité de management social effarant, héritée de nos amis américains et que nous avons importée. Oui,

  • Speaker #0

    ça, c'est une autre notion très intéressante que tu introduis. C'est au fond, certains suicides sont sacrificiels, c'est à dire je vais interpeller l'entourage et la société. Mais ce n'est pas un appel à l'aide pour moi. pour essayer de changer quelque chose après moi.

  • Speaker #2

    Signal d'alarme et appel à témoins.

  • Speaker #1

    Premier rang, une question.

  • Speaker #3

    Oui, donc bonsoir et merci beaucoup pour ces interventions qui ont été vraiment extrêmement riches. Je souhaiterais donc vous faire part d'une réflexion et du coup engager la discussion si possible et si ça vous convient. Donc particulièrement sur la question de la stigmatisation et en particulier des enfants placés, si j'irais même déplacés. Et pour revenir donc sur le thème de ce soir concernant donc ces enfants qui pour certains malheureusement beaucoup trop passent du statut de victime au statut d'auteur, de passage à l'acte. en particulier des passages à l'acte hétéroagressif. Finalement, je me pose la question de qu'en est-il de leur responsabilité ? Qu'en est-il de leur responsabilité ? Parce que, notamment, la question que je me pose, c'est finalement, est-ce qu'ils ne seraient pas également victimes, en plus d'être auteurs ? Je me base sur deux points de réflexion. D'un point de vue neuropsychologique, on sait que les cortexs préfrontal maturent jusqu'à 25 ans. Par rapport à ça, et aussi par rapport à l'excuse de minorité, qui est une thématique que j'aimerais vous demander votre avis si possible. Je me questionne sur, finalement, à partir de 16 ans, alors sauf erreur de ma part, je ne suis pas juriste, Mais je crois comprendre ou savoir, en tout cas de manière expérientielle, qu'à partir de 16 ans, le jeune, victime et malheureusement auteur de violences, de passage à l'acte, finalement n'est plus automatiquement dispensé de l'excuse de minorité. Donc ça en revient vraiment à la question de la responsabilité. Et voilà finalement en gros pour reprendre les propos de monsieur le professeur Le Breton, j'ai beaucoup apprécié finalement voilà ce jeu de mots et je me demande est-ce que finalement ces jeunes ne seraient pas d'une part point numéro un victimes en fait d'un acte de passage souvent invisible en fait sur terre ou en fait ils sont malheureusement souvent bien trop souvent en manque de tuteurs de résilience. Si on prend le cas des foyers avec des figures d'attachement qui ne font que de changer en fait, donc comment se construire d'un point de vue narcissique et identitaire. et souvent en manque de mère, de père et de tout repère. Et pour conclure, finalement, ne serait-il pas aussi victime d'un système social globalement défaillant ? Je parle particulièrement du système de l'aide sociale à l'enfance. Et finalement, est-ce que ce système de l'aide sociale à l'enfance, etc., ne contribuerait-il pas à assigner à la double peine ces enfants ? et notamment en déresponsabilisant les géniteurs un peu trop, souvent. Je parle en connaissance de cause. Il y a une question sur laquelle je n'ai toujours pas trouvé de réponse. Est-il bien normal que dès qu'un enfant est déplacé, je préfère le terme de déplacé, ça représente un peu mieux ce qui se passe, Est-ce que finalement, l'État ne contribuerait-il pas à ça ?

  • Speaker #1

    Il y a plusieurs questions dans votre question. Je propose de passer la parole à Guillaume Cordevant, parce que je pense qu'il a un focus et une appétence particulière, en particulier, il a une expertise dans les tribunaux sur ces sujets-là.

  • Speaker #4

    C'est un sujet de mes journées, de mes semaines, de mon année. Que ce soit des placements, que ce soit de l'agir violent chez certains enfants qui ont été placés, comme on peut le voir dans l'institution où je travaille, à l'ITEP des Mouettes, où on a plus de la moitié des enfants qui sont accompagnés par la protection de l'enfance. Et on ne peut pas faire abstraction de ce qu'ils ont vécu avant leur placement, des raisons pour lesquelles ils sont accompagnés par la protection de l'enfance, et du lien qu'il peut y avoir avec leur manifestation comportementale. Bien entendu, et c'est ce que j'essaie de mettre en propos tout à l'heure, c'est que ce qu'ils ont vécu précocement va avoir un impact, vous le disiez, au niveau neurophysiologique, bien entendu, on le rappelait tout à l'heure, va avoir un impact sur leur modalité également de perception de la relation à l'autre fondamentalement. Et l'enjeu central, on parlait de résilience, alors ce n'est pas un terme que j'emploie quotidiennement parce que derrière ça, il y a tellement de... de définition de termes, de concepts. Mais la question est bien, quelle figure d'attachement sécure va pouvoir les accompagner vers une autre façon d'interagir avec l'autre, pour vivre une autre relation à l'autre ? Et là-dessus, oui, on sort du champ de la clinique, pour aller sur le champ politique, parce que j'ai l'impression que c'est là-dessus que vous voulez nous amener, et ça me va très bien. Oui, on est très défaillant. On est très défaillant. Le système est défaillant. Qu'est-ce que ça signifie ? d'attendre autant de temps pour réaliser des placements, pour déjà faire les évaluations et ensuite appliquer les placements qui ont été ordonnés. Il y a eu les assises récemment, c'était la semaine dernière, les assises de la protection de l'enfance, vous y étiez ? Ah ben voilà ! Combien il y en a ? 200 enfants en Alsace, qui sont en attente de placements, placements ordonnés par des juges, mais pas de place. Ne vous inquiétez pas, on a trouvé la technique pour compenser le manque de place. On a inventé le placement à domicile. Alors ça veut dire quoi ? C'est-à-dire que les enfants qui sont en danger, on ne les met pas en institution, en famille d'accueil, parce qu'il n'y en a pas. On les laisse à la maison et puis il y a un éducateur qui vient quand même une fois par semaine. Je caricature pas en fait, c'est ça. Qu'est-ce que ça veut dire pour ces enfants ? On considère socialement, légalement, cliniquement, que les conditions dans lesquelles ils vivent, mettent en péril leur fonctionnement psycho-affectif. Pour autant, ce qu'on leur propose, c'est une heure avec une éducatrice par semaine. Ensuite, vous évoquez la question plus judiciaire de leur responsabilité quand ils sont auteurs par la suite de passage à l'acte. C'est très compliqué parce que c'est à partir de 13 ans qu'ils sont considérés comme potentiellement auteurs. Donc après, il y a quand même la minorité qui va jouer en fonction de ce qu'ils ont fait pour appliquer une forme de peine et de réparation. Donc là, on ne peut pas dire qu'on fait mal. Les textes sont intéressants et la protection judiciaire de la jeunesse fait le maximum pour justement accompagner ces jeunes, pour éviter d'une part la récidive, mais aussi retrouver une place socialement. Parce que c'est bien ça l'enjeu, je veux dire. Mais trouver une place socialement, ça veut dire, ça veut dire à nouveau, trouver ces modèles d'interaction à l'autre qui ne sont pas basés sur la domination, la soumission, la violence. Or, si on les laisse dans un milieu... Et on parle du milieu familial, c'est le premier milieu, évidemment, mais on peut parler également des modèles globalement sociaux qu'on propose. Écoutez, quand on voit Trump et puis l'autre, le vendeur de voitures électriques, leur concept, c'est, et ce qu'ils affichent à la face du monde entier, c'est plus on est fort, plus on est riche, et plus on a le droit d'écraser les autres.

  • Speaker #2

    Donc,

  • Speaker #4

    finalement, le modèle sociétal est basé sur soumettre ou être soumis. Donc, c'est compliqué. après, nous éducateurs, nous psy, nous parents, d'aller proposer un autre modèle. Mais c'est tout l'enjeu, et je pense que c'est l'enjeu éthique, c'est pour rien qu'on est aujourd'hui sur des réflexions éthiques, un enjeu de société. Quelle société pour demain on veut ? Bien sûr, les enfants placés sont les plus vulnérables, mais c'est un enjeu global du futur. Alors, on se revoit et on en reparle encore des années.

  • Speaker #1

    Guillaume, je pourrais rajouter un petit complément. Je change de casquette de modérateur à acteur. Quand vous dirigez un service de médecine égale dans un grand CHU et unité d'accueil pédiatrique en France en danger, l'indicateur politique aujourd'hui, c'est le nombre de signalements. Je fais court. Et on vous dit plus vous signalez, meilleur vous serez. La question que vous posez, c'est comment on soigne et comment on accompagne. Et là, c'est une question politique. Donc c'est pour ça que je prends la parole. Il ne faut pas se tromper d'indicateur. Si on met les moyens sur soigner, accompagner. Ce n'est pas la même chose que si on met l'indicateur sur signaler. Et ce que je trouve dramatique, c'est un peu comme le dépistage. Si on dépiste et qu'on ne prend pas en charge, ça ne sert à rien de faire du dépistage. Et faire du signalement à outrance si on n'accompagne pas. Et puis deuxième chose, mais ça je parle de concert avec mes collègues pédopsychiatres et tout acteur de l'aide sociale en France, c'est qu'il faut faire du sur-mesure. Il y a tellement de situations différentes de victimes qu'il faudrait faire du sur-mesure. Or en France, on ne sait pas très bien faire du sur-mesure. C'est l'enfant victime, il y a une automutilisation, je veux dire, du placement un peu. Et il y a tellement de cas particuliers, on ne va pas énoncer tout ça, mais il y a des enfants qui peuvent rester avec la maman, le papa doit être évincé. Il y a l'inverse, il y a des enfants qui ne doivent surtout pas revenir dans l'environnement, parce que je ne vais pas décrire ici tout ce qu'on voit dans un service de médecine égale, mais on sait qu'il y a des enfants qu'il faut totalement évincé et très rapidement, et c'est là que les délais sont inadmissibles. C'est une question de citoyens. On est dans un forum citoyen. C'est bien que les gens sachent que les politiques publiques en la matière sont encore inefficaces.

  • Speaker #0

    Merci pour vos exposés totalement exceptionnels. J'avais une question qui s'adresse à la fois à David et à Maurice. Il y a aujourd'hui des milliers de jeunes adultes de l'ordre de 20 ans. garçons et filles qui demandent une ligature de trompe ou une ligature des canaux déférents 30 mille ligatures de canaux déférents par an c'est quand même énorme est ce que pour vous il s'agit d'actes de passage allez on va passer à par la david en premier

  • Speaker #5

    Avant de répondre à Israël, je voulais juste ajouter, évidemment je suis totalement d'accord avec ce qu'a dit Guillaume et ce que tu as ajouté Grégoire. Je voulais simplement dire qu'il n'y avait évidemment jamais de fatalité dans les fracas de l'enfance qu'on a vécu les uns et les autres. J'aime bien citer Sartre qui disait on est ce qu'on fait de ce que les autres ont fait de nous C'est-à-dire qu'on a toujours une marge de liberté. Et il y a bon nombre d'écrivains ou de cinéastes, par exemple, qui ont vécu des enfances absolument tragiques, mais qui en ont fait des choses extraordinaires. Ils sont minoritaires, c'est évident, mais en tous les cas, c'est important de rappeler qu'on a toujours eu une marge de liberté. Et puis là, au regard de ce qu'évoque Israël, j'y vois un effet de l'hyper-individualisation du monde contemporain. C'est le fait qu'on veut vivre pour soi, dans le bonheur de sa vie personnelle. On ne veut pas être encombré d'une responsabilité. La notion de responsabilité, d'ailleurs, elle vole de plus en plus en éclats autour de nous. Et c'est difficile. D'ailleurs, c'est Charles Péguy qui disait que le plus grand risque qu'on peut mener dans sa vie, c'est de mettre un enfant au monde. Voilà, parce que là, on en a pour toute sa vie. Et bien voilà, donc des hommes ou des femmes qui en devenir, en tous les cas, qui refusent tout simplement une responsabilité à cet égard, ce qui est un autre indice de cette crise énorme du lien social. qu'on est en train de vivre en ce moment, que j'évoquais aussi avec le smartphone l'autre jour. On fait un monde à soi tout seul, donc on n'a plus besoin tellement des autres qui sont plutôt des encombrements autour de soi. Je généralise évidemment, il faut après introduire énormément de nuances, mais je vois ça comme élément de réponse.

  • Speaker #1

    Vous voulez ajouter un compliment ?

  • Speaker #2

    Juste pour dire aussi autre chose par rapport à ce qui a été dit par mes collègues. N'oubliez pas aussi l'autre chose effarante, c'est qu'à 18 ans, tout s'arrête. Et que je crois avoir compris que chez ces patients de l'ASE, de la PJJ, s'il y a au moins une chose qu'il faut faire, c'est être authentique. Ne pas leur mentir. On les a beaucoup... On leur a beaucoup menti, on les a beaucoup emmenés dans des espérances et on les a abandonnés après. Si nous, les adultes qui venons après, qui sont des référents sociaux, nous leur montons ou nous leur donnons des espérances et nous les laissons à domicile avec le prédateur, et il n'y a pas de judiciarisation, et ça s'arrête à 18 ans brutalement, le risque de passage à l'acte suicidaire, on le sait bien, dans ces moments de transition, est considérable. Je n'ai pas d'expérience particulière sur la question de la ligature, mais... Pour moi, comme pour toute demande, il faut l'accueillir. L'accueillir comme un rêve ou un fantasme. Mais l'accueillir toujours, l'accréditer toujours. Toujours écouter le patient dans sa demande, quelle que soit l'inquiétude qu'on peut avoir par rapport à la radicalité de cette demande. L'accueillir, l'accréditer, mais ne pas la valider. Essayer de tenir sur commencer à parler, on verra bien, on ira Et dans un certain nombre de cas, non négligeable, si on a une capacité d'écoute de ce qu'il y a derrière la demande, y compris l'inverse de ce qu'elle demande, on peut éviter un certain nombre de radicalisations.

  • Speaker #1

    C'est là justement, mais c'est pour le public, je le dis après, je donne la parole à la salle, que le rôle du psychiatre est intéressant pour décortiquer et pas pour psychiatriser la problématique, juste pour essayer de mieux la comprendre. Il y a une autre question dans la salle. Oui,

  • Speaker #6

    bonsoir. Merci pour vos éclairages sur ces différentes questions. J'avais une question qui était plutôt pour les cliniciens et les membres hospitaliers, principalement sur le suicide et plutôt sur les tentatives de suicide qui peuvent se chroniciser chez certaines personnes. Du coup, j'imagine qu'en tant que clinicien, vous devez en tout cas avoir une certaine confiance dans la parole des personnes que vous recevez. Est-ce que dans le cas des personnes qui sont justement dans ce genre de dynamique et qui arrivent par exemple dans vos services ou en service d'urgence, est-ce que vous devez en quelque sorte moins les croire ou lire un peu plus à travers les lignes ? Je sais bien sûr qu'on ne peut pas prévenir totalement un risque plus grand par la suite. Est-ce qu'il y a des précautions à prendre et même plus globalement, est-ce qu'il y a une éthique de soins particulière pour ce genre de personnes qui peut-être en quelque sorte impliquerait de... Moins croire la parole.

  • Speaker #2

    Merci.

  • Speaker #1

    Gilles, tu te lances.

  • Speaker #0

    C'est une question complexe. C'est un vrai défi permanent dans notre exercice clinique d'être au clair avec les patients sur ce qu'on négocie. On contractualise d'une certaine façon à un moment donné avec eux sur le fait qu'on va les laisser sortir en permission, j'aime pas trop ce terme, mais à les prendre l'air hors de l'hôpital. On va terminer l'hospitalisation et des soins se poursuivront en ambulatoire. Il faut prendre ce risque. Essayer de clarifier avec le patient quels peuvent être les enjeux qu'il peut y avoir. Effectivement, de temps en temps, on se fait piéger dans les grandes largeurs parce qu'on a cru le patient. D'où cette posture plutôt éducative qu'on doit avoir avec le patient, de lui dire, vous savez, on ne va pouvoir travailler que de cette façon-là, dans une confiance mutuelle. Et si pour vous... Il y a quelque chose dans votre moteur personnel qui est de nous prouver qu'on va se faire avoir, qu'on est des incapables. À ce jeu-là, vous allez gagner, mais vous allez gagner et c'est vous qui allez tout perdre. Parce que nous, on souffre quand on perd des patients, mais on continue à s'occuper des autres patients. Ne vous mettez pas dans cette situation. Et je dois dire que parfois, c'est des très jeunes adultes avec des grosses histoires. autour de pathologies de l'attachement, c'est des enjeux très complexes parce qu'il y a un peu l'idée que,

  • Speaker #4

    au fond,

  • Speaker #0

    leur suicide, ce sera notre punition. Il faut essayer de ne pas se laisser prendre là-dedans. Mais, et je terminerai là-dessus, c'est vraiment important cette question de confiance. Et aussi, nous, en tant qu'équipe médico-soignante, on doit travailler avec ces risques, aussi pour que les patients n'aient pas l'impression que, quand ils s'adressent à nous, il y a des lourdes portes qui se referment définitivement et qui les empêcheront de refaire appel à nous. quand ils seront à nouveau en détresse. Donc il y a ce jeu entre le dedans et le dehors, avec lequel nous devons jouer de la façon la plus prudente, mais en même temps la plus efficiente, et parfois en prenant des risques.

  • Speaker #4

    Ah, ça ne marche plus. Tu le rappelais, il n'y a pas une protection à 100% en hospitalisation.

  • Speaker #0

    Eh oui.

  • Speaker #4

    D'une part et d'autre part, il y a un risque iatrogène à l'hospitalisation également. Nous, on le voit particulièrement avec mes collègues dans l'unité d'hospitalisation pour adolescents. Je ne sais pas si tu as la même expérience, mais des hospitalisations chez certains adolescents vont parfois aggraver la symptomatologie, la chroniciser. On parlait de la question de la chronicisation et donc la question de la... prise au sérieux, si j'ai bien compris votre question, du propos du patient, ne va pas forcément conduire à jouer la carte hospitalisation à 100%. Ça va dépendre de nombreux facteurs, bien sûr des places, mais ça c'est un autre aspect. Hélas, hélas, et aussi économique, mais également vraiment de l'intérêt du patient.

  • Speaker #1

    On a une question au fond de la salle.

  • Speaker #7

    Oui, bonsoir. Je voulais vous poser une question par rapport à la délinquance des majeurs. Moi, j'ai été amené à voir de nombreuses audiences pénales, que ce soit des audiences criminelles ou des audiences correctionnelles. Et très souvent, je ne dis pas que c'est tout le temps le cas, mais très souvent, les auteurs d'infractions, donc on est vraiment dans le cadre d'un passage à l'acte pour le coup, les auteurs d'infractions, ils ont énormément de difficultés à reconnaître les faits. Même quand ils sont filmés, même quand il y a énormément de preuves matérielles, ils ont énormément de difficultés à reconnaître les faits. Et je pense par exemple à une personne dans le cadre d'une audience d'assises publiques, un auteur d'infraction, il avait expliqué qu'il avait acheté une machette pour décorer le salon par exemple. Donc dans ce cas-là, la cour généralement... accueillent ces déclarations. Ils sont très énervés. Ça a du mal à passer dans une cour d'assises, ce genre de déclaration. Et donc, la question que je me pose, c'est comment expliquer la non reconnaissance des faits, même si les faits sont matériellement visibles ? Et comment expliquer ça ? Comment amener l'auteur d'une infraction dans ce cas de figure-là, comment l'amener à la reconnaissance des faits, comment on peut accéder à sa psyché pour qu'il y ait une reconnaissance ou au moins un début de travail intellectuel et d'introspection par rapport aux faits.

  • Speaker #1

    Alors là, vous êtes tous compétents, tous les trois, sur ce sujet-là. Mais bon, la question pudiquement est celle dans le langage commun du déni et de l'acceptation d'un regard sur la violence de sa propre violence.

  • Speaker #4

    Pour commencer la réponse, je vois deux situations un peu différentes. Soit effectivement là où pour le sujet auteur de l'infraction, reconnaître qu'il a été l'auteur d'infraction. C'est narcissiquement trop coûteux, ça le met en position de soumission, il n'a pas la capacité à la culpabilité, on a bien compris, il n'a pas la capacité non plus à reconnaître du coup son erreur, parce que dans son économie psychique, ça ne fonctionne pas. Il est encore en mode de je dois être dans cette position de toute puissance qui me permet de surnager Deuxième possibilité,

  • Speaker #0

    C'est d'autres formes de passage à l'acte, où je vois, que je peux avoir en suivi pour des injonctions, des obligations de soins, c'est des personnes qui ne se considèrent pas comme étant coupables parce qu'ils vont justifier leur action parce qu'ils étaient victimes. Ils étaient victimes d'un préjudice et ils ont agi violemment pour se défendre. La justice ne le reconnaît pas dans ce sens-là, mais eux, subjectivement, ils ne sont pas auteurs, ils sont victimes en fait. Et donc... On est sur une autre forme de position subjective. Il va falloir aller travailler. Alors ça va être compliqué à déconstruire parce qu'il va falloir aller accéder à ça et surtout travailler face à une autre situation similaire, éviter qu'il y ait une récidive. C'est surtout là l'enjeu, toujours cet enjeu éthique de la prévention quelque part.

  • Speaker #1

    Oui, je crois qu'il y a un troisième cas de figure et à mon avis c'est le plus fréquent. Et c'est pour ça que je suis... pour ne pas enlever l'excuse de minorité. Dans un nombre non négligeable de cas, il y a une totale conscientisation des faits. C'est un mensonge cousu de fil blanc. C'est celui d'un enfant qui a été pris les mains dans le Nutella, qui a la bouche qui est totalement barbouillée et qui dit que ce n'est pas lui. Je préfère cette innocence infantile à celle d'un certain nombre d'hommes politiques qui disent que c'est moi qui l'ai fait, mais ce n'était pas moi quand je l'ai fait. Parce qu'ils sont conscients.

  • Speaker #2

    Et des fois, c'est le poisson rouge qui a tout mangé. Est-ce qu'il y a encore une ou deux dernières questions ? Et après, je passerai la parole à l'ensemble de mes collègues pour qu'ils formulent un mot de conclusion.

  • Speaker #3

    Alors, ce n'est pas une question. C'est, comme dirait Israël Nizan, une petite vignette politico-clinique. C'est pour un petit peu compléter ce qu'avait dit l'intervenante là tout devant au premier rang, puisqu'il se trouve que je baigne personnellement dans une ambiance, on parle beaucoup de cela, puisque une de mes filles travaille avec Guillaume Cordon dans son équipe et une autre travaille dans un service d'aide à l'enfance. Donc, elles sont au premier rang et... De quoi on parle autour de la table ? C'est des énormes difficultés politiques, pardon, financières, qui ont tous ces services pour prendre en charge les enfants. Et donc, notre éthique sociale, ce n'est pas une question, c'est une remarque. Si on veut parler d'éthique, notre société ne s'occupe pas des adolescents, on va dire, ou près d'un incant, ou en énorme souffrance psychologique, elle ne se donne pas les moyens. Et je pense que les gens autour de cette table Le savent et peut-être si on veut faire une petite conclusion sur l'éthique par rapport à ce sujet, c'est que notre société ne se donne pas les moyens financiers et les moyens en équipe, en personnel, pour essayer d'aborder ce problème dans la souffrance de ses enfants. Il n'y a pas de réponse suffisante de ce côté-là. Je pense que M. Corduon pourra un peu confirmer.

  • Speaker #2

    Alors le forum sert aussi à ça. On va tenter chacun un mot de conclusion, un rebond à la remarque ou sur autre chose, quelque chose que vous voulez rajouter. David, on te laisse commencer ?

  • Speaker #4

    Pour terminer, je pense qu'il faut faire évidemment l'éloge des nuances, rappeler que tous les actes de la vie peuvent être profondément ambivalents, d'une très grande complexité, qu'on n'a jamais réponse à tout et qu'il faut plutôt avoir question à tout. C'est un peu comme ça que j'ai toujours vu la sociologie ou l'anthropologie, avoir question à tout.

  • Speaker #2

    Je suis un garçon basique, on va passer la parole à ton voisin, donc Gilles.

  • Speaker #5

    Pour sortir de ce qui a été mon expertise, mais faire écho à ces enjeux sociétaux et dire que ce qui vient nous interpeller dans un certain nombre de passages à l'acte dont sont porteurs les jeunes et les adolescents, viennent questionner des choix sociétaux forts. On est dans un moment de dilution sur... Les réponses qu'on peut y apporter, que ce soit des réponses de type économique, juste parce qu'on va retirer des allocations familiales aux parents des adolescents qui posent certains problèmes. On va résoudre les choses. Il y a des enjeux très forts pour l'avenir.

  • Speaker #2

    Guillaume.

  • Speaker #0

    Je suis plus au dépourvu là. Non, je peux rejoindre les propos qu'on vient d'avoir. Et ça aurait été vraiment intéressant de poursuivre sur ces réflexions. Et je me dis que oui, comment redonner ce sentiment assez aux générations futures, on va dire, d'avoir cette capacité à agir sur le réel ? Alors qu'ils soient les plus vulnérables ou tout un chacun. Comment se sentir capable d'agir ? Je pense que c'est... Ça rejoint, je ne sais plus qui évoquait la question du sens, David t'évoquais ça, fabriquer du sens. Et je repensais en même temps à un livre de Sébastien Belair, Où est le sens ? Il questionne justement cet enjeu de société de remettre du sens là où vraisemblablement les grands sens politiques et mystiques qui géraient les sociétés préalablement avaient tendance à disparaître. Et comment recréer... du sens à l'échelle collective. Je pense que nous en avons tous besoin, et particulièrement les jeunes générations. Ce sens, on peut le trouver à différents endroits. Je pense qu'un des aspects, c'est celui qui me vient à l'esprit, l'enjeu principal qui me vient à l'esprit, c'est celui de la survie, la survie de la vie sur Terre, avec les questions écologiques. Je pense que ça, c'est une dynamique de sens qui peut porter les futures générations.

  • Speaker #2

    Maurice, le mot de la fin ?

  • Speaker #1

    Moi, je crois que la rencontre avec un médecin est toujours un événement. Et que là, ce n'est pas simplement un rendez-vous de consultation, c'est un événement. Ce n'est pas pour valoriser particulièrement le métier, bien qu'il en ait besoin, le métier de psychiatre. Mais la rencontre avec un psychiatre, c'est un grand événement. Pour une raison simple, c'est que l'adolescent, l'enfant... à des idées un peu très organisées, des fantasmes quant au fait que ce sachant-là va dire s'il est fou ou pas, s'il est aliéné ou pas. C'est ça le grand danger. C'est pour ça qu'ils viennent à reculons. Et si c'est un événement, il faut être à la hauteur. C'est-à-dire qu'il faut que ce gosse trouve à qui parler. Quelqu'un qui l'écoute, qui le contienne, qui le limite et aussi qui très vite ne le réduit pas à ses symptômes. ou à ses syndromes ou à sa maladie. C'est-à-dire qu'il lui accorde, comme à tout un chacun, comme à un frère humain, une liberté, y compris quant à ses actes. Et par rapport à la question du suicide, ça a été dit, il est très important d'évoquer les idées suicidaires, les risques de passage à l'acte, de ne pas en avoir peur. Ça fait partie du tragique de la vie. L'autre élément très important pour éviter le passage à l'acte suicidaire, c'est de ne pas laisser entendre au patient que ce psychiatre qui n'est pas n'importe qui et qui peut l'interner pourrait avoir une maîtrise sur sa mort. Donc laisser la possibilité au sujet d'avoir une liberté libre, y compris avec des risques, c'est une prévention du suicide. Lui laisser penser qu'on a toute possibilité de maîtriser et sa vie et sa mort, c'est le faire aller vers un chemin où il va vous prouver le contraire. Merci beaucoup.

  • Speaker #2

    Aurélien, on arrive à la fin de ce forum. Voilà,

  • Speaker #6

    je vais vous demander de retarder encore un tout petit peu vos applaudissements pour cette table ronde qui était très enrichissante. Moi, à chaque fois que je vous écoute, je me dis que même si les sujets sont parfois graves ou difficiles, on a toujours de la joie à apprendre. Et c'est ce qu'on retrouve peut-être chaque année dans le forum, même si les thématiques peuvent nous donner l'impression qu'on va sombrer dans le pessimisme. Mais finalement. retirer quelque chose de ce qui est dit. Ça nous permet de voir plus loin et d'éclaircir un petit peu l'horizon. Le forum, ça passe toujours en un claquement de doigts, mais il y a beaucoup de travail en amont et surtout beaucoup de personnes qui rendent le forum possible. Donc je vais prendre quelques instants pour les remercier. Et je vous remercie, vous, par avance de votre patience et des applaudissements que vous leur réservez. Tout d'abord, un immense remerciement pour l'ensemble des partenaires du contrat TRIENAL Strasbourg, capitale européenne. Ce sont... qui nous permettent de financer le forum. Et depuis le début de l'aventure, la préfecture de la région Grand Est, la région Grand Est, la collectivité européenne d'Alsace, l'euro-métropole de Strasbourg et la ville de Strasbourg. Mais nous avons également cette année de nouveaux partenaires, l'Agence régionale de santé Grand Est, la Fondation de France et l'une de ses fondations imbritées, Ethikia, le Crédit agricole Alsace-Vosges. Tous ces partenaires nous permettent de vous faire bénéficier d'un forum européen de bioéthique qui est... gratuit. Nous remercions également tous les intervenants qui ont participé à cette 15e édition, c'est-à-dire le Conseil de l'Europe, l'Association des parlementaires européens, l'Université de Strasbourg. de Lorraine et notamment la chaire Jean Monnet UbiOethics, les hôpitaux universitaires de Strasbourg, le comité consultatif national d'éthique et le comité national pilote d'éthique du numérique, la conférence nationale des espaces de réflexion éthique régionaux, l'ensemble des espaces régionaux de réflexion éthique, l'INSERM, les DNA du groupe Ebra, les magazines cerveau et psycho, pour la science, le journal Libération, Arte, France 3 Grand Est, France Bleu Alsace, Radio Judaïca, la librairie Kleber, les bibliothèques idéales. le club de la presse et l'agence culturelle Grand Est. J'ai presque fini, mais c'est presque le plus important. Toutes ces personnes qui permettent de faire en sorte que le Forum européen de bioéthique existe chaque année. Tous les membres du conseil scientifique dont certains sont présents ici, qui nous aident à confectionner et qui nous aideront à confectionner le prochain. Donc le conseil scientifique et son président, évidemment, le fondateur du Forum européen de bioéthique, j'ai nommé Israël Nizan, sans qui rien ne serait possible. Maud Nizan qui a consacré des heures, des nuits pour préparer les tables rondes et nous aider à organiser ce forum. Raphaël Bloch, la cheville ouvrière, qui est le chef organisateur, qui nous permet de faire vivre, d'organiser et de voir plus loin avec le forum pour les années à venir. Les équipes de Boulevard des Productions qui sont nos partenaires depuis le tout début, qui ont énormément d'expertise et qui sont toujours au rendez-vous. Les équipes de Goodway qui ont conçu l'affiche, qui animent les réseaux sociaux, les équipes de collectivités partenaires qui nous ont accompagnés. Merci à tous les orateurs qui sont intervenus. Merci au public qui s'est déplacé en nombre et on est vraiment ravi de les avoir à nos côtés, de vous avoir à nos côtés. Vous pouvez nous retrouver sur le site le forum européen de bioéthique.eu pour retrouver cette 15e édition, les 14 éditions passées, le podcast qui est également disponible et qui sera disponible pour toutes les tables rondes qui sont déjà passées. Et il ne me reste plus qu'à vous souhaiter. une bonne continuation et de vous retrouver l'année prochaine pour une nouvelle édition. Merci à tout le monde.

  • Speaker #2

    Attendez avant d'applaudir. Attendez. Ou alors vous allez réapplaudir une deuxième fois parce qu'il y a une personne qui ne l'a pas cité parce qu'il est bien élevé. C'est Aurélien Benoît lui même. Voilà. Et pour être complètement complet. Israël Nizan est venu me voir jusqu'à tout à l'heure en disant on va remercier tous les deux Auréliens. Donc voilà, il y a de la transmission et c'est une excellente chose.

Description

Forum Européen de Bioéthique 2025 : Santé mentale et bioéthique


Le passage à l'acte


Le passage à l'acte, qu'il s'agisse de violence envers soi-même ou envers autrui, est une manifestation dramatique des troubles mentaux. Quels sont les facteurs de risque et comment pouvons-nous prévenir ces comportements ?


Avec :


Gilles Bertschy, Professeur de psychiatrie, Chef de service aux Hôpitaux universitaires à Strasbourg


Maurice Corcos, Psychiatre, Psychanalyste, Chef de service du département de Psychiatrie de l'Institut Mutualiste Montsouris - Paris


Guillaume Corduan, Psychiatre, Pédopsychiatre aux Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, au DITEP Les Mouettes, Médecin coordonnateur de la Maison Des Adolescent du Bas-Rhin et du Réseau VIRAGE (dispositif de prévention des radicalisations violentes), Expert auprès des tribunaux


David Le Breton, Professeur émérite de sociologie à l’université de Strasbourg, Membre senior de l’Institut Universitaire de France,

Titulaire de la chaire « Anthropologie des mondes contemporains » de l’Institut des Études Avancées de l’université de Strasbourg (USIAS)


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Transcription

  • Speaker #0

    Bonsoir à tous, bienvenue pour cette dernière session du Forum européen de bioéthique qui a pour thème cette année la santé mentale et la bioéthique. Je vais tout de suite laisser la parole à Grégoire Moutel, médecin légiste bioéthicien qui travaille avec nous, qui est au conseil d'administration, au conseil scientifique et qui nous accompagne au Forum européen de bioéthique depuis le tout début. Grégoire, je te laisse la parole. Merci Aurélien et c'est avec grand plaisir que je vais animer cette table ronde qui est la dernière de ce formidable forum. Mais j'ai envie de dire comme tous les formidables forums précédents. Donc je remercie également les organisateurs Aurélien, toutes les équipes, Raphaël, Israël Nisan et j'en oublie et je m'en excuse pour tous ceux que j'oublie ici présents. Alors le sujet qui nous réunit ce soir n'est pas un sujet simple puisque c'est un sujet dont vous entendez des fois parler. par voie médiatique, comme un slogan. On pourrait dire le passage à l'acte, c'est un slogan. Dans le service que je dirige, je vous donne cette petite histoire introductive. Et après, je passe la parole aux éminents experts ici présents. Il y a des femmes victimes de violences qui me disent il va passer à l'acte. En parlant de l'auteur, on ne sait pas ce qu'il y a derrière ce mot. Plein de choses. Et puis, quand ces femmes vont mal. Les frôles, des fois, malheureusement, elles passent à l'acte suicidaire, elles passent aussi à l'acte. Donc vous voyez que déjà sur ce versant, auteur, victime, passage à l'acte, c'est un premier sujet. Le deuxième sujet, souvent, c'est on dit il y a un risque de passage à l'acte, et dans la société on se dit est-ce qu'on peut prévenir finalement, repérer, prévenir. Et peut-être que c'est là qu'on touche aussi à la bioéthique. De temps en temps, on se pose la question de la privation de liberté d'un être potentiellement dangereux, pour lui-même ou pour autrui. Et faut-il priver de liberté de manière préventive alors qu'il n'a encore rien fait ? C'est un débat que les politiques portent souvent. Et puis autre regard qui va m'inviter à me retourner vers les spécialistes de la table ronde, c'est que souvent on évoque la question du pourquoi, qu'est-ce qui se passe comme mécanisme. Donc là je suis entouré d'éminents psychiatres parce que c'est un sujet souvent confié aux psychiatres et ils ont besoin de nous éclairer sur ce versant-là. Et pourquoi il y a un panel ? Parce que vous verrez qu'il y a un panel aussi De l'enfance jusqu'à l'âge adulte, tout le monde peut passer à l'acte à des moments différents de sa vie, de son âge. Et puis nous avons la chance également d'avoir David Le Breton, le sociologue éminemment émérite de Strasbourg qui nous accompagne sur plein de sujets parce qu'il y a des actes signifiants autour de ce sujet-là, sur les individus, sur la société, le regard que l'on porte sur les actes signifiants dans le passage à l'acte. Je pense que David, on aura besoin de ton regard. Alors les trois psychiatres qui nous accompagnent aujourd'hui sont Gilbert Schick, professeur de psychiatrie et chef de service aux hôpitaux de Strasbourg, Maurice Corcos qui est psychiatre et psychanalyste et qui travaille à l'Institut Mutualiste de Paris, j'ai souvent croisé son chemin et ses réflexions, et puis Guillaume Corduan qui lui a un regard de pédopsychiatre, plutôt orienté sur la question de l'enfant et de l'adolescent, donc je pense que leurs regards croisés vont être captivants pour nous tous. Alors Maurice Corcos, on a décidé dans un... tirage au sort intellectuel de vous passer la parole en premier en se disant qu'un regard explicatif global pour que ceux qui sont dans la salle comprennent mieux les enjeux sera certainement enrichissant pour nous tous. Donc on te cède la parole.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup. Bonjour à toutes et à tous à nouveau. Merci à nouveau aux organisateurs pour cette invitation à venir réfléchir avec vous sur cette notion de passage à l'acte. Mon propos sur un sujet aussi vaste, c'est d'essayer de réfléchir avec vous sur la question du pourquoi et du comment de ces passages à l'acte. Évidemment, je ne vais pas... Pouvoir éviter la plaie qui menace tout conférencier, c'est celui de la généralité. D'ores et déjà, je veux vous dire que chaque cas est singulier, chaque individu est singulier, chaque histoire de cet individu est singulier, et donc chaque passage à l'acte est singulier, même si, et c'est peut-être ça la psychiatrie, c'est que si ce sujet n'est pas pris suffisamment à ton, s'il répète ses passages à l'acte, S'ils se chronicisent, alors tous les passages à l'acte finissent par se ressembler. L'anorexie n'existe pas, il existe des anorexies. La schizophrénie n'existe pas, il existe des schizophrènes, des troubles bipolaires, des transidentités. Mais si les choses s'installent sur la durée, si elles se chronicisent, si les passages à l'acte se répètent, si ces passages à l'acte en particulier auto-agressifs, suicidaires, qui ne sont pas anodins d'attenter à ces jours. Ou si le passage à l'acte meurtrier, tuer quelqu'un, ce n'est pas anodin. Ce passage à l'acte extrême, auto-agressif ou hétéro-agressif, change radicalement l'organisation de la personnalité du sujet. Toute la personnalité du sujet se réorganise autour de ce passage à l'acte et la chronicisation advient et le sujet, schizophrène, anorexique, toxicomane, finit par ressembler à son collègue d'à côté, schizophrène, toxicomane, anorexique. Donc, la capacité que l'acte a de s'auto-renforcer, s'auto-engendrer et réorganiser le sujet est quelque chose de fondamental et c'est ça qu'il faut éviter, cette chronicisation. Alors, avant d'évoquer ce qui est le champ de mon expérience, c'est-à-dire les adolescents, les adultes jeunes et les familles. N'oubliez pas que les pédopsychiatres s'occupent d'adultes puisqu'ils s'occupent des familles. Un mot sur le passage à l'acte névrotico-normal. Chez tout un chacun, vous comme moi, nous arrive de faire des passages à l'acte. C'est ce qu'on appelle des actes manqués, qui sont comme vous le savez, des actes réussis. Si vous oubliez vos clés chez quelqu'un que vous n'aimez pas et dont vous aimeriez revenir pour lui casser la figure, ou que vous aimez et que vous aimeriez revenir pour lui dire que vous l'aimez et que vous n'avez pas pu lui dire, vous avez fait un passage à l'acte qui vous permet de revenir. Ce passage à l'acte, attention, le passage à l'acte, acte manqué que je viens de décrire, ou le lapsus où vous dites quelque chose à la place de quelque chose d'autre, il faut bien comprendre cette chose essentielle que vous voulez dire les deux choses. Un, je veux revenir et je ne veux pas revenir. Ce que vous avez témoigné, c'est un compromis entre vos pulsions, votre désir et vos défenses. Puisqu'on est à l'actualité du consentement. Il y avait un assentiment à venir lui casser la figure ou lui dire que vous l'aimez, mais il n'y avait pas de consentement à le faire parce que vous avez un surmoi qui vous fait obéir aux lois et donc vous évitez ce passage à l'acte. Mais vous faites quand même un acte qui est ce compromis. Ce compromis n'étant ni l'endroit ni l'envers, mais l'endroit et l'envers en même temps. Et ça, on le fait tout le temps dans la vie parce que nous sommes tout le temps en conflit entre nos pulsions, nos désirs. et la réalité qui n'obéit pas particulièrement à satisfaire ses pulsions ou ses désirs. Chez nos adolescents difficiles, chez les adultes en proie à des passages à l'acte beaucoup plus massifs, intenses, brutales, impérieux, que ce soit, et alors c'est un point d'importance, que ce soit des passages à l'acte silencieux ou des passages à l'acte externalisés, bruyants. Je veux dire ici un point important, qui est une phrase de Winnicott que je reprends. Tant que ces adolescents bougent, tant qu'ils sont violents, tant qu'ils sollicitent l'extérieur, tant qu'ils testent le social, tant qu'ils le remuent, tant qu'ils le questionnent, tant qu'ils sont vivants. Si ces adolescents arrêtent d'être bruyants, d'être virevoltants, d'être dans le passage à l'acte, alors il faut s'inquiéter. Il faut s'inquiéter actuellement des adolescents qui sont... surtout après le confinement, dans le repli, le retrait ou le retranchement. Les ikikomorik, 1,5 million au Japon, avec un taux suicidaire de près de 15%, sont très inquiétants. Ceux qui se retirent du jeu social, du jeu relationnel, du jeu affectif, du jeu amoureux, du jeu sexuel, c'est qu'ils sont déjà engagés dans un processus de mort psychique silencieuse. Ceux-là, il faut aller les chercher. Leur demande n'est pas exprimée dans un passage à l'aide bruyant et a fortiori pas dans le verbe, elle est exprimée dans ce symptôme de repli de retrait. Il faut les désenclaver, désincarcérer. Les unités d'équipe mobile se développent un peu partout en France et vont tenter de désincarcérer des adolescents enfermés chez eux dans leur chambre devant Internet et qui n'ont plus de relation avec les autres. Venons-en maintenant au passage à l'acte de ces adolescents, de ces adultes en extrême difficulté qui font des passages à l'acte suicidaires. Je l'ai dit tout à l'heure, de plus en plus inquiétant dans leur radicalité. Plutôt défenestration, plutôt pendaison que simplement prise de médicaments. Plutôt automutilation extrêmement sévère que simple scarification. Il y a une certaine radicalité, une intensité qui témoigne de quelque chose d'important sur lequel je vais maintenant... évoquer deux trois choses. Quel est le sens que peut avoir ce passage à l'acte ? Il a un sens. Les psychiatres sont en quête de sens. On leur reproche même de projeter leurs propres idées, leur propre sens, alors que c'est une barbarie, c'est une sauvagerie, il n'y a rien à comprendre, il faut réprimer. Ça a un sens, mais pas celui qu'on croit. Et le sens qu'ont ces passages à l'acte, est un sens qui est toujours après coup, c'est-à-dire que le sujet et vous-même ne le comprenez qu'après ce passage. Quel est le sens de ce passage à l'acte ? Je parle des passages à l'acte extrêmes de ces adolescents difficiles, je ne parle pas des passages à l'acte mineurs. Dans la grande majorité des cas, ce que ça signifie, c'est que le sujet va très mal à l'intérieur de lui-même. Il va très mal, et là je suis obligé de schématiser, Pour deux raisons. La première, c'est qu'il est en proie à un chaos pulsionnel, pas simplement une question d'envers et d'endroit, j'y vais, j'y vais pas, une excitation extrême, pas qui se conflictualise, pas qui se conscientise, pas qui se représente, non, une excitation qui le déborde, et le passage à l'acte vise d'abord à calmer cette excitation. J'en veux pour preuve que le choix... puisque ça s'impose à lui plus qu'autre chose, mais qu'ensuite il y adhère ou pas, le choix du type de stratégie pour contenir ce passage à l'acte témoigne de la nature de cette excitation, de ces conflits pulsionnels qui le désaniment. Si vous interrogez un bon toxicomane, il va vous expliquer pourquoi il faut préférer la kétamine, la cocaïne, l'ecstasy ou un certain nombre de produits chimiques sur Internet pour favoriser une reprise d'exaltation des... parce qu'il est plutôt désanimé, plutôt ralenti. S'il vous dit qu'il prend de l'héroïne, il vous expliquera très bien pourquoi. Il veut fixer au contraire quelque chose qui est un chaos pulsionnel, qui le désorganise plutôt que simplement une anesthésie qu'il voudrait réanimer avec des amphétamines ou de l'ecstasy, etc. Même chose dans les troubles de l'humeur. Mon ami et mon collègue l'a évoqué hier ou avant-hier sur cette question de la gestion par les troubles bipolaires. de l'idée qu'ils se font de comment s'arranger avec ce biologique qui les exalte ou qui les ralentisse en fonction de la gestion de son traitement médicamenteux. Donc je veux insister sur le fait que ce qui est le sens de ce passage à l'acte, c'est qu'il est hors sens ou non sens. Ce sujet est en proie à une excitation débordante dont il ne sait pas quoi faire et qu'il calme par un passage à l'acte toxicomaniaque qui calme son excitation. à avoir cette stratégie défensive par un passage à l'axe suicidaire qui organise un court circuit pour que cette excitation ne le désorganise pas. Mais dans d'autres cas, ce n'est pas le chaos qu'il prend, le chaos pulsionnel, mais plutôt le néant, la néantisation. Ça a été évoqué aussi par un collègue hier, d'un point de vue plutôt neurologique, sur les états de stress post-traumatiques, où il avait très bien montré ce que les cliniciens observent, c'est que si le sujet... a l'air résilient, c'est-à-dire qu'il ne réagit pas aux sollicitations alors qu'il a été traumatisé, contrairement à d'autres. C'est parce qu'il a éteint, d'un point de vue neuroanatomique, son cortex profondal, son hippocampe, qui ne répond pas, qui ne s'allume pas, mais qui, d'un point de vue clinique, correspond à une défense par anesthésie, par insensibilisation, dont on sait qu'elle est efficace. dans les médias, mais qui à court terme, évidemment, l'appauvrit puisqu'il n'entre plus en relation, il ne répond plus à aucune sollicitation, car toute sollicitation peut faire revivre cette expérience traumatique. Alors, le psychothérapeute qui s'intéresse à ce qui se joue en amont de ce passage à l'acte, et dont je répète que ce n'est pas une histoire passée qui se reproduirait là, dans une conversion signifiante que le passage à l'acte pourrait révéler, mais plutôt que le sujet est en train de chuter, un peu comme les schizophrènes qui délirent. On a un certain nombre d'auteurs, on pensait que la nature de ce qui était exprimé dans le délire de grandiosité ou d'érotomanie ou de ce que vous voulez, pouvait avoir un sens par rapport à l'histoire ancienne du sujet et qu'on pourrait faire le lien. La plupart du temps, on remarque que tous ces patients délirent tous de la même façon et que ce délire de grandiosité auquel ils se rattachent, c'est pour se soutenir par rapport à un sentiment de dévalorisation, d'échec ou de néantisation. C'est donc un compromis contre. un sentiment de vacuité interne important. Une fois que vous avez compris ce qu'est la fonction économique du passage à l'acte, court-circuiter un chaos pulsionnel qui désorganise, réanimer un sentiment de vacuité, ça n'est pas fini. Il va falloir essayer de trouver, si vous avez une attention portée à votre patient, et si vous considérez que ce passage à l'acte, ici et maintenant, Dans cette situation particulière que le patient présente, une séparation amoureuse qui lui fait faire un acte suicidaire, si vous considérez que ce passage à l'acte, ici et maintenant, est une réminiscence ou une reviviscence, une réactivation d'une expérience antérieure autrefois ailleurs, et en particulier dans l'enfance, si cette séparation qu'il a désorganisée, qu'il a obligée à faire un passage à l'acte suicidaire, n'est peut-être que la réactivation d'une première séparation dans l'enfance avec des objets importants pour lui, son environnement parental, alors vous allez travailler sur le fait que ce sujet, et c'est un point d'importance, dans l'acte vous communique quelque chose. Pas sous une forme de représentation, pas sous une forme vermale, c'est ce qu'on appelle une communication primitive en acte. Il vous témoigne qu'il chute aujourd'hui. comme autrefois ailleurs. Et si vous faites un lien entre cette expérience de séparation à l'adolescence, l'expérience de séparation amoureuse, de déception, et souvent le mode d'entrée dans un passage à l'acte, si vous faites ce lien de la reviviscence, d'un abandon, chez ce patient eu égard à ce qui s'est joué dans son enfance, vous pouvez créer un pont. Un pont qui relie, qui donne un sens à ce qui s'est passé aujourd'hui, et qui différencie. Le pont... C'est ce qui relie et qui différencie. Et donc vous travaillez la fonction économique du symptôme en même temps que le sens qu'il peut avoir été celui du sujet. Deuxième élément d'importance que je veux souligner de manière générale dans les passages à l'acte. Mais c'est un élément compliqué. Donc je vous demande de l'entendre et ensuite pourquoi pas de le discuter parce qu'il est discutable. Ça a été évoqué tout à l'heure aussi, bon, vous êtes gentils, les passages à l'acte hétéro-agressifs, il faut quand même les réprimer. On ne va pas continuer à avoir ces adolescents qui tuent alors qu'ils sont de plus en plus jeunes pour un portable. Ça n'est pas possible de continuer à accepter, à tolérer ça, sûrement, et qu'il faut qu'il puisse y avoir une sanction, sûrement. Mais si vous me suivez sur une idée centrale et si vous reprenez les cas qui ont été évoqués, si... Vous voyez bien que tout ça n'a pas vraiment beaucoup de sens, enfin que ce n'est pas une histoire de portable, c'est une autre histoire dont il s'agit. L'histoire d'adolescents qui sont en proie à ce chaos pulsionnel ou à ce vécu de vacuité, de néantisation, c'est-à-dire qui ont la mort en eux et qui font quelque chose qui est très humain et qui est vrai dans tous les passages à l'acte, c'est que vous avez intérêt à haïr quelqu'un à l'extérieur. si vous ne voulez pas vous tuer. Vous avez intérêt à trouver une personnalité à l'extérieur sur qui projeter ce sentiment de vide qui est en train de vous désorganiser. En fait, le passage à l'acte hétéro-agressif extérieur, dans la grande majorité des cas, n'est pas maniquer un pervers pour chercher à voler un portable ou tuer quelqu'un plutôt qu'un autre. Il s'agit dans la grande majorité des cas, chez ces adolescents, je ne parle pas de tout le monde bien sûr, d'un sentiment de mort psychique qui est en train de les habiter, qui sont obligés de défléchir en partie à l'extérieur pour sauver leur peau. Si vous écoutez un certain nombre de grands artistes qui ont pu avoir des histoires limites et qui ont fini plutôt mal, ils vous raconteront ça beaucoup mieux que moi. Je vous invite à écouter les chansons d'Alain Bachung qui évoquent Cette nécessité de se faire sauter le caisson, le conteneur, parce qu'il ne contient plus rien et que c'est lui qui est obligé de faire un incendie volontaire, sinon ce conteneur va exploser. Je vous remercie de votre attention.

  • Speaker #0

    Merci Maurice. Je vous avais annoncé un kaléidoscope complémentaire. Donc on va se retourner vers Guillaume Cordian. Guillaume est pédopsychiatre aux hôpitaux universitaires de Strasbourg avec un focus dont je pense qu'il va nous dire quelques mots sur la question de la radicalisation violente des plus jeunes dans la société, des adolescents en particulier. Je pense que ça va être un complément utile aux propos de Maurice à l'instant. Donc Guillaume, on te laisse nous éclairer.

  • Speaker #2

    Merci, bonjour à toutes et à tous. Alors je ne vais pas vous parler uniquement de radicalisation violente ce soir, même si ça va être une partie de mon propos, du fait de mes pratiques depuis quelques années, mais avoir un focus effectivement sur les passages à l'acte violent chez les enfants et les adolescents. Alors c'est sûr que quand on parle de passages à l'acte violent en psychiatrie, on a souvent à l'esprit celui du délirant qui prie. d'injonction hallucinatoire pourrait s'en prendre au quidam dans la rue et hélas on entend parler de ça dans les journaux de temps en temps pour autant je voudrais prendre quelques minutes ici pour vous parler de violences bien plus fréquentes et qui vont certainement reprendre énormément de points que Maurice Corcot s'évoquait juste avant mais pour introduire en premier lieu mon propos je voulais citer un autre psychiatre qui est pas là forcément... un ancien psychiatre, Frantz Fanon, décédé, et qui en 1952 écrivait dans son livre Peau noire, masque blanc, que selon lui, la violence peut être entendue comme, je cite, un moyen de guérir la dépression et l'identité blessée des opprimés en les transformant en désir de vie. En désir de vie, ça rejoint ce qu'on évoquait juste avant. Alors... C'est une phrase qui m'a interpellé et que j'entends comme finalement le passage à actes violents serait ainsi une défense, une lutte contre la passivité. Ce serait une reprise brutale de son sentiment d'agentivité, c'est-à-dire cette capacité à agir sur le réel. Et c'est en effet ce qu'on observe en clinique psychiatrique de l'enfant et de l'adolescent. Alors que ce soit au réseau virage, le dispositif qu'on a créé il y a quelques années sur la question des radicalisations violentes dans le Grand Est, que ce soit à l'ITEP, du médico-social, où on s'occupe d'enfants et des troubles du comportement, ou que ce soit en détention, en expertise ou même aux urgences, en lien avec les dynamiques suicidaires dont on parlait tout à l'heure. Et pour reprendre un des termes que tu employais juste avant, Moïse, je vous propose aujourd'hui d'explorer un pont. En 10 minutes, on peut difficilement être exhaustif, mais un des ponts que je vous propose aujourd'hui, c'est celui de la violence précoce que nombre de ces enfants et adolescents ont vécu. Violence traumatique, enfin, passivation traumatique, on pourrait dire, à travers des violences psychologiques, physiques, sexuelles, associées à de fréquentes dynamiques de soumission dans ces familles. Ils ont ainsi appris précocement un rapport aux autres basé sur une dichotomie stricte entre être soumis ou soumettre. Il n'y a pas d'intermédiaire, c'est soit l'un soit l'autre. Et ce dilemme, il est présent dans la plupart des situations de passage à actes violents dont je vais vouloir vous parler maintenant. Cette passivation a d'ailleurs été mise en lumière récemment par les travaux d'une consoeur, le docteur Julie Balzer, qui dans son travail en éthique du soin auprès d'enfants placés à l'aide sociale à l'enfance, a pu mettre en évidence ces dynamiques de passivation dans leur parcours de vie. Alors c'est vrai, certains auteurs de violences ont pour objectif une domination perverse, une domination sociale, que ce soit à l'échelle duelle, dans une rencontre fortuite, ou dans le couple, on parlait des violences conjugales tout à l'heure. Ça peut être également dans un groupe plus large, comme on peut le voir dans certaines dynamiques de harcèlement scolaire, ou dans la société dans son ensemble, où l'expression, les manifestations perverses de dictateurs ou de mégalomanes de la tech. peuvent s'exprimer pleinement. Mais ce n'est pas de ça dont je vais vous parler aujourd'hui. C'est... Réellement, le fait que la plupart des passages à actes violents qu'on observe en clinique se situent subjectivement, c'est-à-dire pour l'auteur de ces violences, en défense face au risque de passivation. Autour d'une formule que j'entends souvent, il faut que ça s'arrête. Alors le ça est multiple, et je vais vous donner cinq petits exemples d'illustrer ce qu'est-ce qui doit s'arrêter à ce moment-là et qui nécessite. cet agir violent. Alors le premier point, on l'évoquait juste avant et je crois que Gilles tu en parleras également, c'est la question suicidaire. Parce que ce qui doit s'arrêter en premier lieu se situe en soi-même, c'est le vide, cette vacuité dont on parlait, c'est la souffrance narcissique que l'adolescente suicidaire entreprend de faire disparaître dans le seul agir qu'elle perçoit comme encore possible, se faire du mal. À ce titre, quelques chiffres pour vous donner une idée. Entre 2010 et 2022, on évalue à peu près une augmentation de 190% des tentatives de suicide chez les adolescentes. Ce qui nous amène en 2022 à une proportion d'environ 20% des lycéennes qui déclarent avoir fait une tentative de suicide. Ça c'est le premier... Point, le passage à actes suicidaires. Le deuxième exemple de il faut que ça s'arrête correspond peut-être à ce qui avait été évoqué à la séance d'avant, j'y étais pas donc j'ai pas pu entendre, c'est cette question des passages à actes violents qui surgissent au décours d'un événement vécu comme une ultime humiliation, à savoir le refus, le désaccord ou même un simple regard dans la rue. qui peut suffire dans ces situations où finalement seul le sentiment de toute puissance de l'adolescent lui permet d'éviter cet effondrement, ce chaos dont tu parlais tout à l'heure. C'est typiquement la phrase, comme disait Mardi, un jeune homme que je suis en obligation de soins pour des actes violents, notamment face à des personnes dans la rue. Il disait je vois noir quand c'est comme ça, on me regarde mal, on me parle mal, je vois noir et à ce moment-là tout est possible, je cogne et il n'y a plus rien qui m'arrête et quelles que soient les conséquences, de toute façon les conséquences, j'y pense qu'après Alors c'est sûr que dans ces situations-là, l'impulsivité qu'on peut retrouver dans les troubles déficitaires de l'attention, je me tourne vers toi Gilles, est clairement un facteur de risque, d'aggravation du risque de passage à l'acte. Et d'ailleurs on n'a pas obligé d'avoir une personne en face de soi. Pour être dans ce type de passage à l'acte, c'est typiquement le coup de poing dans le mur qui donne ce que nos collègues chirurgiens appellent la fracture de l'abruti. Ce n'est pas très joli, mais c'est comme ça qu'ils l'appellent, avec la fracture du cinquième méta en tapant le poing dans le mur. Voilà, c'est passage à l'acte, donc vécu comme des attaques au narcissisme. Troisième situation, c'est celle que vous évoquiez dans l'introduction, c'est celle que j'observe dans les dynamiques de radicalisation. Ce sont ces passages d'actes violents qui se manifestent quand l'autre finalement n'est que la surface de projection d'une haine qui a été soigneusement alimentée par des discours identitaires radicaux. La violence alors n'est finalement que la manifestation d'une exaltation, d'une toute-puissance qui est offerte par la cause, alors la cause quelle qu'elle soit, qu'elle soit religieuse, d'inspiration religieuse, d'inspiration... racial ou nationaliste, peu importe. Et dans ces situations-là, on peut les accompagner après, là c'est un passage à l'acte, mais la question de surtout les accompagner en prévention du risque de passage à l'acte est une question hautement éthique et on en parlait en introduction et je pense que ce sera peut-être un des sujets de réflexion tout à l'heure. Quatrième situation, c'est des situations où il n'y a pas forcément de haine. C'est certaines situations d'agression sexuelle chez des adolescents qui finalement nous décrivent une absence d'autres. Ils vont s'attaquer sexuellement à quelqu'un, mais ce quelqu'un, il n'existe pas. Leur objectif finalement, c'est avant tout la résolution de cette pulsion sexuelle qui les déborde.

  • Speaker #0

    qui rend leur intérieur psychique totalement chaotique et qui les rend incapables de réaliser ce qu'ils sont en train de faire à cet autre qui n'existe pas, qui n'est pas subjectivé, qui n'est pas différencié, qui n'est pas sujet en face d'eux. Et là, tout le travail thérapeutique, ça va être justement de réintroduire cet autrui dans la victime pour éviter la récidive. Cinquième temps... type de ça, dans le il faut que ça s'arrête c'est la question de la réviscence, la réactivation directe de cette passivation traumatique originelle. On peut l'observer, typiquement, en expertise, on peut le voir, vous en entendez parler dans les journaux aussi, je pense, c'est, titre d'exemple, j'ai entendu ça récemment, un jeune homme introverti, qui brutalement, en pleine nuit, décide d'aller casser la gueule du beau-père qui maltraite depuis des années sa mère. Et je voulais terminer mon propos sur des passages à l'acte violent par, encore une autre catégorie, si on peut en parler comme ça, par refus de l'injustice de trop. Alors l'injustice, c'est un concept qui est plutôt compliqué, qui est multiforme, et qui ne va pas réussir à être déployé aujourd'hui. Certes, on peut le retrouver d'un point de vue psychopathologique dans les personnalités pathologiques dites sensitives qui vont ressasser leurs ressentiments autour d'un vécu de préjudice sub-délirant, voire complètement délirant pour certains. Mais, c'est de ça dont je voulais vous parler pour terminer mon propos introductif, c'est que force est de constater qu'il peut également y avoir, et là on est hors du champ de la psychiatrie, la manifestation... d'un vrai désir de vie, comme l'exprimait Fanon ou Winnicott, finalement la référence me va très bien également, ce refus finalement de l'injustice par l'agir violent, qui, ce qu'on observe, croit à mesure que l'on multiplie les perdants dans la société. Et alors là, on ne s'était pas mis d'accord tout à l'heure avec Maurice. Mais figure-toi que c'est aussi une citation d'Hachoum. Multiplier les perdants dans les sociétés, voilà des injustices qui favorisent hélas le terreau de certaines manifestations violentes que je mettrais de côté hors du champ de psychiatrie. Et donc c'est également le cas, à mon sens, quand on contraint les jeunes générations à subir, d'une certaine façon, les choix irresponsables et violents de leurs aînés. Je m'arrêterai là-dessus. Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Merci, Guillaume. Écoutez, vos deux propos. On a l'impression que vous ne parliez que des jeunes et des adolescents, mais ces jeunes et adolescents deviennent des adultes. Je ne sais pas, Gilbert, si c'est de ça dont tu veux nous parler, mais quelque part, il y a ensuite quelque chose qui se prolonge. quelque chose qui se manifeste de manière différente. Et donc voilà, s'il existe des spécialistes de la pédopsychiatrie, il existe aussi des spécialistes de la psychiatrie adulte, et ils n'ont peut-être pas le même regard, ou du moins un regard historiquement complémentaire au premier. Donc merci de nous éclairer.

  • Speaker #2

    Merci, merci bien, merci aux organisateurs pour l'invitation, bonsoir à tous. Je suis un spécialiste des troubles de l'humeur, et donc je vais parler de la question sur... surtout du passage à l'acte suicidaire. Mais en préambule, et pour faire le lien avec les thématiques qu'on vient d'évoquer, je rappellerai qu'il y a un autre enjeu dans le champ psychiatrique, le passage à l'acte hétéroagressif, dont on vient d'entendre chez mes collègues toute la complexité de ce qui peut se jouer en matière de déterminants qui ne sont pas forcément à proprement parler des maladies psychiatriques. mais qui sont des déterminants psychologiques et psychopathologiques et sociétaux. Pour rappeler que certes, il arrive et il continue d'arriver de temps en temps des événements tragiques qui impliquent des patients souffrant de troubles psychiatriques caractérisés, peut-être le plus souvent des troubles schizophréniques. Si on met de côté les problématiques d'addiction, qui sont aussi des facteurs importants dans la détermination du passage à l'acte violent, y compris chez des gens qui ne sont pas des malades psychiatriques, mais finalement, ces affaires tragiques... qui résonne énormément sur le plan médiatique chaque fois qu'il se passe quelque chose, qu'ont fait les psychiatres, pourquoi ce patient est sorti de l'hôpital, etc. ne représentent qu'une toute petite minorité des décès par assassinat, par meurtre. Et on finit par avoir dans notre monde, où on pense plus qu'en 140 signes, Ça représente un vrai danger pour la société. Nos patients, par exemple, souffrant de troubles psychotiques et schizophrènes, ils ont surtout un risque d'être victimes de violences et de l'agressivité des autres plutôt que d'être eux-mêmes des auteurs de violences. Pour en revenir à cette question du suicide, là aussi, je devrais être bref, dans un domaine où la nuance est forcément nécessaire. Il y a des suicides, il y a ce qu'on appelle des conduites autodommageables qui peuvent faire partie d'un système de régulation face à la détresse, face à ce qui est insupportable, auquel mes collègues ont fait allusion. Mais les choses ne sont pas forcément si binaires que ça. Il y a entre les deux tout un ensemble de conduites. Par exemple, des intoxications médicamenteuses volontaires, où il s'agissait bien de faire arrêter quelque chose, où la question de la volonté suicidaire n'est pas toujours absolument claire, mais au fond, c'est une sorte de risque pris pour interrompre l'insupportable. Et donc la question, quand on demande à un patient mais vous vouliez vraiment mourir ? n'est pas une question à laquelle il est si simple de répondre. Il ne reste que 9000... Une personne, en gros, meurt par suicide en France chaque année. 7% des Français ont déjà fait une tentative de suicide dans leur vie. Et c'est vrai que même si les choses ne s'aggravent pas en termes de nombre de suicides en France, on est face à une montée importante de la prévalence de la dépression, de l'anxiété, des idées suicidaires, des passages à l'acte. de toutes sortes, autodommageables ou suicidaires. Chez les adolescents et chez les jeunes adultes, il y a eu une très nette aggravation au moment de la crise Covid. Les choses ne vont plus avec un tel niveau d'aggravation, mais il n'y a pas eu non plus de décru pour le moment, d'où la saturation de nos systèmes de soins. Et on voit bien que ces jeunes adultes ne vont pas bien. En tant que psychiatre hospitalier, ça fait plusieurs décennies que j'exerce mon métier. Je vois bien que nos unités d'hospitalisation se rajeunissent. Il y a beaucoup de jeunes adultes que nous sommes obligés d'hospitaliser dans des cliniques qui sont complexes. Ou même les troubles de l'humeur classique, troubles bipolaires par exemple, sont toujours présents mais sont souvent intriqués avec des problématiques complexes, borderline, des troubles du neurodéveloppement, TDAH, troubles du spectre autistique, etc. des enjeux de transidentité par exemple aussi. Il y a donc vraiment quelque chose qui est en train de changer aussi à ce nouveau-là. Ce que je voulais aussi apporter comme éclairage, c'est finalement quand on s'arrête sur ce étonnant terme de passage à l'acte, on peut faire saisonner sur un plan des multiples sens qu'on peut donner à cette expression. Dans le passage, il y a aussi l'idée de... de quelque chose où on se faufile d'une voie de sortie qui, à un moment donné, peut être que la seule voie de sortie. Ils font résonner aussi des sens autour de l'idée que l'acte, c'est quelque chose d'actif, mais il y a en même temps quelque chose qui peut être passif, quelque chose où on glisse vers le passage à l'acte. Parce qu'il y a parfois de l'impulsivité, il y a parfois... Quelque chose a été construit pas à pas, sans interruption. Mais ma conviction comme clinicien qui a rencontré beaucoup de patients avec des conduites suicidaires, qui a perdu un certain nombre de ces patients qui se sont suicidés, pendant leurs soins ambulatoires, parfois même pendant leurs soins hospitaliers, c'est que la... La voie qui mène au suicide est une voie un peu en pointillé, faite d'aller et retour. On s'approche, on expérimente. D'où l'attention qu'on doit porter à quelque chose qui se commence, quelque chose qui se répète, quelque chose qui revient, et dont on ne doit pas se dire Oh, finalement, ça n'est que des répétitions, on peut être rassuré, ça n'ira pas plus loin Et les patients, ils vont jusqu'au bout à un moment donné de l'acte qui va être létal. Ils ont souvent fait ce chemin-là, dans cette direction-là, par étapes successives, puis des retours, mais au moment où ils vont passer à l'acte, c'est comme s'établissait une sorte de continuité de tous ces moments où ils ont déjà pensé à cela, préparé cela. Et préparer, c'est parfois les repérages des lieux où on va se précipiter, les moyens qu'on va utiliser, sa réserve médicamenteuse. la corde, l'arme à feu, etc. Et à un moment donné, tout devient comme une évidence. Je vais faire quelque chose que j'ai dans la tête depuis très longtemps. Et ça peut être comme ça, alors même qu'une heure ou deux plus tôt, dans l'interaction avec l'infirmière de l'unité, il y avait quelque chose qui semblait bien se passer et qui ne laissait pas présager que quelque chose allait... basculer ainsi. Mais au moment où le patient bascule, lui, il n'a plus aucun lien avec ce moment, une heure ou deux plus tôt, où il a pu échanger avec l'infirmière et où les choses semblaient pas si mal se passer. Il n'est plus connecté qu'avec la noirceur de sa souffrance, le caractère intolérable de tout cela et qui peut amener à ces gestes désespérés qui débouchent sur un suicide, qui se font parfois avec une violence Impressionnante quand il faut se mettre sur le passage d'un train ou se précipiter dans les hauteurs, ou sauter dans l'eau. Et cela, c'est quelque chose qui me paraît vraiment important. Enfin, je voudrais juste aussi pour terminer, revenir sur quelque chose qui est peut-être en train d'évoluer, mais on ne va pas faire un sondage dans la salle. Vous vous demandez... Si ce que je vais vous dire là vous surprend ou pas, les professionnels qui sont présents ici ne seront pas surpris. Mais c'est la question, est-ce qu'on peut parler du risque suicidaire ? Est-ce que si je parle de la question du suicide avec celui qui est en face de moi, qui ne va pas bien, je vais augmenter un risque de passage à l'acte ? Eh bien, il y a un consensus dans notre profession pour dire non. Au contraire, il faut demander à celui qui est face à nous, qu'on soit là comme amis, comme parents, comme médecins, infirmiers, soignants, etc. Comment vous vous sentez ? Vous vous sentez mal ? D'accord ? Jusqu'à quel point ? Jusqu'à quel degré de douleur intolérable ? Jusqu'à quel degré de désespoir ? Est-ce que cela... vous amène, t'amène à considérer que la mort serait la seule issue pour être soulagé de tout cela. Ne pensons pas que si on aborde cette question-là, on va augmenter le risque de passage à l'acte. Au contraire, notre interlocuteur va réaliser qu'on est capable de se représenter, que là où il en est dans sa souffrance, il peut être à ce stade-là, à ce point limite-là, et on peut réouvrir quelque chose, retendre un fil. lancer une corde sur laquelle on va pouvoir essayer de le réamarrer à quelque chose. Je vous remercie de votre attention.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup Gilles, je savais que le complément serait indispensable, il l'a été. Alors le légiste que je suis est bien modeste parce que j'ai entendu les gens de la psyché, moi je ne suis que l'acteur du corps. Est-ce qu'il de temps en temps me... Me rappelle au travail de David Le Breton, c'est justement ce rapport au corps et comment ce corps peut finalement parler, exprimer quelque chose autour de l'individu, mais quelque chose autour des faits de société, quelque chose autour des souffrances. Et David a beaucoup, beaucoup travaillé ces questions là. Et je pense que dans cette table ronde, la place du sociologue est tout à fait justifiée pour nous emmener sur un autre chemin. Donc, on te cède la parole avec bonheur.

  • Speaker #3

    Merci Grégoire. Alors l'anthropologie évidemment c'est toujours un pas de côté, c'est la pratique du détour comme disait autrefois Georges Ballandier, qui amène à dépayser des notions de sens commun, mais aussi des notions médicales ou psychiatriques qui sont parfois posées dans l'absolu. Surtout par ailleurs que l'anthropologie récuse de toute façon les étiquettes qui dépossèdent les acteurs de leur souveraineté, pour les traiter comme des figures. interchangeables. Par exemple, être un toxico, un anorexique, etc. Alors que, comme Maurice l'a rappelé tout à l'heure, il n'existe que des singularités et que le symptôme ne dévore pas le sujet dans sa totalité. Évidemment, le sujet, la personne qui a une pratique de toxicomania, qui a mille autres choses, évidemment, que son rapport aussi à la drogue. D'où ma position souvent de déconstruction du regard au regard des catégories psychiatriques ou médicales, ou en tous les cas de problématisation à leur égard. Et s'agissant de la notion de passage à l'acte, vu comme une sorte de court-circuit de l'inconscient, je voudrais donc montrer que cet usage un peu systématique, un peu magique, qu'on entend souvent autour de soi, me paraît parfois un peu contestable. J'ai souvent eu l'occasion de l'entendre comme un abus de langage de mon point de vue, surtout dans le contexte des attaques au corps, des scarifications, sur lesquelles je suis énormément deux fois intervenu. Et ça m'a toujours paru une manière de clore toute réflexion sur ce qui pouvait amener un adolescent à s'entailler de la sorte. Alors bien entendu, je ne conteste absolument pas la notion de passage à l'acte, mais je souhaite la nuancer, la contester en tous les cas, s'agissant de... S'agissant des scarifications à l'adolescence, moins des automutilations dont Maurice parlait, parce qu'on est fait sur un autre registre. Je parle des attaques au corps d'adolescentes ou d'adolescents bien ordinaires, entre guillemets. Les attaques au corps visent à fabriquer du sens pour continuer à vivre. Ce sont souvent des actes de passage, et c'est la notion que je voulais introduire dans le débat, non pas des passages à l'acte, mais des actes de passage. Acte. En ce sens, qu'à mes yeux, le jeune demeure acteur de son comportement et passage, car il s'agit justement de passer sur l'autre rive d'un fleuve de souffrance, d'une hémorragie de souffrance qui menace de tout emporter. L'acte de passage relaie l'élaboration mentale qui ne suffit pas en elle-même à désamorcer sa souffrance. Le soulagement implique un supplément de corps qui lui donne son efficacité. Le jeune est parfaitement capable d'expliquer son geste, d'expliquer aussi le sens de son acte, même s'il ne parvient pas toujours à y échapper. Il sait que le soulagement l'attend à son terme en lui faisant traverser la tension intérieure. Je me fais mal pour avoir moins mal voilà le propos qu'on entend régulièrement de la part de ses ados. Je me fais mal, mais c'est pour avoir moins mal Et puis j'ai très souvent cité cette adolescente qui me disait il y a quelques années, Je me fais mal à mon corps pour avoir moins mal à mon cœur Je trouve que cette réflexion est absolument magnifique, mais démontre bien cette position d'acteur, d'actrice en tous les cas, de cette adolescente qui s'entaillait régulièrement. Le jeune donc est acteur de son geste, à la différence de la notion de passage à l'acte, qui le dépossède de sa responsabilité dans ce qu'il fait, le transforme en objet passif d'un jeu de l'inconscient, d'une sorte de court-circuit intérieur. Cette notion d'acte de passage récuse le dualisme entre l'esprit d'une part et le corps de l'autre, comme si les manques du premier, l'esprit, ricochaient machinalement sur le corps. Bien entendu, la parole est essentielle comme instance thérapeutique, mais elle n'est absolument pas suffisante quand le moment n'est pas venu. La blessure volontaire absorbe ce reste que les mots ne saisissent pas, c'est au-delà que les paroles ne peuvent contenir. Le jeûne fixe son chaos intérieur sur son corps afin d'y voir plus clair, il met en acte une impossibilité de transformer les choses. Dire un inceste par exemple, ne suffit absolument pas à en désamorcer la virulence, la brûlure. Ces attaques au corps sont donc des tentatives de contrôler un univers intérieur qui échappe encore, d'élaborer une relation moins confuse entre soi et l'autre en soi. À travers cet acte de passage, finalement, le jeune se remet au monde et se sort de sa noyade. Le passage à l'acte n'est pas une modalité de résolution de la tension interne. Il la maintient au cœur du sujet, comme s'il se débattait dans une nasse. Au contraire, l'acte de passage permet de surmonter la tension et de devenir à nouveau acteur de son existence. Dans tous les cas, avec un gradient plus ou moins prononcé, l'acte autorise un passage, une transition vers l'autre rive. Il est une tentative de restauration du lien, à la différence du passage à l'acte, qui élimine en partie le sujet de la scène. L'acte de passage est une action sur soi qui fonctionne comme un appui pour s'arracher aux anciennes pesanteurs, un remède pour s'extirper d'une situation apparemment sans issue. Même s'il se répète, il est un chemin tracé dans le corps en en payant le prix pour se retrouver et rejoindre le lien social. Il est aussi d'ailleurs à l'occasion un levier thérapeutique, une accroche pour une reprise de parole ou un accompagnement thérapeutique. Martine par exemple, une des personnes que j'ai rencontrées, le dit avec force, les coupures c'était la seule manière de supporter cette souffrance, c'était la seule manière que j'avais trouvé à ce moment-là pour ne pas vouloir mourir. C'est elle qui dit vouloir mourir. Ces attaques au corps avaient été pour elle une forme de prévention au pire. Victime d'inceste, Chloé dit avec finesse que les scarifications non seulement permettent de passer les moments de souffrance, mais suscitent également une sorte de savoir sur les épreuves vécues. Chloé dit Je trouve qu'on apprend à travers ces scarifications, je trouve qu'on apprend à comprendre et à accepter sa douleur. Pour moi, à ce moment-là, C'est à ça que ça servait. L'acte de passage est donc un appui pour s'arracher aux pesanteurs. Il est un remède pour s'extirper peu à peu d'une situation qui paraissait bloquée. Même s'il se répète, je m'aperçois qu'il y a une répétition dans mon texte, mais ce n'est pas grave. Même s'il se répète, il est un chemin tracé dans le corps en en payant le prix pour se retrouver. Il fonde au fil du temps, en soi et autour de soi, les conditions d'une acceptation de soi. ou d'une capacité à transformer la situation mortifère. La plupart du temps, les scarifications ne sont pas montrées aux autres et ne permettent pas l'instauration d'un échange, mais même à ce niveau, elles participent du franchissement de la barrière de souffrance. En ce sens, j'analyse pour ma part les scarifications comme étant dans la majorité des cas une technique de survie. Une technique de survie, à l'image de ce que disait Martine tout à l'heure, C'est aussi d'ailleurs pour restaurer la souveraineté du jeune que j'ai avancé cette notion d'acte de passage, pour le poser comme un acteur. Dans l'immense majorité des cas, les scarifications adolescentes sont provisoires. En plus, elles ne s'attaquent pas aux visages ou aux organes sexuels. Quand c'est le cas, on est plutôt dans le passage à l'acte et une prise en charge s'impose en urgence. Là, il y a une dimension profondément anthropologique, évidemment, du rapport au visage, du rapport aussi aux organes sexuels, par exemple. Dans mon expérience, les attaques au corps durent rarement au-delà de quelques mois ou au pire de quelques années. Certes, il arrive que des personnes plus âgées persistent de manière rituelle, soulignent les mots, à s'entailler secrètement. Elles ont trouvé une sorte de compromis avec le monde qui les autorise à vivre. Et chacun de nous se souvient du personnage d'Erika. dans le très beau film de Michael Haneke, La pianiste. Vous vous rappelez d'Isabelle Huppert, qui s'entaille paisiblement, tranquillement, dans sa baignoire, au niveau d'ailleurs de son sexe, enfin, de la proximité de son sexe, parce qu'elle se sent dépossédée de sa féminité par ses règles, et elle décide de faire couler son sang de manière délibérée. C'est compliqué à comprendre quand on n'a pas lu le livre de... Le livre de cet auteur autrichien dont le nom est... J'ai le fric de Jelinek. Je trouve que dans le roman et dans le film, tout est parfaitement bien expliqué. D'ailleurs, il y a différents types de scarification dans le film. C'est un document clinique absolument extraordinaire. Donc, il y a des personnes qui persistent, en effet, mais c'est leur manière de vivre. Et puis, voilà, à mon avis, ça ne se discute pas parce que ce ne sont pas des gens qui vont chercher de l'aide. Ce sont des gens qui ont trouvé un rapport au monde qui les satisfait, entre guillemets. Donc, la notion de... La notion de passage à l'acte, si elle a une légitimité dans bien des situations, m'a souvent paru un mot magique pour effacer la souveraineté du sujet et le subordonner à un savoir psychiatrique ou médical, ou encore pour médicaliser son comportement lors par exemple de suicides ou de tentatives de suicide ou d'actions criminelles qui sont parfaitement élaborées par des individus. Et en ce sens, je parlerais plutôt de passage à l'action. C'est-à-dire qu'auparavant, il y a une immense réflexivité qui fait qu'on passe à l'action de l'attentat, du meurtre ou du suicide, mais ce n'est pas une espèce de surgissement impromptu, inopiné, c'est en fait une longue histoire. Évidemment, là je suis profondément sociologue, de vouloir toujours restaurer la position du sujet et ne pas le considérer comme une sorte de jouet du destin ou de son inconscient. Mais évidemment, la différence entre ces deux... Ces notions, un passage à l'acte, acte de passage, passage à l'action, engagent des compréhensions, mais surtout des cliniques, des éthiques en amont, mais surtout des cliniques radicalement différentes. Voilà. Merci. Merci de votre attention.

  • Speaker #1

    Merci, David. Avec Aurélien, on va passer les questions à la salle. Mais c'est vrai que le débat est un peu ouvert parce que à lésion équivalente. Si je suis un peu basique, l'histoire et la narration peuvent différer d'un individu à l'autre. Le problème c'est que face aux symptômes, la famille, le clinicien, qui n'est pas forcément psychiatre spécialiste, qui peut être généraliste, qui peut être gynécologue, et tout un chacun quand il voit un proche s'interroge. Et entre la vision que tu proposes de l'acte de passage, qui est finalement une vision qui peut être positive, qui peut rappeler les rites d'autres cultures d'ailleurs, où les scarifications ont un sens très positif, Et puis l'histoire du psychiatre adulte qui nous dit Mie une marche de progression et ce premier signe peut-être aussi la voie vers quelque chose de beaucoup plus grave qui va mener soit à se supprimer, soit à supprimer l'autre. Il faudra des arbitres dans l'analyse de tout cela. Et effectivement, ton regard est intéressant pour montrer qu'il ne faut pas tout mettre dans le même tout, mais qu'il faut s'interroger sur le sens de chaque chose. Donc, si il va nous permettre de dialoguer avec la salle, Aurélien, allons-y. On laisse la parole au public.

  • Speaker #4

    Oui, merci. Merci à tous les 4-5 orateurs, parce que je trouve que le format qui a été fait nous permet de beaucoup mieux comprendre quand on n'est pas spécialiste, et chaque intervention était complémentaire de l'autre. passionnant comme approche de ces choses-là. Et je voudrais juste évoquer peut-être un autre éclairage, parce que j'aime beaucoup le cinéma, et le cinéma c'est un reflet extraordinaire de notre société, pour le point social. Actuellement, il y a un film qui parle extraordinairement bien de cette problématique qui s'appelle Jouer avec le feu qui est sorti il y a quelques jours avec Vincent Lindon dans le rôle principal, et qui parle d'un acte hétéro-agressif Mais c'est vraiment un passage à l'acte et qui étudie magnifiquement bien la réaction de différents groupes, c'est-à-dire d'abord la famille, la souffrance interne, et on ne comprend pas le passage à l'acte, mais on arrive à le suivre très très bien. Là, il s'agit d'un acte hétéro-agressif, puisque un adolescent devient un criminel. Mais là, c'est la pression sociale, puisque c'est un acte politique. Il y a un autre film que j'ai vu. qui est un film américain et c'est ça qui est très intéressant, qui s'appelle A Feel Fine et qui est le traitement du suicide d'un adolescent sous les yeux de la culpabilité terrible de son entourage. Dans les deux cas, on voit un père aimant, un père particulier, pour l'image du père, une famille aimante. Et je trouve que c'est absolument passionnant de voir au cinéma la manière dont la société américaine, où il y a un psychiatre aussi dedans, et la société française européenne traitent de la souffrance des adolescents. y compris le passage à l'acte. Et pour revenir à ce que disait M. Le Breton, c'est très intéressant parce que notre société observe... et fait des statistiques au sujet des suicides et des passages à l'acte. Mais la question principale, c'est comment va agir le groupe, la famille en particulier, et comment est-ce qu'elle peut percevoir tout ça ?

  • Speaker #1

    Est-ce que l'un d'entre vous veut s'en parler de la question ? Effectivement, si on focalise sur la question des proches et de la famille, on a entendu les cliniciens, mais finalement, quel regard les cliniciens ont ? On va porter sur ce conseil ou cet accompagnement à la famille. Je ne sais pas, Gilles, je te regardais dans les yeux, mais est-ce que tu veux en dire un mot ?

  • Speaker #2

    Oui, forcément.

  • Speaker #0

    On ne peut jamais aborder ces problématiques-là en envisageant l'individu coupé de son contexte. La première couche du contexte, dans une vision un peu concentrique, de couche successive, c'est les proches, c'est la famille. A partir de là, on pourrait développer beaucoup, mais c'est une dimension extrêmement importante.

  • Speaker #1

    Maurice, tu veux compléter ?

  • Speaker #2

    Oui, alors dans le champ qui est le mien et uniquement dans ce Ausha, c'est-à-dire la pédopsychiatrie, les adolescents, les familles, un psychiatre d'adolescence, un psychiatre de famille, bon, je l'ai déjà dit tout à l'heure, je le répète, dans mon nombre de cas, les adolescents nous amènent leurs parents pour qu'on soigne leurs parents. Et le passage à l'acte, en particulier suicidaire, et le témoignage dans un certain nombre de cas, de cette problématique-là, c'est-à-dire de la problématique inconsciente, transgénérationnelle, si ce n'est de la problématique consciente, ici et maintenant, d'une maltraitance, d'une violence, d'une agression sexuelle, d'un inceste. Nous sommes effarés d'avoir vu pendant le confinement que la proximité des familles a entraîné une multiplication des violences intrafamiliales, des passages à l'acte sexuel et des révélations. en décédant sexuellement. Cette dimension-là est à prendre en compte, c'est-à-dire que le symptôme présent de l'adolescent a toujours, peu ou prou, une dimension familiale et parfois prévalente. Pas à l'inverse, pas pour contrebalancer, mais quand même, qu'est-ce qu'il y a de plus agressif vis-à-vis de la famille qu'un passage à l'acte, en particulier suicidaire, ou même une automitulation, en particulier sur le visage ? mais qui atteint le corps qui est le fruit de l'amour, du désir de ses deux géniteurs. Cette agression vis-à-vis des parents est une source d'angoisse extrême, c'est une désaffiliation. Un passage à l'acte suicidaire est une désaffiliation en acte. Une chirurgie esthétique réparatrice itérative et une démonstration répétée que je ne veux pas avoir le nez de mon père, les joues de ma mère et je ne veux pas devenir le corps de ma mère. Cette agression, cette agressivité vis-à-vis de la famille va avoir une réponse déprimée ou une réponse en représailles. Plus complexe, mais tout aussi important, un certain nombre de familles perçoivent très bien que ces passages à l'acte, en particulier les scarifications, mais pas n'importe lesquelles, David a bien signifié. celles qui touchent les zones sexuelles, celles qui sont répétées, celles qui sont intenses, massives, brutales, impérieuses, qui s'imposent au sujet, sont une source de jouissance, de jouissance auto-érotique que perçoit très bien la famille. Donc, agression du corps issu du fruit de l'amour parental, du fruit déchu, et jouissance auto-érotique, c'est-à-dire non relationnelle, purement autarcique, sont des éléments qu'il va falloir prendre en compte pour que... on puisse traiter la part qui appartient à la famille, primaire ou secondaire, du symptôme. Et si ce traitement n'est pas fait, s'il n'est pas évalué, s'il n'y a pas eu d'un antécédent de trauma ou d'agression sexuelle. Pour vous donner un exemple encore plus signifiant, le nombre de révélations sexuelles en hospitalisation, un autre élément. Quand une hospitalisation d'adolescent dure longtemps, C'est parce que le gosse n'a pas eu la possibilité encore de vous révéler qu'il a été abusé sexuellement. Ayez ça en tête, dans un grand nombre de cas c'est vrai. Ce gosse donc reste très longtemps, il révèle un abus sexuel et dans la grande majorité des cas, cette révélation c'est pour témoigner qu'il a perçu qu'il y avait un antécédent d'agression sexuelle chez la mère et que la façon qu'il a de le révéler permet à l'autre de le révéler. Donc la dimension familiale de tout symptôme qui attend à ses jours... doit être prise en compte en amont, est-ce qu'il y a une participation carentielle, traumatique ou les deux de la famille ? Et en aval, est-ce que cette jouissance auto-érotique qui se désaffilie du relationnel est acceptée ou pas par la famille ?

  • Speaker #1

    Merci. Sur cet éclairage, je ne sais pas si les images cinématographiques allaient vous amener juste à ce type de réponse, mais au moins, on a pris en compte que l'individu n'est pas étranger à la globalité de sa famille réciproquement. Il y a d'autres questions dans la salle ? Oui,

  • Speaker #2

    bonsoir, merci de ces très intéressantes réflexions. On pensait, on pense peut-être encore aujourd'hui, que derrière toute tentative de suicide, il y a un appel à l'aide. Est-ce qu'on a raison de penser ça ? Qui est-ce qu'on interpelle ? La société ? Les parents ?

  • Speaker #0

    Je donne une première réponse dans ma perspective de psychiatre d'adulte. Je reviendrai à cette idée qu'il faut toujours nuancer les choses. Oui, parfois c'est quelque chose de cet ordre-là, de communiquer qu'on est débordé par sa souffrance. Peut-être que c'est une façon en raccourci à la fois d'interrompre le moment qui est intolérable et puis de se dire qu'il y aura un après qui permettra peut-être qu'autour de moi, on se rende compte à quel point je vais. Mais ce n'est pas toujours aussi clair que ça. Et puis, il faut toujours se méfier dans notre domaine de formulation qui dit toujours ou au contraire, celle qui ne dit jamais. Il y a nombre de passages à l'acte suicidaire qui ne sont pas un appel à l'aide, qui sont juste la voie de sortie par rapport à quelque chose qui est intolérable.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce que tu penses tout de même du récent procès d'Orange, c'est ça ? Le téléphone ? Le moins qu'on puisse dire que c'est... C'est une interpellation sur une modalité de management social effarant, héritée de nos amis américains et que nous avons importée. Oui,

  • Speaker #0

    ça, c'est une autre notion très intéressante que tu introduis. C'est au fond, certains suicides sont sacrificiels, c'est à dire je vais interpeller l'entourage et la société. Mais ce n'est pas un appel à l'aide pour moi. pour essayer de changer quelque chose après moi.

  • Speaker #2

    Signal d'alarme et appel à témoins.

  • Speaker #1

    Premier rang, une question.

  • Speaker #3

    Oui, donc bonsoir et merci beaucoup pour ces interventions qui ont été vraiment extrêmement riches. Je souhaiterais donc vous faire part d'une réflexion et du coup engager la discussion si possible et si ça vous convient. Donc particulièrement sur la question de la stigmatisation et en particulier des enfants placés, si j'irais même déplacés. Et pour revenir donc sur le thème de ce soir concernant donc ces enfants qui pour certains malheureusement beaucoup trop passent du statut de victime au statut d'auteur, de passage à l'acte. en particulier des passages à l'acte hétéroagressif. Finalement, je me pose la question de qu'en est-il de leur responsabilité ? Qu'en est-il de leur responsabilité ? Parce que, notamment, la question que je me pose, c'est finalement, est-ce qu'ils ne seraient pas également victimes, en plus d'être auteurs ? Je me base sur deux points de réflexion. D'un point de vue neuropsychologique, on sait que les cortexs préfrontal maturent jusqu'à 25 ans. Par rapport à ça, et aussi par rapport à l'excuse de minorité, qui est une thématique que j'aimerais vous demander votre avis si possible. Je me questionne sur, finalement, à partir de 16 ans, alors sauf erreur de ma part, je ne suis pas juriste, Mais je crois comprendre ou savoir, en tout cas de manière expérientielle, qu'à partir de 16 ans, le jeune, victime et malheureusement auteur de violences, de passage à l'acte, finalement n'est plus automatiquement dispensé de l'excuse de minorité. Donc ça en revient vraiment à la question de la responsabilité. Et voilà finalement en gros pour reprendre les propos de monsieur le professeur Le Breton, j'ai beaucoup apprécié finalement voilà ce jeu de mots et je me demande est-ce que finalement ces jeunes ne seraient pas d'une part point numéro un victimes en fait d'un acte de passage souvent invisible en fait sur terre ou en fait ils sont malheureusement souvent bien trop souvent en manque de tuteurs de résilience. Si on prend le cas des foyers avec des figures d'attachement qui ne font que de changer en fait, donc comment se construire d'un point de vue narcissique et identitaire. et souvent en manque de mère, de père et de tout repère. Et pour conclure, finalement, ne serait-il pas aussi victime d'un système social globalement défaillant ? Je parle particulièrement du système de l'aide sociale à l'enfance. Et finalement, est-ce que ce système de l'aide sociale à l'enfance, etc., ne contribuerait-il pas à assigner à la double peine ces enfants ? et notamment en déresponsabilisant les géniteurs un peu trop, souvent. Je parle en connaissance de cause. Il y a une question sur laquelle je n'ai toujours pas trouvé de réponse. Est-il bien normal que dès qu'un enfant est déplacé, je préfère le terme de déplacé, ça représente un peu mieux ce qui se passe, Est-ce que finalement, l'État ne contribuerait-il pas à ça ?

  • Speaker #1

    Il y a plusieurs questions dans votre question. Je propose de passer la parole à Guillaume Cordevant, parce que je pense qu'il a un focus et une appétence particulière, en particulier, il a une expertise dans les tribunaux sur ces sujets-là.

  • Speaker #4

    C'est un sujet de mes journées, de mes semaines, de mon année. Que ce soit des placements, que ce soit de l'agir violent chez certains enfants qui ont été placés, comme on peut le voir dans l'institution où je travaille, à l'ITEP des Mouettes, où on a plus de la moitié des enfants qui sont accompagnés par la protection de l'enfance. Et on ne peut pas faire abstraction de ce qu'ils ont vécu avant leur placement, des raisons pour lesquelles ils sont accompagnés par la protection de l'enfance, et du lien qu'il peut y avoir avec leur manifestation comportementale. Bien entendu, et c'est ce que j'essaie de mettre en propos tout à l'heure, c'est que ce qu'ils ont vécu précocement va avoir un impact, vous le disiez, au niveau neurophysiologique, bien entendu, on le rappelait tout à l'heure, va avoir un impact sur leur modalité également de perception de la relation à l'autre fondamentalement. Et l'enjeu central, on parlait de résilience, alors ce n'est pas un terme que j'emploie quotidiennement parce que derrière ça, il y a tellement de... de définition de termes, de concepts. Mais la question est bien, quelle figure d'attachement sécure va pouvoir les accompagner vers une autre façon d'interagir avec l'autre, pour vivre une autre relation à l'autre ? Et là-dessus, oui, on sort du champ de la clinique, pour aller sur le champ politique, parce que j'ai l'impression que c'est là-dessus que vous voulez nous amener, et ça me va très bien. Oui, on est très défaillant. On est très défaillant. Le système est défaillant. Qu'est-ce que ça signifie ? d'attendre autant de temps pour réaliser des placements, pour déjà faire les évaluations et ensuite appliquer les placements qui ont été ordonnés. Il y a eu les assises récemment, c'était la semaine dernière, les assises de la protection de l'enfance, vous y étiez ? Ah ben voilà ! Combien il y en a ? 200 enfants en Alsace, qui sont en attente de placements, placements ordonnés par des juges, mais pas de place. Ne vous inquiétez pas, on a trouvé la technique pour compenser le manque de place. On a inventé le placement à domicile. Alors ça veut dire quoi ? C'est-à-dire que les enfants qui sont en danger, on ne les met pas en institution, en famille d'accueil, parce qu'il n'y en a pas. On les laisse à la maison et puis il y a un éducateur qui vient quand même une fois par semaine. Je caricature pas en fait, c'est ça. Qu'est-ce que ça veut dire pour ces enfants ? On considère socialement, légalement, cliniquement, que les conditions dans lesquelles ils vivent, mettent en péril leur fonctionnement psycho-affectif. Pour autant, ce qu'on leur propose, c'est une heure avec une éducatrice par semaine. Ensuite, vous évoquez la question plus judiciaire de leur responsabilité quand ils sont auteurs par la suite de passage à l'acte. C'est très compliqué parce que c'est à partir de 13 ans qu'ils sont considérés comme potentiellement auteurs. Donc après, il y a quand même la minorité qui va jouer en fonction de ce qu'ils ont fait pour appliquer une forme de peine et de réparation. Donc là, on ne peut pas dire qu'on fait mal. Les textes sont intéressants et la protection judiciaire de la jeunesse fait le maximum pour justement accompagner ces jeunes, pour éviter d'une part la récidive, mais aussi retrouver une place socialement. Parce que c'est bien ça l'enjeu, je veux dire. Mais trouver une place socialement, ça veut dire, ça veut dire à nouveau, trouver ces modèles d'interaction à l'autre qui ne sont pas basés sur la domination, la soumission, la violence. Or, si on les laisse dans un milieu... Et on parle du milieu familial, c'est le premier milieu, évidemment, mais on peut parler également des modèles globalement sociaux qu'on propose. Écoutez, quand on voit Trump et puis l'autre, le vendeur de voitures électriques, leur concept, c'est, et ce qu'ils affichent à la face du monde entier, c'est plus on est fort, plus on est riche, et plus on a le droit d'écraser les autres.

  • Speaker #2

    Donc,

  • Speaker #4

    finalement, le modèle sociétal est basé sur soumettre ou être soumis. Donc, c'est compliqué. après, nous éducateurs, nous psy, nous parents, d'aller proposer un autre modèle. Mais c'est tout l'enjeu, et je pense que c'est l'enjeu éthique, c'est pour rien qu'on est aujourd'hui sur des réflexions éthiques, un enjeu de société. Quelle société pour demain on veut ? Bien sûr, les enfants placés sont les plus vulnérables, mais c'est un enjeu global du futur. Alors, on se revoit et on en reparle encore des années.

  • Speaker #1

    Guillaume, je pourrais rajouter un petit complément. Je change de casquette de modérateur à acteur. Quand vous dirigez un service de médecine égale dans un grand CHU et unité d'accueil pédiatrique en France en danger, l'indicateur politique aujourd'hui, c'est le nombre de signalements. Je fais court. Et on vous dit plus vous signalez, meilleur vous serez. La question que vous posez, c'est comment on soigne et comment on accompagne. Et là, c'est une question politique. Donc c'est pour ça que je prends la parole. Il ne faut pas se tromper d'indicateur. Si on met les moyens sur soigner, accompagner. Ce n'est pas la même chose que si on met l'indicateur sur signaler. Et ce que je trouve dramatique, c'est un peu comme le dépistage. Si on dépiste et qu'on ne prend pas en charge, ça ne sert à rien de faire du dépistage. Et faire du signalement à outrance si on n'accompagne pas. Et puis deuxième chose, mais ça je parle de concert avec mes collègues pédopsychiatres et tout acteur de l'aide sociale en France, c'est qu'il faut faire du sur-mesure. Il y a tellement de situations différentes de victimes qu'il faudrait faire du sur-mesure. Or en France, on ne sait pas très bien faire du sur-mesure. C'est l'enfant victime, il y a une automutilisation, je veux dire, du placement un peu. Et il y a tellement de cas particuliers, on ne va pas énoncer tout ça, mais il y a des enfants qui peuvent rester avec la maman, le papa doit être évincé. Il y a l'inverse, il y a des enfants qui ne doivent surtout pas revenir dans l'environnement, parce que je ne vais pas décrire ici tout ce qu'on voit dans un service de médecine égale, mais on sait qu'il y a des enfants qu'il faut totalement évincé et très rapidement, et c'est là que les délais sont inadmissibles. C'est une question de citoyens. On est dans un forum citoyen. C'est bien que les gens sachent que les politiques publiques en la matière sont encore inefficaces.

  • Speaker #0

    Merci pour vos exposés totalement exceptionnels. J'avais une question qui s'adresse à la fois à David et à Maurice. Il y a aujourd'hui des milliers de jeunes adultes de l'ordre de 20 ans. garçons et filles qui demandent une ligature de trompe ou une ligature des canaux déférents 30 mille ligatures de canaux déférents par an c'est quand même énorme est ce que pour vous il s'agit d'actes de passage allez on va passer à par la david en premier

  • Speaker #5

    Avant de répondre à Israël, je voulais juste ajouter, évidemment je suis totalement d'accord avec ce qu'a dit Guillaume et ce que tu as ajouté Grégoire. Je voulais simplement dire qu'il n'y avait évidemment jamais de fatalité dans les fracas de l'enfance qu'on a vécu les uns et les autres. J'aime bien citer Sartre qui disait on est ce qu'on fait de ce que les autres ont fait de nous C'est-à-dire qu'on a toujours une marge de liberté. Et il y a bon nombre d'écrivains ou de cinéastes, par exemple, qui ont vécu des enfances absolument tragiques, mais qui en ont fait des choses extraordinaires. Ils sont minoritaires, c'est évident, mais en tous les cas, c'est important de rappeler qu'on a toujours eu une marge de liberté. Et puis là, au regard de ce qu'évoque Israël, j'y vois un effet de l'hyper-individualisation du monde contemporain. C'est le fait qu'on veut vivre pour soi, dans le bonheur de sa vie personnelle. On ne veut pas être encombré d'une responsabilité. La notion de responsabilité, d'ailleurs, elle vole de plus en plus en éclats autour de nous. Et c'est difficile. D'ailleurs, c'est Charles Péguy qui disait que le plus grand risque qu'on peut mener dans sa vie, c'est de mettre un enfant au monde. Voilà, parce que là, on en a pour toute sa vie. Et bien voilà, donc des hommes ou des femmes qui en devenir, en tous les cas, qui refusent tout simplement une responsabilité à cet égard, ce qui est un autre indice de cette crise énorme du lien social. qu'on est en train de vivre en ce moment, que j'évoquais aussi avec le smartphone l'autre jour. On fait un monde à soi tout seul, donc on n'a plus besoin tellement des autres qui sont plutôt des encombrements autour de soi. Je généralise évidemment, il faut après introduire énormément de nuances, mais je vois ça comme élément de réponse.

  • Speaker #1

    Vous voulez ajouter un compliment ?

  • Speaker #2

    Juste pour dire aussi autre chose par rapport à ce qui a été dit par mes collègues. N'oubliez pas aussi l'autre chose effarante, c'est qu'à 18 ans, tout s'arrête. Et que je crois avoir compris que chez ces patients de l'ASE, de la PJJ, s'il y a au moins une chose qu'il faut faire, c'est être authentique. Ne pas leur mentir. On les a beaucoup... On leur a beaucoup menti, on les a beaucoup emmenés dans des espérances et on les a abandonnés après. Si nous, les adultes qui venons après, qui sont des référents sociaux, nous leur montons ou nous leur donnons des espérances et nous les laissons à domicile avec le prédateur, et il n'y a pas de judiciarisation, et ça s'arrête à 18 ans brutalement, le risque de passage à l'acte suicidaire, on le sait bien, dans ces moments de transition, est considérable. Je n'ai pas d'expérience particulière sur la question de la ligature, mais... Pour moi, comme pour toute demande, il faut l'accueillir. L'accueillir comme un rêve ou un fantasme. Mais l'accueillir toujours, l'accréditer toujours. Toujours écouter le patient dans sa demande, quelle que soit l'inquiétude qu'on peut avoir par rapport à la radicalité de cette demande. L'accueillir, l'accréditer, mais ne pas la valider. Essayer de tenir sur commencer à parler, on verra bien, on ira Et dans un certain nombre de cas, non négligeable, si on a une capacité d'écoute de ce qu'il y a derrière la demande, y compris l'inverse de ce qu'elle demande, on peut éviter un certain nombre de radicalisations.

  • Speaker #1

    C'est là justement, mais c'est pour le public, je le dis après, je donne la parole à la salle, que le rôle du psychiatre est intéressant pour décortiquer et pas pour psychiatriser la problématique, juste pour essayer de mieux la comprendre. Il y a une autre question dans la salle. Oui,

  • Speaker #6

    bonsoir. Merci pour vos éclairages sur ces différentes questions. J'avais une question qui était plutôt pour les cliniciens et les membres hospitaliers, principalement sur le suicide et plutôt sur les tentatives de suicide qui peuvent se chroniciser chez certaines personnes. Du coup, j'imagine qu'en tant que clinicien, vous devez en tout cas avoir une certaine confiance dans la parole des personnes que vous recevez. Est-ce que dans le cas des personnes qui sont justement dans ce genre de dynamique et qui arrivent par exemple dans vos services ou en service d'urgence, est-ce que vous devez en quelque sorte moins les croire ou lire un peu plus à travers les lignes ? Je sais bien sûr qu'on ne peut pas prévenir totalement un risque plus grand par la suite. Est-ce qu'il y a des précautions à prendre et même plus globalement, est-ce qu'il y a une éthique de soins particulière pour ce genre de personnes qui peut-être en quelque sorte impliquerait de... Moins croire la parole.

  • Speaker #2

    Merci.

  • Speaker #1

    Gilles, tu te lances.

  • Speaker #0

    C'est une question complexe. C'est un vrai défi permanent dans notre exercice clinique d'être au clair avec les patients sur ce qu'on négocie. On contractualise d'une certaine façon à un moment donné avec eux sur le fait qu'on va les laisser sortir en permission, j'aime pas trop ce terme, mais à les prendre l'air hors de l'hôpital. On va terminer l'hospitalisation et des soins se poursuivront en ambulatoire. Il faut prendre ce risque. Essayer de clarifier avec le patient quels peuvent être les enjeux qu'il peut y avoir. Effectivement, de temps en temps, on se fait piéger dans les grandes largeurs parce qu'on a cru le patient. D'où cette posture plutôt éducative qu'on doit avoir avec le patient, de lui dire, vous savez, on ne va pouvoir travailler que de cette façon-là, dans une confiance mutuelle. Et si pour vous... Il y a quelque chose dans votre moteur personnel qui est de nous prouver qu'on va se faire avoir, qu'on est des incapables. À ce jeu-là, vous allez gagner, mais vous allez gagner et c'est vous qui allez tout perdre. Parce que nous, on souffre quand on perd des patients, mais on continue à s'occuper des autres patients. Ne vous mettez pas dans cette situation. Et je dois dire que parfois, c'est des très jeunes adultes avec des grosses histoires. autour de pathologies de l'attachement, c'est des enjeux très complexes parce qu'il y a un peu l'idée que,

  • Speaker #4

    au fond,

  • Speaker #0

    leur suicide, ce sera notre punition. Il faut essayer de ne pas se laisser prendre là-dedans. Mais, et je terminerai là-dessus, c'est vraiment important cette question de confiance. Et aussi, nous, en tant qu'équipe médico-soignante, on doit travailler avec ces risques, aussi pour que les patients n'aient pas l'impression que, quand ils s'adressent à nous, il y a des lourdes portes qui se referment définitivement et qui les empêcheront de refaire appel à nous. quand ils seront à nouveau en détresse. Donc il y a ce jeu entre le dedans et le dehors, avec lequel nous devons jouer de la façon la plus prudente, mais en même temps la plus efficiente, et parfois en prenant des risques.

  • Speaker #4

    Ah, ça ne marche plus. Tu le rappelais, il n'y a pas une protection à 100% en hospitalisation.

  • Speaker #0

    Eh oui.

  • Speaker #4

    D'une part et d'autre part, il y a un risque iatrogène à l'hospitalisation également. Nous, on le voit particulièrement avec mes collègues dans l'unité d'hospitalisation pour adolescents. Je ne sais pas si tu as la même expérience, mais des hospitalisations chez certains adolescents vont parfois aggraver la symptomatologie, la chroniciser. On parlait de la question de la chronicisation et donc la question de la... prise au sérieux, si j'ai bien compris votre question, du propos du patient, ne va pas forcément conduire à jouer la carte hospitalisation à 100%. Ça va dépendre de nombreux facteurs, bien sûr des places, mais ça c'est un autre aspect. Hélas, hélas, et aussi économique, mais également vraiment de l'intérêt du patient.

  • Speaker #1

    On a une question au fond de la salle.

  • Speaker #7

    Oui, bonsoir. Je voulais vous poser une question par rapport à la délinquance des majeurs. Moi, j'ai été amené à voir de nombreuses audiences pénales, que ce soit des audiences criminelles ou des audiences correctionnelles. Et très souvent, je ne dis pas que c'est tout le temps le cas, mais très souvent, les auteurs d'infractions, donc on est vraiment dans le cadre d'un passage à l'acte pour le coup, les auteurs d'infractions, ils ont énormément de difficultés à reconnaître les faits. Même quand ils sont filmés, même quand il y a énormément de preuves matérielles, ils ont énormément de difficultés à reconnaître les faits. Et je pense par exemple à une personne dans le cadre d'une audience d'assises publiques, un auteur d'infraction, il avait expliqué qu'il avait acheté une machette pour décorer le salon par exemple. Donc dans ce cas-là, la cour généralement... accueillent ces déclarations. Ils sont très énervés. Ça a du mal à passer dans une cour d'assises, ce genre de déclaration. Et donc, la question que je me pose, c'est comment expliquer la non reconnaissance des faits, même si les faits sont matériellement visibles ? Et comment expliquer ça ? Comment amener l'auteur d'une infraction dans ce cas de figure-là, comment l'amener à la reconnaissance des faits, comment on peut accéder à sa psyché pour qu'il y ait une reconnaissance ou au moins un début de travail intellectuel et d'introspection par rapport aux faits.

  • Speaker #1

    Alors là, vous êtes tous compétents, tous les trois, sur ce sujet-là. Mais bon, la question pudiquement est celle dans le langage commun du déni et de l'acceptation d'un regard sur la violence de sa propre violence.

  • Speaker #4

    Pour commencer la réponse, je vois deux situations un peu différentes. Soit effectivement là où pour le sujet auteur de l'infraction, reconnaître qu'il a été l'auteur d'infraction. C'est narcissiquement trop coûteux, ça le met en position de soumission, il n'a pas la capacité à la culpabilité, on a bien compris, il n'a pas la capacité non plus à reconnaître du coup son erreur, parce que dans son économie psychique, ça ne fonctionne pas. Il est encore en mode de je dois être dans cette position de toute puissance qui me permet de surnager Deuxième possibilité,

  • Speaker #0

    C'est d'autres formes de passage à l'acte, où je vois, que je peux avoir en suivi pour des injonctions, des obligations de soins, c'est des personnes qui ne se considèrent pas comme étant coupables parce qu'ils vont justifier leur action parce qu'ils étaient victimes. Ils étaient victimes d'un préjudice et ils ont agi violemment pour se défendre. La justice ne le reconnaît pas dans ce sens-là, mais eux, subjectivement, ils ne sont pas auteurs, ils sont victimes en fait. Et donc... On est sur une autre forme de position subjective. Il va falloir aller travailler. Alors ça va être compliqué à déconstruire parce qu'il va falloir aller accéder à ça et surtout travailler face à une autre situation similaire, éviter qu'il y ait une récidive. C'est surtout là l'enjeu, toujours cet enjeu éthique de la prévention quelque part.

  • Speaker #1

    Oui, je crois qu'il y a un troisième cas de figure et à mon avis c'est le plus fréquent. Et c'est pour ça que je suis... pour ne pas enlever l'excuse de minorité. Dans un nombre non négligeable de cas, il y a une totale conscientisation des faits. C'est un mensonge cousu de fil blanc. C'est celui d'un enfant qui a été pris les mains dans le Nutella, qui a la bouche qui est totalement barbouillée et qui dit que ce n'est pas lui. Je préfère cette innocence infantile à celle d'un certain nombre d'hommes politiques qui disent que c'est moi qui l'ai fait, mais ce n'était pas moi quand je l'ai fait. Parce qu'ils sont conscients.

  • Speaker #2

    Et des fois, c'est le poisson rouge qui a tout mangé. Est-ce qu'il y a encore une ou deux dernières questions ? Et après, je passerai la parole à l'ensemble de mes collègues pour qu'ils formulent un mot de conclusion.

  • Speaker #3

    Alors, ce n'est pas une question. C'est, comme dirait Israël Nizan, une petite vignette politico-clinique. C'est pour un petit peu compléter ce qu'avait dit l'intervenante là tout devant au premier rang, puisqu'il se trouve que je baigne personnellement dans une ambiance, on parle beaucoup de cela, puisque une de mes filles travaille avec Guillaume Cordon dans son équipe et une autre travaille dans un service d'aide à l'enfance. Donc, elles sont au premier rang et... De quoi on parle autour de la table ? C'est des énormes difficultés politiques, pardon, financières, qui ont tous ces services pour prendre en charge les enfants. Et donc, notre éthique sociale, ce n'est pas une question, c'est une remarque. Si on veut parler d'éthique, notre société ne s'occupe pas des adolescents, on va dire, ou près d'un incant, ou en énorme souffrance psychologique, elle ne se donne pas les moyens. Et je pense que les gens autour de cette table Le savent et peut-être si on veut faire une petite conclusion sur l'éthique par rapport à ce sujet, c'est que notre société ne se donne pas les moyens financiers et les moyens en équipe, en personnel, pour essayer d'aborder ce problème dans la souffrance de ses enfants. Il n'y a pas de réponse suffisante de ce côté-là. Je pense que M. Corduon pourra un peu confirmer.

  • Speaker #2

    Alors le forum sert aussi à ça. On va tenter chacun un mot de conclusion, un rebond à la remarque ou sur autre chose, quelque chose que vous voulez rajouter. David, on te laisse commencer ?

  • Speaker #4

    Pour terminer, je pense qu'il faut faire évidemment l'éloge des nuances, rappeler que tous les actes de la vie peuvent être profondément ambivalents, d'une très grande complexité, qu'on n'a jamais réponse à tout et qu'il faut plutôt avoir question à tout. C'est un peu comme ça que j'ai toujours vu la sociologie ou l'anthropologie, avoir question à tout.

  • Speaker #2

    Je suis un garçon basique, on va passer la parole à ton voisin, donc Gilles.

  • Speaker #5

    Pour sortir de ce qui a été mon expertise, mais faire écho à ces enjeux sociétaux et dire que ce qui vient nous interpeller dans un certain nombre de passages à l'acte dont sont porteurs les jeunes et les adolescents, viennent questionner des choix sociétaux forts. On est dans un moment de dilution sur... Les réponses qu'on peut y apporter, que ce soit des réponses de type économique, juste parce qu'on va retirer des allocations familiales aux parents des adolescents qui posent certains problèmes. On va résoudre les choses. Il y a des enjeux très forts pour l'avenir.

  • Speaker #2

    Guillaume.

  • Speaker #0

    Je suis plus au dépourvu là. Non, je peux rejoindre les propos qu'on vient d'avoir. Et ça aurait été vraiment intéressant de poursuivre sur ces réflexions. Et je me dis que oui, comment redonner ce sentiment assez aux générations futures, on va dire, d'avoir cette capacité à agir sur le réel ? Alors qu'ils soient les plus vulnérables ou tout un chacun. Comment se sentir capable d'agir ? Je pense que c'est... Ça rejoint, je ne sais plus qui évoquait la question du sens, David t'évoquais ça, fabriquer du sens. Et je repensais en même temps à un livre de Sébastien Belair, Où est le sens ? Il questionne justement cet enjeu de société de remettre du sens là où vraisemblablement les grands sens politiques et mystiques qui géraient les sociétés préalablement avaient tendance à disparaître. Et comment recréer... du sens à l'échelle collective. Je pense que nous en avons tous besoin, et particulièrement les jeunes générations. Ce sens, on peut le trouver à différents endroits. Je pense qu'un des aspects, c'est celui qui me vient à l'esprit, l'enjeu principal qui me vient à l'esprit, c'est celui de la survie, la survie de la vie sur Terre, avec les questions écologiques. Je pense que ça, c'est une dynamique de sens qui peut porter les futures générations.

  • Speaker #2

    Maurice, le mot de la fin ?

  • Speaker #1

    Moi, je crois que la rencontre avec un médecin est toujours un événement. Et que là, ce n'est pas simplement un rendez-vous de consultation, c'est un événement. Ce n'est pas pour valoriser particulièrement le métier, bien qu'il en ait besoin, le métier de psychiatre. Mais la rencontre avec un psychiatre, c'est un grand événement. Pour une raison simple, c'est que l'adolescent, l'enfant... à des idées un peu très organisées, des fantasmes quant au fait que ce sachant-là va dire s'il est fou ou pas, s'il est aliéné ou pas. C'est ça le grand danger. C'est pour ça qu'ils viennent à reculons. Et si c'est un événement, il faut être à la hauteur. C'est-à-dire qu'il faut que ce gosse trouve à qui parler. Quelqu'un qui l'écoute, qui le contienne, qui le limite et aussi qui très vite ne le réduit pas à ses symptômes. ou à ses syndromes ou à sa maladie. C'est-à-dire qu'il lui accorde, comme à tout un chacun, comme à un frère humain, une liberté, y compris quant à ses actes. Et par rapport à la question du suicide, ça a été dit, il est très important d'évoquer les idées suicidaires, les risques de passage à l'acte, de ne pas en avoir peur. Ça fait partie du tragique de la vie. L'autre élément très important pour éviter le passage à l'acte suicidaire, c'est de ne pas laisser entendre au patient que ce psychiatre qui n'est pas n'importe qui et qui peut l'interner pourrait avoir une maîtrise sur sa mort. Donc laisser la possibilité au sujet d'avoir une liberté libre, y compris avec des risques, c'est une prévention du suicide. Lui laisser penser qu'on a toute possibilité de maîtriser et sa vie et sa mort, c'est le faire aller vers un chemin où il va vous prouver le contraire. Merci beaucoup.

  • Speaker #2

    Aurélien, on arrive à la fin de ce forum. Voilà,

  • Speaker #6

    je vais vous demander de retarder encore un tout petit peu vos applaudissements pour cette table ronde qui était très enrichissante. Moi, à chaque fois que je vous écoute, je me dis que même si les sujets sont parfois graves ou difficiles, on a toujours de la joie à apprendre. Et c'est ce qu'on retrouve peut-être chaque année dans le forum, même si les thématiques peuvent nous donner l'impression qu'on va sombrer dans le pessimisme. Mais finalement. retirer quelque chose de ce qui est dit. Ça nous permet de voir plus loin et d'éclaircir un petit peu l'horizon. Le forum, ça passe toujours en un claquement de doigts, mais il y a beaucoup de travail en amont et surtout beaucoup de personnes qui rendent le forum possible. Donc je vais prendre quelques instants pour les remercier. Et je vous remercie, vous, par avance de votre patience et des applaudissements que vous leur réservez. Tout d'abord, un immense remerciement pour l'ensemble des partenaires du contrat TRIENAL Strasbourg, capitale européenne. Ce sont... qui nous permettent de financer le forum. Et depuis le début de l'aventure, la préfecture de la région Grand Est, la région Grand Est, la collectivité européenne d'Alsace, l'euro-métropole de Strasbourg et la ville de Strasbourg. Mais nous avons également cette année de nouveaux partenaires, l'Agence régionale de santé Grand Est, la Fondation de France et l'une de ses fondations imbritées, Ethikia, le Crédit agricole Alsace-Vosges. Tous ces partenaires nous permettent de vous faire bénéficier d'un forum européen de bioéthique qui est... gratuit. Nous remercions également tous les intervenants qui ont participé à cette 15e édition, c'est-à-dire le Conseil de l'Europe, l'Association des parlementaires européens, l'Université de Strasbourg. de Lorraine et notamment la chaire Jean Monnet UbiOethics, les hôpitaux universitaires de Strasbourg, le comité consultatif national d'éthique et le comité national pilote d'éthique du numérique, la conférence nationale des espaces de réflexion éthique régionaux, l'ensemble des espaces régionaux de réflexion éthique, l'INSERM, les DNA du groupe Ebra, les magazines cerveau et psycho, pour la science, le journal Libération, Arte, France 3 Grand Est, France Bleu Alsace, Radio Judaïca, la librairie Kleber, les bibliothèques idéales. le club de la presse et l'agence culturelle Grand Est. J'ai presque fini, mais c'est presque le plus important. Toutes ces personnes qui permettent de faire en sorte que le Forum européen de bioéthique existe chaque année. Tous les membres du conseil scientifique dont certains sont présents ici, qui nous aident à confectionner et qui nous aideront à confectionner le prochain. Donc le conseil scientifique et son président, évidemment, le fondateur du Forum européen de bioéthique, j'ai nommé Israël Nizan, sans qui rien ne serait possible. Maud Nizan qui a consacré des heures, des nuits pour préparer les tables rondes et nous aider à organiser ce forum. Raphaël Bloch, la cheville ouvrière, qui est le chef organisateur, qui nous permet de faire vivre, d'organiser et de voir plus loin avec le forum pour les années à venir. Les équipes de Boulevard des Productions qui sont nos partenaires depuis le tout début, qui ont énormément d'expertise et qui sont toujours au rendez-vous. Les équipes de Goodway qui ont conçu l'affiche, qui animent les réseaux sociaux, les équipes de collectivités partenaires qui nous ont accompagnés. Merci à tous les orateurs qui sont intervenus. Merci au public qui s'est déplacé en nombre et on est vraiment ravi de les avoir à nos côtés, de vous avoir à nos côtés. Vous pouvez nous retrouver sur le site le forum européen de bioéthique.eu pour retrouver cette 15e édition, les 14 éditions passées, le podcast qui est également disponible et qui sera disponible pour toutes les tables rondes qui sont déjà passées. Et il ne me reste plus qu'à vous souhaiter. une bonne continuation et de vous retrouver l'année prochaine pour une nouvelle édition. Merci à tout le monde.

  • Speaker #2

    Attendez avant d'applaudir. Attendez. Ou alors vous allez réapplaudir une deuxième fois parce qu'il y a une personne qui ne l'a pas cité parce qu'il est bien élevé. C'est Aurélien Benoît lui même. Voilà. Et pour être complètement complet. Israël Nizan est venu me voir jusqu'à tout à l'heure en disant on va remercier tous les deux Auréliens. Donc voilà, il y a de la transmission et c'est une excellente chose.

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