Décarbonation de l’acier et des métaux de base : envoyons les bons signaux cover
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Les podcasts de France Stratégie

Décarbonation de l’acier et des métaux de base : envoyons les bons signaux

Décarbonation de l’acier et des métaux de base : envoyons les bons signaux

12min |02/04/2025
Play
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Description

Bienvenue dans cette nouvelle saison de Perspectives, le podcast de France Stratégie qui apporte un éclairage d’experts sur les enjeux qui nous concernent tous, qu’il s’agisse d’économie, de social, ou encore d’environnement et d’industrie comme aujourd’hui avec le sujet de l’acier.


L’acier est un matériau omniprésent dans notre quotidien : des infrastructures aux véhicules, en passant par l’industrie manufacturière. C’est un matériau recyclable mais c’est aussi l’un des plus grands contributeurs aux émissions mondiales de CO₂, représentant environ 10 % des émissions fossiles. La transition vers une production plus propre est donc un enjeu clé concernant la lutte contre le changement climatique.

et justement : dans la note d’analyse intitulée “Décarbonation de l’acier et des métaux de base : envoyons les bons signaux”, France Stratégie s’attaque à cette question essentielle en mettant en lumière les limites du recyclage, l’importance d’une transformation des procédés de production et les impacts des politiques publiques, notamment la tarification du carbone.


Alors c’est parti pour découvrir et parcourir cette note d’analyse de France Stratégie avec ses auteurs : Maxime Gérardin et Simon Ferrière, du département Développement Durable et Numérique.


N'hésitez pas à vous abonner au podcast Perspectives sur votre plateforme préférée pour retrouver tous les épisodes, passés et à venir.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Jean-Patrick

    Bienvenue dans cette nouvelle saison de Perspective. Perspective, vous le savez, c'est le podcast de France Stratégie qui apporte un éclairage d'experts sur les enjeux qui nous concernent tous, qu'il s'agisse d'économie, de social ou encore d'environnement et d'industrie comme aujourd'hui avec le sujet de l'acier. L'acier, c'est un matériau omniprésent dans notre quotidien, des infrastructures aux véhicules en passant par l'industrie manufacturière. C'est un matériau recyclable, mais c'est aussi l'un des plus grands contributeurs aux émissions mondiales de CO2. représentant environ 10% des émissions fossiles. La transition vers une production plus propre est donc un enjeu clé concernant la lutte contre le changement climatique. Et justement, dans la note d'analyses intitulée Décarbonation de l'acier et des métaux de base, envoyons les bons signaux En Stratégie s'attaque à cette question essentielle en mettant en lumière les limites du recyclage, l'importance d'une transformation des procédés de production et les impacts des politiques publiques, notamment la tarification du carbone. Alors c'est parti pour découvrir et parcourir cette note d'analyse de France Stratégie avec ses auteurs, Maxime Gérardin et Simon Ferrière du département Développement Durable et Numérique. Bonjour.

  • Simon Ferrière

    Bonjour.

  • Jean-Patrick

    Pour commencer, la note d'analyse insiste sur le fait que le recyclage, bien qu'efficace, ne pourra pas répondre... à la totalité des besoins mondiaux en acier, ni permettre d'atteindre la neutralité carbone. Alors pouvez-vous nous expliquer pourquoi et quelles implications cela a pour l'industrie

  • Maxime Gérardin

    Alors effectivement, dans le domaine des métaux, quand on vise la décarbonation, c'est-à-dire la réduction tout à la fois de nos émissions de gaz à effet de serre et de nos dépendances énergétiques, le recyclage est le tout premier levier qu'on a envie d'explorer. Pourquoi Parce que quand on produit par recyclage, on s'évite d'abord de devoir aller chercher du minerai, qui le plus souvent en Europe est importé, et on s'évite ensuite de devoir transformer ce minerai en métal, ce qui est une transformation chimique intrinsèquement pré-consommatrice d'énergie. En fait, avec le recyclage, il suffit, en simplifiant à peine, de refondre le métal. Et dans le cas de l'acier, qui comme vous l'avez dit, est le métal majeur, c'est environ cinq fois moins émetteur que de passer par la voie dite primaire, c'est-à-dire la voie du minerai. Une fois qu'on a fait ce constat, La question est de savoir quelle part de notre production on peut couvrir par le recyclage. C'est un point qu'on examine longuement dans la note, parce qu'étonnamment, il y a des questions de comptabilité des ferrailles, c'est-à-dire des métaux recyclés, qui ne sont pas évidentes et qui doivent être bien clarifiées. Au final, on constate que le recyclage a bien réussi à couvrir une part croissante de notre consommation. Pour l'acier, les objets et machines usagés fournissent aujourd'hui la matière pour couvrir environ un tiers de la production mondiale d'acier neuf. Et cette proportion monte même à la moitié, voire un peu plus, en Europe. Et ce n'est pas mal du tout. En revanche, quand on regarde vers l'avenir, on s'aperçoit que ces chiffres ne tendront pas du tout vers 100%. Il y a deux raisons à cela. La première, c'est qu'on recycle déjà la grande majorité de l'acier usagé, tout simplement parce que pour ces matières, la supériorité du recyclage est aussi une supériorité économique. Il est déjà économique de recycler, c'est bien pour ça qu'on la fait historiquement. Et on est donc dans un cas qui n'a rien à voir avec le recyclage des plastiques, par exemple. Ici, les marges de manœuvre pour trouver davantage de métal à recycler sont faibles.

  • Jean-Patrick

    OK.

  • Maxime Gérardin

    La deuxième raison, c'est qu'une grande part de notre production d'acier, la moitié à l'échelle mondiale et à peine moins en Europe, va dans des infrastructures qui, par nature, vont durer extrêmement longtemps. Quand on met de l'acier dans un bâtiment ou dans un ouvrage d'art, ou même parfois dans certaines machines, on n'est pas prêt de voir cet acier devenir une ferraille recyclée. Ce sont en quelque sorte des aciers perdus pour la circularité. En fait, pour vivre sur un système tout circulaire, il faudrait réussir à arrêter d'ajouter du métal dans nos infrastructures, et ça c'est quelque chose dont on est très loin aujourd'hui.

  • Jean-Patrick

    Donc, on en est très loin aujourd'hui, ça veut dire que la production primaire restera indispensable pendant encore quelques temps. Or, celle-ci est fortement émettrice de CO2, on l'a dit. Et dans ce contexte, la note d'analyse est claire sur ce point. Ce sont les outils réglementaires, notamment la tarification du carbone et le mécanisme d'ajustement aux frontières, qui jouent un rôle central pour orienter la transition.

  • Maxime Gérardin

    Alors, en effet, c'est un peu un lieu commun de le dire, voire cela peut sembler naïf, mais... du point de vue des économistes, le plus efficace pour décarboner, c'est de faire payer les émissions et ensuite, puisque les émissions coûtent cher, les acteurs vont trouver les solutions les plus directes pour les réduire. Nous, nous sommes davantage ingénieurs, mais quand nous nous plongeons dans le détail des leviers possibles pour décarboner, nous tendons plutôt à confirmer cette vision. Il y a une grande complexité, une multiplicité de leviers, une multiplicité d'actions à articuler ensemble et puis on voit aussi que Contrairement peut-être à certains préjugés, une décarbonation profonde de la production d'acier n'est pas forcément incroyablement coûteuse. En revanche, bien sûr, si on essaie d'y aller avec une vision trop arrêtée ou trop restrictive des solutions, les coûts pourraient devenir insupportables. D'où, à notre avis, l'importance de s'appuyer sur des politiques comme la tarification des émissions. Et puis surtout, cette tarification des émissions industrielles en Europe, elle existe déjà. C'est le système européen de quotas d'émission. Ce système, il a parfois une mauvaise réputation, sûrement du fait de son histoire ou du fait des quotas gratuits. Mais ce qu'il faut bien voir, c'est que ce système, il a déjà un rôle structurant. Par exemple, pour la production électrique européenne, qui aujourd'hui est déjà en train de se décarboner rapidement. Et ce n'est pas sans rapport avec ce système de quotas d'émission. Et donc, une question centrale de notre point de vue, c'est déjà de s'assurer... en détail que le système de quota européen est bien conçu comme il faut pour entraîner effectivement la décarbonation de la sidérurgie européenne et tout cela sans la fragiliser au passage.

  • Jean-Patrick

    Sans la fragiliser, c'est-à-dire Concrètement, comment on s'y prend Concrètement,

  • Maxime Gérardin

    aujourd'hui, cela signifie de s'intéresser à l'ajustement carbone aux frontières qui vient compléter aux frontières le prix du carbone industriel européen. Et donc cet ajustement carbone aux frontières... qui est absolument centrale, mais qui pose des questions quant à sa conception, quant à son niveau d'ambition. On prend donc le temps, dans notre note, de s'y pencher. C'est absolument crucial et sur ce sujet, tout n'est pas gagné d'avance. Après, il ne faut pas dire non plus que la tarification des émissions serait l'unique outil de politique publique, notamment parce qu'il y a aussi des questions d'innovation technologique. Et donc, on a impérativement besoin aussi du travail technique pour identifier là où il peut être le plus judicieux de se lancer dans des paris technologiques.

  • Jean-Patrick

    Alors justement, on y vient. Merci Maxime. Je me tourne maintenant vers Simon. Simon, quelles sont les nouvelles technologies les plus prometteuses pour produire de l'acier primaire bas carbone Acier primaire, je le rappelle, c'est l'acier issu de minerais par opposition à l'acier issu du recyclage.

  • Simon Ferrière

    Alors effectivement, la décarbonation technologique de la production d'acier primaire, elle est absolument incontournable. Et pour produire de l'acier primaire en émettant moins que le... procédé le plus répandu actuellement, les fameux fourneaux, il faut arriver à se passer du charbon qui est en fait à l'origine de la majorité des émissions. L'utilisation du gaz fossile permet de réduire les émissions d'environ 40%. Le procédé existe déjà aujourd'hui. À terme, on peut même lui ajouter la technologie de capture et de stockage géologique du carbone. C'est aussi une piste sérieuse de décarbonation profonde.

  • Jean-Patrick

    Donc, gaz plutôt que charbon... stockage du CO2.

  • Simon Ferrière

    Il y a aussi l'hydrogène, qui serait un candidat pour remplacer le charbon et réduire significativement les émissions. Mais cet hydrogène, encore faut-il qu'il soit produit à partir d'une source bas carbone et surtout à un coût raisonnable.

  • Jean-Patrick

    Oui, c'est coûteux l'hydrogène.

  • Simon Ferrière

    Tout à fait. Et il existe également des innovations de rupture comme l'électrodéposition, dont on parle dans notre note et qui repose sur le principe de l'électrolyse du minerai de fer et dont il serait grandement souhaitable qu'elle voie le jour.

  • Jean-Patrick

    L'électrodéposition, ça sonne vraiment comme quelque chose de technique. C'est explicable en 30 secondes, ça

  • Simon Ferrière

    L'électrodéposition, en fait, on va mettre du minerai de fer en poudre dans un bain électrolytique et puis on va faire passer du courant entre deux électrodes. Et sur une des deux électrodes, il va y avoir du fer réduit qui va se former et dont on va pouvoir ensuite mettre dans un four électrique pour produire de l'acier.

  • Jean-Patrick

    Ok, super intéressant toutes ces innovations technologiques pour réduire les émissions de la production primaire. Mais j'ai quand même l'impression qu'il y a un enjeu sur la consommation, notamment dans des secteurs comme la construction. Si on réduisait la consommation d'acier, alors on réduirait la pression sur la demande de production primaire.

  • Simon Ferrière

    Vous avez raison, limiter la consommation d'acier, ça permet de réduire la demande en acier primaire et donc les émissions de gaz à effet de serre associées à sa production. Bien sûr, la sobriété ou l'efficacité matière. Donc, quand je dis efficacité matière, c'est par exemple l'optimisation de la conception des produits ou la mise en avant de modes de construction économes, par exemple. Ces deux leviers, c'est des leviers qui sont efficaces pour réduire la demande et donc, c'est des leviers efficaces de décarbonation. Mais il est vrai que leur potentiel et leur coût, ils restent quand même difficiles à estimer. La maîtrise de la consommation, elle peut aussi passer par l'innovation. Par exemple, les fers à béton qu'on utilise dans la construction, on pourrait les remplacer par des armatures en matériaux composites. Et pour une tonne d'acier remplacé par ces armatures, ces armatures émettent 0,7 tonnes de CO2, donc environ trois fois moins que l'acier primaire tel qu'on le produit actuellement.

  • Jean-Patrick

    Tout en étant aussi solide.

  • Simon Ferrière

    Avant de pouvoir y répondre, il reste quand même de nombreuses étapes de normalisation avant de pouvoir recourir complètement à ce type d'armature. Et en plus, l'acier utilisé dans la construction n'est libéré qu'après plusieurs décennies, voire plus, ce qui empêche de pouvoir l'utiliser comme ferraille pour d'autres produits.

  • Jean-Patrick

    Ok, très clair. Les solutions technologiques et la réduction de la demande offrent des voies complémentaires pour décarboner le secteur. Mais il y a un autre aspect qui reste central, c'est la manière dont nous comptabilisons et valorisons le carbone dans les analyses. Vous l'indiquez dans la note, les méthodes actuelles de comptabilisation semblent parfois détourner l'attention des actions réellement efficaces. Expliquez-nous pourquoi

  • Simon Ferrière

    Pour reprendre votre exemple de tout à l'heure de la construction, imaginez que vous soyez en train de concevoir un bâtiment. Celui qui vous fournit l'acier vous indique que son acier est bas carbone parce qu'il est produit. par recyclage des ferrailles. Mais cette vision, elle reste trop cantonnée à une échelle microscopique. Elle échoue en fait à donner une vision plus globale, plus macroscopique, qui est celle de la réduction globale ou mondiale des émissions de gaz à effet de serre. Pourquoi Parce que, comme on l'a précisé tout à l'heure, les ferrailles, elles sont en quantité limitée. Les méthodes actuelles, elles n'incitent pas à réfléchir sur votre consommation d'acier quand vous êtes, par exemple, comme je l'ai dit, un concepteur de bâtiment. Si vous arrivez à réduire votre utilisation d'acier, vous libérez de la ferraille pour un autre usage. Et libérer de la ferraille pour un autre usage, ça évite une production d'acier primaire plus émettrice. Absolument. Et surtout, ces méthodologies, elles restent à nos yeux des outils de second rang par rapport à la tarification du carbone dont Maxime a parlé plus tôt.

  • Jean-Patrick

    Et en plus, on reboucle avec le début de l'épisode. C'est parfait. Merci beaucoup, Simon Ferrière et Maxime Gérardin, d'avoir pris le temps de présenter la note d'analyse dont on rappelle le titre Décarbonation de l'acier et des métaux de base, envoyons les bons signaux Vous l'aurez compris, c'est un sujet technique. On retrouve évidemment la note en intégralité. sur le site de France Stratégie avec les schémas détaillés, les chiffres complets et donc les pistes pour assurer une transition durable. Merci auditeurs et auditrices d'avoir suivi cet épisode. N'hésitez pas à le partager à vos contacts, à le commenter, à le faire circuler. Le podcast Perspective est disponible sur toutes les plateformes. Alors si ce n'est pas encore fait, je rappelle que vous pouvez vous y abonner pour retrouver tous les épisodes passés et à venir. C'est tout pour aujourd'hui. A bientôt

Description

Bienvenue dans cette nouvelle saison de Perspectives, le podcast de France Stratégie qui apporte un éclairage d’experts sur les enjeux qui nous concernent tous, qu’il s’agisse d’économie, de social, ou encore d’environnement et d’industrie comme aujourd’hui avec le sujet de l’acier.


L’acier est un matériau omniprésent dans notre quotidien : des infrastructures aux véhicules, en passant par l’industrie manufacturière. C’est un matériau recyclable mais c’est aussi l’un des plus grands contributeurs aux émissions mondiales de CO₂, représentant environ 10 % des émissions fossiles. La transition vers une production plus propre est donc un enjeu clé concernant la lutte contre le changement climatique.

et justement : dans la note d’analyse intitulée “Décarbonation de l’acier et des métaux de base : envoyons les bons signaux”, France Stratégie s’attaque à cette question essentielle en mettant en lumière les limites du recyclage, l’importance d’une transformation des procédés de production et les impacts des politiques publiques, notamment la tarification du carbone.


Alors c’est parti pour découvrir et parcourir cette note d’analyse de France Stratégie avec ses auteurs : Maxime Gérardin et Simon Ferrière, du département Développement Durable et Numérique.


N'hésitez pas à vous abonner au podcast Perspectives sur votre plateforme préférée pour retrouver tous les épisodes, passés et à venir.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Jean-Patrick

    Bienvenue dans cette nouvelle saison de Perspective. Perspective, vous le savez, c'est le podcast de France Stratégie qui apporte un éclairage d'experts sur les enjeux qui nous concernent tous, qu'il s'agisse d'économie, de social ou encore d'environnement et d'industrie comme aujourd'hui avec le sujet de l'acier. L'acier, c'est un matériau omniprésent dans notre quotidien, des infrastructures aux véhicules en passant par l'industrie manufacturière. C'est un matériau recyclable, mais c'est aussi l'un des plus grands contributeurs aux émissions mondiales de CO2. représentant environ 10% des émissions fossiles. La transition vers une production plus propre est donc un enjeu clé concernant la lutte contre le changement climatique. Et justement, dans la note d'analyses intitulée Décarbonation de l'acier et des métaux de base, envoyons les bons signaux En Stratégie s'attaque à cette question essentielle en mettant en lumière les limites du recyclage, l'importance d'une transformation des procédés de production et les impacts des politiques publiques, notamment la tarification du carbone. Alors c'est parti pour découvrir et parcourir cette note d'analyse de France Stratégie avec ses auteurs, Maxime Gérardin et Simon Ferrière du département Développement Durable et Numérique. Bonjour.

  • Simon Ferrière

    Bonjour.

  • Jean-Patrick

    Pour commencer, la note d'analyse insiste sur le fait que le recyclage, bien qu'efficace, ne pourra pas répondre... à la totalité des besoins mondiaux en acier, ni permettre d'atteindre la neutralité carbone. Alors pouvez-vous nous expliquer pourquoi et quelles implications cela a pour l'industrie

  • Maxime Gérardin

    Alors effectivement, dans le domaine des métaux, quand on vise la décarbonation, c'est-à-dire la réduction tout à la fois de nos émissions de gaz à effet de serre et de nos dépendances énergétiques, le recyclage est le tout premier levier qu'on a envie d'explorer. Pourquoi Parce que quand on produit par recyclage, on s'évite d'abord de devoir aller chercher du minerai, qui le plus souvent en Europe est importé, et on s'évite ensuite de devoir transformer ce minerai en métal, ce qui est une transformation chimique intrinsèquement pré-consommatrice d'énergie. En fait, avec le recyclage, il suffit, en simplifiant à peine, de refondre le métal. Et dans le cas de l'acier, qui comme vous l'avez dit, est le métal majeur, c'est environ cinq fois moins émetteur que de passer par la voie dite primaire, c'est-à-dire la voie du minerai. Une fois qu'on a fait ce constat, La question est de savoir quelle part de notre production on peut couvrir par le recyclage. C'est un point qu'on examine longuement dans la note, parce qu'étonnamment, il y a des questions de comptabilité des ferrailles, c'est-à-dire des métaux recyclés, qui ne sont pas évidentes et qui doivent être bien clarifiées. Au final, on constate que le recyclage a bien réussi à couvrir une part croissante de notre consommation. Pour l'acier, les objets et machines usagés fournissent aujourd'hui la matière pour couvrir environ un tiers de la production mondiale d'acier neuf. Et cette proportion monte même à la moitié, voire un peu plus, en Europe. Et ce n'est pas mal du tout. En revanche, quand on regarde vers l'avenir, on s'aperçoit que ces chiffres ne tendront pas du tout vers 100%. Il y a deux raisons à cela. La première, c'est qu'on recycle déjà la grande majorité de l'acier usagé, tout simplement parce que pour ces matières, la supériorité du recyclage est aussi une supériorité économique. Il est déjà économique de recycler, c'est bien pour ça qu'on la fait historiquement. Et on est donc dans un cas qui n'a rien à voir avec le recyclage des plastiques, par exemple. Ici, les marges de manœuvre pour trouver davantage de métal à recycler sont faibles.

  • Jean-Patrick

    OK.

  • Maxime Gérardin

    La deuxième raison, c'est qu'une grande part de notre production d'acier, la moitié à l'échelle mondiale et à peine moins en Europe, va dans des infrastructures qui, par nature, vont durer extrêmement longtemps. Quand on met de l'acier dans un bâtiment ou dans un ouvrage d'art, ou même parfois dans certaines machines, on n'est pas prêt de voir cet acier devenir une ferraille recyclée. Ce sont en quelque sorte des aciers perdus pour la circularité. En fait, pour vivre sur un système tout circulaire, il faudrait réussir à arrêter d'ajouter du métal dans nos infrastructures, et ça c'est quelque chose dont on est très loin aujourd'hui.

  • Jean-Patrick

    Donc, on en est très loin aujourd'hui, ça veut dire que la production primaire restera indispensable pendant encore quelques temps. Or, celle-ci est fortement émettrice de CO2, on l'a dit. Et dans ce contexte, la note d'analyse est claire sur ce point. Ce sont les outils réglementaires, notamment la tarification du carbone et le mécanisme d'ajustement aux frontières, qui jouent un rôle central pour orienter la transition.

  • Maxime Gérardin

    Alors, en effet, c'est un peu un lieu commun de le dire, voire cela peut sembler naïf, mais... du point de vue des économistes, le plus efficace pour décarboner, c'est de faire payer les émissions et ensuite, puisque les émissions coûtent cher, les acteurs vont trouver les solutions les plus directes pour les réduire. Nous, nous sommes davantage ingénieurs, mais quand nous nous plongeons dans le détail des leviers possibles pour décarboner, nous tendons plutôt à confirmer cette vision. Il y a une grande complexité, une multiplicité de leviers, une multiplicité d'actions à articuler ensemble et puis on voit aussi que Contrairement peut-être à certains préjugés, une décarbonation profonde de la production d'acier n'est pas forcément incroyablement coûteuse. En revanche, bien sûr, si on essaie d'y aller avec une vision trop arrêtée ou trop restrictive des solutions, les coûts pourraient devenir insupportables. D'où, à notre avis, l'importance de s'appuyer sur des politiques comme la tarification des émissions. Et puis surtout, cette tarification des émissions industrielles en Europe, elle existe déjà. C'est le système européen de quotas d'émission. Ce système, il a parfois une mauvaise réputation, sûrement du fait de son histoire ou du fait des quotas gratuits. Mais ce qu'il faut bien voir, c'est que ce système, il a déjà un rôle structurant. Par exemple, pour la production électrique européenne, qui aujourd'hui est déjà en train de se décarboner rapidement. Et ce n'est pas sans rapport avec ce système de quotas d'émission. Et donc, une question centrale de notre point de vue, c'est déjà de s'assurer... en détail que le système de quota européen est bien conçu comme il faut pour entraîner effectivement la décarbonation de la sidérurgie européenne et tout cela sans la fragiliser au passage.

  • Jean-Patrick

    Sans la fragiliser, c'est-à-dire Concrètement, comment on s'y prend Concrètement,

  • Maxime Gérardin

    aujourd'hui, cela signifie de s'intéresser à l'ajustement carbone aux frontières qui vient compléter aux frontières le prix du carbone industriel européen. Et donc cet ajustement carbone aux frontières... qui est absolument centrale, mais qui pose des questions quant à sa conception, quant à son niveau d'ambition. On prend donc le temps, dans notre note, de s'y pencher. C'est absolument crucial et sur ce sujet, tout n'est pas gagné d'avance. Après, il ne faut pas dire non plus que la tarification des émissions serait l'unique outil de politique publique, notamment parce qu'il y a aussi des questions d'innovation technologique. Et donc, on a impérativement besoin aussi du travail technique pour identifier là où il peut être le plus judicieux de se lancer dans des paris technologiques.

  • Jean-Patrick

    Alors justement, on y vient. Merci Maxime. Je me tourne maintenant vers Simon. Simon, quelles sont les nouvelles technologies les plus prometteuses pour produire de l'acier primaire bas carbone Acier primaire, je le rappelle, c'est l'acier issu de minerais par opposition à l'acier issu du recyclage.

  • Simon Ferrière

    Alors effectivement, la décarbonation technologique de la production d'acier primaire, elle est absolument incontournable. Et pour produire de l'acier primaire en émettant moins que le... procédé le plus répandu actuellement, les fameux fourneaux, il faut arriver à se passer du charbon qui est en fait à l'origine de la majorité des émissions. L'utilisation du gaz fossile permet de réduire les émissions d'environ 40%. Le procédé existe déjà aujourd'hui. À terme, on peut même lui ajouter la technologie de capture et de stockage géologique du carbone. C'est aussi une piste sérieuse de décarbonation profonde.

  • Jean-Patrick

    Donc, gaz plutôt que charbon... stockage du CO2.

  • Simon Ferrière

    Il y a aussi l'hydrogène, qui serait un candidat pour remplacer le charbon et réduire significativement les émissions. Mais cet hydrogène, encore faut-il qu'il soit produit à partir d'une source bas carbone et surtout à un coût raisonnable.

  • Jean-Patrick

    Oui, c'est coûteux l'hydrogène.

  • Simon Ferrière

    Tout à fait. Et il existe également des innovations de rupture comme l'électrodéposition, dont on parle dans notre note et qui repose sur le principe de l'électrolyse du minerai de fer et dont il serait grandement souhaitable qu'elle voie le jour.

  • Jean-Patrick

    L'électrodéposition, ça sonne vraiment comme quelque chose de technique. C'est explicable en 30 secondes, ça

  • Simon Ferrière

    L'électrodéposition, en fait, on va mettre du minerai de fer en poudre dans un bain électrolytique et puis on va faire passer du courant entre deux électrodes. Et sur une des deux électrodes, il va y avoir du fer réduit qui va se former et dont on va pouvoir ensuite mettre dans un four électrique pour produire de l'acier.

  • Jean-Patrick

    Ok, super intéressant toutes ces innovations technologiques pour réduire les émissions de la production primaire. Mais j'ai quand même l'impression qu'il y a un enjeu sur la consommation, notamment dans des secteurs comme la construction. Si on réduisait la consommation d'acier, alors on réduirait la pression sur la demande de production primaire.

  • Simon Ferrière

    Vous avez raison, limiter la consommation d'acier, ça permet de réduire la demande en acier primaire et donc les émissions de gaz à effet de serre associées à sa production. Bien sûr, la sobriété ou l'efficacité matière. Donc, quand je dis efficacité matière, c'est par exemple l'optimisation de la conception des produits ou la mise en avant de modes de construction économes, par exemple. Ces deux leviers, c'est des leviers qui sont efficaces pour réduire la demande et donc, c'est des leviers efficaces de décarbonation. Mais il est vrai que leur potentiel et leur coût, ils restent quand même difficiles à estimer. La maîtrise de la consommation, elle peut aussi passer par l'innovation. Par exemple, les fers à béton qu'on utilise dans la construction, on pourrait les remplacer par des armatures en matériaux composites. Et pour une tonne d'acier remplacé par ces armatures, ces armatures émettent 0,7 tonnes de CO2, donc environ trois fois moins que l'acier primaire tel qu'on le produit actuellement.

  • Jean-Patrick

    Tout en étant aussi solide.

  • Simon Ferrière

    Avant de pouvoir y répondre, il reste quand même de nombreuses étapes de normalisation avant de pouvoir recourir complètement à ce type d'armature. Et en plus, l'acier utilisé dans la construction n'est libéré qu'après plusieurs décennies, voire plus, ce qui empêche de pouvoir l'utiliser comme ferraille pour d'autres produits.

  • Jean-Patrick

    Ok, très clair. Les solutions technologiques et la réduction de la demande offrent des voies complémentaires pour décarboner le secteur. Mais il y a un autre aspect qui reste central, c'est la manière dont nous comptabilisons et valorisons le carbone dans les analyses. Vous l'indiquez dans la note, les méthodes actuelles de comptabilisation semblent parfois détourner l'attention des actions réellement efficaces. Expliquez-nous pourquoi

  • Simon Ferrière

    Pour reprendre votre exemple de tout à l'heure de la construction, imaginez que vous soyez en train de concevoir un bâtiment. Celui qui vous fournit l'acier vous indique que son acier est bas carbone parce qu'il est produit. par recyclage des ferrailles. Mais cette vision, elle reste trop cantonnée à une échelle microscopique. Elle échoue en fait à donner une vision plus globale, plus macroscopique, qui est celle de la réduction globale ou mondiale des émissions de gaz à effet de serre. Pourquoi Parce que, comme on l'a précisé tout à l'heure, les ferrailles, elles sont en quantité limitée. Les méthodes actuelles, elles n'incitent pas à réfléchir sur votre consommation d'acier quand vous êtes, par exemple, comme je l'ai dit, un concepteur de bâtiment. Si vous arrivez à réduire votre utilisation d'acier, vous libérez de la ferraille pour un autre usage. Et libérer de la ferraille pour un autre usage, ça évite une production d'acier primaire plus émettrice. Absolument. Et surtout, ces méthodologies, elles restent à nos yeux des outils de second rang par rapport à la tarification du carbone dont Maxime a parlé plus tôt.

  • Jean-Patrick

    Et en plus, on reboucle avec le début de l'épisode. C'est parfait. Merci beaucoup, Simon Ferrière et Maxime Gérardin, d'avoir pris le temps de présenter la note d'analyse dont on rappelle le titre Décarbonation de l'acier et des métaux de base, envoyons les bons signaux Vous l'aurez compris, c'est un sujet technique. On retrouve évidemment la note en intégralité. sur le site de France Stratégie avec les schémas détaillés, les chiffres complets et donc les pistes pour assurer une transition durable. Merci auditeurs et auditrices d'avoir suivi cet épisode. N'hésitez pas à le partager à vos contacts, à le commenter, à le faire circuler. Le podcast Perspective est disponible sur toutes les plateformes. Alors si ce n'est pas encore fait, je rappelle que vous pouvez vous y abonner pour retrouver tous les épisodes passés et à venir. C'est tout pour aujourd'hui. A bientôt

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Bienvenue dans cette nouvelle saison de Perspectives, le podcast de France Stratégie qui apporte un éclairage d’experts sur les enjeux qui nous concernent tous, qu’il s’agisse d’économie, de social, ou encore d’environnement et d’industrie comme aujourd’hui avec le sujet de l’acier.


L’acier est un matériau omniprésent dans notre quotidien : des infrastructures aux véhicules, en passant par l’industrie manufacturière. C’est un matériau recyclable mais c’est aussi l’un des plus grands contributeurs aux émissions mondiales de CO₂, représentant environ 10 % des émissions fossiles. La transition vers une production plus propre est donc un enjeu clé concernant la lutte contre le changement climatique.

et justement : dans la note d’analyse intitulée “Décarbonation de l’acier et des métaux de base : envoyons les bons signaux”, France Stratégie s’attaque à cette question essentielle en mettant en lumière les limites du recyclage, l’importance d’une transformation des procédés de production et les impacts des politiques publiques, notamment la tarification du carbone.


Alors c’est parti pour découvrir et parcourir cette note d’analyse de France Stratégie avec ses auteurs : Maxime Gérardin et Simon Ferrière, du département Développement Durable et Numérique.


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  • Jean-Patrick

    Bienvenue dans cette nouvelle saison de Perspective. Perspective, vous le savez, c'est le podcast de France Stratégie qui apporte un éclairage d'experts sur les enjeux qui nous concernent tous, qu'il s'agisse d'économie, de social ou encore d'environnement et d'industrie comme aujourd'hui avec le sujet de l'acier. L'acier, c'est un matériau omniprésent dans notre quotidien, des infrastructures aux véhicules en passant par l'industrie manufacturière. C'est un matériau recyclable, mais c'est aussi l'un des plus grands contributeurs aux émissions mondiales de CO2. représentant environ 10% des émissions fossiles. La transition vers une production plus propre est donc un enjeu clé concernant la lutte contre le changement climatique. Et justement, dans la note d'analyses intitulée Décarbonation de l'acier et des métaux de base, envoyons les bons signaux En Stratégie s'attaque à cette question essentielle en mettant en lumière les limites du recyclage, l'importance d'une transformation des procédés de production et les impacts des politiques publiques, notamment la tarification du carbone. Alors c'est parti pour découvrir et parcourir cette note d'analyse de France Stratégie avec ses auteurs, Maxime Gérardin et Simon Ferrière du département Développement Durable et Numérique. Bonjour.

  • Simon Ferrière

    Bonjour.

  • Jean-Patrick

    Pour commencer, la note d'analyse insiste sur le fait que le recyclage, bien qu'efficace, ne pourra pas répondre... à la totalité des besoins mondiaux en acier, ni permettre d'atteindre la neutralité carbone. Alors pouvez-vous nous expliquer pourquoi et quelles implications cela a pour l'industrie

  • Maxime Gérardin

    Alors effectivement, dans le domaine des métaux, quand on vise la décarbonation, c'est-à-dire la réduction tout à la fois de nos émissions de gaz à effet de serre et de nos dépendances énergétiques, le recyclage est le tout premier levier qu'on a envie d'explorer. Pourquoi Parce que quand on produit par recyclage, on s'évite d'abord de devoir aller chercher du minerai, qui le plus souvent en Europe est importé, et on s'évite ensuite de devoir transformer ce minerai en métal, ce qui est une transformation chimique intrinsèquement pré-consommatrice d'énergie. En fait, avec le recyclage, il suffit, en simplifiant à peine, de refondre le métal. Et dans le cas de l'acier, qui comme vous l'avez dit, est le métal majeur, c'est environ cinq fois moins émetteur que de passer par la voie dite primaire, c'est-à-dire la voie du minerai. Une fois qu'on a fait ce constat, La question est de savoir quelle part de notre production on peut couvrir par le recyclage. C'est un point qu'on examine longuement dans la note, parce qu'étonnamment, il y a des questions de comptabilité des ferrailles, c'est-à-dire des métaux recyclés, qui ne sont pas évidentes et qui doivent être bien clarifiées. Au final, on constate que le recyclage a bien réussi à couvrir une part croissante de notre consommation. Pour l'acier, les objets et machines usagés fournissent aujourd'hui la matière pour couvrir environ un tiers de la production mondiale d'acier neuf. Et cette proportion monte même à la moitié, voire un peu plus, en Europe. Et ce n'est pas mal du tout. En revanche, quand on regarde vers l'avenir, on s'aperçoit que ces chiffres ne tendront pas du tout vers 100%. Il y a deux raisons à cela. La première, c'est qu'on recycle déjà la grande majorité de l'acier usagé, tout simplement parce que pour ces matières, la supériorité du recyclage est aussi une supériorité économique. Il est déjà économique de recycler, c'est bien pour ça qu'on la fait historiquement. Et on est donc dans un cas qui n'a rien à voir avec le recyclage des plastiques, par exemple. Ici, les marges de manœuvre pour trouver davantage de métal à recycler sont faibles.

  • Jean-Patrick

    OK.

  • Maxime Gérardin

    La deuxième raison, c'est qu'une grande part de notre production d'acier, la moitié à l'échelle mondiale et à peine moins en Europe, va dans des infrastructures qui, par nature, vont durer extrêmement longtemps. Quand on met de l'acier dans un bâtiment ou dans un ouvrage d'art, ou même parfois dans certaines machines, on n'est pas prêt de voir cet acier devenir une ferraille recyclée. Ce sont en quelque sorte des aciers perdus pour la circularité. En fait, pour vivre sur un système tout circulaire, il faudrait réussir à arrêter d'ajouter du métal dans nos infrastructures, et ça c'est quelque chose dont on est très loin aujourd'hui.

  • Jean-Patrick

    Donc, on en est très loin aujourd'hui, ça veut dire que la production primaire restera indispensable pendant encore quelques temps. Or, celle-ci est fortement émettrice de CO2, on l'a dit. Et dans ce contexte, la note d'analyse est claire sur ce point. Ce sont les outils réglementaires, notamment la tarification du carbone et le mécanisme d'ajustement aux frontières, qui jouent un rôle central pour orienter la transition.

  • Maxime Gérardin

    Alors, en effet, c'est un peu un lieu commun de le dire, voire cela peut sembler naïf, mais... du point de vue des économistes, le plus efficace pour décarboner, c'est de faire payer les émissions et ensuite, puisque les émissions coûtent cher, les acteurs vont trouver les solutions les plus directes pour les réduire. Nous, nous sommes davantage ingénieurs, mais quand nous nous plongeons dans le détail des leviers possibles pour décarboner, nous tendons plutôt à confirmer cette vision. Il y a une grande complexité, une multiplicité de leviers, une multiplicité d'actions à articuler ensemble et puis on voit aussi que Contrairement peut-être à certains préjugés, une décarbonation profonde de la production d'acier n'est pas forcément incroyablement coûteuse. En revanche, bien sûr, si on essaie d'y aller avec une vision trop arrêtée ou trop restrictive des solutions, les coûts pourraient devenir insupportables. D'où, à notre avis, l'importance de s'appuyer sur des politiques comme la tarification des émissions. Et puis surtout, cette tarification des émissions industrielles en Europe, elle existe déjà. C'est le système européen de quotas d'émission. Ce système, il a parfois une mauvaise réputation, sûrement du fait de son histoire ou du fait des quotas gratuits. Mais ce qu'il faut bien voir, c'est que ce système, il a déjà un rôle structurant. Par exemple, pour la production électrique européenne, qui aujourd'hui est déjà en train de se décarboner rapidement. Et ce n'est pas sans rapport avec ce système de quotas d'émission. Et donc, une question centrale de notre point de vue, c'est déjà de s'assurer... en détail que le système de quota européen est bien conçu comme il faut pour entraîner effectivement la décarbonation de la sidérurgie européenne et tout cela sans la fragiliser au passage.

  • Jean-Patrick

    Sans la fragiliser, c'est-à-dire Concrètement, comment on s'y prend Concrètement,

  • Maxime Gérardin

    aujourd'hui, cela signifie de s'intéresser à l'ajustement carbone aux frontières qui vient compléter aux frontières le prix du carbone industriel européen. Et donc cet ajustement carbone aux frontières... qui est absolument centrale, mais qui pose des questions quant à sa conception, quant à son niveau d'ambition. On prend donc le temps, dans notre note, de s'y pencher. C'est absolument crucial et sur ce sujet, tout n'est pas gagné d'avance. Après, il ne faut pas dire non plus que la tarification des émissions serait l'unique outil de politique publique, notamment parce qu'il y a aussi des questions d'innovation technologique. Et donc, on a impérativement besoin aussi du travail technique pour identifier là où il peut être le plus judicieux de se lancer dans des paris technologiques.

  • Jean-Patrick

    Alors justement, on y vient. Merci Maxime. Je me tourne maintenant vers Simon. Simon, quelles sont les nouvelles technologies les plus prometteuses pour produire de l'acier primaire bas carbone Acier primaire, je le rappelle, c'est l'acier issu de minerais par opposition à l'acier issu du recyclage.

  • Simon Ferrière

    Alors effectivement, la décarbonation technologique de la production d'acier primaire, elle est absolument incontournable. Et pour produire de l'acier primaire en émettant moins que le... procédé le plus répandu actuellement, les fameux fourneaux, il faut arriver à se passer du charbon qui est en fait à l'origine de la majorité des émissions. L'utilisation du gaz fossile permet de réduire les émissions d'environ 40%. Le procédé existe déjà aujourd'hui. À terme, on peut même lui ajouter la technologie de capture et de stockage géologique du carbone. C'est aussi une piste sérieuse de décarbonation profonde.

  • Jean-Patrick

    Donc, gaz plutôt que charbon... stockage du CO2.

  • Simon Ferrière

    Il y a aussi l'hydrogène, qui serait un candidat pour remplacer le charbon et réduire significativement les émissions. Mais cet hydrogène, encore faut-il qu'il soit produit à partir d'une source bas carbone et surtout à un coût raisonnable.

  • Jean-Patrick

    Oui, c'est coûteux l'hydrogène.

  • Simon Ferrière

    Tout à fait. Et il existe également des innovations de rupture comme l'électrodéposition, dont on parle dans notre note et qui repose sur le principe de l'électrolyse du minerai de fer et dont il serait grandement souhaitable qu'elle voie le jour.

  • Jean-Patrick

    L'électrodéposition, ça sonne vraiment comme quelque chose de technique. C'est explicable en 30 secondes, ça

  • Simon Ferrière

    L'électrodéposition, en fait, on va mettre du minerai de fer en poudre dans un bain électrolytique et puis on va faire passer du courant entre deux électrodes. Et sur une des deux électrodes, il va y avoir du fer réduit qui va se former et dont on va pouvoir ensuite mettre dans un four électrique pour produire de l'acier.

  • Jean-Patrick

    Ok, super intéressant toutes ces innovations technologiques pour réduire les émissions de la production primaire. Mais j'ai quand même l'impression qu'il y a un enjeu sur la consommation, notamment dans des secteurs comme la construction. Si on réduisait la consommation d'acier, alors on réduirait la pression sur la demande de production primaire.

  • Simon Ferrière

    Vous avez raison, limiter la consommation d'acier, ça permet de réduire la demande en acier primaire et donc les émissions de gaz à effet de serre associées à sa production. Bien sûr, la sobriété ou l'efficacité matière. Donc, quand je dis efficacité matière, c'est par exemple l'optimisation de la conception des produits ou la mise en avant de modes de construction économes, par exemple. Ces deux leviers, c'est des leviers qui sont efficaces pour réduire la demande et donc, c'est des leviers efficaces de décarbonation. Mais il est vrai que leur potentiel et leur coût, ils restent quand même difficiles à estimer. La maîtrise de la consommation, elle peut aussi passer par l'innovation. Par exemple, les fers à béton qu'on utilise dans la construction, on pourrait les remplacer par des armatures en matériaux composites. Et pour une tonne d'acier remplacé par ces armatures, ces armatures émettent 0,7 tonnes de CO2, donc environ trois fois moins que l'acier primaire tel qu'on le produit actuellement.

  • Jean-Patrick

    Tout en étant aussi solide.

  • Simon Ferrière

    Avant de pouvoir y répondre, il reste quand même de nombreuses étapes de normalisation avant de pouvoir recourir complètement à ce type d'armature. Et en plus, l'acier utilisé dans la construction n'est libéré qu'après plusieurs décennies, voire plus, ce qui empêche de pouvoir l'utiliser comme ferraille pour d'autres produits.

  • Jean-Patrick

    Ok, très clair. Les solutions technologiques et la réduction de la demande offrent des voies complémentaires pour décarboner le secteur. Mais il y a un autre aspect qui reste central, c'est la manière dont nous comptabilisons et valorisons le carbone dans les analyses. Vous l'indiquez dans la note, les méthodes actuelles de comptabilisation semblent parfois détourner l'attention des actions réellement efficaces. Expliquez-nous pourquoi

  • Simon Ferrière

    Pour reprendre votre exemple de tout à l'heure de la construction, imaginez que vous soyez en train de concevoir un bâtiment. Celui qui vous fournit l'acier vous indique que son acier est bas carbone parce qu'il est produit. par recyclage des ferrailles. Mais cette vision, elle reste trop cantonnée à une échelle microscopique. Elle échoue en fait à donner une vision plus globale, plus macroscopique, qui est celle de la réduction globale ou mondiale des émissions de gaz à effet de serre. Pourquoi Parce que, comme on l'a précisé tout à l'heure, les ferrailles, elles sont en quantité limitée. Les méthodes actuelles, elles n'incitent pas à réfléchir sur votre consommation d'acier quand vous êtes, par exemple, comme je l'ai dit, un concepteur de bâtiment. Si vous arrivez à réduire votre utilisation d'acier, vous libérez de la ferraille pour un autre usage. Et libérer de la ferraille pour un autre usage, ça évite une production d'acier primaire plus émettrice. Absolument. Et surtout, ces méthodologies, elles restent à nos yeux des outils de second rang par rapport à la tarification du carbone dont Maxime a parlé plus tôt.

  • Jean-Patrick

    Et en plus, on reboucle avec le début de l'épisode. C'est parfait. Merci beaucoup, Simon Ferrière et Maxime Gérardin, d'avoir pris le temps de présenter la note d'analyse dont on rappelle le titre Décarbonation de l'acier et des métaux de base, envoyons les bons signaux Vous l'aurez compris, c'est un sujet technique. On retrouve évidemment la note en intégralité. sur le site de France Stratégie avec les schémas détaillés, les chiffres complets et donc les pistes pour assurer une transition durable. Merci auditeurs et auditrices d'avoir suivi cet épisode. N'hésitez pas à le partager à vos contacts, à le commenter, à le faire circuler. Le podcast Perspective est disponible sur toutes les plateformes. Alors si ce n'est pas encore fait, je rappelle que vous pouvez vous y abonner pour retrouver tous les épisodes passés et à venir. C'est tout pour aujourd'hui. A bientôt

Description

Bienvenue dans cette nouvelle saison de Perspectives, le podcast de France Stratégie qui apporte un éclairage d’experts sur les enjeux qui nous concernent tous, qu’il s’agisse d’économie, de social, ou encore d’environnement et d’industrie comme aujourd’hui avec le sujet de l’acier.


L’acier est un matériau omniprésent dans notre quotidien : des infrastructures aux véhicules, en passant par l’industrie manufacturière. C’est un matériau recyclable mais c’est aussi l’un des plus grands contributeurs aux émissions mondiales de CO₂, représentant environ 10 % des émissions fossiles. La transition vers une production plus propre est donc un enjeu clé concernant la lutte contre le changement climatique.

et justement : dans la note d’analyse intitulée “Décarbonation de l’acier et des métaux de base : envoyons les bons signaux”, France Stratégie s’attaque à cette question essentielle en mettant en lumière les limites du recyclage, l’importance d’une transformation des procédés de production et les impacts des politiques publiques, notamment la tarification du carbone.


Alors c’est parti pour découvrir et parcourir cette note d’analyse de France Stratégie avec ses auteurs : Maxime Gérardin et Simon Ferrière, du département Développement Durable et Numérique.


N'hésitez pas à vous abonner au podcast Perspectives sur votre plateforme préférée pour retrouver tous les épisodes, passés et à venir.


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  • Jean-Patrick

    Bienvenue dans cette nouvelle saison de Perspective. Perspective, vous le savez, c'est le podcast de France Stratégie qui apporte un éclairage d'experts sur les enjeux qui nous concernent tous, qu'il s'agisse d'économie, de social ou encore d'environnement et d'industrie comme aujourd'hui avec le sujet de l'acier. L'acier, c'est un matériau omniprésent dans notre quotidien, des infrastructures aux véhicules en passant par l'industrie manufacturière. C'est un matériau recyclable, mais c'est aussi l'un des plus grands contributeurs aux émissions mondiales de CO2. représentant environ 10% des émissions fossiles. La transition vers une production plus propre est donc un enjeu clé concernant la lutte contre le changement climatique. Et justement, dans la note d'analyses intitulée Décarbonation de l'acier et des métaux de base, envoyons les bons signaux En Stratégie s'attaque à cette question essentielle en mettant en lumière les limites du recyclage, l'importance d'une transformation des procédés de production et les impacts des politiques publiques, notamment la tarification du carbone. Alors c'est parti pour découvrir et parcourir cette note d'analyse de France Stratégie avec ses auteurs, Maxime Gérardin et Simon Ferrière du département Développement Durable et Numérique. Bonjour.

  • Simon Ferrière

    Bonjour.

  • Jean-Patrick

    Pour commencer, la note d'analyse insiste sur le fait que le recyclage, bien qu'efficace, ne pourra pas répondre... à la totalité des besoins mondiaux en acier, ni permettre d'atteindre la neutralité carbone. Alors pouvez-vous nous expliquer pourquoi et quelles implications cela a pour l'industrie

  • Maxime Gérardin

    Alors effectivement, dans le domaine des métaux, quand on vise la décarbonation, c'est-à-dire la réduction tout à la fois de nos émissions de gaz à effet de serre et de nos dépendances énergétiques, le recyclage est le tout premier levier qu'on a envie d'explorer. Pourquoi Parce que quand on produit par recyclage, on s'évite d'abord de devoir aller chercher du minerai, qui le plus souvent en Europe est importé, et on s'évite ensuite de devoir transformer ce minerai en métal, ce qui est une transformation chimique intrinsèquement pré-consommatrice d'énergie. En fait, avec le recyclage, il suffit, en simplifiant à peine, de refondre le métal. Et dans le cas de l'acier, qui comme vous l'avez dit, est le métal majeur, c'est environ cinq fois moins émetteur que de passer par la voie dite primaire, c'est-à-dire la voie du minerai. Une fois qu'on a fait ce constat, La question est de savoir quelle part de notre production on peut couvrir par le recyclage. C'est un point qu'on examine longuement dans la note, parce qu'étonnamment, il y a des questions de comptabilité des ferrailles, c'est-à-dire des métaux recyclés, qui ne sont pas évidentes et qui doivent être bien clarifiées. Au final, on constate que le recyclage a bien réussi à couvrir une part croissante de notre consommation. Pour l'acier, les objets et machines usagés fournissent aujourd'hui la matière pour couvrir environ un tiers de la production mondiale d'acier neuf. Et cette proportion monte même à la moitié, voire un peu plus, en Europe. Et ce n'est pas mal du tout. En revanche, quand on regarde vers l'avenir, on s'aperçoit que ces chiffres ne tendront pas du tout vers 100%. Il y a deux raisons à cela. La première, c'est qu'on recycle déjà la grande majorité de l'acier usagé, tout simplement parce que pour ces matières, la supériorité du recyclage est aussi une supériorité économique. Il est déjà économique de recycler, c'est bien pour ça qu'on la fait historiquement. Et on est donc dans un cas qui n'a rien à voir avec le recyclage des plastiques, par exemple. Ici, les marges de manœuvre pour trouver davantage de métal à recycler sont faibles.

  • Jean-Patrick

    OK.

  • Maxime Gérardin

    La deuxième raison, c'est qu'une grande part de notre production d'acier, la moitié à l'échelle mondiale et à peine moins en Europe, va dans des infrastructures qui, par nature, vont durer extrêmement longtemps. Quand on met de l'acier dans un bâtiment ou dans un ouvrage d'art, ou même parfois dans certaines machines, on n'est pas prêt de voir cet acier devenir une ferraille recyclée. Ce sont en quelque sorte des aciers perdus pour la circularité. En fait, pour vivre sur un système tout circulaire, il faudrait réussir à arrêter d'ajouter du métal dans nos infrastructures, et ça c'est quelque chose dont on est très loin aujourd'hui.

  • Jean-Patrick

    Donc, on en est très loin aujourd'hui, ça veut dire que la production primaire restera indispensable pendant encore quelques temps. Or, celle-ci est fortement émettrice de CO2, on l'a dit. Et dans ce contexte, la note d'analyse est claire sur ce point. Ce sont les outils réglementaires, notamment la tarification du carbone et le mécanisme d'ajustement aux frontières, qui jouent un rôle central pour orienter la transition.

  • Maxime Gérardin

    Alors, en effet, c'est un peu un lieu commun de le dire, voire cela peut sembler naïf, mais... du point de vue des économistes, le plus efficace pour décarboner, c'est de faire payer les émissions et ensuite, puisque les émissions coûtent cher, les acteurs vont trouver les solutions les plus directes pour les réduire. Nous, nous sommes davantage ingénieurs, mais quand nous nous plongeons dans le détail des leviers possibles pour décarboner, nous tendons plutôt à confirmer cette vision. Il y a une grande complexité, une multiplicité de leviers, une multiplicité d'actions à articuler ensemble et puis on voit aussi que Contrairement peut-être à certains préjugés, une décarbonation profonde de la production d'acier n'est pas forcément incroyablement coûteuse. En revanche, bien sûr, si on essaie d'y aller avec une vision trop arrêtée ou trop restrictive des solutions, les coûts pourraient devenir insupportables. D'où, à notre avis, l'importance de s'appuyer sur des politiques comme la tarification des émissions. Et puis surtout, cette tarification des émissions industrielles en Europe, elle existe déjà. C'est le système européen de quotas d'émission. Ce système, il a parfois une mauvaise réputation, sûrement du fait de son histoire ou du fait des quotas gratuits. Mais ce qu'il faut bien voir, c'est que ce système, il a déjà un rôle structurant. Par exemple, pour la production électrique européenne, qui aujourd'hui est déjà en train de se décarboner rapidement. Et ce n'est pas sans rapport avec ce système de quotas d'émission. Et donc, une question centrale de notre point de vue, c'est déjà de s'assurer... en détail que le système de quota européen est bien conçu comme il faut pour entraîner effectivement la décarbonation de la sidérurgie européenne et tout cela sans la fragiliser au passage.

  • Jean-Patrick

    Sans la fragiliser, c'est-à-dire Concrètement, comment on s'y prend Concrètement,

  • Maxime Gérardin

    aujourd'hui, cela signifie de s'intéresser à l'ajustement carbone aux frontières qui vient compléter aux frontières le prix du carbone industriel européen. Et donc cet ajustement carbone aux frontières... qui est absolument centrale, mais qui pose des questions quant à sa conception, quant à son niveau d'ambition. On prend donc le temps, dans notre note, de s'y pencher. C'est absolument crucial et sur ce sujet, tout n'est pas gagné d'avance. Après, il ne faut pas dire non plus que la tarification des émissions serait l'unique outil de politique publique, notamment parce qu'il y a aussi des questions d'innovation technologique. Et donc, on a impérativement besoin aussi du travail technique pour identifier là où il peut être le plus judicieux de se lancer dans des paris technologiques.

  • Jean-Patrick

    Alors justement, on y vient. Merci Maxime. Je me tourne maintenant vers Simon. Simon, quelles sont les nouvelles technologies les plus prometteuses pour produire de l'acier primaire bas carbone Acier primaire, je le rappelle, c'est l'acier issu de minerais par opposition à l'acier issu du recyclage.

  • Simon Ferrière

    Alors effectivement, la décarbonation technologique de la production d'acier primaire, elle est absolument incontournable. Et pour produire de l'acier primaire en émettant moins que le... procédé le plus répandu actuellement, les fameux fourneaux, il faut arriver à se passer du charbon qui est en fait à l'origine de la majorité des émissions. L'utilisation du gaz fossile permet de réduire les émissions d'environ 40%. Le procédé existe déjà aujourd'hui. À terme, on peut même lui ajouter la technologie de capture et de stockage géologique du carbone. C'est aussi une piste sérieuse de décarbonation profonde.

  • Jean-Patrick

    Donc, gaz plutôt que charbon... stockage du CO2.

  • Simon Ferrière

    Il y a aussi l'hydrogène, qui serait un candidat pour remplacer le charbon et réduire significativement les émissions. Mais cet hydrogène, encore faut-il qu'il soit produit à partir d'une source bas carbone et surtout à un coût raisonnable.

  • Jean-Patrick

    Oui, c'est coûteux l'hydrogène.

  • Simon Ferrière

    Tout à fait. Et il existe également des innovations de rupture comme l'électrodéposition, dont on parle dans notre note et qui repose sur le principe de l'électrolyse du minerai de fer et dont il serait grandement souhaitable qu'elle voie le jour.

  • Jean-Patrick

    L'électrodéposition, ça sonne vraiment comme quelque chose de technique. C'est explicable en 30 secondes, ça

  • Simon Ferrière

    L'électrodéposition, en fait, on va mettre du minerai de fer en poudre dans un bain électrolytique et puis on va faire passer du courant entre deux électrodes. Et sur une des deux électrodes, il va y avoir du fer réduit qui va se former et dont on va pouvoir ensuite mettre dans un four électrique pour produire de l'acier.

  • Jean-Patrick

    Ok, super intéressant toutes ces innovations technologiques pour réduire les émissions de la production primaire. Mais j'ai quand même l'impression qu'il y a un enjeu sur la consommation, notamment dans des secteurs comme la construction. Si on réduisait la consommation d'acier, alors on réduirait la pression sur la demande de production primaire.

  • Simon Ferrière

    Vous avez raison, limiter la consommation d'acier, ça permet de réduire la demande en acier primaire et donc les émissions de gaz à effet de serre associées à sa production. Bien sûr, la sobriété ou l'efficacité matière. Donc, quand je dis efficacité matière, c'est par exemple l'optimisation de la conception des produits ou la mise en avant de modes de construction économes, par exemple. Ces deux leviers, c'est des leviers qui sont efficaces pour réduire la demande et donc, c'est des leviers efficaces de décarbonation. Mais il est vrai que leur potentiel et leur coût, ils restent quand même difficiles à estimer. La maîtrise de la consommation, elle peut aussi passer par l'innovation. Par exemple, les fers à béton qu'on utilise dans la construction, on pourrait les remplacer par des armatures en matériaux composites. Et pour une tonne d'acier remplacé par ces armatures, ces armatures émettent 0,7 tonnes de CO2, donc environ trois fois moins que l'acier primaire tel qu'on le produit actuellement.

  • Jean-Patrick

    Tout en étant aussi solide.

  • Simon Ferrière

    Avant de pouvoir y répondre, il reste quand même de nombreuses étapes de normalisation avant de pouvoir recourir complètement à ce type d'armature. Et en plus, l'acier utilisé dans la construction n'est libéré qu'après plusieurs décennies, voire plus, ce qui empêche de pouvoir l'utiliser comme ferraille pour d'autres produits.

  • Jean-Patrick

    Ok, très clair. Les solutions technologiques et la réduction de la demande offrent des voies complémentaires pour décarboner le secteur. Mais il y a un autre aspect qui reste central, c'est la manière dont nous comptabilisons et valorisons le carbone dans les analyses. Vous l'indiquez dans la note, les méthodes actuelles de comptabilisation semblent parfois détourner l'attention des actions réellement efficaces. Expliquez-nous pourquoi

  • Simon Ferrière

    Pour reprendre votre exemple de tout à l'heure de la construction, imaginez que vous soyez en train de concevoir un bâtiment. Celui qui vous fournit l'acier vous indique que son acier est bas carbone parce qu'il est produit. par recyclage des ferrailles. Mais cette vision, elle reste trop cantonnée à une échelle microscopique. Elle échoue en fait à donner une vision plus globale, plus macroscopique, qui est celle de la réduction globale ou mondiale des émissions de gaz à effet de serre. Pourquoi Parce que, comme on l'a précisé tout à l'heure, les ferrailles, elles sont en quantité limitée. Les méthodes actuelles, elles n'incitent pas à réfléchir sur votre consommation d'acier quand vous êtes, par exemple, comme je l'ai dit, un concepteur de bâtiment. Si vous arrivez à réduire votre utilisation d'acier, vous libérez de la ferraille pour un autre usage. Et libérer de la ferraille pour un autre usage, ça évite une production d'acier primaire plus émettrice. Absolument. Et surtout, ces méthodologies, elles restent à nos yeux des outils de second rang par rapport à la tarification du carbone dont Maxime a parlé plus tôt.

  • Jean-Patrick

    Et en plus, on reboucle avec le début de l'épisode. C'est parfait. Merci beaucoup, Simon Ferrière et Maxime Gérardin, d'avoir pris le temps de présenter la note d'analyse dont on rappelle le titre Décarbonation de l'acier et des métaux de base, envoyons les bons signaux Vous l'aurez compris, c'est un sujet technique. On retrouve évidemment la note en intégralité. sur le site de France Stratégie avec les schémas détaillés, les chiffres complets et donc les pistes pour assurer une transition durable. Merci auditeurs et auditrices d'avoir suivi cet épisode. N'hésitez pas à le partager à vos contacts, à le commenter, à le faire circuler. Le podcast Perspective est disponible sur toutes les plateformes. Alors si ce n'est pas encore fait, je rappelle que vous pouvez vous y abonner pour retrouver tous les épisodes passés et à venir. C'est tout pour aujourd'hui. A bientôt

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