Prélèvements et consommations d’eau : quels enjeux et usages ? cover
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Les podcasts de France Stratégie

Prélèvements et consommations d’eau : quels enjeux et usages ?

Prélèvements et consommations d’eau : quels enjeux et usages ?

12min |23/05/2024
Play
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Prélèvements et consommations d’eau : quels enjeux et usages ?

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12min |23/05/2024
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Description

Bienvenue dans ce nouvel épisode de Perspectives, le podcast de France Stratégie, dans lequel nous allons nous attaquer à l’une des ressources essentielles de la planète et de la vie, rien que ça.

Des sécheresses de plus en plus fréquentes l’été, et inversement des inondations de plus en plus importantes et dévastatrices, nous sommes dans le concret du dérèglement climatique. Et notre gestion de l’eau est devenue cruciale au fil des années.

Alors d’où vient l’eau ? Qui en utilise le plus ? Comment est gérée la ressource en eau disponible ? Voici quelques-uns des points abordés par la note d’analyse intitulée “Prélèvements et consommations d’eau : quels enjeux et usages ?” publiée par France Stratégie, et dont nous recevons deux de ses auteurs : Hélène Arambourou et Simon Ferrière, du département Développement durable et Numérique.


N'hésitez pas à vous abonner au podcast Perspectives sur votre plateforme préférée pour retrouver tous les épisodes, passés et à venir.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    En fait, ce que ça veut dire, c'est que quand vous allumez la lumière chez vous, indirectement, vous allez prélever de l'eau.

  • Speaker #1

    Bienvenue dans ce nouvel épisode de Perspective, le podcast de France Stratégie, dans lequel nous allons nous attaquer à l'une des ressources essentielles de la planète et de la vie, rien que ça. On a des sécheresses de plus en plus fréquentes l'été, et inversement des inondations de plus en plus importantes et dévastatrices. Nous sommes dans le concret du dérèglement climatique, et notre gestion de l'eau est devenue cruciale au fil des années. Alors d'où vient l'eau ? Qui en utilise le plus ? Comment est gérée la ressource en eau ? Voici quelques-uns des points abordés par la note d'analyse intitulée Prélèvement et consommation d'eau, quels enjeux et usages ? publiée bien sûr par France Stratégie et dont nous recevons deux de ses auteurs, Hélène Arambourou et Simon Ferrière du département Développement durable et numérique. Bonjour.

  • Speaker #0

    Bonjour.

  • Speaker #1

    On commence par ce chiffre qui sert de constat de départ à la note. La ressource en eau renouvelable a diminué de 14% en France au cours de ces 15 dernières années. Ça fait donc un peu moins de 1% par an et ça amène déjà plusieurs questions. C'est quoi l'eau renouvelable ? D'où vient-elle ? Comment elle se renouvelle ? Et puis pourquoi diminue-t-elle bien sûr ? Est-ce que vous pouvez nous faire, Simon, un état des lieux du cycle de l'eau pour commencer ?

  • Speaker #0

    Alors, l'eau, effectivement, c'est une ressource renouvelable. En fait, l'eau qui est présente sur Terre, elle s'évapore dans l'atmosphère sous l'effet de la chaleur du soleil. Ensuite, elle forme des nuages et puis elle va retomber au sol, souvent à des milliers de kilomètres, sous forme de précipitation. Alors, elle est renouvelable, mais elle n'est pas illimitée, puisqu'elle est en volume constant à l'échelle de la planète, à travers ce cycle de l'eau. Mais le changement climatique, il tend à modifier la répartition spatiale et temporelle des précipitations. Pour prendre le cas de la France, sur l'ensemble des précipitations qui tombent sur le territoire national, c'est 500 milliards de mètres cubes par an, 60% sont évapotranspirés par les plantes et les sols et retournent donc directement à l'atmosphère, et les 40% restants s'écoulent dans les nappes et dans les rivières. En fait, ces 40% restants, c'est ce qui constitue l'eau qu'on appelle renouvelable et qui est donc disponible pour les milieux naturels et que l'homme peut également mobiliser pour ses usages. Du fait du changement climatique, elle diminue à l'échelle de la France hexagonale. Donc, c'est environ moins 14% sur les 15 dernières années, comme vous l'avez précisé, avec une situation qui est contrastée entre le nord de la France qui reçoit globalement plus d'eau et le sud de la France qui, lui, en reçoit moins.

  • Speaker #1

    Mais l'eau, à l'inverse de l'électricité, ça se stocke plutôt facilement, non ? Moi, si j'y arrive avec mon récupérateur, c'est que c'est possible, même si c'est vrai que quand vient l'été et les saisons chaudes, plus généralement, j'ai plus rien. Comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    Bien sûr, donc en fait l'eau ça se stocke bien plus facilement que l'électricité. D'ailleurs dans les barrages hydroélectriques, on s'en sert pour stocker de l'énergie sous forme d'eau. Aujourd'hui en France, on stocke déjà énormément d'eau. Les estimations donnent environ 18 milliards de mètres cubes le volume d'eau moyen contenu dans ces stockages, mais stocker, ce n'est pas sans conséquences. D'abord, l'eau en surface du stockage va se réchauffer, elle va être exposée au vent, ce qui va conduire à son évaporation. On estime l'évaporation annuelle dans les stockages en France à environ 1 milliard de mètres cubes, ça veut dire à peu près 6% des 18 milliards de volume total stocké que j'évoquais plus haut. ça permet de rendre disponible l'eau à l'endroit du stockage, mais en contrepartie, tant que cette eau n'est pas restituée, elle ne va pas être disponible en aval du stockage pour les milieux ou pour les autres usages. Et puis le stockage contribue aussi à la dégradation de la qualité de l'eau, ce qui a des conséquences sur la biodiversité ou sur les usages qui sont situés en aval.

  • Speaker #1

    Alors pourquoi on ne prend pas tout simplement l'eau là où il y en a trop pour l'amener là où il en manque ? Ce n'est pas tout simplement le principe des actes ducs ?

  • Speaker #2

    Alors oui, en effet, on a toujours fait des transferts et des transferts peuvent être envisagés, mais il faut savoir que ces transferts ne sont pas sans conséquences. Il n'y a pas trop d'eau à un endroit, comme cela peut paraître simple parfois. Alors les conséquences des transferts, c'est la première, c'est que ces transferts ne peuvent pas être pérennes dans le temps finalement, parce que du fait du changement climatique, on a une diminution de la ressource et donc finalement on ne fait que déplacer le problème. D'accord. Deuxièmement, ces transferts vont prélever de l'eau dans le milieu. Donc c'est de l'eau qui ne sera plus disponible pour les écosystèmes. Donc ça peut affecter le fonctionnement de ces écosystèmes. Troisièmement, on prend de l'eau et donc cette eau ne sera plus disponible pour les usages en aval de ce transfert. Et donc finalement, ça nous amène à la question centrale qui est... En fait, on a tous besoin d'eau. Les écosystèmes ont besoin d'eau. Nous avons besoin d'eau. Comment on fait pour se partager la ressource ? Comment on se met d'accord pour se partager cette ressource ? Et surtout, pour quelle finalité ? Qu'est-ce qu'on en fait de cette eau ?

  • Speaker #1

    Alors, j'en viens justement à cette question sur les termes employés dans la note d'analyse. Prélèvement d'un côté et consommation de l'autre. Prélèvement, consommation, j'ai l'impression que c'est un peu comme taxes et impôts. On sent bien que ce n'est pas la même chose, mais on ne se souvient pas toujours de la différence. Rafraîchissez-nous un peu la mémoire là-dessus.

  • Speaker #2

    C'est vrai qu'on ne fait pas forcément la différence dans le débat public, et c'est normal parce que ce sont des définitions assez détaillées. Ce qu'on considère comme un prélèvement, c'est de l'eau que l'on extrait du milieu, donc quand je dis milieu, ça va être de nappes souterraines ou de cours d'eau, pour nos usages. Et quand on parle de consommation, on parle en fait de la part du prélèvement qui n'est pas directement restituée au milieu. Alors pour faire simple, c'est la part du prélèvement qui est évaporée. ou incorporé dans les produits. Et il y a souvent... On utilise le mot consommation pour parler par exemple de l'eau qu'on va consommer nous dans nos usages domestiques. C'est pour ça finalement que c'est peut-être pas très clair sur ce qu'on entend par prélèvement et consommation parce que consommation on l'utilise beaucoup et finalement c'est pas la même définition que la définition qu'on utilise plutôt dans le monde de la recherche et de l'expertise qui est la part de ce prélèvement que je ne vais pas restituer dans le milieu naturel. C'est ça. Alors il faut savoir que les prélèvements et les consommations, ils ont des effets qui sont différents l'un de l'autre. Les prélèvements, ils diminuent la quantité d'eau disponible, que ce soit pour les usages en aval ou pour les écosystèmes. Et la consommation, elle soustrait une partie de l'eau du milieu, donc elle a un effet. Et en plus, ce que je vais rejeter dans le milieu peut être de qualité dégradée. Par exemple, l'eau peut être réchauffée dans le cas du refroidissement de centrales nucléaires ou l'eau peut être polluée par exemple par des pesticides dans le cas d'un usage agricole.

  • Speaker #1

    Donc je récapitule, la consommation d'eau, c'est la fraction des prélèvements qui n'est pas restituée directement au milieu, c'est-à-dire la nature en fait. Avant d'aborder plus en détail la consommation, on va s'attarder un peu sur les prélèvements puisqu'il y a quelque chose d'assez choquant dans la note. 47% des prélèvements, donc près de la moitié, sont utilisés dans le secteur de l'énergie et plus précisément pour refroidir les centrales nucléaires, c'est bien ça ?

  • Speaker #0

    Tout à fait. En fait, ce que ça veut dire, c'est que quand vous allumez la lumière chez vous, indirectement, vous allez prélever de l'eau.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Ce qui est intéressant, c'est de regarder aussi comment ces prélèvements se répartissent géographiquement. En fait, 4 cinquièmes de ces 47% des prélèvements pour l'énergie, ils proviennent de, simplement, quelques centrales nucléaires qui sont situées dans le bassin du Rhône. Si ces centrales prélèvent beaucoup, c'est en raison du type de circuit de refroidissement qu'elles utilisent. En fait, elles possèdent un circuit de refroidissement qu'on appelle ouvert, qui conduit à prélever, pour une même quantité d'énergie, environ 20 fois plus d'eau que les centrales qui possèdent un circuit de refroidissement fermé. Alors les centrales en circuit ouvert, elles restituent à la rivière l'intégralité de l'eau qu'elles ont prélevée, mais par contre à une température plus élevée. Ce qui fait que ça conduit à un phénomène d'évaporation au niveau de la rivière et qui participe donc à la consommation.

  • Speaker #1

    D'accord. Mais alors du coup, avec les investissements annoncés dans le nucléaire, est-ce qu'on peut craindre un impact encore plus négatif sur la situation ? Ou à l'inverse, une amélioration parce que, par exemple, on va plutôt privilégier des centrales avec des circuits fermés ?

  • Speaker #0

    Alors, en fait, il y a trois caractéristiques principales qui vont déterminer pour l'avenir l'impact du nucléaire sur nos prélèvements. La première caractéristique, ça va être le mix énergétique. En fait, il y a des sources de production d'énergie qui utilisent peu voire pas d'eau du tout. C'est le cas par exemple de l'éolien ou du solaire, au contraire du nucléaire comme on l'a vu. La deuxième caractéristique, c'est le choix entre implanter les nouveaux réacteurs en bord de mer ou les implanter en bord de rivière. Les implanter en bord de mer, ça permet de relâcher la contrainte sur l'eau douce. Et la dernière caractéristique, c'est le type de circuit de refroidissement qu'on utilise, ce que j'ai évoqué plus haut. Donc, est-ce qu'on construit des centrales en circuit fermé ou est-ce qu'on construit des centrales en circuit ouvert ? Utiliser des circuits fermés, ça permet, comme tu l'as dit, de diminuer fortement les prélèvements. Le revers, c'est que ça augmente la consommation. Oui. Parce que l'eau prélevée pour un circuit fermé, elle est plus fortement évaporée que dans le cas des circuits ouverts. En fait, c'est les fameux grands panaches de vapeur d'eau que vous voyez sortir des immenses tours des centrales nucléaires. Et au total, un circuit fermé, il consomme environ 25% de plus qu'un circuit ouvert. Et donc, c'est ces 25% qui seront plus disponibles en aval.

  • Speaker #1

    Ok. Alors, merci pour ce point sur les prélèvements. Au niveau de la consommation maintenant, Je pense que je peux quand même continuer de boire de l'eau du robinet sans craindre de vider les réserves annuelles, puisque l'usage domestique ne représente que 12% de la consommation annuelle. Ça, c'est dans la note. Et pourtant, en 2022, on se souvient d'une vague de sécheresse, avec certaines communes qui se sont retrouvées sans eau courante, ni pour boire, ni pour se laver. Alors, ma question, elle est plutôt simple. En fait, 12% pour l'usage domestique, où sont passés les 88% restants ?

  • Speaker #2

    Alors sur les 88% restants, on en a 60% qui sont consommés pour l'usage agricole et plus particulièrement pour l'irrigation. Pourquoi ? Simplement parce que quand on irrigue, l'eau est évapotranspirée, donc n'est plus disponible pour le milieu naturel. Alors il faut savoir que les surfaces irriguées ont augmenté en France, plus 23% en 10 ans et même plus 78% dans le nord de la France qui était jusque-là un territoire assez peu irrigué. Il faut savoir que cette taux d'irrigation est utilisée d'une part pour irriguer des cultures destinées à l'alimentation humaine, donc à peu près 44% des volumes d'irrigation, et d'autre part pour des cultures destinées à alimenter les animaux, donc environ 39% des volumes d'irrigation. Alors, il faut savoir aussi que l'irrigation a une particularité par rapport aux autres prélèvements, c'est que l'irrigation, elle prélève pendant 3-4 mois de l'année, qui sont les mois les plus chauds, c'est-à-dire quand les niveaux d'eau sautent au plus bas dans les milieux.

  • Speaker #1

    Comme mon récupérateur. J'ai l'impression qu'avec tout ce que nous venons de voir, nous, entre parenthèses, nous, humains, sommes assez mauvais gestionnaires d'une ressource naturelle qui nous est vitale. À quoi doit-on s'attendre dans les années à venir ? Est-ce qu'on peut s'améliorer ? Comment peut-on s'améliorer ?

  • Speaker #2

    Il faut s'attendre à des tensions croissantes dans certains territoires et à certaines périodes de l'année. Il faudra donc anticiper ces tensions en ayant une meilleure connaissance de la ressource. C'est ce à quoi s'attèle le projet de recherche Explore 2, conduit par l'INRAE et l'Office international de l'eau. Ensuite, il faut anticiper les usages futurs de l'eau en établissant des scénarios prospectifs. et nous rendrons un rapport en ce sens, sur lequel nous travaillons actuellement, au deuxième semestre 2024. Enfin, collectivement, il faudra que l'on se mette d'accord sur les quantités d'eau prélevées, sur leur répartition et sur la finalité de l'usage de cette eau.

  • Speaker #1

    Bon, on a du pain sur la planche. Merci beaucoup Hélène Arambourou et Simon Ferrière pour cette note d'analyse éclairante sur ce gros nuage qui plane au-dessus de nos têtes concernant notre manière d'appréhender nos ressources en eau. Le titre de la note d'analyse, je le rappelle, prélèvement et consommation d'eau, quels enjeux et usages ? On retrouve cette note sur le site de France Stratégie, évidemment. Enfin, n'hésitez pas à vous abonner au podcast Perspective sur votre plateforme préférée pour retrouver tous les épisodes passés et à venir. À bientôt !

Description

Bienvenue dans ce nouvel épisode de Perspectives, le podcast de France Stratégie, dans lequel nous allons nous attaquer à l’une des ressources essentielles de la planète et de la vie, rien que ça.

Des sécheresses de plus en plus fréquentes l’été, et inversement des inondations de plus en plus importantes et dévastatrices, nous sommes dans le concret du dérèglement climatique. Et notre gestion de l’eau est devenue cruciale au fil des années.

Alors d’où vient l’eau ? Qui en utilise le plus ? Comment est gérée la ressource en eau disponible ? Voici quelques-uns des points abordés par la note d’analyse intitulée “Prélèvements et consommations d’eau : quels enjeux et usages ?” publiée par France Stratégie, et dont nous recevons deux de ses auteurs : Hélène Arambourou et Simon Ferrière, du département Développement durable et Numérique.


N'hésitez pas à vous abonner au podcast Perspectives sur votre plateforme préférée pour retrouver tous les épisodes, passés et à venir.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    En fait, ce que ça veut dire, c'est que quand vous allumez la lumière chez vous, indirectement, vous allez prélever de l'eau.

  • Speaker #1

    Bienvenue dans ce nouvel épisode de Perspective, le podcast de France Stratégie, dans lequel nous allons nous attaquer à l'une des ressources essentielles de la planète et de la vie, rien que ça. On a des sécheresses de plus en plus fréquentes l'été, et inversement des inondations de plus en plus importantes et dévastatrices. Nous sommes dans le concret du dérèglement climatique, et notre gestion de l'eau est devenue cruciale au fil des années. Alors d'où vient l'eau ? Qui en utilise le plus ? Comment est gérée la ressource en eau ? Voici quelques-uns des points abordés par la note d'analyse intitulée Prélèvement et consommation d'eau, quels enjeux et usages ? publiée bien sûr par France Stratégie et dont nous recevons deux de ses auteurs, Hélène Arambourou et Simon Ferrière du département Développement durable et numérique. Bonjour.

  • Speaker #0

    Bonjour.

  • Speaker #1

    On commence par ce chiffre qui sert de constat de départ à la note. La ressource en eau renouvelable a diminué de 14% en France au cours de ces 15 dernières années. Ça fait donc un peu moins de 1% par an et ça amène déjà plusieurs questions. C'est quoi l'eau renouvelable ? D'où vient-elle ? Comment elle se renouvelle ? Et puis pourquoi diminue-t-elle bien sûr ? Est-ce que vous pouvez nous faire, Simon, un état des lieux du cycle de l'eau pour commencer ?

  • Speaker #0

    Alors, l'eau, effectivement, c'est une ressource renouvelable. En fait, l'eau qui est présente sur Terre, elle s'évapore dans l'atmosphère sous l'effet de la chaleur du soleil. Ensuite, elle forme des nuages et puis elle va retomber au sol, souvent à des milliers de kilomètres, sous forme de précipitation. Alors, elle est renouvelable, mais elle n'est pas illimitée, puisqu'elle est en volume constant à l'échelle de la planète, à travers ce cycle de l'eau. Mais le changement climatique, il tend à modifier la répartition spatiale et temporelle des précipitations. Pour prendre le cas de la France, sur l'ensemble des précipitations qui tombent sur le territoire national, c'est 500 milliards de mètres cubes par an, 60% sont évapotranspirés par les plantes et les sols et retournent donc directement à l'atmosphère, et les 40% restants s'écoulent dans les nappes et dans les rivières. En fait, ces 40% restants, c'est ce qui constitue l'eau qu'on appelle renouvelable et qui est donc disponible pour les milieux naturels et que l'homme peut également mobiliser pour ses usages. Du fait du changement climatique, elle diminue à l'échelle de la France hexagonale. Donc, c'est environ moins 14% sur les 15 dernières années, comme vous l'avez précisé, avec une situation qui est contrastée entre le nord de la France qui reçoit globalement plus d'eau et le sud de la France qui, lui, en reçoit moins.

  • Speaker #1

    Mais l'eau, à l'inverse de l'électricité, ça se stocke plutôt facilement, non ? Moi, si j'y arrive avec mon récupérateur, c'est que c'est possible, même si c'est vrai que quand vient l'été et les saisons chaudes, plus généralement, j'ai plus rien. Comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    Bien sûr, donc en fait l'eau ça se stocke bien plus facilement que l'électricité. D'ailleurs dans les barrages hydroélectriques, on s'en sert pour stocker de l'énergie sous forme d'eau. Aujourd'hui en France, on stocke déjà énormément d'eau. Les estimations donnent environ 18 milliards de mètres cubes le volume d'eau moyen contenu dans ces stockages, mais stocker, ce n'est pas sans conséquences. D'abord, l'eau en surface du stockage va se réchauffer, elle va être exposée au vent, ce qui va conduire à son évaporation. On estime l'évaporation annuelle dans les stockages en France à environ 1 milliard de mètres cubes, ça veut dire à peu près 6% des 18 milliards de volume total stocké que j'évoquais plus haut. ça permet de rendre disponible l'eau à l'endroit du stockage, mais en contrepartie, tant que cette eau n'est pas restituée, elle ne va pas être disponible en aval du stockage pour les milieux ou pour les autres usages. Et puis le stockage contribue aussi à la dégradation de la qualité de l'eau, ce qui a des conséquences sur la biodiversité ou sur les usages qui sont situés en aval.

  • Speaker #1

    Alors pourquoi on ne prend pas tout simplement l'eau là où il y en a trop pour l'amener là où il en manque ? Ce n'est pas tout simplement le principe des actes ducs ?

  • Speaker #2

    Alors oui, en effet, on a toujours fait des transferts et des transferts peuvent être envisagés, mais il faut savoir que ces transferts ne sont pas sans conséquences. Il n'y a pas trop d'eau à un endroit, comme cela peut paraître simple parfois. Alors les conséquences des transferts, c'est la première, c'est que ces transferts ne peuvent pas être pérennes dans le temps finalement, parce que du fait du changement climatique, on a une diminution de la ressource et donc finalement on ne fait que déplacer le problème. D'accord. Deuxièmement, ces transferts vont prélever de l'eau dans le milieu. Donc c'est de l'eau qui ne sera plus disponible pour les écosystèmes. Donc ça peut affecter le fonctionnement de ces écosystèmes. Troisièmement, on prend de l'eau et donc cette eau ne sera plus disponible pour les usages en aval de ce transfert. Et donc finalement, ça nous amène à la question centrale qui est... En fait, on a tous besoin d'eau. Les écosystèmes ont besoin d'eau. Nous avons besoin d'eau. Comment on fait pour se partager la ressource ? Comment on se met d'accord pour se partager cette ressource ? Et surtout, pour quelle finalité ? Qu'est-ce qu'on en fait de cette eau ?

  • Speaker #1

    Alors, j'en viens justement à cette question sur les termes employés dans la note d'analyse. Prélèvement d'un côté et consommation de l'autre. Prélèvement, consommation, j'ai l'impression que c'est un peu comme taxes et impôts. On sent bien que ce n'est pas la même chose, mais on ne se souvient pas toujours de la différence. Rafraîchissez-nous un peu la mémoire là-dessus.

  • Speaker #2

    C'est vrai qu'on ne fait pas forcément la différence dans le débat public, et c'est normal parce que ce sont des définitions assez détaillées. Ce qu'on considère comme un prélèvement, c'est de l'eau que l'on extrait du milieu, donc quand je dis milieu, ça va être de nappes souterraines ou de cours d'eau, pour nos usages. Et quand on parle de consommation, on parle en fait de la part du prélèvement qui n'est pas directement restituée au milieu. Alors pour faire simple, c'est la part du prélèvement qui est évaporée. ou incorporé dans les produits. Et il y a souvent... On utilise le mot consommation pour parler par exemple de l'eau qu'on va consommer nous dans nos usages domestiques. C'est pour ça finalement que c'est peut-être pas très clair sur ce qu'on entend par prélèvement et consommation parce que consommation on l'utilise beaucoup et finalement c'est pas la même définition que la définition qu'on utilise plutôt dans le monde de la recherche et de l'expertise qui est la part de ce prélèvement que je ne vais pas restituer dans le milieu naturel. C'est ça. Alors il faut savoir que les prélèvements et les consommations, ils ont des effets qui sont différents l'un de l'autre. Les prélèvements, ils diminuent la quantité d'eau disponible, que ce soit pour les usages en aval ou pour les écosystèmes. Et la consommation, elle soustrait une partie de l'eau du milieu, donc elle a un effet. Et en plus, ce que je vais rejeter dans le milieu peut être de qualité dégradée. Par exemple, l'eau peut être réchauffée dans le cas du refroidissement de centrales nucléaires ou l'eau peut être polluée par exemple par des pesticides dans le cas d'un usage agricole.

  • Speaker #1

    Donc je récapitule, la consommation d'eau, c'est la fraction des prélèvements qui n'est pas restituée directement au milieu, c'est-à-dire la nature en fait. Avant d'aborder plus en détail la consommation, on va s'attarder un peu sur les prélèvements puisqu'il y a quelque chose d'assez choquant dans la note. 47% des prélèvements, donc près de la moitié, sont utilisés dans le secteur de l'énergie et plus précisément pour refroidir les centrales nucléaires, c'est bien ça ?

  • Speaker #0

    Tout à fait. En fait, ce que ça veut dire, c'est que quand vous allumez la lumière chez vous, indirectement, vous allez prélever de l'eau.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Ce qui est intéressant, c'est de regarder aussi comment ces prélèvements se répartissent géographiquement. En fait, 4 cinquièmes de ces 47% des prélèvements pour l'énergie, ils proviennent de, simplement, quelques centrales nucléaires qui sont situées dans le bassin du Rhône. Si ces centrales prélèvent beaucoup, c'est en raison du type de circuit de refroidissement qu'elles utilisent. En fait, elles possèdent un circuit de refroidissement qu'on appelle ouvert, qui conduit à prélever, pour une même quantité d'énergie, environ 20 fois plus d'eau que les centrales qui possèdent un circuit de refroidissement fermé. Alors les centrales en circuit ouvert, elles restituent à la rivière l'intégralité de l'eau qu'elles ont prélevée, mais par contre à une température plus élevée. Ce qui fait que ça conduit à un phénomène d'évaporation au niveau de la rivière et qui participe donc à la consommation.

  • Speaker #1

    D'accord. Mais alors du coup, avec les investissements annoncés dans le nucléaire, est-ce qu'on peut craindre un impact encore plus négatif sur la situation ? Ou à l'inverse, une amélioration parce que, par exemple, on va plutôt privilégier des centrales avec des circuits fermés ?

  • Speaker #0

    Alors, en fait, il y a trois caractéristiques principales qui vont déterminer pour l'avenir l'impact du nucléaire sur nos prélèvements. La première caractéristique, ça va être le mix énergétique. En fait, il y a des sources de production d'énergie qui utilisent peu voire pas d'eau du tout. C'est le cas par exemple de l'éolien ou du solaire, au contraire du nucléaire comme on l'a vu. La deuxième caractéristique, c'est le choix entre implanter les nouveaux réacteurs en bord de mer ou les implanter en bord de rivière. Les implanter en bord de mer, ça permet de relâcher la contrainte sur l'eau douce. Et la dernière caractéristique, c'est le type de circuit de refroidissement qu'on utilise, ce que j'ai évoqué plus haut. Donc, est-ce qu'on construit des centrales en circuit fermé ou est-ce qu'on construit des centrales en circuit ouvert ? Utiliser des circuits fermés, ça permet, comme tu l'as dit, de diminuer fortement les prélèvements. Le revers, c'est que ça augmente la consommation. Oui. Parce que l'eau prélevée pour un circuit fermé, elle est plus fortement évaporée que dans le cas des circuits ouverts. En fait, c'est les fameux grands panaches de vapeur d'eau que vous voyez sortir des immenses tours des centrales nucléaires. Et au total, un circuit fermé, il consomme environ 25% de plus qu'un circuit ouvert. Et donc, c'est ces 25% qui seront plus disponibles en aval.

  • Speaker #1

    Ok. Alors, merci pour ce point sur les prélèvements. Au niveau de la consommation maintenant, Je pense que je peux quand même continuer de boire de l'eau du robinet sans craindre de vider les réserves annuelles, puisque l'usage domestique ne représente que 12% de la consommation annuelle. Ça, c'est dans la note. Et pourtant, en 2022, on se souvient d'une vague de sécheresse, avec certaines communes qui se sont retrouvées sans eau courante, ni pour boire, ni pour se laver. Alors, ma question, elle est plutôt simple. En fait, 12% pour l'usage domestique, où sont passés les 88% restants ?

  • Speaker #2

    Alors sur les 88% restants, on en a 60% qui sont consommés pour l'usage agricole et plus particulièrement pour l'irrigation. Pourquoi ? Simplement parce que quand on irrigue, l'eau est évapotranspirée, donc n'est plus disponible pour le milieu naturel. Alors il faut savoir que les surfaces irriguées ont augmenté en France, plus 23% en 10 ans et même plus 78% dans le nord de la France qui était jusque-là un territoire assez peu irrigué. Il faut savoir que cette taux d'irrigation est utilisée d'une part pour irriguer des cultures destinées à l'alimentation humaine, donc à peu près 44% des volumes d'irrigation, et d'autre part pour des cultures destinées à alimenter les animaux, donc environ 39% des volumes d'irrigation. Alors, il faut savoir aussi que l'irrigation a une particularité par rapport aux autres prélèvements, c'est que l'irrigation, elle prélève pendant 3-4 mois de l'année, qui sont les mois les plus chauds, c'est-à-dire quand les niveaux d'eau sautent au plus bas dans les milieux.

  • Speaker #1

    Comme mon récupérateur. J'ai l'impression qu'avec tout ce que nous venons de voir, nous, entre parenthèses, nous, humains, sommes assez mauvais gestionnaires d'une ressource naturelle qui nous est vitale. À quoi doit-on s'attendre dans les années à venir ? Est-ce qu'on peut s'améliorer ? Comment peut-on s'améliorer ?

  • Speaker #2

    Il faut s'attendre à des tensions croissantes dans certains territoires et à certaines périodes de l'année. Il faudra donc anticiper ces tensions en ayant une meilleure connaissance de la ressource. C'est ce à quoi s'attèle le projet de recherche Explore 2, conduit par l'INRAE et l'Office international de l'eau. Ensuite, il faut anticiper les usages futurs de l'eau en établissant des scénarios prospectifs. et nous rendrons un rapport en ce sens, sur lequel nous travaillons actuellement, au deuxième semestre 2024. Enfin, collectivement, il faudra que l'on se mette d'accord sur les quantités d'eau prélevées, sur leur répartition et sur la finalité de l'usage de cette eau.

  • Speaker #1

    Bon, on a du pain sur la planche. Merci beaucoup Hélène Arambourou et Simon Ferrière pour cette note d'analyse éclairante sur ce gros nuage qui plane au-dessus de nos têtes concernant notre manière d'appréhender nos ressources en eau. Le titre de la note d'analyse, je le rappelle, prélèvement et consommation d'eau, quels enjeux et usages ? On retrouve cette note sur le site de France Stratégie, évidemment. Enfin, n'hésitez pas à vous abonner au podcast Perspective sur votre plateforme préférée pour retrouver tous les épisodes passés et à venir. À bientôt !

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Bienvenue dans ce nouvel épisode de Perspectives, le podcast de France Stratégie, dans lequel nous allons nous attaquer à l’une des ressources essentielles de la planète et de la vie, rien que ça.

Des sécheresses de plus en plus fréquentes l’été, et inversement des inondations de plus en plus importantes et dévastatrices, nous sommes dans le concret du dérèglement climatique. Et notre gestion de l’eau est devenue cruciale au fil des années.

Alors d’où vient l’eau ? Qui en utilise le plus ? Comment est gérée la ressource en eau disponible ? Voici quelques-uns des points abordés par la note d’analyse intitulée “Prélèvements et consommations d’eau : quels enjeux et usages ?” publiée par France Stratégie, et dont nous recevons deux de ses auteurs : Hélène Arambourou et Simon Ferrière, du département Développement durable et Numérique.


N'hésitez pas à vous abonner au podcast Perspectives sur votre plateforme préférée pour retrouver tous les épisodes, passés et à venir.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    En fait, ce que ça veut dire, c'est que quand vous allumez la lumière chez vous, indirectement, vous allez prélever de l'eau.

  • Speaker #1

    Bienvenue dans ce nouvel épisode de Perspective, le podcast de France Stratégie, dans lequel nous allons nous attaquer à l'une des ressources essentielles de la planète et de la vie, rien que ça. On a des sécheresses de plus en plus fréquentes l'été, et inversement des inondations de plus en plus importantes et dévastatrices. Nous sommes dans le concret du dérèglement climatique, et notre gestion de l'eau est devenue cruciale au fil des années. Alors d'où vient l'eau ? Qui en utilise le plus ? Comment est gérée la ressource en eau ? Voici quelques-uns des points abordés par la note d'analyse intitulée Prélèvement et consommation d'eau, quels enjeux et usages ? publiée bien sûr par France Stratégie et dont nous recevons deux de ses auteurs, Hélène Arambourou et Simon Ferrière du département Développement durable et numérique. Bonjour.

  • Speaker #0

    Bonjour.

  • Speaker #1

    On commence par ce chiffre qui sert de constat de départ à la note. La ressource en eau renouvelable a diminué de 14% en France au cours de ces 15 dernières années. Ça fait donc un peu moins de 1% par an et ça amène déjà plusieurs questions. C'est quoi l'eau renouvelable ? D'où vient-elle ? Comment elle se renouvelle ? Et puis pourquoi diminue-t-elle bien sûr ? Est-ce que vous pouvez nous faire, Simon, un état des lieux du cycle de l'eau pour commencer ?

  • Speaker #0

    Alors, l'eau, effectivement, c'est une ressource renouvelable. En fait, l'eau qui est présente sur Terre, elle s'évapore dans l'atmosphère sous l'effet de la chaleur du soleil. Ensuite, elle forme des nuages et puis elle va retomber au sol, souvent à des milliers de kilomètres, sous forme de précipitation. Alors, elle est renouvelable, mais elle n'est pas illimitée, puisqu'elle est en volume constant à l'échelle de la planète, à travers ce cycle de l'eau. Mais le changement climatique, il tend à modifier la répartition spatiale et temporelle des précipitations. Pour prendre le cas de la France, sur l'ensemble des précipitations qui tombent sur le territoire national, c'est 500 milliards de mètres cubes par an, 60% sont évapotranspirés par les plantes et les sols et retournent donc directement à l'atmosphère, et les 40% restants s'écoulent dans les nappes et dans les rivières. En fait, ces 40% restants, c'est ce qui constitue l'eau qu'on appelle renouvelable et qui est donc disponible pour les milieux naturels et que l'homme peut également mobiliser pour ses usages. Du fait du changement climatique, elle diminue à l'échelle de la France hexagonale. Donc, c'est environ moins 14% sur les 15 dernières années, comme vous l'avez précisé, avec une situation qui est contrastée entre le nord de la France qui reçoit globalement plus d'eau et le sud de la France qui, lui, en reçoit moins.

  • Speaker #1

    Mais l'eau, à l'inverse de l'électricité, ça se stocke plutôt facilement, non ? Moi, si j'y arrive avec mon récupérateur, c'est que c'est possible, même si c'est vrai que quand vient l'été et les saisons chaudes, plus généralement, j'ai plus rien. Comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    Bien sûr, donc en fait l'eau ça se stocke bien plus facilement que l'électricité. D'ailleurs dans les barrages hydroélectriques, on s'en sert pour stocker de l'énergie sous forme d'eau. Aujourd'hui en France, on stocke déjà énormément d'eau. Les estimations donnent environ 18 milliards de mètres cubes le volume d'eau moyen contenu dans ces stockages, mais stocker, ce n'est pas sans conséquences. D'abord, l'eau en surface du stockage va se réchauffer, elle va être exposée au vent, ce qui va conduire à son évaporation. On estime l'évaporation annuelle dans les stockages en France à environ 1 milliard de mètres cubes, ça veut dire à peu près 6% des 18 milliards de volume total stocké que j'évoquais plus haut. ça permet de rendre disponible l'eau à l'endroit du stockage, mais en contrepartie, tant que cette eau n'est pas restituée, elle ne va pas être disponible en aval du stockage pour les milieux ou pour les autres usages. Et puis le stockage contribue aussi à la dégradation de la qualité de l'eau, ce qui a des conséquences sur la biodiversité ou sur les usages qui sont situés en aval.

  • Speaker #1

    Alors pourquoi on ne prend pas tout simplement l'eau là où il y en a trop pour l'amener là où il en manque ? Ce n'est pas tout simplement le principe des actes ducs ?

  • Speaker #2

    Alors oui, en effet, on a toujours fait des transferts et des transferts peuvent être envisagés, mais il faut savoir que ces transferts ne sont pas sans conséquences. Il n'y a pas trop d'eau à un endroit, comme cela peut paraître simple parfois. Alors les conséquences des transferts, c'est la première, c'est que ces transferts ne peuvent pas être pérennes dans le temps finalement, parce que du fait du changement climatique, on a une diminution de la ressource et donc finalement on ne fait que déplacer le problème. D'accord. Deuxièmement, ces transferts vont prélever de l'eau dans le milieu. Donc c'est de l'eau qui ne sera plus disponible pour les écosystèmes. Donc ça peut affecter le fonctionnement de ces écosystèmes. Troisièmement, on prend de l'eau et donc cette eau ne sera plus disponible pour les usages en aval de ce transfert. Et donc finalement, ça nous amène à la question centrale qui est... En fait, on a tous besoin d'eau. Les écosystèmes ont besoin d'eau. Nous avons besoin d'eau. Comment on fait pour se partager la ressource ? Comment on se met d'accord pour se partager cette ressource ? Et surtout, pour quelle finalité ? Qu'est-ce qu'on en fait de cette eau ?

  • Speaker #1

    Alors, j'en viens justement à cette question sur les termes employés dans la note d'analyse. Prélèvement d'un côté et consommation de l'autre. Prélèvement, consommation, j'ai l'impression que c'est un peu comme taxes et impôts. On sent bien que ce n'est pas la même chose, mais on ne se souvient pas toujours de la différence. Rafraîchissez-nous un peu la mémoire là-dessus.

  • Speaker #2

    C'est vrai qu'on ne fait pas forcément la différence dans le débat public, et c'est normal parce que ce sont des définitions assez détaillées. Ce qu'on considère comme un prélèvement, c'est de l'eau que l'on extrait du milieu, donc quand je dis milieu, ça va être de nappes souterraines ou de cours d'eau, pour nos usages. Et quand on parle de consommation, on parle en fait de la part du prélèvement qui n'est pas directement restituée au milieu. Alors pour faire simple, c'est la part du prélèvement qui est évaporée. ou incorporé dans les produits. Et il y a souvent... On utilise le mot consommation pour parler par exemple de l'eau qu'on va consommer nous dans nos usages domestiques. C'est pour ça finalement que c'est peut-être pas très clair sur ce qu'on entend par prélèvement et consommation parce que consommation on l'utilise beaucoup et finalement c'est pas la même définition que la définition qu'on utilise plutôt dans le monde de la recherche et de l'expertise qui est la part de ce prélèvement que je ne vais pas restituer dans le milieu naturel. C'est ça. Alors il faut savoir que les prélèvements et les consommations, ils ont des effets qui sont différents l'un de l'autre. Les prélèvements, ils diminuent la quantité d'eau disponible, que ce soit pour les usages en aval ou pour les écosystèmes. Et la consommation, elle soustrait une partie de l'eau du milieu, donc elle a un effet. Et en plus, ce que je vais rejeter dans le milieu peut être de qualité dégradée. Par exemple, l'eau peut être réchauffée dans le cas du refroidissement de centrales nucléaires ou l'eau peut être polluée par exemple par des pesticides dans le cas d'un usage agricole.

  • Speaker #1

    Donc je récapitule, la consommation d'eau, c'est la fraction des prélèvements qui n'est pas restituée directement au milieu, c'est-à-dire la nature en fait. Avant d'aborder plus en détail la consommation, on va s'attarder un peu sur les prélèvements puisqu'il y a quelque chose d'assez choquant dans la note. 47% des prélèvements, donc près de la moitié, sont utilisés dans le secteur de l'énergie et plus précisément pour refroidir les centrales nucléaires, c'est bien ça ?

  • Speaker #0

    Tout à fait. En fait, ce que ça veut dire, c'est que quand vous allumez la lumière chez vous, indirectement, vous allez prélever de l'eau.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Ce qui est intéressant, c'est de regarder aussi comment ces prélèvements se répartissent géographiquement. En fait, 4 cinquièmes de ces 47% des prélèvements pour l'énergie, ils proviennent de, simplement, quelques centrales nucléaires qui sont situées dans le bassin du Rhône. Si ces centrales prélèvent beaucoup, c'est en raison du type de circuit de refroidissement qu'elles utilisent. En fait, elles possèdent un circuit de refroidissement qu'on appelle ouvert, qui conduit à prélever, pour une même quantité d'énergie, environ 20 fois plus d'eau que les centrales qui possèdent un circuit de refroidissement fermé. Alors les centrales en circuit ouvert, elles restituent à la rivière l'intégralité de l'eau qu'elles ont prélevée, mais par contre à une température plus élevée. Ce qui fait que ça conduit à un phénomène d'évaporation au niveau de la rivière et qui participe donc à la consommation.

  • Speaker #1

    D'accord. Mais alors du coup, avec les investissements annoncés dans le nucléaire, est-ce qu'on peut craindre un impact encore plus négatif sur la situation ? Ou à l'inverse, une amélioration parce que, par exemple, on va plutôt privilégier des centrales avec des circuits fermés ?

  • Speaker #0

    Alors, en fait, il y a trois caractéristiques principales qui vont déterminer pour l'avenir l'impact du nucléaire sur nos prélèvements. La première caractéristique, ça va être le mix énergétique. En fait, il y a des sources de production d'énergie qui utilisent peu voire pas d'eau du tout. C'est le cas par exemple de l'éolien ou du solaire, au contraire du nucléaire comme on l'a vu. La deuxième caractéristique, c'est le choix entre implanter les nouveaux réacteurs en bord de mer ou les implanter en bord de rivière. Les implanter en bord de mer, ça permet de relâcher la contrainte sur l'eau douce. Et la dernière caractéristique, c'est le type de circuit de refroidissement qu'on utilise, ce que j'ai évoqué plus haut. Donc, est-ce qu'on construit des centrales en circuit fermé ou est-ce qu'on construit des centrales en circuit ouvert ? Utiliser des circuits fermés, ça permet, comme tu l'as dit, de diminuer fortement les prélèvements. Le revers, c'est que ça augmente la consommation. Oui. Parce que l'eau prélevée pour un circuit fermé, elle est plus fortement évaporée que dans le cas des circuits ouverts. En fait, c'est les fameux grands panaches de vapeur d'eau que vous voyez sortir des immenses tours des centrales nucléaires. Et au total, un circuit fermé, il consomme environ 25% de plus qu'un circuit ouvert. Et donc, c'est ces 25% qui seront plus disponibles en aval.

  • Speaker #1

    Ok. Alors, merci pour ce point sur les prélèvements. Au niveau de la consommation maintenant, Je pense que je peux quand même continuer de boire de l'eau du robinet sans craindre de vider les réserves annuelles, puisque l'usage domestique ne représente que 12% de la consommation annuelle. Ça, c'est dans la note. Et pourtant, en 2022, on se souvient d'une vague de sécheresse, avec certaines communes qui se sont retrouvées sans eau courante, ni pour boire, ni pour se laver. Alors, ma question, elle est plutôt simple. En fait, 12% pour l'usage domestique, où sont passés les 88% restants ?

  • Speaker #2

    Alors sur les 88% restants, on en a 60% qui sont consommés pour l'usage agricole et plus particulièrement pour l'irrigation. Pourquoi ? Simplement parce que quand on irrigue, l'eau est évapotranspirée, donc n'est plus disponible pour le milieu naturel. Alors il faut savoir que les surfaces irriguées ont augmenté en France, plus 23% en 10 ans et même plus 78% dans le nord de la France qui était jusque-là un territoire assez peu irrigué. Il faut savoir que cette taux d'irrigation est utilisée d'une part pour irriguer des cultures destinées à l'alimentation humaine, donc à peu près 44% des volumes d'irrigation, et d'autre part pour des cultures destinées à alimenter les animaux, donc environ 39% des volumes d'irrigation. Alors, il faut savoir aussi que l'irrigation a une particularité par rapport aux autres prélèvements, c'est que l'irrigation, elle prélève pendant 3-4 mois de l'année, qui sont les mois les plus chauds, c'est-à-dire quand les niveaux d'eau sautent au plus bas dans les milieux.

  • Speaker #1

    Comme mon récupérateur. J'ai l'impression qu'avec tout ce que nous venons de voir, nous, entre parenthèses, nous, humains, sommes assez mauvais gestionnaires d'une ressource naturelle qui nous est vitale. À quoi doit-on s'attendre dans les années à venir ? Est-ce qu'on peut s'améliorer ? Comment peut-on s'améliorer ?

  • Speaker #2

    Il faut s'attendre à des tensions croissantes dans certains territoires et à certaines périodes de l'année. Il faudra donc anticiper ces tensions en ayant une meilleure connaissance de la ressource. C'est ce à quoi s'attèle le projet de recherche Explore 2, conduit par l'INRAE et l'Office international de l'eau. Ensuite, il faut anticiper les usages futurs de l'eau en établissant des scénarios prospectifs. et nous rendrons un rapport en ce sens, sur lequel nous travaillons actuellement, au deuxième semestre 2024. Enfin, collectivement, il faudra que l'on se mette d'accord sur les quantités d'eau prélevées, sur leur répartition et sur la finalité de l'usage de cette eau.

  • Speaker #1

    Bon, on a du pain sur la planche. Merci beaucoup Hélène Arambourou et Simon Ferrière pour cette note d'analyse éclairante sur ce gros nuage qui plane au-dessus de nos têtes concernant notre manière d'appréhender nos ressources en eau. Le titre de la note d'analyse, je le rappelle, prélèvement et consommation d'eau, quels enjeux et usages ? On retrouve cette note sur le site de France Stratégie, évidemment. Enfin, n'hésitez pas à vous abonner au podcast Perspective sur votre plateforme préférée pour retrouver tous les épisodes passés et à venir. À bientôt !

Description

Bienvenue dans ce nouvel épisode de Perspectives, le podcast de France Stratégie, dans lequel nous allons nous attaquer à l’une des ressources essentielles de la planète et de la vie, rien que ça.

Des sécheresses de plus en plus fréquentes l’été, et inversement des inondations de plus en plus importantes et dévastatrices, nous sommes dans le concret du dérèglement climatique. Et notre gestion de l’eau est devenue cruciale au fil des années.

Alors d’où vient l’eau ? Qui en utilise le plus ? Comment est gérée la ressource en eau disponible ? Voici quelques-uns des points abordés par la note d’analyse intitulée “Prélèvements et consommations d’eau : quels enjeux et usages ?” publiée par France Stratégie, et dont nous recevons deux de ses auteurs : Hélène Arambourou et Simon Ferrière, du département Développement durable et Numérique.


N'hésitez pas à vous abonner au podcast Perspectives sur votre plateforme préférée pour retrouver tous les épisodes, passés et à venir.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    En fait, ce que ça veut dire, c'est que quand vous allumez la lumière chez vous, indirectement, vous allez prélever de l'eau.

  • Speaker #1

    Bienvenue dans ce nouvel épisode de Perspective, le podcast de France Stratégie, dans lequel nous allons nous attaquer à l'une des ressources essentielles de la planète et de la vie, rien que ça. On a des sécheresses de plus en plus fréquentes l'été, et inversement des inondations de plus en plus importantes et dévastatrices. Nous sommes dans le concret du dérèglement climatique, et notre gestion de l'eau est devenue cruciale au fil des années. Alors d'où vient l'eau ? Qui en utilise le plus ? Comment est gérée la ressource en eau ? Voici quelques-uns des points abordés par la note d'analyse intitulée Prélèvement et consommation d'eau, quels enjeux et usages ? publiée bien sûr par France Stratégie et dont nous recevons deux de ses auteurs, Hélène Arambourou et Simon Ferrière du département Développement durable et numérique. Bonjour.

  • Speaker #0

    Bonjour.

  • Speaker #1

    On commence par ce chiffre qui sert de constat de départ à la note. La ressource en eau renouvelable a diminué de 14% en France au cours de ces 15 dernières années. Ça fait donc un peu moins de 1% par an et ça amène déjà plusieurs questions. C'est quoi l'eau renouvelable ? D'où vient-elle ? Comment elle se renouvelle ? Et puis pourquoi diminue-t-elle bien sûr ? Est-ce que vous pouvez nous faire, Simon, un état des lieux du cycle de l'eau pour commencer ?

  • Speaker #0

    Alors, l'eau, effectivement, c'est une ressource renouvelable. En fait, l'eau qui est présente sur Terre, elle s'évapore dans l'atmosphère sous l'effet de la chaleur du soleil. Ensuite, elle forme des nuages et puis elle va retomber au sol, souvent à des milliers de kilomètres, sous forme de précipitation. Alors, elle est renouvelable, mais elle n'est pas illimitée, puisqu'elle est en volume constant à l'échelle de la planète, à travers ce cycle de l'eau. Mais le changement climatique, il tend à modifier la répartition spatiale et temporelle des précipitations. Pour prendre le cas de la France, sur l'ensemble des précipitations qui tombent sur le territoire national, c'est 500 milliards de mètres cubes par an, 60% sont évapotranspirés par les plantes et les sols et retournent donc directement à l'atmosphère, et les 40% restants s'écoulent dans les nappes et dans les rivières. En fait, ces 40% restants, c'est ce qui constitue l'eau qu'on appelle renouvelable et qui est donc disponible pour les milieux naturels et que l'homme peut également mobiliser pour ses usages. Du fait du changement climatique, elle diminue à l'échelle de la France hexagonale. Donc, c'est environ moins 14% sur les 15 dernières années, comme vous l'avez précisé, avec une situation qui est contrastée entre le nord de la France qui reçoit globalement plus d'eau et le sud de la France qui, lui, en reçoit moins.

  • Speaker #1

    Mais l'eau, à l'inverse de l'électricité, ça se stocke plutôt facilement, non ? Moi, si j'y arrive avec mon récupérateur, c'est que c'est possible, même si c'est vrai que quand vient l'été et les saisons chaudes, plus généralement, j'ai plus rien. Comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    Bien sûr, donc en fait l'eau ça se stocke bien plus facilement que l'électricité. D'ailleurs dans les barrages hydroélectriques, on s'en sert pour stocker de l'énergie sous forme d'eau. Aujourd'hui en France, on stocke déjà énormément d'eau. Les estimations donnent environ 18 milliards de mètres cubes le volume d'eau moyen contenu dans ces stockages, mais stocker, ce n'est pas sans conséquences. D'abord, l'eau en surface du stockage va se réchauffer, elle va être exposée au vent, ce qui va conduire à son évaporation. On estime l'évaporation annuelle dans les stockages en France à environ 1 milliard de mètres cubes, ça veut dire à peu près 6% des 18 milliards de volume total stocké que j'évoquais plus haut. ça permet de rendre disponible l'eau à l'endroit du stockage, mais en contrepartie, tant que cette eau n'est pas restituée, elle ne va pas être disponible en aval du stockage pour les milieux ou pour les autres usages. Et puis le stockage contribue aussi à la dégradation de la qualité de l'eau, ce qui a des conséquences sur la biodiversité ou sur les usages qui sont situés en aval.

  • Speaker #1

    Alors pourquoi on ne prend pas tout simplement l'eau là où il y en a trop pour l'amener là où il en manque ? Ce n'est pas tout simplement le principe des actes ducs ?

  • Speaker #2

    Alors oui, en effet, on a toujours fait des transferts et des transferts peuvent être envisagés, mais il faut savoir que ces transferts ne sont pas sans conséquences. Il n'y a pas trop d'eau à un endroit, comme cela peut paraître simple parfois. Alors les conséquences des transferts, c'est la première, c'est que ces transferts ne peuvent pas être pérennes dans le temps finalement, parce que du fait du changement climatique, on a une diminution de la ressource et donc finalement on ne fait que déplacer le problème. D'accord. Deuxièmement, ces transferts vont prélever de l'eau dans le milieu. Donc c'est de l'eau qui ne sera plus disponible pour les écosystèmes. Donc ça peut affecter le fonctionnement de ces écosystèmes. Troisièmement, on prend de l'eau et donc cette eau ne sera plus disponible pour les usages en aval de ce transfert. Et donc finalement, ça nous amène à la question centrale qui est... En fait, on a tous besoin d'eau. Les écosystèmes ont besoin d'eau. Nous avons besoin d'eau. Comment on fait pour se partager la ressource ? Comment on se met d'accord pour se partager cette ressource ? Et surtout, pour quelle finalité ? Qu'est-ce qu'on en fait de cette eau ?

  • Speaker #1

    Alors, j'en viens justement à cette question sur les termes employés dans la note d'analyse. Prélèvement d'un côté et consommation de l'autre. Prélèvement, consommation, j'ai l'impression que c'est un peu comme taxes et impôts. On sent bien que ce n'est pas la même chose, mais on ne se souvient pas toujours de la différence. Rafraîchissez-nous un peu la mémoire là-dessus.

  • Speaker #2

    C'est vrai qu'on ne fait pas forcément la différence dans le débat public, et c'est normal parce que ce sont des définitions assez détaillées. Ce qu'on considère comme un prélèvement, c'est de l'eau que l'on extrait du milieu, donc quand je dis milieu, ça va être de nappes souterraines ou de cours d'eau, pour nos usages. Et quand on parle de consommation, on parle en fait de la part du prélèvement qui n'est pas directement restituée au milieu. Alors pour faire simple, c'est la part du prélèvement qui est évaporée. ou incorporé dans les produits. Et il y a souvent... On utilise le mot consommation pour parler par exemple de l'eau qu'on va consommer nous dans nos usages domestiques. C'est pour ça finalement que c'est peut-être pas très clair sur ce qu'on entend par prélèvement et consommation parce que consommation on l'utilise beaucoup et finalement c'est pas la même définition que la définition qu'on utilise plutôt dans le monde de la recherche et de l'expertise qui est la part de ce prélèvement que je ne vais pas restituer dans le milieu naturel. C'est ça. Alors il faut savoir que les prélèvements et les consommations, ils ont des effets qui sont différents l'un de l'autre. Les prélèvements, ils diminuent la quantité d'eau disponible, que ce soit pour les usages en aval ou pour les écosystèmes. Et la consommation, elle soustrait une partie de l'eau du milieu, donc elle a un effet. Et en plus, ce que je vais rejeter dans le milieu peut être de qualité dégradée. Par exemple, l'eau peut être réchauffée dans le cas du refroidissement de centrales nucléaires ou l'eau peut être polluée par exemple par des pesticides dans le cas d'un usage agricole.

  • Speaker #1

    Donc je récapitule, la consommation d'eau, c'est la fraction des prélèvements qui n'est pas restituée directement au milieu, c'est-à-dire la nature en fait. Avant d'aborder plus en détail la consommation, on va s'attarder un peu sur les prélèvements puisqu'il y a quelque chose d'assez choquant dans la note. 47% des prélèvements, donc près de la moitié, sont utilisés dans le secteur de l'énergie et plus précisément pour refroidir les centrales nucléaires, c'est bien ça ?

  • Speaker #0

    Tout à fait. En fait, ce que ça veut dire, c'est que quand vous allumez la lumière chez vous, indirectement, vous allez prélever de l'eau.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Ce qui est intéressant, c'est de regarder aussi comment ces prélèvements se répartissent géographiquement. En fait, 4 cinquièmes de ces 47% des prélèvements pour l'énergie, ils proviennent de, simplement, quelques centrales nucléaires qui sont situées dans le bassin du Rhône. Si ces centrales prélèvent beaucoup, c'est en raison du type de circuit de refroidissement qu'elles utilisent. En fait, elles possèdent un circuit de refroidissement qu'on appelle ouvert, qui conduit à prélever, pour une même quantité d'énergie, environ 20 fois plus d'eau que les centrales qui possèdent un circuit de refroidissement fermé. Alors les centrales en circuit ouvert, elles restituent à la rivière l'intégralité de l'eau qu'elles ont prélevée, mais par contre à une température plus élevée. Ce qui fait que ça conduit à un phénomène d'évaporation au niveau de la rivière et qui participe donc à la consommation.

  • Speaker #1

    D'accord. Mais alors du coup, avec les investissements annoncés dans le nucléaire, est-ce qu'on peut craindre un impact encore plus négatif sur la situation ? Ou à l'inverse, une amélioration parce que, par exemple, on va plutôt privilégier des centrales avec des circuits fermés ?

  • Speaker #0

    Alors, en fait, il y a trois caractéristiques principales qui vont déterminer pour l'avenir l'impact du nucléaire sur nos prélèvements. La première caractéristique, ça va être le mix énergétique. En fait, il y a des sources de production d'énergie qui utilisent peu voire pas d'eau du tout. C'est le cas par exemple de l'éolien ou du solaire, au contraire du nucléaire comme on l'a vu. La deuxième caractéristique, c'est le choix entre implanter les nouveaux réacteurs en bord de mer ou les implanter en bord de rivière. Les implanter en bord de mer, ça permet de relâcher la contrainte sur l'eau douce. Et la dernière caractéristique, c'est le type de circuit de refroidissement qu'on utilise, ce que j'ai évoqué plus haut. Donc, est-ce qu'on construit des centrales en circuit fermé ou est-ce qu'on construit des centrales en circuit ouvert ? Utiliser des circuits fermés, ça permet, comme tu l'as dit, de diminuer fortement les prélèvements. Le revers, c'est que ça augmente la consommation. Oui. Parce que l'eau prélevée pour un circuit fermé, elle est plus fortement évaporée que dans le cas des circuits ouverts. En fait, c'est les fameux grands panaches de vapeur d'eau que vous voyez sortir des immenses tours des centrales nucléaires. Et au total, un circuit fermé, il consomme environ 25% de plus qu'un circuit ouvert. Et donc, c'est ces 25% qui seront plus disponibles en aval.

  • Speaker #1

    Ok. Alors, merci pour ce point sur les prélèvements. Au niveau de la consommation maintenant, Je pense que je peux quand même continuer de boire de l'eau du robinet sans craindre de vider les réserves annuelles, puisque l'usage domestique ne représente que 12% de la consommation annuelle. Ça, c'est dans la note. Et pourtant, en 2022, on se souvient d'une vague de sécheresse, avec certaines communes qui se sont retrouvées sans eau courante, ni pour boire, ni pour se laver. Alors, ma question, elle est plutôt simple. En fait, 12% pour l'usage domestique, où sont passés les 88% restants ?

  • Speaker #2

    Alors sur les 88% restants, on en a 60% qui sont consommés pour l'usage agricole et plus particulièrement pour l'irrigation. Pourquoi ? Simplement parce que quand on irrigue, l'eau est évapotranspirée, donc n'est plus disponible pour le milieu naturel. Alors il faut savoir que les surfaces irriguées ont augmenté en France, plus 23% en 10 ans et même plus 78% dans le nord de la France qui était jusque-là un territoire assez peu irrigué. Il faut savoir que cette taux d'irrigation est utilisée d'une part pour irriguer des cultures destinées à l'alimentation humaine, donc à peu près 44% des volumes d'irrigation, et d'autre part pour des cultures destinées à alimenter les animaux, donc environ 39% des volumes d'irrigation. Alors, il faut savoir aussi que l'irrigation a une particularité par rapport aux autres prélèvements, c'est que l'irrigation, elle prélève pendant 3-4 mois de l'année, qui sont les mois les plus chauds, c'est-à-dire quand les niveaux d'eau sautent au plus bas dans les milieux.

  • Speaker #1

    Comme mon récupérateur. J'ai l'impression qu'avec tout ce que nous venons de voir, nous, entre parenthèses, nous, humains, sommes assez mauvais gestionnaires d'une ressource naturelle qui nous est vitale. À quoi doit-on s'attendre dans les années à venir ? Est-ce qu'on peut s'améliorer ? Comment peut-on s'améliorer ?

  • Speaker #2

    Il faut s'attendre à des tensions croissantes dans certains territoires et à certaines périodes de l'année. Il faudra donc anticiper ces tensions en ayant une meilleure connaissance de la ressource. C'est ce à quoi s'attèle le projet de recherche Explore 2, conduit par l'INRAE et l'Office international de l'eau. Ensuite, il faut anticiper les usages futurs de l'eau en établissant des scénarios prospectifs. et nous rendrons un rapport en ce sens, sur lequel nous travaillons actuellement, au deuxième semestre 2024. Enfin, collectivement, il faudra que l'on se mette d'accord sur les quantités d'eau prélevées, sur leur répartition et sur la finalité de l'usage de cette eau.

  • Speaker #1

    Bon, on a du pain sur la planche. Merci beaucoup Hélène Arambourou et Simon Ferrière pour cette note d'analyse éclairante sur ce gros nuage qui plane au-dessus de nos têtes concernant notre manière d'appréhender nos ressources en eau. Le titre de la note d'analyse, je le rappelle, prélèvement et consommation d'eau, quels enjeux et usages ? On retrouve cette note sur le site de France Stratégie, évidemment. Enfin, n'hésitez pas à vous abonner au podcast Perspective sur votre plateforme préférée pour retrouver tous les épisodes passés et à venir. À bientôt !

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