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Gueules cachées

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25min |07/02/2025|

247

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Description

Danièle croit. La foi est sa respiration. Sa bipolarité s’entrelace avec une spiritualité de combat et d'abandon. Elle offre, avec pudeur et sincérité, le récit d'une quête.

Mon site


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Je pense que je serais morte depuis longtemps si le Seigneur n'avait pas été là.

  • Speaker #1

    Gueule cachée, ce sont des personnes qui racontent ce qui ne se voit pas et qu'on ne veut pas toujours entendre. Cet épisode s'intéresse à la place de la foire dans le récit de vie. Je rencontre Daniel chez elle, autour d'un thé. Et je lui demande comment elle va aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Je suis allée au terme de mon histoire. J'ai l'impression d'être enfin à ma place. Et j'ai mis plus de 40 ans à la trouver. J'étais atteinte d'une psychose maniaco-dépressive, c'était le terme qu'on employait à l'époque. De type 2, versant dépressif. J'ai fait des tentatives de suicide à répétition pendant 30 ans.

  • Speaker #1

    On va parler rapidement du volet médical. Comment a été et quand a été posé le diagnostic ?

  • Speaker #0

    La première tentative de suicide, je l'ai eue à 18 ans. Le diagnostic n'a été posé que... Lorsque j'ai eu 36 ans. Donc la maladie a progressé sans que je m'en aperçoive et sans que mon entourage s'en aperçoive. J'étais aussi embarquée dans une histoire familiale très complexe, puisque j'ai découvert à l'âge de 12 ans que mes parents se sont séparés parce que mon père était homosexuel. Donc cette histoire-là... à masquer la maladie parce qu'on a pensé que j'étais perturbée par cette découverte. Et ça suffisait pour tout le monde.

  • Speaker #1

    Et donc il a fallu quand même encore 15 ans. Chaotique, on imagine. Qu'est-ce que tu as vécu en parallèle du point de vue de ta foi, justement ? Est-ce qu'à 18 ans, tu es croyante ?

  • Speaker #0

    Non, non, non. J'avais perdu la foi vers 15 ans. Et puis, j'ai eu une conversion assez fulgurante. Je dis tout le temps un peu à la Charles de Foucault ou à la Claudel. Je venais de vivre une histoire... de relations assez catastrophiques, et je errais du côté de Montmartre, et je suis rentrée à la basilique du Sacré-Cœur, et là, une douche, devant la statue du Christ du Sacré-Cœur, je comprends que je suis en train de retrouver la foi de mon enfance, et j'étais une petite fille très... très attachée au Seigneur quand j'étais enfant. Et là, tout d'un coup, je me disais, ah oui, je suis allée du côté du bouddhisme, j'ai fait du zen, j'ai cherché, j'ai même fait de la macrobiotique en cherchant le sens de ma vie. Et là, tout d'un coup, je posais mes valises et je comprenais que j'avais trouvé enfin, et c'était le Christ. Et là, j'avais 25 ans. Tout est devenu clair et je ne voulais qu'une chose, c'était appartenir au Christ totalement. Je voulais vivre dans un monastère. A l'époque, c'était le Carmel, mais j'étais quelqu'un d'assez fragile et donc on me disait toujours, on va attendre. Et puis j'ai cherché un lieu pour m'ancrer. Pendant un an, j'ai fait toutes les églises de Paris, jusqu'au jour où j'ai découvert une communauté de jeunes dans une église dans la rue Saint-Denis, qui s'appelle Saint-Leu-Saint-Gilles. Et là, pendant dix ans, j'ai été formée par des Dominicaines. qui s'était installée dans cette église. Et je cherchais toujours le lieu de ma vie religieuse. Et ça ne venait pas. Ça n'aboutissait pas. J'étais persuadée que je voulais tout donner et autour de moi, on me disait non, tu es trop fragile, tu ne vas pas tenir dans la vie religieuse. Et là où vraiment l'erreur s'est déclarée, c'est qu'on a pensé que le mariage, pour moi, était plus facile à vivre que la vie religieuse. Et c'est là où tout a été faussé. C'est que le mariage, pour moi, était beaucoup trop difficile. à vivre. Et je pense que j'aurais été plus équilibrée dans une communauté monastique.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'à cette époque, on peut dire que tu as été mal conseillée, mal accompagnée ?

  • Speaker #0

    Complètement. Je n'ai pas été dirigée vers un service d'évocation. On a pensé à ma place et on m'a proposé de faire une psychanalyse. pour me réconcilier avec l'idée du mariage. Parce que tout le monde était persuadé que l'histoire de mon père avait biaisé la situation. Ma vie confirmera qu'on s'est trompé à ce moment-là. Et que lorsque je me suis mariée, je n'étais pas libre. Je manquais de maturité spirituelle. Et voilà. En fait, je relis les événements. à la lumière de ce que je suis devenue. Et je pense que j'ai mis 40 ans à comprendre. Et c'est parce que je suis arrivée au terme de mon cheminement spirituel qu'aujourd'hui je peux dire qu'on s'est trompé à tel moment et à tel moment.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'à ce moment-là, ta vie spirituelle a déjà une importance considérable puisque la conversion est passée par là, cette conversion ? à Montmartre. Qu'est-ce qu'on peut dire, justement, de l'intrication de ta vie spirituelle et de ta maladie, des moments de dépression ? Qu'est-ce qui se passe, là ?

  • Speaker #0

    Je pense que le fait qu'on ne veuille pas que j'aille dans le sens de mon appel a majoré la maladie.

  • Speaker #1

    On parle, à ce moment-là, tu l'as dit, de troubles maniaco-dépressifs. Aujourd'hui, on parlerait de bipolarité. Comment est-ce que ça se manifeste concrètement ?

  • Speaker #0

    Alors la première grave manifestation de la maladie s'est passée au terme de dix ans de quête. J'ai fait une décompensation. J'ai perdu le contact avec le réel pendant trois jours. C'était au moment de Pâques. On a commencé vraiment à... Là, je me suis dit, il y a un problème. Et je pense que je souffrais terriblement du fait qu'on m'ait demandé de faire une psychanalyse, déjà, et du fait qu'on me refusait la vocation à laquelle je me sentais appelée. Donc j'ai fait cette décompensation. Et à ce moment-là, je me suis dit, bon, visiblement, maintenant, je ne peux pas rentrer dans un monastère. Donc j'accepte l'idée de me marier. Et j'ai rencontré mon mari un mois après avoir pris cette décision.

  • Speaker #1

    Tu rencontres ton mari et puis sans doute que tu rentres aussi dans un parcours de soins.

  • Speaker #0

    Pas tout de suite, mais deux ans après mon mariage, je faisais des dépressions à répétition. Donc j'ai rencontré un psychiatre pour la première fois. Et le psychiatre, très vite, me dit « mais vous avez une psychose, c'est évident » . Et là, j'ai commencé un traitement, c'est-à-dire que j'ai demandé qu'on attende que j'ai un enfant avant de commencer le traitement. Déjà, j'avais fait des études de psychologie, donc quand on m'a annoncé que j'avais une psychose, ça a eu une résonance quand même très forte en moi, et je me suis dit « mais non, ce n'est pas possible, que ça m'arrive à moi » . Et donc je voulais quand même avoir un enfant. Donc on a attendu deux ans. Je suis tombée enceinte d'Éloïse, ma fille aînée. Et je pensais que c'était terminé, que j'allais prendre un traitement à vie et que je n'aurais pas d'autre enfant. Et puis, cerise sur le gâteau, Salomé est arrivé. Donc j'ai attendu quatre ans. avant de commencer un traitement spécifique à base de lithium. Mais comme c'était très difficile pour moi de répondre à cette vocation du mariage, très vite les conflits ont été tellement douloureux pour moi que j'ai commencé à faire des tentatives de suicide.

  • Speaker #1

    Ta foi à ce moment-là, Daniela ?

  • Speaker #0

    Alors j'ai continué de vivre comme une religieuse au sein de mon mariage. Et mon mari l'a très vite compris, puisque... Au bout de quelques années, on a arrêté d'avoir des relations conjugales. Il a bien compris que quelque chose n'allait pas.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, Daniel, tu es en très bon terme avec le papa de tes filles. Vous n'avez pas divorcé, vous êtes resté proche en fait.

  • Speaker #0

    Oui, et lorsqu'en 2016, mes enfants étaient devenus indépendants, le Seigneur m'a rappelé en me proposant de devenir oblate. Bénédictine, et là, pour moi, ça a été, ah, il ne m'a pas oublié. Je l'ai vraiment vécu comme une consécration. Je me suis dit que vraiment, j'étais faite pour ça. Et j'ai demandé à vivre au monastère de Venves, là où j'ai reçu l'appel. Et on m'a accueillie pendant un an. Et j'ai enfin découvert le bonheur, j'ai enfin découvert l'équilibre, l'épanouissement, la joie, la joie, tout était là. Et je me suis dit, quel gâchis, parce que j'ai fait beaucoup souffrir mon mari à cause de mes hospitalisations régulières. Je partais trois mois, je revenais, je refaisais une tentative de suicide. Lui, il était maladroit, mais bon, mes réactions étaient disproportionnées par rapport aux conflits qu'on rencontrait. Et là, lui a compris qu'il fallait qu'il me laisse partir. Et ensemble, on a pris la décision de se séparer. Et voilà, je suis venue m'installer à Strasbourg, où j'avais... ma famille, et depuis 4 ans, je vais très bien. Ma dernière hospitalisation date de 2019. Au sein de cette hospitalisation, j'ai demandé le sacrement des malades, j'ai osé demander la guérison de ma maladie, et effectivement, depuis 2019, je ne suis plus jamais retombée malade. Mais aussi parce que je vis enfin... Ma vocation, qui est la prière, je me suis rapprochée de la communauté des Fraternités de Jérusalem.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui t'a menée là, puisque initialement tu es au Blatt-Bénédictine ? Qu'est-ce qui t'amène à cette paroisse Saint-Jean, où sont la communauté de Jérusalem ?

  • Speaker #0

    C'est le Seigneur. Alors, lorsque j'ai décidé avec mon mari que je... Je m'installais à Strasbourg. J'ai dit, Seigneur, si c'est vraiment là que tu m'attends, parce que c'était quand même assez étonnant que je sois à 500 kilomètres de mon mari, j'ai demandé au Seigneur une confirmation. Je voulais que ça soit simple et rapide. J'ai trouvé mon appartement en dix jours. Je signe le contrat et je sors de chez ma sœur qui m'hébergeait à l'époque. Et je découvre une immense église que je n'avais jamais vue alors que je venais régulièrement en vacances à Strasbourg. Je rentre dans cette église et je découvre que c'est la Fraternité monastique de Jérusalem. Donc voilà,

  • Speaker #1

    j'avais le lieu pour m'ancrer dans la prière et également aussi je crois pour développer une fibre artistique. qui est très forte chez toi, une fibre artistique, dans un atelier d'écriture d'icônes.

  • Speaker #0

    Exactement, oui.

  • Speaker #1

    Quelque chose, une sorte de confirmation assez complète finalement.

  • Speaker #0

    Pourquoi c'est très important de comprendre que le Seigneur m'attendait dans cette communauté-là ? C'est que j'ai très vite décidé de m'engager en tant que laïque. auprès de la fraternité évangélique de Jérusalem, qui est un peu le pendant de l'oblature.

  • Speaker #1

    Daniel, avant d'aller plus loin... Peux-tu nous expliquer brièvement ce que ça veut dire l'oblature en fait ? À quoi tu t'es engagée ? Est-ce que tu as prononcé des voeux ?

  • Speaker #0

    Oui, on fait profession d'oblature dans un monastère. Et moi j'ai reçu l'appel dans le prioret Sainte-Bathilde à Venves. Et donc on vit sous la règle de Saint-Benoît. C'est la spécificité de cette vocation-là. On est dans le monde, mais on est aussi dans le monastère, puisque la règle de Saint-Benoît nous demande de vivre les offices, autant que faire se peut, et moi je les ai vécues à fond. Et c'est ça, la spécificité, c'est de vivre autant que possible. la vie monastique dans le monde.

  • Speaker #1

    Effectivement, ça résonne très fort avec la vocation des frères et sœurs de Jérusalem, un monastère dans la ville. Ce lien t'est apparu tout de suite ?

  • Speaker #0

    Oui, tout de suite j'ai compris que j'avais quelque chose à vivre avec eux. Et l'intuition du père Delphieux me paraissait tellement proche de ce que je voulais vivre. Donc j'ai commencé à vivre les offices. avec les frères et sœurs. Et à cette fameuse retraite qui avait lieu en Sologne, à Magdala, j'ai reçu un autre appel qui était de vivre la solitude dans la ville pour ne vaquer qu'à la prière. Et donc cet appel à la vie hérémétique. Je me souviens, le Seigneur m'avait fait comprendre que cette vocation monastique à laquelle je tenais tant, il me donnait désormais de la vivre hors des limites institutionnelles, mais pas hors de l'Église. Ça, ça a été l'appel fondateur. Non pas à plus de solitude, mais à plus d'amour, donc à plus de solitude.

  • Speaker #1

    Cette demande vocationnelle, on a envie de dire, comment est-ce que tu l'as confirmée ?

  • Speaker #0

    Alors, je suis accompagnée depuis 2014 par Mgr Soubrier, un ancien évêque de Nantes, qui fait partie des Saint-Sulpiciens, et qui a confirmé que j'avais vraiment cet appel-là. Je suis allée faire une retraite. de Saint Ignace, confirmation. Je suis actuellement accompagnée par Mariette Canevé, qui est une théologienne, confirmation. Et puis je vois bien que ma vie s'est concentrée autour de cette vocation et que je suis de plus en plus épanouie dans cette solitude-là. Que le Seigneur... Il m'a proposé également d'écrire des méditations autour de la parole de Dieu. Donc tout est en place.

  • Speaker #1

    Alors au début de ta vie d'adulte, tu nous as partagé ce désir déjà de vie monastique qui a été en quelque sorte un peu sapé par cette maladie qui était très présente, notamment par une fragilité, des dépressions, etc. Et tu as beaucoup entendu que cette maladie prenait trop de place pour que tu choisisses cette vocation. Est-ce que, d'une certaine façon, au moment de cet appel, de cette révélation d'une vocation, on ne t'a pas aussi renvoyé des questionnements sur, après tout, est-ce que ce n'est pas une allure ? Est-ce que ce n'est pas un délire mystique ?

  • Speaker #0

    Alors, le fait que je sois partie de Paris... pour être à Strasbourg fait que j'ai peu de liens avec les personnes que je rencontre. Très vite, je me suis sentie appelée à garder tout ça pour moi. Et je pense que, oui, certainement, dans ma famille, le peu de gens qui me connaissent ont pu penser que... Je délirais, mais moi, je sais que non. Je vois tellement que je suis dans la paix, que ma vie est ordonnée, que je vis ma vocation de bénédictine complètement, que je suis en pleine santé, que je rayonne la joie. Tout ça fait que, peu importe ce qu'on pense de moi, moi je continue mon chemin. Et la maladie, elle est derrière moi, parce que je pense qu'il n'y a pas de raison que je retombe malade, puisque je suis là où je dois être. C'est pour ça que rétrospectivement je me dis, si on m'avait laissé vivre ma vocation, est-ce que la maladie se serait développée dans ce sens-là ?

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que tu dirais de l'entre-là ? entre la maladie et ta foi, aujourd'hui, de là où tu es, qu'est-ce qui a nourri l'un, qu'est-ce qui a pesé ?

  • Speaker #0

    Je pense que ma foi était là, ça a été un processus surnaturel de guérison. Parce que plus j'ai vieilli dans ma foi, plus elle s'est développée, plus j'ai vécu ce pourquoi. profondément je me sentais appelée, puisque j'ai continué de vivre comme une religieuse, malgré tout, j'en suis arrivée à guérir de cette maladie. Et quand j'ai été hospitalisée, parce que j'ai vraiment été hospitalisée au moins tous les ans, tous les deux ans, j'ai calculé que j'ai passé deux ans et demi de ma vie. Dans un... Ah oui, bien ! Le lapsus est très révélateur, parce que quand j'étais hospitalisée, j'étais vraiment très heureuse, parce qu'enfin je pouvais être seule à seule avec le Seigneur. J'étais... Mes hospitalisations, c'était des retraites pour moi. J'étais extraite du milieu... conjugale de... de... bon j'étais professeur des écoles donc j'avais un métier très très très prenant. Et tout d'un coup, grâce à la maladie, on me mettait dans une chambre et j'étais totalement heureuse. Malgré le fait d'être dans un hôpital psychiatrique. Donc c'était paradoxal. Mais je soufflais enfin.

  • Speaker #1

    Un mot, Danielle, pour finir justement sur le regard que tu poses aujourd'hui sur cet itinéraire de foi et de souffrance.

  • Speaker #0

    Je pense que le témoignage que le Seigneur m'a voulu me permettre d'apporter à mon entourage, c'est qu'il est plus fort que la maladie, plus fort que la mort, parce que mes tentatives de suicide, ça a été chaque fois son intervention. qui m'a ramenée à la vie. Et donc, au terme de ma vie, à 65 ans maintenant, je ne vois qu'une chose, c'est qu'il était là, et qu'il m'a sauvée tout le temps, et qu'il a fait de cette maladie une force, puisque aujourd'hui, le fait que j'ai été quelqu'un de très introvertie, à cause de cette maladie, fait que je suis devenue quelqu'un de très introvertie. Et il a transformé la maladie en grâce et il a fait de ma vie le témoignage de sa puissance de guérison. C'est vraiment le salut. Et aujourd'hui, je suis le fruit de ce combat spirituel qu'il a mené pour me sortir de l'enfer et me placer au... cœur de ma vocation, enfin, et faire de moi quelqu'un de solide, épanoui, et porteuse de joie, et voilà. Et cette vocation, c'est aujourd'hui de prier au cœur de la ville, et cette prière-là, c'est la vie hérémétique au cœur de la ville, et c'est le chemin. qui m'est ouvert maintenant.

  • Speaker #2

    Sous-titrage Société Radio

  • Speaker #1

    laetitiaforgeaudark.com

Description

Danièle croit. La foi est sa respiration. Sa bipolarité s’entrelace avec une spiritualité de combat et d'abandon. Elle offre, avec pudeur et sincérité, le récit d'une quête.

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Transcription

  • Speaker #0

    Je pense que je serais morte depuis longtemps si le Seigneur n'avait pas été là.

  • Speaker #1

    Gueule cachée, ce sont des personnes qui racontent ce qui ne se voit pas et qu'on ne veut pas toujours entendre. Cet épisode s'intéresse à la place de la foire dans le récit de vie. Je rencontre Daniel chez elle, autour d'un thé. Et je lui demande comment elle va aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Je suis allée au terme de mon histoire. J'ai l'impression d'être enfin à ma place. Et j'ai mis plus de 40 ans à la trouver. J'étais atteinte d'une psychose maniaco-dépressive, c'était le terme qu'on employait à l'époque. De type 2, versant dépressif. J'ai fait des tentatives de suicide à répétition pendant 30 ans.

  • Speaker #1

    On va parler rapidement du volet médical. Comment a été et quand a été posé le diagnostic ?

  • Speaker #0

    La première tentative de suicide, je l'ai eue à 18 ans. Le diagnostic n'a été posé que... Lorsque j'ai eu 36 ans. Donc la maladie a progressé sans que je m'en aperçoive et sans que mon entourage s'en aperçoive. J'étais aussi embarquée dans une histoire familiale très complexe, puisque j'ai découvert à l'âge de 12 ans que mes parents se sont séparés parce que mon père était homosexuel. Donc cette histoire-là... à masquer la maladie parce qu'on a pensé que j'étais perturbée par cette découverte. Et ça suffisait pour tout le monde.

  • Speaker #1

    Et donc il a fallu quand même encore 15 ans. Chaotique, on imagine. Qu'est-ce que tu as vécu en parallèle du point de vue de ta foi, justement ? Est-ce qu'à 18 ans, tu es croyante ?

  • Speaker #0

    Non, non, non. J'avais perdu la foi vers 15 ans. Et puis, j'ai eu une conversion assez fulgurante. Je dis tout le temps un peu à la Charles de Foucault ou à la Claudel. Je venais de vivre une histoire... de relations assez catastrophiques, et je errais du côté de Montmartre, et je suis rentrée à la basilique du Sacré-Cœur, et là, une douche, devant la statue du Christ du Sacré-Cœur, je comprends que je suis en train de retrouver la foi de mon enfance, et j'étais une petite fille très... très attachée au Seigneur quand j'étais enfant. Et là, tout d'un coup, je me disais, ah oui, je suis allée du côté du bouddhisme, j'ai fait du zen, j'ai cherché, j'ai même fait de la macrobiotique en cherchant le sens de ma vie. Et là, tout d'un coup, je posais mes valises et je comprenais que j'avais trouvé enfin, et c'était le Christ. Et là, j'avais 25 ans. Tout est devenu clair et je ne voulais qu'une chose, c'était appartenir au Christ totalement. Je voulais vivre dans un monastère. A l'époque, c'était le Carmel, mais j'étais quelqu'un d'assez fragile et donc on me disait toujours, on va attendre. Et puis j'ai cherché un lieu pour m'ancrer. Pendant un an, j'ai fait toutes les églises de Paris, jusqu'au jour où j'ai découvert une communauté de jeunes dans une église dans la rue Saint-Denis, qui s'appelle Saint-Leu-Saint-Gilles. Et là, pendant dix ans, j'ai été formée par des Dominicaines. qui s'était installée dans cette église. Et je cherchais toujours le lieu de ma vie religieuse. Et ça ne venait pas. Ça n'aboutissait pas. J'étais persuadée que je voulais tout donner et autour de moi, on me disait non, tu es trop fragile, tu ne vas pas tenir dans la vie religieuse. Et là où vraiment l'erreur s'est déclarée, c'est qu'on a pensé que le mariage, pour moi, était plus facile à vivre que la vie religieuse. Et c'est là où tout a été faussé. C'est que le mariage, pour moi, était beaucoup trop difficile. à vivre. Et je pense que j'aurais été plus équilibrée dans une communauté monastique.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'à cette époque, on peut dire que tu as été mal conseillée, mal accompagnée ?

  • Speaker #0

    Complètement. Je n'ai pas été dirigée vers un service d'évocation. On a pensé à ma place et on m'a proposé de faire une psychanalyse. pour me réconcilier avec l'idée du mariage. Parce que tout le monde était persuadé que l'histoire de mon père avait biaisé la situation. Ma vie confirmera qu'on s'est trompé à ce moment-là. Et que lorsque je me suis mariée, je n'étais pas libre. Je manquais de maturité spirituelle. Et voilà. En fait, je relis les événements. à la lumière de ce que je suis devenue. Et je pense que j'ai mis 40 ans à comprendre. Et c'est parce que je suis arrivée au terme de mon cheminement spirituel qu'aujourd'hui je peux dire qu'on s'est trompé à tel moment et à tel moment.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'à ce moment-là, ta vie spirituelle a déjà une importance considérable puisque la conversion est passée par là, cette conversion ? à Montmartre. Qu'est-ce qu'on peut dire, justement, de l'intrication de ta vie spirituelle et de ta maladie, des moments de dépression ? Qu'est-ce qui se passe, là ?

  • Speaker #0

    Je pense que le fait qu'on ne veuille pas que j'aille dans le sens de mon appel a majoré la maladie.

  • Speaker #1

    On parle, à ce moment-là, tu l'as dit, de troubles maniaco-dépressifs. Aujourd'hui, on parlerait de bipolarité. Comment est-ce que ça se manifeste concrètement ?

  • Speaker #0

    Alors la première grave manifestation de la maladie s'est passée au terme de dix ans de quête. J'ai fait une décompensation. J'ai perdu le contact avec le réel pendant trois jours. C'était au moment de Pâques. On a commencé vraiment à... Là, je me suis dit, il y a un problème. Et je pense que je souffrais terriblement du fait qu'on m'ait demandé de faire une psychanalyse, déjà, et du fait qu'on me refusait la vocation à laquelle je me sentais appelée. Donc j'ai fait cette décompensation. Et à ce moment-là, je me suis dit, bon, visiblement, maintenant, je ne peux pas rentrer dans un monastère. Donc j'accepte l'idée de me marier. Et j'ai rencontré mon mari un mois après avoir pris cette décision.

  • Speaker #1

    Tu rencontres ton mari et puis sans doute que tu rentres aussi dans un parcours de soins.

  • Speaker #0

    Pas tout de suite, mais deux ans après mon mariage, je faisais des dépressions à répétition. Donc j'ai rencontré un psychiatre pour la première fois. Et le psychiatre, très vite, me dit « mais vous avez une psychose, c'est évident » . Et là, j'ai commencé un traitement, c'est-à-dire que j'ai demandé qu'on attende que j'ai un enfant avant de commencer le traitement. Déjà, j'avais fait des études de psychologie, donc quand on m'a annoncé que j'avais une psychose, ça a eu une résonance quand même très forte en moi, et je me suis dit « mais non, ce n'est pas possible, que ça m'arrive à moi » . Et donc je voulais quand même avoir un enfant. Donc on a attendu deux ans. Je suis tombée enceinte d'Éloïse, ma fille aînée. Et je pensais que c'était terminé, que j'allais prendre un traitement à vie et que je n'aurais pas d'autre enfant. Et puis, cerise sur le gâteau, Salomé est arrivé. Donc j'ai attendu quatre ans. avant de commencer un traitement spécifique à base de lithium. Mais comme c'était très difficile pour moi de répondre à cette vocation du mariage, très vite les conflits ont été tellement douloureux pour moi que j'ai commencé à faire des tentatives de suicide.

  • Speaker #1

    Ta foi à ce moment-là, Daniela ?

  • Speaker #0

    Alors j'ai continué de vivre comme une religieuse au sein de mon mariage. Et mon mari l'a très vite compris, puisque... Au bout de quelques années, on a arrêté d'avoir des relations conjugales. Il a bien compris que quelque chose n'allait pas.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, Daniel, tu es en très bon terme avec le papa de tes filles. Vous n'avez pas divorcé, vous êtes resté proche en fait.

  • Speaker #0

    Oui, et lorsqu'en 2016, mes enfants étaient devenus indépendants, le Seigneur m'a rappelé en me proposant de devenir oblate. Bénédictine, et là, pour moi, ça a été, ah, il ne m'a pas oublié. Je l'ai vraiment vécu comme une consécration. Je me suis dit que vraiment, j'étais faite pour ça. Et j'ai demandé à vivre au monastère de Venves, là où j'ai reçu l'appel. Et on m'a accueillie pendant un an. Et j'ai enfin découvert le bonheur, j'ai enfin découvert l'équilibre, l'épanouissement, la joie, la joie, tout était là. Et je me suis dit, quel gâchis, parce que j'ai fait beaucoup souffrir mon mari à cause de mes hospitalisations régulières. Je partais trois mois, je revenais, je refaisais une tentative de suicide. Lui, il était maladroit, mais bon, mes réactions étaient disproportionnées par rapport aux conflits qu'on rencontrait. Et là, lui a compris qu'il fallait qu'il me laisse partir. Et ensemble, on a pris la décision de se séparer. Et voilà, je suis venue m'installer à Strasbourg, où j'avais... ma famille, et depuis 4 ans, je vais très bien. Ma dernière hospitalisation date de 2019. Au sein de cette hospitalisation, j'ai demandé le sacrement des malades, j'ai osé demander la guérison de ma maladie, et effectivement, depuis 2019, je ne suis plus jamais retombée malade. Mais aussi parce que je vis enfin... Ma vocation, qui est la prière, je me suis rapprochée de la communauté des Fraternités de Jérusalem.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui t'a menée là, puisque initialement tu es au Blatt-Bénédictine ? Qu'est-ce qui t'amène à cette paroisse Saint-Jean, où sont la communauté de Jérusalem ?

  • Speaker #0

    C'est le Seigneur. Alors, lorsque j'ai décidé avec mon mari que je... Je m'installais à Strasbourg. J'ai dit, Seigneur, si c'est vraiment là que tu m'attends, parce que c'était quand même assez étonnant que je sois à 500 kilomètres de mon mari, j'ai demandé au Seigneur une confirmation. Je voulais que ça soit simple et rapide. J'ai trouvé mon appartement en dix jours. Je signe le contrat et je sors de chez ma sœur qui m'hébergeait à l'époque. Et je découvre une immense église que je n'avais jamais vue alors que je venais régulièrement en vacances à Strasbourg. Je rentre dans cette église et je découvre que c'est la Fraternité monastique de Jérusalem. Donc voilà,

  • Speaker #1

    j'avais le lieu pour m'ancrer dans la prière et également aussi je crois pour développer une fibre artistique. qui est très forte chez toi, une fibre artistique, dans un atelier d'écriture d'icônes.

  • Speaker #0

    Exactement, oui.

  • Speaker #1

    Quelque chose, une sorte de confirmation assez complète finalement.

  • Speaker #0

    Pourquoi c'est très important de comprendre que le Seigneur m'attendait dans cette communauté-là ? C'est que j'ai très vite décidé de m'engager en tant que laïque. auprès de la fraternité évangélique de Jérusalem, qui est un peu le pendant de l'oblature.

  • Speaker #1

    Daniel, avant d'aller plus loin... Peux-tu nous expliquer brièvement ce que ça veut dire l'oblature en fait ? À quoi tu t'es engagée ? Est-ce que tu as prononcé des voeux ?

  • Speaker #0

    Oui, on fait profession d'oblature dans un monastère. Et moi j'ai reçu l'appel dans le prioret Sainte-Bathilde à Venves. Et donc on vit sous la règle de Saint-Benoît. C'est la spécificité de cette vocation-là. On est dans le monde, mais on est aussi dans le monastère, puisque la règle de Saint-Benoît nous demande de vivre les offices, autant que faire se peut, et moi je les ai vécues à fond. Et c'est ça, la spécificité, c'est de vivre autant que possible. la vie monastique dans le monde.

  • Speaker #1

    Effectivement, ça résonne très fort avec la vocation des frères et sœurs de Jérusalem, un monastère dans la ville. Ce lien t'est apparu tout de suite ?

  • Speaker #0

    Oui, tout de suite j'ai compris que j'avais quelque chose à vivre avec eux. Et l'intuition du père Delphieux me paraissait tellement proche de ce que je voulais vivre. Donc j'ai commencé à vivre les offices. avec les frères et sœurs. Et à cette fameuse retraite qui avait lieu en Sologne, à Magdala, j'ai reçu un autre appel qui était de vivre la solitude dans la ville pour ne vaquer qu'à la prière. Et donc cet appel à la vie hérémétique. Je me souviens, le Seigneur m'avait fait comprendre que cette vocation monastique à laquelle je tenais tant, il me donnait désormais de la vivre hors des limites institutionnelles, mais pas hors de l'Église. Ça, ça a été l'appel fondateur. Non pas à plus de solitude, mais à plus d'amour, donc à plus de solitude.

  • Speaker #1

    Cette demande vocationnelle, on a envie de dire, comment est-ce que tu l'as confirmée ?

  • Speaker #0

    Alors, je suis accompagnée depuis 2014 par Mgr Soubrier, un ancien évêque de Nantes, qui fait partie des Saint-Sulpiciens, et qui a confirmé que j'avais vraiment cet appel-là. Je suis allée faire une retraite. de Saint Ignace, confirmation. Je suis actuellement accompagnée par Mariette Canevé, qui est une théologienne, confirmation. Et puis je vois bien que ma vie s'est concentrée autour de cette vocation et que je suis de plus en plus épanouie dans cette solitude-là. Que le Seigneur... Il m'a proposé également d'écrire des méditations autour de la parole de Dieu. Donc tout est en place.

  • Speaker #1

    Alors au début de ta vie d'adulte, tu nous as partagé ce désir déjà de vie monastique qui a été en quelque sorte un peu sapé par cette maladie qui était très présente, notamment par une fragilité, des dépressions, etc. Et tu as beaucoup entendu que cette maladie prenait trop de place pour que tu choisisses cette vocation. Est-ce que, d'une certaine façon, au moment de cet appel, de cette révélation d'une vocation, on ne t'a pas aussi renvoyé des questionnements sur, après tout, est-ce que ce n'est pas une allure ? Est-ce que ce n'est pas un délire mystique ?

  • Speaker #0

    Alors, le fait que je sois partie de Paris... pour être à Strasbourg fait que j'ai peu de liens avec les personnes que je rencontre. Très vite, je me suis sentie appelée à garder tout ça pour moi. Et je pense que, oui, certainement, dans ma famille, le peu de gens qui me connaissent ont pu penser que... Je délirais, mais moi, je sais que non. Je vois tellement que je suis dans la paix, que ma vie est ordonnée, que je vis ma vocation de bénédictine complètement, que je suis en pleine santé, que je rayonne la joie. Tout ça fait que, peu importe ce qu'on pense de moi, moi je continue mon chemin. Et la maladie, elle est derrière moi, parce que je pense qu'il n'y a pas de raison que je retombe malade, puisque je suis là où je dois être. C'est pour ça que rétrospectivement je me dis, si on m'avait laissé vivre ma vocation, est-ce que la maladie se serait développée dans ce sens-là ?

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que tu dirais de l'entre-là ? entre la maladie et ta foi, aujourd'hui, de là où tu es, qu'est-ce qui a nourri l'un, qu'est-ce qui a pesé ?

  • Speaker #0

    Je pense que ma foi était là, ça a été un processus surnaturel de guérison. Parce que plus j'ai vieilli dans ma foi, plus elle s'est développée, plus j'ai vécu ce pourquoi. profondément je me sentais appelée, puisque j'ai continué de vivre comme une religieuse, malgré tout, j'en suis arrivée à guérir de cette maladie. Et quand j'ai été hospitalisée, parce que j'ai vraiment été hospitalisée au moins tous les ans, tous les deux ans, j'ai calculé que j'ai passé deux ans et demi de ma vie. Dans un... Ah oui, bien ! Le lapsus est très révélateur, parce que quand j'étais hospitalisée, j'étais vraiment très heureuse, parce qu'enfin je pouvais être seule à seule avec le Seigneur. J'étais... Mes hospitalisations, c'était des retraites pour moi. J'étais extraite du milieu... conjugale de... de... bon j'étais professeur des écoles donc j'avais un métier très très très prenant. Et tout d'un coup, grâce à la maladie, on me mettait dans une chambre et j'étais totalement heureuse. Malgré le fait d'être dans un hôpital psychiatrique. Donc c'était paradoxal. Mais je soufflais enfin.

  • Speaker #1

    Un mot, Danielle, pour finir justement sur le regard que tu poses aujourd'hui sur cet itinéraire de foi et de souffrance.

  • Speaker #0

    Je pense que le témoignage que le Seigneur m'a voulu me permettre d'apporter à mon entourage, c'est qu'il est plus fort que la maladie, plus fort que la mort, parce que mes tentatives de suicide, ça a été chaque fois son intervention. qui m'a ramenée à la vie. Et donc, au terme de ma vie, à 65 ans maintenant, je ne vois qu'une chose, c'est qu'il était là, et qu'il m'a sauvée tout le temps, et qu'il a fait de cette maladie une force, puisque aujourd'hui, le fait que j'ai été quelqu'un de très introvertie, à cause de cette maladie, fait que je suis devenue quelqu'un de très introvertie. Et il a transformé la maladie en grâce et il a fait de ma vie le témoignage de sa puissance de guérison. C'est vraiment le salut. Et aujourd'hui, je suis le fruit de ce combat spirituel qu'il a mené pour me sortir de l'enfer et me placer au... cœur de ma vocation, enfin, et faire de moi quelqu'un de solide, épanoui, et porteuse de joie, et voilà. Et cette vocation, c'est aujourd'hui de prier au cœur de la ville, et cette prière-là, c'est la vie hérémétique au cœur de la ville, et c'est le chemin. qui m'est ouvert maintenant.

  • Speaker #2

    Sous-titrage Société Radio

  • Speaker #1

    laetitiaforgeaudark.com

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Danièle croit. La foi est sa respiration. Sa bipolarité s’entrelace avec une spiritualité de combat et d'abandon. Elle offre, avec pudeur et sincérité, le récit d'une quête.

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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Je pense que je serais morte depuis longtemps si le Seigneur n'avait pas été là.

  • Speaker #1

    Gueule cachée, ce sont des personnes qui racontent ce qui ne se voit pas et qu'on ne veut pas toujours entendre. Cet épisode s'intéresse à la place de la foire dans le récit de vie. Je rencontre Daniel chez elle, autour d'un thé. Et je lui demande comment elle va aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Je suis allée au terme de mon histoire. J'ai l'impression d'être enfin à ma place. Et j'ai mis plus de 40 ans à la trouver. J'étais atteinte d'une psychose maniaco-dépressive, c'était le terme qu'on employait à l'époque. De type 2, versant dépressif. J'ai fait des tentatives de suicide à répétition pendant 30 ans.

  • Speaker #1

    On va parler rapidement du volet médical. Comment a été et quand a été posé le diagnostic ?

  • Speaker #0

    La première tentative de suicide, je l'ai eue à 18 ans. Le diagnostic n'a été posé que... Lorsque j'ai eu 36 ans. Donc la maladie a progressé sans que je m'en aperçoive et sans que mon entourage s'en aperçoive. J'étais aussi embarquée dans une histoire familiale très complexe, puisque j'ai découvert à l'âge de 12 ans que mes parents se sont séparés parce que mon père était homosexuel. Donc cette histoire-là... à masquer la maladie parce qu'on a pensé que j'étais perturbée par cette découverte. Et ça suffisait pour tout le monde.

  • Speaker #1

    Et donc il a fallu quand même encore 15 ans. Chaotique, on imagine. Qu'est-ce que tu as vécu en parallèle du point de vue de ta foi, justement ? Est-ce qu'à 18 ans, tu es croyante ?

  • Speaker #0

    Non, non, non. J'avais perdu la foi vers 15 ans. Et puis, j'ai eu une conversion assez fulgurante. Je dis tout le temps un peu à la Charles de Foucault ou à la Claudel. Je venais de vivre une histoire... de relations assez catastrophiques, et je errais du côté de Montmartre, et je suis rentrée à la basilique du Sacré-Cœur, et là, une douche, devant la statue du Christ du Sacré-Cœur, je comprends que je suis en train de retrouver la foi de mon enfance, et j'étais une petite fille très... très attachée au Seigneur quand j'étais enfant. Et là, tout d'un coup, je me disais, ah oui, je suis allée du côté du bouddhisme, j'ai fait du zen, j'ai cherché, j'ai même fait de la macrobiotique en cherchant le sens de ma vie. Et là, tout d'un coup, je posais mes valises et je comprenais que j'avais trouvé enfin, et c'était le Christ. Et là, j'avais 25 ans. Tout est devenu clair et je ne voulais qu'une chose, c'était appartenir au Christ totalement. Je voulais vivre dans un monastère. A l'époque, c'était le Carmel, mais j'étais quelqu'un d'assez fragile et donc on me disait toujours, on va attendre. Et puis j'ai cherché un lieu pour m'ancrer. Pendant un an, j'ai fait toutes les églises de Paris, jusqu'au jour où j'ai découvert une communauté de jeunes dans une église dans la rue Saint-Denis, qui s'appelle Saint-Leu-Saint-Gilles. Et là, pendant dix ans, j'ai été formée par des Dominicaines. qui s'était installée dans cette église. Et je cherchais toujours le lieu de ma vie religieuse. Et ça ne venait pas. Ça n'aboutissait pas. J'étais persuadée que je voulais tout donner et autour de moi, on me disait non, tu es trop fragile, tu ne vas pas tenir dans la vie religieuse. Et là où vraiment l'erreur s'est déclarée, c'est qu'on a pensé que le mariage, pour moi, était plus facile à vivre que la vie religieuse. Et c'est là où tout a été faussé. C'est que le mariage, pour moi, était beaucoup trop difficile. à vivre. Et je pense que j'aurais été plus équilibrée dans une communauté monastique.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'à cette époque, on peut dire que tu as été mal conseillée, mal accompagnée ?

  • Speaker #0

    Complètement. Je n'ai pas été dirigée vers un service d'évocation. On a pensé à ma place et on m'a proposé de faire une psychanalyse. pour me réconcilier avec l'idée du mariage. Parce que tout le monde était persuadé que l'histoire de mon père avait biaisé la situation. Ma vie confirmera qu'on s'est trompé à ce moment-là. Et que lorsque je me suis mariée, je n'étais pas libre. Je manquais de maturité spirituelle. Et voilà. En fait, je relis les événements. à la lumière de ce que je suis devenue. Et je pense que j'ai mis 40 ans à comprendre. Et c'est parce que je suis arrivée au terme de mon cheminement spirituel qu'aujourd'hui je peux dire qu'on s'est trompé à tel moment et à tel moment.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'à ce moment-là, ta vie spirituelle a déjà une importance considérable puisque la conversion est passée par là, cette conversion ? à Montmartre. Qu'est-ce qu'on peut dire, justement, de l'intrication de ta vie spirituelle et de ta maladie, des moments de dépression ? Qu'est-ce qui se passe, là ?

  • Speaker #0

    Je pense que le fait qu'on ne veuille pas que j'aille dans le sens de mon appel a majoré la maladie.

  • Speaker #1

    On parle, à ce moment-là, tu l'as dit, de troubles maniaco-dépressifs. Aujourd'hui, on parlerait de bipolarité. Comment est-ce que ça se manifeste concrètement ?

  • Speaker #0

    Alors la première grave manifestation de la maladie s'est passée au terme de dix ans de quête. J'ai fait une décompensation. J'ai perdu le contact avec le réel pendant trois jours. C'était au moment de Pâques. On a commencé vraiment à... Là, je me suis dit, il y a un problème. Et je pense que je souffrais terriblement du fait qu'on m'ait demandé de faire une psychanalyse, déjà, et du fait qu'on me refusait la vocation à laquelle je me sentais appelée. Donc j'ai fait cette décompensation. Et à ce moment-là, je me suis dit, bon, visiblement, maintenant, je ne peux pas rentrer dans un monastère. Donc j'accepte l'idée de me marier. Et j'ai rencontré mon mari un mois après avoir pris cette décision.

  • Speaker #1

    Tu rencontres ton mari et puis sans doute que tu rentres aussi dans un parcours de soins.

  • Speaker #0

    Pas tout de suite, mais deux ans après mon mariage, je faisais des dépressions à répétition. Donc j'ai rencontré un psychiatre pour la première fois. Et le psychiatre, très vite, me dit « mais vous avez une psychose, c'est évident » . Et là, j'ai commencé un traitement, c'est-à-dire que j'ai demandé qu'on attende que j'ai un enfant avant de commencer le traitement. Déjà, j'avais fait des études de psychologie, donc quand on m'a annoncé que j'avais une psychose, ça a eu une résonance quand même très forte en moi, et je me suis dit « mais non, ce n'est pas possible, que ça m'arrive à moi » . Et donc je voulais quand même avoir un enfant. Donc on a attendu deux ans. Je suis tombée enceinte d'Éloïse, ma fille aînée. Et je pensais que c'était terminé, que j'allais prendre un traitement à vie et que je n'aurais pas d'autre enfant. Et puis, cerise sur le gâteau, Salomé est arrivé. Donc j'ai attendu quatre ans. avant de commencer un traitement spécifique à base de lithium. Mais comme c'était très difficile pour moi de répondre à cette vocation du mariage, très vite les conflits ont été tellement douloureux pour moi que j'ai commencé à faire des tentatives de suicide.

  • Speaker #1

    Ta foi à ce moment-là, Daniela ?

  • Speaker #0

    Alors j'ai continué de vivre comme une religieuse au sein de mon mariage. Et mon mari l'a très vite compris, puisque... Au bout de quelques années, on a arrêté d'avoir des relations conjugales. Il a bien compris que quelque chose n'allait pas.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, Daniel, tu es en très bon terme avec le papa de tes filles. Vous n'avez pas divorcé, vous êtes resté proche en fait.

  • Speaker #0

    Oui, et lorsqu'en 2016, mes enfants étaient devenus indépendants, le Seigneur m'a rappelé en me proposant de devenir oblate. Bénédictine, et là, pour moi, ça a été, ah, il ne m'a pas oublié. Je l'ai vraiment vécu comme une consécration. Je me suis dit que vraiment, j'étais faite pour ça. Et j'ai demandé à vivre au monastère de Venves, là où j'ai reçu l'appel. Et on m'a accueillie pendant un an. Et j'ai enfin découvert le bonheur, j'ai enfin découvert l'équilibre, l'épanouissement, la joie, la joie, tout était là. Et je me suis dit, quel gâchis, parce que j'ai fait beaucoup souffrir mon mari à cause de mes hospitalisations régulières. Je partais trois mois, je revenais, je refaisais une tentative de suicide. Lui, il était maladroit, mais bon, mes réactions étaient disproportionnées par rapport aux conflits qu'on rencontrait. Et là, lui a compris qu'il fallait qu'il me laisse partir. Et ensemble, on a pris la décision de se séparer. Et voilà, je suis venue m'installer à Strasbourg, où j'avais... ma famille, et depuis 4 ans, je vais très bien. Ma dernière hospitalisation date de 2019. Au sein de cette hospitalisation, j'ai demandé le sacrement des malades, j'ai osé demander la guérison de ma maladie, et effectivement, depuis 2019, je ne suis plus jamais retombée malade. Mais aussi parce que je vis enfin... Ma vocation, qui est la prière, je me suis rapprochée de la communauté des Fraternités de Jérusalem.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui t'a menée là, puisque initialement tu es au Blatt-Bénédictine ? Qu'est-ce qui t'amène à cette paroisse Saint-Jean, où sont la communauté de Jérusalem ?

  • Speaker #0

    C'est le Seigneur. Alors, lorsque j'ai décidé avec mon mari que je... Je m'installais à Strasbourg. J'ai dit, Seigneur, si c'est vraiment là que tu m'attends, parce que c'était quand même assez étonnant que je sois à 500 kilomètres de mon mari, j'ai demandé au Seigneur une confirmation. Je voulais que ça soit simple et rapide. J'ai trouvé mon appartement en dix jours. Je signe le contrat et je sors de chez ma sœur qui m'hébergeait à l'époque. Et je découvre une immense église que je n'avais jamais vue alors que je venais régulièrement en vacances à Strasbourg. Je rentre dans cette église et je découvre que c'est la Fraternité monastique de Jérusalem. Donc voilà,

  • Speaker #1

    j'avais le lieu pour m'ancrer dans la prière et également aussi je crois pour développer une fibre artistique. qui est très forte chez toi, une fibre artistique, dans un atelier d'écriture d'icônes.

  • Speaker #0

    Exactement, oui.

  • Speaker #1

    Quelque chose, une sorte de confirmation assez complète finalement.

  • Speaker #0

    Pourquoi c'est très important de comprendre que le Seigneur m'attendait dans cette communauté-là ? C'est que j'ai très vite décidé de m'engager en tant que laïque. auprès de la fraternité évangélique de Jérusalem, qui est un peu le pendant de l'oblature.

  • Speaker #1

    Daniel, avant d'aller plus loin... Peux-tu nous expliquer brièvement ce que ça veut dire l'oblature en fait ? À quoi tu t'es engagée ? Est-ce que tu as prononcé des voeux ?

  • Speaker #0

    Oui, on fait profession d'oblature dans un monastère. Et moi j'ai reçu l'appel dans le prioret Sainte-Bathilde à Venves. Et donc on vit sous la règle de Saint-Benoît. C'est la spécificité de cette vocation-là. On est dans le monde, mais on est aussi dans le monastère, puisque la règle de Saint-Benoît nous demande de vivre les offices, autant que faire se peut, et moi je les ai vécues à fond. Et c'est ça, la spécificité, c'est de vivre autant que possible. la vie monastique dans le monde.

  • Speaker #1

    Effectivement, ça résonne très fort avec la vocation des frères et sœurs de Jérusalem, un monastère dans la ville. Ce lien t'est apparu tout de suite ?

  • Speaker #0

    Oui, tout de suite j'ai compris que j'avais quelque chose à vivre avec eux. Et l'intuition du père Delphieux me paraissait tellement proche de ce que je voulais vivre. Donc j'ai commencé à vivre les offices. avec les frères et sœurs. Et à cette fameuse retraite qui avait lieu en Sologne, à Magdala, j'ai reçu un autre appel qui était de vivre la solitude dans la ville pour ne vaquer qu'à la prière. Et donc cet appel à la vie hérémétique. Je me souviens, le Seigneur m'avait fait comprendre que cette vocation monastique à laquelle je tenais tant, il me donnait désormais de la vivre hors des limites institutionnelles, mais pas hors de l'Église. Ça, ça a été l'appel fondateur. Non pas à plus de solitude, mais à plus d'amour, donc à plus de solitude.

  • Speaker #1

    Cette demande vocationnelle, on a envie de dire, comment est-ce que tu l'as confirmée ?

  • Speaker #0

    Alors, je suis accompagnée depuis 2014 par Mgr Soubrier, un ancien évêque de Nantes, qui fait partie des Saint-Sulpiciens, et qui a confirmé que j'avais vraiment cet appel-là. Je suis allée faire une retraite. de Saint Ignace, confirmation. Je suis actuellement accompagnée par Mariette Canevé, qui est une théologienne, confirmation. Et puis je vois bien que ma vie s'est concentrée autour de cette vocation et que je suis de plus en plus épanouie dans cette solitude-là. Que le Seigneur... Il m'a proposé également d'écrire des méditations autour de la parole de Dieu. Donc tout est en place.

  • Speaker #1

    Alors au début de ta vie d'adulte, tu nous as partagé ce désir déjà de vie monastique qui a été en quelque sorte un peu sapé par cette maladie qui était très présente, notamment par une fragilité, des dépressions, etc. Et tu as beaucoup entendu que cette maladie prenait trop de place pour que tu choisisses cette vocation. Est-ce que, d'une certaine façon, au moment de cet appel, de cette révélation d'une vocation, on ne t'a pas aussi renvoyé des questionnements sur, après tout, est-ce que ce n'est pas une allure ? Est-ce que ce n'est pas un délire mystique ?

  • Speaker #0

    Alors, le fait que je sois partie de Paris... pour être à Strasbourg fait que j'ai peu de liens avec les personnes que je rencontre. Très vite, je me suis sentie appelée à garder tout ça pour moi. Et je pense que, oui, certainement, dans ma famille, le peu de gens qui me connaissent ont pu penser que... Je délirais, mais moi, je sais que non. Je vois tellement que je suis dans la paix, que ma vie est ordonnée, que je vis ma vocation de bénédictine complètement, que je suis en pleine santé, que je rayonne la joie. Tout ça fait que, peu importe ce qu'on pense de moi, moi je continue mon chemin. Et la maladie, elle est derrière moi, parce que je pense qu'il n'y a pas de raison que je retombe malade, puisque je suis là où je dois être. C'est pour ça que rétrospectivement je me dis, si on m'avait laissé vivre ma vocation, est-ce que la maladie se serait développée dans ce sens-là ?

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que tu dirais de l'entre-là ? entre la maladie et ta foi, aujourd'hui, de là où tu es, qu'est-ce qui a nourri l'un, qu'est-ce qui a pesé ?

  • Speaker #0

    Je pense que ma foi était là, ça a été un processus surnaturel de guérison. Parce que plus j'ai vieilli dans ma foi, plus elle s'est développée, plus j'ai vécu ce pourquoi. profondément je me sentais appelée, puisque j'ai continué de vivre comme une religieuse, malgré tout, j'en suis arrivée à guérir de cette maladie. Et quand j'ai été hospitalisée, parce que j'ai vraiment été hospitalisée au moins tous les ans, tous les deux ans, j'ai calculé que j'ai passé deux ans et demi de ma vie. Dans un... Ah oui, bien ! Le lapsus est très révélateur, parce que quand j'étais hospitalisée, j'étais vraiment très heureuse, parce qu'enfin je pouvais être seule à seule avec le Seigneur. J'étais... Mes hospitalisations, c'était des retraites pour moi. J'étais extraite du milieu... conjugale de... de... bon j'étais professeur des écoles donc j'avais un métier très très très prenant. Et tout d'un coup, grâce à la maladie, on me mettait dans une chambre et j'étais totalement heureuse. Malgré le fait d'être dans un hôpital psychiatrique. Donc c'était paradoxal. Mais je soufflais enfin.

  • Speaker #1

    Un mot, Danielle, pour finir justement sur le regard que tu poses aujourd'hui sur cet itinéraire de foi et de souffrance.

  • Speaker #0

    Je pense que le témoignage que le Seigneur m'a voulu me permettre d'apporter à mon entourage, c'est qu'il est plus fort que la maladie, plus fort que la mort, parce que mes tentatives de suicide, ça a été chaque fois son intervention. qui m'a ramenée à la vie. Et donc, au terme de ma vie, à 65 ans maintenant, je ne vois qu'une chose, c'est qu'il était là, et qu'il m'a sauvée tout le temps, et qu'il a fait de cette maladie une force, puisque aujourd'hui, le fait que j'ai été quelqu'un de très introvertie, à cause de cette maladie, fait que je suis devenue quelqu'un de très introvertie. Et il a transformé la maladie en grâce et il a fait de ma vie le témoignage de sa puissance de guérison. C'est vraiment le salut. Et aujourd'hui, je suis le fruit de ce combat spirituel qu'il a mené pour me sortir de l'enfer et me placer au... cœur de ma vocation, enfin, et faire de moi quelqu'un de solide, épanoui, et porteuse de joie, et voilà. Et cette vocation, c'est aujourd'hui de prier au cœur de la ville, et cette prière-là, c'est la vie hérémétique au cœur de la ville, et c'est le chemin. qui m'est ouvert maintenant.

  • Speaker #2

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  • Speaker #1

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  • Speaker #0

    Je pense que je serais morte depuis longtemps si le Seigneur n'avait pas été là.

  • Speaker #1

    Gueule cachée, ce sont des personnes qui racontent ce qui ne se voit pas et qu'on ne veut pas toujours entendre. Cet épisode s'intéresse à la place de la foire dans le récit de vie. Je rencontre Daniel chez elle, autour d'un thé. Et je lui demande comment elle va aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Je suis allée au terme de mon histoire. J'ai l'impression d'être enfin à ma place. Et j'ai mis plus de 40 ans à la trouver. J'étais atteinte d'une psychose maniaco-dépressive, c'était le terme qu'on employait à l'époque. De type 2, versant dépressif. J'ai fait des tentatives de suicide à répétition pendant 30 ans.

  • Speaker #1

    On va parler rapidement du volet médical. Comment a été et quand a été posé le diagnostic ?

  • Speaker #0

    La première tentative de suicide, je l'ai eue à 18 ans. Le diagnostic n'a été posé que... Lorsque j'ai eu 36 ans. Donc la maladie a progressé sans que je m'en aperçoive et sans que mon entourage s'en aperçoive. J'étais aussi embarquée dans une histoire familiale très complexe, puisque j'ai découvert à l'âge de 12 ans que mes parents se sont séparés parce que mon père était homosexuel. Donc cette histoire-là... à masquer la maladie parce qu'on a pensé que j'étais perturbée par cette découverte. Et ça suffisait pour tout le monde.

  • Speaker #1

    Et donc il a fallu quand même encore 15 ans. Chaotique, on imagine. Qu'est-ce que tu as vécu en parallèle du point de vue de ta foi, justement ? Est-ce qu'à 18 ans, tu es croyante ?

  • Speaker #0

    Non, non, non. J'avais perdu la foi vers 15 ans. Et puis, j'ai eu une conversion assez fulgurante. Je dis tout le temps un peu à la Charles de Foucault ou à la Claudel. Je venais de vivre une histoire... de relations assez catastrophiques, et je errais du côté de Montmartre, et je suis rentrée à la basilique du Sacré-Cœur, et là, une douche, devant la statue du Christ du Sacré-Cœur, je comprends que je suis en train de retrouver la foi de mon enfance, et j'étais une petite fille très... très attachée au Seigneur quand j'étais enfant. Et là, tout d'un coup, je me disais, ah oui, je suis allée du côté du bouddhisme, j'ai fait du zen, j'ai cherché, j'ai même fait de la macrobiotique en cherchant le sens de ma vie. Et là, tout d'un coup, je posais mes valises et je comprenais que j'avais trouvé enfin, et c'était le Christ. Et là, j'avais 25 ans. Tout est devenu clair et je ne voulais qu'une chose, c'était appartenir au Christ totalement. Je voulais vivre dans un monastère. A l'époque, c'était le Carmel, mais j'étais quelqu'un d'assez fragile et donc on me disait toujours, on va attendre. Et puis j'ai cherché un lieu pour m'ancrer. Pendant un an, j'ai fait toutes les églises de Paris, jusqu'au jour où j'ai découvert une communauté de jeunes dans une église dans la rue Saint-Denis, qui s'appelle Saint-Leu-Saint-Gilles. Et là, pendant dix ans, j'ai été formée par des Dominicaines. qui s'était installée dans cette église. Et je cherchais toujours le lieu de ma vie religieuse. Et ça ne venait pas. Ça n'aboutissait pas. J'étais persuadée que je voulais tout donner et autour de moi, on me disait non, tu es trop fragile, tu ne vas pas tenir dans la vie religieuse. Et là où vraiment l'erreur s'est déclarée, c'est qu'on a pensé que le mariage, pour moi, était plus facile à vivre que la vie religieuse. Et c'est là où tout a été faussé. C'est que le mariage, pour moi, était beaucoup trop difficile. à vivre. Et je pense que j'aurais été plus équilibrée dans une communauté monastique.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'à cette époque, on peut dire que tu as été mal conseillée, mal accompagnée ?

  • Speaker #0

    Complètement. Je n'ai pas été dirigée vers un service d'évocation. On a pensé à ma place et on m'a proposé de faire une psychanalyse. pour me réconcilier avec l'idée du mariage. Parce que tout le monde était persuadé que l'histoire de mon père avait biaisé la situation. Ma vie confirmera qu'on s'est trompé à ce moment-là. Et que lorsque je me suis mariée, je n'étais pas libre. Je manquais de maturité spirituelle. Et voilà. En fait, je relis les événements. à la lumière de ce que je suis devenue. Et je pense que j'ai mis 40 ans à comprendre. Et c'est parce que je suis arrivée au terme de mon cheminement spirituel qu'aujourd'hui je peux dire qu'on s'est trompé à tel moment et à tel moment.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'à ce moment-là, ta vie spirituelle a déjà une importance considérable puisque la conversion est passée par là, cette conversion ? à Montmartre. Qu'est-ce qu'on peut dire, justement, de l'intrication de ta vie spirituelle et de ta maladie, des moments de dépression ? Qu'est-ce qui se passe, là ?

  • Speaker #0

    Je pense que le fait qu'on ne veuille pas que j'aille dans le sens de mon appel a majoré la maladie.

  • Speaker #1

    On parle, à ce moment-là, tu l'as dit, de troubles maniaco-dépressifs. Aujourd'hui, on parlerait de bipolarité. Comment est-ce que ça se manifeste concrètement ?

  • Speaker #0

    Alors la première grave manifestation de la maladie s'est passée au terme de dix ans de quête. J'ai fait une décompensation. J'ai perdu le contact avec le réel pendant trois jours. C'était au moment de Pâques. On a commencé vraiment à... Là, je me suis dit, il y a un problème. Et je pense que je souffrais terriblement du fait qu'on m'ait demandé de faire une psychanalyse, déjà, et du fait qu'on me refusait la vocation à laquelle je me sentais appelée. Donc j'ai fait cette décompensation. Et à ce moment-là, je me suis dit, bon, visiblement, maintenant, je ne peux pas rentrer dans un monastère. Donc j'accepte l'idée de me marier. Et j'ai rencontré mon mari un mois après avoir pris cette décision.

  • Speaker #1

    Tu rencontres ton mari et puis sans doute que tu rentres aussi dans un parcours de soins.

  • Speaker #0

    Pas tout de suite, mais deux ans après mon mariage, je faisais des dépressions à répétition. Donc j'ai rencontré un psychiatre pour la première fois. Et le psychiatre, très vite, me dit « mais vous avez une psychose, c'est évident » . Et là, j'ai commencé un traitement, c'est-à-dire que j'ai demandé qu'on attende que j'ai un enfant avant de commencer le traitement. Déjà, j'avais fait des études de psychologie, donc quand on m'a annoncé que j'avais une psychose, ça a eu une résonance quand même très forte en moi, et je me suis dit « mais non, ce n'est pas possible, que ça m'arrive à moi » . Et donc je voulais quand même avoir un enfant. Donc on a attendu deux ans. Je suis tombée enceinte d'Éloïse, ma fille aînée. Et je pensais que c'était terminé, que j'allais prendre un traitement à vie et que je n'aurais pas d'autre enfant. Et puis, cerise sur le gâteau, Salomé est arrivé. Donc j'ai attendu quatre ans. avant de commencer un traitement spécifique à base de lithium. Mais comme c'était très difficile pour moi de répondre à cette vocation du mariage, très vite les conflits ont été tellement douloureux pour moi que j'ai commencé à faire des tentatives de suicide.

  • Speaker #1

    Ta foi à ce moment-là, Daniela ?

  • Speaker #0

    Alors j'ai continué de vivre comme une religieuse au sein de mon mariage. Et mon mari l'a très vite compris, puisque... Au bout de quelques années, on a arrêté d'avoir des relations conjugales. Il a bien compris que quelque chose n'allait pas.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, Daniel, tu es en très bon terme avec le papa de tes filles. Vous n'avez pas divorcé, vous êtes resté proche en fait.

  • Speaker #0

    Oui, et lorsqu'en 2016, mes enfants étaient devenus indépendants, le Seigneur m'a rappelé en me proposant de devenir oblate. Bénédictine, et là, pour moi, ça a été, ah, il ne m'a pas oublié. Je l'ai vraiment vécu comme une consécration. Je me suis dit que vraiment, j'étais faite pour ça. Et j'ai demandé à vivre au monastère de Venves, là où j'ai reçu l'appel. Et on m'a accueillie pendant un an. Et j'ai enfin découvert le bonheur, j'ai enfin découvert l'équilibre, l'épanouissement, la joie, la joie, tout était là. Et je me suis dit, quel gâchis, parce que j'ai fait beaucoup souffrir mon mari à cause de mes hospitalisations régulières. Je partais trois mois, je revenais, je refaisais une tentative de suicide. Lui, il était maladroit, mais bon, mes réactions étaient disproportionnées par rapport aux conflits qu'on rencontrait. Et là, lui a compris qu'il fallait qu'il me laisse partir. Et ensemble, on a pris la décision de se séparer. Et voilà, je suis venue m'installer à Strasbourg, où j'avais... ma famille, et depuis 4 ans, je vais très bien. Ma dernière hospitalisation date de 2019. Au sein de cette hospitalisation, j'ai demandé le sacrement des malades, j'ai osé demander la guérison de ma maladie, et effectivement, depuis 2019, je ne suis plus jamais retombée malade. Mais aussi parce que je vis enfin... Ma vocation, qui est la prière, je me suis rapprochée de la communauté des Fraternités de Jérusalem.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui t'a menée là, puisque initialement tu es au Blatt-Bénédictine ? Qu'est-ce qui t'amène à cette paroisse Saint-Jean, où sont la communauté de Jérusalem ?

  • Speaker #0

    C'est le Seigneur. Alors, lorsque j'ai décidé avec mon mari que je... Je m'installais à Strasbourg. J'ai dit, Seigneur, si c'est vraiment là que tu m'attends, parce que c'était quand même assez étonnant que je sois à 500 kilomètres de mon mari, j'ai demandé au Seigneur une confirmation. Je voulais que ça soit simple et rapide. J'ai trouvé mon appartement en dix jours. Je signe le contrat et je sors de chez ma sœur qui m'hébergeait à l'époque. Et je découvre une immense église que je n'avais jamais vue alors que je venais régulièrement en vacances à Strasbourg. Je rentre dans cette église et je découvre que c'est la Fraternité monastique de Jérusalem. Donc voilà,

  • Speaker #1

    j'avais le lieu pour m'ancrer dans la prière et également aussi je crois pour développer une fibre artistique. qui est très forte chez toi, une fibre artistique, dans un atelier d'écriture d'icônes.

  • Speaker #0

    Exactement, oui.

  • Speaker #1

    Quelque chose, une sorte de confirmation assez complète finalement.

  • Speaker #0

    Pourquoi c'est très important de comprendre que le Seigneur m'attendait dans cette communauté-là ? C'est que j'ai très vite décidé de m'engager en tant que laïque. auprès de la fraternité évangélique de Jérusalem, qui est un peu le pendant de l'oblature.

  • Speaker #1

    Daniel, avant d'aller plus loin... Peux-tu nous expliquer brièvement ce que ça veut dire l'oblature en fait ? À quoi tu t'es engagée ? Est-ce que tu as prononcé des voeux ?

  • Speaker #0

    Oui, on fait profession d'oblature dans un monastère. Et moi j'ai reçu l'appel dans le prioret Sainte-Bathilde à Venves. Et donc on vit sous la règle de Saint-Benoît. C'est la spécificité de cette vocation-là. On est dans le monde, mais on est aussi dans le monastère, puisque la règle de Saint-Benoît nous demande de vivre les offices, autant que faire se peut, et moi je les ai vécues à fond. Et c'est ça, la spécificité, c'est de vivre autant que possible. la vie monastique dans le monde.

  • Speaker #1

    Effectivement, ça résonne très fort avec la vocation des frères et sœurs de Jérusalem, un monastère dans la ville. Ce lien t'est apparu tout de suite ?

  • Speaker #0

    Oui, tout de suite j'ai compris que j'avais quelque chose à vivre avec eux. Et l'intuition du père Delphieux me paraissait tellement proche de ce que je voulais vivre. Donc j'ai commencé à vivre les offices. avec les frères et sœurs. Et à cette fameuse retraite qui avait lieu en Sologne, à Magdala, j'ai reçu un autre appel qui était de vivre la solitude dans la ville pour ne vaquer qu'à la prière. Et donc cet appel à la vie hérémétique. Je me souviens, le Seigneur m'avait fait comprendre que cette vocation monastique à laquelle je tenais tant, il me donnait désormais de la vivre hors des limites institutionnelles, mais pas hors de l'Église. Ça, ça a été l'appel fondateur. Non pas à plus de solitude, mais à plus d'amour, donc à plus de solitude.

  • Speaker #1

    Cette demande vocationnelle, on a envie de dire, comment est-ce que tu l'as confirmée ?

  • Speaker #0

    Alors, je suis accompagnée depuis 2014 par Mgr Soubrier, un ancien évêque de Nantes, qui fait partie des Saint-Sulpiciens, et qui a confirmé que j'avais vraiment cet appel-là. Je suis allée faire une retraite. de Saint Ignace, confirmation. Je suis actuellement accompagnée par Mariette Canevé, qui est une théologienne, confirmation. Et puis je vois bien que ma vie s'est concentrée autour de cette vocation et que je suis de plus en plus épanouie dans cette solitude-là. Que le Seigneur... Il m'a proposé également d'écrire des méditations autour de la parole de Dieu. Donc tout est en place.

  • Speaker #1

    Alors au début de ta vie d'adulte, tu nous as partagé ce désir déjà de vie monastique qui a été en quelque sorte un peu sapé par cette maladie qui était très présente, notamment par une fragilité, des dépressions, etc. Et tu as beaucoup entendu que cette maladie prenait trop de place pour que tu choisisses cette vocation. Est-ce que, d'une certaine façon, au moment de cet appel, de cette révélation d'une vocation, on ne t'a pas aussi renvoyé des questionnements sur, après tout, est-ce que ce n'est pas une allure ? Est-ce que ce n'est pas un délire mystique ?

  • Speaker #0

    Alors, le fait que je sois partie de Paris... pour être à Strasbourg fait que j'ai peu de liens avec les personnes que je rencontre. Très vite, je me suis sentie appelée à garder tout ça pour moi. Et je pense que, oui, certainement, dans ma famille, le peu de gens qui me connaissent ont pu penser que... Je délirais, mais moi, je sais que non. Je vois tellement que je suis dans la paix, que ma vie est ordonnée, que je vis ma vocation de bénédictine complètement, que je suis en pleine santé, que je rayonne la joie. Tout ça fait que, peu importe ce qu'on pense de moi, moi je continue mon chemin. Et la maladie, elle est derrière moi, parce que je pense qu'il n'y a pas de raison que je retombe malade, puisque je suis là où je dois être. C'est pour ça que rétrospectivement je me dis, si on m'avait laissé vivre ma vocation, est-ce que la maladie se serait développée dans ce sens-là ?

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que tu dirais de l'entre-là ? entre la maladie et ta foi, aujourd'hui, de là où tu es, qu'est-ce qui a nourri l'un, qu'est-ce qui a pesé ?

  • Speaker #0

    Je pense que ma foi était là, ça a été un processus surnaturel de guérison. Parce que plus j'ai vieilli dans ma foi, plus elle s'est développée, plus j'ai vécu ce pourquoi. profondément je me sentais appelée, puisque j'ai continué de vivre comme une religieuse, malgré tout, j'en suis arrivée à guérir de cette maladie. Et quand j'ai été hospitalisée, parce que j'ai vraiment été hospitalisée au moins tous les ans, tous les deux ans, j'ai calculé que j'ai passé deux ans et demi de ma vie. Dans un... Ah oui, bien ! Le lapsus est très révélateur, parce que quand j'étais hospitalisée, j'étais vraiment très heureuse, parce qu'enfin je pouvais être seule à seule avec le Seigneur. J'étais... Mes hospitalisations, c'était des retraites pour moi. J'étais extraite du milieu... conjugale de... de... bon j'étais professeur des écoles donc j'avais un métier très très très prenant. Et tout d'un coup, grâce à la maladie, on me mettait dans une chambre et j'étais totalement heureuse. Malgré le fait d'être dans un hôpital psychiatrique. Donc c'était paradoxal. Mais je soufflais enfin.

  • Speaker #1

    Un mot, Danielle, pour finir justement sur le regard que tu poses aujourd'hui sur cet itinéraire de foi et de souffrance.

  • Speaker #0

    Je pense que le témoignage que le Seigneur m'a voulu me permettre d'apporter à mon entourage, c'est qu'il est plus fort que la maladie, plus fort que la mort, parce que mes tentatives de suicide, ça a été chaque fois son intervention. qui m'a ramenée à la vie. Et donc, au terme de ma vie, à 65 ans maintenant, je ne vois qu'une chose, c'est qu'il était là, et qu'il m'a sauvée tout le temps, et qu'il a fait de cette maladie une force, puisque aujourd'hui, le fait que j'ai été quelqu'un de très introvertie, à cause de cette maladie, fait que je suis devenue quelqu'un de très introvertie. Et il a transformé la maladie en grâce et il a fait de ma vie le témoignage de sa puissance de guérison. C'est vraiment le salut. Et aujourd'hui, je suis le fruit de ce combat spirituel qu'il a mené pour me sortir de l'enfer et me placer au... cœur de ma vocation, enfin, et faire de moi quelqu'un de solide, épanoui, et porteuse de joie, et voilà. Et cette vocation, c'est aujourd'hui de prier au cœur de la ville, et cette prière-là, c'est la vie hérémétique au cœur de la ville, et c'est le chemin. qui m'est ouvert maintenant.

  • Speaker #2

    Sous-titrage Société Radio

  • Speaker #1

    laetitiaforgeaudark.com

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