Speaker #1Il y a quelques jours, une maman me contacte car elle est intriguée par l'approche parentale Hand in Hand dont elle a entendu parler dans un de mes podcasts. Il y a une chose en particulier qu'elle aimerait creuser. Elle me dit « J'aimerais bien devenir cette maman rigolote dont tu parles dans ton podcast. » Et là, je souris. Je souris car, il y a 6 ou 7 ans, ça aurait pu être moi posant cette question à une formatrice indienne. Cette question en fait m'obsédait. Comment être une maman respectée par ses enfants et respectable aux yeux de la société ? mais qui en même temps pourrait faire naître autre chose dans les yeux de ses enfants que de la crainte ou de l'obéissance. Cet équilibre me semblait impossible à atteindre. J'avais bien eu cette expérience où au sein de mon couple, mon conjoint était souvent le clown avec nos enfants, tandis que moi, j'endossais assez naturellement le rôle de la sérieuse. D'une certaine façon, ça fonctionnait. Alors que ma fille aînée se rapprochait doucement de la préadolescence, je peinais à créer avec elle une sorte de complicité qui soit scellée par autre chose que l'amour commun d'une chambre parfaitement rangée ou d'un dessin colorié sans dépasser. Bref, ça craignait un peu. Je me rappellerai toujours d'une de ces soirées où je scrollais machinalement sur Pinterest après avoir couché mes enfants, et où je suis tombée sur cet article de blog d'une maman qui avait eu cette idée pour occuper ses enfants pendant les vacances de déposer un matin devant leur porte, deux pistolets à eau, accompagnés de cette pan de carte, essayer de me toucher. Cet article avait marqué un tournant dans ma vie de maman. Alors comme ça, ça existait, c'était autorisé de faire des cache-cache bataille d'eau avec ses enfants. Et pas besoin d'être le papa fun, en fait le rôle de maman fun existait aussi. Ce jour-là, j'ai pris avec effroi conscience de l'écart qui existait entre la maman que j'étais, certes, douce, maternelle, intentionnée avec mes enfants, mais aussi sérieuse et toujours dans le « il faut, on doit, est-ce que tu pourrais ? » et cette maman Pinterest qui se faisait poursuivre par ses deux garçons armés de pistolets à eau dans le jardin. Ouch ! Comment passer d'un rôle à l'autre ? Est-ce que ça ne perturberait pas nos enfants de passer du parent sérieux, organisé, focussé, au parent prêt à tout moment à faire la fête du slip avec ses enfants ? Tant que j'avais plein d'enfants en bas âge, des nues hachées et peu de temps pour investiguer la question, j'avoue que je la laissais un peu de côté. Et puis un jour, j'ai décidé de me pencher dessus sérieusement. Alors évidemment, avec Hand in Hand, quand on tombe sur un nœud comme ça, il n'y a pas une solution toute prête qui arrive toute cuite dans son assiette et qui fonctionne pour tout le monde. Non. A la place, je me rappelle très bien de cette formatrice, Anna Collet, qui à l'époque nous coachait pendant le programme de certification pour devenir formateur Hand in Hand. Arrive mon temps d'écoute où pendant 10 minutes j'ai tout le loisir de parler de ce sujet de maman rigolote pendant que le reste du groupe m'écoute. Le but grosso modo dans ces moments d'écoute est de pouvoir parler d'un sujet qui nous dérange ou nous interroge. La personne qui écoute n'a pas pour vocation d'apporter une solution sur un plateau d'argent, mais juste d'écouter et de proposer parfois quand elle le juge nécessaire une ou deux pistes quand elle sent qu'on tourne un petit peu en rond. À un moment, Anne me pose une question très simple. Et toi Sophie, qui jouait avec toi quand t'étais petite ? Elle paraît bien anodine cette question, non ? Bah moi, elle me fige. Là, je repasse en revue les longues heures à jouer avec mes frères, éventuellement mes potes au scout, nos chefs scouts… Mais même si je cherche, je cherche, je cherche, à part quelques parties de nain jaune avec ma grand-mère, je n'ai juste aucun souvenir de mes parents jouant avec moi, de maman montrant ce que c'est d'être une maman rigolote qui me fasse rire aux éclats. Je réponds pas vraiment à la question de Anna. Ça tombe bien, ce n'est jamais le but d'une piste qu'on se voit faire tant d'écoutes. Mais par contre… Mon visage en jouet a changé. Je me sens assez triste tout à coup. Je réalise que faire les fous quand j'étais petite n'était jamais avec mes parents. C'était principalement avec mes frères et sœurs ou mes copains et copines. Le rôle des parents, de façon systématique, c'était de s'assurer que ça ne déborde pas, point barre. Pas très étonnant du coup que je galère à endosser ce rôle avec mes enfants. J'ai clairement déjà vu d'autres adultes le faire avec leurs propres enfants, souvent avec des plus petits d'ailleurs, mais moi je ne l'ai jamais expérimenté moi-même. Je n'ai jamais eu le sentiment d'avoir des adultes me suivre dans mes désirs de petite fille. Non, je n'aurais jamais imaginé poursuivre ma maman armée d'un pistolet à eau. Alors, je décide de continuer cette exploration. Qu'est-ce que j'aurais aimé recevoir comme moment de fun de la part de mes parents ? Qu'est-ce que j'ai reçu à la place ? Là, pareil. Pas de script précis, pas de nombre d'heures d'écoute au bout duquel le problème se règle. C'est un dossier que j'ai ouvert ce soir-là avec Anna, mais que depuis je n'ai jamais refermé. Car c'est un sujet avec mille ramifications. Et peut-être que cela va t'étonner, mais ce sujet-là, il pose entre autres la question des limites. Comment peut-on être un parent fun, mais également être cette personne qui va interposer des limites quand le comportement de son enfant dérape ? Faut-il d'un coup changer de rôle, de personnage, en fonction des circonstances ? Que vont penser les autres parents de moi ? Est-ce que mon conjoint ne va pas trouver de cela très artificiel, cette façon de soudainement s'autoriser à être fun ? Que vont en penser mes propres parents et les autres parents que je ne connais pas et qui me verront jouer comme une folle avec mes enfants ? Tu en vois souvent toi des mamans faire du saut en longueur dans les dunes à la plage avec ses ados ou des concours de saut dans les flaques dans la rue ? La beauté de l'approche hein Inen, c'est que les différents outils de l'approche rendent ces différents rôles à la fois compatibles mais également joliment complémentaires. Car leur dénominateur commun à tous, c'est la connexion qu'on offre à son enfant, quel que soit le contexte. joyeux ou plein de tension dans lequel on se situe. La clé que j'ai découverte au gré de ces heures d'écoute elle était finalement très simple. Être une maman rigolote, ça veut pas dire partir dans les mêmes délires que quand j'avais 8 ans et que je faisais des gamelles de nuit dans la forêt au scout avec comme seule obsession celle de gagner. Être une maman rigolote c'est être dans le fun certes, mais en suivant le rire de mes enfants et en gardant ce rôle de gardien pour éviter que les choses dégénèrent. Être une maman rigolote c'est clairement oser faire des choses qu'on oublie de faire quand on grandit, mais tout en maintenant la sécurité pour mes enfants et la connexion avec eux. Être une maman rigolote, c'est oser affronter le regard des autres parfois jugeants et continuer à sauter dans les flaques avec mes enfants. Être une maman rigolote, c'est créer et entretir ce lien de connexion unique avec mes enfants, rire de leurs blagues et de leur humour, mais ne pas avoir peur de « gâcher » ce moment joyeux en interposant une limite même ludique. Quand on sent que les choses dégénèrent ou que le comportement débordant de son enfant appelle un moment de rester écouté. Être une maman rigolote, c'est oser interposer une limite sans nécessairement abandonner sa bienveillance. Oui, ça c'est pas toujours facile, mais ça s'apprend. Être une maman rigolote, c'est oser lancer une blague à son ado pour tenter de dégeler la glace qui l'entoure et prendre le risque parfois de se prendre un mur. Enfin, être une maman rigolote, c'est accepter. De se prendre un jet de pistolet à eau dans la tête et déceler si l'enfant appelle par son attaque surprise à un moment de jeu écoute, ou s'il se trouve en fait dans la provocation et aurait besoin qu'on lui interpose une limite. C'est vrai, c'est tout un art. Et parfois, on se prend les pieds dans le tapis. Mais je t'assure, ça en vaut la peine. Qu'avoir un ado qui me demande d'aller écouter un concert avec lui, ou avoir mon fils de 8 ans qui me lance une partie de chant en plein milieu de la rue, c'est la meilleure récompense au monde. Aujourd'hui, je ne pense toujours pas que je suis une maman rigolote. Je suis très cérébrale, je le serai toujours. Mais en revanche, j'ai gagné en légèreté. Je sais me laisser toucher par l'humour et les mots d'esprit de mes enfants. J'arrive à me laisser emporter par leur rire et par leur jeu, tout en gardant cette vigilance de maman du « au cas où » . Et si ça déraille, maintenant je connais les mots à avoir et les gestes qui font du bien.