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Hemicycle

#10 – Nicolas Paris (Coordination Sud) : Plaidoyer, ONG et rapport de force

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32min |20/05/2025
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#10 – Nicolas Paris (Coordination Sud) : Plaidoyer, ONG et rapport de force

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32min |20/05/2025
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Description

Entre Paris 🇫🇷 et Bruxelles 🇧🇪, Nicolas Paris œuvre à rendre les politiques publiques européennes plus justes, féministes et solidaires.

Au sein de Coordination Sud, il structure la parole collective des ONG françaises pour peser dans le débat – sans reproduire les méthodes des lobbys classiques.


Chargé de plaidoyer Europe, il a vu comment s’élabore un rapport de force, comment se construit une stratégie d’alliance… et ce que signifie « faire le bien, mais stratégiquement ».

Dans cet épisode, on parle de :

🔹 La structuration collective du plaidoyer au sein de Coordination Sud
🔹 La tentative de créer un fonds européen pour les ONG féministes locales
🔹 L’instrumentalisation croissante de l’aide au développement
🔹 La lutte pour une contribution européenne sur les transactions financières 💶
🔹 Son travail d’interface avec les eurodéputés et les partis politiques 🇪🇺
🔹 Et des dilemmes éthiques et personnels d’un militant devenu lobbyiste


💬 « Quand on veut faire le bien, il n’y a pas de sous-manière de faire. »

Un échange lucide et engagé avec un acteur discret mais stratégique de la fabrique des lois européennes.

Vous pouvez contacter Pierre sur Linkedin.

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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Quand on veut faire le bien, il n'y a pas de sous-manière de faire. Je suis l'huile dans le rouage du collectif. Mon boulot, c'est de faire en sorte que les politiques publiques soient plus favorables aux ONG. Malheureusement, on se trouve dans un système où il y a des règles du jeu. Et pour l'instant, il faut jouer avec ces règles du jeu. On essaye autant que faire se peut de les contourner.

  • Speaker #1

    Qui sont ceux qui font la loi ? Je m'appelle Pierre, fondateur de la plateforme de veille institutionnelle Les J-Watch. et je rencontre celles et ceux qui font les coulisses de notre vie politique. Aujourd'hui, je reçois Nicolas Paris, chargé de plaidoyer Europe chez Coordination Sud. Il défend une Europe solidaire, féministe et durable entre Paris et Bruxelles.

  • Speaker #0

    Salut Pierre !

  • Speaker #1

    Salut Nicolas, ça va ?

  • Speaker #0

    Très bien et toi ?

  • Speaker #1

    Bah super, merci. Alors est-ce que tu peux te présenter pour nos auditeurs et auditrices ?

  • Speaker #0

    Alors je suis Nicolas Paris, ou Paris d'ailleurs, selon les gens. Je suis chargé de... plaidoyer au sein de l'association Coordination Sud qui est la fédération nationale des organisations de solidarité internationale en gros. Au sein de cet orgueil, je m'occupe notamment de traduire au niveau européen les combats nationaux de Coordination Sud.

  • Speaker #1

    Quels sont les combats nationaux de Coordination Sud ?

  • Speaker #0

    Coordination Sud défend au sens large la solidarité internationale. Le combat phare un peu, c'est l'aide publique au développement, c'est-à-dire l'argent qu'on envoie à l'étranger pour euh appuyer l'amélioration des conditions de vie des populations des pays partenaires et au sens un peu plus large ça va commencer là ça va être aussi l'environnement favorable des ong donc que l'environnement juridique l'environnement politique ce soit bien pour les ong et ça peut aller jusqu'à aux questions de taxation de justice fiscale environnementale l'égalité de genre ok donc si je comprends bien des ong qui sont adhérentes de ta coordination en tout cas tu représente des ong et

  • Speaker #1

    ton boulot c'est de d'augmenter quelque part leurs subventions, ou en tout cas d'aller chercher plus d'aide au développement dont elles pourraient bénéficier, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Mon boulot, c'est de faire en sorte que les politiques publiques qui sont mises en place soient plus favorables aux ONG. En fait, ce n'est pas vraiment moi qui le porte. Mon boulot, c'est de faire en sorte que les ONG le portent par elles-mêmes, c'est de coordonner leurs actions, de faire en sorte qu'on joue collectif. Je suis l'huile dans le rouage du collectif, on va dire. Je ne suis que ça, parce que je n'ai pas de légitimité démocratique à représenter les ONG. Je suis donc un membre de ce qu'on appelle un secrétariat exécutif. Et donc, par exemple, quand une ONG veut défendre quelque chose auprès d'un partenaire institutionnel, c'est elle qui se rend avec moi au rendez-vous. C'est elle qui porte ses propres intérêts, qui sont les intérêts du collectif que représente Coordination Sud.

  • Speaker #1

    Super intéressant. Ok, donc tu es vraiment dans l'organisation, la distribution du jeu.

  • Speaker #0

    C'est ça.

  • Speaker #1

    Et donc, tu as choisi un rôle qui est un rôle d'interface plutôt que de travailler sur le terrain. Pourquoi ce choix ? Qu'est-ce qui t'a amené ici ?

  • Speaker #0

    En gros, mon guide, c'était toujours l'idée de déjà aider les gens, mais vraiment très naïvement. Et au fur et à mesure de tout ce que j'ai appris, j'ai découvert le métier de lobbyiste, que j'ai trouvé absolument injuste, puisque par définition, les personnes possédant le plus de moyens ont donc plus de moyens pour défendre leurs intérêts. Donc par définition, le lobby est antidémocratique, puisque plus d'argent signifie plus de poids démocratique. Et donc, je me suis dit qu'il fallait impérativement compenser ce poids. des intérêts privés lucratifs. Et puis l'idée aussi, c'était de me dire, j'avais un peu ce guide de, ayant grandi en étant privilégié, en étant aussi un homme, etc., j'ai pu, de par mon existence, faire du dégât, en quelque sorte, parce que les modes de consommation des Occidentaux ont des conséquences sur l'environnement, ont des conséquences sur les conditions de vie des populations hors de l'Union européenne. Donc en ce sens-là, en fait, c'est pas de ma faute, mais j'ai fait du dégât en étant aussi un homme masculin créé par des valeurs de domination, de compétition, etc. C'est le patriarcat, mais j'estimais qu'il y avait quelque chose à réparer et qu'à partir d'un certain moment, mon but, ce serait de faire plus de bien que de mal.

  • Speaker #1

    Entendu. Donc tu travailles en tant que lobbyiste. Tu dis que c'est un métier qui est injuste. Comment on fait pour être un peu le David contre le Goliath ? Et deuxième question, alors qui rejoint ce que tu viens de dire également. Tu parles du fait que tu as une construction sur la compétition, sur la domination qui est peut-être liée à ta masculinité. Est-ce qu'il ne faut pas être dans la compétition et dans la domination pour avoir une chance de remporter des batailles qui sont très difficiles à obtenir ?

  • Speaker #0

    Alors, David contre Goliath, déjà. Je pense que ce qu'on peut faire, c'est être plus efficient, c'est être plus ouvert, c'est mieux reconnaître nos erreurs, moins tomber dans l'orgueil, dans l'hubris que les autres, et donc être à la fin. plus efficace. On a quand même un avantage, c'est que nos valeurs, les valeurs qu'on défend au sein de Coordination Sud, mais au sein du secteur associatif de manière générale, elles sont plutôt partagées par le reste de la population. Donc il faut bosser, être efficace. C'est pour ça que, notamment au sein du secteur associatif, le burn-out militant, c'est un gros truc. C'est parce que du coup, on charbonne, on charbonne en croyant à ce qu'on fait, à son utilité. Et donc, si ça ne marche pas et si surtout on ne voit plus utilité, c'est là que généralement ça craque Et sur la question de la compétition, oui, ça en fait partie. Ça en fait partie sur la question de la compétition. J'ai parlé d'efficience. L'efficience, c'est un terme tout ce qu'il y a de plus capitaliste, c'est-à-dire c'est le rapport entre la faim et les moyens utilisés. Mais malheureusement, on se trouve dans un système où il y a des règles du jeu. Et pour l'instant, il faut jouer avec ces règles du jeu. On essaye autant que faire se peut de les contourner. d'en créer de nouvelles, d'innover. Et c'est aussi là que le secteur associatif est intéressant. Mais en effet, et c'est peut-être en ce sens-là aussi que ma place est mieux à ce poste-là. C'est-à-dire que, d'une part, en effet, je suis un garçon. Et donc, les valeurs de compétition, de combat, etc., elles m'ont été inculquées. J'ai essayé de m'en défaire pour la dimension personnelle, puisque c'est généralement plus sain, et de le garder quand c'est utile. Mais ça peut parfois un petit peu aider. Je pense aussi qu'il y a quand même d'autres choses qui nous portent.

  • Speaker #1

    J'ai noté une seconde séquence pour vraiment rentrer dans ton quotidien, dans ton travail, pour comprendre ce que tu défends et comment tu le fais. Déjà, si tu devais expliquer ton quotidien à quelqu'un qui n'est pas du tout du milieu, comment tu ferais ? Qu'est-ce que tu lui dirais ?

  • Speaker #0

    Je lui dirais. Déjà, on essaie de déterminer collectivement qu'est-ce qu'on pense par rapport à un sujet. On fait une note. Moi, je fais une note qu'on appelle sacrificielle, en gros. c'est à dire sur laquelle tout le monde va critiquer à la fin. Tout le monde dira, mais c'est horrible, pas pensé à ça, c'est nul, etc. On fait rentrer ça, tous les retours, etc. On essaie de faire un document où tout le monde est un peu d'accord. On consulte, du coup, les membres de Coordination Sud. Voilà, pas mal de consultations. On se met d'accord. S'il y a besoin de voter, on vote. Généralement, on tombe assez d'accord parce que stratégiquement, on partage une analyse. On essaie de faire ça de façon informée. Donc, le but, c'est que... Je crois au consensus final parce que l'analyse peut être partagée.

  • Speaker #1

    C'est qui « on » dans « on vote » ?

  • Speaker #0

    « On » , c'est soit de façon informelle et absolument pas démocratique les travailleurs et les travailleuses qui sont aussi déchargés de pédoyer dans d'autres organisations, ou alors, quand il faut trancher politiquement, le Conseil d'administration de coordination de suite, qui est censé représenter les organisations du secteur, avec une représentation notamment, on essaye, assez égalitaire entre les plus petites et les plus grosses organisations, parce que même au sein des ONG, il y a des inégalités. Bien sûr, entre les gros et les plus petits. Et ensuite, c'est beaucoup de rencontres, de parler avec les partenaires institutionnels. En gros, c'est aller voir un ou une politique et lui dire, on aimerait s'il vous plaît que vous fassiez ça. Et donc, moi, la différence d'un lobbyiste classique, c'est que je vais prendre le rendez-vous. Puis ensuite, je vais dire à tout le monde, OK, on a rendez-vous ce jour-là, qui veut venir ? On aimerait une représentation qui soit paritaire. On aimerait parler et de ce sujet, et de ce sujet, et de ce sujet. Donc, il nous faut un ou une spécialiste sur chacun de ces sujets.

  • Speaker #1

    Comment tu fais pour avoir le rendez-vous ? Est-ce que tu as ton réseau à toi ? Est-ce que tu les prospectes comme on pourrait faire un commercial ?

  • Speaker #0

    Ça va dépendre. Soit on peut avoir notre réseau, ça va être les rendez-vous les plus rapides à prendre avec les collaborateurs, collaboratrices parlementaires, ou avec d'autres gens qui travaillent dans le milieu politique. Ça peut être des membres de partis aussi politiques qui travaillent sur des programmes, etc. J'ai pas mal parlé par exemple avec des militants, des militantes dans le cadre des élections européennes de 2024. L'idée, c'était un peu de venir contribuer à leur programme politique. Et sinon, pour les rendez-vous plutôt haut niveau, genre le cabinet de Macron, par exemple, on va faire partir une lettre depuis la présidence de Coordination Sud pour qu'il y ait un côté égal à égal, on va dire. Après, c'est beaucoup de harcèlement, c'est-à-dire envoyer deux, trois fois les mails, ou trois, maintenant, j'arrête parce que, justement, j'ai un peu peur d'être trop un forceur. Voilà, il faut quand même insister souvent.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'on vise, du coup, tu vises quelqu'un ? Très précisément, ou est-ce que tu t'envoies à une salve en disant « Ok, tant qu'il y en a un qui m'écoute, c'est suffisant. »

  • Speaker #0

    On vise la personne en fonction de deux facteurs principaux. Trois, plutôt, l'intérêt que la personne a pour le sujet, le pouvoir dont la personne dispose sur le sujet, et sa position sur le sujet. Généralement, on va plutôt aller voir des gens dont la position doit être un petit peu à basculer. D'accord. Si on va voir des personnes qui sont d'accord avec nous, c'est plutôt pour prendre de l'information, etc.

  • Speaker #1

    Ça vous est arrivé d'aller voir des gens qui sont totalement opposés à votre action pour tenter de convaincre ou alors c'est pas la peine ?

  • Speaker #0

    J'ai essayé à une époque, on travaillait sur les questions de migration. Nous, ce qu'on veut défendre, c'est d'une part un discours responsable sur les migrations, un discours responsable et informé, qui se base sur la réalité des faits, et pour les questions des voies migratoires, des voies qui soient justes et surtout qui soient sûres pour les personnes. Parce qu'en fait, plus tu fais de la répression sur les voies de migration, plus tu développes les réseaux de passeurs. Donc en fait, plus il y a d'insécurité. La restriction aux frontières, à bon entendeur, ne fonctionne pas et développe les insécurités. Et du coup, on est allé voir le ministère de l'Intérieur. Parce qu'en fait, notre interlocuteur principal, c'est le ministère des Affaires étrangères de base. Parce que notre mandat, c'est Affaires étrangères. Et on nous a dit, non, non, mais en fait, dès que les migrations sont concernées, c'est le ministère de l'Intérieur qui va trancher à la fin. Parce qu'il y a une sécurisation des sujets relatifs aux migrations, même quand ce n'est pas des questions de sécurité. Et quand on allait voir le ministère de l'Intérieur, en effet, on ne commençait pas des mêmes postulats du tout. C'était vraiment surprenant par rapport au MEAE, le ministère des Affaires étrangères.

  • Speaker #1

    Et ça s'est passé comment, si ce n'est pas discret ?

  • Speaker #0

    Il y a plusieurs approches. Moi, j'aurais tendance à dire que ça ne sert à rien de braquer les gens. Après, d'autres personnes considèrent qu'il faut y aller de façon un peu plus franco, il faut rappeler nos messages, quoi qu'il arrive. Rappeler que ce qui peut être dit par nos interlocuteurs et nos interlocutrices n'est pas entendable. Il n'est pas entendable au regard de l'état de droit, des engagements internationaux. Et donc, généralement, il y aura... une dynamique good cop, bad cop qui se mettra en place un peu naturellement. Surtout sur les sujets très clivants comme les questions de migration.

  • Speaker #1

    Ok, super intéressant. Là, tu parles de... du ministère de l'Intérieur. J'ai compris que vous aviez des actions à Bruxelles, mais il y a aussi des choses qui se passent en France. Comment ça se répartit ?

  • Speaker #0

    En fait, la bulle bruxelloise, je ne sais pas si tu connais l'expression, mais c'est un vrai truc. C'est un vrai truc. Quand tu es à Bruxelles, c'est... totalement différent que de travailler sur l'UE alors que tu es en France. Parce que tu es beaucoup plus connecté, parce que tes soirées elles sont avec les gens de Bruxelles, parce que tu connais, tu apprends des petites subtilités juridiques, législatives, etc. Parce que les infos circulent beaucoup plus rapidement, etc. Tout ce qui est du contact avec les institutions purement européennes, en tout cas c'est comme ça que Coordination Sud fonctionne, on va le laisser à nos partenaires qui sont au niveau de l'UE. notamment les relations avec la Commission européenne, quand il s'agit de prendre des rendez-vous, ce n'est pas trop nous qui nous en occupons. Nous, notre valeur à ajouter, elle est dans le fait qu'on comprend bien le contexte français, le contexte national, parce qu'on est ce qu'on appelle dans le jargon européen une plateforme nationale. Et donc, on connaît bien le contexte national. Et donc, on sera plus enclin à adapter notre discours en fonction des impératifs nationaux. Quand Macron a décidé de faire de la défense une priorité nationale, nous, on l'a en tête, parce qu'on a vu les discours nationaux, etc. Quand il y a des élections municipales en mars 2026, je crois, on sait. On sait aussi qu'il y a un congrès du PS, on sait qu'il y a un congrès des écolos. Et donc, on sait pourquoi les gens font ce qu'ils font. Nous, on va plutôt être sur les interlocuteurs, interlocutrices françaises, parce qu'on a cette valeur ajoutée et parce qu'ils et elles sont à Paris. Généralement, la seule exception, c'est la représentation permanente de la France à Bruxelles, qui est en gros l'ambassade française à... auprès de l'UE, avec qui on va parler en distanciel, mais vu qu'on est du même pays. Et puis les députés, les eurodéputés français, françaises et francophones aussi.

  • Speaker #1

    J'ai vu, alors tu me corriges si je me trompe, mais du coup que vous défendez à Bruxelles une ligne budgétaire pour les organisations féministes. Est-ce que... Tu peux développer ce sujet, expliquer ce combat.

  • Speaker #0

    Avec grand plaisir. Oui, en fait, c'est un super combat parce qu'il motive beaucoup de gens au sein de Coordination Sud et c'est trop chouette. Et en gros, on a bossé dessus avant les élections européennes. On l'a mentionné auprès de personnes qu'on a rencontrées. Par exemple, Raphaël Glucksmann qui nous a dit que c'est quelque chose qui peut passer, même auprès des conservateurs et des conservatrices. Donc il y a une question d'opportunité, déjà. Mais c'est surtout parce que c'est un peu vraiment au cœur des valeurs qu'on défend. la valeur égalité de genre, bien sûr, mais aussi la valeur d'efficacité. Parce qu'en gros, ce qu'on défend, c'est un fonds qui permet de financer les petites orgues qui sont sur le terrain de manière un peu plus pérenne. Si on file 10 000 euros pour un an, tu vas dire, ok, je vais utiliser 5 000 euros pour faire mon projet et 5 000 euros pour chercher des fonds pour l'année d'après. Et là, on leur dit, non, non, on va vous filer 100 000 sur 5 ans. Comme ça, leur stratégie, pendant 5 ans, ils sont tranquilles. Il est L, du coup. Et donc, elles, on va dire plutôt, parce que c'est des organisations féministes locales, elles peuvent faire mieux leur travail, des changements structurels. C'est pareil au niveau français. Si vous voulez faire des dons, ne faites pas des dons ponctuels, des gros dons ponctuels, faites des petits dons mensuels. Comme ça, on a une capacité à anticiper le futur. Et donc, à se dire, voilà, sur cinq ans, on va pouvoir faire une stratégie parce qu'on est stable financièrement. Et donc, il y a cette question de l'efficacité. Elles peuvent mieux travailler parce qu'elles ont plus de sécurité dans l'avenir. C'est aussi une approche qui est décoloniale. Ça peut être un gros mot, mais je trouve que là, c'est une belle illustration. C'est de dire, en fait, pendant pas mal d'années, on avait une agence française de développement qui arrivait et qui disait, je fais les choses grossièrement, je m'excuse d'avance à l'agence française de développement, mais qui disait un peu, vous, sur le terrain, vous avez ces besoins, donc nous, on vous donne l'argent pour que vous répondiez à ces besoins. Le but du fonds, c'est de mettre en œuvre aussi ce qu'on appelle du droit d'initiative, c'est-à-dire qu'en fait, c'est les OSC locales qui nous disent Merci. ce dont elles ont besoin, parce qu'elles sont au plus proche du terrain, parce qu'en gros, quand t'arrives avec tes grands sabots, une délégation de 10 européens, tu vas pas penser à plein de choses. Il y a un exemple qui tourne un peu dans le secteur, qui est l'exemple du puits, c'est que X agences voulaient faire un projet en faveur de l'égalité de genre. Elle a remarqué que les femmes allaient au puits chercher de l'eau mais le puits se trouvait à un kilomètre et demi du village et donc ils se sont dit bon bah on va remettre le puits au milieu du village comme ça les femmes tout le temps qu'elles perdent chaque jour à aller chercher l'eau elles le gagneront mais en fait en fin de compte ce dont on s'est rendu compte c'est que les femmes elles profitent cette occasion pour discuter entre elles partager de l'info gagner en pouvoir aussi avoir des moments du coup un autre gros mot mais non mixité qui fait qu'elle pouvait être vraiment complètement en sécurité sur ce qu'elle voulait dire notamment sur la question de de l'hygiène menstruelle, elles pouvaient aller laver leur protection périodique, etc. Et donc c'était vraiment des moments privilégiés. En plus de ça, du coup, le temps qui a été gagné, il a été réinvesti pour que les femmes aillent travailler plus dans les champs, dans des emplois qui ne sont pas nécessairement rémunérés. Donc en fait, en termes d'égalité de genre, c'était plutôt pas une bonne chose. Et donc en termes d'efficacité, en fin de compte, parce qu'on n'a pas pris les choses dans le bon sens, dans une approche top-down plutôt que bottom-up du coup, eh ben on a fait plus de dégâts que de choses positives.

  • Speaker #1

    C'est très clair. Mais alors justement, cette ligne budgétaire, en tout cas cette initiative, a une réelle chance de passer. Et en tout cas, comment on fait pour faire parler de ces choses-là alors que le contexte international se crispe autour de tensions ? Aux États-Unis, c'est la guerre au bloc. J'ai l'impression qu'en Europe, ça nous vient aussi. Voilà. Comment est-ce qu'on fait pour rester la tête haute sur ces sujets et arriver à leur donner de l'écho ?

  • Speaker #0

    Déjà, on rappelle au progressistes et aux gens du centre on va dire qu'il y a aussi un intérêt à faire ça parce que du coup ce qu'on appelle nous le fonds européen de soutien aux organisations féministes locales et bah ils visent aussi à répondre à une chose, c'est que parfois des fonds pour l'égalité de genre sont captés par les mouvements anti-droit et anti-choix et du coup ça permettrait de lutter contre ça parce qu'en fait le SOF, ce qui est intéressant et ce que nous on propose c'est qu'il soit intermédiaire c'est à dire qu'en gros ... Vu que les plus petites ONG n'ont pas nécessairement la capacité de gérer des grosses enveloppes de plusieurs millions, c'est une grosse ONG qui va gérer la partie administrative pour laisser le côté exécution aux petites ONG en fonction de ce qu'elles auront décidé de faire, évidemment, toujours. Et surtout, pour double-check aussi, qu'on ne soit pas en train de filer des enveloppes pour l'égalité de genre à des organisations qui luttent contre l'égalité de genre. Donc il y a ça, déjà dans la lutte que veulent mener par exemple Renaissance, je pense qu'il y a une très grande partie des eurodéputés qui sont très honnêtes dans leur lutte vis-à-vis de ça. Voilà, leur rappeler ça, que ce fonds, il est intéressant là-dessus. Et puis, je pense qu'il y a aussi des gens au Parti Populaire Européen, donc l'équivalent de LR non affilié RN, qui seraient aussi intéressés là-dedans. Ensuite, on adapte un petit peu la façon dont on présente les choses. Par exemple, se pose la question de... Nous, on préfère parler d'identité de genre, parce que c'est plus exact en termes d'analyse sociologique, parce qu'on veut mettre en avant que le genre est une construction sociale, que c'est par rapport à cette construction sociale que les... que les désavantages ou les oppressions existent. Mais du coup, là, on dirait plutôt égalité entre les femmes ou les hommes ou égalité des sexes. Plutôt égalité entre les femmes et les hommes, généralement, pour parler à quelqu'un d'un peu plus conservateur. Et puis sinon, c'est un long travail de sensibilisation. C'est comme parler à ton oncle un petit peu plus réac. Il faut le voir entre 3 et 10 fois pour faire passer les choses. Je ne traite pas le PPE d'oncle un peu réac, je précise.

  • Speaker #1

    D'accord, ok. Vous avez un autre combat... Ce que j'ai trouvé super intéressant, c'est que vous défendez la taxe sur les transactions financières au sein de l'Union Européenne. De mémoire, il y a un eurodéputé français qui avait fait une grève de la faim à un moment à ce sujet. J'ai plus son nom en tête.

  • Speaker #0

    Je vais faire un QR rec maintenant. En tout cas,

  • Speaker #1

    où est-ce que ça en est ? Est-ce qu'il y a encore espoir que ça aboutisse ? Et aussi, pour toi, quel est l'objectif ? S'il y avait cette taxe... Comment on pourrait s'en servir ? Quel est le pourquoi de cette initiative ?

  • Speaker #0

    Déjà, big up à Pierre Larouturu, le député en question, qui n'a pas renouvelé son mandat au Parlement européen, mais qui a été super vocal là-dessus. On n'a pas gagné la bataille, mais on compte bien gagner la guerre. Ce genre de sujets, ce sont des sujets qui sont cycliques. Il faut que l'opinion publique soit dans une phase favorable. Il faut que les décideurs et les décideuses politiques le soient aussi. Donc, par exemple, en ce moment, il y a une grosse discussion. sur le réarmement de l'Union européenne, la militarisation, le fait qu'il y ait besoin de moyens pour ça. Il y a aussi la discussion autour du cadre budgétaire pluriannuel, donc le budget de l'UE. Et donc pour ça, il faut qu'il y ait des moyens. Et donc cette taxe-là, on l'appellerait plutôt contribution, contribution européenne pour la transaction financière, puisque le langage est très important et que taxe tend à tendre un petit peu les gens. Cette contribution-là, elle permettrait de mettre moins en compétition les différents pôles de dépense de l'Union européenne. En gros, le cœur de ce que nous on explique, c'est que c'est une taxe complètement indolore sur les marchés financiers, que ça n'a pas de conséquences. En fait, la seule petite conséquence que ça pourrait avoir, c'est d'éviter la spéculation à très haute fréquence, donc vraiment ce que tout le monde déteste, c'est-à-dire la spéculation inutile qui ne crée pas de vraies richesses, mais qui crée que de la richesse artificielle, qui crée des bulles et qui déstabilise les marchés financiers. J'ai serré les doigts en disant ça tellement j'étais convaincu. Donc c'est vraiment une contribution qui est super utile. importante et qui a que des effets bénéfiques. Et du coup, nous, ce qu'on défend, c'est qu'elle soit réorientée vers la solidarité internationale parce qu'il y a aussi une forme de réparation, parce que les marchés financiers, de par leur fonctionnement, tentent par exemple à faire augmenter artificiellement le prix des denrées alimentaires et que ça, ça cause des disettes, des famines. On l'a vu avec le cas ukrainien. Il y a eu beaucoup, beaucoup de spéculations sur les denrées alimentaires en Ukraine. Ça a contribué à faire augmenter le prix de l'alimentation dans l'Union européenne aussi. Donc nous, on dit vous avez fait de l'argent là dessus. redistribuant un petit peu dans une optique de justice fiscale. Et on peut gagner et on va y arriver parce que c'est juste, parce que c'est techniquement, objectivement ce qu'il faut faire et parce que l'opinion publique est foncièrement favorable.

  • Speaker #1

    Du coup, si tu veux, on va passer à la section vrai ou faux. Je vais te dire cinq phrases et tu vas me répondre par vrai ou faux et tu peux évidemment t'expliquer à ce sujet, te développer. Première phrase. L'aide au développement est de plus en plus instrumentalisée comme outil de politique migratoire.

  • Speaker #0

    C'est malheureusement absolument vrai, parce qu'elle est utilisée pour faire pression sur les pays partenaires en leur disant, si vous ne reprenez pas vos personnes qui viennent de chez vous, on vous donnera moins d'aide publique au développement. C'est à l'opposé du sens juridique de tous les traités internationaux. C'est complètement contraire à ce que l'aide publique au développement doit faire. L'aide publique au développement, c'est lutter contre la pauvreté et les inégalités. Donc c'est malheureusement vrai. C'est inefficace aussi. A minima, à court et moyen terme, les études montrent qu'en fait, utiliser l'APD pour faire en sorte que les gens restent dans les pays qu'on appelle de transit, donc entre le pays d'arrivée et le pays de départ, ça tend plutôt à donner aux personnes les conditions de la mobilité.

  • Speaker #1

    Deuxième phrase, une note de plaidoyer peut peser autant qu'un lobbying économique.

  • Speaker #0

    C'est, à mon sens, et très tristement, malheureusement, faux. Pour la simple et bonne raison que, d'une part, le cerveau humain, a priori, ne fonctionne pas, selon des mécaniques très compliquées qui font qu'un argumentaire très bien chiadé, véridique et basé sur les faits fonctionne, mais il fonctionne plutôt sur la répétition. Et donc, en répétant quelque chose d'extrêmement débile, on peut malheureusement convaincre quelqu'un. Du moment qu'on le répète assez de fois, or de nouveau, en termes de quantité, Goliath, les plus grosses entreprises, ont beaucoup plus de moyens, d'une part. Et d'autre part, je pense que c'est quelque chose dont il faudra qu'on s'empare de plus en plus au niveau associatif. Mais le lobbying économique, il a aussi cette dimension-là, qu'il a des moyens de pression. On connaît beaucoup le chantage à l'emploi, de dire, en fait, si vous ne faites pas ce que je vous demande de faire, on va délocaliser. Et nous, on n'a pas vraiment de moyens de pression. On peut faire une manifestation, mais on l'a vu, plusieurs millions de personnes peuvent descendre dans la rue sur une réforme des retraites, et aujourd'hui ça ne marche plus tellement.

  • Speaker #1

    Troisième phrase, les ONG sont devenues trop techniques pour être comprises par le grand public.

  • Speaker #0

    Alors pour moi c'est faux, les ONG sont et ont toujours été affreusement techniques. La seule problématique qui se pose, c'est le cadrage, la façon dont on présente les choses, l'angle sous lequel on présente les choses, et c'est là que se trouve notre grosse carence, parce qu'on a envie d'être. Honnête, intellectuellement, ça fait partie des valeurs qu'on défend. En étant très rigide là-dessus, on a parfois du mal à adapter notre langage aux façons de penser, aux socles de valeur des personnes qu'on a besoin de convaincre.

  • Speaker #1

    Quatrième phrase, les institutions européennes écoutent davantage des entreprises que les ONG.

  • Speaker #0

    C'est absolument et 100% et factuellement vrai. En fait, déjà, la place des entreprises est inscrite dans les traités de l'Union européenne. Alors les ONG un petit peu aussi, mais de façon un peu moins contraignante. Mais le commerce, le néolibéralisme, tout ça c'est écrit dans les traités de l'Union européenne. C'est vraiment une idéologie qui est très très très présente. Moi je travaille sur quelque chose qui s'appelle le Global Gateway au niveau de l'Union européenne, qui est en gros un ensemble d'investissements de l'Union européenne, notamment vers les pays de l'Union africaine. En gros l'idée de l'Union européenne c'est d'investir dans les infrastructures, dans la santé, dans l'énergie. 300 milliards de dollars. Donc il y a un bureau, en gros, qui prend les décisions de comment sont, au global, générés les investissements, etc., comment ils sont orientés. Il y a ce qu'on appelle un BAG, Business Advisory Group, un groupe de conseil des business, des entreprises, qui a été établi directement à la création du Global Gateway, qui est donc officiellement impliqué dans les décisions qui sont prises. Nous, OSC, avons dû nous battre. bec et ongles pour obtenir un petit groupe pour conseiller les décisions qui sont faites, etc. Et on se bat toujours pour que ce groupe ait un impact significatif sur les décisions qui sont prises. Donc vraiment, oui, on doit y mettre beaucoup plus d'énergie quand on veut être écouté.

  • Speaker #1

    Et la dernière phrase, travailler en collectif ralentit l'action, mais renforce sa légitimité.

  • Speaker #0

    Oui, et ça renforce son efficacité et le fait qu'elle soit basée sur des faits. Moi, je crois beaucoup en l'intelligence collective. On a plein de petites procédures dans le milieu associatif, les matrices SWOT, les calendriers, ces choses comme ça. Moi, je crois vraiment que c'est un facteur d'efficacité parce que ça nous permet de confronter nos compréhensions des contextes et donc de tirer des conséquences sur ce qu'on doit faire. Et donc oui, ça nous permet de faire ça. C'est beaucoup plus lourd parce qu'il faut embarquer tout le monde, parce qu'il faut aller parler aux personnes une par une. Mais ça fonctionne, je l'espère, à la fin.

  • Speaker #1

    On va arriver à la fin de cet épisode. Pour faire un petit pas en arrière, est-ce que tu peux nous parler d'un dossier qui t'a le plus marqué ou transformé tout au long de ton parcours ?

  • Speaker #0

    Oui, avec plaisir. Un qui m'a le plus marqué et qui a été le plus long dans lequel j'ai été impliqué, c'est celui des élections européennes 2024. Tout le monde a peut-être... déjà oublié ces élections puisque personne n'y pensait au moment où elles avaient lieu. Mais du coup, c'était un gros moment. Moi, j'étais au cœur de la coordination de ce qu'on faisait sur le sujet. C'est quelque chose qui n'est pas évident parce qu'on n'a pas l'habitude de communiquer vers le grand public en tant que Coordination Sud, parce qu'on est un réseau professionnel, donc on a plus vocation à aller vers nos membres. Et donc, ça a été un lot de dossiers. On a dû préparer plusieurs étapes de plaidoyer, prendre énormément de rendez-vous. Mais c'est aussi là que j'ai découvert beaucoup de choses en lien avec la politique, avec le fonctionnement des partis politiques, avec comment on embarque les gens, comment on aussi, en se mettant un petit peu moins l'impression, on peut être un petit peu plus efficace parfois. Et comment il est très, très important, je pense, parfois de lâcher prise et de laisser les petites initiatives annexes se faire, se mettre d'accord sur un socle de valeurs qui est commun, mais laisser plus de liberté à côté aux différentes orgues. Et ça s'est bien passé en ce sens-là. Ça a des conséquences qui sont chouettes, qui ne sont pas directement bénéfiques pour le secrétariat exécutif de Coordination Sud, mais qui en fait ricochettent un petit peu positivement sur plein d'organisations membres et d'autres. Mais c'est aussi un moment qui m'a beaucoup marqué et qui m'a beaucoup changé parce que j'ai fait un petit burn-out suite à ça. Mais je pense que ça touche beaucoup de gens dans le secteur du pied-doyer. J'en ai déjà entendu parler de pas mal. parce que je me suis mis trop la pression, parce que je n'ai pas su lâcher certaines choses. Et c'est malheureusement aussi ça qu'il faut faire. C'est terrible parce que généralement, pour rassurer quelqu'un, on lui dit qu'il n'y a pas mort d'homme. Moi, je considère un peu que si, dans la mesure où notre métier par extension, c'est quand même d'améliorer ou de sauver des vies. Si on permet aux humanitaires d'intervenir dans un pays, à priori, il y a des vies qui vont être sauvées. Donc ça met un peu de pression, mais ça m'a marqué parce que du coup... Du coup, j'ai aussi appris que si je ne me mettais pas de limites en termes de bien-être personnel, je pouvais me cramer et qu'à la fin, du coup, je ne pouvais plus rien faire pendant un mois.

  • Speaker #1

    Justement, si tu avais un conseil Ă  te donner au Nicolas qui commence dans les affaires publiques, qu'est-ce que tu lui dirais ?

  • Speaker #0

    Ne néglige absolument pas le bien-être militant. Prends soin des gens autour de toi, prends soin de toi sans être complaisant avec toi-même. Reste. Hyper exigeant, bosse, continue à bosser. Quelle que soit la chose que tu feras, ça sera utile pour toi et t'apprendras des choses. Quel que soit le secteur, t'es pas obligé de tout faire en plaidoyer. Tu peux faire des choses aussi à côté. Un engagement associatif, aller aider sur une récolte alimentaire d'action contre la faim, ça aide à fond aussi parce qu'on en apprend sur l'expérience des gens et ça permet d'enrichir et d'illustrer un petit peu pourquoi est-ce qu'on fait ce qu'on fait.

  • Speaker #1

    Parfait. Pour conclure, si tu devais résumer ton rapport au plaidoyer en une chanson, une scène ou une image ?

  • Speaker #0

    Alors, j'avais plein, plein, plein d'idées pour ça. Je dirais que c'est La Capitana. C'est un roman sur Mika Echeverri, qui est une militante qui a fait pas mal de guerres autour de la Seconde Guerre mondiale, notamment qui a fait la guerre civile espagnole en tant que membre des brigades internationales. Donc, il y a un côté, déjà, que j'aime beaucoup, très sacrificiel. Les brigades internationales, c'est des personnes du monde entier qui sont venues soutenir. les républicains démocrates de l'Espagne qui faisaient face à un coup d'état des franquistes, donc en gros des fascistes espagnols de l'époque, et donc ils sont venus les aider par dizaines de milliers. Et moi, c'est un épisode de l'histoire qui m'a énormément marqué. Et pourquoi cet ouvrage, La Capitana en particulier ? Parce que Mikaët Chévéret, déjà, c'est une femme, ce qui est un peu moins présent dans ce milieu-là, parce qu'elle est... badass comme pas possible. Mais elle est badass parce qu'elle se bat d'une part, mais parce que quand c'est plus le moment de se battre, elle prend soin de ses camarades. Il y a une scène, du coup, qui serait peut-être la scène que je pourrais dire, où elle est dans les espèces de tranchées qu'il y avait à l'époque, et elle fait attention à ce que chacun... Une petite attention à un petit truc. Et en ce sens-là, on parlait en tout début de la compétition et de son importance pour nos combats, mais je pense que le care, du coup, qui est une valeur... historiquement plutôt féminine et bah c'est quelque chose de très très utile et j'aurais aimé plus rapidement avoir plus ça à l'esprit prendre plus prendre plus soin des autres et je serais hyper badass qu'elle arrive à la fois à prendre le fusil et à la fois à faire attention aux autres et donc en tout cas récemment je suis beaucoup là dedans et donc ça m'a beaucoup marqué quand on veut faire le bien il n'y a pas de sous manière de faire il n'y a pas une manière de faire qui est bien mieux qu'une autre il faut Je parle ici aux militants et aux militantes au sens très large, à celles et ceux qui considèrent qu'elles essaient de faire le bien dans le monde. Toute l'hostilité que vous avez, dirigez-la contre vos adversaires et non pas contre les gens qui luttent avec vous. Si les gens ne font pas les choses parfaitement, expliquez-leur avec calme si possible. Parfois on est très affecté par les choses, parfois on est très tendu, mais on gagnera mieux si on prend soin les uns des autres. C'est vraiment plus qu'une question morale, c'est une question d'efficacité.

  • Speaker #1

    Merci Nicolas.

  • Speaker #0

    Merci Ă  toi. A bientĂ´t. A bientĂ´t.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté Hémicycle, le podcast qui décrypte la fabrique de la loi. Je m'appelle Pierre, je suis le cofondateur de l'Egywatch, la plateforme qui vous aide dans votre veille institutionnelle. A bientôt.

Description

Entre Paris 🇫🇷 et Bruxelles 🇧🇪, Nicolas Paris œuvre à rendre les politiques publiques européennes plus justes, féministes et solidaires.

Au sein de Coordination Sud, il structure la parole collective des ONG françaises pour peser dans le débat – sans reproduire les méthodes des lobbys classiques.


Chargé de plaidoyer Europe, il a vu comment s’élabore un rapport de force, comment se construit une stratégie d’alliance… et ce que signifie « faire le bien, mais stratégiquement ».

Dans cet épisode, on parle de :

🔹 La structuration collective du plaidoyer au sein de Coordination Sud
🔹 La tentative de créer un fonds européen pour les ONG féministes locales
🔹 L’instrumentalisation croissante de l’aide au développement
🔹 La lutte pour une contribution européenne sur les transactions financières 💶
🔹 Son travail d’interface avec les eurodéputés et les partis politiques 🇪🇺
🔹 Et des dilemmes éthiques et personnels d’un militant devenu lobbyiste


💬 « Quand on veut faire le bien, il n’y a pas de sous-manière de faire. »

Un échange lucide et engagé avec un acteur discret mais stratégique de la fabrique des lois européennes.

Vous pouvez contacter Pierre sur Linkedin.

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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Quand on veut faire le bien, il n'y a pas de sous-manière de faire. Je suis l'huile dans le rouage du collectif. Mon boulot, c'est de faire en sorte que les politiques publiques soient plus favorables aux ONG. Malheureusement, on se trouve dans un système où il y a des règles du jeu. Et pour l'instant, il faut jouer avec ces règles du jeu. On essaye autant que faire se peut de les contourner.

  • Speaker #1

    Qui sont ceux qui font la loi ? Je m'appelle Pierre, fondateur de la plateforme de veille institutionnelle Les J-Watch. et je rencontre celles et ceux qui font les coulisses de notre vie politique. Aujourd'hui, je reçois Nicolas Paris, chargé de plaidoyer Europe chez Coordination Sud. Il défend une Europe solidaire, féministe et durable entre Paris et Bruxelles.

  • Speaker #0

    Salut Pierre !

  • Speaker #1

    Salut Nicolas, ça va ?

  • Speaker #0

    Très bien et toi ?

  • Speaker #1

    Bah super, merci. Alors est-ce que tu peux te présenter pour nos auditeurs et auditrices ?

  • Speaker #0

    Alors je suis Nicolas Paris, ou Paris d'ailleurs, selon les gens. Je suis chargé de... plaidoyer au sein de l'association Coordination Sud qui est la fédération nationale des organisations de solidarité internationale en gros. Au sein de cet orgueil, je m'occupe notamment de traduire au niveau européen les combats nationaux de Coordination Sud.

  • Speaker #1

    Quels sont les combats nationaux de Coordination Sud ?

  • Speaker #0

    Coordination Sud défend au sens large la solidarité internationale. Le combat phare un peu, c'est l'aide publique au développement, c'est-à-dire l'argent qu'on envoie à l'étranger pour euh appuyer l'amélioration des conditions de vie des populations des pays partenaires et au sens un peu plus large ça va commencer là ça va être aussi l'environnement favorable des ong donc que l'environnement juridique l'environnement politique ce soit bien pour les ong et ça peut aller jusqu'à aux questions de taxation de justice fiscale environnementale l'égalité de genre ok donc si je comprends bien des ong qui sont adhérentes de ta coordination en tout cas tu représente des ong et

  • Speaker #1

    ton boulot c'est de d'augmenter quelque part leurs subventions, ou en tout cas d'aller chercher plus d'aide au développement dont elles pourraient bénéficier, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Mon boulot, c'est de faire en sorte que les politiques publiques qui sont mises en place soient plus favorables aux ONG. En fait, ce n'est pas vraiment moi qui le porte. Mon boulot, c'est de faire en sorte que les ONG le portent par elles-mêmes, c'est de coordonner leurs actions, de faire en sorte qu'on joue collectif. Je suis l'huile dans le rouage du collectif, on va dire. Je ne suis que ça, parce que je n'ai pas de légitimité démocratique à représenter les ONG. Je suis donc un membre de ce qu'on appelle un secrétariat exécutif. Et donc, par exemple, quand une ONG veut défendre quelque chose auprès d'un partenaire institutionnel, c'est elle qui se rend avec moi au rendez-vous. C'est elle qui porte ses propres intérêts, qui sont les intérêts du collectif que représente Coordination Sud.

  • Speaker #1

    Super intéressant. Ok, donc tu es vraiment dans l'organisation, la distribution du jeu.

  • Speaker #0

    C'est ça.

  • Speaker #1

    Et donc, tu as choisi un rôle qui est un rôle d'interface plutôt que de travailler sur le terrain. Pourquoi ce choix ? Qu'est-ce qui t'a amené ici ?

  • Speaker #0

    En gros, mon guide, c'était toujours l'idée de déjà aider les gens, mais vraiment très naïvement. Et au fur et à mesure de tout ce que j'ai appris, j'ai découvert le métier de lobbyiste, que j'ai trouvé absolument injuste, puisque par définition, les personnes possédant le plus de moyens ont donc plus de moyens pour défendre leurs intérêts. Donc par définition, le lobby est antidémocratique, puisque plus d'argent signifie plus de poids démocratique. Et donc, je me suis dit qu'il fallait impérativement compenser ce poids. des intérêts privés lucratifs. Et puis l'idée aussi, c'était de me dire, j'avais un peu ce guide de, ayant grandi en étant privilégié, en étant aussi un homme, etc., j'ai pu, de par mon existence, faire du dégât, en quelque sorte, parce que les modes de consommation des Occidentaux ont des conséquences sur l'environnement, ont des conséquences sur les conditions de vie des populations hors de l'Union européenne. Donc en ce sens-là, en fait, c'est pas de ma faute, mais j'ai fait du dégât en étant aussi un homme masculin créé par des valeurs de domination, de compétition, etc. C'est le patriarcat, mais j'estimais qu'il y avait quelque chose à réparer et qu'à partir d'un certain moment, mon but, ce serait de faire plus de bien que de mal.

  • Speaker #1

    Entendu. Donc tu travailles en tant que lobbyiste. Tu dis que c'est un métier qui est injuste. Comment on fait pour être un peu le David contre le Goliath ? Et deuxième question, alors qui rejoint ce que tu viens de dire également. Tu parles du fait que tu as une construction sur la compétition, sur la domination qui est peut-être liée à ta masculinité. Est-ce qu'il ne faut pas être dans la compétition et dans la domination pour avoir une chance de remporter des batailles qui sont très difficiles à obtenir ?

  • Speaker #0

    Alors, David contre Goliath, déjà. Je pense que ce qu'on peut faire, c'est être plus efficient, c'est être plus ouvert, c'est mieux reconnaître nos erreurs, moins tomber dans l'orgueil, dans l'hubris que les autres, et donc être à la fin. plus efficace. On a quand même un avantage, c'est que nos valeurs, les valeurs qu'on défend au sein de Coordination Sud, mais au sein du secteur associatif de manière générale, elles sont plutôt partagées par le reste de la population. Donc il faut bosser, être efficace. C'est pour ça que, notamment au sein du secteur associatif, le burn-out militant, c'est un gros truc. C'est parce que du coup, on charbonne, on charbonne en croyant à ce qu'on fait, à son utilité. Et donc, si ça ne marche pas et si surtout on ne voit plus utilité, c'est là que généralement ça craque Et sur la question de la compétition, oui, ça en fait partie. Ça en fait partie sur la question de la compétition. J'ai parlé d'efficience. L'efficience, c'est un terme tout ce qu'il y a de plus capitaliste, c'est-à-dire c'est le rapport entre la faim et les moyens utilisés. Mais malheureusement, on se trouve dans un système où il y a des règles du jeu. Et pour l'instant, il faut jouer avec ces règles du jeu. On essaye autant que faire se peut de les contourner. d'en créer de nouvelles, d'innover. Et c'est aussi là que le secteur associatif est intéressant. Mais en effet, et c'est peut-être en ce sens-là aussi que ma place est mieux à ce poste-là. C'est-à-dire que, d'une part, en effet, je suis un garçon. Et donc, les valeurs de compétition, de combat, etc., elles m'ont été inculquées. J'ai essayé de m'en défaire pour la dimension personnelle, puisque c'est généralement plus sain, et de le garder quand c'est utile. Mais ça peut parfois un petit peu aider. Je pense aussi qu'il y a quand même d'autres choses qui nous portent.

  • Speaker #1

    J'ai noté une seconde séquence pour vraiment rentrer dans ton quotidien, dans ton travail, pour comprendre ce que tu défends et comment tu le fais. Déjà, si tu devais expliquer ton quotidien à quelqu'un qui n'est pas du tout du milieu, comment tu ferais ? Qu'est-ce que tu lui dirais ?

  • Speaker #0

    Je lui dirais. Déjà, on essaie de déterminer collectivement qu'est-ce qu'on pense par rapport à un sujet. On fait une note. Moi, je fais une note qu'on appelle sacrificielle, en gros. c'est à dire sur laquelle tout le monde va critiquer à la fin. Tout le monde dira, mais c'est horrible, pas pensé à ça, c'est nul, etc. On fait rentrer ça, tous les retours, etc. On essaie de faire un document où tout le monde est un peu d'accord. On consulte, du coup, les membres de Coordination Sud. Voilà, pas mal de consultations. On se met d'accord. S'il y a besoin de voter, on vote. Généralement, on tombe assez d'accord parce que stratégiquement, on partage une analyse. On essaie de faire ça de façon informée. Donc, le but, c'est que... Je crois au consensus final parce que l'analyse peut être partagée.

  • Speaker #1

    C'est qui « on » dans « on vote » ?

  • Speaker #0

    « On » , c'est soit de façon informelle et absolument pas démocratique les travailleurs et les travailleuses qui sont aussi déchargés de pédoyer dans d'autres organisations, ou alors, quand il faut trancher politiquement, le Conseil d'administration de coordination de suite, qui est censé représenter les organisations du secteur, avec une représentation notamment, on essaye, assez égalitaire entre les plus petites et les plus grosses organisations, parce que même au sein des ONG, il y a des inégalités. Bien sûr, entre les gros et les plus petits. Et ensuite, c'est beaucoup de rencontres, de parler avec les partenaires institutionnels. En gros, c'est aller voir un ou une politique et lui dire, on aimerait s'il vous plaît que vous fassiez ça. Et donc, moi, la différence d'un lobbyiste classique, c'est que je vais prendre le rendez-vous. Puis ensuite, je vais dire à tout le monde, OK, on a rendez-vous ce jour-là, qui veut venir ? On aimerait une représentation qui soit paritaire. On aimerait parler et de ce sujet, et de ce sujet, et de ce sujet. Donc, il nous faut un ou une spécialiste sur chacun de ces sujets.

  • Speaker #1

    Comment tu fais pour avoir le rendez-vous ? Est-ce que tu as ton réseau à toi ? Est-ce que tu les prospectes comme on pourrait faire un commercial ?

  • Speaker #0

    Ça va dépendre. Soit on peut avoir notre réseau, ça va être les rendez-vous les plus rapides à prendre avec les collaborateurs, collaboratrices parlementaires, ou avec d'autres gens qui travaillent dans le milieu politique. Ça peut être des membres de partis aussi politiques qui travaillent sur des programmes, etc. J'ai pas mal parlé par exemple avec des militants, des militantes dans le cadre des élections européennes de 2024. L'idée, c'était un peu de venir contribuer à leur programme politique. Et sinon, pour les rendez-vous plutôt haut niveau, genre le cabinet de Macron, par exemple, on va faire partir une lettre depuis la présidence de Coordination Sud pour qu'il y ait un côté égal à égal, on va dire. Après, c'est beaucoup de harcèlement, c'est-à-dire envoyer deux, trois fois les mails, ou trois, maintenant, j'arrête parce que, justement, j'ai un peu peur d'être trop un forceur. Voilà, il faut quand même insister souvent.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'on vise, du coup, tu vises quelqu'un ? Très précisément, ou est-ce que tu t'envoies à une salve en disant « Ok, tant qu'il y en a un qui m'écoute, c'est suffisant. »

  • Speaker #0

    On vise la personne en fonction de deux facteurs principaux. Trois, plutôt, l'intérêt que la personne a pour le sujet, le pouvoir dont la personne dispose sur le sujet, et sa position sur le sujet. Généralement, on va plutôt aller voir des gens dont la position doit être un petit peu à basculer. D'accord. Si on va voir des personnes qui sont d'accord avec nous, c'est plutôt pour prendre de l'information, etc.

  • Speaker #1

    Ça vous est arrivé d'aller voir des gens qui sont totalement opposés à votre action pour tenter de convaincre ou alors c'est pas la peine ?

  • Speaker #0

    J'ai essayé à une époque, on travaillait sur les questions de migration. Nous, ce qu'on veut défendre, c'est d'une part un discours responsable sur les migrations, un discours responsable et informé, qui se base sur la réalité des faits, et pour les questions des voies migratoires, des voies qui soient justes et surtout qui soient sûres pour les personnes. Parce qu'en fait, plus tu fais de la répression sur les voies de migration, plus tu développes les réseaux de passeurs. Donc en fait, plus il y a d'insécurité. La restriction aux frontières, à bon entendeur, ne fonctionne pas et développe les insécurités. Et du coup, on est allé voir le ministère de l'Intérieur. Parce qu'en fait, notre interlocuteur principal, c'est le ministère des Affaires étrangères de base. Parce que notre mandat, c'est Affaires étrangères. Et on nous a dit, non, non, mais en fait, dès que les migrations sont concernées, c'est le ministère de l'Intérieur qui va trancher à la fin. Parce qu'il y a une sécurisation des sujets relatifs aux migrations, même quand ce n'est pas des questions de sécurité. Et quand on allait voir le ministère de l'Intérieur, en effet, on ne commençait pas des mêmes postulats du tout. C'était vraiment surprenant par rapport au MEAE, le ministère des Affaires étrangères.

  • Speaker #1

    Et ça s'est passé comment, si ce n'est pas discret ?

  • Speaker #0

    Il y a plusieurs approches. Moi, j'aurais tendance à dire que ça ne sert à rien de braquer les gens. Après, d'autres personnes considèrent qu'il faut y aller de façon un peu plus franco, il faut rappeler nos messages, quoi qu'il arrive. Rappeler que ce qui peut être dit par nos interlocuteurs et nos interlocutrices n'est pas entendable. Il n'est pas entendable au regard de l'état de droit, des engagements internationaux. Et donc, généralement, il y aura... une dynamique good cop, bad cop qui se mettra en place un peu naturellement. Surtout sur les sujets très clivants comme les questions de migration.

  • Speaker #1

    Ok, super intéressant. Là, tu parles de... du ministère de l'Intérieur. J'ai compris que vous aviez des actions à Bruxelles, mais il y a aussi des choses qui se passent en France. Comment ça se répartit ?

  • Speaker #0

    En fait, la bulle bruxelloise, je ne sais pas si tu connais l'expression, mais c'est un vrai truc. C'est un vrai truc. Quand tu es à Bruxelles, c'est... totalement différent que de travailler sur l'UE alors que tu es en France. Parce que tu es beaucoup plus connecté, parce que tes soirées elles sont avec les gens de Bruxelles, parce que tu connais, tu apprends des petites subtilités juridiques, législatives, etc. Parce que les infos circulent beaucoup plus rapidement, etc. Tout ce qui est du contact avec les institutions purement européennes, en tout cas c'est comme ça que Coordination Sud fonctionne, on va le laisser à nos partenaires qui sont au niveau de l'UE. notamment les relations avec la Commission européenne, quand il s'agit de prendre des rendez-vous, ce n'est pas trop nous qui nous en occupons. Nous, notre valeur à ajouter, elle est dans le fait qu'on comprend bien le contexte français, le contexte national, parce qu'on est ce qu'on appelle dans le jargon européen une plateforme nationale. Et donc, on connaît bien le contexte national. Et donc, on sera plus enclin à adapter notre discours en fonction des impératifs nationaux. Quand Macron a décidé de faire de la défense une priorité nationale, nous, on l'a en tête, parce qu'on a vu les discours nationaux, etc. Quand il y a des élections municipales en mars 2026, je crois, on sait. On sait aussi qu'il y a un congrès du PS, on sait qu'il y a un congrès des écolos. Et donc, on sait pourquoi les gens font ce qu'ils font. Nous, on va plutôt être sur les interlocuteurs, interlocutrices françaises, parce qu'on a cette valeur ajoutée et parce qu'ils et elles sont à Paris. Généralement, la seule exception, c'est la représentation permanente de la France à Bruxelles, qui est en gros l'ambassade française à... auprès de l'UE, avec qui on va parler en distanciel, mais vu qu'on est du même pays. Et puis les députés, les eurodéputés français, françaises et francophones aussi.

  • Speaker #1

    J'ai vu, alors tu me corriges si je me trompe, mais du coup que vous défendez à Bruxelles une ligne budgétaire pour les organisations féministes. Est-ce que... Tu peux développer ce sujet, expliquer ce combat.

  • Speaker #0

    Avec grand plaisir. Oui, en fait, c'est un super combat parce qu'il motive beaucoup de gens au sein de Coordination Sud et c'est trop chouette. Et en gros, on a bossé dessus avant les élections européennes. On l'a mentionné auprès de personnes qu'on a rencontrées. Par exemple, Raphaël Glucksmann qui nous a dit que c'est quelque chose qui peut passer, même auprès des conservateurs et des conservatrices. Donc il y a une question d'opportunité, déjà. Mais c'est surtout parce que c'est un peu vraiment au cœur des valeurs qu'on défend. la valeur égalité de genre, bien sûr, mais aussi la valeur d'efficacité. Parce qu'en gros, ce qu'on défend, c'est un fonds qui permet de financer les petites orgues qui sont sur le terrain de manière un peu plus pérenne. Si on file 10 000 euros pour un an, tu vas dire, ok, je vais utiliser 5 000 euros pour faire mon projet et 5 000 euros pour chercher des fonds pour l'année d'après. Et là, on leur dit, non, non, on va vous filer 100 000 sur 5 ans. Comme ça, leur stratégie, pendant 5 ans, ils sont tranquilles. Il est L, du coup. Et donc, elles, on va dire plutôt, parce que c'est des organisations féministes locales, elles peuvent faire mieux leur travail, des changements structurels. C'est pareil au niveau français. Si vous voulez faire des dons, ne faites pas des dons ponctuels, des gros dons ponctuels, faites des petits dons mensuels. Comme ça, on a une capacité à anticiper le futur. Et donc, à se dire, voilà, sur cinq ans, on va pouvoir faire une stratégie parce qu'on est stable financièrement. Et donc, il y a cette question de l'efficacité. Elles peuvent mieux travailler parce qu'elles ont plus de sécurité dans l'avenir. C'est aussi une approche qui est décoloniale. Ça peut être un gros mot, mais je trouve que là, c'est une belle illustration. C'est de dire, en fait, pendant pas mal d'années, on avait une agence française de développement qui arrivait et qui disait, je fais les choses grossièrement, je m'excuse d'avance à l'agence française de développement, mais qui disait un peu, vous, sur le terrain, vous avez ces besoins, donc nous, on vous donne l'argent pour que vous répondiez à ces besoins. Le but du fonds, c'est de mettre en œuvre aussi ce qu'on appelle du droit d'initiative, c'est-à-dire qu'en fait, c'est les OSC locales qui nous disent Merci. ce dont elles ont besoin, parce qu'elles sont au plus proche du terrain, parce qu'en gros, quand t'arrives avec tes grands sabots, une délégation de 10 européens, tu vas pas penser à plein de choses. Il y a un exemple qui tourne un peu dans le secteur, qui est l'exemple du puits, c'est que X agences voulaient faire un projet en faveur de l'égalité de genre. Elle a remarqué que les femmes allaient au puits chercher de l'eau mais le puits se trouvait à un kilomètre et demi du village et donc ils se sont dit bon bah on va remettre le puits au milieu du village comme ça les femmes tout le temps qu'elles perdent chaque jour à aller chercher l'eau elles le gagneront mais en fait en fin de compte ce dont on s'est rendu compte c'est que les femmes elles profitent cette occasion pour discuter entre elles partager de l'info gagner en pouvoir aussi avoir des moments du coup un autre gros mot mais non mixité qui fait qu'elle pouvait être vraiment complètement en sécurité sur ce qu'elle voulait dire notamment sur la question de de l'hygiène menstruelle, elles pouvaient aller laver leur protection périodique, etc. Et donc c'était vraiment des moments privilégiés. En plus de ça, du coup, le temps qui a été gagné, il a été réinvesti pour que les femmes aillent travailler plus dans les champs, dans des emplois qui ne sont pas nécessairement rémunérés. Donc en fait, en termes d'égalité de genre, c'était plutôt pas une bonne chose. Et donc en termes d'efficacité, en fin de compte, parce qu'on n'a pas pris les choses dans le bon sens, dans une approche top-down plutôt que bottom-up du coup, eh ben on a fait plus de dégâts que de choses positives.

  • Speaker #1

    C'est très clair. Mais alors justement, cette ligne budgétaire, en tout cas cette initiative, a une réelle chance de passer. Et en tout cas, comment on fait pour faire parler de ces choses-là alors que le contexte international se crispe autour de tensions ? Aux États-Unis, c'est la guerre au bloc. J'ai l'impression qu'en Europe, ça nous vient aussi. Voilà. Comment est-ce qu'on fait pour rester la tête haute sur ces sujets et arriver à leur donner de l'écho ?

  • Speaker #0

    Déjà, on rappelle au progressistes et aux gens du centre on va dire qu'il y a aussi un intérêt à faire ça parce que du coup ce qu'on appelle nous le fonds européen de soutien aux organisations féministes locales et bah ils visent aussi à répondre à une chose, c'est que parfois des fonds pour l'égalité de genre sont captés par les mouvements anti-droit et anti-choix et du coup ça permettrait de lutter contre ça parce qu'en fait le SOF, ce qui est intéressant et ce que nous on propose c'est qu'il soit intermédiaire c'est à dire qu'en gros ... Vu que les plus petites ONG n'ont pas nécessairement la capacité de gérer des grosses enveloppes de plusieurs millions, c'est une grosse ONG qui va gérer la partie administrative pour laisser le côté exécution aux petites ONG en fonction de ce qu'elles auront décidé de faire, évidemment, toujours. Et surtout, pour double-check aussi, qu'on ne soit pas en train de filer des enveloppes pour l'égalité de genre à des organisations qui luttent contre l'égalité de genre. Donc il y a ça, déjà dans la lutte que veulent mener par exemple Renaissance, je pense qu'il y a une très grande partie des eurodéputés qui sont très honnêtes dans leur lutte vis-à-vis de ça. Voilà, leur rappeler ça, que ce fonds, il est intéressant là-dessus. Et puis, je pense qu'il y a aussi des gens au Parti Populaire Européen, donc l'équivalent de LR non affilié RN, qui seraient aussi intéressés là-dedans. Ensuite, on adapte un petit peu la façon dont on présente les choses. Par exemple, se pose la question de... Nous, on préfère parler d'identité de genre, parce que c'est plus exact en termes d'analyse sociologique, parce qu'on veut mettre en avant que le genre est une construction sociale, que c'est par rapport à cette construction sociale que les... que les désavantages ou les oppressions existent. Mais du coup, là, on dirait plutôt égalité entre les femmes ou les hommes ou égalité des sexes. Plutôt égalité entre les femmes et les hommes, généralement, pour parler à quelqu'un d'un peu plus conservateur. Et puis sinon, c'est un long travail de sensibilisation. C'est comme parler à ton oncle un petit peu plus réac. Il faut le voir entre 3 et 10 fois pour faire passer les choses. Je ne traite pas le PPE d'oncle un peu réac, je précise.

  • Speaker #1

    D'accord, ok. Vous avez un autre combat... Ce que j'ai trouvé super intéressant, c'est que vous défendez la taxe sur les transactions financières au sein de l'Union Européenne. De mémoire, il y a un eurodéputé français qui avait fait une grève de la faim à un moment à ce sujet. J'ai plus son nom en tête.

  • Speaker #0

    Je vais faire un QR rec maintenant. En tout cas,

  • Speaker #1

    où est-ce que ça en est ? Est-ce qu'il y a encore espoir que ça aboutisse ? Et aussi, pour toi, quel est l'objectif ? S'il y avait cette taxe... Comment on pourrait s'en servir ? Quel est le pourquoi de cette initiative ?

  • Speaker #0

    Déjà, big up à Pierre Larouturu, le député en question, qui n'a pas renouvelé son mandat au Parlement européen, mais qui a été super vocal là-dessus. On n'a pas gagné la bataille, mais on compte bien gagner la guerre. Ce genre de sujets, ce sont des sujets qui sont cycliques. Il faut que l'opinion publique soit dans une phase favorable. Il faut que les décideurs et les décideuses politiques le soient aussi. Donc, par exemple, en ce moment, il y a une grosse discussion. sur le réarmement de l'Union européenne, la militarisation, le fait qu'il y ait besoin de moyens pour ça. Il y a aussi la discussion autour du cadre budgétaire pluriannuel, donc le budget de l'UE. Et donc pour ça, il faut qu'il y ait des moyens. Et donc cette taxe-là, on l'appellerait plutôt contribution, contribution européenne pour la transaction financière, puisque le langage est très important et que taxe tend à tendre un petit peu les gens. Cette contribution-là, elle permettrait de mettre moins en compétition les différents pôles de dépense de l'Union européenne. En gros, le cœur de ce que nous on explique, c'est que c'est une taxe complètement indolore sur les marchés financiers, que ça n'a pas de conséquences. En fait, la seule petite conséquence que ça pourrait avoir, c'est d'éviter la spéculation à très haute fréquence, donc vraiment ce que tout le monde déteste, c'est-à-dire la spéculation inutile qui ne crée pas de vraies richesses, mais qui crée que de la richesse artificielle, qui crée des bulles et qui déstabilise les marchés financiers. J'ai serré les doigts en disant ça tellement j'étais convaincu. Donc c'est vraiment une contribution qui est super utile. importante et qui a que des effets bénéfiques. Et du coup, nous, ce qu'on défend, c'est qu'elle soit réorientée vers la solidarité internationale parce qu'il y a aussi une forme de réparation, parce que les marchés financiers, de par leur fonctionnement, tentent par exemple à faire augmenter artificiellement le prix des denrées alimentaires et que ça, ça cause des disettes, des famines. On l'a vu avec le cas ukrainien. Il y a eu beaucoup, beaucoup de spéculations sur les denrées alimentaires en Ukraine. Ça a contribué à faire augmenter le prix de l'alimentation dans l'Union européenne aussi. Donc nous, on dit vous avez fait de l'argent là dessus. redistribuant un petit peu dans une optique de justice fiscale. Et on peut gagner et on va y arriver parce que c'est juste, parce que c'est techniquement, objectivement ce qu'il faut faire et parce que l'opinion publique est foncièrement favorable.

  • Speaker #1

    Du coup, si tu veux, on va passer à la section vrai ou faux. Je vais te dire cinq phrases et tu vas me répondre par vrai ou faux et tu peux évidemment t'expliquer à ce sujet, te développer. Première phrase. L'aide au développement est de plus en plus instrumentalisée comme outil de politique migratoire.

  • Speaker #0

    C'est malheureusement absolument vrai, parce qu'elle est utilisée pour faire pression sur les pays partenaires en leur disant, si vous ne reprenez pas vos personnes qui viennent de chez vous, on vous donnera moins d'aide publique au développement. C'est à l'opposé du sens juridique de tous les traités internationaux. C'est complètement contraire à ce que l'aide publique au développement doit faire. L'aide publique au développement, c'est lutter contre la pauvreté et les inégalités. Donc c'est malheureusement vrai. C'est inefficace aussi. A minima, à court et moyen terme, les études montrent qu'en fait, utiliser l'APD pour faire en sorte que les gens restent dans les pays qu'on appelle de transit, donc entre le pays d'arrivée et le pays de départ, ça tend plutôt à donner aux personnes les conditions de la mobilité.

  • Speaker #1

    Deuxième phrase, une note de plaidoyer peut peser autant qu'un lobbying économique.

  • Speaker #0

    C'est, à mon sens, et très tristement, malheureusement, faux. Pour la simple et bonne raison que, d'une part, le cerveau humain, a priori, ne fonctionne pas, selon des mécaniques très compliquées qui font qu'un argumentaire très bien chiadé, véridique et basé sur les faits fonctionne, mais il fonctionne plutôt sur la répétition. Et donc, en répétant quelque chose d'extrêmement débile, on peut malheureusement convaincre quelqu'un. Du moment qu'on le répète assez de fois, or de nouveau, en termes de quantité, Goliath, les plus grosses entreprises, ont beaucoup plus de moyens, d'une part. Et d'autre part, je pense que c'est quelque chose dont il faudra qu'on s'empare de plus en plus au niveau associatif. Mais le lobbying économique, il a aussi cette dimension-là, qu'il a des moyens de pression. On connaît beaucoup le chantage à l'emploi, de dire, en fait, si vous ne faites pas ce que je vous demande de faire, on va délocaliser. Et nous, on n'a pas vraiment de moyens de pression. On peut faire une manifestation, mais on l'a vu, plusieurs millions de personnes peuvent descendre dans la rue sur une réforme des retraites, et aujourd'hui ça ne marche plus tellement.

  • Speaker #1

    Troisième phrase, les ONG sont devenues trop techniques pour être comprises par le grand public.

  • Speaker #0

    Alors pour moi c'est faux, les ONG sont et ont toujours été affreusement techniques. La seule problématique qui se pose, c'est le cadrage, la façon dont on présente les choses, l'angle sous lequel on présente les choses, et c'est là que se trouve notre grosse carence, parce qu'on a envie d'être. Honnête, intellectuellement, ça fait partie des valeurs qu'on défend. En étant très rigide là-dessus, on a parfois du mal à adapter notre langage aux façons de penser, aux socles de valeur des personnes qu'on a besoin de convaincre.

  • Speaker #1

    Quatrième phrase, les institutions européennes écoutent davantage des entreprises que les ONG.

  • Speaker #0

    C'est absolument et 100% et factuellement vrai. En fait, déjà, la place des entreprises est inscrite dans les traités de l'Union européenne. Alors les ONG un petit peu aussi, mais de façon un peu moins contraignante. Mais le commerce, le néolibéralisme, tout ça c'est écrit dans les traités de l'Union européenne. C'est vraiment une idéologie qui est très très très présente. Moi je travaille sur quelque chose qui s'appelle le Global Gateway au niveau de l'Union européenne, qui est en gros un ensemble d'investissements de l'Union européenne, notamment vers les pays de l'Union africaine. En gros l'idée de l'Union européenne c'est d'investir dans les infrastructures, dans la santé, dans l'énergie. 300 milliards de dollars. Donc il y a un bureau, en gros, qui prend les décisions de comment sont, au global, générés les investissements, etc., comment ils sont orientés. Il y a ce qu'on appelle un BAG, Business Advisory Group, un groupe de conseil des business, des entreprises, qui a été établi directement à la création du Global Gateway, qui est donc officiellement impliqué dans les décisions qui sont prises. Nous, OSC, avons dû nous battre. bec et ongles pour obtenir un petit groupe pour conseiller les décisions qui sont faites, etc. Et on se bat toujours pour que ce groupe ait un impact significatif sur les décisions qui sont prises. Donc vraiment, oui, on doit y mettre beaucoup plus d'énergie quand on veut être écouté.

  • Speaker #1

    Et la dernière phrase, travailler en collectif ralentit l'action, mais renforce sa légitimité.

  • Speaker #0

    Oui, et ça renforce son efficacité et le fait qu'elle soit basée sur des faits. Moi, je crois beaucoup en l'intelligence collective. On a plein de petites procédures dans le milieu associatif, les matrices SWOT, les calendriers, ces choses comme ça. Moi, je crois vraiment que c'est un facteur d'efficacité parce que ça nous permet de confronter nos compréhensions des contextes et donc de tirer des conséquences sur ce qu'on doit faire. Et donc oui, ça nous permet de faire ça. C'est beaucoup plus lourd parce qu'il faut embarquer tout le monde, parce qu'il faut aller parler aux personnes une par une. Mais ça fonctionne, je l'espère, à la fin.

  • Speaker #1

    On va arriver à la fin de cet épisode. Pour faire un petit pas en arrière, est-ce que tu peux nous parler d'un dossier qui t'a le plus marqué ou transformé tout au long de ton parcours ?

  • Speaker #0

    Oui, avec plaisir. Un qui m'a le plus marqué et qui a été le plus long dans lequel j'ai été impliqué, c'est celui des élections européennes 2024. Tout le monde a peut-être... déjà oublié ces élections puisque personne n'y pensait au moment où elles avaient lieu. Mais du coup, c'était un gros moment. Moi, j'étais au cœur de la coordination de ce qu'on faisait sur le sujet. C'est quelque chose qui n'est pas évident parce qu'on n'a pas l'habitude de communiquer vers le grand public en tant que Coordination Sud, parce qu'on est un réseau professionnel, donc on a plus vocation à aller vers nos membres. Et donc, ça a été un lot de dossiers. On a dû préparer plusieurs étapes de plaidoyer, prendre énormément de rendez-vous. Mais c'est aussi là que j'ai découvert beaucoup de choses en lien avec la politique, avec le fonctionnement des partis politiques, avec comment on embarque les gens, comment on aussi, en se mettant un petit peu moins l'impression, on peut être un petit peu plus efficace parfois. Et comment il est très, très important, je pense, parfois de lâcher prise et de laisser les petites initiatives annexes se faire, se mettre d'accord sur un socle de valeurs qui est commun, mais laisser plus de liberté à côté aux différentes orgues. Et ça s'est bien passé en ce sens-là. Ça a des conséquences qui sont chouettes, qui ne sont pas directement bénéfiques pour le secrétariat exécutif de Coordination Sud, mais qui en fait ricochettent un petit peu positivement sur plein d'organisations membres et d'autres. Mais c'est aussi un moment qui m'a beaucoup marqué et qui m'a beaucoup changé parce que j'ai fait un petit burn-out suite à ça. Mais je pense que ça touche beaucoup de gens dans le secteur du pied-doyer. J'en ai déjà entendu parler de pas mal. parce que je me suis mis trop la pression, parce que je n'ai pas su lâcher certaines choses. Et c'est malheureusement aussi ça qu'il faut faire. C'est terrible parce que généralement, pour rassurer quelqu'un, on lui dit qu'il n'y a pas mort d'homme. Moi, je considère un peu que si, dans la mesure où notre métier par extension, c'est quand même d'améliorer ou de sauver des vies. Si on permet aux humanitaires d'intervenir dans un pays, à priori, il y a des vies qui vont être sauvées. Donc ça met un peu de pression, mais ça m'a marqué parce que du coup... Du coup, j'ai aussi appris que si je ne me mettais pas de limites en termes de bien-être personnel, je pouvais me cramer et qu'à la fin, du coup, je ne pouvais plus rien faire pendant un mois.

  • Speaker #1

    Justement, si tu avais un conseil Ă  te donner au Nicolas qui commence dans les affaires publiques, qu'est-ce que tu lui dirais ?

  • Speaker #0

    Ne néglige absolument pas le bien-être militant. Prends soin des gens autour de toi, prends soin de toi sans être complaisant avec toi-même. Reste. Hyper exigeant, bosse, continue à bosser. Quelle que soit la chose que tu feras, ça sera utile pour toi et t'apprendras des choses. Quel que soit le secteur, t'es pas obligé de tout faire en plaidoyer. Tu peux faire des choses aussi à côté. Un engagement associatif, aller aider sur une récolte alimentaire d'action contre la faim, ça aide à fond aussi parce qu'on en apprend sur l'expérience des gens et ça permet d'enrichir et d'illustrer un petit peu pourquoi est-ce qu'on fait ce qu'on fait.

  • Speaker #1

    Parfait. Pour conclure, si tu devais résumer ton rapport au plaidoyer en une chanson, une scène ou une image ?

  • Speaker #0

    Alors, j'avais plein, plein, plein d'idées pour ça. Je dirais que c'est La Capitana. C'est un roman sur Mika Echeverri, qui est une militante qui a fait pas mal de guerres autour de la Seconde Guerre mondiale, notamment qui a fait la guerre civile espagnole en tant que membre des brigades internationales. Donc, il y a un côté, déjà, que j'aime beaucoup, très sacrificiel. Les brigades internationales, c'est des personnes du monde entier qui sont venues soutenir. les républicains démocrates de l'Espagne qui faisaient face à un coup d'état des franquistes, donc en gros des fascistes espagnols de l'époque, et donc ils sont venus les aider par dizaines de milliers. Et moi, c'est un épisode de l'histoire qui m'a énormément marqué. Et pourquoi cet ouvrage, La Capitana en particulier ? Parce que Mikaët Chévéret, déjà, c'est une femme, ce qui est un peu moins présent dans ce milieu-là, parce qu'elle est... badass comme pas possible. Mais elle est badass parce qu'elle se bat d'une part, mais parce que quand c'est plus le moment de se battre, elle prend soin de ses camarades. Il y a une scène, du coup, qui serait peut-être la scène que je pourrais dire, où elle est dans les espèces de tranchées qu'il y avait à l'époque, et elle fait attention à ce que chacun... Une petite attention à un petit truc. Et en ce sens-là, on parlait en tout début de la compétition et de son importance pour nos combats, mais je pense que le care, du coup, qui est une valeur... historiquement plutôt féminine et bah c'est quelque chose de très très utile et j'aurais aimé plus rapidement avoir plus ça à l'esprit prendre plus prendre plus soin des autres et je serais hyper badass qu'elle arrive à la fois à prendre le fusil et à la fois à faire attention aux autres et donc en tout cas récemment je suis beaucoup là dedans et donc ça m'a beaucoup marqué quand on veut faire le bien il n'y a pas de sous manière de faire il n'y a pas une manière de faire qui est bien mieux qu'une autre il faut Je parle ici aux militants et aux militantes au sens très large, à celles et ceux qui considèrent qu'elles essaient de faire le bien dans le monde. Toute l'hostilité que vous avez, dirigez-la contre vos adversaires et non pas contre les gens qui luttent avec vous. Si les gens ne font pas les choses parfaitement, expliquez-leur avec calme si possible. Parfois on est très affecté par les choses, parfois on est très tendu, mais on gagnera mieux si on prend soin les uns des autres. C'est vraiment plus qu'une question morale, c'est une question d'efficacité.

  • Speaker #1

    Merci Nicolas.

  • Speaker #0

    Merci Ă  toi. A bientĂ´t. A bientĂ´t.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté Hémicycle, le podcast qui décrypte la fabrique de la loi. Je m'appelle Pierre, je suis le cofondateur de l'Egywatch, la plateforme qui vous aide dans votre veille institutionnelle. A bientôt.

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Description

Entre Paris 🇫🇷 et Bruxelles 🇧🇪, Nicolas Paris œuvre à rendre les politiques publiques européennes plus justes, féministes et solidaires.

Au sein de Coordination Sud, il structure la parole collective des ONG françaises pour peser dans le débat – sans reproduire les méthodes des lobbys classiques.


Chargé de plaidoyer Europe, il a vu comment s’élabore un rapport de force, comment se construit une stratégie d’alliance… et ce que signifie « faire le bien, mais stratégiquement ».

Dans cet épisode, on parle de :

🔹 La structuration collective du plaidoyer au sein de Coordination Sud
🔹 La tentative de créer un fonds européen pour les ONG féministes locales
🔹 L’instrumentalisation croissante de l’aide au développement
🔹 La lutte pour une contribution européenne sur les transactions financières 💶
🔹 Son travail d’interface avec les eurodéputés et les partis politiques 🇪🇺
🔹 Et des dilemmes éthiques et personnels d’un militant devenu lobbyiste


💬 « Quand on veut faire le bien, il n’y a pas de sous-manière de faire. »

Un échange lucide et engagé avec un acteur discret mais stratégique de la fabrique des lois européennes.

Vous pouvez contacter Pierre sur Linkedin.

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Transcription

  • Speaker #0

    Quand on veut faire le bien, il n'y a pas de sous-manière de faire. Je suis l'huile dans le rouage du collectif. Mon boulot, c'est de faire en sorte que les politiques publiques soient plus favorables aux ONG. Malheureusement, on se trouve dans un système où il y a des règles du jeu. Et pour l'instant, il faut jouer avec ces règles du jeu. On essaye autant que faire se peut de les contourner.

  • Speaker #1

    Qui sont ceux qui font la loi ? Je m'appelle Pierre, fondateur de la plateforme de veille institutionnelle Les J-Watch. et je rencontre celles et ceux qui font les coulisses de notre vie politique. Aujourd'hui, je reçois Nicolas Paris, chargé de plaidoyer Europe chez Coordination Sud. Il défend une Europe solidaire, féministe et durable entre Paris et Bruxelles.

  • Speaker #0

    Salut Pierre !

  • Speaker #1

    Salut Nicolas, ça va ?

  • Speaker #0

    Très bien et toi ?

  • Speaker #1

    Bah super, merci. Alors est-ce que tu peux te présenter pour nos auditeurs et auditrices ?

  • Speaker #0

    Alors je suis Nicolas Paris, ou Paris d'ailleurs, selon les gens. Je suis chargé de... plaidoyer au sein de l'association Coordination Sud qui est la fédération nationale des organisations de solidarité internationale en gros. Au sein de cet orgueil, je m'occupe notamment de traduire au niveau européen les combats nationaux de Coordination Sud.

  • Speaker #1

    Quels sont les combats nationaux de Coordination Sud ?

  • Speaker #0

    Coordination Sud défend au sens large la solidarité internationale. Le combat phare un peu, c'est l'aide publique au développement, c'est-à-dire l'argent qu'on envoie à l'étranger pour euh appuyer l'amélioration des conditions de vie des populations des pays partenaires et au sens un peu plus large ça va commencer là ça va être aussi l'environnement favorable des ong donc que l'environnement juridique l'environnement politique ce soit bien pour les ong et ça peut aller jusqu'à aux questions de taxation de justice fiscale environnementale l'égalité de genre ok donc si je comprends bien des ong qui sont adhérentes de ta coordination en tout cas tu représente des ong et

  • Speaker #1

    ton boulot c'est de d'augmenter quelque part leurs subventions, ou en tout cas d'aller chercher plus d'aide au développement dont elles pourraient bénéficier, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Mon boulot, c'est de faire en sorte que les politiques publiques qui sont mises en place soient plus favorables aux ONG. En fait, ce n'est pas vraiment moi qui le porte. Mon boulot, c'est de faire en sorte que les ONG le portent par elles-mêmes, c'est de coordonner leurs actions, de faire en sorte qu'on joue collectif. Je suis l'huile dans le rouage du collectif, on va dire. Je ne suis que ça, parce que je n'ai pas de légitimité démocratique à représenter les ONG. Je suis donc un membre de ce qu'on appelle un secrétariat exécutif. Et donc, par exemple, quand une ONG veut défendre quelque chose auprès d'un partenaire institutionnel, c'est elle qui se rend avec moi au rendez-vous. C'est elle qui porte ses propres intérêts, qui sont les intérêts du collectif que représente Coordination Sud.

  • Speaker #1

    Super intéressant. Ok, donc tu es vraiment dans l'organisation, la distribution du jeu.

  • Speaker #0

    C'est ça.

  • Speaker #1

    Et donc, tu as choisi un rôle qui est un rôle d'interface plutôt que de travailler sur le terrain. Pourquoi ce choix ? Qu'est-ce qui t'a amené ici ?

  • Speaker #0

    En gros, mon guide, c'était toujours l'idée de déjà aider les gens, mais vraiment très naïvement. Et au fur et à mesure de tout ce que j'ai appris, j'ai découvert le métier de lobbyiste, que j'ai trouvé absolument injuste, puisque par définition, les personnes possédant le plus de moyens ont donc plus de moyens pour défendre leurs intérêts. Donc par définition, le lobby est antidémocratique, puisque plus d'argent signifie plus de poids démocratique. Et donc, je me suis dit qu'il fallait impérativement compenser ce poids. des intérêts privés lucratifs. Et puis l'idée aussi, c'était de me dire, j'avais un peu ce guide de, ayant grandi en étant privilégié, en étant aussi un homme, etc., j'ai pu, de par mon existence, faire du dégât, en quelque sorte, parce que les modes de consommation des Occidentaux ont des conséquences sur l'environnement, ont des conséquences sur les conditions de vie des populations hors de l'Union européenne. Donc en ce sens-là, en fait, c'est pas de ma faute, mais j'ai fait du dégât en étant aussi un homme masculin créé par des valeurs de domination, de compétition, etc. C'est le patriarcat, mais j'estimais qu'il y avait quelque chose à réparer et qu'à partir d'un certain moment, mon but, ce serait de faire plus de bien que de mal.

  • Speaker #1

    Entendu. Donc tu travailles en tant que lobbyiste. Tu dis que c'est un métier qui est injuste. Comment on fait pour être un peu le David contre le Goliath ? Et deuxième question, alors qui rejoint ce que tu viens de dire également. Tu parles du fait que tu as une construction sur la compétition, sur la domination qui est peut-être liée à ta masculinité. Est-ce qu'il ne faut pas être dans la compétition et dans la domination pour avoir une chance de remporter des batailles qui sont très difficiles à obtenir ?

  • Speaker #0

    Alors, David contre Goliath, déjà. Je pense que ce qu'on peut faire, c'est être plus efficient, c'est être plus ouvert, c'est mieux reconnaître nos erreurs, moins tomber dans l'orgueil, dans l'hubris que les autres, et donc être à la fin. plus efficace. On a quand même un avantage, c'est que nos valeurs, les valeurs qu'on défend au sein de Coordination Sud, mais au sein du secteur associatif de manière générale, elles sont plutôt partagées par le reste de la population. Donc il faut bosser, être efficace. C'est pour ça que, notamment au sein du secteur associatif, le burn-out militant, c'est un gros truc. C'est parce que du coup, on charbonne, on charbonne en croyant à ce qu'on fait, à son utilité. Et donc, si ça ne marche pas et si surtout on ne voit plus utilité, c'est là que généralement ça craque Et sur la question de la compétition, oui, ça en fait partie. Ça en fait partie sur la question de la compétition. J'ai parlé d'efficience. L'efficience, c'est un terme tout ce qu'il y a de plus capitaliste, c'est-à-dire c'est le rapport entre la faim et les moyens utilisés. Mais malheureusement, on se trouve dans un système où il y a des règles du jeu. Et pour l'instant, il faut jouer avec ces règles du jeu. On essaye autant que faire se peut de les contourner. d'en créer de nouvelles, d'innover. Et c'est aussi là que le secteur associatif est intéressant. Mais en effet, et c'est peut-être en ce sens-là aussi que ma place est mieux à ce poste-là. C'est-à-dire que, d'une part, en effet, je suis un garçon. Et donc, les valeurs de compétition, de combat, etc., elles m'ont été inculquées. J'ai essayé de m'en défaire pour la dimension personnelle, puisque c'est généralement plus sain, et de le garder quand c'est utile. Mais ça peut parfois un petit peu aider. Je pense aussi qu'il y a quand même d'autres choses qui nous portent.

  • Speaker #1

    J'ai noté une seconde séquence pour vraiment rentrer dans ton quotidien, dans ton travail, pour comprendre ce que tu défends et comment tu le fais. Déjà, si tu devais expliquer ton quotidien à quelqu'un qui n'est pas du tout du milieu, comment tu ferais ? Qu'est-ce que tu lui dirais ?

  • Speaker #0

    Je lui dirais. Déjà, on essaie de déterminer collectivement qu'est-ce qu'on pense par rapport à un sujet. On fait une note. Moi, je fais une note qu'on appelle sacrificielle, en gros. c'est à dire sur laquelle tout le monde va critiquer à la fin. Tout le monde dira, mais c'est horrible, pas pensé à ça, c'est nul, etc. On fait rentrer ça, tous les retours, etc. On essaie de faire un document où tout le monde est un peu d'accord. On consulte, du coup, les membres de Coordination Sud. Voilà, pas mal de consultations. On se met d'accord. S'il y a besoin de voter, on vote. Généralement, on tombe assez d'accord parce que stratégiquement, on partage une analyse. On essaie de faire ça de façon informée. Donc, le but, c'est que... Je crois au consensus final parce que l'analyse peut être partagée.

  • Speaker #1

    C'est qui « on » dans « on vote » ?

  • Speaker #0

    « On » , c'est soit de façon informelle et absolument pas démocratique les travailleurs et les travailleuses qui sont aussi déchargés de pédoyer dans d'autres organisations, ou alors, quand il faut trancher politiquement, le Conseil d'administration de coordination de suite, qui est censé représenter les organisations du secteur, avec une représentation notamment, on essaye, assez égalitaire entre les plus petites et les plus grosses organisations, parce que même au sein des ONG, il y a des inégalités. Bien sûr, entre les gros et les plus petits. Et ensuite, c'est beaucoup de rencontres, de parler avec les partenaires institutionnels. En gros, c'est aller voir un ou une politique et lui dire, on aimerait s'il vous plaît que vous fassiez ça. Et donc, moi, la différence d'un lobbyiste classique, c'est que je vais prendre le rendez-vous. Puis ensuite, je vais dire à tout le monde, OK, on a rendez-vous ce jour-là, qui veut venir ? On aimerait une représentation qui soit paritaire. On aimerait parler et de ce sujet, et de ce sujet, et de ce sujet. Donc, il nous faut un ou une spécialiste sur chacun de ces sujets.

  • Speaker #1

    Comment tu fais pour avoir le rendez-vous ? Est-ce que tu as ton réseau à toi ? Est-ce que tu les prospectes comme on pourrait faire un commercial ?

  • Speaker #0

    Ça va dépendre. Soit on peut avoir notre réseau, ça va être les rendez-vous les plus rapides à prendre avec les collaborateurs, collaboratrices parlementaires, ou avec d'autres gens qui travaillent dans le milieu politique. Ça peut être des membres de partis aussi politiques qui travaillent sur des programmes, etc. J'ai pas mal parlé par exemple avec des militants, des militantes dans le cadre des élections européennes de 2024. L'idée, c'était un peu de venir contribuer à leur programme politique. Et sinon, pour les rendez-vous plutôt haut niveau, genre le cabinet de Macron, par exemple, on va faire partir une lettre depuis la présidence de Coordination Sud pour qu'il y ait un côté égal à égal, on va dire. Après, c'est beaucoup de harcèlement, c'est-à-dire envoyer deux, trois fois les mails, ou trois, maintenant, j'arrête parce que, justement, j'ai un peu peur d'être trop un forceur. Voilà, il faut quand même insister souvent.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'on vise, du coup, tu vises quelqu'un ? Très précisément, ou est-ce que tu t'envoies à une salve en disant « Ok, tant qu'il y en a un qui m'écoute, c'est suffisant. »

  • Speaker #0

    On vise la personne en fonction de deux facteurs principaux. Trois, plutôt, l'intérêt que la personne a pour le sujet, le pouvoir dont la personne dispose sur le sujet, et sa position sur le sujet. Généralement, on va plutôt aller voir des gens dont la position doit être un petit peu à basculer. D'accord. Si on va voir des personnes qui sont d'accord avec nous, c'est plutôt pour prendre de l'information, etc.

  • Speaker #1

    Ça vous est arrivé d'aller voir des gens qui sont totalement opposés à votre action pour tenter de convaincre ou alors c'est pas la peine ?

  • Speaker #0

    J'ai essayé à une époque, on travaillait sur les questions de migration. Nous, ce qu'on veut défendre, c'est d'une part un discours responsable sur les migrations, un discours responsable et informé, qui se base sur la réalité des faits, et pour les questions des voies migratoires, des voies qui soient justes et surtout qui soient sûres pour les personnes. Parce qu'en fait, plus tu fais de la répression sur les voies de migration, plus tu développes les réseaux de passeurs. Donc en fait, plus il y a d'insécurité. La restriction aux frontières, à bon entendeur, ne fonctionne pas et développe les insécurités. Et du coup, on est allé voir le ministère de l'Intérieur. Parce qu'en fait, notre interlocuteur principal, c'est le ministère des Affaires étrangères de base. Parce que notre mandat, c'est Affaires étrangères. Et on nous a dit, non, non, mais en fait, dès que les migrations sont concernées, c'est le ministère de l'Intérieur qui va trancher à la fin. Parce qu'il y a une sécurisation des sujets relatifs aux migrations, même quand ce n'est pas des questions de sécurité. Et quand on allait voir le ministère de l'Intérieur, en effet, on ne commençait pas des mêmes postulats du tout. C'était vraiment surprenant par rapport au MEAE, le ministère des Affaires étrangères.

  • Speaker #1

    Et ça s'est passé comment, si ce n'est pas discret ?

  • Speaker #0

    Il y a plusieurs approches. Moi, j'aurais tendance à dire que ça ne sert à rien de braquer les gens. Après, d'autres personnes considèrent qu'il faut y aller de façon un peu plus franco, il faut rappeler nos messages, quoi qu'il arrive. Rappeler que ce qui peut être dit par nos interlocuteurs et nos interlocutrices n'est pas entendable. Il n'est pas entendable au regard de l'état de droit, des engagements internationaux. Et donc, généralement, il y aura... une dynamique good cop, bad cop qui se mettra en place un peu naturellement. Surtout sur les sujets très clivants comme les questions de migration.

  • Speaker #1

    Ok, super intéressant. Là, tu parles de... du ministère de l'Intérieur. J'ai compris que vous aviez des actions à Bruxelles, mais il y a aussi des choses qui se passent en France. Comment ça se répartit ?

  • Speaker #0

    En fait, la bulle bruxelloise, je ne sais pas si tu connais l'expression, mais c'est un vrai truc. C'est un vrai truc. Quand tu es à Bruxelles, c'est... totalement différent que de travailler sur l'UE alors que tu es en France. Parce que tu es beaucoup plus connecté, parce que tes soirées elles sont avec les gens de Bruxelles, parce que tu connais, tu apprends des petites subtilités juridiques, législatives, etc. Parce que les infos circulent beaucoup plus rapidement, etc. Tout ce qui est du contact avec les institutions purement européennes, en tout cas c'est comme ça que Coordination Sud fonctionne, on va le laisser à nos partenaires qui sont au niveau de l'UE. notamment les relations avec la Commission européenne, quand il s'agit de prendre des rendez-vous, ce n'est pas trop nous qui nous en occupons. Nous, notre valeur à ajouter, elle est dans le fait qu'on comprend bien le contexte français, le contexte national, parce qu'on est ce qu'on appelle dans le jargon européen une plateforme nationale. Et donc, on connaît bien le contexte national. Et donc, on sera plus enclin à adapter notre discours en fonction des impératifs nationaux. Quand Macron a décidé de faire de la défense une priorité nationale, nous, on l'a en tête, parce qu'on a vu les discours nationaux, etc. Quand il y a des élections municipales en mars 2026, je crois, on sait. On sait aussi qu'il y a un congrès du PS, on sait qu'il y a un congrès des écolos. Et donc, on sait pourquoi les gens font ce qu'ils font. Nous, on va plutôt être sur les interlocuteurs, interlocutrices françaises, parce qu'on a cette valeur ajoutée et parce qu'ils et elles sont à Paris. Généralement, la seule exception, c'est la représentation permanente de la France à Bruxelles, qui est en gros l'ambassade française à... auprès de l'UE, avec qui on va parler en distanciel, mais vu qu'on est du même pays. Et puis les députés, les eurodéputés français, françaises et francophones aussi.

  • Speaker #1

    J'ai vu, alors tu me corriges si je me trompe, mais du coup que vous défendez à Bruxelles une ligne budgétaire pour les organisations féministes. Est-ce que... Tu peux développer ce sujet, expliquer ce combat.

  • Speaker #0

    Avec grand plaisir. Oui, en fait, c'est un super combat parce qu'il motive beaucoup de gens au sein de Coordination Sud et c'est trop chouette. Et en gros, on a bossé dessus avant les élections européennes. On l'a mentionné auprès de personnes qu'on a rencontrées. Par exemple, Raphaël Glucksmann qui nous a dit que c'est quelque chose qui peut passer, même auprès des conservateurs et des conservatrices. Donc il y a une question d'opportunité, déjà. Mais c'est surtout parce que c'est un peu vraiment au cœur des valeurs qu'on défend. la valeur égalité de genre, bien sûr, mais aussi la valeur d'efficacité. Parce qu'en gros, ce qu'on défend, c'est un fonds qui permet de financer les petites orgues qui sont sur le terrain de manière un peu plus pérenne. Si on file 10 000 euros pour un an, tu vas dire, ok, je vais utiliser 5 000 euros pour faire mon projet et 5 000 euros pour chercher des fonds pour l'année d'après. Et là, on leur dit, non, non, on va vous filer 100 000 sur 5 ans. Comme ça, leur stratégie, pendant 5 ans, ils sont tranquilles. Il est L, du coup. Et donc, elles, on va dire plutôt, parce que c'est des organisations féministes locales, elles peuvent faire mieux leur travail, des changements structurels. C'est pareil au niveau français. Si vous voulez faire des dons, ne faites pas des dons ponctuels, des gros dons ponctuels, faites des petits dons mensuels. Comme ça, on a une capacité à anticiper le futur. Et donc, à se dire, voilà, sur cinq ans, on va pouvoir faire une stratégie parce qu'on est stable financièrement. Et donc, il y a cette question de l'efficacité. Elles peuvent mieux travailler parce qu'elles ont plus de sécurité dans l'avenir. C'est aussi une approche qui est décoloniale. Ça peut être un gros mot, mais je trouve que là, c'est une belle illustration. C'est de dire, en fait, pendant pas mal d'années, on avait une agence française de développement qui arrivait et qui disait, je fais les choses grossièrement, je m'excuse d'avance à l'agence française de développement, mais qui disait un peu, vous, sur le terrain, vous avez ces besoins, donc nous, on vous donne l'argent pour que vous répondiez à ces besoins. Le but du fonds, c'est de mettre en œuvre aussi ce qu'on appelle du droit d'initiative, c'est-à-dire qu'en fait, c'est les OSC locales qui nous disent Merci. ce dont elles ont besoin, parce qu'elles sont au plus proche du terrain, parce qu'en gros, quand t'arrives avec tes grands sabots, une délégation de 10 européens, tu vas pas penser à plein de choses. Il y a un exemple qui tourne un peu dans le secteur, qui est l'exemple du puits, c'est que X agences voulaient faire un projet en faveur de l'égalité de genre. Elle a remarqué que les femmes allaient au puits chercher de l'eau mais le puits se trouvait à un kilomètre et demi du village et donc ils se sont dit bon bah on va remettre le puits au milieu du village comme ça les femmes tout le temps qu'elles perdent chaque jour à aller chercher l'eau elles le gagneront mais en fait en fin de compte ce dont on s'est rendu compte c'est que les femmes elles profitent cette occasion pour discuter entre elles partager de l'info gagner en pouvoir aussi avoir des moments du coup un autre gros mot mais non mixité qui fait qu'elle pouvait être vraiment complètement en sécurité sur ce qu'elle voulait dire notamment sur la question de de l'hygiène menstruelle, elles pouvaient aller laver leur protection périodique, etc. Et donc c'était vraiment des moments privilégiés. En plus de ça, du coup, le temps qui a été gagné, il a été réinvesti pour que les femmes aillent travailler plus dans les champs, dans des emplois qui ne sont pas nécessairement rémunérés. Donc en fait, en termes d'égalité de genre, c'était plutôt pas une bonne chose. Et donc en termes d'efficacité, en fin de compte, parce qu'on n'a pas pris les choses dans le bon sens, dans une approche top-down plutôt que bottom-up du coup, eh ben on a fait plus de dégâts que de choses positives.

  • Speaker #1

    C'est très clair. Mais alors justement, cette ligne budgétaire, en tout cas cette initiative, a une réelle chance de passer. Et en tout cas, comment on fait pour faire parler de ces choses-là alors que le contexte international se crispe autour de tensions ? Aux États-Unis, c'est la guerre au bloc. J'ai l'impression qu'en Europe, ça nous vient aussi. Voilà. Comment est-ce qu'on fait pour rester la tête haute sur ces sujets et arriver à leur donner de l'écho ?

  • Speaker #0

    Déjà, on rappelle au progressistes et aux gens du centre on va dire qu'il y a aussi un intérêt à faire ça parce que du coup ce qu'on appelle nous le fonds européen de soutien aux organisations féministes locales et bah ils visent aussi à répondre à une chose, c'est que parfois des fonds pour l'égalité de genre sont captés par les mouvements anti-droit et anti-choix et du coup ça permettrait de lutter contre ça parce qu'en fait le SOF, ce qui est intéressant et ce que nous on propose c'est qu'il soit intermédiaire c'est à dire qu'en gros ... Vu que les plus petites ONG n'ont pas nécessairement la capacité de gérer des grosses enveloppes de plusieurs millions, c'est une grosse ONG qui va gérer la partie administrative pour laisser le côté exécution aux petites ONG en fonction de ce qu'elles auront décidé de faire, évidemment, toujours. Et surtout, pour double-check aussi, qu'on ne soit pas en train de filer des enveloppes pour l'égalité de genre à des organisations qui luttent contre l'égalité de genre. Donc il y a ça, déjà dans la lutte que veulent mener par exemple Renaissance, je pense qu'il y a une très grande partie des eurodéputés qui sont très honnêtes dans leur lutte vis-à-vis de ça. Voilà, leur rappeler ça, que ce fonds, il est intéressant là-dessus. Et puis, je pense qu'il y a aussi des gens au Parti Populaire Européen, donc l'équivalent de LR non affilié RN, qui seraient aussi intéressés là-dedans. Ensuite, on adapte un petit peu la façon dont on présente les choses. Par exemple, se pose la question de... Nous, on préfère parler d'identité de genre, parce que c'est plus exact en termes d'analyse sociologique, parce qu'on veut mettre en avant que le genre est une construction sociale, que c'est par rapport à cette construction sociale que les... que les désavantages ou les oppressions existent. Mais du coup, là, on dirait plutôt égalité entre les femmes ou les hommes ou égalité des sexes. Plutôt égalité entre les femmes et les hommes, généralement, pour parler à quelqu'un d'un peu plus conservateur. Et puis sinon, c'est un long travail de sensibilisation. C'est comme parler à ton oncle un petit peu plus réac. Il faut le voir entre 3 et 10 fois pour faire passer les choses. Je ne traite pas le PPE d'oncle un peu réac, je précise.

  • Speaker #1

    D'accord, ok. Vous avez un autre combat... Ce que j'ai trouvé super intéressant, c'est que vous défendez la taxe sur les transactions financières au sein de l'Union Européenne. De mémoire, il y a un eurodéputé français qui avait fait une grève de la faim à un moment à ce sujet. J'ai plus son nom en tête.

  • Speaker #0

    Je vais faire un QR rec maintenant. En tout cas,

  • Speaker #1

    où est-ce que ça en est ? Est-ce qu'il y a encore espoir que ça aboutisse ? Et aussi, pour toi, quel est l'objectif ? S'il y avait cette taxe... Comment on pourrait s'en servir ? Quel est le pourquoi de cette initiative ?

  • Speaker #0

    Déjà, big up à Pierre Larouturu, le député en question, qui n'a pas renouvelé son mandat au Parlement européen, mais qui a été super vocal là-dessus. On n'a pas gagné la bataille, mais on compte bien gagner la guerre. Ce genre de sujets, ce sont des sujets qui sont cycliques. Il faut que l'opinion publique soit dans une phase favorable. Il faut que les décideurs et les décideuses politiques le soient aussi. Donc, par exemple, en ce moment, il y a une grosse discussion. sur le réarmement de l'Union européenne, la militarisation, le fait qu'il y ait besoin de moyens pour ça. Il y a aussi la discussion autour du cadre budgétaire pluriannuel, donc le budget de l'UE. Et donc pour ça, il faut qu'il y ait des moyens. Et donc cette taxe-là, on l'appellerait plutôt contribution, contribution européenne pour la transaction financière, puisque le langage est très important et que taxe tend à tendre un petit peu les gens. Cette contribution-là, elle permettrait de mettre moins en compétition les différents pôles de dépense de l'Union européenne. En gros, le cœur de ce que nous on explique, c'est que c'est une taxe complètement indolore sur les marchés financiers, que ça n'a pas de conséquences. En fait, la seule petite conséquence que ça pourrait avoir, c'est d'éviter la spéculation à très haute fréquence, donc vraiment ce que tout le monde déteste, c'est-à-dire la spéculation inutile qui ne crée pas de vraies richesses, mais qui crée que de la richesse artificielle, qui crée des bulles et qui déstabilise les marchés financiers. J'ai serré les doigts en disant ça tellement j'étais convaincu. Donc c'est vraiment une contribution qui est super utile. importante et qui a que des effets bénéfiques. Et du coup, nous, ce qu'on défend, c'est qu'elle soit réorientée vers la solidarité internationale parce qu'il y a aussi une forme de réparation, parce que les marchés financiers, de par leur fonctionnement, tentent par exemple à faire augmenter artificiellement le prix des denrées alimentaires et que ça, ça cause des disettes, des famines. On l'a vu avec le cas ukrainien. Il y a eu beaucoup, beaucoup de spéculations sur les denrées alimentaires en Ukraine. Ça a contribué à faire augmenter le prix de l'alimentation dans l'Union européenne aussi. Donc nous, on dit vous avez fait de l'argent là dessus. redistribuant un petit peu dans une optique de justice fiscale. Et on peut gagner et on va y arriver parce que c'est juste, parce que c'est techniquement, objectivement ce qu'il faut faire et parce que l'opinion publique est foncièrement favorable.

  • Speaker #1

    Du coup, si tu veux, on va passer à la section vrai ou faux. Je vais te dire cinq phrases et tu vas me répondre par vrai ou faux et tu peux évidemment t'expliquer à ce sujet, te développer. Première phrase. L'aide au développement est de plus en plus instrumentalisée comme outil de politique migratoire.

  • Speaker #0

    C'est malheureusement absolument vrai, parce qu'elle est utilisée pour faire pression sur les pays partenaires en leur disant, si vous ne reprenez pas vos personnes qui viennent de chez vous, on vous donnera moins d'aide publique au développement. C'est à l'opposé du sens juridique de tous les traités internationaux. C'est complètement contraire à ce que l'aide publique au développement doit faire. L'aide publique au développement, c'est lutter contre la pauvreté et les inégalités. Donc c'est malheureusement vrai. C'est inefficace aussi. A minima, à court et moyen terme, les études montrent qu'en fait, utiliser l'APD pour faire en sorte que les gens restent dans les pays qu'on appelle de transit, donc entre le pays d'arrivée et le pays de départ, ça tend plutôt à donner aux personnes les conditions de la mobilité.

  • Speaker #1

    Deuxième phrase, une note de plaidoyer peut peser autant qu'un lobbying économique.

  • Speaker #0

    C'est, à mon sens, et très tristement, malheureusement, faux. Pour la simple et bonne raison que, d'une part, le cerveau humain, a priori, ne fonctionne pas, selon des mécaniques très compliquées qui font qu'un argumentaire très bien chiadé, véridique et basé sur les faits fonctionne, mais il fonctionne plutôt sur la répétition. Et donc, en répétant quelque chose d'extrêmement débile, on peut malheureusement convaincre quelqu'un. Du moment qu'on le répète assez de fois, or de nouveau, en termes de quantité, Goliath, les plus grosses entreprises, ont beaucoup plus de moyens, d'une part. Et d'autre part, je pense que c'est quelque chose dont il faudra qu'on s'empare de plus en plus au niveau associatif. Mais le lobbying économique, il a aussi cette dimension-là, qu'il a des moyens de pression. On connaît beaucoup le chantage à l'emploi, de dire, en fait, si vous ne faites pas ce que je vous demande de faire, on va délocaliser. Et nous, on n'a pas vraiment de moyens de pression. On peut faire une manifestation, mais on l'a vu, plusieurs millions de personnes peuvent descendre dans la rue sur une réforme des retraites, et aujourd'hui ça ne marche plus tellement.

  • Speaker #1

    Troisième phrase, les ONG sont devenues trop techniques pour être comprises par le grand public.

  • Speaker #0

    Alors pour moi c'est faux, les ONG sont et ont toujours été affreusement techniques. La seule problématique qui se pose, c'est le cadrage, la façon dont on présente les choses, l'angle sous lequel on présente les choses, et c'est là que se trouve notre grosse carence, parce qu'on a envie d'être. Honnête, intellectuellement, ça fait partie des valeurs qu'on défend. En étant très rigide là-dessus, on a parfois du mal à adapter notre langage aux façons de penser, aux socles de valeur des personnes qu'on a besoin de convaincre.

  • Speaker #1

    Quatrième phrase, les institutions européennes écoutent davantage des entreprises que les ONG.

  • Speaker #0

    C'est absolument et 100% et factuellement vrai. En fait, déjà, la place des entreprises est inscrite dans les traités de l'Union européenne. Alors les ONG un petit peu aussi, mais de façon un peu moins contraignante. Mais le commerce, le néolibéralisme, tout ça c'est écrit dans les traités de l'Union européenne. C'est vraiment une idéologie qui est très très très présente. Moi je travaille sur quelque chose qui s'appelle le Global Gateway au niveau de l'Union européenne, qui est en gros un ensemble d'investissements de l'Union européenne, notamment vers les pays de l'Union africaine. En gros l'idée de l'Union européenne c'est d'investir dans les infrastructures, dans la santé, dans l'énergie. 300 milliards de dollars. Donc il y a un bureau, en gros, qui prend les décisions de comment sont, au global, générés les investissements, etc., comment ils sont orientés. Il y a ce qu'on appelle un BAG, Business Advisory Group, un groupe de conseil des business, des entreprises, qui a été établi directement à la création du Global Gateway, qui est donc officiellement impliqué dans les décisions qui sont prises. Nous, OSC, avons dû nous battre. bec et ongles pour obtenir un petit groupe pour conseiller les décisions qui sont faites, etc. Et on se bat toujours pour que ce groupe ait un impact significatif sur les décisions qui sont prises. Donc vraiment, oui, on doit y mettre beaucoup plus d'énergie quand on veut être écouté.

  • Speaker #1

    Et la dernière phrase, travailler en collectif ralentit l'action, mais renforce sa légitimité.

  • Speaker #0

    Oui, et ça renforce son efficacité et le fait qu'elle soit basée sur des faits. Moi, je crois beaucoup en l'intelligence collective. On a plein de petites procédures dans le milieu associatif, les matrices SWOT, les calendriers, ces choses comme ça. Moi, je crois vraiment que c'est un facteur d'efficacité parce que ça nous permet de confronter nos compréhensions des contextes et donc de tirer des conséquences sur ce qu'on doit faire. Et donc oui, ça nous permet de faire ça. C'est beaucoup plus lourd parce qu'il faut embarquer tout le monde, parce qu'il faut aller parler aux personnes une par une. Mais ça fonctionne, je l'espère, à la fin.

  • Speaker #1

    On va arriver à la fin de cet épisode. Pour faire un petit pas en arrière, est-ce que tu peux nous parler d'un dossier qui t'a le plus marqué ou transformé tout au long de ton parcours ?

  • Speaker #0

    Oui, avec plaisir. Un qui m'a le plus marqué et qui a été le plus long dans lequel j'ai été impliqué, c'est celui des élections européennes 2024. Tout le monde a peut-être... déjà oublié ces élections puisque personne n'y pensait au moment où elles avaient lieu. Mais du coup, c'était un gros moment. Moi, j'étais au cœur de la coordination de ce qu'on faisait sur le sujet. C'est quelque chose qui n'est pas évident parce qu'on n'a pas l'habitude de communiquer vers le grand public en tant que Coordination Sud, parce qu'on est un réseau professionnel, donc on a plus vocation à aller vers nos membres. Et donc, ça a été un lot de dossiers. On a dû préparer plusieurs étapes de plaidoyer, prendre énormément de rendez-vous. Mais c'est aussi là que j'ai découvert beaucoup de choses en lien avec la politique, avec le fonctionnement des partis politiques, avec comment on embarque les gens, comment on aussi, en se mettant un petit peu moins l'impression, on peut être un petit peu plus efficace parfois. Et comment il est très, très important, je pense, parfois de lâcher prise et de laisser les petites initiatives annexes se faire, se mettre d'accord sur un socle de valeurs qui est commun, mais laisser plus de liberté à côté aux différentes orgues. Et ça s'est bien passé en ce sens-là. Ça a des conséquences qui sont chouettes, qui ne sont pas directement bénéfiques pour le secrétariat exécutif de Coordination Sud, mais qui en fait ricochettent un petit peu positivement sur plein d'organisations membres et d'autres. Mais c'est aussi un moment qui m'a beaucoup marqué et qui m'a beaucoup changé parce que j'ai fait un petit burn-out suite à ça. Mais je pense que ça touche beaucoup de gens dans le secteur du pied-doyer. J'en ai déjà entendu parler de pas mal. parce que je me suis mis trop la pression, parce que je n'ai pas su lâcher certaines choses. Et c'est malheureusement aussi ça qu'il faut faire. C'est terrible parce que généralement, pour rassurer quelqu'un, on lui dit qu'il n'y a pas mort d'homme. Moi, je considère un peu que si, dans la mesure où notre métier par extension, c'est quand même d'améliorer ou de sauver des vies. Si on permet aux humanitaires d'intervenir dans un pays, à priori, il y a des vies qui vont être sauvées. Donc ça met un peu de pression, mais ça m'a marqué parce que du coup... Du coup, j'ai aussi appris que si je ne me mettais pas de limites en termes de bien-être personnel, je pouvais me cramer et qu'à la fin, du coup, je ne pouvais plus rien faire pendant un mois.

  • Speaker #1

    Justement, si tu avais un conseil Ă  te donner au Nicolas qui commence dans les affaires publiques, qu'est-ce que tu lui dirais ?

  • Speaker #0

    Ne néglige absolument pas le bien-être militant. Prends soin des gens autour de toi, prends soin de toi sans être complaisant avec toi-même. Reste. Hyper exigeant, bosse, continue à bosser. Quelle que soit la chose que tu feras, ça sera utile pour toi et t'apprendras des choses. Quel que soit le secteur, t'es pas obligé de tout faire en plaidoyer. Tu peux faire des choses aussi à côté. Un engagement associatif, aller aider sur une récolte alimentaire d'action contre la faim, ça aide à fond aussi parce qu'on en apprend sur l'expérience des gens et ça permet d'enrichir et d'illustrer un petit peu pourquoi est-ce qu'on fait ce qu'on fait.

  • Speaker #1

    Parfait. Pour conclure, si tu devais résumer ton rapport au plaidoyer en une chanson, une scène ou une image ?

  • Speaker #0

    Alors, j'avais plein, plein, plein d'idées pour ça. Je dirais que c'est La Capitana. C'est un roman sur Mika Echeverri, qui est une militante qui a fait pas mal de guerres autour de la Seconde Guerre mondiale, notamment qui a fait la guerre civile espagnole en tant que membre des brigades internationales. Donc, il y a un côté, déjà, que j'aime beaucoup, très sacrificiel. Les brigades internationales, c'est des personnes du monde entier qui sont venues soutenir. les républicains démocrates de l'Espagne qui faisaient face à un coup d'état des franquistes, donc en gros des fascistes espagnols de l'époque, et donc ils sont venus les aider par dizaines de milliers. Et moi, c'est un épisode de l'histoire qui m'a énormément marqué. Et pourquoi cet ouvrage, La Capitana en particulier ? Parce que Mikaët Chévéret, déjà, c'est une femme, ce qui est un peu moins présent dans ce milieu-là, parce qu'elle est... badass comme pas possible. Mais elle est badass parce qu'elle se bat d'une part, mais parce que quand c'est plus le moment de se battre, elle prend soin de ses camarades. Il y a une scène, du coup, qui serait peut-être la scène que je pourrais dire, où elle est dans les espèces de tranchées qu'il y avait à l'époque, et elle fait attention à ce que chacun... Une petite attention à un petit truc. Et en ce sens-là, on parlait en tout début de la compétition et de son importance pour nos combats, mais je pense que le care, du coup, qui est une valeur... historiquement plutôt féminine et bah c'est quelque chose de très très utile et j'aurais aimé plus rapidement avoir plus ça à l'esprit prendre plus prendre plus soin des autres et je serais hyper badass qu'elle arrive à la fois à prendre le fusil et à la fois à faire attention aux autres et donc en tout cas récemment je suis beaucoup là dedans et donc ça m'a beaucoup marqué quand on veut faire le bien il n'y a pas de sous manière de faire il n'y a pas une manière de faire qui est bien mieux qu'une autre il faut Je parle ici aux militants et aux militantes au sens très large, à celles et ceux qui considèrent qu'elles essaient de faire le bien dans le monde. Toute l'hostilité que vous avez, dirigez-la contre vos adversaires et non pas contre les gens qui luttent avec vous. Si les gens ne font pas les choses parfaitement, expliquez-leur avec calme si possible. Parfois on est très affecté par les choses, parfois on est très tendu, mais on gagnera mieux si on prend soin les uns des autres. C'est vraiment plus qu'une question morale, c'est une question d'efficacité.

  • Speaker #1

    Merci Nicolas.

  • Speaker #0

    Merci Ă  toi. A bientĂ´t. A bientĂ´t.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté Hémicycle, le podcast qui décrypte la fabrique de la loi. Je m'appelle Pierre, je suis le cofondateur de l'Egywatch, la plateforme qui vous aide dans votre veille institutionnelle. A bientôt.

Description

Entre Paris 🇫🇷 et Bruxelles 🇧🇪, Nicolas Paris œuvre à rendre les politiques publiques européennes plus justes, féministes et solidaires.

Au sein de Coordination Sud, il structure la parole collective des ONG françaises pour peser dans le débat – sans reproduire les méthodes des lobbys classiques.


Chargé de plaidoyer Europe, il a vu comment s’élabore un rapport de force, comment se construit une stratégie d’alliance… et ce que signifie « faire le bien, mais stratégiquement ».

Dans cet épisode, on parle de :

🔹 La structuration collective du plaidoyer au sein de Coordination Sud
🔹 La tentative de créer un fonds européen pour les ONG féministes locales
🔹 L’instrumentalisation croissante de l’aide au développement
🔹 La lutte pour une contribution européenne sur les transactions financières 💶
🔹 Son travail d’interface avec les eurodéputés et les partis politiques 🇪🇺
🔹 Et des dilemmes éthiques et personnels d’un militant devenu lobbyiste


💬 « Quand on veut faire le bien, il n’y a pas de sous-manière de faire. »

Un échange lucide et engagé avec un acteur discret mais stratégique de la fabrique des lois européennes.

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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Quand on veut faire le bien, il n'y a pas de sous-manière de faire. Je suis l'huile dans le rouage du collectif. Mon boulot, c'est de faire en sorte que les politiques publiques soient plus favorables aux ONG. Malheureusement, on se trouve dans un système où il y a des règles du jeu. Et pour l'instant, il faut jouer avec ces règles du jeu. On essaye autant que faire se peut de les contourner.

  • Speaker #1

    Qui sont ceux qui font la loi ? Je m'appelle Pierre, fondateur de la plateforme de veille institutionnelle Les J-Watch. et je rencontre celles et ceux qui font les coulisses de notre vie politique. Aujourd'hui, je reçois Nicolas Paris, chargé de plaidoyer Europe chez Coordination Sud. Il défend une Europe solidaire, féministe et durable entre Paris et Bruxelles.

  • Speaker #0

    Salut Pierre !

  • Speaker #1

    Salut Nicolas, ça va ?

  • Speaker #0

    Très bien et toi ?

  • Speaker #1

    Bah super, merci. Alors est-ce que tu peux te présenter pour nos auditeurs et auditrices ?

  • Speaker #0

    Alors je suis Nicolas Paris, ou Paris d'ailleurs, selon les gens. Je suis chargé de... plaidoyer au sein de l'association Coordination Sud qui est la fédération nationale des organisations de solidarité internationale en gros. Au sein de cet orgueil, je m'occupe notamment de traduire au niveau européen les combats nationaux de Coordination Sud.

  • Speaker #1

    Quels sont les combats nationaux de Coordination Sud ?

  • Speaker #0

    Coordination Sud défend au sens large la solidarité internationale. Le combat phare un peu, c'est l'aide publique au développement, c'est-à-dire l'argent qu'on envoie à l'étranger pour euh appuyer l'amélioration des conditions de vie des populations des pays partenaires et au sens un peu plus large ça va commencer là ça va être aussi l'environnement favorable des ong donc que l'environnement juridique l'environnement politique ce soit bien pour les ong et ça peut aller jusqu'à aux questions de taxation de justice fiscale environnementale l'égalité de genre ok donc si je comprends bien des ong qui sont adhérentes de ta coordination en tout cas tu représente des ong et

  • Speaker #1

    ton boulot c'est de d'augmenter quelque part leurs subventions, ou en tout cas d'aller chercher plus d'aide au développement dont elles pourraient bénéficier, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Mon boulot, c'est de faire en sorte que les politiques publiques qui sont mises en place soient plus favorables aux ONG. En fait, ce n'est pas vraiment moi qui le porte. Mon boulot, c'est de faire en sorte que les ONG le portent par elles-mêmes, c'est de coordonner leurs actions, de faire en sorte qu'on joue collectif. Je suis l'huile dans le rouage du collectif, on va dire. Je ne suis que ça, parce que je n'ai pas de légitimité démocratique à représenter les ONG. Je suis donc un membre de ce qu'on appelle un secrétariat exécutif. Et donc, par exemple, quand une ONG veut défendre quelque chose auprès d'un partenaire institutionnel, c'est elle qui se rend avec moi au rendez-vous. C'est elle qui porte ses propres intérêts, qui sont les intérêts du collectif que représente Coordination Sud.

  • Speaker #1

    Super intéressant. Ok, donc tu es vraiment dans l'organisation, la distribution du jeu.

  • Speaker #0

    C'est ça.

  • Speaker #1

    Et donc, tu as choisi un rôle qui est un rôle d'interface plutôt que de travailler sur le terrain. Pourquoi ce choix ? Qu'est-ce qui t'a amené ici ?

  • Speaker #0

    En gros, mon guide, c'était toujours l'idée de déjà aider les gens, mais vraiment très naïvement. Et au fur et à mesure de tout ce que j'ai appris, j'ai découvert le métier de lobbyiste, que j'ai trouvé absolument injuste, puisque par définition, les personnes possédant le plus de moyens ont donc plus de moyens pour défendre leurs intérêts. Donc par définition, le lobby est antidémocratique, puisque plus d'argent signifie plus de poids démocratique. Et donc, je me suis dit qu'il fallait impérativement compenser ce poids. des intérêts privés lucratifs. Et puis l'idée aussi, c'était de me dire, j'avais un peu ce guide de, ayant grandi en étant privilégié, en étant aussi un homme, etc., j'ai pu, de par mon existence, faire du dégât, en quelque sorte, parce que les modes de consommation des Occidentaux ont des conséquences sur l'environnement, ont des conséquences sur les conditions de vie des populations hors de l'Union européenne. Donc en ce sens-là, en fait, c'est pas de ma faute, mais j'ai fait du dégât en étant aussi un homme masculin créé par des valeurs de domination, de compétition, etc. C'est le patriarcat, mais j'estimais qu'il y avait quelque chose à réparer et qu'à partir d'un certain moment, mon but, ce serait de faire plus de bien que de mal.

  • Speaker #1

    Entendu. Donc tu travailles en tant que lobbyiste. Tu dis que c'est un métier qui est injuste. Comment on fait pour être un peu le David contre le Goliath ? Et deuxième question, alors qui rejoint ce que tu viens de dire également. Tu parles du fait que tu as une construction sur la compétition, sur la domination qui est peut-être liée à ta masculinité. Est-ce qu'il ne faut pas être dans la compétition et dans la domination pour avoir une chance de remporter des batailles qui sont très difficiles à obtenir ?

  • Speaker #0

    Alors, David contre Goliath, déjà. Je pense que ce qu'on peut faire, c'est être plus efficient, c'est être plus ouvert, c'est mieux reconnaître nos erreurs, moins tomber dans l'orgueil, dans l'hubris que les autres, et donc être à la fin. plus efficace. On a quand même un avantage, c'est que nos valeurs, les valeurs qu'on défend au sein de Coordination Sud, mais au sein du secteur associatif de manière générale, elles sont plutôt partagées par le reste de la population. Donc il faut bosser, être efficace. C'est pour ça que, notamment au sein du secteur associatif, le burn-out militant, c'est un gros truc. C'est parce que du coup, on charbonne, on charbonne en croyant à ce qu'on fait, à son utilité. Et donc, si ça ne marche pas et si surtout on ne voit plus utilité, c'est là que généralement ça craque Et sur la question de la compétition, oui, ça en fait partie. Ça en fait partie sur la question de la compétition. J'ai parlé d'efficience. L'efficience, c'est un terme tout ce qu'il y a de plus capitaliste, c'est-à-dire c'est le rapport entre la faim et les moyens utilisés. Mais malheureusement, on se trouve dans un système où il y a des règles du jeu. Et pour l'instant, il faut jouer avec ces règles du jeu. On essaye autant que faire se peut de les contourner. d'en créer de nouvelles, d'innover. Et c'est aussi là que le secteur associatif est intéressant. Mais en effet, et c'est peut-être en ce sens-là aussi que ma place est mieux à ce poste-là. C'est-à-dire que, d'une part, en effet, je suis un garçon. Et donc, les valeurs de compétition, de combat, etc., elles m'ont été inculquées. J'ai essayé de m'en défaire pour la dimension personnelle, puisque c'est généralement plus sain, et de le garder quand c'est utile. Mais ça peut parfois un petit peu aider. Je pense aussi qu'il y a quand même d'autres choses qui nous portent.

  • Speaker #1

    J'ai noté une seconde séquence pour vraiment rentrer dans ton quotidien, dans ton travail, pour comprendre ce que tu défends et comment tu le fais. Déjà, si tu devais expliquer ton quotidien à quelqu'un qui n'est pas du tout du milieu, comment tu ferais ? Qu'est-ce que tu lui dirais ?

  • Speaker #0

    Je lui dirais. Déjà, on essaie de déterminer collectivement qu'est-ce qu'on pense par rapport à un sujet. On fait une note. Moi, je fais une note qu'on appelle sacrificielle, en gros. c'est à dire sur laquelle tout le monde va critiquer à la fin. Tout le monde dira, mais c'est horrible, pas pensé à ça, c'est nul, etc. On fait rentrer ça, tous les retours, etc. On essaie de faire un document où tout le monde est un peu d'accord. On consulte, du coup, les membres de Coordination Sud. Voilà, pas mal de consultations. On se met d'accord. S'il y a besoin de voter, on vote. Généralement, on tombe assez d'accord parce que stratégiquement, on partage une analyse. On essaie de faire ça de façon informée. Donc, le but, c'est que... Je crois au consensus final parce que l'analyse peut être partagée.

  • Speaker #1

    C'est qui « on » dans « on vote » ?

  • Speaker #0

    « On » , c'est soit de façon informelle et absolument pas démocratique les travailleurs et les travailleuses qui sont aussi déchargés de pédoyer dans d'autres organisations, ou alors, quand il faut trancher politiquement, le Conseil d'administration de coordination de suite, qui est censé représenter les organisations du secteur, avec une représentation notamment, on essaye, assez égalitaire entre les plus petites et les plus grosses organisations, parce que même au sein des ONG, il y a des inégalités. Bien sûr, entre les gros et les plus petits. Et ensuite, c'est beaucoup de rencontres, de parler avec les partenaires institutionnels. En gros, c'est aller voir un ou une politique et lui dire, on aimerait s'il vous plaît que vous fassiez ça. Et donc, moi, la différence d'un lobbyiste classique, c'est que je vais prendre le rendez-vous. Puis ensuite, je vais dire à tout le monde, OK, on a rendez-vous ce jour-là, qui veut venir ? On aimerait une représentation qui soit paritaire. On aimerait parler et de ce sujet, et de ce sujet, et de ce sujet. Donc, il nous faut un ou une spécialiste sur chacun de ces sujets.

  • Speaker #1

    Comment tu fais pour avoir le rendez-vous ? Est-ce que tu as ton réseau à toi ? Est-ce que tu les prospectes comme on pourrait faire un commercial ?

  • Speaker #0

    Ça va dépendre. Soit on peut avoir notre réseau, ça va être les rendez-vous les plus rapides à prendre avec les collaborateurs, collaboratrices parlementaires, ou avec d'autres gens qui travaillent dans le milieu politique. Ça peut être des membres de partis aussi politiques qui travaillent sur des programmes, etc. J'ai pas mal parlé par exemple avec des militants, des militantes dans le cadre des élections européennes de 2024. L'idée, c'était un peu de venir contribuer à leur programme politique. Et sinon, pour les rendez-vous plutôt haut niveau, genre le cabinet de Macron, par exemple, on va faire partir une lettre depuis la présidence de Coordination Sud pour qu'il y ait un côté égal à égal, on va dire. Après, c'est beaucoup de harcèlement, c'est-à-dire envoyer deux, trois fois les mails, ou trois, maintenant, j'arrête parce que, justement, j'ai un peu peur d'être trop un forceur. Voilà, il faut quand même insister souvent.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'on vise, du coup, tu vises quelqu'un ? Très précisément, ou est-ce que tu t'envoies à une salve en disant « Ok, tant qu'il y en a un qui m'écoute, c'est suffisant. »

  • Speaker #0

    On vise la personne en fonction de deux facteurs principaux. Trois, plutôt, l'intérêt que la personne a pour le sujet, le pouvoir dont la personne dispose sur le sujet, et sa position sur le sujet. Généralement, on va plutôt aller voir des gens dont la position doit être un petit peu à basculer. D'accord. Si on va voir des personnes qui sont d'accord avec nous, c'est plutôt pour prendre de l'information, etc.

  • Speaker #1

    Ça vous est arrivé d'aller voir des gens qui sont totalement opposés à votre action pour tenter de convaincre ou alors c'est pas la peine ?

  • Speaker #0

    J'ai essayé à une époque, on travaillait sur les questions de migration. Nous, ce qu'on veut défendre, c'est d'une part un discours responsable sur les migrations, un discours responsable et informé, qui se base sur la réalité des faits, et pour les questions des voies migratoires, des voies qui soient justes et surtout qui soient sûres pour les personnes. Parce qu'en fait, plus tu fais de la répression sur les voies de migration, plus tu développes les réseaux de passeurs. Donc en fait, plus il y a d'insécurité. La restriction aux frontières, à bon entendeur, ne fonctionne pas et développe les insécurités. Et du coup, on est allé voir le ministère de l'Intérieur. Parce qu'en fait, notre interlocuteur principal, c'est le ministère des Affaires étrangères de base. Parce que notre mandat, c'est Affaires étrangères. Et on nous a dit, non, non, mais en fait, dès que les migrations sont concernées, c'est le ministère de l'Intérieur qui va trancher à la fin. Parce qu'il y a une sécurisation des sujets relatifs aux migrations, même quand ce n'est pas des questions de sécurité. Et quand on allait voir le ministère de l'Intérieur, en effet, on ne commençait pas des mêmes postulats du tout. C'était vraiment surprenant par rapport au MEAE, le ministère des Affaires étrangères.

  • Speaker #1

    Et ça s'est passé comment, si ce n'est pas discret ?

  • Speaker #0

    Il y a plusieurs approches. Moi, j'aurais tendance à dire que ça ne sert à rien de braquer les gens. Après, d'autres personnes considèrent qu'il faut y aller de façon un peu plus franco, il faut rappeler nos messages, quoi qu'il arrive. Rappeler que ce qui peut être dit par nos interlocuteurs et nos interlocutrices n'est pas entendable. Il n'est pas entendable au regard de l'état de droit, des engagements internationaux. Et donc, généralement, il y aura... une dynamique good cop, bad cop qui se mettra en place un peu naturellement. Surtout sur les sujets très clivants comme les questions de migration.

  • Speaker #1

    Ok, super intéressant. Là, tu parles de... du ministère de l'Intérieur. J'ai compris que vous aviez des actions à Bruxelles, mais il y a aussi des choses qui se passent en France. Comment ça se répartit ?

  • Speaker #0

    En fait, la bulle bruxelloise, je ne sais pas si tu connais l'expression, mais c'est un vrai truc. C'est un vrai truc. Quand tu es à Bruxelles, c'est... totalement différent que de travailler sur l'UE alors que tu es en France. Parce que tu es beaucoup plus connecté, parce que tes soirées elles sont avec les gens de Bruxelles, parce que tu connais, tu apprends des petites subtilités juridiques, législatives, etc. Parce que les infos circulent beaucoup plus rapidement, etc. Tout ce qui est du contact avec les institutions purement européennes, en tout cas c'est comme ça que Coordination Sud fonctionne, on va le laisser à nos partenaires qui sont au niveau de l'UE. notamment les relations avec la Commission européenne, quand il s'agit de prendre des rendez-vous, ce n'est pas trop nous qui nous en occupons. Nous, notre valeur à ajouter, elle est dans le fait qu'on comprend bien le contexte français, le contexte national, parce qu'on est ce qu'on appelle dans le jargon européen une plateforme nationale. Et donc, on connaît bien le contexte national. Et donc, on sera plus enclin à adapter notre discours en fonction des impératifs nationaux. Quand Macron a décidé de faire de la défense une priorité nationale, nous, on l'a en tête, parce qu'on a vu les discours nationaux, etc. Quand il y a des élections municipales en mars 2026, je crois, on sait. On sait aussi qu'il y a un congrès du PS, on sait qu'il y a un congrès des écolos. Et donc, on sait pourquoi les gens font ce qu'ils font. Nous, on va plutôt être sur les interlocuteurs, interlocutrices françaises, parce qu'on a cette valeur ajoutée et parce qu'ils et elles sont à Paris. Généralement, la seule exception, c'est la représentation permanente de la France à Bruxelles, qui est en gros l'ambassade française à... auprès de l'UE, avec qui on va parler en distanciel, mais vu qu'on est du même pays. Et puis les députés, les eurodéputés français, françaises et francophones aussi.

  • Speaker #1

    J'ai vu, alors tu me corriges si je me trompe, mais du coup que vous défendez à Bruxelles une ligne budgétaire pour les organisations féministes. Est-ce que... Tu peux développer ce sujet, expliquer ce combat.

  • Speaker #0

    Avec grand plaisir. Oui, en fait, c'est un super combat parce qu'il motive beaucoup de gens au sein de Coordination Sud et c'est trop chouette. Et en gros, on a bossé dessus avant les élections européennes. On l'a mentionné auprès de personnes qu'on a rencontrées. Par exemple, Raphaël Glucksmann qui nous a dit que c'est quelque chose qui peut passer, même auprès des conservateurs et des conservatrices. Donc il y a une question d'opportunité, déjà. Mais c'est surtout parce que c'est un peu vraiment au cœur des valeurs qu'on défend. la valeur égalité de genre, bien sûr, mais aussi la valeur d'efficacité. Parce qu'en gros, ce qu'on défend, c'est un fonds qui permet de financer les petites orgues qui sont sur le terrain de manière un peu plus pérenne. Si on file 10 000 euros pour un an, tu vas dire, ok, je vais utiliser 5 000 euros pour faire mon projet et 5 000 euros pour chercher des fonds pour l'année d'après. Et là, on leur dit, non, non, on va vous filer 100 000 sur 5 ans. Comme ça, leur stratégie, pendant 5 ans, ils sont tranquilles. Il est L, du coup. Et donc, elles, on va dire plutôt, parce que c'est des organisations féministes locales, elles peuvent faire mieux leur travail, des changements structurels. C'est pareil au niveau français. Si vous voulez faire des dons, ne faites pas des dons ponctuels, des gros dons ponctuels, faites des petits dons mensuels. Comme ça, on a une capacité à anticiper le futur. Et donc, à se dire, voilà, sur cinq ans, on va pouvoir faire une stratégie parce qu'on est stable financièrement. Et donc, il y a cette question de l'efficacité. Elles peuvent mieux travailler parce qu'elles ont plus de sécurité dans l'avenir. C'est aussi une approche qui est décoloniale. Ça peut être un gros mot, mais je trouve que là, c'est une belle illustration. C'est de dire, en fait, pendant pas mal d'années, on avait une agence française de développement qui arrivait et qui disait, je fais les choses grossièrement, je m'excuse d'avance à l'agence française de développement, mais qui disait un peu, vous, sur le terrain, vous avez ces besoins, donc nous, on vous donne l'argent pour que vous répondiez à ces besoins. Le but du fonds, c'est de mettre en œuvre aussi ce qu'on appelle du droit d'initiative, c'est-à-dire qu'en fait, c'est les OSC locales qui nous disent Merci. ce dont elles ont besoin, parce qu'elles sont au plus proche du terrain, parce qu'en gros, quand t'arrives avec tes grands sabots, une délégation de 10 européens, tu vas pas penser à plein de choses. Il y a un exemple qui tourne un peu dans le secteur, qui est l'exemple du puits, c'est que X agences voulaient faire un projet en faveur de l'égalité de genre. Elle a remarqué que les femmes allaient au puits chercher de l'eau mais le puits se trouvait à un kilomètre et demi du village et donc ils se sont dit bon bah on va remettre le puits au milieu du village comme ça les femmes tout le temps qu'elles perdent chaque jour à aller chercher l'eau elles le gagneront mais en fait en fin de compte ce dont on s'est rendu compte c'est que les femmes elles profitent cette occasion pour discuter entre elles partager de l'info gagner en pouvoir aussi avoir des moments du coup un autre gros mot mais non mixité qui fait qu'elle pouvait être vraiment complètement en sécurité sur ce qu'elle voulait dire notamment sur la question de de l'hygiène menstruelle, elles pouvaient aller laver leur protection périodique, etc. Et donc c'était vraiment des moments privilégiés. En plus de ça, du coup, le temps qui a été gagné, il a été réinvesti pour que les femmes aillent travailler plus dans les champs, dans des emplois qui ne sont pas nécessairement rémunérés. Donc en fait, en termes d'égalité de genre, c'était plutôt pas une bonne chose. Et donc en termes d'efficacité, en fin de compte, parce qu'on n'a pas pris les choses dans le bon sens, dans une approche top-down plutôt que bottom-up du coup, eh ben on a fait plus de dégâts que de choses positives.

  • Speaker #1

    C'est très clair. Mais alors justement, cette ligne budgétaire, en tout cas cette initiative, a une réelle chance de passer. Et en tout cas, comment on fait pour faire parler de ces choses-là alors que le contexte international se crispe autour de tensions ? Aux États-Unis, c'est la guerre au bloc. J'ai l'impression qu'en Europe, ça nous vient aussi. Voilà. Comment est-ce qu'on fait pour rester la tête haute sur ces sujets et arriver à leur donner de l'écho ?

  • Speaker #0

    Déjà, on rappelle au progressistes et aux gens du centre on va dire qu'il y a aussi un intérêt à faire ça parce que du coup ce qu'on appelle nous le fonds européen de soutien aux organisations féministes locales et bah ils visent aussi à répondre à une chose, c'est que parfois des fonds pour l'égalité de genre sont captés par les mouvements anti-droit et anti-choix et du coup ça permettrait de lutter contre ça parce qu'en fait le SOF, ce qui est intéressant et ce que nous on propose c'est qu'il soit intermédiaire c'est à dire qu'en gros ... Vu que les plus petites ONG n'ont pas nécessairement la capacité de gérer des grosses enveloppes de plusieurs millions, c'est une grosse ONG qui va gérer la partie administrative pour laisser le côté exécution aux petites ONG en fonction de ce qu'elles auront décidé de faire, évidemment, toujours. Et surtout, pour double-check aussi, qu'on ne soit pas en train de filer des enveloppes pour l'égalité de genre à des organisations qui luttent contre l'égalité de genre. Donc il y a ça, déjà dans la lutte que veulent mener par exemple Renaissance, je pense qu'il y a une très grande partie des eurodéputés qui sont très honnêtes dans leur lutte vis-à-vis de ça. Voilà, leur rappeler ça, que ce fonds, il est intéressant là-dessus. Et puis, je pense qu'il y a aussi des gens au Parti Populaire Européen, donc l'équivalent de LR non affilié RN, qui seraient aussi intéressés là-dedans. Ensuite, on adapte un petit peu la façon dont on présente les choses. Par exemple, se pose la question de... Nous, on préfère parler d'identité de genre, parce que c'est plus exact en termes d'analyse sociologique, parce qu'on veut mettre en avant que le genre est une construction sociale, que c'est par rapport à cette construction sociale que les... que les désavantages ou les oppressions existent. Mais du coup, là, on dirait plutôt égalité entre les femmes ou les hommes ou égalité des sexes. Plutôt égalité entre les femmes et les hommes, généralement, pour parler à quelqu'un d'un peu plus conservateur. Et puis sinon, c'est un long travail de sensibilisation. C'est comme parler à ton oncle un petit peu plus réac. Il faut le voir entre 3 et 10 fois pour faire passer les choses. Je ne traite pas le PPE d'oncle un peu réac, je précise.

  • Speaker #1

    D'accord, ok. Vous avez un autre combat... Ce que j'ai trouvé super intéressant, c'est que vous défendez la taxe sur les transactions financières au sein de l'Union Européenne. De mémoire, il y a un eurodéputé français qui avait fait une grève de la faim à un moment à ce sujet. J'ai plus son nom en tête.

  • Speaker #0

    Je vais faire un QR rec maintenant. En tout cas,

  • Speaker #1

    où est-ce que ça en est ? Est-ce qu'il y a encore espoir que ça aboutisse ? Et aussi, pour toi, quel est l'objectif ? S'il y avait cette taxe... Comment on pourrait s'en servir ? Quel est le pourquoi de cette initiative ?

  • Speaker #0

    Déjà, big up à Pierre Larouturu, le député en question, qui n'a pas renouvelé son mandat au Parlement européen, mais qui a été super vocal là-dessus. On n'a pas gagné la bataille, mais on compte bien gagner la guerre. Ce genre de sujets, ce sont des sujets qui sont cycliques. Il faut que l'opinion publique soit dans une phase favorable. Il faut que les décideurs et les décideuses politiques le soient aussi. Donc, par exemple, en ce moment, il y a une grosse discussion. sur le réarmement de l'Union européenne, la militarisation, le fait qu'il y ait besoin de moyens pour ça. Il y a aussi la discussion autour du cadre budgétaire pluriannuel, donc le budget de l'UE. Et donc pour ça, il faut qu'il y ait des moyens. Et donc cette taxe-là, on l'appellerait plutôt contribution, contribution européenne pour la transaction financière, puisque le langage est très important et que taxe tend à tendre un petit peu les gens. Cette contribution-là, elle permettrait de mettre moins en compétition les différents pôles de dépense de l'Union européenne. En gros, le cœur de ce que nous on explique, c'est que c'est une taxe complètement indolore sur les marchés financiers, que ça n'a pas de conséquences. En fait, la seule petite conséquence que ça pourrait avoir, c'est d'éviter la spéculation à très haute fréquence, donc vraiment ce que tout le monde déteste, c'est-à-dire la spéculation inutile qui ne crée pas de vraies richesses, mais qui crée que de la richesse artificielle, qui crée des bulles et qui déstabilise les marchés financiers. J'ai serré les doigts en disant ça tellement j'étais convaincu. Donc c'est vraiment une contribution qui est super utile. importante et qui a que des effets bénéfiques. Et du coup, nous, ce qu'on défend, c'est qu'elle soit réorientée vers la solidarité internationale parce qu'il y a aussi une forme de réparation, parce que les marchés financiers, de par leur fonctionnement, tentent par exemple à faire augmenter artificiellement le prix des denrées alimentaires et que ça, ça cause des disettes, des famines. On l'a vu avec le cas ukrainien. Il y a eu beaucoup, beaucoup de spéculations sur les denrées alimentaires en Ukraine. Ça a contribué à faire augmenter le prix de l'alimentation dans l'Union européenne aussi. Donc nous, on dit vous avez fait de l'argent là dessus. redistribuant un petit peu dans une optique de justice fiscale. Et on peut gagner et on va y arriver parce que c'est juste, parce que c'est techniquement, objectivement ce qu'il faut faire et parce que l'opinion publique est foncièrement favorable.

  • Speaker #1

    Du coup, si tu veux, on va passer à la section vrai ou faux. Je vais te dire cinq phrases et tu vas me répondre par vrai ou faux et tu peux évidemment t'expliquer à ce sujet, te développer. Première phrase. L'aide au développement est de plus en plus instrumentalisée comme outil de politique migratoire.

  • Speaker #0

    C'est malheureusement absolument vrai, parce qu'elle est utilisée pour faire pression sur les pays partenaires en leur disant, si vous ne reprenez pas vos personnes qui viennent de chez vous, on vous donnera moins d'aide publique au développement. C'est à l'opposé du sens juridique de tous les traités internationaux. C'est complètement contraire à ce que l'aide publique au développement doit faire. L'aide publique au développement, c'est lutter contre la pauvreté et les inégalités. Donc c'est malheureusement vrai. C'est inefficace aussi. A minima, à court et moyen terme, les études montrent qu'en fait, utiliser l'APD pour faire en sorte que les gens restent dans les pays qu'on appelle de transit, donc entre le pays d'arrivée et le pays de départ, ça tend plutôt à donner aux personnes les conditions de la mobilité.

  • Speaker #1

    Deuxième phrase, une note de plaidoyer peut peser autant qu'un lobbying économique.

  • Speaker #0

    C'est, à mon sens, et très tristement, malheureusement, faux. Pour la simple et bonne raison que, d'une part, le cerveau humain, a priori, ne fonctionne pas, selon des mécaniques très compliquées qui font qu'un argumentaire très bien chiadé, véridique et basé sur les faits fonctionne, mais il fonctionne plutôt sur la répétition. Et donc, en répétant quelque chose d'extrêmement débile, on peut malheureusement convaincre quelqu'un. Du moment qu'on le répète assez de fois, or de nouveau, en termes de quantité, Goliath, les plus grosses entreprises, ont beaucoup plus de moyens, d'une part. Et d'autre part, je pense que c'est quelque chose dont il faudra qu'on s'empare de plus en plus au niveau associatif. Mais le lobbying économique, il a aussi cette dimension-là, qu'il a des moyens de pression. On connaît beaucoup le chantage à l'emploi, de dire, en fait, si vous ne faites pas ce que je vous demande de faire, on va délocaliser. Et nous, on n'a pas vraiment de moyens de pression. On peut faire une manifestation, mais on l'a vu, plusieurs millions de personnes peuvent descendre dans la rue sur une réforme des retraites, et aujourd'hui ça ne marche plus tellement.

  • Speaker #1

    Troisième phrase, les ONG sont devenues trop techniques pour être comprises par le grand public.

  • Speaker #0

    Alors pour moi c'est faux, les ONG sont et ont toujours été affreusement techniques. La seule problématique qui se pose, c'est le cadrage, la façon dont on présente les choses, l'angle sous lequel on présente les choses, et c'est là que se trouve notre grosse carence, parce qu'on a envie d'être. Honnête, intellectuellement, ça fait partie des valeurs qu'on défend. En étant très rigide là-dessus, on a parfois du mal à adapter notre langage aux façons de penser, aux socles de valeur des personnes qu'on a besoin de convaincre.

  • Speaker #1

    Quatrième phrase, les institutions européennes écoutent davantage des entreprises que les ONG.

  • Speaker #0

    C'est absolument et 100% et factuellement vrai. En fait, déjà, la place des entreprises est inscrite dans les traités de l'Union européenne. Alors les ONG un petit peu aussi, mais de façon un peu moins contraignante. Mais le commerce, le néolibéralisme, tout ça c'est écrit dans les traités de l'Union européenne. C'est vraiment une idéologie qui est très très très présente. Moi je travaille sur quelque chose qui s'appelle le Global Gateway au niveau de l'Union européenne, qui est en gros un ensemble d'investissements de l'Union européenne, notamment vers les pays de l'Union africaine. En gros l'idée de l'Union européenne c'est d'investir dans les infrastructures, dans la santé, dans l'énergie. 300 milliards de dollars. Donc il y a un bureau, en gros, qui prend les décisions de comment sont, au global, générés les investissements, etc., comment ils sont orientés. Il y a ce qu'on appelle un BAG, Business Advisory Group, un groupe de conseil des business, des entreprises, qui a été établi directement à la création du Global Gateway, qui est donc officiellement impliqué dans les décisions qui sont prises. Nous, OSC, avons dû nous battre. bec et ongles pour obtenir un petit groupe pour conseiller les décisions qui sont faites, etc. Et on se bat toujours pour que ce groupe ait un impact significatif sur les décisions qui sont prises. Donc vraiment, oui, on doit y mettre beaucoup plus d'énergie quand on veut être écouté.

  • Speaker #1

    Et la dernière phrase, travailler en collectif ralentit l'action, mais renforce sa légitimité.

  • Speaker #0

    Oui, et ça renforce son efficacité et le fait qu'elle soit basée sur des faits. Moi, je crois beaucoup en l'intelligence collective. On a plein de petites procédures dans le milieu associatif, les matrices SWOT, les calendriers, ces choses comme ça. Moi, je crois vraiment que c'est un facteur d'efficacité parce que ça nous permet de confronter nos compréhensions des contextes et donc de tirer des conséquences sur ce qu'on doit faire. Et donc oui, ça nous permet de faire ça. C'est beaucoup plus lourd parce qu'il faut embarquer tout le monde, parce qu'il faut aller parler aux personnes une par une. Mais ça fonctionne, je l'espère, à la fin.

  • Speaker #1

    On va arriver à la fin de cet épisode. Pour faire un petit pas en arrière, est-ce que tu peux nous parler d'un dossier qui t'a le plus marqué ou transformé tout au long de ton parcours ?

  • Speaker #0

    Oui, avec plaisir. Un qui m'a le plus marqué et qui a été le plus long dans lequel j'ai été impliqué, c'est celui des élections européennes 2024. Tout le monde a peut-être... déjà oublié ces élections puisque personne n'y pensait au moment où elles avaient lieu. Mais du coup, c'était un gros moment. Moi, j'étais au cœur de la coordination de ce qu'on faisait sur le sujet. C'est quelque chose qui n'est pas évident parce qu'on n'a pas l'habitude de communiquer vers le grand public en tant que Coordination Sud, parce qu'on est un réseau professionnel, donc on a plus vocation à aller vers nos membres. Et donc, ça a été un lot de dossiers. On a dû préparer plusieurs étapes de plaidoyer, prendre énormément de rendez-vous. Mais c'est aussi là que j'ai découvert beaucoup de choses en lien avec la politique, avec le fonctionnement des partis politiques, avec comment on embarque les gens, comment on aussi, en se mettant un petit peu moins l'impression, on peut être un petit peu plus efficace parfois. Et comment il est très, très important, je pense, parfois de lâcher prise et de laisser les petites initiatives annexes se faire, se mettre d'accord sur un socle de valeurs qui est commun, mais laisser plus de liberté à côté aux différentes orgues. Et ça s'est bien passé en ce sens-là. Ça a des conséquences qui sont chouettes, qui ne sont pas directement bénéfiques pour le secrétariat exécutif de Coordination Sud, mais qui en fait ricochettent un petit peu positivement sur plein d'organisations membres et d'autres. Mais c'est aussi un moment qui m'a beaucoup marqué et qui m'a beaucoup changé parce que j'ai fait un petit burn-out suite à ça. Mais je pense que ça touche beaucoup de gens dans le secteur du pied-doyer. J'en ai déjà entendu parler de pas mal. parce que je me suis mis trop la pression, parce que je n'ai pas su lâcher certaines choses. Et c'est malheureusement aussi ça qu'il faut faire. C'est terrible parce que généralement, pour rassurer quelqu'un, on lui dit qu'il n'y a pas mort d'homme. Moi, je considère un peu que si, dans la mesure où notre métier par extension, c'est quand même d'améliorer ou de sauver des vies. Si on permet aux humanitaires d'intervenir dans un pays, à priori, il y a des vies qui vont être sauvées. Donc ça met un peu de pression, mais ça m'a marqué parce que du coup... Du coup, j'ai aussi appris que si je ne me mettais pas de limites en termes de bien-être personnel, je pouvais me cramer et qu'à la fin, du coup, je ne pouvais plus rien faire pendant un mois.

  • Speaker #1

    Justement, si tu avais un conseil Ă  te donner au Nicolas qui commence dans les affaires publiques, qu'est-ce que tu lui dirais ?

  • Speaker #0

    Ne néglige absolument pas le bien-être militant. Prends soin des gens autour de toi, prends soin de toi sans être complaisant avec toi-même. Reste. Hyper exigeant, bosse, continue à bosser. Quelle que soit la chose que tu feras, ça sera utile pour toi et t'apprendras des choses. Quel que soit le secteur, t'es pas obligé de tout faire en plaidoyer. Tu peux faire des choses aussi à côté. Un engagement associatif, aller aider sur une récolte alimentaire d'action contre la faim, ça aide à fond aussi parce qu'on en apprend sur l'expérience des gens et ça permet d'enrichir et d'illustrer un petit peu pourquoi est-ce qu'on fait ce qu'on fait.

  • Speaker #1

    Parfait. Pour conclure, si tu devais résumer ton rapport au plaidoyer en une chanson, une scène ou une image ?

  • Speaker #0

    Alors, j'avais plein, plein, plein d'idées pour ça. Je dirais que c'est La Capitana. C'est un roman sur Mika Echeverri, qui est une militante qui a fait pas mal de guerres autour de la Seconde Guerre mondiale, notamment qui a fait la guerre civile espagnole en tant que membre des brigades internationales. Donc, il y a un côté, déjà, que j'aime beaucoup, très sacrificiel. Les brigades internationales, c'est des personnes du monde entier qui sont venues soutenir. les républicains démocrates de l'Espagne qui faisaient face à un coup d'état des franquistes, donc en gros des fascistes espagnols de l'époque, et donc ils sont venus les aider par dizaines de milliers. Et moi, c'est un épisode de l'histoire qui m'a énormément marqué. Et pourquoi cet ouvrage, La Capitana en particulier ? Parce que Mikaët Chévéret, déjà, c'est une femme, ce qui est un peu moins présent dans ce milieu-là, parce qu'elle est... badass comme pas possible. Mais elle est badass parce qu'elle se bat d'une part, mais parce que quand c'est plus le moment de se battre, elle prend soin de ses camarades. Il y a une scène, du coup, qui serait peut-être la scène que je pourrais dire, où elle est dans les espèces de tranchées qu'il y avait à l'époque, et elle fait attention à ce que chacun... Une petite attention à un petit truc. Et en ce sens-là, on parlait en tout début de la compétition et de son importance pour nos combats, mais je pense que le care, du coup, qui est une valeur... historiquement plutôt féminine et bah c'est quelque chose de très très utile et j'aurais aimé plus rapidement avoir plus ça à l'esprit prendre plus prendre plus soin des autres et je serais hyper badass qu'elle arrive à la fois à prendre le fusil et à la fois à faire attention aux autres et donc en tout cas récemment je suis beaucoup là dedans et donc ça m'a beaucoup marqué quand on veut faire le bien il n'y a pas de sous manière de faire il n'y a pas une manière de faire qui est bien mieux qu'une autre il faut Je parle ici aux militants et aux militantes au sens très large, à celles et ceux qui considèrent qu'elles essaient de faire le bien dans le monde. Toute l'hostilité que vous avez, dirigez-la contre vos adversaires et non pas contre les gens qui luttent avec vous. Si les gens ne font pas les choses parfaitement, expliquez-leur avec calme si possible. Parfois on est très affecté par les choses, parfois on est très tendu, mais on gagnera mieux si on prend soin les uns des autres. C'est vraiment plus qu'une question morale, c'est une question d'efficacité.

  • Speaker #1

    Merci Nicolas.

  • Speaker #0

    Merci Ă  toi. A bientĂ´t. A bientĂ´t.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté Hémicycle, le podcast qui décrypte la fabrique de la loi. Je m'appelle Pierre, je suis le cofondateur de l'Egywatch, la plateforme qui vous aide dans votre veille institutionnelle. A bientôt.

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