Speaker #0Musique Bonjour à tous et bienvenue dans Histoire du Pire. Musique Le podcast qui fouille dans les recoins les plus sombres et parfois les plus bizarres de notre passé. Aujourd'hui, on va parler d'un sujet qui donne matière à réflexion. Accrochez-vous, on plonge dans l'histoire des dents des morts. Grâce à la dentisterie moderne, les Européens d'aujourd'hui gardent des dents blanches et saines jusque tard dans la vie. Mais jusqu'au XXe, c'était une toute autre histoire. Pas de brossage régulier ? Pas de dentiste de quartier ? Résultat, une bouche souvent douloureuse, malodorante et une vraie porte d'entrée pour les maladies. Tout s'aggrave encore entre la Renaissance et le XVIIIe siècle avec la démocratisation du sucre. Les nobles s'en gavent à tel point qu'à la cour d'Elisabeth Ière, en Angleterre, les dents noires deviennent même un symbole de richesse. On se les peint en noir pour montrer qu'on a les moyens de se ruiner la bouche au sucre. Super sourire ! Les dents gâtées, c'est du prestige, voyez-vous ? Le concept du sourire Colgate viendra bien plus tard. C'est au XVIIIe siècle que la dentisterie commence à prendre forme, notamment grâce à Pierre Fauchard, souvent considéré comme le père de la dentisterie moderne. Mais à l'époque, soyons clairs, les soins sont rudimentaires et surtout hors de prix. Pour la majorité, se soigner, c'est surtout... Arraché par un chirurgien barbier ou un arracheur de dents. Vous savez, celui qui vous dit que non ça ne fera pas mal. Spoiler, si ça fera mal beaucoup parce que l'anesthésie, connaît pas. Et une fois la dent extraite, il est temps de masquer les dégâts plus ou moins importants en fonction du talent et de la compétence du praticien. C'est là qu'entrent en scène les prothèses dentaires réservées aux riches. Certaines sont faites d'ivoire d'hippopotame montée sur des fils d'or, comme celle de Diane de Poitiers, favorite du roi Henri II, ou encore d'Anne d'Allègre. C'est luxueux, certes, mais souvent inesthétique et surtout très très inconfortable. Entre ces protoprothèses et l'apparition des prothèses modernes en céramique, une pratique macabre se développe à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle. Redonnez un sourire "Authentique" aux vivants, en utilisant les dents des morts. Et non, ce n'est pas une métaphore. Si les sources demeurent peu nombreuses, les scientifiques pensent que l'arrachage de dents post-mortem pourrait avoir commencé avec les body snatchers. On parle d'un commerce organisé et lucratif où les résurrectionnistes, ces pilleurs de tombes britanniques, volaient des corps pour les vendre aux écoles de médecine et leurs dents aux dentistes peu regardants sur la provenance de leur matière première. Petit point financier : D'après "Jusqu'à la moelle", un livre dirigé par Bernard Wilkin et Robin Schaffer, un ouvrier anglais de la fin du XVIIIe siècle, gagne environ 2 shillings par jour. Une livre sterling équivalant à 20 shillings, c'est donc 10 jours de travail. Et une prothèse dentaire coûte entre 31 et 73 livres. Autrement dit, 1 à 2 ans de salaire. Autant dire que le sourire parfait est un luxe. En 1808, la première dent en porcelaine apparaît à Paris. Problème, c'est encore plus cher que les dents humaines. Heureusement, ou malheureusement, les guerres napoléoniennes vont faire baisser les prix. 40 000 morts à Waterloo, ça fait quand même beaucoup de matière première à extraire des mâchoires. Les champs de bataille deviennent ainsi des mines d'or dentaires. Les Waterloo Teeth, les dents de Waterloo, deviennent même une marque. On se vante d'avoir une dent arrachée à un cosaque sur le champ de bataille. Un mélange entre trophée de guerre et accessoire de mode. Les plus belles dents sont implantées directement dans les mâchoires des vivants. Les autres sont fixées sur des dentiers. Un sourire hétéroclite, mais très chic. Et pour le marketing, c'est parfait. Dents de héros anglais, garantie authentique. Même si, soyons honnêtes, beaucoup venaient de sources bien plus douteuses. Les soldats avaient la réputation d'avoir une dentition parfaite. Mais la réalité est tout autre. Sur le nombre faramineux de dents extraites, beaucoup présentent des caries et autres lésions à divers stades plus ou moins avancés. Quant à la provenance, bien que les champs de bataille de toute l'Europe aient été une source d'approvisionnement providentielle, notamment avec Leipzig et Waterloo, Il est avéré que les illustres Waterloo Teeth ayant atterri dans les collections muséales ou particulières, appartiennent à des individus très divers, n'ayant pas forcément pris part aux grandes batailles. Une entrée de journal d'un riche avocat britannique, datée du 9 janvier 1816, nous dit « Ce matin, je suis allée immédiatement après le petit déjeuner chez un dentiste qui m'a posé une dent naturelle à la peau. » place de celle que j'avais avalée hier. Il m'a assuré qu'elle venait de Waterloo et m'a promis qu'elle durerait plus longtemps que 12 dents artificielles. La réputation des quenottes de soldats à la dent dure. Cette pratique macabre perdurera encore pendant plusieurs décennies. La rumeur veut que des dents humaines soient encore prélevées sur des soldats tombés pendant la Guerre de Sécession américaine, ayant eu lieu entre 1861 et 1865. Mais Et peu à peu, avec l'arrivée de prothèses en céramiques moins chères et mieux adaptées, le commerce des dents humaines décline jusqu'à disparaître tout à fait. Les morts peuvent enfin reposer en paix, ou pas, et les vivants, eux, peuvent sourire sans se demander à qui appartenait leurs incisives. On se retrouve bientôt pour un prochain épisode d'Histoire du Pire, et d'ici là, n'oubliez pas de garder le sourire !