- Speaker #0
Aujourd'hui, j'ai le plaisir d'accueillir Frédéric Mouillade. Il est directeur de la zone Sud-Europe chez Patagonia. Patagonia, vous le savez, c'est pour moi une entreprise emblématique, reconnue pour son engagement environnemental et social. J'ai toujours été fascinée par leur modèle et je cite le livre d'Yvon Chouinard, son fondateur, très souvent dans ce podcast, le brillant Confessions d'un entrepreneur pas comme les autres. Il y a environ deux ans, Patagonia a fait les gros titres lorsque Yvon Chouinard a annoncé qu'il léguait l'intégralité de l'entreprise à des structures dédiées à la protection de l'environnement. Une décision audacieuse qui reflète une volonté profonde de placer la planète au cœur des priorités de l'entreprise. C'est une décision absolument inédite dans le paysage des entreprises puisque c'est donc entre guillemets la planète ou en tout cas ses intérêts qui deviennent décisionnaires de l'entreprise. Mais en fait l'engagement de Patagonia ne date pas d'hier. Dès 2002, Yvon Chouinard a cofondé le mouvement One Person for the Planet, encourageant les entreprises à reverser 1% de leur chiffre d'affaires à des associations environnementales. C'est un modèle hyper inspirant que j'ai personnellement adopté en reversant également 1% de mon chiffre d'affaires à cette cause. Si cela vous intéresse, n'hésitez pas à écouter l'épisode 11 où j'interroge Isabelle Suzigny qui dirige ce mouvement en France. Avec Frédéric, nous allons explorer comment ces engagements se traduisent concrètement au sein de Patagonia. comment ils influencent la culture d'entreprise, le management, et comment ils peuvent inspirer d'autres organisations à suivre cette voie. C'est vraiment un échange riche et inspirant, à l'image de Patagonia et des valeurs que nous défendons ici dans Human First. Je vous souhaite une très belle écoute ! Bonjour et bienvenue sur Human First, le podcast business qui parle plus d'humains que de filles. À chaque épisode, je vous emmène à la rencontre de professionnels qui ont osé voir le monde du travail différemment. Comment ? En plaçant l'humain au cœur de ses priorités et de sa stratégie. Je suis Cécile Chapon, entrepreneuse, RH, coach et militante pour un monde du travail plus épanouissant et plus responsabilisant. Et maintenant, place à notre invité du jour. Bonjour Frédéric.
- Speaker #1
Bonjour Cécile.
- Speaker #0
Je suis ravie de t'accueillir sur ce podcast. Patagonia, c'est un exemple en termes d'engagement environnemental. Et on aurait aimé savoir comment on s'y prend chez Patagonia sur le sujet de l'humain, puisque c'est quand même quelque chose qui va souvent ensemble. Donc, comment on travaille chez Patagonia ?
- Speaker #1
Voilà une question vaste pour commencer. L'humain, c'est un peu à la base de toute activité. Donc, c'est un point central. Et c'est quelque chose qui a été très tôt, je pense, compris par Yvon Chouinard, le fondateur de Patagonia. et une culture qui nous a été inculquée pour ma part il y a 25 ans quand j'ai commencé chez Patagonia. Voilà, donc c'est déjà une belle histoire. C'est au centre de tout, c'est ce que je disais. On ne considère pas pouvoir développer une entreprise telle qu'on a pu la développer sans l'humain. C'est la force de l'entreprise, c'est ses valeurs, c'est qui on incarne. Et voilà, c'est au centre de l'action quotidienne quand on a des combats environnementaux, quand on a des produits à développer de qualité, etc. pas se faire sans l'humain, donc il faut investir sur l'humain et l'humain est à la base de tout.
- Speaker #0
Et justement, qu'est-ce que tu dirais qu'il y a comme grand principe dans l'entreprise pour manager, comment on considère l'humain, etc. Parce que je ne crois pas savoir qu'il y en a.
- Speaker #1
Une des choses déjà qui est intéressante à mon avis, qui a aidé à la prise de conscience chez Patagonia de l'humain, c'était déjà préserver l'humain. Et en ça, il y a une anecdote dont je me souviens qui est Je crois qu'il s'est passé dans les années 90, où dans un magasin aux Etats-Unis, on s'est rendu compte qu'il y a eu des soucis de santé, à un moment donné. Et en fait, en essayant de creuser, en essayant de comprendre ce qui se passait, on s'est rendu compte qu'il y avait un souci sur les produits, des traitements dans le textile, qui, avec un mauvais système de ventilation, amenait à ce souci-là. Et donc, il y a eu cette prise de conscience qui a permis d'accélérer et de se dire qu'on a une équipe, la première des choses, c'est d'assurer ça. sa santé, sa pérennité. Et ça, ça a été une des anecdotes dont Ivo Chouinard fait part et qui, pour moi, a aidé à cette prise de conscience que l'humain, il fallait prendre soin de ses équipes, prendre soin de l'entreprise. Et depuis, en fait, ça a aidé à la prise de conscience, mais ça a aussi aidé à redoubler d'efforts pour s'assurer que dans tout ce qu'on allait faire, que ce soit d'ailleurs chez nous ou en dehors, quand on fait travailler des sous-traitants, s'assurer que... On fait ça de la bonne manière en s'assurant que les gens sur place, quand il s'agit de la production, on travaille avec des entreprises qui respectent tous les standards, qui soient vraiment dans les codes pour s'assurer qu'on soit quelque part droit dans les bottes quand on fait quelque chose. Je ne pense pas que ce soit un point de départ. Il y avait déjà cette conscience avant, mais elle a vraiment contribué à accélérer la prise de conscience de l'entreprise sur tous ces sujets.
- Speaker #0
Est-ce que tu peux nous raconter justement à quel point c'est une entreprise qui a de la cohérence ? On prend soin de la planète. Du coup, si c'est ça notre principe en termes de gamme, qu'est-ce que ça donne ? Pour les auditeurs qui n'auraient pas forcément lu le bouquin d'Yvon Jepouina.
- Speaker #1
Alors oui, on prend soin de la planète. Là aussi, c'est des prises de conscience qui se sont faites petit à petit. Pour rappel, l'entreprise s'est créée avec déjà une certaine prise de conscience dans les années 70. Yvan Chouinard, c'est un grimpeur, un surfeur, un sportif qui a élevé des faucons dans les montagnes et qui, par sa passion, avec le début des années 60 et l'escalade, s'est rendu compte que l'activité de l'escalade avait une activité une une Il commençait à détériorer le rocher, détériorer l'environnement. Donc même une activité qui paraissait saine avait un impact sur l'environnement. Et de cette prise de conscience, il s'est dit, moi, il faut que je fasse quelque chose. Il faut que je participe à changer les choses. Et puis, c'est une personne qui a, je pense, une belle suite dans les idées. Quand il a une idée en tête, il la suit. Il est assez visionnaire. Et voilà, il a créé Patagonia. d'entrée de jeu, une idée de, quelque part, de créer des produits qui répondraient à ce qu'il y ait des charges là, à respecter la planète, etc. Et toutes les étapes qui ont suivi, que ce soit la démocratisation des flisses en bouteilles de plastique recyclées, en PCT, ou je peux appeler ça, bref, que ce soit le coton, on a changé dans les années 90 l'intégralité de la gamme, où on a découvert Colcoton. Le coton qui n'était pas un coton organique à l'époque, c'était du coton conventionnel. Et que la culture de ce coton conventionnel, on s'est rendu compte sur un audit des fibres qu'on utilisait dans l'entreprise, était en fait celui qui avait le plus d'impact sur l'environnement. Donc ça, ça a été une prise de conscience et ça a contribué au fait de dire, tiens, mais il faut qu'on redouble de vigilance sur tout ce qu'on fait pour vraiment être au courant. Parce que si on n'est pas informé, on a des perceptions. Le coton, on se dit à l'époque, c'est naturel. Le coton, c'est naturel, donc tout va bien. et en fait on s'est rendu compte que c'était ce qu'il y avait de pire dans nos gammes. en l'espace de un ou deux ans, on a remplacé l'intégralité du coton conventionnel en coton organique, ce qui à l'époque, ce qui aujourd'hui ne peut paraître pas grand-chose, ce qui à l'époque, quand il n'y a pas de sourcing, il faut aller voir les fermiers, les agriculteurs, et puis changer pour pouvoir sourcer son coton organique. Donc, c'était un vrai challenge. Et ça, ça s'est fait. Je crois qu'on a diminué la gamme la première année de 50% de ce qu'on avait. Donc, il a fallu accepter des conséquences business pour pouvoir répondre à l'impératif de positionnement, l'impératif de de qualité et d'impact réduit sur l'environnement qu'on voulait avoir.
- Speaker #0
Il a même changé des petits crochets en montagne pour justement que ça ait moins d'impact sur les rochers.
- Speaker #1
Alors exactement, autre exemple un peu plus tôt, donc dans les années 60, c'est ça. Donc lui, il est passionné de grimpe et puis à chaque fois, on utilisait à l'époque des pitons pour pouvoir s'accrocher à la paroi et ces pitons-là, on les tape avec un marteau. Quelque part, on fisse sur la paroi pour pouvoir les fixer. À chaque fois qu'on passe, on laisse des pitons. Et donc, là-dessus, il a travaillé sur un système. Il a acheté une forge et il s'est créé ses propres systèmes de sécurité. Parce qu'à l'époque, il n'y avait pas Black Diamond ou Pets, etc. qui faisaient des produits. C'est un peu chacun qui allait de son innovation pour créer ses produits. Et donc, il a créé une marque qui s'appelle Schwinner Equipment et qui est devenue plus tard, rachetée par Black Diamond, qui est devenue Black Diamond. D'accord. Et donc, c'est... C'est taqué coinceur, en fait, cette logique de pouvoir insérer dans les fissures un système qui allait nous retenir sans détériorer la paroi, qui a permis de finalement repenser un petit peu l'escalade artificielle et l'escalade en général.
- Speaker #0
Donc ça, c'était sa première boîte et ensuite, il a créé Patagonia.
- Speaker #1
Exactement. Je crois que ça a été vendu aux employés de Black Diamond, je ne me souviens pas de bêtises, dans les années 80 ou 90. 80, peut-être les années 80. Je crois que ça a été vendu dans les années 80. Une fois, il a créé Patagonia, il avait en parallèle toujours Schwinner Equipment, et puis ça a été vendu, donc c'est devenu Black Diamond, et voilà, il est vendu à ses employés.
- Speaker #0
Et justement, on l'a évoqué tout à l'heure, votre engagement pour 1% pour la planète, en fait, ce n'est pas juste un engagement, puisque c'est coordonné à la création de Patagonia, c'est Patagonia qui crée 1% pour la planète, finalement.
- Speaker #1
Alors exactement, en fait, dans les années 90, fort du constat de ce qui se passe sur la planète, etc., Il s'est dit, voilà, on améliore notre production, on rend nos produits plus propres, on a mis le coton organique à la place du coton conventionnel, on avance. Pour autant, les problèmes sont visibles un peu partout autour. Et puis, il a commencé à s'auto-taxer de 1% du chiffre d'affaires ou 10% des bénéfices, sans le dire à personne finalement, en le faisant et en rétribuant une partie de notre chiffre. à des associations environnementales pour préserver l'environnement. Et puis, ça pendant plusieurs années. Puis finalement, il s'est dit, mais donner 10% de ses bénéfices, c'est bien, mais ce n'est peut-être pas suffisant parce que 10% de ses bénéfices, si on ne fait pas de bénéfices, on ne donne pas. Et finalement, il faudrait que ce soit quelque chose d'automatique. Donc de là, il est venu à se taxer de 1% du chiffre d'affaires, ce qui fait qu'on le prend comme une charge et en se disant, quoi qu'il arrive, j'ai 1% de mon chiffre d'affaires que j'aurais investi dans les associations environnementales. Et puis, de ça, il s'est aussi rendu compte que si on le fait, nous, c'est bien. Mais à l'époque, on devait être une société qui faisait, dans les années 90, on devait faire, je ne sais pas, peut-être 100 millions de dollars, j'imagine, quelque chose comme ça. Je n'ai pas les chiffres en tête, mais ça doit être de cet ordre. Une société de 100 millions de dollars qui donne 1%, c'est toujours 1 million de dollars. Ce n'est pas rien, mais on ne va pas changer la planète avec ça. Donc, il y avait une logique de se dire, il faut qu'on démultiplie, il faut qu'on inspire, il faut qu'on mette de l'échelle à tout ça. Et la meilleure manière... pour le faire, c'est de créer une association indépendante. Ce qu'il a fait avec un de ses collègues, ils ont créé 1% for the planet avec l'idée de démocratiser cette approche. Et si on démultiplie ça sur toutes les entreprises, si toutes les entreprises de la planète donnaient 1% de leur chiffre d'affaires, les moyens pour répondre finalement à l'ambition seraient d'une nature complètement différente même si nous, on donnait 100% de notre chiffre d'affaires, on ne pourrait pas changer et être à la hauteur de l'ambition et de l'enjeu.
- Speaker #0
Je crois que si toutes les entreprises donnaient... on saurait régler la problématique de la transition.
- Speaker #1
Probablement. On lance dans une meilleure posture.
- Speaker #0
On lance des petits appels dans ce podcast.
- Speaker #1
Au cas où.
- Speaker #0
Exactement. On s'est rencontrés, nous, à une rencontre 1% pour la planète et tu disais, en fait, c'est juste normal. Ce n'est pas bien de donner 1% pour la planète, c'est juste normal. Et ça, ça ne m'avait plus cette réflexion que tu disais sur scène.
- Speaker #1
Oui, exactement. Si on prenait ça comme... J'ai repayé sa TVA, c'est normal. D'accord, on n'a pas le choix, on la paye. Et si on s'auto-taxait, ne serait-ce que de 1% sur notre activité, sur toutes les activités, il y aurait des moyens pour répondre aux problèmes actuels qui seraient démultipliés et qui permettraient vraiment de résoudre une bonne partie de la crise environnementale. Donc oui, c'est le point de départ. Mettre la main dans la poche et sortir le billet.
- Speaker #0
Tu t'avais dit, c'est juste rendre à la planète ce qu'on lui prend.
- Speaker #1
Exactement. En fait, c'est une logique qu'il y a chez nous. C'est qu'on se dit, on fait du business quelque part, on tire un profit. Et pour ça, on utilise des ressources. On utilise des ressources, quoi qu'on fasse. Et nous, on essaie de réduire au maximum dans la production à différents niveaux, dans le choix des matières, dans le choix des tissus, dans le choix des lieux de production. À plein de niveaux, on essaie de réduire ça. Mais c'est de loin pas parfait. On l'améliore chaque fois un petit peu. On avance. Mais de toute façon, il y a un coût. et ce coût-là, il faut le rendre d'une autre manière, une compensation à amener, et c'est la logique qu'on a toujours mis en place. Il y a un coût, mais il y a aussi des bénéfices. On profite aujourd'hui de notre positionnement, le fait que les gens voient en Patagonie une marque qui a très tôt pris conscience de ça, etc. Que ce soit, quand je dis les gens, c'est les consommateurs, c'est le public, c'est aussi les employés. On a plus de facilité à pouvoir employer des personnes, de choix, de talents. quand on s'appelle Patagonia, que si on s'appelle Tartampion. Et donc ça, c'est aussi un atout. Et il en est conscient, Yvon, il le partage à l'envie. Ça, il le dit. Je ne sais plus, je n'ai plus le chiffre en tête, mais pour un poste, on a une moyenne de style 500 candidats. Donc, c'est plus facile de choisir parmi 500 candidats que de choisir quand on doit batailler pour avoir un talent. Et ça, ça fait partie des atouts qui sont celles d'une marque qui a une éthique, qui a une image, qui a une... et qui a une vision de ce qu'elle veut faire. Notamment aujourd'hui, je pense que c'est un atout qui est encore plus fort aujourd'hui qu'il ne l'était avant. Je pense qu'il y a 20 ans, on cherchait un travail peut-être d'abord pour un salaire, et puis parce qu'il faut travailler, etc. Aujourd'hui, moi je vois notamment dans la nouvelle génération, il y a une appétence à savoir pourquoi ils travaillent, au-delà de combien ils gagnent, qui compte. Et quand ils viennent nous voir, forcément, ils ont les yeux qui brillent, et ça, ça aide à recruter les bonnes personnes.
- Speaker #0
Et justement, si on tire le fil... cet engagement très fort pour la planète, pour tous vos choix en termes sociétaux, tu dirais que ça influence comment la façon dont on gère l'humain, dont on se sent chez Patagonia, etc. Donc là, tu viens de parler du recrutement. Est-ce que tu penses que ça influence sur d'autres choses ?
- Speaker #1
Ce qui est sûr, c'est que ça influence la manière dont les employés vivent leur job au quotidien. Je pense qu'il y a un sentiment d'appartenance très fort qu'on peut avoir les uns les autres à travailler pour Patagonia. On donne peut-être différemment que si on travaillait pour une marque X parce qu'on se sent proche des valeurs, parce qu'on se sent solidaire d'un combat que la marque peut mener et qui nous plaît, qui nous anime et qui fait que... Tu vois, les sujets RH, des heures de travail de tout un tas. Chez nous, je me rends compte avec mon équipe, moi, je leur laisse beaucoup, beaucoup de liberté, beaucoup d'autonomie, beaucoup de responsabilité. Et en même temps, ils me le rendent 100 fois. Et donc, ce n'est pas un sujet.
- Speaker #0
Le temps n'est pas un sujet.
- Speaker #1
Non, quand j'entends des collègues avec qui je discute, dans la manière dont ils sont gérés post-Covid, le nombre de jours travaillés à domicile, le home office, etc. Versus, ils en sont à compter. Oui, on a des règles, mais honnêtement, moi, j'ai tendance à laisser et faire confiance. Et cette autonomie, je me rends compte qu'elle m'est rendue au décupe. Donc, j'ai plutôt... Après, c'est mon empreinte, peut-être perso, là-dedans. Mais ce qui est marrant, c'est qu'il y a quelques années, avant Covid notamment, on était assez plutôt conservateurs sur la question, étonnamment.
- Speaker #0
Sur la question du temps de travail ?
- Speaker #1
Alors, du temps de travail, en tout cas. plutôt du home office versus temps passé dans les bureaux. On était plutôt traditionnels sur la question et quand il y avait des demandes, il fallait vraiment qu'elles soient justifiées, exceptionnelles. Moi, je trouvais ça un petit peu, moi qui gère mon équipe localement sur le sud de l'Europe ici, j'avais un peu l'impression que c'était un petit peu étonnant par rapport à la culture entreprise au global. Juste avant le Covid, je me souviens encore, il y a eu un confinement qui a été annoncé un jeudi ou un vendredi. Et en fait, deux, trois jours avant, déjà, on avait pris la décision chez Patagonia de dire non, mais en fait, on va laisser. On va tout de suite dire rester chez vous, etc. On ferme les bureaux. Et ça, ça a été un changement très fort de culture où avant, on était très anti, on va dire. Et puis, en fait, il y a eu une sorte de prise de conscience complète chez nous, dans le top management et aux différents niveaux. et là, ça a été... tout l'inverse. C'est-à-dire que là, on s'est rendu compte que non, il fallait prendre le virage et le prendre à fond et avoir confiance en les gens. Et en fait, on s'est rendu compte très rapidement qu'il n'y avait aucune baisse de productivité, qu'il y avait un engagement de chacun qui était redoublé, à différents niveaux, aucun problème. Donc depuis, au contraire, on n'a fait qu'assouplir les règles, que ce soit dans la possibilité des uns ou des autres d'aller travailler jusqu'à je crois que c'est six semaines par an, travailler d'où on veut en Europe, dès lors qu'on est sur des... Il n'y a pas de décalage horaire marqué, qu'on peut participer à la journée de travail normalement, trois jours de home office par semaine, etc. Donc, en fait, on a énormément de flexibilité, ce qui plaît à chacun. Tout le monde n'en tire pas forcément profit. Mais en tout cas, de savoir qu'on peut le faire, c'est déjà, je crois, pour chacun, une liberté qui fait que finalement, la plupart sont bien contents de pouvoir... Vous êtes venus ce matin dans les bureaux, vous avez vu, l'équipe est là pour une majorité. Donc, ce n'est plus un sujet de mon point de vue. Si les gens sont contents de... Moi, je préfère qu'ils soient là moins souvent, mais qu'ils soient contents de se retrouver. C'est la culture, personnellement, que j'essaie d'inculquer dans cette équipe. C'est le fait de, par exemple, pendant le Covid, on pouvait moins se voir pendant toute une période, sur des longues périodes. Et on a compensé ça par des moments où on se retrouvait, on a pris trois, quatre jours, on se louait un Airbnb tous ensemble. Et voilà, réunion de travail, sport, enfin, voilà, un espèce de mélange entre... travail, amis, famille, une espèce de mélange un peu particulier mais qui fait que ça marche super bien et quand on se retrouve, on est content de se retrouver. Et je trouve que ça, c'est plus important plutôt que d'être tous les jours au bureau avec son collègue de travail qu'on n'a pas forcément envie de voir. Et donc, je trouve que c'est une belle culture.
- Speaker #0
Oui, mais c'est un vrai sujet. Le tout télétravail ou pas tout télétravail, il y a certains profils à qui ça peut ne pas correspondre du tout d'être en télétravail tout le temps, etc. Donc comment on...
- Speaker #1
Laisse à chacun le choix, l'arbitrage de dire d'où j'ai envie de travailler, comment. En tout cas, je me rends compte de leur laisser une liberté à partir du moment, parce que je pense que c'est la condition, à partir du moment où ils sont heureux dans leur job, ils sont contents de travailler, qu'ils soient à distance, ailleurs, etc. Et il y aura cette participation. C'est sûr que les boîtes dans lesquelles on se lève le matin, on n'a pas la banane. Forcément, on est peut-être moins présent et dès lors qu'on est en home office, l'engagement est peut-être moindre. En tout cas, moi, de mon côté, aujourd'hui, je ne le mesure pas, mais je ne le sens pas du tout ça, voire j'ai plutôt un sentiment inverse.
- Speaker #0
Oui, peut-être que la clé est là, justement. C'est si on se sent vraiment bien dans la boîte et qu'on est, comme tu l'as dit tout à l'heure, j'aimais beaucoup, solidaires d'un combat. En fait, peut-être qu'il n'y a pas de sujet. Télétravail nous convient et on a besoin de se retrouver de temps en temps.
- Speaker #1
Exactement.
- Speaker #0
De toute façon, je crois que la liberté, c'est quand même quelque chose de fondateur aussi dans l'entreprise. Ça commence à dater maintenant que j'ai lu le bouquin,
- Speaker #1
mais Let My People Go Surfing.
- Speaker #0
Pour moi, c'est vraiment la...
- Speaker #1
C'est la culture de base. Culture de liberté. C'est vrai, c'est vrai. Donc, l'idée de base, c'était de dire, voilà, en gros, Yvon, il y a toujours, je l'ai entendu dire plusieurs fois, dire, s'il y a des vagues, va surfer et puis tu reviendras travailler quand il n'y a pas de vagues. Si tu n'as pas d'ultimatum et que tu veux travailler la nuit, tu travailles la nuit. Si tu veux travailler, bref, travaille quand tu peux travailler. Et si tu peux aller te faire plaisir, vivre ta passion, si tu es un employé heureux, tu seras un employé productif. Il y a aussi ça derrière. donc c'est la même culture.
- Speaker #0
Et comment ça se passe chez Patagonia ? Justement, l'engagement des gens pour cette boîte. Est-ce qu'il y a des... Enfin, au-delà du combat commun, d'un sens que vous partagez tous, j'ai l'impression. Est-ce qu'il y a des choses qui matérialisent ça ? J'en sais rien, moi, de l'actionnariat.
- Speaker #1
Pécuniairement, rien du tout. Je pense que celui qui veut faire fortune, ce n'est pas forcément chez Patagonia qu'il faut qu'il travaille. Il y a sûrement des postes qui gagnent très bien leur vie aussi. Mais je veux dire, c'est pas... Il n'y a pas d'actionnariat du tout, parce que 100% n'est pas... L'actionnariat,
- Speaker #0
c'est la plaine, enfin l'actionnaire.
- Speaker #1
Maintenant, oui, depuis septembre 2022, oui. Mais nous, employés, moi qui suis là depuis 25 ans, je n'ai jamais eu d'action quelconque. Ça appartenait jusqu'en 2022 à 100% à Yvon et sa femme. Et ça a toujours été un choix, je pense, bien mûri de leur côté, de dire, si on veut pouvoir mener l'entreprise là où on veut, et de manière complètement autonome, il faut qu'on garde... les mains libres et donc être 100% actionnaires. Donc, ils n'ont jamais cédé à la pression d'être mis en bourse ou quoi que ce soit pour pouvoir accélérer la croissance d'entreprise. Ça a toujours été une vision, croître à la mesure de ce qu'on peut croître, se développer naturellement plutôt qu'aller chercher une course à la taille qui mène nulle part finalement. Donc, on doit avoir une croissance raisonnable et continue. Parce que plus elle est continue, il est arrivé, je me souviens, les années en tête, mais je sais qu'il y a eu des années compliquées avant que j'arrive, c'était dans les années 80, où ça a été compliqué à un moment donné, notamment parce que la croissance tout d'un coup s'accélérait, qu'il fallait la financer, etc. Il y a eu des vrais moments de difficulté qu'ils ont fini par réussir à régler, mais ça a été des challenges. Et donc, de là, je crois, il a toujours été très clair dans la tête d'Yvon qu'il fallait vraiment choisir la croissance durable plutôt que d'autres voies. Et aujourd'hui, c'est toujours... Dès lors qu'il y a eu une accélération du business sur les cinq dernières années, parfois avec des taux de croissance trop forts à notre goût et qui ont mené aussi à des difficultés. Ce n'est pas forcément des difficultés financières, parce que maintenant l'entreprise est bien assise, mais c'était des difficultés de production, des difficultés qui font qu'on a un service qu'on va livrer mal tard, etc. Il y a eu des périodes de challenge comme celle-ci. Très vite, on a essayé d'actionner différents leviers pour vraiment choisir les distributeurs chez qui on met nos produits et pour maintenir, contenir cette croissance un peu folle à un moment donné. Là, on est revenu dans des taux de croissance qui sont beaucoup plus raisonnables et aussi réalistes parce qu'il faut pouvoir faire face derrière. Il faut produire et avec un impératif de service qui soit à la hauteur de l'ambition de la marque.
- Speaker #0
Est-ce que tu peux nous raconter ce qui s'est passé justement en septembre 2022 ?
- Speaker #1
Oui, alors septembre 2022, c'était une surprise pour tout le monde, nous y compris les employés, parce qu'on n'était pas au courant. Et voilà, il y a eu une annonce d'Yvon disant, faire simple, je donne l'entreprise à la terre. Donc, qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que jusque-là, il était propriétaire avec sa femme de 100% des parts de la marque. Donc, en fin d'exercice fiscal, on tire une ligne et puis il y a un bénéfice qui sort de l'activité. Et ce bénéfice, il est partiellement réinvesti dans le business. Et puis, pour une autre partie, il vient rétribuer, quelque part, l'investissement de l'actionnaire. À partir de là, ils ont décidé qu'ils ne prendraient plus ce bénéfice. Et donc, ils ont, avec sa femme, conçu un système légal de différentes sociétés qui ont fait qu'aujourd'hui, tous les bénéfices, et ça n'est pas rétroactif, c'est-à-dire que ce qui a été décidé, ils ne peuvent pas faire marche arrière. Il a cédé vraiment le fruit des parts de la société, qui fait que En fin d'année maintenant, les 30% peut-être sont réinvestis dans le business et les 70% restants du bénéfice sont donnés à des associations environnementales. Rendus à la planète de nouveau par un processus qu'il ne peut pas faire un marché arrière. Donc, il ne bénéficie plus de quelque part du revenu que l'entreprise lui est donné de par son activité. Donc là, c'est un changement. Alors non, ça ne va pas au 1%. Le 1%, c'est en plus. C'est-à-dire que le 1% reste le 1%. On donnait 1%. Ça, c'est ce qui vient avant. dans l'activité il y a 1% qui est investi dans les assurances environnementales et ça c'est dans un deuxième temps donc en gros les bénéfices sont là, une partie est réinvestie et donc le restant finalement est donné, alors j'en rêve plus c'est un fonds, j'ai plus le nom en tête, il m'échappe mais bref c'est une association, c'est une sorte d'entité dont la mission, il y en a deux exactement, il y en a une qui récolte les fonds et une autre qui les distribue En gros, elles sont distinctes l'une de l'autre. Et donc, c'est un montage légal un peu complexe dont je n'ai pas les détails en tête. Mais en gros, le principe, c'est que ce qui est réinvesti dans les associations est donné à la Terre de différentes manières, mais par un autre levier que le 1%.
- Speaker #0
Donc, on sort totalement d'une logique d'actionnariat familial transmis à leurs enfants, etc.
- Speaker #1
Exactement. Que ce soit Yvon et sa femme ou les enfants, aujourd'hui, pour certains, ils sont employés dans l'entreprise. Si je prends Fletcher, Chouinard qui est le fils et la fille, tous les deux travaillent dans l'entreprise. Elles s'occupent de la partie design. Je crois qu'elle est responsable design. Lui, il est dans les surfboards de Fletcher qui porte son nom, FCD. vous avez là sous les yeux donc eux ils perçoivent leur salaire d'employé mais toutes les parts du business elles sont réinvesties et données à la planète donc c'est un vrai changement bon par ailleurs ils ne sont pas à plaindre je ne me fais pas de soucis pour eux mais c'est une vraie décision c'est une vraie on sort quand même de la logique capitaliste ouais voilà carrément il y a une volonté derrière là aussi de faire valeur d'exemple de se dire bah tiens on peut envisager d'autres versions du capitalisme parce que ça reste une entreprise capitalistique mais qui à la fin ne rembourse pas enfin ne vient pas rétribuer l'actionnaire, mais finalement, on profite de l'activité pour rendre à la planète, là pour le coup, 100% de ce qu'elle nous donne.
- Speaker #0
Il y en a quelques-uns qui ont suivi, d'ailleurs, juste derrière cette annonce. Je ne vais pas réussir à te dire qui, mais je me souviens que juste après cette annonce, il y en a deux, trois qui ont dit « mais nous aussi, on est en train de faire ça » . Ah d'accord,
- Speaker #1
intéressant.
- Speaker #0
Tant mieux.
- Speaker #1
Ça peut ouvrir des vocations, tant mieux, exactement. C'est sûr.
- Speaker #0
Justement, t'en parlais tout à l'heure, ça m'interroge vraiment sur le sujet de la croissance. Comment on arrive à concilier le fait de donner ses bénéfices pour la planète et en même temps se dire qu'on va être dans la croissance ? Alors j'ai bien compris qu'on est sur de la croissance raisonnée, mais ça ne doit pas être un sujet si simple que ça dans l'entreprise.
- Speaker #1
Ça, c'est une très bonne question, parce qu'effectivement, c'est un sujet qui est revenu sur le tapis à plein de reprises, que j'ai vu discuter, dans lequel on… Une patate chaude, voilà, c'est ce que je l'appellerais. de se dire comment on peut finalement à la fois prôner la consommation raisonnée, demander à nos clients de n'acheter que si ils en ont vraiment besoin, prôner des discours raisonnables, raisonnés, et en même temps avoir aussi une entreprise qui doit faire un chiffre d'affaires parce qu'elle a des charges et qu'elle doit faire face à ces charges, etc. Et donc continuer à bâtir de la croissance. Et notre manière finalement de sortir de cette loupe infernale, c'est de se dire que D'abord, un produit acheté quand il est acheté chez nous, globalement, il est plus propre qu'un produit d'une marque X. Et que s'il doit s'acheter un certain nombre de produits sur le marché, plus on prend des parts dans ce marché-là, plus on fait grossir ce marché-là, mais plus on prend des parts dans ce marché existant. Finalement, c'est déjà vertueux. Et de savoir ça, ça ne peut que nous inciter à nous dire, chaque fois qu'on se bat pour obtenir une fraction de ce marché-là. On participe à améliorer les choses. Après, il y a des concurrents qui vendent des produits qui eux aussi ont fait pas mal d'avancées et qui sont très bien, et tant mieux. Notre but, c'est aussi de les inciter et de pousser toutes les entreprises derrière nous à nous suivre dans ce sillage. Mais clairement, de ne pas rester scotché sur l'idée de se dire qu'on ne peut pas croître. Parce que si on ne peut pas croître, c'est-à-dire que demain, on n'existe plus. Parce que d'autres vont croître et que c'est leurs valeurs finalement qui vont l'emporter. Et donc, si on veut pouvoir influencer, inspirer, être plus visible, changer les valeurs dans l'esprit de tout le monde, il faut qu'on prenne de la taille aussi. Donc, c'est un subtil mélange entre ces deux aspects qu'il nous faut trouver. Et parfois, on était un peu fort dans la croissance. Parfois, on a peut-être été un peu bas. Moi, j'ai vécu dans les années 2000. Patagonia, on ne tirait pas pleinement parti de l'évolution qu'il peut y avoir sur le marché. Et je pense qu'au global, on était plutôt moins visible. Et puis là, finalement, 2010 à 2020, et puis maintenant 2020-2025, Merci. On va dire qu'on est dans une période où on prend pleinement notre part et notre place sur ce marché-là. On est plus entendu, plus vu et je pense qu'on influence davantage nos concurrents, y compris sur ce qui se passe. Donc c'est plutôt favorable.
- Speaker #0
Toi, Frédéric, en tant que Frédéric, pas en tant que Patagonia, justement, ça fait 25 ans que tu es dans cette boîte, donc j'imagine que l'influence, elle est énorme aussi sur ta personne. Ah oui. Qu'est-ce que tu pourrais donner comme conseil, par exemple, managerial, puisque tu as évolué dans cette entreprise, maintenant tu as un très beau poste, pour qu'une équipe fonctionne bien, pour être un bon manager, pour justement qu'on puisse prendre tes petits conseils de manager de Patagonia ?
- Speaker #1
Bonne question, large, large, large scope. Moi, effectivement, déjà, je suis... Je ne suis pas rentré comme manager, je suis rentré, j'étais représentant. Donc j'ai fait 5-6 ans comme représentant. Ensuite, j'ai travaillé comme country manager, plus ou moins. J'étais sales manager pour la France. Ensuite, j'ai eu d'autres pays qui sont venus à mon portefeuille. Ensuite, je me suis occupé du produit. Donc j'ai complètement changé et je suis parti dans la dimension produit. C'est-à-dire que je faisais merchandising manager pour l'Europe. C'est-à-dire que j'étais le point de connexion entre les Etats-Unis et l'Europe pour définir les besoins du marché, pour acheter. pour contribuer au développement de la ligne internationale. C'est-à-dire qu'en fait, dans les années 80, on faisait une ligne américaine qu'on essayait de vendre à l'étranger. Après, dans les années 2000, ils ont commencé à se dire, ils ont dit, tiens, si on veut arriver à mieux s'internationaliser comme marque majeure internationale, il faut quand même qu'on réfléchisse un peu plus global. Et là, il y a une logique qui s'est mise en place de écouter les marchés. et nous aider aux US à développer une gamme qui soit internationale. Et de cette gamme internationale, ensuite, mon job, c'était de sélectionner ce qui était pertinent pour nos marchés européens, que ce soit en produits, en couleurs, définir les prix, etc. On a des costs et puis sur ces costs, il fallait définir des prix et ensuite vendre l'offre à notre équipe de vente, etc. Donc ça, ça a été mon job pendant un temps. Et puis je suis revenu, il a fallu choisir ce qu'on se développait. Au départ, on était une trentaine sur l'Europe, donc ce n'était pas gros, c'était une petite structure. Et puis, de là, il a fallu choisir entre le produit et puis plutôt la partie vente business pure. Et je suis revenu sur la partie business. On va dire le portefeuille de pays s'est étoffé avec le temps. Et puis, l'entreprise surtout a grossi avec le temps, ce que maintenant doit être 300 ou 400 sur l'Europe. Donc, ça s'est bien développé. Alors, pour revenir à la question initiale, ça, c'était le parcours. La question initiale, c'était dans le management. Quelles sont mes expériences de management au fil de ce parcours finalement ?
- Speaker #0
Qu'est-ce que tu as appris ? Et ce serait quoi ton petit conseil ? Discutes ton expérience Patagonia quand même, mais tes conseils de manager ?
- Speaker #1
Déjà, évidemment, c'est d'être à l'écoute de son équipe. Je pense que c'est un point central si on n'est pas à l'écoute et qu'on est très vertical, très descendant dans ce qu'on cherche à faire faire à notre équipe. Il y a peu de chances qu'on se soit couronné de succès, donc j'ai tendance à écouter. Mais en même temps... Il faut avoir du lead, c'est-à-dire qu'il faut avoir de la conviction, de la force de persuasion. Donc c'est un mélange entre écoute et puis finalement avoir une vision, incarner une vision, quelqu'un sur qui les gens sentent qu'ils peuvent se référer, etc. Donc ça, ça vient avec l'expérience. Tant qu'on n'a pas l'expérience, c'est difficile de pouvoir proposer ça. Et alors qu'on est légitime avec une certaine expérience, forcément les gens voient en vous quelqu'un à qui on peut se référer davantage. Voilà, en tout cas c'est... C'est les recettes au quotidien sur lesquelles j'ai tendance à capitaliser. Être authentique, c'est vraiment le point que j'ajouterais à ça. Moi, c'est vraiment le truc qui m'anime. On parlait tout à l'heure de l'organisation de ce meeting. On n'a rien préparé, on arrive, je suis moi-même. Et de mon point de vue, si on arrive à laisser transparaître aux autres qu'on est tel qu'on est et qu'on assume nos forces, nos faiblesses, je crois que c'est quelque chose qui aide à... qui donne de l'empathie et qui fait qu'on est plus pertinent vis-à-vis de son équipe, de nos clients, etc. Et donc, rester fidèle à ses valeurs et convaincre.
- Speaker #0
Je suis interpellée par quand tu dis aussi avoir de l'expérience. En fait, il y a beaucoup de boîtes où on le voit même en politique où on se rajeunit énormément. Et en fait, c'est une question que j'ai en ce moment où je me dis, mais en fait... la jeunesse c'est super mais l'expérience c'est bien aussi et justement comment on trouve cet équilibre entre eux ?
- Speaker #1
Alors ouais c'est une bonne question et dans mon équipe justement on a un bon équilibre, c'est à dire que moi je représente l'expérience mais après je m'entoure de jeunesse et du coup c'est un équilibre mais du coup j'adore travailler avec les jeunes c'est à dire que là mon équipe si tu regardes ils ont une moyenne d'âge peut-être entre 20 et 30 ans et j'adore ça et je m'entends très bien avec eux alors que voilà moi j'en ai 5 ans de passé voilà mais Et... C'est peut-être un moyen de rester un peu jeune, d'être au contact des jeunes. et moi je sais que j'apprécie vraiment Je n'ai pas que des jeunes dans l'équipe, j'ai aussi des personnes de 40 ans, mais peu dans l'ensemble, j'ai une équipe plutôt très jeune. Et chaque fois qu'on recrute, on a tendance à recruter assez jeunes. Je préfère prendre des jeunes et finalement les former à la marque, à ce qu'on attend. Je trouve aussi que la jeune génération, je disais, elle a une appétence pour des marques comme les nôtres, parce qu'il y a de la valeur, il y a la partie environnement qui vraiment les attire. Et aujourd'hui, c'est un vrai plus. Donc voilà, c'est plutôt cet équilibre-là aujourd'hui sur lequel on est.
- Speaker #0
Je suis contente de savoir que la jeunesse vient vers Patagonia. Oui, mais c'est une vraie question. C'est ma question du moment entre leadership et expérience. Est-ce qu'on est meilleur leader quand on a plus d'expérience ? Il y a des jeunes qui ont un leadership assez naturel. Oui,
- Speaker #1
c'est vrai.
- Speaker #0
Je ne sais pas si ça se fait.
- Speaker #1
Il ne suffit pas d'avoir de l'expérience pour avoir du leadership non plus.
- Speaker #0
Non plus.
- Speaker #1
Donc, il y a un subtil mélange de tout ça qui fait que ça marche ou pas. Je pense que tu mets un cinquantenaire et puis des 20 ans à côté. Ça peut ne pas marcher du tout parce qu'ils ne se comprennent pas, ils n'ont pas les mêmes codes, etc. Donc, je pense que chaque situation est différente et je ne crois pas qu'on puisse généraliser.
- Speaker #0
Justement, tu dis que maintenant, tu es cinquantenaire. Moi, je considère que dans le management, on apprend toute sa vie. C'est-à-dire que c'est un apprentissage permanent de l'humain. Tu dirais qu'en ce moment, c'est quoi ton apprentissage ? Tu prends conscience de quoi en ce moment ?
- Speaker #1
Ah, question. C'est une perception qu'il y a. que j'entends autour de moi régulièrement un an comme certains managers qui vouvoient leur équipe ou des choses comme ça, pas dans le monde d'or, je ne pense pas que ça se pratique, mais dans d'autres industries c'est le cas, ou qui veulent marquer, j'ai ma fille récemment qui bossait dans un resto et le responsable qu'on connaît en plus par ailleurs, là vous voyez, je me disais clairement, ça me paraissait décalé et moi ça ne me viendrait pas à l'esprit, mais un brin et de mon point de vue, alors là je fais zéro limite entre amis, copains, collègues. Alors là, c'est tout l'inverse en fait. Et j'ai aucun problème à gérer ça. Et de mon point de vue, ceux qui se cachent derrière l'idée qu'au boulot, si on veut être respecté en tant que manager, il faut qu'on mette cette distance. Alors pour moi, ils ont tout faux. Ah oui,
- Speaker #0
tu vois, c'est intéressant.
- Speaker #1
Mon point de vue, c'est que pour moi, c'est pas la classe joue. Et justement, si tu es authentique, que tu es toi-même et que tu es capable d'avoir une relation amicale avec ton collègue et en même temps de pouvoir lui dire entre quatre yeux ce que tu as à lui dire et être authentique et sincère avec lui, je pense que ça fonctionne tout à fait.
- Speaker #0
C'est vraiment intéressant de soulever ça parce que des fois, on a cette prise de conscience de dire oulala, peut-être que je vais un peu trop loin dans les limites entre eux. Je suis son manager et puis on s'entend bien. Et puis après, finalement, pareil, des fois, on va revenir dans un autre truc en se disant, bah non, si juste je suis moi-même et que j'ai envie d'être amie avec cette personne, et bien je suis amie avec cette personne.
- Speaker #1
Alors moi, je suis à 100% là-dedans. Je me pose zéro question et ça peut rendre des situations potentiellement un peu plus complexes parfois, mais si Merci. tu refuses la complexité, d'un autre côté t'apprends moins, donc oui c'est plus complexe mais c'est pas insolvable et j'ai plein d'exemples, moi de mes collègues qui sont venus je les ai invités à la maison pendant ils viennent passer une journée à la maison, on va faire du sport on fait un mélange j'en ai un qui est venu passer le week-end à la maison pour qu'on aille skier ensemble enfin tu vois plein de choses comme ça, des exemples, j'en ai à foison et ça me pose aucun problème ça n'empêche pas que derrière quand on fait un entretien one to one, s'il y a quelque chose qui, ou si à un moment donné, parce que dans une carrière, les choses évoluent, on n'est pas toujours à 100% en permanence et qu'il y a des moments où tu sens qu'il y a un creux, et qu'on en parle, on peut en parler de manière détachée, etc. Et ça peut être un ami. Mais pour moi, c'est comme si on disait, dans ce cas-là, les relations amicales, on ne peut pas se dire les choses. Tu vois ce que je veux dire ? Oui, il y a des relations, ou des relations amoureuses. Il faut arriver à distinguer, finalement, les relations que tu as et la capacité à exprimer les problèmes et en parler. ouvertement et si on le fait, il n'y a pas de raison que si on est nouveau, sincère, authentique, ça passe.
- Speaker #0
Et puis si on aime vraiment les gens, on peut s'aimer dans une entreprise. Exactement.
- Speaker #1
On accepte que les choses soient imparfaites. On n'est nous-mêmes pas parfaits.
- Speaker #0
Est-ce que vous faites des choses chez Patagonia, par exemple, autour de la connaissance de soi ? Parce qu'en fait, je pense vraiment que pour arriver à ce niveau de maturité dans des relations, c'est-à-dire on a le droit de s'aimer, de se voir en dehors, de machin, et se dire les choses, il faut quand même arriver à un certain degré de maturité. dans notre capacité à avoir des relations humaines. Donc, qu'est-ce que vous faites chez Patagonia sur ce sujet ?
- Speaker #1
Alors, c'est quelque chose... On ne faisait pas grand-chose jusqu'à il y a 5-6 ans en arrière. Je trouvais que sur le plan RH, justement, l'animation de l'équipe autour du management, etc., l'équipe RH, pour nous aider, nous, managers, à grandir, franchement, c'est plus des choses que j'ai apprises par moi-même à m'exposer à cette situation-là, plus que des formations ou des choses comme ça. On était... peu mature sur la question, en tout cas en Europe, peut-être différemment aux Etats-Unis parce que l'entreprise était d'une taille différente. Ensuite, depuis cinq ans, je dirais que ça s'est vraiment vraiment étoffé. Ils ont mis les bouchées doubles sur toute la dimension RH. Je vous en parlais tout à l'heure, l'équipe est passée de peut-être trois personnes qui faisaient vraiment le B.A.B.A. à maintenant une équipe d'une dizaine de personnes avec tous les sujets davantage couverts, avec une remise à niveau sur plein de sujets. Et on a des formations. J'ai participé à une formation qui s'appelait The Crag à Amsterdam à plusieurs reprises sur le management authentique, justement, ce qu'il me parlait, par rapport à tout ce dont je vous parlais juste avant. Parce que pour moi, ça faisait vraiment écho. Authentic leader, qu'est-ce que c'est avec tous les éléments autour de ça ? C'est un exemple. Il y en a d'autres qui sont plus centrés sur les valeurs de la boîte. sur... Mais il y a tout un tas de formations pour les différentes... strat de l'entreprise, avec chaque fois quelque chose d'approprié. Et aujourd'hui, on avance davantage sur toutes ces questions.
- Speaker #0
Est-ce que tu aurais quelqu'un à me recommander qui viendrait parler à ce micro sur le sujet du management ? Quelqu'un qui t'aurait inspiré à un moment donné ?
- Speaker #1
J'ai eu la chance de rencontrer la personne qui gère, alors je n'ai plus son nom exact non plus, il faudrait rechercher, mais la personne qui gère l'outil, le software de gestion de la relation commerciale. le directeur France de Salesforce. Et lui, par rapport à l'image que moi j'avais de Salesforce, qui n'était pas forcément, il n'y avait pas grand-chose associé à Salesforce, si ce n'est que c'est un outil de gestion de la relation commerciale. Et en fait, il m'a dit tout ce qu'il faisait, et j'étais super impressionné. Il donne 3% en gros de leur chiffre d'affaires, 1% si je me souviens bien, 1% sur des sessions environnementales, 1% en temps pour les employés. chose qu'on fait nous aussi, alors nous c'est pas 1%, c'est fait un peu différemment, mais 1% en gros pour que 1% de leur temps, les employés peuvent assouvir des projets particuliers, etc. Et puis il y avait encore 1%, bref il y a 3% comme ça, pour autre chose que simplement le business. Et c'est une société qui se développe XXL et qui fonctionne vraiment très fort. donc cette personne là qui était le directeur France en tout cas, était très inspirante dans sa manière de la présenter tout ça. Elle a eu tout un tas de détails, mais je l'ai rencontrée il y a peut-être trois ou quatre ans. C'est loin, je n'ai plus les détails en tête.
- Speaker #0
Ok, merci beaucoup. Est-ce que tu aurais un petit mot de la fin sur le sujet du management chez Patagonia ?
- Speaker #1
Petit mot de la fin, management, écoute, pour moi, quand je retrace mes 25 ans et je me dis management, c'est plutôt une affaire, j'ai l'impression que c'est un développement personnel plus qu'autre chose. Ce n'est pas quelque chose, même quand j'ai fait des formations, je n'ai pas eu le sentiment que Merci. Ça aide à des prises de conscience, mais au final, c'est soit ça t'intéresse et tu veux mettre de l'attention là-dessus parce que tu sens que c'est bon pour toi en tant qu'individu, mais aussi en tant que manager. Et ça t'intéresse et tu vas dans cette voie-là. Dans mon cas, franchement, c'est le cas. J'ambitionne à faire moins d'opérationnels et jusque-là, j'étais encore trop tiraillé entre le management et l'opérationnel parce qu'on était short en ressources et d'ici peu, d'ailleurs, j'ai des bonnes nouvelles qui vont faire plus de ressources qui vont nous permettre de de confier certaines tâches opérationnelles à une partie de mon équipe pour pouvoir davantage me consacrer à la partie managériale, que ce soit de l'équipe, mais aussi de la relation avec Amsterdam, qui est notre headquarters Europe. Mais en tout cas, pour revenir à ce que je disais, c'est quand même une affaire personnelle, d'individu. C'est qui tu es en tant que personne, au final, qui te permet de bien gérer tes relations avec les autres et d'amener les autres. tout en ayant l'impression que eux vont là où ils veulent, mais finalement que tout ça, ça converge vers ce que toi, tu penses être bon au final. Donc voilà, c'est un peu ma vision des choses.
- Speaker #0
Merci beaucoup Frédéric. Pour moi, Patagonia, c'est un exemple. J'offre confession d'un entrepreneur pas comme les autres à beaucoup de gens. Donc je suis ravie de t'avoir interrogé. Et puis 25 ans chez Patagonia, tu y as forcément contribué, mis ta patte. Donc déjà, un grand merci pour ça. Et puis aussi pour ton authenticité, ta simplicité dans cette interview. C'est hyper chouette d'interroger des gens comme toi. Alors merci.
- Speaker #1
Merci à toi.
- Speaker #0
Et puis merci à Émilie qui nous a mis en relation et qui est avec nous autour de la table.
- Speaker #1
Oui, tout à fait. Merci Émilie.
- Speaker #0
Merci. À bientôt. J'espère que vous avez aimé cet épisode autant que moi. Si vous connaissez quelqu'un qui aurait beaucoup de choses à dire sur le sujet. Je serais très intéressée de le savoir. Alors partagez-nous son nom en commentaire. Pour nous soutenir, n'hésitez pas à partager cet épisode et à vous abonner à notre chaîne pour ne pas manquer les prochains. Et si l'envie de nous mettre plein d'étoiles et un commentaire vous prenait, n'hésitez surtout pas ! À bientôt !