- Speaker #0
Bonjour à tous. La RSE, la responsabilité sociétale des entreprises, elle évolue beaucoup en Europe, on dirait.
- Speaker #1
Oui, bonjour, c'est vrai. On passe d'une approche souvent volontaire à quelque chose de beaucoup plus structuré, de réglementaire.
- Speaker #0
Et c'est là qu'intervient cette fameuse directive CSRD, c'est ça ? Aujourd'hui, on essaye de décrypter un peu tout ça en se basant sur des analyses d'experts.
- Speaker #1
Exactement. La CSRD, donc pour... Corporate Sustainability Reporting Directive. C'est une vraie montée en puissance par rapport à ce qu'on avait avant, la NFRD. Ça s'inscrit dans le pacte vert européen.
- Speaker #0
D'accord. Et l'objectif derrière tout ça, c'est quoi ? Plus de contrôle ?
- Speaker #1
L'objectif affiché, c'est surtout plus de transparence, plus de fiabilité et aussi de comparabilité entre les entreprises sur leurs impacts environnementaux, sociaux et de gouvernance. Les fameux critères ESG.
- Speaker #0
Plus de transparence, ça veut dire plus d'entreprises concernées, j'imagine. Qui est vraiment visé, alors ?
- Speaker #1
Ah oui, l'élargissement est assez spectaculaire. On parle de près de 49 000 entreprises dans toute l'Union européenne.
- Speaker #0
49 000 ! Ah oui, quand même ! Et c'est quel type d'entreprise ?
- Speaker #1
Alors, principalement, on a les grandes entreprises européennes, qu'elles soient cotées en bourse ou non,
- Speaker #0
d'ailleurs. Et grandes, ça veut dire quoi, exactement ? Il y a des seuils précis ?
- Speaker #1
Oui, il y a des seuils. Pour simplifier... Si une entreprise coche 2 cas sur 3 parmi plus de 250 salariés, plus de 50 millions d'euros de chiffre d'affaires ou plus de 25 millions d'euros au bilan, elle est probablement dedans.
- Speaker #0
D'accord, 2 sur 3.
- Speaker #1
C'est ça. Il y a aussi les entreprises, même plus petites, qui sont cotées sur un marché réglementé européen. Bon, sauf les toutes petites, les micro-entreprises. Et enfin, les PME cotées aussi, mais pour elles, il y a un régime un peu allégé.
- Speaker #0
Attendez, donc si je comprends bien, même une PME qui n'est pas cotée et qui n'atteint pas ses gros seuils, elle pourrait quand même être impactée ?
- Speaker #1
C'est exactement ça. C'est l'impact indirect via la chaîne de valeur. Si une PME est un fournisseur important ou un client clé d'une entreprise qui, elle, est soumise à la CSRD.
- Speaker #0
Eh bien, la grosse entreprise va lui demander des comptes, des informations ESG.
- Speaker #1
Voilà, pour pouvoir faire son propre reporting. Elle aura besoin de données de ses partenaires. Donc oui, l'effet peut se propager assez loin dans le tissu économique.
- Speaker #0
D'accord, je vois. Ça change pas mal la donne. Et du coup, la question du calendrier, du quand tout ça s'applique, elle est cruciale. Surtout qu'on a entendu parler de report, ce fameux stop de clock.
- Speaker #1
Tout à fait. Il y a eu une directive assez récente, en avril 2024, qui a, disons, donné un peu d'air à certaines entreprises en décalant l'échéance de deux ans. Ah oui ?
- Speaker #0
Pour qui exactement ?
- Speaker #1
Pour les grandes entreprises qui n'étaient pas déjà concernées par l'ancienne directive, la NFRD. Pour elles, le premier rapport CSRD sera publié en 2028 sur les données de l'année 2027.
- Speaker #0
2028 sur 2027, d'accord. Et les PME cotées ?
- Speaker #1
Pour les PME cotées, c'est encore un an plus tard. Premier rapport en 2029 sur les données de 2028. Donc oui, il y a eu un certain report.
- Speaker #0
Mais alors attention, il faut être précis, ce report ne concerne pas tout le monde.
- Speaker #1
Ah non, absolument pas. C'est crucial de le souligner. Les entreprises qui étaient déjà soumises à la NFRD…
- Speaker #0
Celles qui faisaient déjà un reporting extra-financier…
- Speaker #1
Voilà. Pour elles, rien ne change sur le calendrier initial. Premier rapport au format CSRD dès 2025, sur l'ordonnée de l'exercice 2024. Donc pour elles, c'est demain, quoi.
- Speaker #0
C'est très clair. Ce délai pour les nouveaux entrants, c'est une chance pour mieux se préparer, pas une annulation.
- Speaker #1
Précisément. Un délai stratégique. Il faut vraiment le voir comme ça. Pas comme des vacances.
- Speaker #0
Bon, alors, stratégiquement justement, qu'est-ce qu'il faudra mettre dans ce fameux rapport de durabilité ? C'est quoi les informations clés ?
- Speaker #1
Le gros morceau, le concept central, c'est ce qu'on appelle l'analyse de double matérialité.
- Speaker #0
Double matérialité ? Qu'est-ce à quoi ?
- Speaker #1
Ah ah, oui, le terme est un peu technique. En gros, l'entreprise doit analyser et communiquer sur deux plans. D'un côté, ses propres impacts importants sur l'environnement et la société.
- Speaker #0
Ses émissions de CO2, sa consommation d'eau, sa politique sociale, ce genre de choses.
- Speaker #1
C'est ça, ses impacts sortants si on veut. Et de l'autre côté, et c'est ça la nouveauté, comment les grands enjeux de durabilité externe, le changement climatique, la perte de biodiversité, les inégalités sociales, comment tout ça crée des risques mais aussi des opportunités qui peuvent affecter l'entreprise elle-même, sa performance financière, sa stratégie.
- Speaker #0
Exactement, c'est une vision à 360 degrés. L'impact de l'entreprise sur le monde et l'impact du monde sur l'entreprise. Il y a une base d'environ 82 sujets potentiels à examiner pour cette analyse.
- Speaker #1
D'accord, c'est assez complet comme approche. Et pour structurer tout ça, pour le rendre concret, il y a des normes. Oui, tout à fait. C'est là qu'interviennent les normes européennes ESRS, European Sustainability Reporting Standards. C'est un peu le nouveau langage commun, le mode d'emploi détaillé pour ce reporting.
- Speaker #0
Il faut appliquer toutes ces normes en espacia ?
- Speaker #1
Alors, point important, seules les normes généraux ESRS 1 sur les principes généraux et ESRS 2 sur les informations générales sont obligatoires pour tout le monde. Pour les autres normes thématiques, climat, social, etc.
- Speaker #0
Ça dépendra des résultats de l'analyse de double matérialité.
- Speaker #1
C'est ça. Si un sujet est jugé matériel pour l'entreprise, selon cette double perspective, alors la norme correspondante s'appliquera. On trouvera aussi des infos sur la stratégie climat, la chaîne de valeur et détails techniques. Pour les sociétés cotées, tout ça devrait être dans un format numérique spécifique, structuré.
- Speaker #0
Un format machinerie de bord, pour faciliter l'analyse et la comparaison, j'imagine.
- Speaker #1
Oui, type XHML ou XBRL. Et dernière chose... et pas des moindres.
- Speaker #0
Il faut faire vérifier tout ça ?
- Speaker #1
Absolument. Audit externe obligatoire. Soit par le commissaire au compte de l'entreprise, s'il est formé et habilité, soit par ce qu'on appelle un OTI, un organisme tiers indépendant.
- Speaker #0
Un cabinet spécialisé et accrédité en gros ?
- Speaker #1
Voilà. Et le niveau d'assurance demandé pour cet audit va augmenter avec le temps pour atteindre une assurance raisonnable, ce qui est un niveau de contrôle assez élevé.
- Speaker #0
Bon, ça fait beaucoup d'exigences, beaucoup de nouveautés. Même avec le délai pour certains, comment une entreprise peut-elle s'y préparer au mieux ? C'est quoi les premières étapes ?
- Speaker #1
La première chose, c'est vraiment l'anticipation. Il ne faut pas attendre la dernière minute. Concrètement, ça veut dire faire un diagnostic. Quelles données ESG on a déjà ? Où sont les manques ? Quelle est leur qualité ?
- Speaker #0
Faire un état des lieux.
- Speaker #1
C'est ça. Ensuite, former les équipes. C'est essentiel, car ça touche beaucoup de monde dans l'entreprise. La finance, le juridique, les opérations, les RH. Il y a des formations spécifiques qui commencent à émerger.
- Speaker #0
Et les outils ? J'imagine qu'il faut adapter les systèmes d'information.
- Speaker #1
Ah oui, c'est un point clé. Investir dans les systèmes pour collecter, traiter et fiabiliser la donnée ESG, c'est souvent nécessaire. Et puis, mettre en place une vraie gouvernance interne pour piloter le projet, définir qui fait quoi. Se familiariser avec les normes ESRS aussi, même si on attend des versions un peu simplifiées pour les PME.
- Speaker #0
Ça demande une vraie mobilisation interne en fait.
- Speaker #1
Clairement. C'est pas juste un exercice de reporting à confier à une seule personne dans son coin.
- Speaker #0
On voit bien la charge que ça représente. Mais est-ce qu'il faut voir ça uniquement comme une contrainte, une obligation de plus, ou est-ce qu'il y a potentiellement des bénéfices à en tirer ?
- Speaker #1
C'est une très bonne question. Évidemment, la première motivation, c'est la conformité. Mais si l'exercice est fait sérieusement, il peut y avoir de vrais bénéfices, oui.
- Speaker #0
Comme quoi, par exemple ?
- Speaker #1
Déjà, plus de transparence, ça peut améliorer l'image de l'entreprise, renforcer la confiance des investisseurs, des banques, des clients. Ça peut faciliter l'accès à des financements durables qui sont en plein essor.
- Speaker #0
Et en interne.
- Speaker #1
C'est lié à la durabilité. Ça permet un meilleur pilotage stratégique, tout simplement. Ça peut aussi être un levier pour attirer, retenir les talents, améliorer l'engagement des salariés qui sont plus en plus sensibles à ces questions. Donc oui, on peut transformer la contrainte en opportunité.
- Speaker #0
D'accord. Donc, pour résumer, la CSRD, ce n'est pas juste une petite mise à jour, c'est une transformation assez profonde du reporting d'entreprises en Europe.
- Speaker #1
C'est exactement ça.
- Speaker #0
Et le délai accordé par le stop de cloque, pour certains, C'est vraiment une fenêtre de tir à utiliser pour une préparation sérieuse et stratégique.
- Speaker #1
Tout à fait. C'est une opportunité à saisir. Et peut-être pour aller un peu plus loin, une question à laisser en suspens. Oui. Au-delà de coucher les cases réglementaires, comment est-ce que cette analyse de double matérialité, si elle est vraiment intégrée, pourrait pousser les entreprises à repenser non seulement leur stratégie, mais peut-être même leur modèle économique à plus long terme ?
- Speaker #0
C'est une excellente question pour conclure. Repenser le modèle économique à l'aune de la durabilité. Vaste programme. Pour naviguer tout ça, l'accompagnement par des experts comme ceux du monde du chiffre qui connaissent bien ces sujets sera sans doute indispensable pour beaucoup d'entreprises. Merci beaucoup pour cet éclairage très complet.
- Speaker #1
Merci à vous.