« Et si vous appreniez à maitriser le « temps long » ?» … Les quelques leçons du leadership efficace par Sébastien Bazin, CEO d’Accor cover
« Et si vous appreniez à maitriser le « temps long » ?» … Les quelques leçons du leadership efficace par Sébastien Bazin, CEO d’Accor cover
Impossible-Possible (version française)

« Et si vous appreniez à maitriser le « temps long » ?» … Les quelques leçons du leadership efficace par Sébastien Bazin, CEO d’Accor

« Et si vous appreniez à maitriser le « temps long » ?» … Les quelques leçons du leadership efficace par Sébastien Bazin, CEO d’Accor

10min |31/10/2024
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Impossible-Possible (version française)

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Description

« L'humilité et l'écoute sont les clés du leadership. » Dans cet épisode captivant d’Impossible • Possible, Sébastien Bazin, le PDG d'Accor, nous plonge dans son parcours impressionnant, révélant ses quatre vies professionnelles : analyste financier, banquier d'affaires, investisseur et directeur général. À la tête d'une entreprise mondiale, il insiste sur l'importance de placer les collaborateurs au cœur des préoccupations, plutôt que de se focaliser uniquement sur les intérêts des actionnaires. Il prône la notion de "temps long", équilibrant les besoins immédiats avec une vision à long terme.  À travers ses voyages, il a appris la valeur de la diversité et de l'inclusion. Sébastien Bazin partage également sa philosophie de décision, qui commence par l'instinct, puis le cœur, et enfin le cerveau. Dans un monde hyperconnecté, il évoque la nécessité de déconnexion et son engagement à soutenir les plus vulnérables, notamment les enfants issus de milieux difficiles. Ne manquez pas cet échange inspirant et enrichissant qui redéfinit le leadership moderne.


À propos du podcast Impossible • Possible

Pour ses 160 ans, Société Générale a voulu célébrer ses relations de confiance avec celles et ceux sans qui rien n’aurait été possible, ses clients et partenaires. Ainsi est né le projet artistique Impossible • Possible. Le photographe Marco D’Anna a réalisé pour le compte du Groupe une série de 75 portraits de ces derniers, entrepreneur(e)s, médecins, financiers, familles, bénévoles, musiciennes, industriels… Nous allons voulu aller au-delà des images…Découvrez ces histoires humaines, où l’impossible devient possible, ces récits authentiques où les protagonistes vous dévoilent leurs parcours, leurs visions, leurs passions.




Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Sébastien Bazin

    Ce que j'ai fait de mieux dans ma vie, c'est de partir loin. J'ai quatre vies. J'ai eu une vie où j'ai été analyste financier, une vie où j'ai été banquier d'affaires, une vie où j'étais investisseur et une quatrième vie où je suis manager d'une société. J'aurais, j'espère, une cinquième vie. C'est très amusant de regarder ce parcours de vie dans lequel, effectivement, j'ai commencé dans l'immédiateté, dans la finance, dans le gain, dans la mesure du gain, dans les conseils financiers, dans l'investissement, puis après dans le management, puis maintenant je suis de plus en plus sur le côté social. C'est probablement une étoile qui me guide. Je ne sais pas où je vais aller, mais il y a un parcours qui se trace devant moi sans que je le sache. Donc, je ne sais pas où il va m'emmener, mais en tout cas, j'y vais. Est-ce que c'était envisageable que quelqu'un qui vienne du monde de l'investissement, du private equity, avec 20 ans d'expérience dans la finance, et une certaine arrogance – quand je me regarde dans la glace, je ne suis pas très fier de temps en temps –, puisse gérer une société dans 120 pays, 300 000 personnes, alors que je n'avais jamais géré plus que 50 personnes dans ma vie ? Ce risque-là, il était inouï. D'ailleurs, ce n'est pas moi qui l'ai pris, ce sont les administrateurs quand ils m'ont nommé. Je pensais que c'était le domaine du possible. Je ne pensais pas que ça allait être aussi dur. Donc, ça a pris du temps. Le Conseil m'a fait confiance. Les collaborateurs, pas du tout au début. Probablement parce que j'étais encore morveux, arrogant et probablement que je n'avais pas les bons mots, ni probablement la bonne présence. Et après je suis parti voyager, rencontrer les gens, j'ai adoré. Et puis après j'ai découvert des gens qui n'avaient pas vu la lumière, à qui on n'avait jamais donné de poste, donc je les ai embarqués avec moi. J'ai pris une décision qui était très difficile et probablement la meilleure, sans savoir. Au bout de trois mois passés dans 40 pays du groupe, les trois mois suivants le lendemain de mon arrivée, parce que j'avais besoin de connaître le groupe de l'intérieur, je suis rentré. J'avais rencontré des gens incroyables : 2 500 au petit déjeuner, au déjeuner et au dîner, et 25 personnes étaient là à chaque fois. J'étais tout seul et je ne voulais pas voir les patrons de la région. Et j'interdisais aux gens de quitter la région sans me dire un mot. Et je leur disais : « Parlez-moi de sexe, de religion, de finance, de votre famille, de tout. » Et quand je suis rentré, j'étais ébahi, puisque tous ces gens m'ont dit : « Ce groupe n'a pas de direction. On ne sait pas où on va. Tout ça est franco-français. Il n'y a que des expatriés. Vous ne savez pas qui nous sommes. » Heureusement, ils adoraient les marques. C'est pour ça qu'ils étaient encore là. Et donc, en rentrant à Paris, j'étais tellement bouleversé et énervé que j'ai demandé à 45 des 50 cadres du groupe de partir en une semaine. Un tiers le méritait probablement depuis très longtemps. Un tiers l'aurait probablement mérité dans les 12 mois. Et pour un tiers, c'était parfaitement injuste. Mais je ne savais pas qui était ce dernier tiers. J'avais besoin que tous ceux qui étaient réticents à mon arrivée s'en aillent, parce que sinon, ça s'appelle des boulets, des couteaux dans le dos, et c'est trop triste, c'est de la mauvaise énergie. Ces 45 personnes, je les ai remplacées par 45 personnes que j'avais rencontrées en 90 jours, qui étaient top et qui n'étaient pas françaises. Il se trouve que cette décision, au bout de trois mois, a tout changé dans ma capacité à embarquer tout le monde. Les gens ont reconnu qu'enfin, ce groupe appréciait la différence. Voilà, c'est aussi bête que ça. Et je ne l'avais pas lu dans un livre, puisque je ne lis jamais des livres de management. Ça n'a aucun intérêt. Pendant des années, j'avais un ordre de priorité qui était d'ailleurs assez étonnant : l'actionnaire était en premier, puisque j'étais évalué sur le risque et le rendement. Ensuite, je plaçais probablement les gouvernements, les stakeholders, les partenaires, et je plaçais en dernier les collaborateurs. Depuis maintenant 11 ans, ça m'a pris bien quand même un an et demi pour y arriver. Mais depuis 8 ans et demi, je mets les collaborateurs loin devant les actionnaires. D'ailleurs, je me fais engeuler pour ça. Si on n'embarque pas les collaborateurs, on n'aura jamais de rémunération pour les actionnaires. J'adore mon job aujourd'hui parce que j'embarque des gens, parce qu'on a la capacité d'embaucher plus de 100 000 personnes par an, dont les deux tiers n'ont jamais été à l'université, n'ont jamais fait les grandes écoles, et deux tiers n'ont jamais eu de boulot avant. On les embauche au Nigeria, au Sri Lanka, au Chili. Et c'est extraordinaire, cette capacité de pouvoir donner une chance à quelqu'un. C'est pour ça que j'adore mon métier. J'ai appris ce que c'était que la générosité, le respect, la différence, l'acceptation du temps. Il y a quelqu'un qui m'a dit quelque chose d'intéressant, il s'appelle Joël de Rosnay. Joël de Rosnay est un physicien, il est le vice-président de l'Académie des sciences. Et je lui ai demandé un jour : « Joël, s'il te plaît, explique-moi la différence entre le temps long et le temps court. » Il me dit : « Mais Sébastien, ce n'est pas la bonne question. Le temps long et le temps court, tu connais très bien la différence. Ce que tu dois apprendre, c'est le temps large. Le temps large, c'est ta bibliothèque. C'est quand tu vas enfin prendre deux heures quand tu es à Tokyo pour aller visiter un musée. C'est quand tu vas rencontrer quelqu'un que tu ne t'attendais pas à rencontrer. Tu vas comprendre que cette personne est un philosophe. Plus tu vas donner de temps au temps large, plus tu sauras maîtriser le temps court et le temps long. » Je n'ai jamais oublié ça. Alors est-ce que je le fais vraiment ? Compliqué. Est-ce que j'ai envie de temps large ? Oh que oui ! Ma vie est faite de rencontres et de découvertes. C'est pour ça que j'ai toujours envie de continuer. Bon, maintenant je suis marié depuis 39 ans à la même femme et je suis enchanté. Donc c'est un doux mélange. J'ai une espèce de sérénité familiale. J'adore mes petits-enfants, ils ne sont que cinq, s'ils pouvaient être douze, j'adorerais, mais ça va peut-être venir. J'ai besoin de ce socle, ce sont mes fondations, très importantes. Après ça, j'ai besoin d'imprévus, j'ai besoin de risque, j'ai besoin d'audace, j'ai besoin de transformation. En fait, j'ai besoin de mouvement. S'il n'y a pas de mouvement, je m'ennuie. Mais je n'ai pas de graal, je n'ai pas d'envie de pouvoir, ni de poser un sommet social, ni d'être reconnu. En fait, je n'aime pas les gens qui vivent dans le regard des autres. Donc je ne lis jamais ce qu'on dit sur moi, je ne regarde jamais les vidéos que je fais, je ne suis sur aucun réseau social, zéro, je ne suis pas sur LinkedIn. Comme ça, je gagne au moins trois heures de temps par jour, à ne pas aller me balader pour savoir ce que fait untel ou untel. Je suis donc très déconnecté de ce monde médiatique 24 heures sur 24, car j'ai besoin de m'en départir. En fait, j'aimerais bien revenir un peu en arrière. J'aimerais bien qu'on passe plus de temps dans la réflexion que dans le côté immédiat. Je vais courir deux fois par semaine. Et c'est pendant que je cours, jamais avec de la musique, jamais avec un truc dans les oreilles, car je réfléchis. C'est à ce moment-là que je prends les bonnes décisions. Alors après ça, il faut que je me souvienne de ce à quoi j'ai pensé en courant, mais c'est un moment hyper important de déconnexion. Les avions aussi, quand la porte de l'avion se ferme. Cela fait dix ans que je mens à tout le monde en disant que le wifi ne marche pas dans l'avion. Parce que je n'ai pas envie qu'on rentre dans ma vie dans un avion. C'est mon moment à moi où je peux laisser ma tête aller dans tous les sens, mon cerveau penser à plein de choses complètement différentes. C'est le moment où je m'échappe. Et donc j'ai besoin de m'échapper avant de revenir dans le temps réel. Donc j'aime bien ces moments-là, c'est en partie mon équilibre. Je suis rarement trompé, j'ai une très bonne lecture sur les gens. En fait, j'ai un ordre qui est très clair dans ma tête depuis longtemps et qui me sauve. Et puis j'espère que cet ordre marchera au plus grand nombre. C'est qu'à chaque fois que je prends une décision, je commence toujours avec mon estomac. Qu'est-ce que me dit mon instinct, mon bide ? On appelle ça les tripes. Une fois que mon estomac me dit un truc, très vite ça va vers le cœur. Et le cœur me dit en quoi cette décision va avoir de l'impact sur autrui. En quoi elle est généreuse, en quoi elle est impactante. Et une fois que je suis passé de l'estomac au cœur, je passe au cerveau. Et le cerveau me donne juste la temporalité, c'est-à-dire à quel moment faut-il prendre cette décision. Ceux qui commencent avec le cerveau se trompent assez souvent. J'ai un truc qui agace beaucoup de gens autour de moi, surtout ceux qui m'aiment et qui vivent avec moi. Je comprends que ce soit totalement agaçant. Vous n'imaginez pas ce que j'ai confiance en moi. Donc je me lève tous les matins, je ne me dis pas tous les matins que je suis beau, que je grand, que je suis intelligent. Enfin on n'est pas loin quand même. Donc il y a un côté extrêmement narcissique et un peu égocentrique. Sans, j'espère, faire trop de mal. Mais je ne stresse jamais pour les choses que je ne contrôle pas. Je n'ai jamais peur. J'ai envie de bouger, j'ai envie d'embarquer quelqu'un, j'ai envie de foncer, j'ai envie de transformer, j'ai envie de faire des choses différentes. Mes parents m'ont donné confiance en moi. Ma grand-mère m'a toujours dit, quand tu marches dans la rue, regarde le premier étage, ne regarde jamais tes pieds. C’est ce que j'essaie de donner à mes enfants : croire en eux. Et quand ça ne marche pas, leur dire que ce n'est pas grave et qu’on continue. Donc cette foi en soi, tout le monde ne l'a pas et je le comprends très bien. C'est pour ça que je dis que ça agace. Mais mon Dieu, elle ne m'a jamais quitté. J'ai envie d'aider, je passe pas mal de temps en ce moment sur le sujet de l'enfance. Il y a trop de gens malheureux sur Terre, il y a trop de gens qui n'ont pas eu de chance, il y a trop de gens qui n'ont pas eu accès à des privilèges. Donc j'ai envie de passer du temps avec ceux qui ont besoin de moi et de temps. Si vous ne l'avez pas encore rencontrée, rencontrez une femme qui s'appelle Céline Gréco, professeure de médecine à Necker. Elle est venue de l'aide sociale à l'enfance et a été battue dans son enfance. Si vous rencontrez cette femme, vous partez à la guerre avec elle. Plus de 50% des sans-abri sont des enfants qui ont été battus lors de leur adolescence. Ces gens-là, personne ne leur a tendu la main, on les a laissés sur le côté. Pourquoi ne s'en occuperait-on pas ? Donc voilà, ça sera mon côté d'architecte. Je n'aurais pas bâti quelque chose, mais j'aurais peut-être laissé une trace.

Description

« L'humilité et l'écoute sont les clés du leadership. » Dans cet épisode captivant d’Impossible • Possible, Sébastien Bazin, le PDG d'Accor, nous plonge dans son parcours impressionnant, révélant ses quatre vies professionnelles : analyste financier, banquier d'affaires, investisseur et directeur général. À la tête d'une entreprise mondiale, il insiste sur l'importance de placer les collaborateurs au cœur des préoccupations, plutôt que de se focaliser uniquement sur les intérêts des actionnaires. Il prône la notion de "temps long", équilibrant les besoins immédiats avec une vision à long terme.  À travers ses voyages, il a appris la valeur de la diversité et de l'inclusion. Sébastien Bazin partage également sa philosophie de décision, qui commence par l'instinct, puis le cœur, et enfin le cerveau. Dans un monde hyperconnecté, il évoque la nécessité de déconnexion et son engagement à soutenir les plus vulnérables, notamment les enfants issus de milieux difficiles. Ne manquez pas cet échange inspirant et enrichissant qui redéfinit le leadership moderne.


À propos du podcast Impossible • Possible

Pour ses 160 ans, Société Générale a voulu célébrer ses relations de confiance avec celles et ceux sans qui rien n’aurait été possible, ses clients et partenaires. Ainsi est né le projet artistique Impossible • Possible. Le photographe Marco D’Anna a réalisé pour le compte du Groupe une série de 75 portraits de ces derniers, entrepreneur(e)s, médecins, financiers, familles, bénévoles, musiciennes, industriels… Nous allons voulu aller au-delà des images…Découvrez ces histoires humaines, où l’impossible devient possible, ces récits authentiques où les protagonistes vous dévoilent leurs parcours, leurs visions, leurs passions.




Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Sébastien Bazin

    Ce que j'ai fait de mieux dans ma vie, c'est de partir loin. J'ai quatre vies. J'ai eu une vie où j'ai été analyste financier, une vie où j'ai été banquier d'affaires, une vie où j'étais investisseur et une quatrième vie où je suis manager d'une société. J'aurais, j'espère, une cinquième vie. C'est très amusant de regarder ce parcours de vie dans lequel, effectivement, j'ai commencé dans l'immédiateté, dans la finance, dans le gain, dans la mesure du gain, dans les conseils financiers, dans l'investissement, puis après dans le management, puis maintenant je suis de plus en plus sur le côté social. C'est probablement une étoile qui me guide. Je ne sais pas où je vais aller, mais il y a un parcours qui se trace devant moi sans que je le sache. Donc, je ne sais pas où il va m'emmener, mais en tout cas, j'y vais. Est-ce que c'était envisageable que quelqu'un qui vienne du monde de l'investissement, du private equity, avec 20 ans d'expérience dans la finance, et une certaine arrogance – quand je me regarde dans la glace, je ne suis pas très fier de temps en temps –, puisse gérer une société dans 120 pays, 300 000 personnes, alors que je n'avais jamais géré plus que 50 personnes dans ma vie ? Ce risque-là, il était inouï. D'ailleurs, ce n'est pas moi qui l'ai pris, ce sont les administrateurs quand ils m'ont nommé. Je pensais que c'était le domaine du possible. Je ne pensais pas que ça allait être aussi dur. Donc, ça a pris du temps. Le Conseil m'a fait confiance. Les collaborateurs, pas du tout au début. Probablement parce que j'étais encore morveux, arrogant et probablement que je n'avais pas les bons mots, ni probablement la bonne présence. Et après je suis parti voyager, rencontrer les gens, j'ai adoré. Et puis après j'ai découvert des gens qui n'avaient pas vu la lumière, à qui on n'avait jamais donné de poste, donc je les ai embarqués avec moi. J'ai pris une décision qui était très difficile et probablement la meilleure, sans savoir. Au bout de trois mois passés dans 40 pays du groupe, les trois mois suivants le lendemain de mon arrivée, parce que j'avais besoin de connaître le groupe de l'intérieur, je suis rentré. J'avais rencontré des gens incroyables : 2 500 au petit déjeuner, au déjeuner et au dîner, et 25 personnes étaient là à chaque fois. J'étais tout seul et je ne voulais pas voir les patrons de la région. Et j'interdisais aux gens de quitter la région sans me dire un mot. Et je leur disais : « Parlez-moi de sexe, de religion, de finance, de votre famille, de tout. » Et quand je suis rentré, j'étais ébahi, puisque tous ces gens m'ont dit : « Ce groupe n'a pas de direction. On ne sait pas où on va. Tout ça est franco-français. Il n'y a que des expatriés. Vous ne savez pas qui nous sommes. » Heureusement, ils adoraient les marques. C'est pour ça qu'ils étaient encore là. Et donc, en rentrant à Paris, j'étais tellement bouleversé et énervé que j'ai demandé à 45 des 50 cadres du groupe de partir en une semaine. Un tiers le méritait probablement depuis très longtemps. Un tiers l'aurait probablement mérité dans les 12 mois. Et pour un tiers, c'était parfaitement injuste. Mais je ne savais pas qui était ce dernier tiers. J'avais besoin que tous ceux qui étaient réticents à mon arrivée s'en aillent, parce que sinon, ça s'appelle des boulets, des couteaux dans le dos, et c'est trop triste, c'est de la mauvaise énergie. Ces 45 personnes, je les ai remplacées par 45 personnes que j'avais rencontrées en 90 jours, qui étaient top et qui n'étaient pas françaises. Il se trouve que cette décision, au bout de trois mois, a tout changé dans ma capacité à embarquer tout le monde. Les gens ont reconnu qu'enfin, ce groupe appréciait la différence. Voilà, c'est aussi bête que ça. Et je ne l'avais pas lu dans un livre, puisque je ne lis jamais des livres de management. Ça n'a aucun intérêt. Pendant des années, j'avais un ordre de priorité qui était d'ailleurs assez étonnant : l'actionnaire était en premier, puisque j'étais évalué sur le risque et le rendement. Ensuite, je plaçais probablement les gouvernements, les stakeholders, les partenaires, et je plaçais en dernier les collaborateurs. Depuis maintenant 11 ans, ça m'a pris bien quand même un an et demi pour y arriver. Mais depuis 8 ans et demi, je mets les collaborateurs loin devant les actionnaires. D'ailleurs, je me fais engeuler pour ça. Si on n'embarque pas les collaborateurs, on n'aura jamais de rémunération pour les actionnaires. J'adore mon job aujourd'hui parce que j'embarque des gens, parce qu'on a la capacité d'embaucher plus de 100 000 personnes par an, dont les deux tiers n'ont jamais été à l'université, n'ont jamais fait les grandes écoles, et deux tiers n'ont jamais eu de boulot avant. On les embauche au Nigeria, au Sri Lanka, au Chili. Et c'est extraordinaire, cette capacité de pouvoir donner une chance à quelqu'un. C'est pour ça que j'adore mon métier. J'ai appris ce que c'était que la générosité, le respect, la différence, l'acceptation du temps. Il y a quelqu'un qui m'a dit quelque chose d'intéressant, il s'appelle Joël de Rosnay. Joël de Rosnay est un physicien, il est le vice-président de l'Académie des sciences. Et je lui ai demandé un jour : « Joël, s'il te plaît, explique-moi la différence entre le temps long et le temps court. » Il me dit : « Mais Sébastien, ce n'est pas la bonne question. Le temps long et le temps court, tu connais très bien la différence. Ce que tu dois apprendre, c'est le temps large. Le temps large, c'est ta bibliothèque. C'est quand tu vas enfin prendre deux heures quand tu es à Tokyo pour aller visiter un musée. C'est quand tu vas rencontrer quelqu'un que tu ne t'attendais pas à rencontrer. Tu vas comprendre que cette personne est un philosophe. Plus tu vas donner de temps au temps large, plus tu sauras maîtriser le temps court et le temps long. » Je n'ai jamais oublié ça. Alors est-ce que je le fais vraiment ? Compliqué. Est-ce que j'ai envie de temps large ? Oh que oui ! Ma vie est faite de rencontres et de découvertes. C'est pour ça que j'ai toujours envie de continuer. Bon, maintenant je suis marié depuis 39 ans à la même femme et je suis enchanté. Donc c'est un doux mélange. J'ai une espèce de sérénité familiale. J'adore mes petits-enfants, ils ne sont que cinq, s'ils pouvaient être douze, j'adorerais, mais ça va peut-être venir. J'ai besoin de ce socle, ce sont mes fondations, très importantes. Après ça, j'ai besoin d'imprévus, j'ai besoin de risque, j'ai besoin d'audace, j'ai besoin de transformation. En fait, j'ai besoin de mouvement. S'il n'y a pas de mouvement, je m'ennuie. Mais je n'ai pas de graal, je n'ai pas d'envie de pouvoir, ni de poser un sommet social, ni d'être reconnu. En fait, je n'aime pas les gens qui vivent dans le regard des autres. Donc je ne lis jamais ce qu'on dit sur moi, je ne regarde jamais les vidéos que je fais, je ne suis sur aucun réseau social, zéro, je ne suis pas sur LinkedIn. Comme ça, je gagne au moins trois heures de temps par jour, à ne pas aller me balader pour savoir ce que fait untel ou untel. Je suis donc très déconnecté de ce monde médiatique 24 heures sur 24, car j'ai besoin de m'en départir. En fait, j'aimerais bien revenir un peu en arrière. J'aimerais bien qu'on passe plus de temps dans la réflexion que dans le côté immédiat. Je vais courir deux fois par semaine. Et c'est pendant que je cours, jamais avec de la musique, jamais avec un truc dans les oreilles, car je réfléchis. C'est à ce moment-là que je prends les bonnes décisions. Alors après ça, il faut que je me souvienne de ce à quoi j'ai pensé en courant, mais c'est un moment hyper important de déconnexion. Les avions aussi, quand la porte de l'avion se ferme. Cela fait dix ans que je mens à tout le monde en disant que le wifi ne marche pas dans l'avion. Parce que je n'ai pas envie qu'on rentre dans ma vie dans un avion. C'est mon moment à moi où je peux laisser ma tête aller dans tous les sens, mon cerveau penser à plein de choses complètement différentes. C'est le moment où je m'échappe. Et donc j'ai besoin de m'échapper avant de revenir dans le temps réel. Donc j'aime bien ces moments-là, c'est en partie mon équilibre. Je suis rarement trompé, j'ai une très bonne lecture sur les gens. En fait, j'ai un ordre qui est très clair dans ma tête depuis longtemps et qui me sauve. Et puis j'espère que cet ordre marchera au plus grand nombre. C'est qu'à chaque fois que je prends une décision, je commence toujours avec mon estomac. Qu'est-ce que me dit mon instinct, mon bide ? On appelle ça les tripes. Une fois que mon estomac me dit un truc, très vite ça va vers le cœur. Et le cœur me dit en quoi cette décision va avoir de l'impact sur autrui. En quoi elle est généreuse, en quoi elle est impactante. Et une fois que je suis passé de l'estomac au cœur, je passe au cerveau. Et le cerveau me donne juste la temporalité, c'est-à-dire à quel moment faut-il prendre cette décision. Ceux qui commencent avec le cerveau se trompent assez souvent. J'ai un truc qui agace beaucoup de gens autour de moi, surtout ceux qui m'aiment et qui vivent avec moi. Je comprends que ce soit totalement agaçant. Vous n'imaginez pas ce que j'ai confiance en moi. Donc je me lève tous les matins, je ne me dis pas tous les matins que je suis beau, que je grand, que je suis intelligent. Enfin on n'est pas loin quand même. Donc il y a un côté extrêmement narcissique et un peu égocentrique. Sans, j'espère, faire trop de mal. Mais je ne stresse jamais pour les choses que je ne contrôle pas. Je n'ai jamais peur. J'ai envie de bouger, j'ai envie d'embarquer quelqu'un, j'ai envie de foncer, j'ai envie de transformer, j'ai envie de faire des choses différentes. Mes parents m'ont donné confiance en moi. Ma grand-mère m'a toujours dit, quand tu marches dans la rue, regarde le premier étage, ne regarde jamais tes pieds. C’est ce que j'essaie de donner à mes enfants : croire en eux. Et quand ça ne marche pas, leur dire que ce n'est pas grave et qu’on continue. Donc cette foi en soi, tout le monde ne l'a pas et je le comprends très bien. C'est pour ça que je dis que ça agace. Mais mon Dieu, elle ne m'a jamais quitté. J'ai envie d'aider, je passe pas mal de temps en ce moment sur le sujet de l'enfance. Il y a trop de gens malheureux sur Terre, il y a trop de gens qui n'ont pas eu de chance, il y a trop de gens qui n'ont pas eu accès à des privilèges. Donc j'ai envie de passer du temps avec ceux qui ont besoin de moi et de temps. Si vous ne l'avez pas encore rencontrée, rencontrez une femme qui s'appelle Céline Gréco, professeure de médecine à Necker. Elle est venue de l'aide sociale à l'enfance et a été battue dans son enfance. Si vous rencontrez cette femme, vous partez à la guerre avec elle. Plus de 50% des sans-abri sont des enfants qui ont été battus lors de leur adolescence. Ces gens-là, personne ne leur a tendu la main, on les a laissés sur le côté. Pourquoi ne s'en occuperait-on pas ? Donc voilà, ça sera mon côté d'architecte. Je n'aurais pas bâti quelque chose, mais j'aurais peut-être laissé une trace.

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« L'humilité et l'écoute sont les clés du leadership. » Dans cet épisode captivant d’Impossible • Possible, Sébastien Bazin, le PDG d'Accor, nous plonge dans son parcours impressionnant, révélant ses quatre vies professionnelles : analyste financier, banquier d'affaires, investisseur et directeur général. À la tête d'une entreprise mondiale, il insiste sur l'importance de placer les collaborateurs au cœur des préoccupations, plutôt que de se focaliser uniquement sur les intérêts des actionnaires. Il prône la notion de "temps long", équilibrant les besoins immédiats avec une vision à long terme.  À travers ses voyages, il a appris la valeur de la diversité et de l'inclusion. Sébastien Bazin partage également sa philosophie de décision, qui commence par l'instinct, puis le cœur, et enfin le cerveau. Dans un monde hyperconnecté, il évoque la nécessité de déconnexion et son engagement à soutenir les plus vulnérables, notamment les enfants issus de milieux difficiles. Ne manquez pas cet échange inspirant et enrichissant qui redéfinit le leadership moderne.


À propos du podcast Impossible • Possible

Pour ses 160 ans, Société Générale a voulu célébrer ses relations de confiance avec celles et ceux sans qui rien n’aurait été possible, ses clients et partenaires. Ainsi est né le projet artistique Impossible • Possible. Le photographe Marco D’Anna a réalisé pour le compte du Groupe une série de 75 portraits de ces derniers, entrepreneur(e)s, médecins, financiers, familles, bénévoles, musiciennes, industriels… Nous allons voulu aller au-delà des images…Découvrez ces histoires humaines, où l’impossible devient possible, ces récits authentiques où les protagonistes vous dévoilent leurs parcours, leurs visions, leurs passions.




Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Sébastien Bazin

    Ce que j'ai fait de mieux dans ma vie, c'est de partir loin. J'ai quatre vies. J'ai eu une vie où j'ai été analyste financier, une vie où j'ai été banquier d'affaires, une vie où j'étais investisseur et une quatrième vie où je suis manager d'une société. J'aurais, j'espère, une cinquième vie. C'est très amusant de regarder ce parcours de vie dans lequel, effectivement, j'ai commencé dans l'immédiateté, dans la finance, dans le gain, dans la mesure du gain, dans les conseils financiers, dans l'investissement, puis après dans le management, puis maintenant je suis de plus en plus sur le côté social. C'est probablement une étoile qui me guide. Je ne sais pas où je vais aller, mais il y a un parcours qui se trace devant moi sans que je le sache. Donc, je ne sais pas où il va m'emmener, mais en tout cas, j'y vais. Est-ce que c'était envisageable que quelqu'un qui vienne du monde de l'investissement, du private equity, avec 20 ans d'expérience dans la finance, et une certaine arrogance – quand je me regarde dans la glace, je ne suis pas très fier de temps en temps –, puisse gérer une société dans 120 pays, 300 000 personnes, alors que je n'avais jamais géré plus que 50 personnes dans ma vie ? Ce risque-là, il était inouï. D'ailleurs, ce n'est pas moi qui l'ai pris, ce sont les administrateurs quand ils m'ont nommé. Je pensais que c'était le domaine du possible. Je ne pensais pas que ça allait être aussi dur. Donc, ça a pris du temps. Le Conseil m'a fait confiance. Les collaborateurs, pas du tout au début. Probablement parce que j'étais encore morveux, arrogant et probablement que je n'avais pas les bons mots, ni probablement la bonne présence. Et après je suis parti voyager, rencontrer les gens, j'ai adoré. Et puis après j'ai découvert des gens qui n'avaient pas vu la lumière, à qui on n'avait jamais donné de poste, donc je les ai embarqués avec moi. J'ai pris une décision qui était très difficile et probablement la meilleure, sans savoir. Au bout de trois mois passés dans 40 pays du groupe, les trois mois suivants le lendemain de mon arrivée, parce que j'avais besoin de connaître le groupe de l'intérieur, je suis rentré. J'avais rencontré des gens incroyables : 2 500 au petit déjeuner, au déjeuner et au dîner, et 25 personnes étaient là à chaque fois. J'étais tout seul et je ne voulais pas voir les patrons de la région. Et j'interdisais aux gens de quitter la région sans me dire un mot. Et je leur disais : « Parlez-moi de sexe, de religion, de finance, de votre famille, de tout. » Et quand je suis rentré, j'étais ébahi, puisque tous ces gens m'ont dit : « Ce groupe n'a pas de direction. On ne sait pas où on va. Tout ça est franco-français. Il n'y a que des expatriés. Vous ne savez pas qui nous sommes. » Heureusement, ils adoraient les marques. C'est pour ça qu'ils étaient encore là. Et donc, en rentrant à Paris, j'étais tellement bouleversé et énervé que j'ai demandé à 45 des 50 cadres du groupe de partir en une semaine. Un tiers le méritait probablement depuis très longtemps. Un tiers l'aurait probablement mérité dans les 12 mois. Et pour un tiers, c'était parfaitement injuste. Mais je ne savais pas qui était ce dernier tiers. J'avais besoin que tous ceux qui étaient réticents à mon arrivée s'en aillent, parce que sinon, ça s'appelle des boulets, des couteaux dans le dos, et c'est trop triste, c'est de la mauvaise énergie. Ces 45 personnes, je les ai remplacées par 45 personnes que j'avais rencontrées en 90 jours, qui étaient top et qui n'étaient pas françaises. Il se trouve que cette décision, au bout de trois mois, a tout changé dans ma capacité à embarquer tout le monde. Les gens ont reconnu qu'enfin, ce groupe appréciait la différence. Voilà, c'est aussi bête que ça. Et je ne l'avais pas lu dans un livre, puisque je ne lis jamais des livres de management. Ça n'a aucun intérêt. Pendant des années, j'avais un ordre de priorité qui était d'ailleurs assez étonnant : l'actionnaire était en premier, puisque j'étais évalué sur le risque et le rendement. Ensuite, je plaçais probablement les gouvernements, les stakeholders, les partenaires, et je plaçais en dernier les collaborateurs. Depuis maintenant 11 ans, ça m'a pris bien quand même un an et demi pour y arriver. Mais depuis 8 ans et demi, je mets les collaborateurs loin devant les actionnaires. D'ailleurs, je me fais engeuler pour ça. Si on n'embarque pas les collaborateurs, on n'aura jamais de rémunération pour les actionnaires. J'adore mon job aujourd'hui parce que j'embarque des gens, parce qu'on a la capacité d'embaucher plus de 100 000 personnes par an, dont les deux tiers n'ont jamais été à l'université, n'ont jamais fait les grandes écoles, et deux tiers n'ont jamais eu de boulot avant. On les embauche au Nigeria, au Sri Lanka, au Chili. Et c'est extraordinaire, cette capacité de pouvoir donner une chance à quelqu'un. C'est pour ça que j'adore mon métier. J'ai appris ce que c'était que la générosité, le respect, la différence, l'acceptation du temps. Il y a quelqu'un qui m'a dit quelque chose d'intéressant, il s'appelle Joël de Rosnay. Joël de Rosnay est un physicien, il est le vice-président de l'Académie des sciences. Et je lui ai demandé un jour : « Joël, s'il te plaît, explique-moi la différence entre le temps long et le temps court. » Il me dit : « Mais Sébastien, ce n'est pas la bonne question. Le temps long et le temps court, tu connais très bien la différence. Ce que tu dois apprendre, c'est le temps large. Le temps large, c'est ta bibliothèque. C'est quand tu vas enfin prendre deux heures quand tu es à Tokyo pour aller visiter un musée. C'est quand tu vas rencontrer quelqu'un que tu ne t'attendais pas à rencontrer. Tu vas comprendre que cette personne est un philosophe. Plus tu vas donner de temps au temps large, plus tu sauras maîtriser le temps court et le temps long. » Je n'ai jamais oublié ça. Alors est-ce que je le fais vraiment ? Compliqué. Est-ce que j'ai envie de temps large ? Oh que oui ! Ma vie est faite de rencontres et de découvertes. C'est pour ça que j'ai toujours envie de continuer. Bon, maintenant je suis marié depuis 39 ans à la même femme et je suis enchanté. Donc c'est un doux mélange. J'ai une espèce de sérénité familiale. J'adore mes petits-enfants, ils ne sont que cinq, s'ils pouvaient être douze, j'adorerais, mais ça va peut-être venir. J'ai besoin de ce socle, ce sont mes fondations, très importantes. Après ça, j'ai besoin d'imprévus, j'ai besoin de risque, j'ai besoin d'audace, j'ai besoin de transformation. En fait, j'ai besoin de mouvement. S'il n'y a pas de mouvement, je m'ennuie. Mais je n'ai pas de graal, je n'ai pas d'envie de pouvoir, ni de poser un sommet social, ni d'être reconnu. En fait, je n'aime pas les gens qui vivent dans le regard des autres. Donc je ne lis jamais ce qu'on dit sur moi, je ne regarde jamais les vidéos que je fais, je ne suis sur aucun réseau social, zéro, je ne suis pas sur LinkedIn. Comme ça, je gagne au moins trois heures de temps par jour, à ne pas aller me balader pour savoir ce que fait untel ou untel. Je suis donc très déconnecté de ce monde médiatique 24 heures sur 24, car j'ai besoin de m'en départir. En fait, j'aimerais bien revenir un peu en arrière. J'aimerais bien qu'on passe plus de temps dans la réflexion que dans le côté immédiat. Je vais courir deux fois par semaine. Et c'est pendant que je cours, jamais avec de la musique, jamais avec un truc dans les oreilles, car je réfléchis. C'est à ce moment-là que je prends les bonnes décisions. Alors après ça, il faut que je me souvienne de ce à quoi j'ai pensé en courant, mais c'est un moment hyper important de déconnexion. Les avions aussi, quand la porte de l'avion se ferme. Cela fait dix ans que je mens à tout le monde en disant que le wifi ne marche pas dans l'avion. Parce que je n'ai pas envie qu'on rentre dans ma vie dans un avion. C'est mon moment à moi où je peux laisser ma tête aller dans tous les sens, mon cerveau penser à plein de choses complètement différentes. C'est le moment où je m'échappe. Et donc j'ai besoin de m'échapper avant de revenir dans le temps réel. Donc j'aime bien ces moments-là, c'est en partie mon équilibre. Je suis rarement trompé, j'ai une très bonne lecture sur les gens. En fait, j'ai un ordre qui est très clair dans ma tête depuis longtemps et qui me sauve. Et puis j'espère que cet ordre marchera au plus grand nombre. C'est qu'à chaque fois que je prends une décision, je commence toujours avec mon estomac. Qu'est-ce que me dit mon instinct, mon bide ? On appelle ça les tripes. Une fois que mon estomac me dit un truc, très vite ça va vers le cœur. Et le cœur me dit en quoi cette décision va avoir de l'impact sur autrui. En quoi elle est généreuse, en quoi elle est impactante. Et une fois que je suis passé de l'estomac au cœur, je passe au cerveau. Et le cerveau me donne juste la temporalité, c'est-à-dire à quel moment faut-il prendre cette décision. Ceux qui commencent avec le cerveau se trompent assez souvent. J'ai un truc qui agace beaucoup de gens autour de moi, surtout ceux qui m'aiment et qui vivent avec moi. Je comprends que ce soit totalement agaçant. Vous n'imaginez pas ce que j'ai confiance en moi. Donc je me lève tous les matins, je ne me dis pas tous les matins que je suis beau, que je grand, que je suis intelligent. Enfin on n'est pas loin quand même. Donc il y a un côté extrêmement narcissique et un peu égocentrique. Sans, j'espère, faire trop de mal. Mais je ne stresse jamais pour les choses que je ne contrôle pas. Je n'ai jamais peur. J'ai envie de bouger, j'ai envie d'embarquer quelqu'un, j'ai envie de foncer, j'ai envie de transformer, j'ai envie de faire des choses différentes. Mes parents m'ont donné confiance en moi. Ma grand-mère m'a toujours dit, quand tu marches dans la rue, regarde le premier étage, ne regarde jamais tes pieds. C’est ce que j'essaie de donner à mes enfants : croire en eux. Et quand ça ne marche pas, leur dire que ce n'est pas grave et qu’on continue. Donc cette foi en soi, tout le monde ne l'a pas et je le comprends très bien. C'est pour ça que je dis que ça agace. Mais mon Dieu, elle ne m'a jamais quitté. J'ai envie d'aider, je passe pas mal de temps en ce moment sur le sujet de l'enfance. Il y a trop de gens malheureux sur Terre, il y a trop de gens qui n'ont pas eu de chance, il y a trop de gens qui n'ont pas eu accès à des privilèges. Donc j'ai envie de passer du temps avec ceux qui ont besoin de moi et de temps. Si vous ne l'avez pas encore rencontrée, rencontrez une femme qui s'appelle Céline Gréco, professeure de médecine à Necker. Elle est venue de l'aide sociale à l'enfance et a été battue dans son enfance. Si vous rencontrez cette femme, vous partez à la guerre avec elle. Plus de 50% des sans-abri sont des enfants qui ont été battus lors de leur adolescence. Ces gens-là, personne ne leur a tendu la main, on les a laissés sur le côté. Pourquoi ne s'en occuperait-on pas ? Donc voilà, ça sera mon côté d'architecte. Je n'aurais pas bâti quelque chose, mais j'aurais peut-être laissé une trace.

Description

« L'humilité et l'écoute sont les clés du leadership. » Dans cet épisode captivant d’Impossible • Possible, Sébastien Bazin, le PDG d'Accor, nous plonge dans son parcours impressionnant, révélant ses quatre vies professionnelles : analyste financier, banquier d'affaires, investisseur et directeur général. À la tête d'une entreprise mondiale, il insiste sur l'importance de placer les collaborateurs au cœur des préoccupations, plutôt que de se focaliser uniquement sur les intérêts des actionnaires. Il prône la notion de "temps long", équilibrant les besoins immédiats avec une vision à long terme.  À travers ses voyages, il a appris la valeur de la diversité et de l'inclusion. Sébastien Bazin partage également sa philosophie de décision, qui commence par l'instinct, puis le cœur, et enfin le cerveau. Dans un monde hyperconnecté, il évoque la nécessité de déconnexion et son engagement à soutenir les plus vulnérables, notamment les enfants issus de milieux difficiles. Ne manquez pas cet échange inspirant et enrichissant qui redéfinit le leadership moderne.


À propos du podcast Impossible • Possible

Pour ses 160 ans, Société Générale a voulu célébrer ses relations de confiance avec celles et ceux sans qui rien n’aurait été possible, ses clients et partenaires. Ainsi est né le projet artistique Impossible • Possible. Le photographe Marco D’Anna a réalisé pour le compte du Groupe une série de 75 portraits de ces derniers, entrepreneur(e)s, médecins, financiers, familles, bénévoles, musiciennes, industriels… Nous allons voulu aller au-delà des images…Découvrez ces histoires humaines, où l’impossible devient possible, ces récits authentiques où les protagonistes vous dévoilent leurs parcours, leurs visions, leurs passions.




Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Sébastien Bazin

    Ce que j'ai fait de mieux dans ma vie, c'est de partir loin. J'ai quatre vies. J'ai eu une vie où j'ai été analyste financier, une vie où j'ai été banquier d'affaires, une vie où j'étais investisseur et une quatrième vie où je suis manager d'une société. J'aurais, j'espère, une cinquième vie. C'est très amusant de regarder ce parcours de vie dans lequel, effectivement, j'ai commencé dans l'immédiateté, dans la finance, dans le gain, dans la mesure du gain, dans les conseils financiers, dans l'investissement, puis après dans le management, puis maintenant je suis de plus en plus sur le côté social. C'est probablement une étoile qui me guide. Je ne sais pas où je vais aller, mais il y a un parcours qui se trace devant moi sans que je le sache. Donc, je ne sais pas où il va m'emmener, mais en tout cas, j'y vais. Est-ce que c'était envisageable que quelqu'un qui vienne du monde de l'investissement, du private equity, avec 20 ans d'expérience dans la finance, et une certaine arrogance – quand je me regarde dans la glace, je ne suis pas très fier de temps en temps –, puisse gérer une société dans 120 pays, 300 000 personnes, alors que je n'avais jamais géré plus que 50 personnes dans ma vie ? Ce risque-là, il était inouï. D'ailleurs, ce n'est pas moi qui l'ai pris, ce sont les administrateurs quand ils m'ont nommé. Je pensais que c'était le domaine du possible. Je ne pensais pas que ça allait être aussi dur. Donc, ça a pris du temps. Le Conseil m'a fait confiance. Les collaborateurs, pas du tout au début. Probablement parce que j'étais encore morveux, arrogant et probablement que je n'avais pas les bons mots, ni probablement la bonne présence. Et après je suis parti voyager, rencontrer les gens, j'ai adoré. Et puis après j'ai découvert des gens qui n'avaient pas vu la lumière, à qui on n'avait jamais donné de poste, donc je les ai embarqués avec moi. J'ai pris une décision qui était très difficile et probablement la meilleure, sans savoir. Au bout de trois mois passés dans 40 pays du groupe, les trois mois suivants le lendemain de mon arrivée, parce que j'avais besoin de connaître le groupe de l'intérieur, je suis rentré. J'avais rencontré des gens incroyables : 2 500 au petit déjeuner, au déjeuner et au dîner, et 25 personnes étaient là à chaque fois. J'étais tout seul et je ne voulais pas voir les patrons de la région. Et j'interdisais aux gens de quitter la région sans me dire un mot. Et je leur disais : « Parlez-moi de sexe, de religion, de finance, de votre famille, de tout. » Et quand je suis rentré, j'étais ébahi, puisque tous ces gens m'ont dit : « Ce groupe n'a pas de direction. On ne sait pas où on va. Tout ça est franco-français. Il n'y a que des expatriés. Vous ne savez pas qui nous sommes. » Heureusement, ils adoraient les marques. C'est pour ça qu'ils étaient encore là. Et donc, en rentrant à Paris, j'étais tellement bouleversé et énervé que j'ai demandé à 45 des 50 cadres du groupe de partir en une semaine. Un tiers le méritait probablement depuis très longtemps. Un tiers l'aurait probablement mérité dans les 12 mois. Et pour un tiers, c'était parfaitement injuste. Mais je ne savais pas qui était ce dernier tiers. J'avais besoin que tous ceux qui étaient réticents à mon arrivée s'en aillent, parce que sinon, ça s'appelle des boulets, des couteaux dans le dos, et c'est trop triste, c'est de la mauvaise énergie. Ces 45 personnes, je les ai remplacées par 45 personnes que j'avais rencontrées en 90 jours, qui étaient top et qui n'étaient pas françaises. Il se trouve que cette décision, au bout de trois mois, a tout changé dans ma capacité à embarquer tout le monde. Les gens ont reconnu qu'enfin, ce groupe appréciait la différence. Voilà, c'est aussi bête que ça. Et je ne l'avais pas lu dans un livre, puisque je ne lis jamais des livres de management. Ça n'a aucun intérêt. Pendant des années, j'avais un ordre de priorité qui était d'ailleurs assez étonnant : l'actionnaire était en premier, puisque j'étais évalué sur le risque et le rendement. Ensuite, je plaçais probablement les gouvernements, les stakeholders, les partenaires, et je plaçais en dernier les collaborateurs. Depuis maintenant 11 ans, ça m'a pris bien quand même un an et demi pour y arriver. Mais depuis 8 ans et demi, je mets les collaborateurs loin devant les actionnaires. D'ailleurs, je me fais engeuler pour ça. Si on n'embarque pas les collaborateurs, on n'aura jamais de rémunération pour les actionnaires. J'adore mon job aujourd'hui parce que j'embarque des gens, parce qu'on a la capacité d'embaucher plus de 100 000 personnes par an, dont les deux tiers n'ont jamais été à l'université, n'ont jamais fait les grandes écoles, et deux tiers n'ont jamais eu de boulot avant. On les embauche au Nigeria, au Sri Lanka, au Chili. Et c'est extraordinaire, cette capacité de pouvoir donner une chance à quelqu'un. C'est pour ça que j'adore mon métier. J'ai appris ce que c'était que la générosité, le respect, la différence, l'acceptation du temps. Il y a quelqu'un qui m'a dit quelque chose d'intéressant, il s'appelle Joël de Rosnay. Joël de Rosnay est un physicien, il est le vice-président de l'Académie des sciences. Et je lui ai demandé un jour : « Joël, s'il te plaît, explique-moi la différence entre le temps long et le temps court. » Il me dit : « Mais Sébastien, ce n'est pas la bonne question. Le temps long et le temps court, tu connais très bien la différence. Ce que tu dois apprendre, c'est le temps large. Le temps large, c'est ta bibliothèque. C'est quand tu vas enfin prendre deux heures quand tu es à Tokyo pour aller visiter un musée. C'est quand tu vas rencontrer quelqu'un que tu ne t'attendais pas à rencontrer. Tu vas comprendre que cette personne est un philosophe. Plus tu vas donner de temps au temps large, plus tu sauras maîtriser le temps court et le temps long. » Je n'ai jamais oublié ça. Alors est-ce que je le fais vraiment ? Compliqué. Est-ce que j'ai envie de temps large ? Oh que oui ! Ma vie est faite de rencontres et de découvertes. C'est pour ça que j'ai toujours envie de continuer. Bon, maintenant je suis marié depuis 39 ans à la même femme et je suis enchanté. Donc c'est un doux mélange. J'ai une espèce de sérénité familiale. J'adore mes petits-enfants, ils ne sont que cinq, s'ils pouvaient être douze, j'adorerais, mais ça va peut-être venir. J'ai besoin de ce socle, ce sont mes fondations, très importantes. Après ça, j'ai besoin d'imprévus, j'ai besoin de risque, j'ai besoin d'audace, j'ai besoin de transformation. En fait, j'ai besoin de mouvement. S'il n'y a pas de mouvement, je m'ennuie. Mais je n'ai pas de graal, je n'ai pas d'envie de pouvoir, ni de poser un sommet social, ni d'être reconnu. En fait, je n'aime pas les gens qui vivent dans le regard des autres. Donc je ne lis jamais ce qu'on dit sur moi, je ne regarde jamais les vidéos que je fais, je ne suis sur aucun réseau social, zéro, je ne suis pas sur LinkedIn. Comme ça, je gagne au moins trois heures de temps par jour, à ne pas aller me balader pour savoir ce que fait untel ou untel. Je suis donc très déconnecté de ce monde médiatique 24 heures sur 24, car j'ai besoin de m'en départir. En fait, j'aimerais bien revenir un peu en arrière. J'aimerais bien qu'on passe plus de temps dans la réflexion que dans le côté immédiat. Je vais courir deux fois par semaine. Et c'est pendant que je cours, jamais avec de la musique, jamais avec un truc dans les oreilles, car je réfléchis. C'est à ce moment-là que je prends les bonnes décisions. Alors après ça, il faut que je me souvienne de ce à quoi j'ai pensé en courant, mais c'est un moment hyper important de déconnexion. Les avions aussi, quand la porte de l'avion se ferme. Cela fait dix ans que je mens à tout le monde en disant que le wifi ne marche pas dans l'avion. Parce que je n'ai pas envie qu'on rentre dans ma vie dans un avion. C'est mon moment à moi où je peux laisser ma tête aller dans tous les sens, mon cerveau penser à plein de choses complètement différentes. C'est le moment où je m'échappe. Et donc j'ai besoin de m'échapper avant de revenir dans le temps réel. Donc j'aime bien ces moments-là, c'est en partie mon équilibre. Je suis rarement trompé, j'ai une très bonne lecture sur les gens. En fait, j'ai un ordre qui est très clair dans ma tête depuis longtemps et qui me sauve. Et puis j'espère que cet ordre marchera au plus grand nombre. C'est qu'à chaque fois que je prends une décision, je commence toujours avec mon estomac. Qu'est-ce que me dit mon instinct, mon bide ? On appelle ça les tripes. Une fois que mon estomac me dit un truc, très vite ça va vers le cœur. Et le cœur me dit en quoi cette décision va avoir de l'impact sur autrui. En quoi elle est généreuse, en quoi elle est impactante. Et une fois que je suis passé de l'estomac au cœur, je passe au cerveau. Et le cerveau me donne juste la temporalité, c'est-à-dire à quel moment faut-il prendre cette décision. Ceux qui commencent avec le cerveau se trompent assez souvent. J'ai un truc qui agace beaucoup de gens autour de moi, surtout ceux qui m'aiment et qui vivent avec moi. Je comprends que ce soit totalement agaçant. Vous n'imaginez pas ce que j'ai confiance en moi. Donc je me lève tous les matins, je ne me dis pas tous les matins que je suis beau, que je grand, que je suis intelligent. Enfin on n'est pas loin quand même. Donc il y a un côté extrêmement narcissique et un peu égocentrique. Sans, j'espère, faire trop de mal. Mais je ne stresse jamais pour les choses que je ne contrôle pas. Je n'ai jamais peur. J'ai envie de bouger, j'ai envie d'embarquer quelqu'un, j'ai envie de foncer, j'ai envie de transformer, j'ai envie de faire des choses différentes. Mes parents m'ont donné confiance en moi. Ma grand-mère m'a toujours dit, quand tu marches dans la rue, regarde le premier étage, ne regarde jamais tes pieds. C’est ce que j'essaie de donner à mes enfants : croire en eux. Et quand ça ne marche pas, leur dire que ce n'est pas grave et qu’on continue. Donc cette foi en soi, tout le monde ne l'a pas et je le comprends très bien. C'est pour ça que je dis que ça agace. Mais mon Dieu, elle ne m'a jamais quitté. J'ai envie d'aider, je passe pas mal de temps en ce moment sur le sujet de l'enfance. Il y a trop de gens malheureux sur Terre, il y a trop de gens qui n'ont pas eu de chance, il y a trop de gens qui n'ont pas eu accès à des privilèges. Donc j'ai envie de passer du temps avec ceux qui ont besoin de moi et de temps. Si vous ne l'avez pas encore rencontrée, rencontrez une femme qui s'appelle Céline Gréco, professeure de médecine à Necker. Elle est venue de l'aide sociale à l'enfance et a été battue dans son enfance. Si vous rencontrez cette femme, vous partez à la guerre avec elle. Plus de 50% des sans-abri sont des enfants qui ont été battus lors de leur adolescence. Ces gens-là, personne ne leur a tendu la main, on les a laissés sur le côté. Pourquoi ne s'en occuperait-on pas ? Donc voilà, ça sera mon côté d'architecte. Je n'aurais pas bâti quelque chose, mais j'aurais peut-être laissé une trace.

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