Dominique Savin Ça c'est une photo assez drôle parce que c'est une photo de classe à l'époque au Maroc. Mon mari est là et puis là il y a un ami qui est devenu le parrain de mon fils parce qu'on était tous copains les uns avec les autres. C'est bien les photos de l'époque. Je suis née le 1er janvier 1946 à Nîmes. Mon père étant médecin militaire, il nous a un peu trimballés partout avec lui.Donc nous sommes partis, toute la famille, au Maroc. Et à ce moment-là, j'ai été au lycée, là-bas. Au Maroc, nous formions une grande famille de Français, c'est-à-dire que tous les gens se connaissaient. Donc mon mari faisait partie de la même bande que moi, et on s'est connus quand j'avais 16 ans. Et donc on a décidé de se marier. Alors nous voilà, tous les deux : mon mari et moi-même. J'aime bien. C'était devant l'église, je crois. Avec tous les hommes en queue de pie. J'avais 20 ans, c'était l'accomplissement, on s'attendait depuis 4 ans. Mon beau-père était directeur de société, d'une très grosse société, parce qu'il était ingénieur des mines. C'est un enfant né en 1912. Et quand il est né, il pesait 800 grammes. Et sa mère, qui avait déjà perdu un enfant, a dit qu’elle ne pouvait pas en perdre un deuxième. Donc elle l'a pris, elle a pris ce petit bébé et elle l'a mis entre deux pierres. Et elle l'a réchauffé avec du coton. Elle faisait chauffer les pierres dans la cheminée. Après ça, elle les mettait contre son bébé et elle le nourrissait avec un compte-gouttes. Cet enfant qui était si chétif, si petit, est devenu un homme extrêmement brillant. Il était ingénieur, divisionnaire et surtout, il était président des Houillères de France. Et en 1949, on lui a proposé de partir en Tunisie et de devenir directeur d'une compagnie minière qui s'appelait la Compagnie royale asturienne des Mines. Et puis en décembre 1957, on lui a proposé de devenir directeur des mines du Maroc. Et donc il est parti et il a emmené toute sa famille avec lui, bien sûr. Et il s’est surtout chargé de quelque chose de très important pour le Maroc, c'est ce qu'on a appelé la marocanisation. C'est-à-dire que toutes les entreprises françaises qui étaient tenues par des Français devaient obligatoirement prendre un associé marocain. Il a beaucoup, beaucoup œuvré pour cette marocanisation. Dans cette famille, ils avaient une coutume, c'est-à-dire que les enfants, à partir de 14 ans, avaient une certaine somme d'argent. Ils achetaient toutes leurs affaires. Ils achetaient aussi bien leurs habits, leurs affaires pour l'école, leurs livres et tout ça. Bon, c'était quand même une somme assez conséquente, ils n'étaient pas miséreux. Donc, à peu près quand ces enfants ont eu 16 ans, il a ouvert des comptes à tous ses enfants à la Société Générale. Il a ouvert des comptes à tout le monde. Mon mari, Michel Savin, est né en 1943 et il est décédé en 2013. Ça a été quelque chose de très difficile. Ce qu'il y avait d'extraordinaire, c'était qu'il était quand même un homme assez brillant. Chaque fois qu'il arrivait dans une société, il remontait la société. Et puis quand il l'avait bien remonté, on lui disait : « Bon, il y en a une autre là-bas qui ne marche pas très bien, alors on va vous emmener dans une autre société. » Et c'est comme ça que de Dijon, on est partis à Lyon. Et on est arrivés ici. C'était en 1981. Et puis au bout de 4 ans, il a dit : « J'en ai marre, je monte ma propre boîte. » Il a emmené avec lui 5 personnes de la société d'avant qui ont bien voulu le suivre. Et chacun a apporté de l'argent. Nous, on avait hypothéqué notre maison ici pour pouvoir monter cette société. Et c'est une société qui a hyper bien marché. Et à sa retraite, il a décidé de la céder à son fils et lui-même a monté six sociétés, je crois. Mon mari partait le matin à 7h et revenait le soir, il était 20h. Donc, je m'occupais de tout. Les enfants, l'école, les mercredis, je t'accompagne à droite, je t'accompagne à gauche, les réunions de parents d'élèves, tout ce qui est papier, papasserie de la maison, les comptes bancaires, les histoires de sécurité sociale, les histoires, vous voyez, tout ce qu'il y a en plus, ça c'était moi. J'ai toujours aimé tout ce qui est artistique, donc je faisais beaucoup de peinture. J'habillais entièrement mes enfants, de couture, de patchwork. Je ne peux pas vous dire tout ce que j'ai fait. En fait, j'ai laissé mon mari faire ce qu'il voulait faire au niveau de sa vie professionnelle. Et moi, je me suis plutôt occupée du reste. Mais ça ne m'a pas gênée, c'était mon choix aussi. Parce que j'aurais pu travailler. J'ai quand même fait des études de droit. Mais non, c'était une entente comme ça entre nous. Et donc, voilà. J'ai eu trois enfants. L'aîné est né en 68, c'est Guillaume, celui qui a repris la société. Ensuite, j'ai eu ma fille, qui est née en 71. Le troisième enfant, c'est Raphaël, qui est arrivé plus tard, il est arrivé 11 ans plus tard. J'ai trois enfants et six petits-enfants. Je crois que s'il arrive quelque chose à l'un, tous les autres sont là pour le soutenir et l'aider. Ça a toujours été comme ça. Et du reste, dès qu'il y a quelque chose, c'est : « allô maman, allô maman bobo, allô maman, il y a untel qui a ça, et qu'est-ce que je fais ? » Mon beau-père a ouvert donc les comptes de ses enfants. Ses enfants ont eux-mêmes ouvert les comptes de leurs enfants. Et puis maintenant, j'ai même les tout-petits, là. La dernière fois, j'ai été voir ma conseillère parce que je voulais leur verser de l'argent et on a vu que les petits de 7 ans et 8 ans avaient tous les deux des livrets qui étaient ouverts à la Société Générale. Donc ça fait quatre générations qu’on a la Société Générale comme partenaire. Là c'est mon petit-fils Savin et là c'est mes deux autres petits fils Savin : « Venez dire bonjour mes chéris » Ils adorent que je leur raconte les histoires de ce qu'on faisait, de toute notre vie. Oui, parce qu'on a eu quand même des moments où ce n'était pas facile, facile. Quand mon mari a monté ses sociétés, il ne gagnait trois fois rien. Il fallait quand même aller de l'avant. Donc voilà, la vie m'a donné toujours l'envie d'aller devant. Et ma mère avait toujours un mot qui était extraordinaire. Quand il y avait des choses qui n'allaient pas, elle disait « Hauts les cœurs » On y va, « Hauts les cœurs » Et moi, je dis pareil.