Xavier NielEn 1981, j'avais 14 ans, mon papa m'a acheté un ordinateur, un petit ordinateur pas cher, ça valait 1000 francs, et j'ai appris à programmer. C'est-à-dire qu'en fait, j'étais très heureux, mais j'avais une sœur qui ne faisait absolument pas ce que je lui demandais de faire, et l'ordinateur lui était l'inverse de ma sœur, il faisait ce que je lui demandais de faire. À partir de ce moment-là, je trouvais l'ordinateur fantastique. Je me suis dit qu'il fallait que j'apprenne à mieux connaître ce truc ou ce machin-là. J'ai appris à programmer, et en apprenant à programmer, ça m'a donné des capacités que les grandes entreprises n'avaient pas, et j'ai appris des choses que les gens ne savaient pas faire, notamment en termes de communication. Il y avait l'émergence de quelque chose qui s'appelait le Minitel. Et en fait, les sociétés qui vendaient la création de services Minitel ne savaient pas les mettre en œuvre. Et donc, avec d'autres jeunes copains de mon âge, on travaillait pour eux à des moments décalés pour leur créer des services Minitel. Vers l'âge de 18 ans, je me suis dit : « Pourquoi est-ce que je fais ça au travers de sociétés qui sont très gentilles, mais pourquoi est-ce que je ne fais pas ça à temps complet ? » J'ai donc commencé à créer des entreprises. Je n'ai absolument pas fait d'études, ce qui donne lieu à des blagues assez drôles. Plus tard, Pierre Berger me disait toujours : « Vous n'avez absolument pas de culture. » Et donc il m'offrait des livres avec peu de pages, écrits en très gros, parce qu'il disait : « celui-là, je suis sûr que vous allez réussir à le lire. » Je pense donc qu'il m'avait bien cerné. Je ne suis pas sûr que le fait d'être entrepreneur correspondait complètement aux rêves envisagés par mes parents. Mon père a fait 18 ans d'études après le bac. J'ai connu mon père, petit étudiant, donc il a fait du droit, sa médecine, sa science. Il était toujours étudiant, donc pour lui, le savoir était plus important que tout. Je ne suis pas sûr que pour lui, le fait qu'à 18 ans, je puisse arrêter mes études ait été quelque chose de normal ou qu'il ait pu anticiper ou dont il aurait rêvé. Mais le fait qu'à un moment, poussant ou cherchant à ce que je sois plus curieux, il achète un ordinateur pour lui et pour moi, je pense que je suis la bonne excuse. Et le fait que je me mette à m'intéresser à ça, à comprendre l'informatique, à l'utiliser, représente un changement diamétral dans ma vie, qui se produit tôt. Encore une fois, c'est en décembre 80, donc j'ai un peu plus de 14 ans. Dès l'âge de 18 ans, j'ai gagné ma vie et j'étais indépendant financièrement. Je pars d'un destin tracé, assez traditionnel, vers quelque chose d'autre. J'ai une chance ou une malchance, c'est d'être systématiquement toujours optimiste. Quoi qu'il se passe, toujours penser que demain sera mieux qu'aujourd'hui. Ça occasionne donc des choses assez particulières. J'ai tendance à oublier les mauvaises expériences. Et ça me pousse à croire à des choses absolument improbables. Je pense que je suis l'être humain le plus naïf sur Terre. Les gens ont toujours eu le sentiment de l'inverse. Mais moi, à chaque fois que je vois un entrepreneur persuadé de créer la plus grande entreprise du monde la semaine prochaine, je le crois et j'ai envie d'investir sur lui. Donc j'ai toujours eu cet optimisme qui, je pense, est une chance incroyable. En effet, si on n'est pas optimiste pour le lendemain, c'est difficile de créer et de faire des choses. Ça m'a toujours permis de faire des choses disproportionnées qui n'ont pas toujours marché. Et en plus, quand ça n'a pas marché, mon cerveau les efface. Le truc est incroyable. Je remercie mes parents de m'avoir filé ce cerveau. Bien évidemment, je pense que de manière consciente ou inconsciente, on apprend de ses erreurs. Mais je n'ai pas envie de m'en souvenir. Et j'ai toujours l'impression que demain, sera meilleur qu'aujourd'hui. Il y a une truc incroyable : c'est que le jour où le confinement commence durant la crise de la Covid, je vais penser tous les jours pendant trois mois que le lendemain c'est le dernier jour de confinement. Et ce n'est pas parce que nos politiques nous disent une chose ou une autre, moi, je suis persuadé que le lendemain, le confinement est fini et qu'on va retourner tous au boulot normalement. Ce qui est une blague pour mon entourage. Et bien évidemment, le jour où ça se passe, je leur dis : « Vous voyez, je vous avais dit. » « Ouais, mais bon, ça fait trois mois que tu nous le dis. Mais bon, le truc était là. » J'ai donc toujours cet optimisme, qu’elle que soit la nouvelle, aussi mauvaise soit-elle, j'ai toujours l'impression que ça va bien se passer ou que ça va bien se terminer. Parfois je vois des gens ou des entrepreneurs que je peux rencontrer, et qui ont une vision noire du lendemain et si vous n'êtes pas optimiste sur le fait d'être capable de créer quelque chose d'énorme et d'incroyable, vous n'avez aucune chance de le réussir. Essayez donc d'avoir des rêves plus grands que l'humainement possible. Et ça, ça me paraît super important. Donc c'est toujours essayer de les emmener dans quelque chose de plus grand et avec beaucoup d'optimisme. C'est-à-dire pas de s'enfermer dans un micro-sujet, mais au contraire d'être capable de l'étendre à quelque chose de large. J'essaie d'être normal, d'essayer toujours de donner une chance aux gens, quoi qu'ils soient, quoi qu'ils aient fait. Je me moque un peu du CV des gens. Il paraît qu'en vieillissant, je m'embourgeoise et que je fais de plus en plus attention au CV des gens. J'espère que ce n'est pas vrai, mais si les gens le disent, c'est que ça doit commencer à être vrai, donc ce n'est pas bien. Il y a des sociétés que je connais où on passe 30 entretiens d'embauche avant d'être embauché et d'avoir sa chance. Et moi, je préfère embaucher très vite quelqu'un et lui dire « ok, si dans trois mois ça ne marche pas, on se quittera. » Ce n'est pas très grave. Donc je vais avoir une vision peut-être inverse pour trouver quelqu'un, passer moins de temps dans la sélection et plus de temps à essayer de faire quelque chose de réel. Si vous prenez Free, ça a été créé avec cinq personnes que j'ai recrutées sur Internet, donc les entretiens d'embauche n'ont pas existé. Je voyais ce qu'ils faisaient sur Internet à l'époque, c'était tout petit Internet, mais je voyais ce qu'ils faisaient sur Internet, ce qui les passionnaient. Et à partir de ce moment-là, j'ai sélectionné sur la base de critères qui ne sont peut-être pas complètement objectifs, mais qui m'allaient. Puis ça ne s'est pas trop mal passé, donc on n'a pas dû trop se tromper. Alors la chose dont je suis le plus fier dans mon parcours, c'est probablement d'avoir rendu, mais collectivement avec mes camarades ici, d'avoir rendu des milliards ou des dizaines de milliards d'euros de pouvoir d'achat aux Français. C'est un truc. Il y avait un ancien ministre de l'économie qui avait dit que nous avons plus donné pour le pouvoir d'achat des Français que nous en cinq ans, ou que n'importe quel autre gouvernement en cinq ans. J'avais trouvé ça fantastique. Je les remercie donc pour cette publicité incroyable. Je pense qu'on est très fiers de ça, très fiers d'avoir pété des monopoles collectivement. Encore une fois, c'est de se dire à certains endroits, il y a des monopoles, ces monopoles pèsent sur les Français, ou dans d'autres pays, comment on est capable de les casser. La notion de confiance, comme je le dis toujours à mes enfants, est quelque chose de facile à donner, mais alors c'est encore plus facile à reprendre. Et quand on l'a reprise avant de la redonner, c'est très compliqué. Donc oui, la notion de confiance est quelque chose d'extrêmement important dans la relation qu'on peut avoir avec toute forme de contrepartie, que ce soit des êtres humains ou des sociétés. Nous sommes opérateurs et nous avons 22 ou 23 millions d'abonnés chez nous. On sait très bien qu'il est beaucoup plus facile d'attirer quelqu'un qui ne vous connaît pas que de réattirer quelqu'un qu'on a perdu. On vient tous du même endroit, on va tous au même endroit. Donc il n'y a pas d'être humain supérieur, il n'y a pas un être humain supérieur aux autres. Et ça, je pense que c'est un critère extrêmement important. On est tous égaux et ce n'est pas qu'une phrase. C'est-à-dire qu'on est tous faits de la même chose. Il n'y a pas des êtres supérieurs et des êtres inférieurs. Le pape ou le président de la République d'un pays n'est pas supérieur au monsieur qui va balayer ou nettoyer mon bureau tous les jours. Donc je pense qu'on est tous égaux. Probablement en vieillissant, encore une fois, en s'embourgeoisant, je suis peut-être moins comme ça que j'ai pu l'être. Je ne l'espère pas mais je pense que la vie me l'a incroyablement appris, c'est-à-dire que le conseil que va me donner le chauffeur de taxi a la même valeur que le conseil que va me donner une société qui aura bossé mille heures sur un sujet donné parce qu'ils ont chacun une perception différente et peut-être que parfois la perception instantanée est plus précise et plus juste que la version étudiée en profondeur. Je pense que ça, la vie me l'a appris. On est tous incroyablement égaux. Et à partir de ce moment-là, on doit tirer les conclusions qui s'imposent. La valeur qui est importante pour moi, c'est la famille parce que vous savez que, encore une fois, que dans les difficultés, ce qui reste, c'est la famille. C'est-à-dire que quand vous avez des parcours heurtés, quand tout va bien, on a plein d'amis, quand tout va mal, on n'a plus d'amis, mais il y a quand même un truc qui reste, c'est la famille. Et je trouve que c'est super important. Je suis toujours admiratif quand je vois des mamans défendre auprès de tribunaux un fils ou une fille qui a fait une bêtise incroyable, complètement impardonnable. Vous voyez toujours la maman expliquer à quel point son fils est un enfant adorable, qu'il n'a pas pu faire ça. Et je trouve que ce lien est un lien incroyable. Pour moi, c'est quelque chose d'extrêmement important.