Serge Trigano : comment oser casser les codes d’une industrie hôtelière ? Du Club Med à Mama Shelter cover
Serge Trigano : comment oser casser les codes d’une industrie hôtelière ? Du Club Med à Mama Shelter cover
Impossible-Possible (version française)

Serge Trigano : comment oser casser les codes d’une industrie hôtelière ? Du Club Med à Mama Shelter

Serge Trigano : comment oser casser les codes d’une industrie hôtelière ? Du Club Med à Mama Shelter

11min |24/10/2024
Play
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Description

Qu'est-ce qui pousse un homme à transformer une simple idée en un concept hôtelier révolutionnaire ? Dans cet épisode d’Impossible • Possible, Serge Trigano, ancien président du Club Méditerranée et co-fondateur de Mama Shelter, partage son parcours exceptionnel. Son expérience, façonnée par une riche éducation multiculturelle, illustre sa vision. « La résilience ce n’est pas juste notre capacité à rebondir ; c’est aussi la capacité de garer le sens dans ce que nous faisons », dit-il, illustrant comment son enfance au sein du « Club » lancé par son père a façonné sa vision. Obligé à quitter la présidence du Club Med, Serge Trigano a transformé l'expérience hôtelière avec Mama Shelter, un concept hôtelier inédit qui promeut l'inclusivité et la collaboration. Serge Trigano nous parle de l'importance de la famille et de la confiance en soi dans les affaires. Dans ses projets futurs comme Oh Baby, il reste engagé à favoriser la compréhension entre différentes cultures. Cet épisode d’Impossible • Possible témoigne de la puissance de la persévérance, des liens familiaux et de la passion.


À propos du podcast Impossible • Possible

Pour ses 160 ans, Société Générale a voulu célébrer ses relations de confiance avec celles et ceux sans qui rien n’aurait été possible, ses clients et partenaires. Ainsi est né le projet artistique Impossible • Possible. Le photographe Marco D’Anna a réalisé pour le compte du Groupe une série de 75 portraits de ces derniers, entrepreneur(e)s, médecins, financiers, familles, bénévoles, musiciennes, industriels… Nous allons voulu aller au-delà des images…Découvrez ces histoires humaines, où l’impossible devient possible, ces récits authentiques où les protagonistes vous dévoilent leurs parcours, leurs visions, leurs passions.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Serge Trigano

    Mon père avait une femme qui est ma maman attitrée et une maîtresse qui était le Club. Le Club a débuté dans les années 50 comme une petite aventure d'amis à la fin de la guerre, qui a envie d'offrir un peu de bonheur aux gens et dont il a fait une espèce d'empire qui s'est développé à travers le monde entier. J'ai eu la chance de vivre dans cette ambiance-là, où mon père nous racontait ses récits quand il revenait : d'avoir convaincu le Roi du Maroc de faire un village à Agadir, d'avoir convaincu le président du parti communiste bulgare qu'il fallait qu'il s'ouvre au tourisme. J'ai baigné dans ce monde-là. Et le Club avait ce côté formidable, c'est qu'il rassemblait les hommes et les femmes du monde entier. C'était une aventure dans laquelle les juifs, les musulmans, les blancs, les blacks, tout ça se mélangeait joyeusement en cours de saisons, plus ou moins folles, plus ou moins formidables, avec des garçons et des filles étonnants. J'ai eu la chance de vivre cette jeunesse un petit peu exceptionnelle, auprès d'un homme assez unique et auprès surtout d'hommes et de femmes tout à fait formidables qui étaient les G.O du Club Méditerranée de l'époque. On dormait Club, on vivait Club, on mangeait Club. J'ai grandi dans cette maison, j'ai appris tout ce que j'ai appris. J'ai appris à parler en public, j'ai appris à lire des chiffres, j'ai appris toute une série de choses dans cette aventure. J'ai eu la chance de passer cinq ans aux États-Unis dans les années 80, qui étaient les années Reagan, les années du Club 54, un mélange de puritanisme et de folie complètement déjanté, et de faire décoller le Club sur le marché américain en doublant notre taille sur ce marché-là. Et puis je suis nommé Président en 93, dans un contexte un peu compliqué, avec des administrateurs qui m'expliquent que j'ai six mois pour faire mes preuves, ce qui est toujours un petit peu de pression. Mais bon, j'essaye de faire. À ce moment-là, il y a un actionnaire qui prend du poids dans l'actionnariat du Club. Et puis un jour, à la suite d'un exercice moins bon que ce qu'attendaient les analystes financiers, à la suite d'erreurs de communication, ils me font part du fait qu'ils souhaitent se séparer de moi. Et donc ça se passe très difficilement, bien évidemment. En même temps, c'est une formidable leçon d'humilité. Quand vous êtes Président d'une boîte comme le Club, vous êtes adulé, considéré comme quelqu'un d'exceptionnel, vous êtes accueilli dans tous les pays par les chefs d'État, vous ne savez pas ce que c'est que la police, la douane, l'immigration, on vient vous cherchez au bas de l'avion. Enfin voilà, on vit dans une espèce de bulle. Donc quand la bulle éclate, ça vous ramène sur terre et c'est pas mal. Avoir été viré du Club, c'est peut-être une bonne chose pour moi. Parce que si j'avais réussi, de toute façon, c'était la réussite de Gilbert. J'avais 50 ans, ni l'envie ni les moyens de m'arrêter. On n'était pas propriétaire du Club, contrairement à ce que certains pensaient. Et puis, encore une fois, la chance d'avoir une femme solide qui ne me laisse pas tomber, deux fils formidables qui me disent : "On va refaire un truc avec toi". Et à partir de là, on se décide qu'il y a peut-être des choses à faire dans l'hôtellerie et on pense à l'aventure du Mama Shelter. Quand on vous dit que ça ne marchera jamais et que vous croyez dans le projet, vous continuez à y aller. Et d'ailleurs, moi aujourd'hui, je suis inquiet quand quelqu'un me dit que c'est une très bonne idée. Je préfère qu'on me dise que ça ne marchera jamais, parce que c'est plutôt un bon signe comme je suis superstitieux et que c'est ce qu'on m'a dit pendant des années et des mois. Quant à l'ouverture du Mama, on y croyait, encore une fois, on y a tout mis, toute notre énergie, toutes nos économies, on croyait dans ce projet. Ça aurait pu être un fiasco, c'était programmé pour être un fiasco qui nous aurait ruiné pour deux, trois générations. Mais je pense que quand on porte un projet dans son cœur, dans ses tripes, on finit par y aller. Jusqu'à l'arrivée du Mama Shelter, un hôtel, c'était un lieu où on vient, on pose ses valises, on prend une douche et puis on sort pour aller manger à l'extérieur. Nous, on a pris le contre-pied, ce qui a rendu d'ailleurs le démarrage un peu plus compliqué, en disant qu'on peut aussi faire d'un hôtel un lieu de vie dans lequel les gens pourraient venir passer un week-end, boire un coup au bar, manger. On a la chance d'avoir Philippe Starck qui accepte de faire un bout de chemin avec nous, Alain Senderins, qui était un des chefs étoilés les plus brillants de France, qui accepte de travailler avec nous dans ce 20ème arrondissement de Paris. Le Mama s'ouvre et puis c'est un succès quasiment instantané parce que ça correspondait au goût des gens. Moi, ce qui me ressemble, c'est peut-être le côté décalé du Mama, le fait qu'on y a mélangé les talents d'un Starck, d'un Cyril, de mes fils, d'Alain Senderens, et qu'on a fait un truc un peu déjanté. Il fallait un peu de culot pour oser s'implanter rue de Bagnolet, dans le 20ème arrondissement, loin des stations de métro. Les quelques experts qui avaient étudié le truc m'avaient expliqué en long, en large, en travers, que ça ne marcherait jamais et qu'au mieux du mieux, on ferait 40 couverts les vendredis et les samedis et qu'il valait mieux rester fermé en semaine. Et quand on a ouvert, au bout de quelques semaines, on a fait 600 à 700 couverts par jour, du lundi au dimanche. Parce que c'est un lieu qui correspondait, je crois, aux vraies attentes des gens. Des lieux simples où on se retrouve, même quand on est seul et on a beaucoup de femmes seules qui viennent au Mama. Quand on voyage et qu'on est seul, on se sent souvent mal à l'aise quand on va au restaurant, on se sent un peu gêné par rapport à toutes les tables où il y a du monde. Là, on se sent bien parce qu'on peut se mettre au bar, discuter avec le barman, échanger un petit peu et que le staff est recruté en fonction de ses attitudes, plus que de son savoir-faire. On essaye de trouver des hommes et des femmes qui vont vers les autres. C'est un mélange de la diversité, il y a de toutes les couleurs du monde. Et la clientèle du Mama, c'est un mélange de gens qui prennent la station de métro, Gambetta ou Père Lachaise. Et puis il y a ceux qui arrivent avec une voiture, avec un chauffeur, parce que c'est l'endroit où il faut être à ce moment-là. Et donc c'est ça un petit peu que j'ai trouvé amusant quand on a fait le Mama. Puis après le Mama s'est développé, il s'est posé sur toutes les grandes villes de France. On a ouvert le Mama de Dubaï à la fin de l'année. Et donc maintenant le Mama fait partie de la galaxie Accor et nous on travaille sur d'autres projets. Les grandes réussites hôtelières, c'est des réussites familiales. C'est les Oberoi en Inde, c'est les Pritzker avec Hyatt, c'est les Marriott. C'est souvent des histoires de famille. Parce que travailler dans l'hôtellerie, c'est accepter pour le conjoint ou la conjointe qu'il n'y aura pas d'horaires, qu'il n'y aura pas de week-ends, qu'il n'y aura pas de soirées, que 24 heures sur 24 il peut se passer des choses. Et donc, si l'homme ou la femme qui vous accompagne, les enfants qui vous accompagnent, ne partagent pas cette aventure, ça ne peut pas marcher. Donc ça, c'est le premier point. Et le deuxième point, c'est la confiance. Travailler en famille, en tout cas pour moi, c'est savoir que je peux avoir confiance dans mes fils et que c'est réciproque et que je ne serai pas trahi par eux et qu'ils ne me trahiront pas et que je ne les trahirai pas. C'est du plaisir de travailler avec mes fils, mais en même temps, c'est des engueulades permanentes. On n'est jamais d'accord sur rien. On a discuté pendant des heures pour savoir si à l'époque, il fallait mettre des télés dans les chambres du Mama Shelter. Là, on discute pendant des heures pour savoir comment est-ce qu'on va concevoir la restauration. Mais je crois que c'est plutôt jouissif, c'est plutôt sympa. J'ai un fils qui vit à Los Angeles, j'en ai un autre qui vit à Paris. Celui qui vit à Paris, qui est le patron de la boîte, est très porté sur les résultats et sur les chiffres. Et celui qui est à Los Angeles est plutôt un poète qui rêve de trucs. Donc ça crée de temps en temps des frictions et des échanges de mails toute la nuit. Et moi à 5-6 heures du matin, j'essaie de trouver une synthèse qui fasse qu'on est à peu près tous les trois d'accord pour continuer l'histoire ensemble. La notion de confiance, c'est quelque chose qui est capital, fondamental. Avoir confiance dans ses actionnaires, avoir confiance dans ses équipes. Moi, je ne sais pas vivre sans ça. Je ne sais pas vivre dans le doute. Je ne sais pas vivre dans l'hypocrisie. Après, il y a la transparence, il y a les comptes qu'on doit rendre et ainsi de suite. Mais oui, travailler en confiance, c'est quelque chose de, pour moi, indispensable. Et je ne sais pas faire autrement. Moi, j'ai la chance de vivre dans un métier qui est passionnant. Donc je n'ai pas envie de m'arrêter. J'ai envie de continuer à relever des défis. Je pense que si je devais prendre ma retraite, rester à la maison, ma femme me mettrait dehors ou on divorcerait. Donc comme j'ai envie de la garder, je reste à travailler. Et puis voilà, ça me permet de voyager, de continuer à rencontrer des gens. Oh Baby, c'est pour moi une nouvelle aventure qui consiste à essayer de reprendre les basiques de l'hôtellerie, mais en gardant la patte Trigano qui a fait un peu notre succès du Club, du Mama et j'espère demain d'Oh Baby avec un premier établissement. Si tout se passe bien, on devrait ouvrir en 2026 à Milan. Et puis après, on a un certain nombre de projets en France. Ce que mon père m'a appris, c'est ce brassage, encore une fois, de religions, de couleurs de peau. C'est ce qui a été le phénomène formidable de l'histoire du Club. C'est ce qu'on a essayé de garder dans l'aventure du Mama. C'est de recruter des hommes, des femmes, de la diversité. Et moi, j'ai appris ça. J'ai appris à vivre avec d'autres qui ne sont pas les mêmes que moi, qui sont différents de moi, que j'apprends à comprendre, à apprécier, à apprendre que certains ne soient pas d'accord avec moi. Voilà, j'ai appris tout ça avec le temps.

Description

Qu'est-ce qui pousse un homme à transformer une simple idée en un concept hôtelier révolutionnaire ? Dans cet épisode d’Impossible • Possible, Serge Trigano, ancien président du Club Méditerranée et co-fondateur de Mama Shelter, partage son parcours exceptionnel. Son expérience, façonnée par une riche éducation multiculturelle, illustre sa vision. « La résilience ce n’est pas juste notre capacité à rebondir ; c’est aussi la capacité de garer le sens dans ce que nous faisons », dit-il, illustrant comment son enfance au sein du « Club » lancé par son père a façonné sa vision. Obligé à quitter la présidence du Club Med, Serge Trigano a transformé l'expérience hôtelière avec Mama Shelter, un concept hôtelier inédit qui promeut l'inclusivité et la collaboration. Serge Trigano nous parle de l'importance de la famille et de la confiance en soi dans les affaires. Dans ses projets futurs comme Oh Baby, il reste engagé à favoriser la compréhension entre différentes cultures. Cet épisode d’Impossible • Possible témoigne de la puissance de la persévérance, des liens familiaux et de la passion.


À propos du podcast Impossible • Possible

Pour ses 160 ans, Société Générale a voulu célébrer ses relations de confiance avec celles et ceux sans qui rien n’aurait été possible, ses clients et partenaires. Ainsi est né le projet artistique Impossible • Possible. Le photographe Marco D’Anna a réalisé pour le compte du Groupe une série de 75 portraits de ces derniers, entrepreneur(e)s, médecins, financiers, familles, bénévoles, musiciennes, industriels… Nous allons voulu aller au-delà des images…Découvrez ces histoires humaines, où l’impossible devient possible, ces récits authentiques où les protagonistes vous dévoilent leurs parcours, leurs visions, leurs passions.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Serge Trigano

    Mon père avait une femme qui est ma maman attitrée et une maîtresse qui était le Club. Le Club a débuté dans les années 50 comme une petite aventure d'amis à la fin de la guerre, qui a envie d'offrir un peu de bonheur aux gens et dont il a fait une espèce d'empire qui s'est développé à travers le monde entier. J'ai eu la chance de vivre dans cette ambiance-là, où mon père nous racontait ses récits quand il revenait : d'avoir convaincu le Roi du Maroc de faire un village à Agadir, d'avoir convaincu le président du parti communiste bulgare qu'il fallait qu'il s'ouvre au tourisme. J'ai baigné dans ce monde-là. Et le Club avait ce côté formidable, c'est qu'il rassemblait les hommes et les femmes du monde entier. C'était une aventure dans laquelle les juifs, les musulmans, les blancs, les blacks, tout ça se mélangeait joyeusement en cours de saisons, plus ou moins folles, plus ou moins formidables, avec des garçons et des filles étonnants. J'ai eu la chance de vivre cette jeunesse un petit peu exceptionnelle, auprès d'un homme assez unique et auprès surtout d'hommes et de femmes tout à fait formidables qui étaient les G.O du Club Méditerranée de l'époque. On dormait Club, on vivait Club, on mangeait Club. J'ai grandi dans cette maison, j'ai appris tout ce que j'ai appris. J'ai appris à parler en public, j'ai appris à lire des chiffres, j'ai appris toute une série de choses dans cette aventure. J'ai eu la chance de passer cinq ans aux États-Unis dans les années 80, qui étaient les années Reagan, les années du Club 54, un mélange de puritanisme et de folie complètement déjanté, et de faire décoller le Club sur le marché américain en doublant notre taille sur ce marché-là. Et puis je suis nommé Président en 93, dans un contexte un peu compliqué, avec des administrateurs qui m'expliquent que j'ai six mois pour faire mes preuves, ce qui est toujours un petit peu de pression. Mais bon, j'essaye de faire. À ce moment-là, il y a un actionnaire qui prend du poids dans l'actionnariat du Club. Et puis un jour, à la suite d'un exercice moins bon que ce qu'attendaient les analystes financiers, à la suite d'erreurs de communication, ils me font part du fait qu'ils souhaitent se séparer de moi. Et donc ça se passe très difficilement, bien évidemment. En même temps, c'est une formidable leçon d'humilité. Quand vous êtes Président d'une boîte comme le Club, vous êtes adulé, considéré comme quelqu'un d'exceptionnel, vous êtes accueilli dans tous les pays par les chefs d'État, vous ne savez pas ce que c'est que la police, la douane, l'immigration, on vient vous cherchez au bas de l'avion. Enfin voilà, on vit dans une espèce de bulle. Donc quand la bulle éclate, ça vous ramène sur terre et c'est pas mal. Avoir été viré du Club, c'est peut-être une bonne chose pour moi. Parce que si j'avais réussi, de toute façon, c'était la réussite de Gilbert. J'avais 50 ans, ni l'envie ni les moyens de m'arrêter. On n'était pas propriétaire du Club, contrairement à ce que certains pensaient. Et puis, encore une fois, la chance d'avoir une femme solide qui ne me laisse pas tomber, deux fils formidables qui me disent : "On va refaire un truc avec toi". Et à partir de là, on se décide qu'il y a peut-être des choses à faire dans l'hôtellerie et on pense à l'aventure du Mama Shelter. Quand on vous dit que ça ne marchera jamais et que vous croyez dans le projet, vous continuez à y aller. Et d'ailleurs, moi aujourd'hui, je suis inquiet quand quelqu'un me dit que c'est une très bonne idée. Je préfère qu'on me dise que ça ne marchera jamais, parce que c'est plutôt un bon signe comme je suis superstitieux et que c'est ce qu'on m'a dit pendant des années et des mois. Quant à l'ouverture du Mama, on y croyait, encore une fois, on y a tout mis, toute notre énergie, toutes nos économies, on croyait dans ce projet. Ça aurait pu être un fiasco, c'était programmé pour être un fiasco qui nous aurait ruiné pour deux, trois générations. Mais je pense que quand on porte un projet dans son cœur, dans ses tripes, on finit par y aller. Jusqu'à l'arrivée du Mama Shelter, un hôtel, c'était un lieu où on vient, on pose ses valises, on prend une douche et puis on sort pour aller manger à l'extérieur. Nous, on a pris le contre-pied, ce qui a rendu d'ailleurs le démarrage un peu plus compliqué, en disant qu'on peut aussi faire d'un hôtel un lieu de vie dans lequel les gens pourraient venir passer un week-end, boire un coup au bar, manger. On a la chance d'avoir Philippe Starck qui accepte de faire un bout de chemin avec nous, Alain Senderins, qui était un des chefs étoilés les plus brillants de France, qui accepte de travailler avec nous dans ce 20ème arrondissement de Paris. Le Mama s'ouvre et puis c'est un succès quasiment instantané parce que ça correspondait au goût des gens. Moi, ce qui me ressemble, c'est peut-être le côté décalé du Mama, le fait qu'on y a mélangé les talents d'un Starck, d'un Cyril, de mes fils, d'Alain Senderens, et qu'on a fait un truc un peu déjanté. Il fallait un peu de culot pour oser s'implanter rue de Bagnolet, dans le 20ème arrondissement, loin des stations de métro. Les quelques experts qui avaient étudié le truc m'avaient expliqué en long, en large, en travers, que ça ne marcherait jamais et qu'au mieux du mieux, on ferait 40 couverts les vendredis et les samedis et qu'il valait mieux rester fermé en semaine. Et quand on a ouvert, au bout de quelques semaines, on a fait 600 à 700 couverts par jour, du lundi au dimanche. Parce que c'est un lieu qui correspondait, je crois, aux vraies attentes des gens. Des lieux simples où on se retrouve, même quand on est seul et on a beaucoup de femmes seules qui viennent au Mama. Quand on voyage et qu'on est seul, on se sent souvent mal à l'aise quand on va au restaurant, on se sent un peu gêné par rapport à toutes les tables où il y a du monde. Là, on se sent bien parce qu'on peut se mettre au bar, discuter avec le barman, échanger un petit peu et que le staff est recruté en fonction de ses attitudes, plus que de son savoir-faire. On essaye de trouver des hommes et des femmes qui vont vers les autres. C'est un mélange de la diversité, il y a de toutes les couleurs du monde. Et la clientèle du Mama, c'est un mélange de gens qui prennent la station de métro, Gambetta ou Père Lachaise. Et puis il y a ceux qui arrivent avec une voiture, avec un chauffeur, parce que c'est l'endroit où il faut être à ce moment-là. Et donc c'est ça un petit peu que j'ai trouvé amusant quand on a fait le Mama. Puis après le Mama s'est développé, il s'est posé sur toutes les grandes villes de France. On a ouvert le Mama de Dubaï à la fin de l'année. Et donc maintenant le Mama fait partie de la galaxie Accor et nous on travaille sur d'autres projets. Les grandes réussites hôtelières, c'est des réussites familiales. C'est les Oberoi en Inde, c'est les Pritzker avec Hyatt, c'est les Marriott. C'est souvent des histoires de famille. Parce que travailler dans l'hôtellerie, c'est accepter pour le conjoint ou la conjointe qu'il n'y aura pas d'horaires, qu'il n'y aura pas de week-ends, qu'il n'y aura pas de soirées, que 24 heures sur 24 il peut se passer des choses. Et donc, si l'homme ou la femme qui vous accompagne, les enfants qui vous accompagnent, ne partagent pas cette aventure, ça ne peut pas marcher. Donc ça, c'est le premier point. Et le deuxième point, c'est la confiance. Travailler en famille, en tout cas pour moi, c'est savoir que je peux avoir confiance dans mes fils et que c'est réciproque et que je ne serai pas trahi par eux et qu'ils ne me trahiront pas et que je ne les trahirai pas. C'est du plaisir de travailler avec mes fils, mais en même temps, c'est des engueulades permanentes. On n'est jamais d'accord sur rien. On a discuté pendant des heures pour savoir si à l'époque, il fallait mettre des télés dans les chambres du Mama Shelter. Là, on discute pendant des heures pour savoir comment est-ce qu'on va concevoir la restauration. Mais je crois que c'est plutôt jouissif, c'est plutôt sympa. J'ai un fils qui vit à Los Angeles, j'en ai un autre qui vit à Paris. Celui qui vit à Paris, qui est le patron de la boîte, est très porté sur les résultats et sur les chiffres. Et celui qui est à Los Angeles est plutôt un poète qui rêve de trucs. Donc ça crée de temps en temps des frictions et des échanges de mails toute la nuit. Et moi à 5-6 heures du matin, j'essaie de trouver une synthèse qui fasse qu'on est à peu près tous les trois d'accord pour continuer l'histoire ensemble. La notion de confiance, c'est quelque chose qui est capital, fondamental. Avoir confiance dans ses actionnaires, avoir confiance dans ses équipes. Moi, je ne sais pas vivre sans ça. Je ne sais pas vivre dans le doute. Je ne sais pas vivre dans l'hypocrisie. Après, il y a la transparence, il y a les comptes qu'on doit rendre et ainsi de suite. Mais oui, travailler en confiance, c'est quelque chose de, pour moi, indispensable. Et je ne sais pas faire autrement. Moi, j'ai la chance de vivre dans un métier qui est passionnant. Donc je n'ai pas envie de m'arrêter. J'ai envie de continuer à relever des défis. Je pense que si je devais prendre ma retraite, rester à la maison, ma femme me mettrait dehors ou on divorcerait. Donc comme j'ai envie de la garder, je reste à travailler. Et puis voilà, ça me permet de voyager, de continuer à rencontrer des gens. Oh Baby, c'est pour moi une nouvelle aventure qui consiste à essayer de reprendre les basiques de l'hôtellerie, mais en gardant la patte Trigano qui a fait un peu notre succès du Club, du Mama et j'espère demain d'Oh Baby avec un premier établissement. Si tout se passe bien, on devrait ouvrir en 2026 à Milan. Et puis après, on a un certain nombre de projets en France. Ce que mon père m'a appris, c'est ce brassage, encore une fois, de religions, de couleurs de peau. C'est ce qui a été le phénomène formidable de l'histoire du Club. C'est ce qu'on a essayé de garder dans l'aventure du Mama. C'est de recruter des hommes, des femmes, de la diversité. Et moi, j'ai appris ça. J'ai appris à vivre avec d'autres qui ne sont pas les mêmes que moi, qui sont différents de moi, que j'apprends à comprendre, à apprécier, à apprendre que certains ne soient pas d'accord avec moi. Voilà, j'ai appris tout ça avec le temps.

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Qu'est-ce qui pousse un homme à transformer une simple idée en un concept hôtelier révolutionnaire ? Dans cet épisode d’Impossible • Possible, Serge Trigano, ancien président du Club Méditerranée et co-fondateur de Mama Shelter, partage son parcours exceptionnel. Son expérience, façonnée par une riche éducation multiculturelle, illustre sa vision. « La résilience ce n’est pas juste notre capacité à rebondir ; c’est aussi la capacité de garer le sens dans ce que nous faisons », dit-il, illustrant comment son enfance au sein du « Club » lancé par son père a façonné sa vision. Obligé à quitter la présidence du Club Med, Serge Trigano a transformé l'expérience hôtelière avec Mama Shelter, un concept hôtelier inédit qui promeut l'inclusivité et la collaboration. Serge Trigano nous parle de l'importance de la famille et de la confiance en soi dans les affaires. Dans ses projets futurs comme Oh Baby, il reste engagé à favoriser la compréhension entre différentes cultures. Cet épisode d’Impossible • Possible témoigne de la puissance de la persévérance, des liens familiaux et de la passion.


À propos du podcast Impossible • Possible

Pour ses 160 ans, Société Générale a voulu célébrer ses relations de confiance avec celles et ceux sans qui rien n’aurait été possible, ses clients et partenaires. Ainsi est né le projet artistique Impossible • Possible. Le photographe Marco D’Anna a réalisé pour le compte du Groupe une série de 75 portraits de ces derniers, entrepreneur(e)s, médecins, financiers, familles, bénévoles, musiciennes, industriels… Nous allons voulu aller au-delà des images…Découvrez ces histoires humaines, où l’impossible devient possible, ces récits authentiques où les protagonistes vous dévoilent leurs parcours, leurs visions, leurs passions.


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  • Serge Trigano

    Mon père avait une femme qui est ma maman attitrée et une maîtresse qui était le Club. Le Club a débuté dans les années 50 comme une petite aventure d'amis à la fin de la guerre, qui a envie d'offrir un peu de bonheur aux gens et dont il a fait une espèce d'empire qui s'est développé à travers le monde entier. J'ai eu la chance de vivre dans cette ambiance-là, où mon père nous racontait ses récits quand il revenait : d'avoir convaincu le Roi du Maroc de faire un village à Agadir, d'avoir convaincu le président du parti communiste bulgare qu'il fallait qu'il s'ouvre au tourisme. J'ai baigné dans ce monde-là. Et le Club avait ce côté formidable, c'est qu'il rassemblait les hommes et les femmes du monde entier. C'était une aventure dans laquelle les juifs, les musulmans, les blancs, les blacks, tout ça se mélangeait joyeusement en cours de saisons, plus ou moins folles, plus ou moins formidables, avec des garçons et des filles étonnants. J'ai eu la chance de vivre cette jeunesse un petit peu exceptionnelle, auprès d'un homme assez unique et auprès surtout d'hommes et de femmes tout à fait formidables qui étaient les G.O du Club Méditerranée de l'époque. On dormait Club, on vivait Club, on mangeait Club. J'ai grandi dans cette maison, j'ai appris tout ce que j'ai appris. J'ai appris à parler en public, j'ai appris à lire des chiffres, j'ai appris toute une série de choses dans cette aventure. J'ai eu la chance de passer cinq ans aux États-Unis dans les années 80, qui étaient les années Reagan, les années du Club 54, un mélange de puritanisme et de folie complètement déjanté, et de faire décoller le Club sur le marché américain en doublant notre taille sur ce marché-là. Et puis je suis nommé Président en 93, dans un contexte un peu compliqué, avec des administrateurs qui m'expliquent que j'ai six mois pour faire mes preuves, ce qui est toujours un petit peu de pression. Mais bon, j'essaye de faire. À ce moment-là, il y a un actionnaire qui prend du poids dans l'actionnariat du Club. Et puis un jour, à la suite d'un exercice moins bon que ce qu'attendaient les analystes financiers, à la suite d'erreurs de communication, ils me font part du fait qu'ils souhaitent se séparer de moi. Et donc ça se passe très difficilement, bien évidemment. En même temps, c'est une formidable leçon d'humilité. Quand vous êtes Président d'une boîte comme le Club, vous êtes adulé, considéré comme quelqu'un d'exceptionnel, vous êtes accueilli dans tous les pays par les chefs d'État, vous ne savez pas ce que c'est que la police, la douane, l'immigration, on vient vous cherchez au bas de l'avion. Enfin voilà, on vit dans une espèce de bulle. Donc quand la bulle éclate, ça vous ramène sur terre et c'est pas mal. Avoir été viré du Club, c'est peut-être une bonne chose pour moi. Parce que si j'avais réussi, de toute façon, c'était la réussite de Gilbert. J'avais 50 ans, ni l'envie ni les moyens de m'arrêter. On n'était pas propriétaire du Club, contrairement à ce que certains pensaient. Et puis, encore une fois, la chance d'avoir une femme solide qui ne me laisse pas tomber, deux fils formidables qui me disent : "On va refaire un truc avec toi". Et à partir de là, on se décide qu'il y a peut-être des choses à faire dans l'hôtellerie et on pense à l'aventure du Mama Shelter. Quand on vous dit que ça ne marchera jamais et que vous croyez dans le projet, vous continuez à y aller. Et d'ailleurs, moi aujourd'hui, je suis inquiet quand quelqu'un me dit que c'est une très bonne idée. Je préfère qu'on me dise que ça ne marchera jamais, parce que c'est plutôt un bon signe comme je suis superstitieux et que c'est ce qu'on m'a dit pendant des années et des mois. Quant à l'ouverture du Mama, on y croyait, encore une fois, on y a tout mis, toute notre énergie, toutes nos économies, on croyait dans ce projet. Ça aurait pu être un fiasco, c'était programmé pour être un fiasco qui nous aurait ruiné pour deux, trois générations. Mais je pense que quand on porte un projet dans son cœur, dans ses tripes, on finit par y aller. Jusqu'à l'arrivée du Mama Shelter, un hôtel, c'était un lieu où on vient, on pose ses valises, on prend une douche et puis on sort pour aller manger à l'extérieur. Nous, on a pris le contre-pied, ce qui a rendu d'ailleurs le démarrage un peu plus compliqué, en disant qu'on peut aussi faire d'un hôtel un lieu de vie dans lequel les gens pourraient venir passer un week-end, boire un coup au bar, manger. On a la chance d'avoir Philippe Starck qui accepte de faire un bout de chemin avec nous, Alain Senderins, qui était un des chefs étoilés les plus brillants de France, qui accepte de travailler avec nous dans ce 20ème arrondissement de Paris. Le Mama s'ouvre et puis c'est un succès quasiment instantané parce que ça correspondait au goût des gens. Moi, ce qui me ressemble, c'est peut-être le côté décalé du Mama, le fait qu'on y a mélangé les talents d'un Starck, d'un Cyril, de mes fils, d'Alain Senderens, et qu'on a fait un truc un peu déjanté. Il fallait un peu de culot pour oser s'implanter rue de Bagnolet, dans le 20ème arrondissement, loin des stations de métro. Les quelques experts qui avaient étudié le truc m'avaient expliqué en long, en large, en travers, que ça ne marcherait jamais et qu'au mieux du mieux, on ferait 40 couverts les vendredis et les samedis et qu'il valait mieux rester fermé en semaine. Et quand on a ouvert, au bout de quelques semaines, on a fait 600 à 700 couverts par jour, du lundi au dimanche. Parce que c'est un lieu qui correspondait, je crois, aux vraies attentes des gens. Des lieux simples où on se retrouve, même quand on est seul et on a beaucoup de femmes seules qui viennent au Mama. Quand on voyage et qu'on est seul, on se sent souvent mal à l'aise quand on va au restaurant, on se sent un peu gêné par rapport à toutes les tables où il y a du monde. Là, on se sent bien parce qu'on peut se mettre au bar, discuter avec le barman, échanger un petit peu et que le staff est recruté en fonction de ses attitudes, plus que de son savoir-faire. On essaye de trouver des hommes et des femmes qui vont vers les autres. C'est un mélange de la diversité, il y a de toutes les couleurs du monde. Et la clientèle du Mama, c'est un mélange de gens qui prennent la station de métro, Gambetta ou Père Lachaise. Et puis il y a ceux qui arrivent avec une voiture, avec un chauffeur, parce que c'est l'endroit où il faut être à ce moment-là. Et donc c'est ça un petit peu que j'ai trouvé amusant quand on a fait le Mama. Puis après le Mama s'est développé, il s'est posé sur toutes les grandes villes de France. On a ouvert le Mama de Dubaï à la fin de l'année. Et donc maintenant le Mama fait partie de la galaxie Accor et nous on travaille sur d'autres projets. Les grandes réussites hôtelières, c'est des réussites familiales. C'est les Oberoi en Inde, c'est les Pritzker avec Hyatt, c'est les Marriott. C'est souvent des histoires de famille. Parce que travailler dans l'hôtellerie, c'est accepter pour le conjoint ou la conjointe qu'il n'y aura pas d'horaires, qu'il n'y aura pas de week-ends, qu'il n'y aura pas de soirées, que 24 heures sur 24 il peut se passer des choses. Et donc, si l'homme ou la femme qui vous accompagne, les enfants qui vous accompagnent, ne partagent pas cette aventure, ça ne peut pas marcher. Donc ça, c'est le premier point. Et le deuxième point, c'est la confiance. Travailler en famille, en tout cas pour moi, c'est savoir que je peux avoir confiance dans mes fils et que c'est réciproque et que je ne serai pas trahi par eux et qu'ils ne me trahiront pas et que je ne les trahirai pas. C'est du plaisir de travailler avec mes fils, mais en même temps, c'est des engueulades permanentes. On n'est jamais d'accord sur rien. On a discuté pendant des heures pour savoir si à l'époque, il fallait mettre des télés dans les chambres du Mama Shelter. Là, on discute pendant des heures pour savoir comment est-ce qu'on va concevoir la restauration. Mais je crois que c'est plutôt jouissif, c'est plutôt sympa. J'ai un fils qui vit à Los Angeles, j'en ai un autre qui vit à Paris. Celui qui vit à Paris, qui est le patron de la boîte, est très porté sur les résultats et sur les chiffres. Et celui qui est à Los Angeles est plutôt un poète qui rêve de trucs. Donc ça crée de temps en temps des frictions et des échanges de mails toute la nuit. Et moi à 5-6 heures du matin, j'essaie de trouver une synthèse qui fasse qu'on est à peu près tous les trois d'accord pour continuer l'histoire ensemble. La notion de confiance, c'est quelque chose qui est capital, fondamental. Avoir confiance dans ses actionnaires, avoir confiance dans ses équipes. Moi, je ne sais pas vivre sans ça. Je ne sais pas vivre dans le doute. Je ne sais pas vivre dans l'hypocrisie. Après, il y a la transparence, il y a les comptes qu'on doit rendre et ainsi de suite. Mais oui, travailler en confiance, c'est quelque chose de, pour moi, indispensable. Et je ne sais pas faire autrement. Moi, j'ai la chance de vivre dans un métier qui est passionnant. Donc je n'ai pas envie de m'arrêter. J'ai envie de continuer à relever des défis. Je pense que si je devais prendre ma retraite, rester à la maison, ma femme me mettrait dehors ou on divorcerait. Donc comme j'ai envie de la garder, je reste à travailler. Et puis voilà, ça me permet de voyager, de continuer à rencontrer des gens. Oh Baby, c'est pour moi une nouvelle aventure qui consiste à essayer de reprendre les basiques de l'hôtellerie, mais en gardant la patte Trigano qui a fait un peu notre succès du Club, du Mama et j'espère demain d'Oh Baby avec un premier établissement. Si tout se passe bien, on devrait ouvrir en 2026 à Milan. Et puis après, on a un certain nombre de projets en France. Ce que mon père m'a appris, c'est ce brassage, encore une fois, de religions, de couleurs de peau. C'est ce qui a été le phénomène formidable de l'histoire du Club. C'est ce qu'on a essayé de garder dans l'aventure du Mama. C'est de recruter des hommes, des femmes, de la diversité. Et moi, j'ai appris ça. J'ai appris à vivre avec d'autres qui ne sont pas les mêmes que moi, qui sont différents de moi, que j'apprends à comprendre, à apprécier, à apprendre que certains ne soient pas d'accord avec moi. Voilà, j'ai appris tout ça avec le temps.

Description

Qu'est-ce qui pousse un homme à transformer une simple idée en un concept hôtelier révolutionnaire ? Dans cet épisode d’Impossible • Possible, Serge Trigano, ancien président du Club Méditerranée et co-fondateur de Mama Shelter, partage son parcours exceptionnel. Son expérience, façonnée par une riche éducation multiculturelle, illustre sa vision. « La résilience ce n’est pas juste notre capacité à rebondir ; c’est aussi la capacité de garer le sens dans ce que nous faisons », dit-il, illustrant comment son enfance au sein du « Club » lancé par son père a façonné sa vision. Obligé à quitter la présidence du Club Med, Serge Trigano a transformé l'expérience hôtelière avec Mama Shelter, un concept hôtelier inédit qui promeut l'inclusivité et la collaboration. Serge Trigano nous parle de l'importance de la famille et de la confiance en soi dans les affaires. Dans ses projets futurs comme Oh Baby, il reste engagé à favoriser la compréhension entre différentes cultures. Cet épisode d’Impossible • Possible témoigne de la puissance de la persévérance, des liens familiaux et de la passion.


À propos du podcast Impossible • Possible

Pour ses 160 ans, Société Générale a voulu célébrer ses relations de confiance avec celles et ceux sans qui rien n’aurait été possible, ses clients et partenaires. Ainsi est né le projet artistique Impossible • Possible. Le photographe Marco D’Anna a réalisé pour le compte du Groupe une série de 75 portraits de ces derniers, entrepreneur(e)s, médecins, financiers, familles, bénévoles, musiciennes, industriels… Nous allons voulu aller au-delà des images…Découvrez ces histoires humaines, où l’impossible devient possible, ces récits authentiques où les protagonistes vous dévoilent leurs parcours, leurs visions, leurs passions.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Serge Trigano

    Mon père avait une femme qui est ma maman attitrée et une maîtresse qui était le Club. Le Club a débuté dans les années 50 comme une petite aventure d'amis à la fin de la guerre, qui a envie d'offrir un peu de bonheur aux gens et dont il a fait une espèce d'empire qui s'est développé à travers le monde entier. J'ai eu la chance de vivre dans cette ambiance-là, où mon père nous racontait ses récits quand il revenait : d'avoir convaincu le Roi du Maroc de faire un village à Agadir, d'avoir convaincu le président du parti communiste bulgare qu'il fallait qu'il s'ouvre au tourisme. J'ai baigné dans ce monde-là. Et le Club avait ce côté formidable, c'est qu'il rassemblait les hommes et les femmes du monde entier. C'était une aventure dans laquelle les juifs, les musulmans, les blancs, les blacks, tout ça se mélangeait joyeusement en cours de saisons, plus ou moins folles, plus ou moins formidables, avec des garçons et des filles étonnants. J'ai eu la chance de vivre cette jeunesse un petit peu exceptionnelle, auprès d'un homme assez unique et auprès surtout d'hommes et de femmes tout à fait formidables qui étaient les G.O du Club Méditerranée de l'époque. On dormait Club, on vivait Club, on mangeait Club. J'ai grandi dans cette maison, j'ai appris tout ce que j'ai appris. J'ai appris à parler en public, j'ai appris à lire des chiffres, j'ai appris toute une série de choses dans cette aventure. J'ai eu la chance de passer cinq ans aux États-Unis dans les années 80, qui étaient les années Reagan, les années du Club 54, un mélange de puritanisme et de folie complètement déjanté, et de faire décoller le Club sur le marché américain en doublant notre taille sur ce marché-là. Et puis je suis nommé Président en 93, dans un contexte un peu compliqué, avec des administrateurs qui m'expliquent que j'ai six mois pour faire mes preuves, ce qui est toujours un petit peu de pression. Mais bon, j'essaye de faire. À ce moment-là, il y a un actionnaire qui prend du poids dans l'actionnariat du Club. Et puis un jour, à la suite d'un exercice moins bon que ce qu'attendaient les analystes financiers, à la suite d'erreurs de communication, ils me font part du fait qu'ils souhaitent se séparer de moi. Et donc ça se passe très difficilement, bien évidemment. En même temps, c'est une formidable leçon d'humilité. Quand vous êtes Président d'une boîte comme le Club, vous êtes adulé, considéré comme quelqu'un d'exceptionnel, vous êtes accueilli dans tous les pays par les chefs d'État, vous ne savez pas ce que c'est que la police, la douane, l'immigration, on vient vous cherchez au bas de l'avion. Enfin voilà, on vit dans une espèce de bulle. Donc quand la bulle éclate, ça vous ramène sur terre et c'est pas mal. Avoir été viré du Club, c'est peut-être une bonne chose pour moi. Parce que si j'avais réussi, de toute façon, c'était la réussite de Gilbert. J'avais 50 ans, ni l'envie ni les moyens de m'arrêter. On n'était pas propriétaire du Club, contrairement à ce que certains pensaient. Et puis, encore une fois, la chance d'avoir une femme solide qui ne me laisse pas tomber, deux fils formidables qui me disent : "On va refaire un truc avec toi". Et à partir de là, on se décide qu'il y a peut-être des choses à faire dans l'hôtellerie et on pense à l'aventure du Mama Shelter. Quand on vous dit que ça ne marchera jamais et que vous croyez dans le projet, vous continuez à y aller. Et d'ailleurs, moi aujourd'hui, je suis inquiet quand quelqu'un me dit que c'est une très bonne idée. Je préfère qu'on me dise que ça ne marchera jamais, parce que c'est plutôt un bon signe comme je suis superstitieux et que c'est ce qu'on m'a dit pendant des années et des mois. Quant à l'ouverture du Mama, on y croyait, encore une fois, on y a tout mis, toute notre énergie, toutes nos économies, on croyait dans ce projet. Ça aurait pu être un fiasco, c'était programmé pour être un fiasco qui nous aurait ruiné pour deux, trois générations. Mais je pense que quand on porte un projet dans son cœur, dans ses tripes, on finit par y aller. Jusqu'à l'arrivée du Mama Shelter, un hôtel, c'était un lieu où on vient, on pose ses valises, on prend une douche et puis on sort pour aller manger à l'extérieur. Nous, on a pris le contre-pied, ce qui a rendu d'ailleurs le démarrage un peu plus compliqué, en disant qu'on peut aussi faire d'un hôtel un lieu de vie dans lequel les gens pourraient venir passer un week-end, boire un coup au bar, manger. On a la chance d'avoir Philippe Starck qui accepte de faire un bout de chemin avec nous, Alain Senderins, qui était un des chefs étoilés les plus brillants de France, qui accepte de travailler avec nous dans ce 20ème arrondissement de Paris. Le Mama s'ouvre et puis c'est un succès quasiment instantané parce que ça correspondait au goût des gens. Moi, ce qui me ressemble, c'est peut-être le côté décalé du Mama, le fait qu'on y a mélangé les talents d'un Starck, d'un Cyril, de mes fils, d'Alain Senderens, et qu'on a fait un truc un peu déjanté. Il fallait un peu de culot pour oser s'implanter rue de Bagnolet, dans le 20ème arrondissement, loin des stations de métro. Les quelques experts qui avaient étudié le truc m'avaient expliqué en long, en large, en travers, que ça ne marcherait jamais et qu'au mieux du mieux, on ferait 40 couverts les vendredis et les samedis et qu'il valait mieux rester fermé en semaine. Et quand on a ouvert, au bout de quelques semaines, on a fait 600 à 700 couverts par jour, du lundi au dimanche. Parce que c'est un lieu qui correspondait, je crois, aux vraies attentes des gens. Des lieux simples où on se retrouve, même quand on est seul et on a beaucoup de femmes seules qui viennent au Mama. Quand on voyage et qu'on est seul, on se sent souvent mal à l'aise quand on va au restaurant, on se sent un peu gêné par rapport à toutes les tables où il y a du monde. Là, on se sent bien parce qu'on peut se mettre au bar, discuter avec le barman, échanger un petit peu et que le staff est recruté en fonction de ses attitudes, plus que de son savoir-faire. On essaye de trouver des hommes et des femmes qui vont vers les autres. C'est un mélange de la diversité, il y a de toutes les couleurs du monde. Et la clientèle du Mama, c'est un mélange de gens qui prennent la station de métro, Gambetta ou Père Lachaise. Et puis il y a ceux qui arrivent avec une voiture, avec un chauffeur, parce que c'est l'endroit où il faut être à ce moment-là. Et donc c'est ça un petit peu que j'ai trouvé amusant quand on a fait le Mama. Puis après le Mama s'est développé, il s'est posé sur toutes les grandes villes de France. On a ouvert le Mama de Dubaï à la fin de l'année. Et donc maintenant le Mama fait partie de la galaxie Accor et nous on travaille sur d'autres projets. Les grandes réussites hôtelières, c'est des réussites familiales. C'est les Oberoi en Inde, c'est les Pritzker avec Hyatt, c'est les Marriott. C'est souvent des histoires de famille. Parce que travailler dans l'hôtellerie, c'est accepter pour le conjoint ou la conjointe qu'il n'y aura pas d'horaires, qu'il n'y aura pas de week-ends, qu'il n'y aura pas de soirées, que 24 heures sur 24 il peut se passer des choses. Et donc, si l'homme ou la femme qui vous accompagne, les enfants qui vous accompagnent, ne partagent pas cette aventure, ça ne peut pas marcher. Donc ça, c'est le premier point. Et le deuxième point, c'est la confiance. Travailler en famille, en tout cas pour moi, c'est savoir que je peux avoir confiance dans mes fils et que c'est réciproque et que je ne serai pas trahi par eux et qu'ils ne me trahiront pas et que je ne les trahirai pas. C'est du plaisir de travailler avec mes fils, mais en même temps, c'est des engueulades permanentes. On n'est jamais d'accord sur rien. On a discuté pendant des heures pour savoir si à l'époque, il fallait mettre des télés dans les chambres du Mama Shelter. Là, on discute pendant des heures pour savoir comment est-ce qu'on va concevoir la restauration. Mais je crois que c'est plutôt jouissif, c'est plutôt sympa. J'ai un fils qui vit à Los Angeles, j'en ai un autre qui vit à Paris. Celui qui vit à Paris, qui est le patron de la boîte, est très porté sur les résultats et sur les chiffres. Et celui qui est à Los Angeles est plutôt un poète qui rêve de trucs. Donc ça crée de temps en temps des frictions et des échanges de mails toute la nuit. Et moi à 5-6 heures du matin, j'essaie de trouver une synthèse qui fasse qu'on est à peu près tous les trois d'accord pour continuer l'histoire ensemble. La notion de confiance, c'est quelque chose qui est capital, fondamental. Avoir confiance dans ses actionnaires, avoir confiance dans ses équipes. Moi, je ne sais pas vivre sans ça. Je ne sais pas vivre dans le doute. Je ne sais pas vivre dans l'hypocrisie. Après, il y a la transparence, il y a les comptes qu'on doit rendre et ainsi de suite. Mais oui, travailler en confiance, c'est quelque chose de, pour moi, indispensable. Et je ne sais pas faire autrement. Moi, j'ai la chance de vivre dans un métier qui est passionnant. Donc je n'ai pas envie de m'arrêter. J'ai envie de continuer à relever des défis. Je pense que si je devais prendre ma retraite, rester à la maison, ma femme me mettrait dehors ou on divorcerait. Donc comme j'ai envie de la garder, je reste à travailler. Et puis voilà, ça me permet de voyager, de continuer à rencontrer des gens. Oh Baby, c'est pour moi une nouvelle aventure qui consiste à essayer de reprendre les basiques de l'hôtellerie, mais en gardant la patte Trigano qui a fait un peu notre succès du Club, du Mama et j'espère demain d'Oh Baby avec un premier établissement. Si tout se passe bien, on devrait ouvrir en 2026 à Milan. Et puis après, on a un certain nombre de projets en France. Ce que mon père m'a appris, c'est ce brassage, encore une fois, de religions, de couleurs de peau. C'est ce qui a été le phénomène formidable de l'histoire du Club. C'est ce qu'on a essayé de garder dans l'aventure du Mama. C'est de recruter des hommes, des femmes, de la diversité. Et moi, j'ai appris ça. J'ai appris à vivre avec d'autres qui ne sont pas les mêmes que moi, qui sont différents de moi, que j'apprends à comprendre, à apprécier, à apprendre que certains ne soient pas d'accord avec moi. Voilà, j'ai appris tout ça avec le temps.

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