- Speaker #0
Bonjour à tous et bienvenue sur le podcast Inclusif. Aujourd'hui, nous abordons un sujet porteur d'espoir et de motivation, l'insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap. Pour ces jeunes, intégrer le monde du travail est bien plus qu'un simple objectif. C'est une démarche d'épanouissement et de détermination. Motivés, investis dans leur parcours, ils prouvent chaque jour que la différence est une force. Pour en parler, nous recevons Kelly, référente handicap à la mission locale de Chambéry. Très engagée dans cette mission, Kelly accompagne ces jeunes avec passion, les aide à franchir les étapes, à trouver des opportunités et à se révéler professionnellement. Ensemble, nous verrons comment son action et la détermination de ces jeunes contribuent à bâtir un avenir professionnel inclusif et riche de diversité. Je suis Shirazade, dans nos épisodes, nous mettons en lumière des histoires inspirantes et des initiatives innovantes. Vous entendrez des témoignages de dirigeants d'entreprises engagés en faveur de l'inclusion des personnes en situation de handicap. Certains ayant eux-mêmes vécu une telle situation et des salariés qui ont pu faire de leur différence une force. Ils partageront leurs expériences, leurs défis et les stratégies qu'ils ont mises en place pour créer des environnements de travail véritablement ouverts à tous.
- Speaker #1
Bonjour Kelly, merci de me recevoir au sein de la mission locale de Chambéry. Comment vas-tu ?
- Speaker #2
Bonjour,, merci à toi de venir me rendre visite. Ça va bien, merci et toi ?
- Speaker #1
D'accord. Alors nous, on s'est rencontrés lors de ta mission de référente handicap. Tu peux un peu nous parler de ta mission ?
- Speaker #2
Oui, donc j'ai été référente handicap emploi l'année dernière, donc toute l'année 2023, de janvier à décembre, à la mission locale. J'ai accompagné des jeunes âgés de 16 à 26 ans dans leur mise à l'emploi, dans leurs projets professionnels.
- Speaker #1
Comment ça se fait que tu as eu cette mission ?
- Speaker #2
C'est la mission locale qui a répondu à un appel à projet. On a été retenus pour une mission expérimentale d'une année. C'était une mission financée par l'État. Je me suis positionnée parce que j'ai toujours été sensible au handicap. J'ai un parcours professionnel qui m'a permis d'avoir d'autres expériences dans ce domaine-là. Et donc, ça m'intéressait d'aller sur le volet emploi, qui était assez nouveau pour moi.
- Speaker #1
D'accord. Alors, expérimental, moi, je pensais qu'il y avait toujours une référente handicap ou un référent handicap au sein des missions locales. Ce n'est pas le cas ?
- Speaker #2
Alors non. En fait, nous, on a une référente santé qui s'occupe plutôt de toute la partie administrative, qui donne les informations aux conseillères, plutôt pour monter des dossiers sur des informations plutôt générales. Là, la mission que j'ai occupée, c'était spécifique à l'emploi. Donc ça, c'était très nouveau. Ça n'existe pas dans les missions locales en général.
- Speaker #1
D'accord. Et donc la particularité de ton public, est-ce que tu as vu une différence avec le public des jeunes que tu avais l'habitude d'accompagner ou pas du tout ?
- Speaker #2
Alors oui, oui, oui. J'ai vraiment vu la différence. Ça m'a d'ailleurs... C'est un public, le public jeune bénéficiaire de RQTH, c'est un public qui a envie qu'on s'occupe d'eux, en fait, qui n'ont pas forcément un espace où on leur dédie du temps et un accompagnement aussi poussé. Et du coup, ce que j'ai pu remarquer, c'est que ce public, il est présent tout le temps. Ils n'ont pas de rendez-vous. Ils viennent et ils sont contents de venir, même si c'est juste pour discuter, un petit peu me raconter. certaines anecdotes, même s'il n'y a pas toujours une proposition qui émerge, c'est un public qui est présent.
- Speaker #1
D'accord, donc c'est un public qui est à la recherche de liens,
- Speaker #2
c'est ça ? Oui,
- Speaker #1
beaucoup. Comment tu l'expliques ?
- Speaker #2
Je pense qu'on n'a pas le temps, en fait, dans les missions locales en général, dans ce qui existe, pour leur accorder ce temps-là, pour les préparer, pour aller avec eux. Je me suis énormément déplacée pendant ma mission. Donc les jeunes venaient avec moi en voiture, je me suis rendue en entreprise, je me suis rendue en centre de formation, j'ai assisté à des formations ou à des introductions de formation du moins, pendant des demi-journées. Je suis vraiment allée avec eux physiquement pour leur enlever un stress parce que suivant les pathologies qu'ils peuvent rencontrer, le fait de devoir prévoir le bus, c'est soit impossible, soit source de stress. Et du coup, de venir avec moi, ça leur enlevait déjà ça.
- Speaker #1
T'étais un peu comme un outil qui calme leur anxiété, c'est ça ?
- Speaker #2
Oui, peut-être. Ils étaient rassurés de savoir qu'une personne allait aussi les introduire auprès d'un employeur, présenter un petit peu les choses, reprendre les choses avec eux si tout n'était pas compris. Donc, je pense que c'était assez rassurant.
- Speaker #1
Et t'avais combien de jeunes dans ton portefeuille ?
- Speaker #2
Alors, sur l'année, j'ai eu 50 jeunes.
- Speaker #1
Ça fait quand même beaucoup, 50 jeunes à suivre.
- Speaker #2
Oui. D'accord. C'était pas mal. L'objectif de la mission, c'était une soixantaine de jeunes, mais du coup, on s'est arrêté mi-novembre. Donc, si on était allé jusqu'à vraiment la fin, peut-être qu'il y aurait eu les 60.
- Speaker #1
Alors moi, je rencontre beaucoup de chargées de mission handicap qui s'occupent principalement d'adultes. Tu es la première que je rencontre et que j'interview qui s'occupe de jeunes. Ce qui ressort souvent chez les adultes, c'est le tabou autour du handicap. Donc le tabou déjà de déclencher la démarche et de se dire j'ai une problématique qui peut être éligible à la réputation, je vais faire la démarche 2. Ensuite le tabou vis-à-vis de l'employeur, je dis je ne dis pas. Et même un peu comme s'il y avait encore une honte autour de ça. Qu'est-ce que tu en penses au niveau des jeunes ? Est-ce que tu l'as ressenti ou pas ?
- Speaker #2
Alors je ne l'ai ressenti pas tout le temps, ça dépend des pathologies, ça dépend des jeunes. Il y en a qui ont des handicaps ou des difficultés depuis vraiment tout petit. Ils ont été habitués à aller à des rendez-vous, à être suivis en classe, des choses comme ça. Donc c'est quelque chose qui est assez intégré. Il y en a d'autres pour qui la démarche a été faite un peu plus tardivement. Et du coup, ça peut être plus compliqué à assimiler, à accepter aussi la notion de différence. Et ce qu'il a fallu dans ma mission, c'était aussi leur expliquer que d'avoir cet RQTH, parce que moi j'ai accompagné uniquement des jeunes qui l'avaient cet RQTH, c'était acquis, leur expliquer qu'on peut le mettre sur le CV s'ils le souhaitent, parce que rien n'est obligé, mais ça peut leur permettre déjà d'enlever un tabou s'ils sont sélectionnés pour un entretien, parce que le recruteur sait que la personne a un RQTH. Il faut savoir expliquer en quelques mots pourquoi ils l'ont. si des aménagements sont nécessaires. Donc ça, on le travaillait ensemble. Le but, c'était qu'ils n'aillent pas non plus dans l'intimité. Ils n'ont pas besoin d'expliquer pourquoi ils l'ont. Mais simplement, si des aménagements au niveau de l'emploi sont nécessaires. Donc ça, c'était quand même un travail assez important. Ça prend du temps. Ce n'est pas en un rendez-vous qu'ils acceptent de le mettre ou de ne pas le mettre et qu'ils comprennent comment l'expliquer. Et certains jeunes, je repense à certains profils, me disaient des profils plutôt TSA, moi j'ai une RQTH mais c'est juste pour un temps, après j'en aurai plus besoin. C'est juste là pour m'aider un petit peu, impulser, alors qu'on voyait bien que les difficultés étaient là, étaient importantes, mais voilà, c'était un petit peu dur d'admettre.
- Speaker #1
Est-ce que finalement, la première éthique d'aller vers une RQTH, elle est plus compliquée pour un jeune qui a un handicap non visible que pour un jeune qui a un handicap visible ? Je parle notamment des problèmes de scie.
- Speaker #2
Oui, je pense que ça va dépendre de la personnalité aussi de chacun. C'est sûr que quand le handicap n'est pas visible, eh bien, c'est plus difficile à expliquer et en parler de façon générale. Quand on est dans un fauteuil ou qu'on a un souci de vision, auditif, c'est plus simple. Mais après, ça peut aussi, pour certains, être une béquille. Se dire, j'ai cet RQTH qui vient expliquer pourquoi j'ai des difficultés. Donc, ça dépend comment le jeune l'intègre, comment lui expliquer le parcours aussi. Parce que pour l'avoir, cet RQTH, c'est un vrai parcours. C'est un vrai parcours, ça prend du temps. temps, c'est énormément administratif, il faut aller recueillir des infos de partout, donc c'est parfois le parcours du combattant. Donc certains peuvent être heureux, on peut dire, de l'obtenir, et puis de justifier leurs difficultés. Et puis pour d'autres, c'est plus compliqué, où ils ont du mal à comprendre à quoi ça va leur servir. Oui,
- Speaker #1
il y a la notion d'utilité dans la démarche. Est-ce que tu as été confrontée à des jeunes ? Tu t'es dit, toi, à un moment, ce serait bien qu'ils fassent la démarche de demander une RQTH, mais où les jeunes étaient complètement dans le déni et qu'ils ne voulaient pas aller dans ce processus.
- Speaker #2
Alors, sur ma mission, j'avais uniquement des jeunes qui l'avaient, la RQTH, pour l'expérimentation. Par contre, sur mon poste classique de chargée de relations entreprises à la mission locale, oui, je rencontre des jeunes pour qui ce serait bien de faire la démarche, mais c'est compliqué de... de l'aborder. Alors nous, à la mission locale de Chambéry, le directeur a fait le choix de séparer le volet plutôt social accompagnement et le volet emploi. Donc moi, j'accompagne les jeunes uniquement sur la mise à l'emploi. Donc après, on travaille en partenariat, en lien avec les collègues pour pouvoir amener le jeune à entrer dans cette discussion et essayer de l'amener à aller vers la démarche. Mais des fois, ce serait nécessaire et... Et ils ne comprennent pas pourquoi. Ou alors, on ne peut pas en parler. Ça prend parfois énormément de temps pour leur faire accepter d'entrer dans la démarche.
- Speaker #1
D'accord. Et est-ce que tu penses que c'est un frein pour leur insertion professionnelle ou pas ? Parfois, quand ils ne rentrent pas, pour ces jeunes-là qui ne veulent pas rentrer dans cette démarche-là ?
- Speaker #2
Oui, ça peut être un frein. Quand la difficulté est là, on n'a rien pour la justifier. Mais du coup, la mise à l'emploi est compliquée. Ils n'arrivent pas à passer le cap de la sélection du CV, d'un entretien. Nous, on est là pour essayer de pousser un petit peu, de travailler avec l'employeur. Mais quand la difficulté est vraiment là et qu'elle n'est pas nommée, c'est compliqué parfois.
- Speaker #1
Est-ce que tu penses que c'est juste le fait d'être nommée, une difficulté de nommer ? Ou est-ce que ce n'est pas plutôt une reconnaissance du jeune, de sa problématique, pour qu'après, il puisse travailler dessus ?
- Speaker #2
Oui, c'est un tout en fait. C'est vraiment un tout. C'est pour ça que j'insiste vraiment sur le fait que ça prend beaucoup de temps, parce qu'il faut qu'il accepte et puis après qu'il comprenne que ça peut être vraiment une aide, parce qu'il va pouvoir avoir le droit à des actions financières, à des aménagements, pour être bien en poste en fait. Et des places sont là en entreprise pour ce public, et du coup c'est important de les amener à... à aller vers cette reconnaissance pour leur permettre après d'aller à l'emploi comme tout le monde et d'être bien dans leur fonction.
- Speaker #1
Est-ce qu'ils peuvent être accompagnés dans la démarche ? Parce qu'en dehors de la reconnaissance du handicap personnel, il y a aussi, comme tu dis, un vrai parcours du combattant pour avoir accès à une RQTH. Est-ce qu'il y a des personnes qui les accompagnent dans ce processus ou pas ?
- Speaker #2
Oui, les conseillères qui s'occupent du volet social, qui sont sur des dispositifs comme le contrat d'engagement jeune, elles les aident, bien sûr.
- Speaker #1
D'accord, à monter le dossier, à récupérer l'ensemble des documents.
- Speaker #2
Tout à fait. Et puis, elles ont même une partie où elles peuvent donner leur avis. Ça permet aussi d'appuyer le besoin de reconnaissance.
- Speaker #1
D'accord. Donc, tu disais une mission expérimentale qui a duré un an. Qu'est-ce que tu en retiens ? Toi ?
- Speaker #2
C'était très, très enrichissant. Ça a été une année quand même très chargée parce qu'il a fallu que j'aille à la rencontre de plein de nouveaux partenaires, que j'aille à la découverte aussi de plein de nouveaux dispositifs, un public, même si je connaissais déjà, quand même nouveau sur la mise à l'emploi. Donc ça a été assez chargé, mais plein d'actions ont pu être mises en place. Les résultats sont plutôt... Enfin, c'était encourageant. Et ça a été vraiment une année pleine d'expérience pour moi. J'aurais aimé que ce soit reconduit un an, peut-être deux.
- Speaker #1
D'accord, ou tout le temps. Ou tout le temps, peut-être. Moi, je trouve ça... J'étais persuadée qu'il y avait un référent handicap dans toutes les missions locales. Tu viens de m'apprendre que non. Je tombe de haut. Donc, des résultats encourageants et pourtant pas le renouvellement de la mission. Tu l'expliques comment ?
- Speaker #2
C'est un choix de l'État. Les financements sont mis sur des projets divers et variés. Ça n'a malheureusement pas pu être pérennisé. Après, il y a tout le temps des appels à projets qui existent peu, qu'il y en a un autre qui tombe et que la mission locale répond. Je l'espère en tout cas parce que c'est un public qui a besoin qu'on s'occupe d'eux, qu'on soit présent et qu'on les aide. dans une globalité, en fait. Et on voit bien par rapport aux résultats. Alors, moi, j'étais plutôt attendue sur de l'emploi, mais finalement, toute forme d'expérimentation en entreprise a été retracée, bénéfique. Voilà, un jeune qui n'avait jamais mis les pieds en entreprise, qui a pu faire une semaine de stage, ben, ça a été valorisant pour lui. Un jeune qui a des difficultés à l'emploi, qui a signé un contrat de service civique. ça a été bénéfique aussi. Et puis, certains ont pu enchaîner des petits CDD, voire des CDI avec quelques signatures aussi. Donc, c'est chouette. Ça fait plaisir.
- Speaker #1
Donc, à ton avis, ça reste quand même une mission essentielle au sein d'une mission locale.
- Speaker #2
Oui, je pense. Même par rapport aux collègues qui doivent accompagner ces jeunes, qui les ont au milieu de tous les autres dans leur portefeuille et qui n'ont pas forcément... le temps de faire ce que je faisais, puisque ma mission était dédiée à ça. Du coup, on ne peut pas les accompagner correctement.
- Speaker #1
De la même façon, en tout cas.
- Speaker #2
Oui. Ok.
- Speaker #1
Donc si demain, la mission locale répond à un nouvel appel d'offres et avec une nouvelle mission de référente handicap, tu reprends la casquette ?
- Speaker #2
Oui, pourquoi pas ? Oui, oui. J'aimerais bien aller plus loin, ce que j'ai pu faire sur l'année.
- Speaker #1
Plus loin et peut-être un peu plus longtemps ?
- Speaker #2
Plus longtemps, oui. Ça aurait été plus confortable pour moi une deuxième année aussi, puisque... J'avais déjà fait la connaissance de tout un tas de partenaires. J'ai mis en place, par exemple, des duodés lors de la SEPH. Donc ça, c'était très nouveau pour moi aussi, cette plateforme.
- Speaker #1
La plateforme de la GEPHIP ?
- Speaker #2
Oui, voilà. Ça permet aux jeunes d'aller visiter des entreprises. Visiter, là, c'est vraiment être immergé, en stage pendant une journée. Découvrir un nouveau milieu, un métier, une entreprise. Et ça, c'était génial pour ces jeunes qui avaient le choix, puisque les entreprises s'inscrivent sur cette plateforme et permettent à ces jeunes bénéficiaires de choisir là où ils veulent aller.
- Speaker #1
Et si tu devais nous résumer ton expérience d'un an avec cette casquette-là, qu'est-ce que tu en dirais ? En quelques mots, une phrase ?
- Speaker #2
Alors là, c'est difficile à résumer.
- Speaker #1
Qu'est-ce qui te vient à l'esprit ?
- Speaker #2
Ce qui me vient à l'esprit ? La notion de partenariat, ça m'a beaucoup plu. La notion aussi de temps dédié à ce public, plus que ce que je peux faire avec mon public actuel. Et puis une certaine frustration, c'est vrai, quand j'ai appris que ça allait s'arrêter et qu'il a fallu... du coup, annoncées aux jeunes.
- Speaker #1
Ça, ça peut être pas simple.
- Speaker #2
Ça, ça a été compliqué.
- Speaker #1
Donc, de la joie, de la tristesse, de la frustration, de belles réussites.
- Speaker #0
Globalement, c'est la vie.
- Speaker #1
C'est ça,
- Speaker #2
oui.
- Speaker #1
Bon, je te remercie beaucoup.
- Speaker #2
Merci à toi, Chantal. A bientôt.
- Speaker #0
Merci à tous pour votre écoute. Le podcast Inclusive est soutenu par l'AGFIP et le Fonds social européen. A la semaine prochaine pour un nouvel épisode.