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Des milliards de tapis de cheveux, de Andreas Eschbach cover
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Inky et Peete se livrent

Des milliards de tapis de cheveux, de Andreas Eschbach

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11min |07/05/2025
Play
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11min |07/05/2025
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Description

Connaissez-vous la galaxie de Gheera ? Et la tradition qui s'y transmet de père en fils depuis des milliers d'années ?

Cette tradition qui consiste à tisser un tapis avec les cheveux de son épouse, de ses concubines et de ses filles ?

💇🏼‍♀️🪡💇🏾‍♀️


Embarquez pour un voyage dont vous ne reviendrez pas indemnes !


📚 Références :

titre : Des milliards de tapis de cheveux

auteur : Andreas Eschbach

traduction française : Claire Duval

couverture : Vincent Madras

éditeur : L'Atalante

site : www.l-atalante.com

à partir de 16 ans


🎙️ Au micro : Mafalda Vidal


🫶🏻 Abonnez-vous pour ne manquer aucun incipit !

Et si cet incipit vous a plu, n'hésitez pas à laisser une note et un commentaire sur Apple Podcast, Deezer ou votre plateforme d'écoute ! Ainsi, ces incipits arriveront dans les oreilles d'autres amoureuses et amoureux des belles histoires (et cela donnera aussi de la force à Inky, Peete et moi pour continuer à vous parler de nos lectures).


🙀😻 Et retrouvez Inky et Peete sur Instagram.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Neu après neu, jour après jour, une vie durant, les mains de l'exécutant répétaient sans cesse les mêmes gestes, nouant et renouant sans cesse les fins cheveux, des cheveux si fins et si ténus que ses doigts finissaient immanquablement par trembler et ses yeux par faiblir de s'être si intensément concentrés. Et pourtant... L'avancée de l'ouvrage était à peine perceptible. Une bonne journée de travail avait comme maigre fruit un nouveau fragment de tapis dont la taille approximative n'excédait pas celle d'un ongle. Mais, malgré tout, l'homme se tenait là, accroupi, courbé au-dessus du châssis de bois craquant sur lequel son père et le père de son père s'étaient penchés avant lui, avec sous les yeux le vert grossissant hérité de ses ancêtres et rendu presque opaque d'avoir tant servi, les bras appuyés sur une planche polie calé sous sa poitrine et ne guidant l'aiguille qu'au seul bout de ses doigts. Tout à son ouvrage, il se tenait donc là, perpétuant nœud après nœud, une tradition ancestrale, jusqu'au moment où il fut saisi par une sorte de transe et où un bien-être parfait l'enveille. La douleur lancinante dans son dos s'évanouit et il cessa soudain de sentir le poids des années figées dans ses os. Il tendit l'oreille au bruit de toutes sortes produits par cette maison que les pères de ses pères avaient bâtie. Il entendit le souffle continu du vent balayer le toit et s'engouffrer par les fenêtres ouvertes. De la cuisine au rez-de-chaussée, lui parvart le cliquetis de la vaisselle qu'on entrechoque et les bavardages de ses femmes et de ses filles. Tous ces bruits lui étaient familiers. Parmi eux, il distingua la voix de la sage-femme qu'il hébergait depuis quelques jours sous son toit, car Garliad, sa concubine, attendait sa délivrance. Le carillon grinçant et quelque peu étouffé de la porte d'entrée lui parvint aux oreilles. Ensuite il entendit qu'on ouvrait au visiteur et il perçut, dans les murmures qui montaient jusqu'à lui, l'excitation que cette arrivée provoquait. Ce devait être la femme venue livrer des vivres, des étoffes et diverses marchandises. Elle avait promis de passer dans la journée. Puis l'escalier craqua sous le poids d'un pas lourd. C'était certainement l'une des femmes qui montait à son atelier et lui portait son déjeuner. À l'étage inférieur, elles étaient sans doute sur le point d'inviter la nouvelle venue à partager leur repas. espérant bien apprendre les derniers comérages et prête à se laisser convaincre d'acheter la première bricole venue. Il poussa un soupir, acheva le nœud qu'il avait entrepris, écarta le verre grossissant et se retourna. Devant lui se tenait Garliade, qui arborait un ventre énorme et tenait à la main une assiette fumante. Elle attendait qu'il l'autorisa à entrer, ce qu'il fit d'un geste impatient de la main. « Qu'est-ce qui leur prend de te laisser travailler dans ton état ? » grognait-il. « Tu as vraiment envie que ma fille vienne au monde dans un escalier ? » « Mais Ostwann, répliqua Garliad, je me sens très bien aujourd'hui. Où est mon fils ? » Elle hésita. « Je ne sais pas. » « Tu ne sais pas ? » « Je vais te le dire, moi, où il est ! » s'exclama-t-il, le souffle court. « À la ville, dans cette école, en train de se ruiner la vue et de se laisser embobiner par ses livres de malheur. Il a essayé de réparer le chauffage et il a dit qu'il allait chercher quelque chose. » Ostwann se leva péniblement de son tabouret et lui prit l'assiette des mains. Maudit soit le jour où je lui ai permis de fréquenter cette école de la ville. Jusque-là, Dieu ne s'était-il pas montré généreux envers moi ? Ne m'avait-il pas fait don de cinq filles et d'un seul fils, m'épargnant ainsi d'avoir à tuer un enfant ? Ne m'avait-il pas comblé en dotant mes femmes et mes filles de cheveux aux nuances si variées que je n'ai nul besoin de les teindre et que je puis, grâce à eux, tisser un tapis qui sera un jour digne de l'Empereur ? Mais alors, pourquoi le ciel ne permet-il pas que je fasse de mon fils un tisseur respectable ? Pourquoi ne puis-je espérer gagner ainsi ma place auprès de Dieu ? Pourquoi ne puis-je espérer l'aider un jour à nouer les fils du grand tapis de la vie ? « Tu ne devrais pas t'en prendre au ciel de la sorte, Ostwann. » « C'est à mon fils que je m'en prends. N'en ai-je pas le droit ? » « Et je comprends bien pourquoi sa mère évite de me monter les repas. » « Il faudrait que tu me donnes de l'argent pour payer de l'argent, toujours de l'argent. » Ostwann posa son assiette sur le rebord de la fenêtre et traîna les pieds jusqu'à un coffre scellé et orné d'une photographie du tapis que son père avait tissé. Ce coffre renfermait le reste de l'argent qu'avait rapporté la vente du tapis et Costfan avait réparti dans de petites boîtes étiquetées. portant chacune la marque d'une année. Il en sortit une pièce de monnaie. « Prends, mais souviens-toi que ce que nous possédons là doit suffire pour le reste de notre existence. Oui, Ostwann. Et quand Abrone rentrera, envoyez-le-moi immédiatement. Oui, Ostwann, répéta-t-elle en quittant l'atelier. Tous ses soucis, toutes ses contrariétés. Était-ce une vie ? Ostwann tira une chaise jusque devant la fenêtre ici assis pour prendre son repas. Son regard se perdit dans le paysage désertique, rocailleux et aride qui s'étendait à l'infini. Autrefois, il lui arrivait encore parfois d'y aller chercher certains minéraux indispensables à de secrètes préparations. À quelques reprises, il s'était également rendu en ville pour acheter des outils ou des substances chimiques. Mais depuis, il avait réuni tout ce dont il pourrait avoir besoin pour réaliser son tapis. Il y avait de grandes chances qu'il ne mit plus jamais le pied dehors. De surcroît, il n'était plus tout jeune. Il aurait bientôt achevé son œuvre, et il serait alors temps de penser à la mort. Vous écoutez Inky et Pete, ce livre. le podcast lecture en 15 minutes, à peu près, qui donne vie et voix aux premiers mots d'un livre et vous donne envie de découvrir les suivants. Ou pas. Je suis Mappal Davidal, amoureuse des jolis mots et des belles histoires. Vous venez d'écouter l'incipit de « Des milliards de tapis de cheveux » écrit par Andreas Eschbach en 1995. édité aux éditions La Talente en 1999, traduit de l'allemand par Claire Duval. Des milliards de tapis de cheveux, c'est l'histoire de... Eh bien en fait, c'est plein de petites histoires. C'est ce qu'on appelle un fix-up, c'est-à-dire plusieurs nouvelles, donc des histoires courtes, qui sont toutes liées entre elles par une thématique ou un univers commun. En l'occurrence ici, c'est 17 chapitres, donc 17 histoires, où il est majoritairement question de la galaxie de Gira. d'une planète en particulier au sein de cette galaxie, et encore plus précisément, du village de Ausha, et bien sûr de ses habitants. Mais pas que. Sur cette planète et dans toute cette galaxie, une tradition ancestrale occupe les hommes de génération en génération. Ils doivent tisser des tapis avec les cheveux de leur épouse, de leur concubine et de leur fille. Chaque tapis représente le travail d'une vie. Le fils du tisseur vend ensuite le tapis terminé, et l'argent gagné ainsi... sert à le faire vivre lui et sa famille pendant toute sa vie. Vie qu'il passe lui-même à tisser un tapis, qu'il transmet à son fils, etc. Ces tapis sont sacrés, car ils ornent le palais de l'empereur. Empereur qui semble régner depuis toujours, donc qui semble immortel, et qui est l'équivalent d'un dieu soleil. Mais une rumeur circule, de plus en plus fort, l'empereur serait mort, tué par des rebelles. Des milliards de tapis de cheveux, c'est un livre qui raconte comment les mythes structurent et guident nos vies. C'est une histoire à propos du poids des traditions et de la religion dans la vie de tous les jours. Celles et ceux qui remettent en cause ces traditions, cette religion, sont punis. Sévèrement. La moindre question, le moindre doute est tué dans l'œuf. En conséquence, c'est un éternel recommencement. La boucle est infinie. On tourne en rond, comme les nœuds de ces tapis finalement. Et tout ça pour quoi ? D'où vient cette tradition ? Qui l'a décidée ? Après tout, les gens savent à quoi servent ces tapis. Ils servent à décorer le palais de l'empereur. Donc pour une finalité de décoration, quelque chose d'accessoire, des centaines, des milliers, des milliards de vies sont ainsi modelées, contraintes, tout ça pour le plaisir d'un seul, d'un empereur, d'un tyran, ou peut-être d'un dieu. La solution la plus simple, ça serait peut-être de supprimer ce tyran. Et d'ailleurs ça tombe bien. Parce qu'on raconte qu'il est mort cet empereur. Mais évidemment, cette solution simple n'apporte pas que des conséquences faciles. Des milliards de tapis de cheveux, c'est aussi un livre qui parle de libre arbitre. Et surtout, d'absence de libre arbitre. Car même sans empereur, on se raccroche à ce qu'on a l'habitude de vivre. Donc quand la rumeur de la mort de l'empereur atteint ce petit village, personne n'y croit. On nie la mort de l'empereur. Car alors, à quoi bon décorer le palais d'un mort ? À quoi bon passer sa vie à tisser un tapis pour décorer quelque chose qui ne servira à personne ? Sauf si on crée un nouvel empereur. Alors, est-ce que l'empereur est mort, vive l'empereur ? L'empereur, finalement, est immortel, est associé au soleil, est associé à Dieu. Écoute des gens qui ont renversé l'empereur. Ceux-là savent la vérité. Ils savent que l'empereur n'était qu'un homme. Et pourtant, la superstition survit, même parmi eux. C'est plus fort que la raison. Et l'homme qui a tué l'empereur devient le chef des rebelles, et peut-être le nouvel empereur. Des milliards de tapis de cheveux, c'est aussi un livre qui parle d'amour. Et c'est peut-être là, finalement, que se cache le libre arbitre. L'amour de Dieu, d'un Dieu. L'amour, l'admiration, de l'autre, d'autrui. De l'amour filial aussi, de l'amour maternel. Aussi d'amour charnel. Et aussi, et surtout, d'amour fraternel et spirituel. De manière très simpliste, on pourrait croire que le message de ce roman est « faites l'amour, pas la guerre » . Mais en réalité, ce roman est surtout une mise en garde contre l'absence de pensée critique. Quand la pensée critique disparaît, Quand on cesse de questionner ce qui se passe, quand on cesse de s'aimer les uns les autres et de faire attention les uns aux autres, de faire attention tout court en fait, c'est là qu'on perd réellement son libre-arbitre. Des milliards de tapis de cheveux, c'est 17 chapitres, 17 histoires, avec à chaque fois ou presque des personnages différents. C'est un peu déroutant au début, on a un peu l'impression d'abandonner les personnages à leur sort, et puis petit à petit les pièces du puzzle s'imbriquent, les motifs et les fils de la tapisserie se rejoignent, pour former le canevas du grand dessin. La forme au service du fond. Et la boucle est bouclée. Des milliards de tapis de cheveux a reçu le prix allemand de science-fiction en 1995, le prix Bob Moran catégorie roman étranger en 2000, le grand prix de l'imaginaire du meilleur roman étranger en 2001 et le prix Ignotus du meilleur roman étranger en 2005. C'est un roman de science-fiction d'une grande originalité et d'une grande actualité. Donc si vous n'avez pas peur d'avoir le vertige, Devoir questionner votre libre arbitre, lisez « Des milliards de tapis de cheveux » de Andreas Eschbach aux éditions La Talente. Merci de m'avoir écoutée jusqu'au bout. Si vous avez passé un bon moment, dites-le moi, dites-le aussi à votre plateforme d'écoute, et n'hésitez pas à partager le podcast avec d'autres amoureux et amoureuses d'amour. A bientôt !

Chapters

  • Incipit, lu par Mafalda Vidal

    00:00

  • Pourquoi lire Des milliards de tapis de cheveux ?

    05:27

Description

Connaissez-vous la galaxie de Gheera ? Et la tradition qui s'y transmet de père en fils depuis des milliers d'années ?

Cette tradition qui consiste à tisser un tapis avec les cheveux de son épouse, de ses concubines et de ses filles ?

💇🏼‍♀️🪡💇🏾‍♀️


Embarquez pour un voyage dont vous ne reviendrez pas indemnes !


📚 Références :

titre : Des milliards de tapis de cheveux

auteur : Andreas Eschbach

traduction française : Claire Duval

couverture : Vincent Madras

éditeur : L'Atalante

site : www.l-atalante.com

à partir de 16 ans


🎙️ Au micro : Mafalda Vidal


🫶🏻 Abonnez-vous pour ne manquer aucun incipit !

Et si cet incipit vous a plu, n'hésitez pas à laisser une note et un commentaire sur Apple Podcast, Deezer ou votre plateforme d'écoute ! Ainsi, ces incipits arriveront dans les oreilles d'autres amoureuses et amoureux des belles histoires (et cela donnera aussi de la force à Inky, Peete et moi pour continuer à vous parler de nos lectures).


🙀😻 Et retrouvez Inky et Peete sur Instagram.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Neu après neu, jour après jour, une vie durant, les mains de l'exécutant répétaient sans cesse les mêmes gestes, nouant et renouant sans cesse les fins cheveux, des cheveux si fins et si ténus que ses doigts finissaient immanquablement par trembler et ses yeux par faiblir de s'être si intensément concentrés. Et pourtant... L'avancée de l'ouvrage était à peine perceptible. Une bonne journée de travail avait comme maigre fruit un nouveau fragment de tapis dont la taille approximative n'excédait pas celle d'un ongle. Mais, malgré tout, l'homme se tenait là, accroupi, courbé au-dessus du châssis de bois craquant sur lequel son père et le père de son père s'étaient penchés avant lui, avec sous les yeux le vert grossissant hérité de ses ancêtres et rendu presque opaque d'avoir tant servi, les bras appuyés sur une planche polie calé sous sa poitrine et ne guidant l'aiguille qu'au seul bout de ses doigts. Tout à son ouvrage, il se tenait donc là, perpétuant nœud après nœud, une tradition ancestrale, jusqu'au moment où il fut saisi par une sorte de transe et où un bien-être parfait l'enveille. La douleur lancinante dans son dos s'évanouit et il cessa soudain de sentir le poids des années figées dans ses os. Il tendit l'oreille au bruit de toutes sortes produits par cette maison que les pères de ses pères avaient bâtie. Il entendit le souffle continu du vent balayer le toit et s'engouffrer par les fenêtres ouvertes. De la cuisine au rez-de-chaussée, lui parvart le cliquetis de la vaisselle qu'on entrechoque et les bavardages de ses femmes et de ses filles. Tous ces bruits lui étaient familiers. Parmi eux, il distingua la voix de la sage-femme qu'il hébergait depuis quelques jours sous son toit, car Garliad, sa concubine, attendait sa délivrance. Le carillon grinçant et quelque peu étouffé de la porte d'entrée lui parvint aux oreilles. Ensuite il entendit qu'on ouvrait au visiteur et il perçut, dans les murmures qui montaient jusqu'à lui, l'excitation que cette arrivée provoquait. Ce devait être la femme venue livrer des vivres, des étoffes et diverses marchandises. Elle avait promis de passer dans la journée. Puis l'escalier craqua sous le poids d'un pas lourd. C'était certainement l'une des femmes qui montait à son atelier et lui portait son déjeuner. À l'étage inférieur, elles étaient sans doute sur le point d'inviter la nouvelle venue à partager leur repas. espérant bien apprendre les derniers comérages et prête à se laisser convaincre d'acheter la première bricole venue. Il poussa un soupir, acheva le nœud qu'il avait entrepris, écarta le verre grossissant et se retourna. Devant lui se tenait Garliade, qui arborait un ventre énorme et tenait à la main une assiette fumante. Elle attendait qu'il l'autorisa à entrer, ce qu'il fit d'un geste impatient de la main. « Qu'est-ce qui leur prend de te laisser travailler dans ton état ? » grognait-il. « Tu as vraiment envie que ma fille vienne au monde dans un escalier ? » « Mais Ostwann, répliqua Garliad, je me sens très bien aujourd'hui. Où est mon fils ? » Elle hésita. « Je ne sais pas. » « Tu ne sais pas ? » « Je vais te le dire, moi, où il est ! » s'exclama-t-il, le souffle court. « À la ville, dans cette école, en train de se ruiner la vue et de se laisser embobiner par ses livres de malheur. Il a essayé de réparer le chauffage et il a dit qu'il allait chercher quelque chose. » Ostwann se leva péniblement de son tabouret et lui prit l'assiette des mains. Maudit soit le jour où je lui ai permis de fréquenter cette école de la ville. Jusque-là, Dieu ne s'était-il pas montré généreux envers moi ? Ne m'avait-il pas fait don de cinq filles et d'un seul fils, m'épargnant ainsi d'avoir à tuer un enfant ? Ne m'avait-il pas comblé en dotant mes femmes et mes filles de cheveux aux nuances si variées que je n'ai nul besoin de les teindre et que je puis, grâce à eux, tisser un tapis qui sera un jour digne de l'Empereur ? Mais alors, pourquoi le ciel ne permet-il pas que je fasse de mon fils un tisseur respectable ? Pourquoi ne puis-je espérer gagner ainsi ma place auprès de Dieu ? Pourquoi ne puis-je espérer l'aider un jour à nouer les fils du grand tapis de la vie ? « Tu ne devrais pas t'en prendre au ciel de la sorte, Ostwann. » « C'est à mon fils que je m'en prends. N'en ai-je pas le droit ? » « Et je comprends bien pourquoi sa mère évite de me monter les repas. » « Il faudrait que tu me donnes de l'argent pour payer de l'argent, toujours de l'argent. » Ostwann posa son assiette sur le rebord de la fenêtre et traîna les pieds jusqu'à un coffre scellé et orné d'une photographie du tapis que son père avait tissé. Ce coffre renfermait le reste de l'argent qu'avait rapporté la vente du tapis et Costfan avait réparti dans de petites boîtes étiquetées. portant chacune la marque d'une année. Il en sortit une pièce de monnaie. « Prends, mais souviens-toi que ce que nous possédons là doit suffire pour le reste de notre existence. Oui, Ostwann. Et quand Abrone rentrera, envoyez-le-moi immédiatement. Oui, Ostwann, répéta-t-elle en quittant l'atelier. Tous ses soucis, toutes ses contrariétés. Était-ce une vie ? Ostwann tira une chaise jusque devant la fenêtre ici assis pour prendre son repas. Son regard se perdit dans le paysage désertique, rocailleux et aride qui s'étendait à l'infini. Autrefois, il lui arrivait encore parfois d'y aller chercher certains minéraux indispensables à de secrètes préparations. À quelques reprises, il s'était également rendu en ville pour acheter des outils ou des substances chimiques. Mais depuis, il avait réuni tout ce dont il pourrait avoir besoin pour réaliser son tapis. Il y avait de grandes chances qu'il ne mit plus jamais le pied dehors. De surcroît, il n'était plus tout jeune. Il aurait bientôt achevé son œuvre, et il serait alors temps de penser à la mort. Vous écoutez Inky et Pete, ce livre. le podcast lecture en 15 minutes, à peu près, qui donne vie et voix aux premiers mots d'un livre et vous donne envie de découvrir les suivants. Ou pas. Je suis Mappal Davidal, amoureuse des jolis mots et des belles histoires. Vous venez d'écouter l'incipit de « Des milliards de tapis de cheveux » écrit par Andreas Eschbach en 1995. édité aux éditions La Talente en 1999, traduit de l'allemand par Claire Duval. Des milliards de tapis de cheveux, c'est l'histoire de... Eh bien en fait, c'est plein de petites histoires. C'est ce qu'on appelle un fix-up, c'est-à-dire plusieurs nouvelles, donc des histoires courtes, qui sont toutes liées entre elles par une thématique ou un univers commun. En l'occurrence ici, c'est 17 chapitres, donc 17 histoires, où il est majoritairement question de la galaxie de Gira. d'une planète en particulier au sein de cette galaxie, et encore plus précisément, du village de Ausha, et bien sûr de ses habitants. Mais pas que. Sur cette planète et dans toute cette galaxie, une tradition ancestrale occupe les hommes de génération en génération. Ils doivent tisser des tapis avec les cheveux de leur épouse, de leur concubine et de leur fille. Chaque tapis représente le travail d'une vie. Le fils du tisseur vend ensuite le tapis terminé, et l'argent gagné ainsi... sert à le faire vivre lui et sa famille pendant toute sa vie. Vie qu'il passe lui-même à tisser un tapis, qu'il transmet à son fils, etc. Ces tapis sont sacrés, car ils ornent le palais de l'empereur. Empereur qui semble régner depuis toujours, donc qui semble immortel, et qui est l'équivalent d'un dieu soleil. Mais une rumeur circule, de plus en plus fort, l'empereur serait mort, tué par des rebelles. Des milliards de tapis de cheveux, c'est un livre qui raconte comment les mythes structurent et guident nos vies. C'est une histoire à propos du poids des traditions et de la religion dans la vie de tous les jours. Celles et ceux qui remettent en cause ces traditions, cette religion, sont punis. Sévèrement. La moindre question, le moindre doute est tué dans l'œuf. En conséquence, c'est un éternel recommencement. La boucle est infinie. On tourne en rond, comme les nœuds de ces tapis finalement. Et tout ça pour quoi ? D'où vient cette tradition ? Qui l'a décidée ? Après tout, les gens savent à quoi servent ces tapis. Ils servent à décorer le palais de l'empereur. Donc pour une finalité de décoration, quelque chose d'accessoire, des centaines, des milliers, des milliards de vies sont ainsi modelées, contraintes, tout ça pour le plaisir d'un seul, d'un empereur, d'un tyran, ou peut-être d'un dieu. La solution la plus simple, ça serait peut-être de supprimer ce tyran. Et d'ailleurs ça tombe bien. Parce qu'on raconte qu'il est mort cet empereur. Mais évidemment, cette solution simple n'apporte pas que des conséquences faciles. Des milliards de tapis de cheveux, c'est aussi un livre qui parle de libre arbitre. Et surtout, d'absence de libre arbitre. Car même sans empereur, on se raccroche à ce qu'on a l'habitude de vivre. Donc quand la rumeur de la mort de l'empereur atteint ce petit village, personne n'y croit. On nie la mort de l'empereur. Car alors, à quoi bon décorer le palais d'un mort ? À quoi bon passer sa vie à tisser un tapis pour décorer quelque chose qui ne servira à personne ? Sauf si on crée un nouvel empereur. Alors, est-ce que l'empereur est mort, vive l'empereur ? L'empereur, finalement, est immortel, est associé au soleil, est associé à Dieu. Écoute des gens qui ont renversé l'empereur. Ceux-là savent la vérité. Ils savent que l'empereur n'était qu'un homme. Et pourtant, la superstition survit, même parmi eux. C'est plus fort que la raison. Et l'homme qui a tué l'empereur devient le chef des rebelles, et peut-être le nouvel empereur. Des milliards de tapis de cheveux, c'est aussi un livre qui parle d'amour. Et c'est peut-être là, finalement, que se cache le libre arbitre. L'amour de Dieu, d'un Dieu. L'amour, l'admiration, de l'autre, d'autrui. De l'amour filial aussi, de l'amour maternel. Aussi d'amour charnel. Et aussi, et surtout, d'amour fraternel et spirituel. De manière très simpliste, on pourrait croire que le message de ce roman est « faites l'amour, pas la guerre » . Mais en réalité, ce roman est surtout une mise en garde contre l'absence de pensée critique. Quand la pensée critique disparaît, Quand on cesse de questionner ce qui se passe, quand on cesse de s'aimer les uns les autres et de faire attention les uns aux autres, de faire attention tout court en fait, c'est là qu'on perd réellement son libre-arbitre. Des milliards de tapis de cheveux, c'est 17 chapitres, 17 histoires, avec à chaque fois ou presque des personnages différents. C'est un peu déroutant au début, on a un peu l'impression d'abandonner les personnages à leur sort, et puis petit à petit les pièces du puzzle s'imbriquent, les motifs et les fils de la tapisserie se rejoignent, pour former le canevas du grand dessin. La forme au service du fond. Et la boucle est bouclée. Des milliards de tapis de cheveux a reçu le prix allemand de science-fiction en 1995, le prix Bob Moran catégorie roman étranger en 2000, le grand prix de l'imaginaire du meilleur roman étranger en 2001 et le prix Ignotus du meilleur roman étranger en 2005. C'est un roman de science-fiction d'une grande originalité et d'une grande actualité. Donc si vous n'avez pas peur d'avoir le vertige, Devoir questionner votre libre arbitre, lisez « Des milliards de tapis de cheveux » de Andreas Eschbach aux éditions La Talente. Merci de m'avoir écoutée jusqu'au bout. Si vous avez passé un bon moment, dites-le moi, dites-le aussi à votre plateforme d'écoute, et n'hésitez pas à partager le podcast avec d'autres amoureux et amoureuses d'amour. A bientôt !

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  • Incipit, lu par Mafalda Vidal

    00:00

  • Pourquoi lire Des milliards de tapis de cheveux ?

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Connaissez-vous la galaxie de Gheera ? Et la tradition qui s'y transmet de père en fils depuis des milliers d'années ?

Cette tradition qui consiste à tisser un tapis avec les cheveux de son épouse, de ses concubines et de ses filles ?

💇🏼‍♀️🪡💇🏾‍♀️


Embarquez pour un voyage dont vous ne reviendrez pas indemnes !


📚 Références :

titre : Des milliards de tapis de cheveux

auteur : Andreas Eschbach

traduction française : Claire Duval

couverture : Vincent Madras

éditeur : L'Atalante

site : www.l-atalante.com

à partir de 16 ans


🎙️ Au micro : Mafalda Vidal


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Et si cet incipit vous a plu, n'hésitez pas à laisser une note et un commentaire sur Apple Podcast, Deezer ou votre plateforme d'écoute ! Ainsi, ces incipits arriveront dans les oreilles d'autres amoureuses et amoureux des belles histoires (et cela donnera aussi de la force à Inky, Peete et moi pour continuer à vous parler de nos lectures).


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Neu après neu, jour après jour, une vie durant, les mains de l'exécutant répétaient sans cesse les mêmes gestes, nouant et renouant sans cesse les fins cheveux, des cheveux si fins et si ténus que ses doigts finissaient immanquablement par trembler et ses yeux par faiblir de s'être si intensément concentrés. Et pourtant... L'avancée de l'ouvrage était à peine perceptible. Une bonne journée de travail avait comme maigre fruit un nouveau fragment de tapis dont la taille approximative n'excédait pas celle d'un ongle. Mais, malgré tout, l'homme se tenait là, accroupi, courbé au-dessus du châssis de bois craquant sur lequel son père et le père de son père s'étaient penchés avant lui, avec sous les yeux le vert grossissant hérité de ses ancêtres et rendu presque opaque d'avoir tant servi, les bras appuyés sur une planche polie calé sous sa poitrine et ne guidant l'aiguille qu'au seul bout de ses doigts. Tout à son ouvrage, il se tenait donc là, perpétuant nœud après nœud, une tradition ancestrale, jusqu'au moment où il fut saisi par une sorte de transe et où un bien-être parfait l'enveille. La douleur lancinante dans son dos s'évanouit et il cessa soudain de sentir le poids des années figées dans ses os. Il tendit l'oreille au bruit de toutes sortes produits par cette maison que les pères de ses pères avaient bâtie. Il entendit le souffle continu du vent balayer le toit et s'engouffrer par les fenêtres ouvertes. De la cuisine au rez-de-chaussée, lui parvart le cliquetis de la vaisselle qu'on entrechoque et les bavardages de ses femmes et de ses filles. Tous ces bruits lui étaient familiers. Parmi eux, il distingua la voix de la sage-femme qu'il hébergait depuis quelques jours sous son toit, car Garliad, sa concubine, attendait sa délivrance. Le carillon grinçant et quelque peu étouffé de la porte d'entrée lui parvint aux oreilles. Ensuite il entendit qu'on ouvrait au visiteur et il perçut, dans les murmures qui montaient jusqu'à lui, l'excitation que cette arrivée provoquait. Ce devait être la femme venue livrer des vivres, des étoffes et diverses marchandises. Elle avait promis de passer dans la journée. Puis l'escalier craqua sous le poids d'un pas lourd. C'était certainement l'une des femmes qui montait à son atelier et lui portait son déjeuner. À l'étage inférieur, elles étaient sans doute sur le point d'inviter la nouvelle venue à partager leur repas. espérant bien apprendre les derniers comérages et prête à se laisser convaincre d'acheter la première bricole venue. Il poussa un soupir, acheva le nœud qu'il avait entrepris, écarta le verre grossissant et se retourna. Devant lui se tenait Garliade, qui arborait un ventre énorme et tenait à la main une assiette fumante. Elle attendait qu'il l'autorisa à entrer, ce qu'il fit d'un geste impatient de la main. « Qu'est-ce qui leur prend de te laisser travailler dans ton état ? » grognait-il. « Tu as vraiment envie que ma fille vienne au monde dans un escalier ? » « Mais Ostwann, répliqua Garliad, je me sens très bien aujourd'hui. Où est mon fils ? » Elle hésita. « Je ne sais pas. » « Tu ne sais pas ? » « Je vais te le dire, moi, où il est ! » s'exclama-t-il, le souffle court. « À la ville, dans cette école, en train de se ruiner la vue et de se laisser embobiner par ses livres de malheur. Il a essayé de réparer le chauffage et il a dit qu'il allait chercher quelque chose. » Ostwann se leva péniblement de son tabouret et lui prit l'assiette des mains. Maudit soit le jour où je lui ai permis de fréquenter cette école de la ville. Jusque-là, Dieu ne s'était-il pas montré généreux envers moi ? Ne m'avait-il pas fait don de cinq filles et d'un seul fils, m'épargnant ainsi d'avoir à tuer un enfant ? Ne m'avait-il pas comblé en dotant mes femmes et mes filles de cheveux aux nuances si variées que je n'ai nul besoin de les teindre et que je puis, grâce à eux, tisser un tapis qui sera un jour digne de l'Empereur ? Mais alors, pourquoi le ciel ne permet-il pas que je fasse de mon fils un tisseur respectable ? Pourquoi ne puis-je espérer gagner ainsi ma place auprès de Dieu ? Pourquoi ne puis-je espérer l'aider un jour à nouer les fils du grand tapis de la vie ? « Tu ne devrais pas t'en prendre au ciel de la sorte, Ostwann. » « C'est à mon fils que je m'en prends. N'en ai-je pas le droit ? » « Et je comprends bien pourquoi sa mère évite de me monter les repas. » « Il faudrait que tu me donnes de l'argent pour payer de l'argent, toujours de l'argent. » Ostwann posa son assiette sur le rebord de la fenêtre et traîna les pieds jusqu'à un coffre scellé et orné d'une photographie du tapis que son père avait tissé. Ce coffre renfermait le reste de l'argent qu'avait rapporté la vente du tapis et Costfan avait réparti dans de petites boîtes étiquetées. portant chacune la marque d'une année. Il en sortit une pièce de monnaie. « Prends, mais souviens-toi que ce que nous possédons là doit suffire pour le reste de notre existence. Oui, Ostwann. Et quand Abrone rentrera, envoyez-le-moi immédiatement. Oui, Ostwann, répéta-t-elle en quittant l'atelier. Tous ses soucis, toutes ses contrariétés. Était-ce une vie ? Ostwann tira une chaise jusque devant la fenêtre ici assis pour prendre son repas. Son regard se perdit dans le paysage désertique, rocailleux et aride qui s'étendait à l'infini. Autrefois, il lui arrivait encore parfois d'y aller chercher certains minéraux indispensables à de secrètes préparations. À quelques reprises, il s'était également rendu en ville pour acheter des outils ou des substances chimiques. Mais depuis, il avait réuni tout ce dont il pourrait avoir besoin pour réaliser son tapis. Il y avait de grandes chances qu'il ne mit plus jamais le pied dehors. De surcroît, il n'était plus tout jeune. Il aurait bientôt achevé son œuvre, et il serait alors temps de penser à la mort. Vous écoutez Inky et Pete, ce livre. le podcast lecture en 15 minutes, à peu près, qui donne vie et voix aux premiers mots d'un livre et vous donne envie de découvrir les suivants. Ou pas. Je suis Mappal Davidal, amoureuse des jolis mots et des belles histoires. Vous venez d'écouter l'incipit de « Des milliards de tapis de cheveux » écrit par Andreas Eschbach en 1995. édité aux éditions La Talente en 1999, traduit de l'allemand par Claire Duval. Des milliards de tapis de cheveux, c'est l'histoire de... Eh bien en fait, c'est plein de petites histoires. C'est ce qu'on appelle un fix-up, c'est-à-dire plusieurs nouvelles, donc des histoires courtes, qui sont toutes liées entre elles par une thématique ou un univers commun. En l'occurrence ici, c'est 17 chapitres, donc 17 histoires, où il est majoritairement question de la galaxie de Gira. d'une planète en particulier au sein de cette galaxie, et encore plus précisément, du village de Ausha, et bien sûr de ses habitants. Mais pas que. Sur cette planète et dans toute cette galaxie, une tradition ancestrale occupe les hommes de génération en génération. Ils doivent tisser des tapis avec les cheveux de leur épouse, de leur concubine et de leur fille. Chaque tapis représente le travail d'une vie. Le fils du tisseur vend ensuite le tapis terminé, et l'argent gagné ainsi... sert à le faire vivre lui et sa famille pendant toute sa vie. Vie qu'il passe lui-même à tisser un tapis, qu'il transmet à son fils, etc. Ces tapis sont sacrés, car ils ornent le palais de l'empereur. Empereur qui semble régner depuis toujours, donc qui semble immortel, et qui est l'équivalent d'un dieu soleil. Mais une rumeur circule, de plus en plus fort, l'empereur serait mort, tué par des rebelles. Des milliards de tapis de cheveux, c'est un livre qui raconte comment les mythes structurent et guident nos vies. C'est une histoire à propos du poids des traditions et de la religion dans la vie de tous les jours. Celles et ceux qui remettent en cause ces traditions, cette religion, sont punis. Sévèrement. La moindre question, le moindre doute est tué dans l'œuf. En conséquence, c'est un éternel recommencement. La boucle est infinie. On tourne en rond, comme les nœuds de ces tapis finalement. Et tout ça pour quoi ? D'où vient cette tradition ? Qui l'a décidée ? Après tout, les gens savent à quoi servent ces tapis. Ils servent à décorer le palais de l'empereur. Donc pour une finalité de décoration, quelque chose d'accessoire, des centaines, des milliers, des milliards de vies sont ainsi modelées, contraintes, tout ça pour le plaisir d'un seul, d'un empereur, d'un tyran, ou peut-être d'un dieu. La solution la plus simple, ça serait peut-être de supprimer ce tyran. Et d'ailleurs ça tombe bien. Parce qu'on raconte qu'il est mort cet empereur. Mais évidemment, cette solution simple n'apporte pas que des conséquences faciles. Des milliards de tapis de cheveux, c'est aussi un livre qui parle de libre arbitre. Et surtout, d'absence de libre arbitre. Car même sans empereur, on se raccroche à ce qu'on a l'habitude de vivre. Donc quand la rumeur de la mort de l'empereur atteint ce petit village, personne n'y croit. On nie la mort de l'empereur. Car alors, à quoi bon décorer le palais d'un mort ? À quoi bon passer sa vie à tisser un tapis pour décorer quelque chose qui ne servira à personne ? Sauf si on crée un nouvel empereur. Alors, est-ce que l'empereur est mort, vive l'empereur ? L'empereur, finalement, est immortel, est associé au soleil, est associé à Dieu. Écoute des gens qui ont renversé l'empereur. Ceux-là savent la vérité. Ils savent que l'empereur n'était qu'un homme. Et pourtant, la superstition survit, même parmi eux. C'est plus fort que la raison. Et l'homme qui a tué l'empereur devient le chef des rebelles, et peut-être le nouvel empereur. Des milliards de tapis de cheveux, c'est aussi un livre qui parle d'amour. Et c'est peut-être là, finalement, que se cache le libre arbitre. L'amour de Dieu, d'un Dieu. L'amour, l'admiration, de l'autre, d'autrui. De l'amour filial aussi, de l'amour maternel. Aussi d'amour charnel. Et aussi, et surtout, d'amour fraternel et spirituel. De manière très simpliste, on pourrait croire que le message de ce roman est « faites l'amour, pas la guerre » . Mais en réalité, ce roman est surtout une mise en garde contre l'absence de pensée critique. Quand la pensée critique disparaît, Quand on cesse de questionner ce qui se passe, quand on cesse de s'aimer les uns les autres et de faire attention les uns aux autres, de faire attention tout court en fait, c'est là qu'on perd réellement son libre-arbitre. Des milliards de tapis de cheveux, c'est 17 chapitres, 17 histoires, avec à chaque fois ou presque des personnages différents. C'est un peu déroutant au début, on a un peu l'impression d'abandonner les personnages à leur sort, et puis petit à petit les pièces du puzzle s'imbriquent, les motifs et les fils de la tapisserie se rejoignent, pour former le canevas du grand dessin. La forme au service du fond. Et la boucle est bouclée. Des milliards de tapis de cheveux a reçu le prix allemand de science-fiction en 1995, le prix Bob Moran catégorie roman étranger en 2000, le grand prix de l'imaginaire du meilleur roman étranger en 2001 et le prix Ignotus du meilleur roman étranger en 2005. C'est un roman de science-fiction d'une grande originalité et d'une grande actualité. Donc si vous n'avez pas peur d'avoir le vertige, Devoir questionner votre libre arbitre, lisez « Des milliards de tapis de cheveux » de Andreas Eschbach aux éditions La Talente. Merci de m'avoir écoutée jusqu'au bout. Si vous avez passé un bon moment, dites-le moi, dites-le aussi à votre plateforme d'écoute, et n'hésitez pas à partager le podcast avec d'autres amoureux et amoureuses d'amour. A bientôt !

Chapters

  • Incipit, lu par Mafalda Vidal

    00:00

  • Pourquoi lire Des milliards de tapis de cheveux ?

    05:27

Description

Connaissez-vous la galaxie de Gheera ? Et la tradition qui s'y transmet de père en fils depuis des milliers d'années ?

Cette tradition qui consiste à tisser un tapis avec les cheveux de son épouse, de ses concubines et de ses filles ?

💇🏼‍♀️🪡💇🏾‍♀️


Embarquez pour un voyage dont vous ne reviendrez pas indemnes !


📚 Références :

titre : Des milliards de tapis de cheveux

auteur : Andreas Eschbach

traduction française : Claire Duval

couverture : Vincent Madras

éditeur : L'Atalante

site : www.l-atalante.com

à partir de 16 ans


🎙️ Au micro : Mafalda Vidal


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Transcription

  • Speaker #0

    Neu après neu, jour après jour, une vie durant, les mains de l'exécutant répétaient sans cesse les mêmes gestes, nouant et renouant sans cesse les fins cheveux, des cheveux si fins et si ténus que ses doigts finissaient immanquablement par trembler et ses yeux par faiblir de s'être si intensément concentrés. Et pourtant... L'avancée de l'ouvrage était à peine perceptible. Une bonne journée de travail avait comme maigre fruit un nouveau fragment de tapis dont la taille approximative n'excédait pas celle d'un ongle. Mais, malgré tout, l'homme se tenait là, accroupi, courbé au-dessus du châssis de bois craquant sur lequel son père et le père de son père s'étaient penchés avant lui, avec sous les yeux le vert grossissant hérité de ses ancêtres et rendu presque opaque d'avoir tant servi, les bras appuyés sur une planche polie calé sous sa poitrine et ne guidant l'aiguille qu'au seul bout de ses doigts. Tout à son ouvrage, il se tenait donc là, perpétuant nœud après nœud, une tradition ancestrale, jusqu'au moment où il fut saisi par une sorte de transe et où un bien-être parfait l'enveille. La douleur lancinante dans son dos s'évanouit et il cessa soudain de sentir le poids des années figées dans ses os. Il tendit l'oreille au bruit de toutes sortes produits par cette maison que les pères de ses pères avaient bâtie. Il entendit le souffle continu du vent balayer le toit et s'engouffrer par les fenêtres ouvertes. De la cuisine au rez-de-chaussée, lui parvart le cliquetis de la vaisselle qu'on entrechoque et les bavardages de ses femmes et de ses filles. Tous ces bruits lui étaient familiers. Parmi eux, il distingua la voix de la sage-femme qu'il hébergait depuis quelques jours sous son toit, car Garliad, sa concubine, attendait sa délivrance. Le carillon grinçant et quelque peu étouffé de la porte d'entrée lui parvint aux oreilles. Ensuite il entendit qu'on ouvrait au visiteur et il perçut, dans les murmures qui montaient jusqu'à lui, l'excitation que cette arrivée provoquait. Ce devait être la femme venue livrer des vivres, des étoffes et diverses marchandises. Elle avait promis de passer dans la journée. Puis l'escalier craqua sous le poids d'un pas lourd. C'était certainement l'une des femmes qui montait à son atelier et lui portait son déjeuner. À l'étage inférieur, elles étaient sans doute sur le point d'inviter la nouvelle venue à partager leur repas. espérant bien apprendre les derniers comérages et prête à se laisser convaincre d'acheter la première bricole venue. Il poussa un soupir, acheva le nœud qu'il avait entrepris, écarta le verre grossissant et se retourna. Devant lui se tenait Garliade, qui arborait un ventre énorme et tenait à la main une assiette fumante. Elle attendait qu'il l'autorisa à entrer, ce qu'il fit d'un geste impatient de la main. « Qu'est-ce qui leur prend de te laisser travailler dans ton état ? » grognait-il. « Tu as vraiment envie que ma fille vienne au monde dans un escalier ? » « Mais Ostwann, répliqua Garliad, je me sens très bien aujourd'hui. Où est mon fils ? » Elle hésita. « Je ne sais pas. » « Tu ne sais pas ? » « Je vais te le dire, moi, où il est ! » s'exclama-t-il, le souffle court. « À la ville, dans cette école, en train de se ruiner la vue et de se laisser embobiner par ses livres de malheur. Il a essayé de réparer le chauffage et il a dit qu'il allait chercher quelque chose. » Ostwann se leva péniblement de son tabouret et lui prit l'assiette des mains. Maudit soit le jour où je lui ai permis de fréquenter cette école de la ville. Jusque-là, Dieu ne s'était-il pas montré généreux envers moi ? Ne m'avait-il pas fait don de cinq filles et d'un seul fils, m'épargnant ainsi d'avoir à tuer un enfant ? Ne m'avait-il pas comblé en dotant mes femmes et mes filles de cheveux aux nuances si variées que je n'ai nul besoin de les teindre et que je puis, grâce à eux, tisser un tapis qui sera un jour digne de l'Empereur ? Mais alors, pourquoi le ciel ne permet-il pas que je fasse de mon fils un tisseur respectable ? Pourquoi ne puis-je espérer gagner ainsi ma place auprès de Dieu ? Pourquoi ne puis-je espérer l'aider un jour à nouer les fils du grand tapis de la vie ? « Tu ne devrais pas t'en prendre au ciel de la sorte, Ostwann. » « C'est à mon fils que je m'en prends. N'en ai-je pas le droit ? » « Et je comprends bien pourquoi sa mère évite de me monter les repas. » « Il faudrait que tu me donnes de l'argent pour payer de l'argent, toujours de l'argent. » Ostwann posa son assiette sur le rebord de la fenêtre et traîna les pieds jusqu'à un coffre scellé et orné d'une photographie du tapis que son père avait tissé. Ce coffre renfermait le reste de l'argent qu'avait rapporté la vente du tapis et Costfan avait réparti dans de petites boîtes étiquetées. portant chacune la marque d'une année. Il en sortit une pièce de monnaie. « Prends, mais souviens-toi que ce que nous possédons là doit suffire pour le reste de notre existence. Oui, Ostwann. Et quand Abrone rentrera, envoyez-le-moi immédiatement. Oui, Ostwann, répéta-t-elle en quittant l'atelier. Tous ses soucis, toutes ses contrariétés. Était-ce une vie ? Ostwann tira une chaise jusque devant la fenêtre ici assis pour prendre son repas. Son regard se perdit dans le paysage désertique, rocailleux et aride qui s'étendait à l'infini. Autrefois, il lui arrivait encore parfois d'y aller chercher certains minéraux indispensables à de secrètes préparations. À quelques reprises, il s'était également rendu en ville pour acheter des outils ou des substances chimiques. Mais depuis, il avait réuni tout ce dont il pourrait avoir besoin pour réaliser son tapis. Il y avait de grandes chances qu'il ne mit plus jamais le pied dehors. De surcroît, il n'était plus tout jeune. Il aurait bientôt achevé son œuvre, et il serait alors temps de penser à la mort. Vous écoutez Inky et Pete, ce livre. le podcast lecture en 15 minutes, à peu près, qui donne vie et voix aux premiers mots d'un livre et vous donne envie de découvrir les suivants. Ou pas. Je suis Mappal Davidal, amoureuse des jolis mots et des belles histoires. Vous venez d'écouter l'incipit de « Des milliards de tapis de cheveux » écrit par Andreas Eschbach en 1995. édité aux éditions La Talente en 1999, traduit de l'allemand par Claire Duval. Des milliards de tapis de cheveux, c'est l'histoire de... Eh bien en fait, c'est plein de petites histoires. C'est ce qu'on appelle un fix-up, c'est-à-dire plusieurs nouvelles, donc des histoires courtes, qui sont toutes liées entre elles par une thématique ou un univers commun. En l'occurrence ici, c'est 17 chapitres, donc 17 histoires, où il est majoritairement question de la galaxie de Gira. d'une planète en particulier au sein de cette galaxie, et encore plus précisément, du village de Ausha, et bien sûr de ses habitants. Mais pas que. Sur cette planète et dans toute cette galaxie, une tradition ancestrale occupe les hommes de génération en génération. Ils doivent tisser des tapis avec les cheveux de leur épouse, de leur concubine et de leur fille. Chaque tapis représente le travail d'une vie. Le fils du tisseur vend ensuite le tapis terminé, et l'argent gagné ainsi... sert à le faire vivre lui et sa famille pendant toute sa vie. Vie qu'il passe lui-même à tisser un tapis, qu'il transmet à son fils, etc. Ces tapis sont sacrés, car ils ornent le palais de l'empereur. Empereur qui semble régner depuis toujours, donc qui semble immortel, et qui est l'équivalent d'un dieu soleil. Mais une rumeur circule, de plus en plus fort, l'empereur serait mort, tué par des rebelles. Des milliards de tapis de cheveux, c'est un livre qui raconte comment les mythes structurent et guident nos vies. C'est une histoire à propos du poids des traditions et de la religion dans la vie de tous les jours. Celles et ceux qui remettent en cause ces traditions, cette religion, sont punis. Sévèrement. La moindre question, le moindre doute est tué dans l'œuf. En conséquence, c'est un éternel recommencement. La boucle est infinie. On tourne en rond, comme les nœuds de ces tapis finalement. Et tout ça pour quoi ? D'où vient cette tradition ? Qui l'a décidée ? Après tout, les gens savent à quoi servent ces tapis. Ils servent à décorer le palais de l'empereur. Donc pour une finalité de décoration, quelque chose d'accessoire, des centaines, des milliers, des milliards de vies sont ainsi modelées, contraintes, tout ça pour le plaisir d'un seul, d'un empereur, d'un tyran, ou peut-être d'un dieu. La solution la plus simple, ça serait peut-être de supprimer ce tyran. Et d'ailleurs ça tombe bien. Parce qu'on raconte qu'il est mort cet empereur. Mais évidemment, cette solution simple n'apporte pas que des conséquences faciles. Des milliards de tapis de cheveux, c'est aussi un livre qui parle de libre arbitre. Et surtout, d'absence de libre arbitre. Car même sans empereur, on se raccroche à ce qu'on a l'habitude de vivre. Donc quand la rumeur de la mort de l'empereur atteint ce petit village, personne n'y croit. On nie la mort de l'empereur. Car alors, à quoi bon décorer le palais d'un mort ? À quoi bon passer sa vie à tisser un tapis pour décorer quelque chose qui ne servira à personne ? Sauf si on crée un nouvel empereur. Alors, est-ce que l'empereur est mort, vive l'empereur ? L'empereur, finalement, est immortel, est associé au soleil, est associé à Dieu. Écoute des gens qui ont renversé l'empereur. Ceux-là savent la vérité. Ils savent que l'empereur n'était qu'un homme. Et pourtant, la superstition survit, même parmi eux. C'est plus fort que la raison. Et l'homme qui a tué l'empereur devient le chef des rebelles, et peut-être le nouvel empereur. Des milliards de tapis de cheveux, c'est aussi un livre qui parle d'amour. Et c'est peut-être là, finalement, que se cache le libre arbitre. L'amour de Dieu, d'un Dieu. L'amour, l'admiration, de l'autre, d'autrui. De l'amour filial aussi, de l'amour maternel. Aussi d'amour charnel. Et aussi, et surtout, d'amour fraternel et spirituel. De manière très simpliste, on pourrait croire que le message de ce roman est « faites l'amour, pas la guerre » . Mais en réalité, ce roman est surtout une mise en garde contre l'absence de pensée critique. Quand la pensée critique disparaît, Quand on cesse de questionner ce qui se passe, quand on cesse de s'aimer les uns les autres et de faire attention les uns aux autres, de faire attention tout court en fait, c'est là qu'on perd réellement son libre-arbitre. Des milliards de tapis de cheveux, c'est 17 chapitres, 17 histoires, avec à chaque fois ou presque des personnages différents. C'est un peu déroutant au début, on a un peu l'impression d'abandonner les personnages à leur sort, et puis petit à petit les pièces du puzzle s'imbriquent, les motifs et les fils de la tapisserie se rejoignent, pour former le canevas du grand dessin. La forme au service du fond. Et la boucle est bouclée. Des milliards de tapis de cheveux a reçu le prix allemand de science-fiction en 1995, le prix Bob Moran catégorie roman étranger en 2000, le grand prix de l'imaginaire du meilleur roman étranger en 2001 et le prix Ignotus du meilleur roman étranger en 2005. C'est un roman de science-fiction d'une grande originalité et d'une grande actualité. Donc si vous n'avez pas peur d'avoir le vertige, Devoir questionner votre libre arbitre, lisez « Des milliards de tapis de cheveux » de Andreas Eschbach aux éditions La Talente. Merci de m'avoir écoutée jusqu'au bout. Si vous avez passé un bon moment, dites-le moi, dites-le aussi à votre plateforme d'écoute, et n'hésitez pas à partager le podcast avec d'autres amoureux et amoureuses d'amour. A bientôt !

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  • Pourquoi lire Des milliards de tapis de cheveux ?

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