- Pascale Lafitte
Bonjour, bienvenue, je suis Pascale Lafitte et je suis ravie de vous retrouver pour un nouvel épisode d'Internes en médecine, le podcast à suivre sans ordonnance ni modération. Une série de rencontres et de conversations avec des internes en médecine. Une émission réalisée en partenariat avec l'ISNI, l'intersyndicale national des internes. Pour cet épisode, j'ai rencontré Benoît, interne en oncologie médicale. Benoît effectue aujourd'hui son cinquième semestre d'internat à Lyon. Il lui reste donc deux ans et des poussières à accomplir avant d'avoir, je le cite, la possibilité de pouvoir s'installer librement où il le souhaite. Benoît, à qui j'ai demandé si certains de ces patients l'avaient plus particulièrement marqué.
- Benoît, interne en oncologie médicale
Oui, il y a des patients qui peuvent effectivement plus marquer que d'autres. Et d'ailleurs, ces patients-là, ils sont... particuliers à un médecin. Il n'y a pas un patient qui va marquer tous les médecins. Il y a des situations particulières. Dans ce cas-là, si la charge émotionnelle est trop importante, ça m'est arrivé plusieurs fois, mais on a la possibilité de passer la main, de transmettre le dossier à un autre médecin, à un autre interne, même de dire au seigneur, bon, la situation devient très compliquée. Je pense qu'il y a... On doit respecter les émotions qu'on ressent lorsqu'on soigne les malades, mais il ne faut pas que ça en devienne une situation qui nous mette en difficulté ou qui mette en jeu notre bien-être au point d'être perdu dans la vie, dans notre rôle de médecin, etc.
- Pascale Lafitte
Avec Benoît, nous nous sommes rencontrés au centre de lutte contre le cancer de l'hôpital Édouard Hériot à Lyon, dans la salle de garde des internes. Un lieu assez vaste, avec cuisine et salon, d'immenses canapés, le tout bien qu'un peu vétuste, étant plutôt agréable, baigné de lumière et avec un baby-foot. Benoît, jeune médecin qui s'éclaire lorsque nous parlons métier, technique, science. Benoît qui explique pourquoi il a choisi l'oncologie médicale. en particulier, et qui nous dit se sentir libre, libre d'arrêter médecine s'il le veut, de continuer s'il le veut, libre de devenir le médecin qu'il veut. Benoît, qui nous explique avant tout ça pourquoi il a décidé d'étudier la médecine.
- Benoît, interne en oncologie médicale
Je n'ai jamais trop réfléchi à ça avant d'y être. Je pense que ça s'est fait naturellement dans ma famille. J'ai connu assez tôt le handicap avec une personne de ma famille très handicapée. Et finalement, inconsciemment, plutôt qu'avoir l'envie de devenir aviateur ou volcanologue, comme on peut rêver quand on est jeune, naturellement, j'ai voulu devenir médecin. Et voilà, avec un copain, on s'est dit qu'on allait devenir médecin. Et je me suis embarqué dans ces études sans trop réfléchir. Et c'est qu'après que je me suis posé la question de pourquoi j'étais allé vers cette voie-là. Et je pense que c'est... inconsciemment avec l'histoire familiale que j'ai.
- Pascale Lafitte
Ça veut dire que vous n'avez pas de parents médecins, par exemple, de grands-parents médecins, on faisait autre chose chez vous ?
- Benoît, interne en oncologie médicale
Effectivement, alors ma mère est devenue aide-soignante, mais a posteriori. Une fois que j'ai commencé mes études, je n'ai jamais connu de parents médecins, ni même au premier degré, ni dans la famille un petit peu plus éloignée.
- Pascale Lafitte
Là, vous êtes interne. Est-ce que vous vous souvenez de votre... Premier jour à l'internat, parce que lorsque vous êtes interne, vous êtes médecin. Pas encore docteur, ça va venir, mais médecin. Vous vous souvenez de cette première journée ?
- Benoît, interne en oncologie médicale
Je me rappellerai très longtemps de cette première journée. Je passe la première journée, on est accueilli par l'administration de l'hôpital et on nous donne différents papiers. Finalement, cette journée, elle n'est pas dans les services, mais ma première journée a été mon deuxième jour officiel. où j'ai commencé à faire la visite dans le service le matin. Et brusquement, à midi, arrive l'urgence la plus grave qui peut nous arriver, l'arrêt cardiaque. Et donc, mon premier jour d'interne dans un service, j'ai connu ma plus grande peur, l'arrêt cardiaque. Et finalement, ça m'a permis un petit peu de décomplexer très vite mon statut d'interne, puisque j'ai directement mis les mains dans le cambouis. et voilà. Bien sûr... L'équipe soignante autour était très efficace, sûrement plus efficace que moi, mais effectivement on est allé au massage cardiaque, la patiente est allée ensuite en réanimation, mais bon c'est un souvenir gravé et voilà, c'est mon premier jour d'internat.
- Pascale Lafitte
On flippe dans ces cas-là ?
- Benoît, interne en oncologie médicale
C'est après qu'on se rend compte de ce qui s'est passé. En fait la tension est tellement palpable, l'adrénaline est tellement forte à ce moment-là qu'on n'a pas le temps d'avoir peur finalement. C'est qu'après qu'on se rend compte de ce qui s'est passé, c'est à la redescente que ça peut être dur.
- Pascale Lafitte
Pourquoi est-ce que vous avez choisi comme spécialité, l'oncologie ?
- Benoît, interne en oncologie médicale
Pour deux raisons principales. La première, c'est que j'aime les gens, j'aime la relation qu'on peut créer avec les gens sur le long cours. Et je trouve que lorsque chez les patients qui ont un cancer, la relation est vraiment très intense. Il existe beaucoup de maladies graves en dehors du cancer, mais le cancer a une certaine résonance chez les patients. par la gravité de la maladie. Alors heureusement, maintenant, on peut en guérir et beaucoup de patients guérissent du cancer. Mais les patients sont souvent en grande difficulté, à la fois physiquement, à la fois psychologiquement. Et je trouve que les relations humaines sont simplifiées. Et les relations sont souvent très intenses. Et j'apprends beaucoup des patients, j'apprends beaucoup sur moi. C'est la première raison pour laquelle j'ai fait oncologue médical. La deuxième, c'est parce que j'ai un attrait aussi pour la recherche scientifique. J'aime beaucoup la biologie, notamment la biologie du système immunitaire. C'est un pan également qui m'intéresse beaucoup. J'ai pu déjà un peu approcher la recherche. J'avais envie de poursuivre dans cette voie et de faire de la recherche sur le cancer.
- Pascale Lafitte
On va développer les deux points. Je vais d'abord aller sur le premier que vous avez évoqué, c'est-à-dire la relation au patient. C'est vrai que toutes les spécialités médicales ne permettent pas... pas une relation aussi intense, de revoir les patients aussi souvent. En cancéro, vous revoyez les patients très souvent et puis, comme vous l'avez dit, c'est une maladie, ne serait-ce que le mot cancer. Quand on vous l'annonce, je ne sais pas si vous êtes amené à annoncer vous, en tant qu'interne, encore la maladie au patient, mais je suppose que c'est un coup de massue. Et donc, il faut apprendre à leur parler, c'est quelque chose d'important. Comment vous, en tant qu'interne, vous apprenez ça ?
- Benoît, interne en oncologie médicale
Alors je dirais qu'il y a à la fois beaucoup d'expérience pour faire ce genre d'annonce. Alors heureusement, les annonces sont principalement faites par nos seniors qui le font lors des consultations qui sont dédiées. Après, effectivement, nous on arrive en deuxième ligne, mais il est possible qu'on soit amené en cas d'urgence. ou même la nuit quand on est en garde, d'annoncer des choses assez difficiles. Je pense que d'abord, c'est beaucoup d'humanité, d'empathie qu'il faut avoir. Et il y a à la fois la personnalité de l'interne, du médecin qui rejaillit à ce moment-là, mais il y a aussi beaucoup d'expérience. Apprendre à trouver les bons mots, le bon phrasé, faire attention notamment au silence. Le silence est parfois davantage important que certains mots. c'est-à-dire d'arrêter de parler, de laisser le patient réfléchir, d'essayer de trouver les mots qui sont les plus justes pour décrire leur situation. Et il faut respecter ces temps de silence. Et donc c'est beaucoup d'expérience, à la fois lorsqu'on pratique certaines annonces difficiles, lorsqu'on parle au patient, mais aussi en regardant nos seigneurs faire. J'ai au premier semestre une seigneur qui est... où je travaillais en binôme et effectivement j'ai beaucoup appris d'elle et je m'inspire beaucoup des annonces qu'elle faisait. Et puis on a la chance aussi d'avoir quelques cours. On avait un cours de communication, on a pu se voir. Nos enseignants avaient organisé des jeux avec des acteurs, des vrais acteurs. Et on avait la possibilité d'être filmé à ce moment-là, au moment où on faisait des annonces. Et c'est très intéressant de se voir et de se critiquer. donc voilà il y a Il y a à la fois de l'expérience qu'on vit en stage, des cours théoriques, mais je pense surtout qu'il faut garder de l'humanité à ces moments-là qui sont importants pour le patient, d'où ils se souviendront à vie. Donc voilà, il ne faut pas se louper sur ces moments-là.
- Pascale Lafitte
Vous avez dit qu'eux aussi, les patients, ils vous apportaient quelque chose. Ça passe par quoi, ce que vous apportent les patients ?
- Benoît, interne en oncologie médicale
Je pense qu'on a beaucoup à apprendre de leur résilience, de leur patience. Ils vivent des moments très difficiles et pourtant, ils acceptent tout ce qu'on leur propose. Ils acceptent de faire toutes les prises de sang, toutes les chimiothérapies et de supporter aussi tous les effets indésirables qu'on leur impose. Donc, je pense qu'on a beaucoup à apprendre de ça. Aussi, par projection, parfois, sans le vouloir, on se met à leur place. Par exemple, si on soigne des patients qui ont à peu près notre âge, on se dit, ça pourrait être moi à la place. Et parfois, en voyant leurs réactions par rapport à la maladie, ça nous apporte de belles leçons de vie. C'est comme ça que je trouve que les patients nous apprennent beaucoup.
- Pascale Lafitte
Vous pensez avoir changé depuis que vous avez choisi et ce métier et cette spécialité ?
- Benoît, interne en oncologie médicale
J'ai vécu dans une famille où il ne fallait pas forcément montrer ses sentiments. où il ne fallait pas pleurer, il ne fallait pas montrer qu'on était faible. J'ai fait aussi beaucoup de sport où la devise c'était d'être un petit peu le plus fort et d'aller toujours plus loin. Au fur et à mesure des études, j'ai appris qu'on avait le droit d'être triste, on avait le droit de montrer de l'empathie. Je pense que ça ne m'a pas changé. Mais ça m'a appris à montrer certains sentiments, à ne plus me cacher et à discuter de ce que je pouvais ressentir au quotidien. Internant médecine, le podcast à suivre sans ordonnance ni modération.
- Pascale Lafitte
Est-ce qu'oncologue, interne oncologue, c'est stressant comme internat ?
- Benoît, interne en oncologie médicale
Au début, ce qui était principalement stressant pour moi, c'était les gardes. On se retrouve tout seul dans l'hôpital et on est en première ligne pour soigner les malades, avec un seigneur au téléphone, certes, avec possiblement d'autres médecins sur place, mais on est en première ligne. C'était assez stressant parce que c'est nous, à ce moment-là, qu'avons... Un certain pouvoir de décision. La décision médicale n'est pas forcément facile à prendre. Ce n'est pas tout noir ou tout blanc. Souvent, on met en place des traitements et puis on voit si notre hypothèse était bonne quand les traitements fonctionnent. Et il faut accepter cette part d'incertitude dans la médecine. Au début, c'est ça qui me stressait le plus. C'était de devoir attendre pour voir si l'hypothèse et les traitements que je mettais en place étaient les bons en garde. Après, il y a des situations plus stressantes que d'autres. Je suis sûr que quand un patient se dégrade et qu'on a encore beaucoup d'espoir pour le guérir, il y a un petit stress d'être à la hauteur par rapport à la problématique du moment. Mais au-delà de ça, j'arrive bien à décharger en dehors. J'arrive à garder le moral au travail. Donc c'est important.
- Pascale Lafitte
Il y a une deuxième branche ou partie de votre internat que vous avez abordée, c'est le côté scientifique. Et vous avez parlé d'immunologie, mais en fait, je crois avoir compris que vous aviez fait un travail de recherche déjà. Mais je vais vous laisser expliquer parce que je n'ai peut-être pas tout bien compris.
- Benoît, interne en oncologie médicale
Je me suis effectivement arrêté un an pour faire un Master 2 de recherche avec une équipe d'immunologistes. Et ce fut une expérience vraiment très intéressante où j'ai découvert la biologie du cancer. Et depuis, je suis tombé amoureux de cette science.
- Pascale Lafitte
C'est ce qui aussi a participé à votre choix, non ? Puisque vous avez fait ça avant de choisir un internat, de faire de la cancérologie, de l'oncologie.
- Benoît, interne en oncologie médicale
Effectivement, j'ai beaucoup apprécié les cours et puis mon expérience en recherche en cancérologie. Je dirais que ce qui m'a vraiment aidé à prendre l'oncologie médicale, c'est surtout la rencontre déjà avec mon chef de Master 2, qui est oncologue médical, et avec qui je me suis très... Bien entendu, vraiment bien entendu. Et ce monsieur m'a donné vraiment envie de poursuivre dans cette voie. Je pense que si ce professeur avait été un professeur de réanimation, il m'aurait sûrement embarqué vers la réanimation. Donc voilà, j'ai bien aimé la recherche que j'ai fait avec. Mais je pense que c'est surtout d'avoir rencontré des gens inspirants qui m'ont orienté vers la recherche en cancérologie et l'oncologie médicale.
- Pascale Lafitte
C'est quoi l'immunologie ? Pour les béossiens qui nous écoutent et la béossienne que je suis ?
- Benoît, interne en oncologie médicale
Alors l'immunologie c'est tout simplement l'étude du système immunitaire, comment nos cellules et comment notre organisme se défend contre les différentes agressions qu'il peut rencontrer. Alors ça peut être des agressions extérieures, comme lorsqu'on est agressé par des bactéries, des virus. ou ça peut être des agressions qui viennent de l'intérieur, comme le cancer. Depuis de nombreuses années, on a bien compris que le système immunitaire était capable de reconnaître les cellules anormales du corps et de les détruire. En l'occurrence, le cancer est un ensemble de cellules anormales. On s'est rendu compte qu'on pouvait utiliser le système immunitaire pour combattre le cancer. De nombreuses thérapies sont arrivées récemment. sur le marché ont vraiment révolutionné la prise en charge des patients. L'immunothérapie est maintenant bien connue dans le monde et très utilisée. Les patients maintenant, ils connaissent la chimiothérapie, ils connaissent la radiothérapie et maintenant, quand on les voit en consultation, ils connaissent l'immunothérapie.
- Pascale Lafitte
C'est quelque chose qui est allé très vite, l'immunothérapie.
- Benoît, interne en oncologie médicale
En une dizaine d'années, l'utilisation de l'immunothérapie a vraiment explosé. après effectivement comme Toute révolution thérapeutique, on commence à voir la fin de la vague. On a essayé l'immunothérapie un peu partout, un peu dans tous les cancers, et on commence à se rendre compte qu'on a assez essayé, et maintenant il y a eu d'autres révolutions depuis. Je ne veux pas rentrer dans les détails, mais bon. Il n'empêche qu'on a encore besoin de connaître comment fonctionne le système immunitaire et comment on pourrait améliorer dans certaines situations son efficacité contre le cancer.
- Pascale Lafitte
Et les maladies auto-immunes, lorsque vous avez fait de l'immunologie, ça n'aurait pas pu vous attirer autant que la cancérologie ?
- Benoît, interne en oncologie médicale
Bonne question. Si on veut être immunologiste, il faut connaître également les pathologies auto-immunes. J'ai fait, dans le cadre de mon master, j'avais aussi beaucoup de cours sur les maladies auto-immunes et également sur l'immunologie de la greffe, la transplantation. quand on reçoit un... Un rein, quand on reçoit un foie, eh bien, parfois, on peut le rejeter et on sait que c'est le système immunitaire qui rejette ce greffon, ce transplant. Et donc, effectivement, si on est immunologiste, on doit connaître les maladies auto-immunes, on doit connaître la physiologie de la transplantation et ça doit nous inspirer pour mieux comprendre comment fonctionne le système immunitaire dans un contexte de cancer. Ça aurait pu m'attirer, mais les rencontres que j'ai faites à ce moment-là étaient plutôt dirigées vers le cancer. Je pense que c'est vraiment une question de rencontre. Je marche beaucoup à ça. On dit que l'ambiance au travail est importante et pour moi, elle l'est. J'ai rencontré des gens qui étaient très pédagogues, qui étaient bienveillants. C'est ce qui m'a permis d'être motivé et de poursuivre dans cette voie.
- Pascale Lafitte
Demain, vous savez ce que vous allez faire. Est-ce que vous pouvez être à nouveau attiré par de la recherche en laissant de côté l'aspect patient et médical ? Parce qu'on vous sent finalement très attaché à la recherche scientifique.
- Benoît, interne en oncologie médicale
Je dirais que ma vie serait plus facile si je n'aimais pas la recherche ou si je n'aimais pas les gens. J'ai encore du mal à choisir et j'ai plusieurs collègues qui sont dans cette situation. On nous demande beaucoup de travail avec les patients. On nous demande beaucoup de travail en recherche quand on s'implique dans cette voie-là. Et c'est très difficile d'être au four et au moulin. Je pense qu'actuellement, j'ai une plus grande plus-value à travailler du côté de la recherche ou de l'enseignement. mais c'est très difficile pour moi de quitter le monde clinique parce que finalement, il faut que la recherche s'inspire de ça. Donc voilà, les prochaines années, je me laisse l'internat pour découvrir plein de façons de travailler, de me faire des expériences à la fois en recherche et à la fois avec les patients. Et puis, je pense que si on est compétent, si on est bienveillant, On a toujours une place quelque part et on n'est pas obligé de rester pendant 40 ans à la même place. Il faut savoir se laisser du temps, il faut se laisser évoluer dans le temps. Et si à un moment on a envie de faire beaucoup de clinique avec les patients, c'est très bien. Si on a envie de faire de la recherche et de l'enseignement à un autre moment, il faut y aller. Après, effectivement, il y a un contexte aussi à prendre en compte. Il faut que... L'administration et puis les possibilités du moment le permettent, mais ça c'est notre affaire et c'est à nous aussi de pousser pour faire ce qui nous rend heureux à ce moment-là.
- Pascale Lafitte
En fait l'internat c'est beaucoup de travail. Je pense qu'on peut le rappeler, c'est beaucoup de travail. Vous allez nous le dire, je ne vais pas le dire à votre place. Mais c'est aussi pour vous comme un grand sas de réflexion sur cet univers où vous vous sentez attiré par l'humain et la recherche. On a ce sentiment-là que vous êtes, en tout cas pour vous, ça serait ça, comme une plateforme, comme un sas de réflexion. En tout cas, quelque chose de très bénéfique du coup.
- Benoît, interne en oncologie médicale
Oui, c'est vraiment bien l'internat, puis même les études de médecine pour vraiment découvrir qui on veut être, avoir différentes expériences, tout en ayant cet avantage de pouvoir changer tous les six mois de lieu de stage. Après, ça peut être aussi envahissant parce que quand on est très motivé, on a envie de s'engager partout, on a la thèse à rendre, on peut faire des projets pendant l'internat. et on... On peut être parfois surstimulé. On est motivé, on nous donne des projets. Et puis, on a envie de dire oui. On a envie de plaire. On a envie de montrer qu'on est motivé à nos seniors. Et parfois, ça peut être un petit peu envahissant. Donc l'internat, globalement, c'est vraiment très intéressant dans le développement personnel, dans l'apprentissage de soi, de la spécialité, des autres, etc. Mais il faut faire attention à ne pas trop se griller et savoir parfois dire non et de se mettre un petit peu en retrait.
- Pascale Lafitte
On peut être tenté par une sur-sollicitation des chefs qui vont vous demander, présente ça, fais-ci, fais... Parce que c'est ça qu'on peut vous demander. Et en même temps, pour son égo, c'est quand même plutôt sympathique quand un chef vous demande de faire une présentation ou quelque chose d'un peu précis.
- Benoît, interne en oncologie médicale
Oui, c'est valorisant. Après, c'est une question d'équilibre. Il faut savoir aussi parfois se reposer, parfois prendre un petit peu de recul. Globalement, ça reste quand même très positif, toutes ces sollicitations.
- Pascale Lafitte
Benoît, avec qui j'ai passé un bon moment à parler de son métier. de ses projets de l'internat et aussi de sa vision de ses longues années d'études. Benoît, un jeune médecin qui, demain, vous l'avez compris, fera peut-être moins de cliniques et plus de recherches. Il verra, car ça c'est pour demain. Aujourd'hui, après avoir évoqué les seniors que sont ses chefs, l'importance des rencontres professionnelles dans ses choix, nous avons mentionné les patients. Et je lui ai demandé si on pouvait, ou plus précisément s'il pouvait, se laisser envahir. débordé par ces malades.
- Benoît, interne en oncologie médicale
On peut se laisser envahir et je pense que si l'envahissement est trop important, cela peut vraiment être délétère pour le médecin et pour l'interne. On n'est pas des super héros, on ne peut pas répondre à toutes les sollicitations, on ne peut pas guérir toutes les maladies. Il faut également être conscient de ses limites et Oui, on peut se laisser envahir, mais je ne pense pas que ce soit une bonne chose. En tout cas, je parlais tout à l'heure de laisser la main aux collègues quand c'est trop lourd à gérer. Après, on parlait tout à l'heure des situations spécifiques. Il y a des histoires qui sont parfois compliquées. Quand on revient à la maison, on y pense beaucoup. Ça arrive certains soirs dans l'année, mais ça fait partie du métier. Et voilà, il faut que ce soit ponctuel et pas tout le temps.
- Pascale Lafitte
Et vous avez des... Truc à vous pour vous sortir du boulot. Vous avez parlé de sport, vous avez dit que avant peut-être de faire vos études de médecine, vous faisiez du sport. Est-ce que vous avez encore une discipline qui vous permet de... Allez, on pousse tout ça, c'est bien, mais j'ai une vie aussi et c'est important d'avoir une vie pour être bien après au travail.
- Benoît, interne en oncologie médicale
J'essaye toujours de faire une activité sportive par jour.
- Pascale Lafitte
Par jour ?
- Benoît, interne en oncologie médicale
Par jour, j'essaye, oui. Alors, parfois, le réveil sonne tôt. Les collègues le confirmeront, mais j'essaye. Je fais du kayak.
- Pascale Lafitte
Du kayak ici, à Lyon ?
- Benoît, interne en oncologie médicale
À Lyon, oui, à Confluence. Et ce qui est sympa, c'est que j'ai des collègues aussi au club qui m'accompagnent et qui sont aussi motivés que moi. Et ça permet de décharger, de discuter d'autres choses. Sur cette petite heure que j'ai chaque jour, alors ce n'est pas toujours le cas, parfois je finis trop tard ou parfois je suis trop fatigué. Parfois il y a des gardes, ou sur les repos de garde, parfois je suis trop fatigué, je dors. Mais globalement, j'essaie toujours d'avoir une petite heure pour moi dans la journée pour décharger. Alors souvent pendant ma séance de sport, alors bien que je m'entraîne et parfois que je fasse des séances très intenses, c'est vrai que mon... C'est un moment où ça me permet de faire le point sur ma journée, sur ce que j'ai fait de bien, moins bien. Et ça permet aussi de déconnecter. Parfois, je ne pense pas au boulot, heureusement. Et voilà, cette heure est vraiment importante pour moi.
- Pascale Lafitte
Vous n'avez aucun regret sur ce que vous avez décidé de faire lorsque vous êtes embarqué dans cette aventure, qui n'est quand même pas une aventure de trois ou quatre ans d'études ?
- Benoît, interne en oncologie médicale
Si je devais me... revenir en arrière au lycée et me reprojeter dans cette situation où je clique pour faire médecine, c'est vrai que je réfléchirais beaucoup plus à ce choix. Parce que c'était un choix qui n'était pas sans conséquence. Je ne pensais pas que les études allaient être aussi difficiles, notamment moralement. Après, a posteriori, c'est vrai que j'ai beaucoup appris sur moi. que je vis des expériences de vie qui sont quand même très fortes et que j'ai la chance tous les jours de ne pas regarder la montre. Chaque journée passe et je ne m'ennuie pas. Je me sens libre. Je me sens libre de pouvoir arrêter quand je veux, de continuer si je veux. Alors, j'entends bien qu'en tant que médecin, en tant que chercheur, il faut de l'engagement à long terme. Il faut de l'engagement pour les patients parce qu'ils ont envie d'avoir le même médecin pendant leur suivi. Et qu'en recherche, la recherche, elle prend du temps. Il faut monter des projets. Il faut les mener à bien. Il faut encadrer des étudiants et ça nécessite un engagement sur long terme. Mais je me sens libre. Je me sens libre de monter les projets que je veux, de devenir la personne que je veux, le médecin que je veux. Et je garderai cette liberté. Alors, pour répondre à votre question, est-ce que je serai médecin dans 40 ans ? Je ne sais pas. Mais en tout cas, je me sens libre d'être le médecin-chercheur ou le chercheur-médecin que je veux. Et ça, je pense que c'est le plus important.
- Pascale Lafitte
Mais vous n'avez pas répondu à la question du choix. Quand vous étiez au lycée, est-ce que vous cocheriez la case médecine ? Vous réfléchiriez un peu plus, vous m'avez dit.
- Benoît, interne en oncologie médicale
Je réfléchirais un peu plus, oui. Mais je pense que j'ai fait le bon choix. Je pense que j'ai fait le bon choix parce que j'avais besoin d'expériences comme ça. Et finalement, j'ai quand même l'impression de me réaliser chaque jour quand je suis au travail, que je sois en médecine ou en recherche. Mais je ne m'y attendais pas. C'est vrai, les premiers cycles, second cycle ont vraiment été lourds. J'ai pas eu, en tout cas sur le premier cycle surtout, j'ai pas eu cette liberté mentale. J'avais l'impression vraiment d'être enfermé. Et heureusement que j'ai connu la recherche et puis des gens formidables autour qui m'ont beaucoup apporté et qui m'ont ouvert l'esprit et qui m'ont rendu cette liberté.
- Pascale Lafitte
Pourtant on le dit, c'est très dur.
- Benoît, interne en oncologie médicale
Je pensais qu'il n'y avait que la première année et puis on m'a menti.
- Pascale Lafitte
On ne vous a pas tout dit.
- Benoît, interne en oncologie médicale
On ne m'a pas tout dit. Je pensais qu'il n'y avait que la première année et qu'après, on revenait à un rythme léger. Et finalement, je l'ai vraiment mal pris en deuxième année quand j'ai découvert la quantité de travail qu'il y avait. Et il m'a fallu quelques mois pour me remettre de cette omission ou de ce mensonge. Mais là, maintenant, je me sens bien et j'ai cette liberté d'esprit. Donc, je suis bien.
- Pascale Lafitte
Merci, Benoît.
- Benoît, interne en oncologie médicale
Merci à vous.
- Pascale Lafitte
Merci à vous tous de nous écouter. Merci de nous être fidèles et merci de porter les histoires et parcours de nos internes. Un mot encore, faites vivre et prospérer ces entretiens en vous abonnant et en partageant le lien. Vous pouvez me laisser un avis sur Apple Podcast et désormais sur Spotify. Et dites-moi si vous voulez partager votre parcours d'interne, si vous êtes interne. Moi, je viendrai vous rencontrer avec joie et surtout avec un micro en main. C'est important. Et quoi qu'il en soit, je vous dis à bientôt pour un prochain épisode d'Internes en médecine. Le podcast à suivre sans ordonnance ni modération. Cet épisode d'Internes en médecine vous a été proposé en partenariat avec l'ISNI, l'intersyndicale nationale des internes.