- Speaker #0
Bonjour et bienvenue dans J'ai 50 ans et alors un podcast qui accompagne nos transitions. Je suis Sandrine Corbiot, j'adore faciliter les liens, les prises de conscience et le changement. Dans ce podcast, je vous partage des inspirations, des réflexions, des rencontres qui enrichissent mon quotidien. Pas de recettes toutes faites, juste des moments authentiques pour vous inspirer. Un rendez-vous qui fait du bien, une parenthèse qu'on s'octroie dans son quotidien pour marcher vers soi à son rythme. Alors c'est vrai qu'à 50 ans, si on a des enfants, en principe, ils s'éloignent de nous, ils sont peut-être déjà partis, mais en tout cas ils s'éloignent. Et donc l'idée c'est, voilà, on les a mis au monde, mais aujourd'hui, qu'est-ce qu'on met au monde ? Qu'est-ce qu'on crée ? Avec quel impact ? Comment je peux me relier à ma capacité de créer, réveiller mon potentiel créatif, ce qui me tient à cœur ? Voilà, comment développer mes talents ? Donc pour moi, c'est une vraie question aujourd'hui, à 50 ans, et je suis ravie d'accueillir Philippe Brasseur, qui est là dans le studio avec nous, et qui est passionné par la créativité, qui s'est passionné depuis toujours pour le texte, l'image, qui est devenue... indépendant dans le domaine de la créativité. Il a écrit neuf livres, dont six sur la créativité. Et il intervient aussi beaucoup en entreprise pour aider les managers, les dirigeants à développer leur souplesse mentale. Il intervient aussi beaucoup dans l'éducation et auprès des particuliers pour développer un climat qui nous permet d'être plus créatifs. Donc, bonjour Philippe.
- Speaker #1
Bonjour Sandrine, merci de m'accueillir.
- Speaker #0
Avec grand plaisir. Alors, j'ai expliqué ton parcours en deux, trois minutes. Est-ce que tu peux prendre le temps, toi, de te présenter ? Et qu'est-ce qui fait que tu es arrivé là où tu en es aujourd'hui ?
- Speaker #1
Ce qui me vient à l'esprit, c'est que l'enfant en moi est resté présent. Une des choses que fait l'enfant, c'est dessiner, par exemple. Je n'ai pas arrêté de dessiner. C'est quelque chose qui m'a accompagné toute ma vie et qui est une manière pour moi d'être au monde. Le dessin, ce n'est pas la production qui m'intéresse, c'est le moment où je dessine, où quelque chose advient, qui vient de je ne sais pas où et qui passe à travers moi. Dans mon parcours, j'étais publicitaire, organisateur d'événements, rédacteur en chef de magazine pour enfants. Je me suis mis à mon compte à 35 ans parce que j'étais monté vite en grade dans la maison d'édition qui m'employait et l'envie de dessiner est revenue au galop. de faire quelque chose qui me ressemble en fait, et où je puisse vibrer avec toute ma sensibilité. Le hasard a fait que le premier livre que j'ai publié est un livre de commande. J'avais proposé toute une série de projets à une éditrice chez Casterman. Ils l'ont tous refusé, mais sur le pas de la porte, comme j'insistais un peu, il m'a commandé un livre sur la créativité pour les enfants, les parents, et plutôt pour les parents en fait, les parents éducateurs, mais pour reconnaître la créativité de l'enfant comme quelque chose d'essentiel chez lui. Et étant à ce moment-là parent déjà de trois enfants en bazar, j'avais entre un an et cinq ans. Les deux aînés qui avaient quatre et cinq ans étaient dans l'âge d'or, de l'imagination, de la souplesse mentale, pour reprendre les mots que tu as utilisés tout à l'heure. Et c'est très naturellement qu'avec passion, j'ai écrit ce bouquin qui a fait que je suis devenu ce à quoi je ne me destinais pas du tout, parce que moi je me voyais devenir auteur, illustrateur pour la jeunesse, mais rapidement je suis devenu conférencier, formateur. sur cette capacité essentielle de l'être humain qu'est la créativité, avec d'abord un public d'enseignants, pour moi c'est un vrai sacerdoce, de replacer la créativité au cœur même de l'apprentissage, du développement des individus, et puis après dans le monde de l'entreprise, d'organisation, etc.
- Speaker #0
Mais on a souvent des fausses idées par rapport à la créativité. C'est quoi exactement la créativité pour toi ?
- Speaker #1
Je vais commencer par la première partie de ta question, ce que ce n'est pas. Les fausses idées, c'est être créatif, c'est être un artiste. Être créatif, c'est être génial. C'est inventer quelque chose qui n'existait pas encore. Ça n'a rien à voir avec tout ça. C'est-à-dire qu'on confond souvent créativité et création. Pour moi, ce sont deux choses différentes déjà. La créativité peut se manifester de manière artistique, mais ce n'est pas son seul exutoire. Elle peut se manifester dans chaque activité humaine, même chez un comptable, un assureur. À quel moment est-ce que je décide de faire les choses de ma manière ?
- Speaker #0
C'est ça, être créatif.
- Speaker #1
C'est quitter la routine, l'automatisme, pour se poser la question, tiens, quelle est mon intention ? et comment est-ce que je peux atteindre mon intention d'une manière différente que ce que je fais d'habitude ou ce qu'on m'a toujours dit qu'il fallait faire et pour autant la réponse n'est pas à trouver dans ce qui n'existait pas encore je peux faire quelque chose que j'ai vu par ailleurs mais que moi je n'ai jamais fait ou dans mon métier, dans mon domaine ça ne s'est jamais fait dès lors que c'est neuf pour moi je peux déjà dire que c'est créatif c'est très rare que quelque chose soit radicalement nouveau comment est-ce qu'on stimule ça ?
- Speaker #0
Alors, chez les plus jeunes ou chez nous ?
- Speaker #1
Alors déjà, pour moi, il y a un vrai enjeu. C'est pour ça qu'écrire les livres que j'ai écrits, beaucoup s'adressent aux enfants, aux ados, aux personnes qui s'occupent d'enfants. L'enjeu, c'est de reconnaître la créativité comme quelque chose d'essentiel chez l'enfant. Parce que j'observe n'importe quel enfant de 3 ans à 6 ans, et pour peu qu'il ne soit pas traumatisé, ce qui peut arriver, la créativité est naturelle. L'imagination, la capacité d'être passionnément curieux. et d'inventer en permanence être présent chez les jeunes enfants. Comment est-ce qu'on reconnaît ça comme quelque chose de beau, à conserver, à cultiver, et pas ça va lui passer, tu me fatigues avec tes questions, sois un peu sérieux, arrête de rêver. Parce qu'on entend des injonctions comme ça aussi, qu'elles soient explicites ou implicites, c'est assez facile de tuer la créativité de l'enfant. Donc c'est quelque chose qui est précieux, qui est là, qui est à entretenir, et puis qui, malgré tous nos efforts, peut néanmoins s'éteindre, s'étioler. Il y a différents facteurs qui peuvent expliquer ça. C'est-à-dire que l'évolution naturelle de l'enfant, il faut lire Piaget pour s'en convaincre, fait que par exemple, autour de 10-12 ans, il va avoir une phase de rationalité, d'analyse, qui est importante dans son développement. Mais pour autant, elle n'a pas à se substituer à l'imaginaire. Elle vient juste prendre une place aussi. Et comment garder vivace ou réveiller cette fraîcheur de pensée quand on devient adulte ?
- Speaker #0
Parce qu'on l'a toute en nous, cette fraîcheur de pinceau.
- Speaker #1
Alors, on l'a eu, en tout cas. On a pu l'oublier, on a pu l'éteindre, on a pu la mettre sous le boisseau. Et voilà, comment... Et alors, au service de quoi ? Ce n'est pas un must, si on veut être créatif. C'est que, peut-être qu'à un moment donné de notre vie, on va considérer qu'il y a un appel, un appel à... Tu le disais, par exemple, à 50 ans. Peut-être que j'ai fait beaucoup de choses par imitation sociale. Peut-être par sens de l'autre. Et puis, comment est-ce que je me mets de nouveau au centre du jeu ? Et qu'est-ce qui peut avoir du sens pour moi aujourd'hui ? Alors, ça peut être de manière auto-centrée, c'est parfaitement louable. Je vais me prendre comme objet de ma créativité, à un moment de ma vie. Je vais dire, tiens, qui est-ce que fondamentalement je suis ? Comment est-ce que je vais déconstruire les croyances ? qui sont construites en moi parce qu'on m'a toujours dit que, je prends mon exemple, que j'étais timide, que j'étais un artiste, que j'étais maladroit, trois choses qui me collaient au basque. Et au fond, pendant une bonne partie de ma vie d'adulte, je me suis conformé à ça parce que, ben oui, c'est ma personnalité, c'est moi. C'est comme ça qu'on me reconnaît. Ah, Philippe, le distrait, le timide et tout. Et je me suis rendu compte qu'il m'arrivait d'être distrait et timide dans mes comportements et que je pouvais aussi être très concentré, parler en public de manière... habité et forte et sensible aussi, et que c'était moi aussi, ça. Et ça, c'est merveilleux, d'ouvrir le champ des possibles, de se dire, je ne suis pas que l'histoire qu'on me raconte sur moi. Mais du coup, j'ai oublié la question que tu m'as posée.
- Speaker #0
Et du coup, moi, je sais que quand j'écris, j'écris beaucoup, et quand j'écris le matin, comme ça, que je me prends un temps pour écrire. Je réveille une certaine créativité, c'est-à-dire qu'à partir d'un moment donné, je lâche ma tête et alors j'écris des choses qui me viennent. Donc ça, c'est un exercice qui, moi, me convient bien. Mais est-ce qu'il y a d'autres choses qu'on peut faire ou que tu auras envie de dire aux auditeurs pour réveiller cette créativité qu'on a depuis qu'on est né, mais qu'on a oublié ? Est-ce qu'il y a quelque chose ?
- Speaker #1
Plein, plein, plein. D'abord, c'est important de considérer que les modes... de créativité sont aussi nombreux que les modes d'intelligence. Il y a quelqu'un comme Howard Garner, par exemple, qui est une des personnes qui a théorisé les intelligences multiples. Il y a les créativités multiples. Il y a un livre formidable qui s'appelle Les formes de la créativité qu'il a écrit, qui d'ailleurs met en relation les formes de créativité personnelle avec les manifestations sociétales. Il s'interroge sur le début du XXe siècle pour dire comment se fait-il que dans tous les domaines, ou presque, à ce moment-là, il y a eu des révolutions, que ce soit dans la psychologie, avec Freud. dans l'art, avec Picasso, dans la musique, avec Stravinsky, littérature avec T.S. Eliot, etc. Donc chacun a à découvrir, mais au fond, quelle est ma forme, mon rapport au monde privilégié ? Peut-être toi ça passe par l'écriture, ou en tout cas ton rapport au monde ou à toi-même. C'est par ce canal-là que tu peux te dire, et c'est ce que tu privilégies, mais pour un autre ça va être autre chose. Certains ça va être le corps. J'ai quatre enfants. J'en ai une qui est très visuelle. Un autre, mon petit dernier, lui, c'est le corps. C'est sur le trampoline qu'il est le plus créatif. Et il invente des figures et tout. Donc voilà, par quel chemin ça passe chacun ? Alors, toi, tu dis que tu écris tous les matins. Je crois très fort à la discipline. Je consacrais un TEDx, tu connais ces petites conférences. J'appelais ça la discipline du créatif. Je crois que si on veut être créatif... Il ne faut pas attendre l'inspiration, il faut aller la chercher. Et la chercher en se mettant au travail. Et accepter que parfois on va faire pendant des jours durant, excuse-moi, de la merde. Peut-être qu'il n'y aura rien d'intéressant qui va sortir, mais il faut vraiment mettre l'orgueil de côté. Si on se met devant sa page blanche en disant je vais écrire le prochain Prigoncourt, je vais écrire une poésie merveilleuse de sensibilité, ça ne peut pas marcher.
- Speaker #0
Ça freine la créativité de se mettre des objectifs. comme cela.
- Speaker #1
Ce n'est pas tellement l'objectif que la croyance que ce que je vais faire doit être bon. Ça, c'est une croyance héritée de l'école. Il faut que j'ai 10 sur 10. On a un juge intérieur tous, moi aussi, encore plus que les autres probablement. Mais c'est dire, je vais purger la banalité, la médiocrité, l'évidence, et derrière, j'ai la croyance qu'il y a des petites perles. C'est un peu comme si on était des chercheurs d'or, en fait. Il faut remuer beaucoup, beaucoup de kilos de boue pour trouver une petite pépite. En créativité, c'est la même chose. Y aller, y aller, y aller, et croire qu'à un moment donné, quelque chose d'intéressant peut-être pourra sortir. Et que le chemin est au moins assez intéressant que le but. C'est-à-dire que le fait de t'asseoir, toi ça va être écrit, moi ça va être dessiné. Ma discipline à moi, ça va être par exemple de m'asseoir le matin. C'est une question de contact aussi. Je commence par le corps. Je mets mes pieds bien à la place sur le sol. Je suis en train de le faire tout en me parlant. C'est de me détendre. Je ferme les yeux, je respire profondément, et puis je me demande, mais quelle est l'image qui est là, sur mon écran intérieur ? Et puis, je la laisse advenir, cette image. Parfois, c'est purement abstrait, c'est des lignes, des couleurs. Parfois, c'est l'image de quelque chose que je voulais avoir, ou d'une expérience que j'ai faite, souvent d'une rencontre, souvent des rencontres qui me nourrissent. Et parfois, il n'y a rien. Toujours est-il que je vais mettre sur papier ce que j'ai vu sur mon écran, et s'il n'y a rien, je vais laisser courir le crayon. Et rien que ce moment-là, ce qui me frappe, c'est que je dessine, ou je vais dessiner une fleur, par exemple, je vais ramasser une toute petite mauvaise herbe, comme on dit, mais de 1 cm, qui était sur le pas de ma porte, et je vais par exemple l'agrandir en très très grand, au fusain, lentement, en observant toutes ses aspérités. C'est un règne créatif, je ne suis pas en train d'inventer quoi que ce soit, on s'en fiche. Je suis dans un rapport où, personnellement, ça m'émeut, parce que... plus de limites entre moi et ce que j'observe, je deviens ce que je dessine. Ce qui me frappe, c'est cela, je voulais en venir, c'est qu'après avoir dessiné, que ce soit cette petite mauvaise herbe ou bien une forme tout à fait aléatoire qui m'est venue une espèce d'état second, en tout cas automatique, après je demande au dessin qu'est-ce que tu as à me dire ce matin ? Je l'écoute. Et là, il me raconte. Et j'écris.
- Speaker #0
Et alors tu écris.
- Speaker #1
C'est mon rapport à la créativité. Il y a plein de chemins possibles. L'important, c'est d'explorer. Mon amoureuse a fait toute sa vie de photographe. Elle était coach, elle était formatrice et tout. Et je crois qu'il y a des phases dans la vie, en tout cas, à 50 ans passés, elle s'est dit, mais j'ai plein de photos dans les mémoires de mon téléphone, machin. Qu'est-ce que je fais avec ça ? Qu'est-ce que je fais avec mon amour de la photo ? Et puis, de temps en temps, elle sortait des photos comme formatrice. C'est vrai que les gens aimaient bien. Et puis, elle a créé des jeux d'images avec ça.
- Speaker #0
Oui,
- Speaker #1
c'est les cartes de Baobab. C'est ça, les filles du Baobab. Qu'est-ce qu'il y a là en germe qui demande à pousser ? C'est une bonne question à se poser. C'est un peu chinois comme philosophie. Nous, en Occident, on veut faire pousser des choses à partir de rien. On se fixe un objectif, on dit une page blanche, on y va. Les Chinois, c'est très différent. Il y a un bouquin que j'adore, c'est le paradoxe du poisson rouge, d'Esna Caillou, elle raconte ça très bien. Les Chinois, même le mot but en chinois ancien n'existe pas. Mais ils disent qu'est-ce qui est déjà là et qui demande à pousser.
- Speaker #0
C'est beau, mon question. Oui, c'est beau. Moi, quand tu dis ça, c'est on lâche la tête. Quand tu dis je lâche le crayon ou je dessine la fleur, j'ai l'impression que je lâche ma tête et je me mets en contact avec ce qui est là devant moi ou ce qui est là en moi.
- Speaker #1
En tout cas, avec l'instant présent, sans doute, je lâche la tente.
- Speaker #0
La tente, c'est ça que vous voulez dire ?
- Speaker #1
Oui, la tête, parce que la tête, elle peut être très précieuse.
- Speaker #0
Je lâche la tente d'arriver quelque part, de faire quelque chose, de faire quelque chose, en fait.
- Speaker #1
Je peux avoir un but, un phare lumineux. Je voulais faire un livre sur l'art, par exemple. J'avais une vision que je voulais vraiment faire un livre qui interpelle quant au regard qu'on porte sur l'art et qui permet à chacun de porter un regard personnel sur l'art. J'en avais marre du dictat. Des historiens de l'art, des musées qui nous disaient qu'est-ce qu'il y a lieu de voir, de comprendre, de ressentir, même face à une œuvre d'art. C'était mon phare. J'ai bossé comme un malade sur un projet de bouquin, comme ça, avec ma tête, mon intelligence, mon expérience. J'ai vraiment essayé de faire un livre intelligent et beau. Et puis, il y a 20 éditeurs, j'ai eu zéro réponse. Il a fallu que je m'en prenne un bon coup sur mon amour propre. J'ai mis ça dans un tiroir pendant 10 ans et puis je me suis réveillé un matin. Avec une question, tiens, si je devais mourir dans trois mois ? C'est une bonne question rhétorique. Je ne t'en parle pas fait de santé, mais c'est une bonne question rhétorique. Ce qui est venu en premier, c'est vivre des moments de qualité et faire grandir l'amour dans telle ou telle relation, notamment avec mes enfants. Mais il y a aussi ce bouquin-là. En tout cas, ce phare, cette intention. Ce n'était plus le livre en tant que tel, en fait. Ce n'était plus le projet qui était fondé. Je l'ai ressorti. Et heureusement, dix ans après, je me suis rendu compte qu'il était beaucoup trop complexe. par rapport à mon intention. Et pendant dix ans aussi, il y a une valeur qui avait grandi en moi qui n'était pas présente à ce moment-là, c'est la simplicité. Donc je me suis dit, si je devais faire... Et puis en plus, je me suis pris au mot, trois mois, si je devais renvoyer ce projet à des éditeurs dans trois mois. Et donc j'ai élagué, simplifié, ramené... C'est Steve Jobs qui disait une bonne idée, elle était en une phrase. Voilà. Hop. J'ai refait le projet et du coup, il est devenu un bouquin parce qu'il a été simplifié, simplifié, simplifié. Il faut pouvoir abandonner aussi les moyens traditionnels et privilégier les buts. Je sais que je me contredis, j'ai dit, n'ayez pas de buts. Mais ne pas s'attacher à... En fait, la créativité, c'est ne pas s'attacher à une seule voie, à un seul but, à un seul moyen, à une seule réponse. C'est dire, OK, cette réponse est intéressante. Et s'il y avait une deuxième bonne réponse ?
- Speaker #0
Et peut-être qu'elle ne viendrait pas tout de suite. Ah oui. Et que peut-être je le mets dans le coin d'un tiroir et qu'à un moment donné, je serais prêt à voir l'autre chose, peut-être autrement, avec le recul. Il y a de ça aussi.
- Speaker #1
C'est planter une graine dans son cerveau, en fait. Et faire confiance que même quand on fera autre chose, et peut-être surtout parce qu'on fera autre chose, et qu'il n'y aura pas nous pour la surveiller. Alors tu pousses, ça avance là. Qu'elle va quand même continuer à pousser.
- Speaker #0
Et c'est aussi lâcher la peur de l'échec ?
- Speaker #1
Ah oui. Ça, c'est un foutu héritage de notre éducation traditionnelle. Parce qu'un enfant de deux ans qui apprend à marcher, qui fait des tours avec des blocs, qui dessine, il n'a absolument pas peur de l'échec. En anglais, on dit fail forward échoue en avançant.
- Speaker #0
Échoue et apprend.
- Speaker #1
Oui, oui, c'est ça.
- Speaker #0
Oui, un enfant qui apprend à rouler à vélo, il se plante, c'est pas grave, il recommence. À un moment donné, il y arrive.
- Speaker #1
C'est bien, il faut une vitesse minimum pour rouler à vélo sans se casser la figure. Donc il faut avancer. Si tu essaies de tenir ton vélo en équilibre sans avancer, ça ne va pas. Donc dans l'histoire de discipline, on y revient. C'est un bon truc pour faire du vélo créatif. Avancer tous les jours, faire un peu. Adven que pourra. C'est Picasso, il disait l'inspiration existe, mais elle doit vous trouver au travail.
- Speaker #0
C'est beau. Tu as aussi écrit un livre pour les ados qui est un livre d'exercice, d'outils pour montrer comment les génies pensent. Quels sont, toi, les génies qui t'inspirent le plus dans ta créativité, dans ton quotidien ? Est-ce que tu as envie de nous partager un ou deux ? Oui, nos deux personnalités comme ça qui t'inspirent beaucoup.
- Speaker #1
Oui, ils ne sont pas dans mon livre.
- Speaker #0
Ah non ?
- Speaker #1
Pourquoi ? Non, mais j'en ai une conférence l'autre jour et je disais, allez chercher à votre entourage quelqu'un que vous trouvez génial et inspirant. Parce que sinon, il y en a dans mon bouquin, j'ai le limo d'emploi, bien sûr, je prends au hasard, je vois Frida Kahlo, il y a Sigmund Freud, Hildegard de Bingen, Martin Luther King, Einstein, Vincent van Gogh, bien sûr, ce sont des gens que j'admire, mais c'est très intimidant. Par contre, je vais en citer deux. Hergé est venu chez moi quand j'étais enfant. Grand moment de ma vie. J'avais 12 ans, il est venu dans ma chambre et je dessinais beaucoup à l'époque. J'avais plusieurs de mes dessins au mur et il est pris un quart d'heure dans ma chambre pour m'encourager, commenter et m'encourager à continuer à dessiner, dessiner, dessiner d'après nature parce qu'il dit c'est ça qu'il faut faire, c'est la meilleure école. Et c'est une des personnes que j'admire parce que bon déjà... Cette humilité, il avait 76, 77 ans, je ne sais pas quel âge il avait à l'époque, c'était exemplaire, je trouve, de rester ainsi disponible pour un enfant que l'on ne connaissait pas deux heures avant. Et au-delà de ça, parce qu'on était très tantinophiles dans notre famille, sa rigueur, il s'aime bien les paradoxes. C'est quelqu'un de bosseur qui a construit une œuvre, mais avec une exigence forte. Et on le sent, et si son œuvre a succès tel, c'est que... Il était intransigeant aussi quant à la cohérence de son œuvre. Et pyrrhieuse parce qu'il peut prendre deux pages pour raconter que Tintin a perdu un morceau d'étiquette, ou de boîte de crabe, ou bien une page complète pour montrer Capitaine Hadot qui essaie de se brasser d'un spardra. Et la deuxième personne, c'est mon grand-père.
- Speaker #0
Oui, c'est de cette famille alors, cette créativité.
- Speaker #1
Et on a tous à trouver, à mon avis, dans sa famille, quelqu'un. qui nous inspire, lui, mon grand-père, c'était l'ouverture d'esprit, la curiosité qui était exemplaire aussi, et le fait d'aller cultiver tous ces talents.
- Speaker #0
Philippe, tu nous parlais de ton grand-père il y a deux minutes. Qu'est-ce que tu as envie de nous raconter à propos de lui ? Comment est-ce qu'il t'a éveillé, inspiré dans ton chemin ?
- Speaker #1
C'était un homme qui était brillant. C'était un industriel, en plus président de la fédération industrielle du coton. Mais beaucoup de gens dans leur vie se sont contentés de ça et puis perdre six enfants. Mais lui, ce qui m'a frappé, c'est qu'il a cultivé plein de talents. Il aimait faire du sport, mais il l'a fait à fond. Il a été capitaine de l'équipe des Scream aux Jeux Olympiques. Il a fait du bateau à voile. Il a composé de la musique. Il a composé un Ave Maria, par exemple, mais sans avoir pris jamais de cours de solfège, par exemple. Ce n'est pas qu'il était génial. Il osait. Il est devenu... Il ne faut pas écrire nulle part qu'on n'a pas le droit de faire de la musique si on n'a pas fait de solfètes. Je vais peut-être me faire un peu aider par quelqu'un. Je vais lui chanter la mélodie, puis il va m'écrire les notes. Il s'est mis à la retraite à réparer des horloges. Il était un génial de formation. Il était curieux, mais il a appris sur le tas à réparer des horloges. Et des grands musulmans lui confiaient des horloges compliquées avec des musiciens qui sortaient toutes les heures pour jouer leurs trompettes. Donc, il donnait des conférences aussi de vigorisation. Et ça, ça m'a beaucoup inspiré. C'est comment... Rendre accessible à tout un chacun des notions complexes. Alors lui, c'est l'astrophysique, des théories de Stephen Hawking, etc. Moi, je suis à un autre niveau. Mais oui, il m'a beaucoup inspiré par son audace et sa générosité.
- Speaker #0
C'est peut-être important d'avoir quelqu'un dans son entourage, en tout cas, qui nous inspire, qui nous montre le chemin pour oser. Ce n'est pas tellement...
- Speaker #1
Parce que tu dis, c'est important d'avoir quelqu'un. Il y a peut-être des gens qui nous écoutent qui vont dire, mais moi, je n'ai personne. Je m'intéresse beaucoup aux pratiques narratives. C'est une démarche... qui est une démarche d'accompagnement des individus et puis aussi des groupes, mais qui vise à reprendre possession de son histoire en fait, se défaire des histoires qu'on projette sur nous. J'en ai parlé d'ailleurs au début de notre interview. Et puis il dit, mais comment est-ce que je redeviens auteur de ma vie ? Là-dedans, dans ces pratiques, il y a aussi la notion de club de vie. Qui je choisis d'intégrer dans mon club de vie ? C'est-à-dire les personnes qui... qui consciemment vont être celles auxquelles je me réfère, parce que je voudrais les modéliser dans leur comportement, je voudrais leur ressembler. Ce sont des gens aussi à qui je vais pouvoir faire appel, que ce soit nommément s'ils sont vivants, ou peut-être juste par un travail de mémoire s'ils sont morts. Mais c'est qui ces gens-là qui sont importants pour moi ?
- Speaker #0
Oui, donc prendre un temps pour définir son club de vie, les personnes qui nous portent.
- Speaker #1
Voilà, et ça va définir, parce qu'au fond, on est défini par... Par les personnes qui nous entourent aussi, celles qui nous côtoient, les relations que nous avons. À un moment donné, après 50 ans aussi, quelles sont les relations que je choisis d'avoir dans ma vie et de nourrir ? Et quelles sont celles que je choisis de laisser de côté parce qu'elles ne me font pas du bien ? Reprendre cette liberté-là, cette autorité-là.
- Speaker #0
Et du coup, ça nous permet d'être plus... D'y aller, quoi. D'oser. Oui.
- Speaker #1
C'est un des mots-clés. Un des mots-clés, certainement.
- Speaker #0
Et donc, est-ce qu'il y a des attitudes qui stimulent la créativité ? Il y a des attitudes que tu as envie de nous partager ?
- Speaker #1
La question est très vaste. D'ailleurs, le livre que tu citais, Génie, mode d'emploi en comptabilité 30, je crois qu'on pourrait continuer la liste. Moi, j'aime bien un auteur américain qui s'appelle Roger Von Oech, V-O-N-O-E-C-H. qui a modélisé la créativité comme l'incarnation successive de quatre postures. L'explorateur, l'artiste, le juge et le conquérant. Et derrière ça, il y a des attitudes. L'explorateur, c'est la curiosité, la soif de nouveautés permanentes, le fait de s'ouvrir à l'inconnu, d'être naïf, d'oublier ce qu'on sait. Ça, je crois qu'on peut le cultiver au quotidien. L'artiste, c'est cultiver la folie, le jeu, la joie, l'audace de faire des combinaisons bizarres, comme l'avait fait un enfant, comme ça, d'une partie de mes formations. Il dit, maman, j'ai fait des monstres. Et il lui avait laissé une carte blanche pour faire le dessert. Et il avait pris du camembert, des camoflex et du Nutella, ou pardon, excusez-moi, de la pâte à tartiner au chocolat. Et il avait mélangé tout ça et il avait fait des monstres. Je trouvais formidable. Il avait fait la même chose que la maman. Eh bien, écoute, on les a mangés et ce n'était pas si mauvais que ça.
- Speaker #0
Excellent.
- Speaker #1
Voilà. Donc ça, c'est le côté artiste. C'est Joe. Je m'en fiche pas mal de faire des erreurs. Je multiplie les expérimentations. Ce que Roger Vonhoek appelle le juge, c'est quelque chose qu'on oublie très souvent en matière de créativité. C'est le discernement, l'esprit critique, la capacité de faire des choix, de savoir pourquoi on choisit tel projet ou tel autre, et de décider à un moment donné que ce projet a du sens, et d'y aller à fond. Et le côté conquérant. Je vais te donner un exemple dans un instant qui m'a frappé hier. Le conquérant, c'est le créatif qui dit Mes idées, je ne me contente pas de les... nourrir dans mes carnets, de nourrir des potentialités. Ah, si j'avais le temps, je terminerais un des romans que j'ai en chantier, mais oui, je n'ai pas le temps. C'est plus facile, évidemment, de se dire ça que d'y aller à fond, de choisir un des projets et puis de laisser les autres, quitte à ne pas trouver une manière d'être publié, mais au moins avoir la fierté de dire je l'ai fait jusqu'au bout. Et j'ai lu hier un bouquin d'une femme que j'ai rencontrée dans un congrès ce week-end qui s'appelle Chloé Renaud. Elle a été atteinte d'un cancer très très grave. au niveau du sinus, une tumeur qui est devenue énorme. Elle avait autour de 20 ans, cette jeune fille. Elle a décidé de consacrer un livre à sa traversée du cancer pour que ce livre puisse servir à d'autres personnes qui vivent un cancer et qu'elles y trouvent un miroir, un porte-voix, une manière de mettre des mots et des images sur ce qu'elles vivent et qui est tellement difficile à supporter. Voilà un projet de créativité qui, bien sûr, se nourrit du talent individuel de la personne qui l'a fait, mais qui trouve vraiment sa pertinence dans les gens qui vont recevoir. Puisqu'elle reverse tous ses droits d'auteur, une association, le livre s'appelle Les Nés du Phare elle s'appelle Clos et Renaud Et ce livre est distribué maintenant à plein de personnes atteintes du cancer. Donc on peut tout à fait être créatif pour soi-même, pour nourrir son individualité, son étroite, sa conscience de soi. Puis à un moment donné, on peut, si on veut, se poser la question, voilà, mon talent, comment est-ce que le cas échéant, est-ce que j'ai envie de le partager à d'autres, et si oui, par quel canal ?
- Speaker #0
Est-ce que la créativité peut être collective, alors au service de l'autre ?
- Speaker #1
Alors ce sont deux choses différentes. Collective, ça voudrait dire qu'on crée à plusieurs, et puis au service de l'autre, certainement. Alors, créer à plusieurs, oui, j'avais fait un défi dans une conférence que je donnais il y a quelques jours, et j'avais dit, mais mettez-vous à deux, des gens qui ne se connaissent pas. partager chacun quel est votre hobby quand vous avez du temps, que vous avez vraiment envie de vous faire du bien vous faites quoi ? de la musique, de la danse, du dessin du jardinage et si on marie nos deux hobbies qu'est-ce qu'on pourrait créer d'original qui nous passionne et qui soit utile au monde qui fasse du bien au monde qui soit utile du côté moral et c'était très beau on voit la flamme tout de suite naître chez les gens en partageant ça. Et puis dans la co-création, parce que ce sont souvent des choses très originales, il y en a qui avaient imaginé, c'était kayak et yoga. Alors c'était, on va faire des itinérances aquatiques sur des cours d'eau, et puis il y aura des pauses régulières de méditation, de connexion avec la nature, etc.
- Speaker #0
C'est génial ! Oui, ça me fait penser que moi, quand je suis créative, c'est en discutant avec... C'est dans la... dans la conversation aussi, en parlant avec l'autre, que ça me donne des idées, que ça me donne envie de créer. Je pense qu'il y a aussi des certains profils où on crée plus... Est-ce qu'il y a des profils plus individuels ou des profils plus collaboratifs ? Oui,
- Speaker #1
c'est ça. Je crois que les introvertis... En général, je préfère manifester la créativité dans la solitude, et c'est là qu'ils vont être le plus inspirés. Éventuellement au contact de la nature, ou d'une discipline rigoureuse. Je me suis intéressé beaucoup aux écrivains, pour écrire mon dernier bouquin. Ce sont des gens qui vont écrire tous les jours, à la même heure, au même endroit. Parfois même, ou des artistes, comme Pierre Soulages, qui a son musée à Rodez, il est malheureusement décédé maintenant, mais il a vécu au-delà de 100 ans. Mais lui, il vivait très bien, parce qu'il vendait cher ses magnifiques toiles, mais il vivait à la Côte d'Azur, mais il occultait tous les orifices, toutes les fenêtres de son atelier pour ne pas être influencé par l'extérieur. Donc ça, c'est les solitaires, et puis dans l'un de l'autre, ils ont vraiment besoin, peut-être comme toi, comme tu viens de témoigner, de l'interaction pour que se manifeste leur créativité. Ce n'est pas l'autre qui va leur donner les idées, mais c'est l'interaction, c'est le fait de s'entendre parler à quelqu'un et de ricocher, d'avoir du retour.
- Speaker #0
Alors, je vais tout à fait rebondir sur l'intelligence artificielle. Aujourd'hui, elle est partout. Et la créativité. Comment utiliser l'intelligence artificielle pour stimuler une certaine créativité ? Est-ce que c'est compatible ? Qu'est-ce que tu penses, toi ?
- Speaker #1
Ça m'est arrivé encore il y a une semaine. Je devais trouver, je devais animer un groupe, je devais trouver une idée. Enfin, je voulais trouver une idée d'énergie à l'heure, comme on dit. C'est une activité courte. Et comme le thème a des métaphores, j'ai demandé à Tchad GPT. de me donner une idée d'Energizer court sur le thème du métaphore. Et il m'a proposé de dérouler complet d'Energizer, avec chaque fois une petite variante, comme ça, l'objectif. Ça m'a frappé parce que c'était pertinent, efficace, mais pas spécialement original. C'est quelque chose que j'aurais pu trouver aussi en ouvrant un bouquin ou juste ma mémoire. Mais ça a été utile parce que je me dis, j'ai une solution prête à l'emploi, elle tient la route. et ça m'a permis de jouer le rôle de purge en fait. Ce que j'expliquais tout à l'heure. Ce n'est pas une idée mauvaise, mais c'est une idée relativement banale et puis ça m'a permis d'aller au-delà. Mais de voir, tiens, je crois que l'intelligence artificielle, on serait complètement idiot de passer à côté parce qu'elle est là, on peut s'émouvoir et il y a lieu de s'émouvoir parce qu'on pensait que la créativité était véritablement le privilège de l'être humain. Mais la capacité de se poser la bonne question au départ déjà, ça c'est... L'insatisfaction par rapport à l'existant, il s'en fiche, la GPT, que le monde soit beau, pas beau, etc. C'est nous qui décidons que peut-être les choses devraient être autrement qu'est-ce qu'elles sont. Et puis la capacité d'aller au-delà de la banalité, d'évaluer parmi plusieurs solutions quelle est celle... Alors celle, l'intelligence artificielle peut le faire aussi, si on lui donne des critères. Elle peut même nous dire quelle est la solution la plus originale parce que c'est en l'occurrence la moindre dans un champ donné. Donc, utilisons l'IA, mais gardons notre discernement, notre capacité à poser les questions et notre gut feeling. Il faut qu'une idée nous donne de l'énergie. Ce n'est pas l'IA qui va nous dire quel projet il faut privilégier. C'est notre feu intérieur qui s'allume ou pas, selon qu'on y dise A, B ou C.
- Speaker #0
Donc, garder son cap, garder son discernement, son jugement, son juge.
- Speaker #1
Voilà. C'est ça ? Oui. Et puis, utiliser l'intelligence artificielle, elle nous fait gagner du temps. J'ai une fille qui bosse dans la consultance, elle prépare des présentations clients, etc. avec Tote GPT, c'est son pote, quoi. C'est son adjoint. Son assistant. Oui, son assistant. Et c'est OK.
- Speaker #0
Et c'est OK. Tu parlais des pratiques narratives tout à l'heure. Donc, les pratiques narratives sont des approches qui permettent, ou thérapeutiques, qui permettent de se relier aux histoires qui nous portent.
- Speaker #1
Qui nous portent, mais qu'on a souvent oubliées, en fait.
- Speaker #0
Des histoires enfouies ?
- Speaker #1
Oui. On est souvent prisonniers d'une histoire dominante. J'en ai raconté une tout à l'heure. Je suis timide, je ne sais pas parler en public, je suis maladroit, etc. Ça peut être très mortifère et très enfermant. C'est comme si on vivait dans une grande maison et dont on n'habite qu'une seule pièce. Les pratiques narratives nous invitent à revisiter les histoires de nos vies pour rendre compte qu'il y a peut-être des moments où cette histoire dominante n'était pas présente. Je vais parler de moi, je connais bien le sujet. Oui. Il y a peut-être des moments où je n'étais pas timide. où je n'ai pas été maladroit, où j'ai pu parler en public, même très très peu, même un public limité. Et puis je vais aller revisiter cette histoire, me la raconter en détail, c'était où, quand, avec qui, je faisais quoi, et puis épaissir cette pépite, cette histoire préférée-là, et peut-être la relier à d'autres moments. Et là on va commencer à historiciser, et de voir qu'un autre chemin se dessine à côté. L'autoroute qu'on connaît par cœur, à laquelle on s'est identifié, une autre histoire, elle fait commencer à pouvoir me raconter, et puis après, le questionner, raconter aux autres, d'autres histoires, pas une autre histoire, mais d'autres histoires sur moi-même. C'est vraiment un travail de repossession, de reprise en main de son récit. Je ne parle pas d'un récit de vie, c'est plus profond que ça.
- Speaker #0
C'est un travail, c'est vraiment un travail identitaire.
- Speaker #1
C'est vraiment un travail identitaire. Nous sommes les histoires que nous racontons.
- Speaker #0
J'ai suivi une formation d'ailleurs avec vous d'une journée, c'était passionnant. Et vous allez lancer avec
- Speaker #1
Véronique ? Véronique Chermont, qui est ma compagne et qui a fondé le laboratoire narratif, qui est une école de formation en pratique narrative.
- Speaker #0
C'est passionnant. Donc vous allez relancer un parcours pour se former, c'est ça ?
- Speaker #1
Oui, c'est ça, pour devenir, comme on dit, praticien narratif. Donc ça commence en septembre et c'est 12 jours pour... Déjà, travailler sur soi et arriver à cette capacité de mieux se connaître, mieux identifier nos histoires préférées. Et puis, pouvoir accompagner d'autres. Alors, selon nos préférences, nos circonstances, nos métiers, accompagner des individus, accompagner des équipes. Moi, je travaille beaucoup en entreprise, je te l'ai rappelé. On peut travailler sur même toute une organisation, sur l'histoire qu'elle se raconte, son identité. Véronique est cet après-midi dans un organisme. Elle va aller faire travailler sur, raconter, parce qu'il y a plusieurs équipes. On va travailler sur les valeurs. Quelle est pour chaque équipe une histoire que vous aimez bien, qui est arrivée récemment et qui donnerait vraiment envie de venir travailler avec vous ? Parce que vous êtes fiers de cette histoire, c'est vraiment vous, ça vous ressemble. Et puis après, on va travailler. Mais c'était quoi les ingrédients de cette histoire ? Qu'est-ce qu'il y avait de particulier ? Et là, on va arriver à des valeurs. Et ça, c'est passionnant parce qu'on arrive à l'identité, mais en passant par l'histoire, par le terrain, comme on dit en pratique narrative, de l'action dans laquelle on va marauder. On va prendre le temps vraiment de regarder. Oui, alors c'est quand ça se passe bien entre nous. Ah oui, mais c'est quand on est au jardin. Oui, c'est vrai, quand on est au jardin. Si on faisait nos réunions au jardin. Et voilà, on commence à modéliser l'expérience et à redevenir responsable et à quitter les dogmes. Oui, une réunion, on doit se faire en salle de réunion. Non, pas nécessairement. Pour que ça se passe bien, ou à certains moments, on va le faire dans d'autres lieux, en tous les grands sens, parce que ça nous correspond.
- Speaker #0
Ça se reconnecter, je dirais, se reconnecter aux histoires qui nous mettent en joie.
- Speaker #1
Oui, vraiment.
- Speaker #0
C'est ça. Donc, on trouve toutes les infos sur le site. Tu peux me rappeler le site ? C'est lelaboratornarratif.com Et la formation, c'est devenir acteur de sa vie.
- Speaker #1
Alors, ça pourrait s'appeler comme ça, mais c'est beaucoup plus... littéral, je crois que c'est formation initiale aux pratiques narratives. Réfléchir à ta proposition. D'accord,
- Speaker #0
ça va, si tu veux, on en discute après. Alors, j'avais envie de terminer cette émission par une citation que tu as mise sur ton site. Là où je crée, je suis vrai.
- Speaker #1
René-Marie Rilke, dans L'Etreint jeune poète.
- Speaker #0
Est-ce que tu peux nous dire comment ça t'inspire ?
- Speaker #1
Je crois que le silence qui vient de se passer, qui pourrait se prolonger en dix longs, c'est... Je reprends mon exemple du dessin Spontané du matin tout à l'heure. Je crois que ça illustre très bien cette phrase. C'est-à-dire que quand je laisse faire la création à travers moi, une vérité se manifeste qui peut toucher les cœurs de tout le monde. C'est Pete Mondrian qui a fait ses œuvres avec des rectangles colorés. Il disait que l'artiste est essentiellement un canal. Je suis content de terminer avec ça parce que je crois à la dimension spirituelle de la créativité. Si on est vraiment honnête avec soi-même, quand on est créatif, c'est qu'on est ouvert. Et quand on est ouvert, il y a des choses qui peuvent entrer en nous, qui ne viennent pas de nous, qui viennent d'au-delà. L'au-delà, c'est la nature, c'est les autres, c'est l'amour universel, c'est ce qu'on veut. Mais en tout cas, nous ne sommes que des instruments. Et dès lors que notre création, on la partage, elle reste dans notre petit carnet. on ose la montrer, l'offrir, etc. Eh bien, elle rejoint cet universel d'où elle provient.
- Speaker #0
Merci, c'est beau. Je suis émue. Et c'est vrai, il y a quelque chose de plus grand qui nous habite quand on est dans cette création, dans ce qu'on donne de nous au monde, en fait. Merci beaucoup, Philippe Brasseur. Donc, si on veut se retrouver, c'est sur ton site. Donc, c'est www.philippebrasseur.be.
- Speaker #1
Exactement.
- Speaker #0
Et je vous remercie. J'espère que cette émission vous a plu. J'espère qu'elle vous a fait cheminer. Si vous voulez plus d'infos aussi sur mes activités, parce que j'organise beaucoup de conférences, de cercles, de marches aussi peut-être bientôt, n'hésitez pas à aller voir sur mon site www.sandrinecorbio.be et j'en profite pour remercier David Martinez pour la production de cette émission, son accueil chaleureux et professionnel et je vous donne rendez-vous dans 15 jours pour une prochaine émission. Je vous souhaite une belle après-midi et à bientôt. J'espère que ce podcast vous a aidé à cheminer. Si vous avez aimé ce podcast, n'hésitez pas à le partager ou à le commenter. Et si vous voulez plus d'infos sur mes activités, n'hésitez pas à vous inscrire à ma newsletter. Je mettrai tous les liens sous ce post. Ce podcast fait aussi partie d'une émission diffusée sur Radio Alma tous les deuxièmes mardi et dernier mardi du mois. J'en profite pour remercier... David Martinez pour la réalisation de ce podcast. Pour rappel, je suis Sandrine Corbiot, j'adore faciliter les prises de conscience et le changement et je me réjouis de vous retrouver la prochaine fois. À bientôt !