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Je suis migrant·e

Mineurs non accompagnés : accueillir ces enfants isolés

Mineurs non accompagnés : accueillir ces enfants isolés

36min |31/01/2024
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Description

Aboubacar est un jeune mineur isolé, sans aucun parent ni connaissance en France. Par son état civil, son pays d’origine et ses aspirations, il est en quelque sorte représentatif des mineurs non accompagnés (ou MNA) en France. Mais son histoire a ceci de singulier qu’il n’a pas choisi de quitter son pays...

Un récit commenté par Noémie Paté, Maître de conférences en sociologie.



📖 SOURCES :


🎵 MUSIQUES :

  • Scott Buckley, Horizons

  • Zackross, Monogatari

  • Migrinter- OMM en collaboration avec Young Revolution 86, Y a du bon, y a du mauvais / Le clip



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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    3,6% de la population mondiale n'habite pas dans son pays de naissance. De ce chiffre est née notre envie de raconter les histoires des migrations qui forgent cette réalité. Les parcours de celles et ceux qui souffrent de n'être que des statistiques. Je suis migrant leur rend la parole. Celui qui s'est trouvé asile dans une langue a trouvé un pays où être chez soi. Il en est l'habitant. Personne ne vous expulsera jamais d'une langue.

  • Speaker #1

    Je m'appelle Kamara Bouaka, j'ai 16 ans et demi, je viens de la Guinée qu'on a créée.

  • Speaker #0

    Quitter en Guinée,

  • Speaker #1

    quitter en Afrique, venir ici là, tous les enfants du bas peuple qui souffrent là-bas, c'est notre rêve. Parce qu'on dit ça depuis qu'on était enfant, quoi. Un jour, moi je vais aller en Europe, un jour je vais aller en Europe, un jour je vais aller en France, merde. On part chez les voisins qui ont un peu plus de moyens que vos parents pour regarder la télé. On voit là-bas les images, c'est beau, c'est joli. Vous voyez que les enfants français parlent d'une bonne condition, agréable. On était plus de cent et quelques dans une salle. Cent trente-cinq, cent quarante comme ça, dans une salle, tout à patable. Je suis passé des fois qui n'étaient pas du tout faciles, mais je peux dire, le rêve est là maintenant. Je suis en Europe, je suis en France, j'aime la France depuis que j'étais petit. J'aime votre langue. Des fois, je regarde les cours de français parce que je veux parler comme vous. Parce qu'il y a des slogans que vous employez. Bah ouais, le truc là. Moi, j'apprécie ça. Mais je vais rester en France. Maintenant, c'est ma décision finale. Rester ici, de m'intégrer, d'apprendre beaucoup de choses.

  • Speaker #0

    Aboubakar est un jeune mineur isolé, sans aucun parent ni connaissance en France. Par son état civil, son pays d'origine et ses aspirations, il est en quelque sorte représentatif des MNA. Les mineurs non accompagnés en France.

  • Speaker #2

    Les mineurs non accompagnés sont majoritairement des adolescents, donc pour près de 60% entre 16 et 17 ans.

  • Speaker #0

    Noémie Pathé, maître de conférences en sociologie.

  • Speaker #2

    Et une grande majorité de jeunes garçons, puisqu'on a en 2022 6,8% de jeunes filles parmi les MNA. On observe une augmentation du nombre de jeunes filles ces dernières années. Mais majoritairement, ce sont plutôt des garçons et avec deux nationalités d'origine majoritaires que sont la Côte d'Ivoire et la Guinée. Avec aussi d'autres pays d'origine comme la Turquie, le Mali, l'Afghanistan, le Pakistan. En 2022, on a 14 782 mineurs qui sont reconnus mineurs et donc pris en charge par l'aide sociale à l'enfance. Sur les dernières années, on n'observe pas d'augmentation du nombre de MNA pris en charge. La France comme l'Italie sont des pays qui sont signataires de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant, qu'on appelle ACID, et ceux depuis 1989 sont des pays qui se sont engagés à garantir la protection de tout enfant selon un principe de non-discrimination. Concrètement, ça veut dire que quelle que soit la nationalité d'origine de l'enfant, quelle que soit sa couleur de peau, son ethnie, sa religion, Tout enfant en danger, et ça inclut les enfants isolés qui n'ont pas de représentant légaux sur le territoire, doit avoir accès à une protection. Les pays d'accueil ont l'obligation de permettre l'accès à un dispositif qui garantit cette protection, qui garantit l'accès à un hébergement sécurisé, l'accès à une scolarité, l'accès à un suivi socio-éducatif. qui permettent progressivement l'autonomie de la personne. Ce qu'on constate, c'est que, et là je m'appuie sur les très nombreux rapports, par exemple du Défenseur des droits, qui identifie de réelles violences institutionnelles dans les conditions de prise en charge des mineurs non accompagnés. Et ce qu'on constate, c'est que les services de protection de l'enfance n'assurent pas ou mal le respect des droits fondamentaux de ces jeunes. Et ça va se traduire par exemple par des situations de rétention de mineurs, par le maintien dans la grande précarité, le maintien à la rue, d'un grand nombre d'entre eux par l'exposition à des réseaux de traite, etc.

  • Speaker #0

    Heureusement, Aboubakar n'a pas subi toutes les menaces qui viennent d'être évoquées. Mais sa situation familiale en Guinée l'a exposé très tôt à une grande précarité.

  • Speaker #1

    J'ai une soeur et un frère, un petit frère. Mon père a deux femmes, c'est ma mère qui est la deuxième femme. On était dans le monde. Dans une maison, deux pièces qu'on achète au salon, nous on dit chassez-nous ensemble au salon. Mon papa ne travaille pas, mais deux mamans qui sortent des fois pour se débrouiller, qui vont au marché prendre des choses avec les grands boutiquiers, les grands magasins, et aussi vont revendre ça pour gagner. S'il y a beaucoup d'achats, ils peuvent venir pour préparer pour qu'on mange. Le jour qu'il n'y a pas beaucoup d'achats, ce jour-là on ne mange pas. Mon papa n'a pas eu la chance, mais de moment, il n'y a personne qui a pu aller à l'école. Pour qu'après moi, je n'ai pas le droit d'étudier. Ça venait de ma tête, avec mon jeune âge. Chez nous, en Afrique, tu n'as pas le droit de demander à tes parents par rapport à certaines choses. Ils vont dire que tu es un poulie. J'ai fait pendant huit bonnes années à l'école, jusqu'à la collège. Tout le monde m'aimait. Ce n'était pas facile avec ma famille, mais toujours, je me forçais pour aller à l'école, apprendre quelque chose.

  • Speaker #0

    Son récit a ceci de singulier qu'il n'a pas choisi de quitter son pays. Il n'en a pas vraiment été prévenu non plus et a suivi en toute confiance un ami de la famille. C'était en mars 2023.

  • Speaker #1

    Il y avait un frère chez nous, à côté de chez nous, là où mon père était habité. Donc le frère là, il était tellement d'accord avec ma mère. Moi je suis né dans ça, je les voyais parler, causer, en tant que petit frère et grand-sœur. Donc c'est le même amour qui est continu entre moi et le frère là. Donc je l'appelle comme ça la frère Momodba, mais on n'a pas les mêmes mairies, les mêmes pères quoi. Quand on me demande quelque chose à l'école, des fois mes parents n'ont pas la possibilité d'acheter pour moi. Et le frère, lui, s'est débrouillé dans le grand marché de notre ville là-bas qu'on a créé. Le marché s'appelle Madina. Des fois, il m'achète le grand point pour jouer au ballon, les maillots, parce qu'on fait EPS à l'école. C'était un jour, je ne me rappelle pas très bien, elle m'a dit, petit, on doit voyager, on doit effectuer un voyage, mais le voyage doit être secret. Tu n'as pas le droit de dire ça à quelqu'un. Si lui, il a parlé avec ma maman, je ne sais pas. Je n'ai rien dit parce que je n'ai pas prêté beaucoup d'attention sur ça. Parce que je le considère comme une personne qui ne peut pas me faire du mal. Je suis grandi presque dans sa main.

  • Speaker #2

    Les mineurs non accompagnés, c'est un groupe très hétérogène, avec des situations très complexes, très variées, souvent très bricolées, plurielles. Il faut être vigilant à ne pas tirer de généralité trop rapidement. Il y a effectivement... des jeunes pour lesquels les liens familiaux, le facteur familial a joué un rôle dans la migration, dans le projet migratoire. Soit c'est des jeunes qui sont envoyés par leur famille, souvent on utilise le terme « mandatés » par la famille, ou bien on va parler de migrants solidaires, c'est-à-dire des jeunes qui sont envoyés, souvent ce sont des aînés de la fratrie qui sont envoyés pour subvenir. au moins en partie, aux besoins de la famille. Mais c'est aussi parfois des jeunes qui ont les mêmes caractéristiques, c'est-à-dire des jeunes garçons aînés de la fratrie, qui sont conscients d'une certaine charge familiale qui repose sur eux en tant qu'aînés, et donc qui vont estimer que la migration est la seule option pour leur permettre d'assumer cette responsabilité d'une certaine manière. Et parfois, ça va se faire contre l'avis de la famille. On parle beaucoup des mandatés économiques. Ils seraient là pour travailler, pour instrumentaliser les dispositifs. Ils ne seraient peut-être pas forcément mineurs. Ça vient s'adosser sur la rhétorique du « migrant économique » qui mettrait en danger l'économie française et qui, en fait, est une rhétorique qui repose assez peu sur les données scientifiques recueillies, mais qui est à son poids, à ses effets, parce qu'elle va se traduire par « envers » . en fait, une illégitimité perçue sur le territoire. Moi, en tout cas, ce que j'ai observé, c'est que la grande majorité de ces jeunes, c'est plutôt des jeunes migrants qui ont pris la route poussée par leurs aspirations, par leur désir d'un avenir meilleur, par leur désir d'une émancipation, d'une réalisation personnelle, parfois en rupture avec la trajectoire des parents, et en fait, qui vont considérer la migration comme... Une manière de grandir symboliquement, en fait. Une manière de conquérir une place sociale qui soit valorisante à leurs yeux.

  • Speaker #1

    Je suis quitté en Guinée depuis le mois du Ramadan. On est parti à Madina. Elle m'a acheté encore un sac. Et là, j'ai acheté encore deux pantalons comme ça. Peut-être quelques habits comme ça, elle a mis dans le sac. Et j'étais très content ces jours-là. on s'est déplacé pour aller là où les voitures s'égarent quoi la nuit a commencé à tomber quoi on ne va pas rentrer à la maison il dit non attends on va aller maintenant il y a une voiture tout le monde a commencé à monter dans la voiture avec les bagages quoi non je n'ai monté dans cette voiture j'ai commencé à avoir un peu peur quand je le regarde il touche ma tête comme ça là il dit non il n'y a rien qui va t'arriver on a fait pendant toute la nuit marcher dans cette voiture j'ai commencé à avoir très très très peur et à chaque fois que je le regarde Il me donne la force en m'encouragant. Si je me rappelle très bien, c'était deux jours de voiture. Je lui ai demandé, on est où comme ça ? Il m'a dit, tiens, on va aller comme ça. On ne va plus se retourner en Guinée. Rien ne va t'arriver. Quand toi, comment je vais faire ? Moi, je suis en train de faire l'école. Là, on vient aller comme ça. Arrivés là-bas, tu vas étudier. On a resté là-bas quelques jours. Après, on s'est déplacés encore dans une autre voiture pour aller dans un autre coin. Je crois que c'est un arbre qui conduisait la voiture, masqué comme ça. Donc, nous, les petits garçons, on nous a mis en part. Les grands garçons sont restés en haut là-bas. Et on était trop nombreux. Du coup, moi, j'ai vu les gens, les gens qui voulaient des blancs. Donc, j'ai commencé à avoir un peu de content. Il y a des blancs en Guinée, mais ce n'est pas fait comme quoi. Lorsqu'on était petits, mon Père pour le saluer, pour le toucher. Sa peau, on la fixait, on la regardait. C'est une fierté qu'on a. Je me suis dit peut-être que je suis venu dans le pays des Blancs. Je lui ai demandé de quoi, si c'est où. Il m'a dit non, tu as analysé comme ça. Je lui ai dit d'Algérie, c'est où.

  • Speaker #0

    À ce stade-là, Aboubakar n'a toujours aucune idée d'où son périple va le mener. Après quelques jours cachés en Algérie, lui et celui qu'il appelle grand-frère reprennent la route en direction de la Tunisie. Abu Bakar parvient à déchiffrer le panneau à l'entrée de la ville. Ils sont à Sfax.

  • Speaker #1

    On a resté là-bas quelques mois. Je n'ai jamais parlé avec mes parents en Tunisie. Ils ne m'ont pas fait quand même de mauvaises choses pour dire la vérité. Ils m'ont donné des petites pièces pour aller au bar, rester là-bas, prendre du café. Je m'ennuie. Lui, il sort des fois comme ça. Il m'a dit que je ne vais pas travailler des fois. Tous les mois qu'on a fait en Tunisie, là-bas, je l'ai embêté par rapport à l'étude. Pourquoi tu ne m'en vas pas aller pour que je continue mon étude ? Mais quand je lui ai dit ça, il m'a consolé. Il me donne la force. La voiture est venue. On a pris la voiture en con. On est partis très loin. Là-bas, c'est comme un village. C'est très calme. Il y avait beaucoup de personnes. Filles, garçons, des petits-enfants, avec les mamans. Donc, on a resté là-bas comme ça quelques jours. C'était pitoyable là-bas. Maintenant, c'était une nuit. Ils sont venus. Ils ont dit, allez-y. Mais c'était maintenant avec des préparations intenses. Tout le monde s'est équipé avec son sac. J'étais maintenant paniqué lorsque j'ai vu le quoi. Et je n'avais pas le choix, c'est mon frère, je l'ai suivi encore. On est monté dans le bateau là, on est parti un peu loin comme ça là, sous l'eau. Il y a un grand bateau qui est venu, c'est garé devant nous. Il y avait des personnes là-bas qui portaient des tenues, même uniforme, je crois c'est des militaires, je ne sais pas. Ils ont dit retournez-vous, retournez-vous, arrêtez-vous. Maintenant on entendait pardon, pardon, pardon, pardon, pardon, mais le pardon là n'a pas marché. On nous a fait retourner là où on est quittés. Quand vous êtes là-bas, vous parlez avec, entre vous, donc tu vas comprendre là où tu veux aller maintenant. Tout le monde me parle de l'Europe. Il y a beaucoup de personnes, moi, qui m'encourageaient. Je dis, toi, tu as même l'atout parce que tu sais lire, tu sais écrire, tu parles un peu encore. Comme c'est les gens qui négocient le voyage là. C'est un Ivoirien. Leur langue, certains ne comprennent pas. Ils vont dire, il faut parler français. On me demande d'interpréter ça pour eux. Donc, j'étais tellement ému par les gens par rapport à cette situation. On me faisait maintenant des petits cadeaux comme ça. Quand quelqu'un gagne ma jette, il pense à moi. On est revenu là-bas encore pour une deuxième fois. On a même bâti le même endroit. On est resté sous l'eau trois jours. Lorsqu'on a été sauvés par les Blancs, ils nous ont envoyé là, on l'appelle l'Ampelouja. Maintenant, les grands là, tout le monde était content. Certains dansaient, blagaient, criaient même. « Merci Dieu, merci. On est arrivé, on est arrivé, on est arrivé. » Mais moi, je suis arrivé à l'Ampelouja, j'étais malade. Mes deux lèvres étaient brûlées. On m'a envoyé d'abord à l'infirmier là-bas. J'étais très très faible. Quand je mange à l'Ampelouja là-bas, j'ai voulu. L'Ampelouja là-bas, il y a un monde là-bas. Vous passez la nuit au dehors, vous cherchez les cartons comme ça là, vous étalez, vous passez la nuit là-bas.

  • Speaker #0

    Trophèbe, pour se présenter lui-même, c'est le grand frère qui procède à son enregistrement à Lampedusa. L'a-t-il bien déclaré mineur ou l'a-t-il vieilli pour qu'il ne soit pas retenu en Italie ? Ce détail a toute son importance, comme nous le verrons dans la suite du récit d'Abou Bakar.

  • Speaker #1

    C'est au niveau de ceci, moi et le frère là, on s'est séparés. On vous appelle à travers vos noms. Et lorsqu'ils ont dit mon nom, ils m'ont dit c'est toi, il faut aller. Je suis parti. On est arrivé dans un port comme ça là. C'est là-bas que nous on a compris très bien la différence entre vous et les Arabes. On est resté dans une grande salle. Comme là on joue le basket quoi. Ça s'appelle Galico en Italie là-bas. Donc on est resté là-bas pendant plusieurs semaines. On n'avait pas des habits. Les gens se plaignaient par rapport à la nourriture quoi. On n'avait pas à manger comme il faut quoi. Et de fois là-bas il n'y a pas l'eau. Ça coude et ça me lève. Les femmes se sont revendiquées. Ils n'arrivent pas à se laver très bien, les grandes femmes. Et les gens se sont revendiqués qu'il n'y a pas de place. Il y avait une femme qui m'avait aidé à avoir le téléphone là. Et j'ai appelé pour la première fois. Je l'ai dit, je suis en Europe. Ils ont dit que Dieu était protégé. Ils ont fait des bénédictions pour moi. Et j'étais content parce qu'ils ont compris maintenant que je suis en vie. C'était un jour maintenant, tout le monde parlait de là où ils voulaient aller. On m'a dit, toi tu peux aller en France. C'est au moins que tu sais parler la langue française. C'est un peu quoi. Je me suis approché avec un grand. Et il dit, ah petit là, il faut qu'on prenne le train comme ça. Il m'a expliqué tout ça là, on va aller ensemble. Mais tu ne vas pas t'approcher à moi quoi. Il fallait rester distant. Il ne fallait pas qu'on se suive, que toi et moi, on est ensemble. Peut-être comme toi, on peut te laisser. Parce que tu es un enfant. Maintenant, dans le train, ça parle. C'était pour la première fois pour moi de voir ça. Si vous arrivez à un endroit, ils vous informent que vous êtes arrivé à cet endroit. Le train s'est garé aujourd'hui. Terminus Strasbourg. Dès que le train s'est arrêté, il y avait un mouvement très intense. Tout le monde se courait pour aller emprunter encore un autre train. Broum broum broum broum broum broum broum. Moi aussi, je me suis mis à couiller avec celle-là. Je suis arrivé devant le train, il y avait un noir là-bas, je lui ai demandé où le train va. Il m'a dit le train va jusqu'à Paris. Je lui ai dit ok, Alhamdoulilah, c'est la destination. Arrivé à Paris, on est resté là-bas, il y avait un gars là-bas qui s'appelle Bercy, il y avait des gens à côté là-bas, beaucoup de noirs qui passent la nuit là-bas à côté. Je suis resté là-bas deux jours, il y a un frère qui m'a dit « Hé petit, ce que nous on entend de faire ici, tu ne peux pas faire, tu es trop jeune. » Il faut quitter ici. Paris, là-dessus, c'est très rempli. Il faut aller dans une autre ville, quoi. Il faut aller à Dijon. Il y a des blacks là-bas. Tout le monde qui a fait une vie, ils l'appellent les noirs, les blacks. Et je me suis croisé avec trois personnes, des jeunes comme moi. C'est les deux qui naissent. L'autre s'appelle Jojep, l'autre s'appelle Ahmed.

  • Speaker #0

    Abu Bakar n'arrivera pas jusqu'à Dijon. Il finit son trajet dans une petite ville, probablement à Valens. Là, des associations locales l'orientent vers la préfecture. C'est le tout premier contact d'Abu Bakar avec l'administration française. Ses empreintes sont enregistrées, son récit de vie consigné, mais faute de preuves, sa minorité n'est pas reconnue.

  • Speaker #1

    On est rentrés maintenant dans un bureau là-bas. Ils nous ont mis nos mains comme ça là. Eux m'ont dit qu'ils ne vont pas me prendre en charge. Non, j'ai commencé à pleurer. Si tu as fait tous les trajets là, à toi, Suédo, on ne te croit pas. Comme ça là, pourquoi toi tu pries ? Je dis je suis musulman, moi mon papa est musulman, mon mère est musulman. Lorsqu'on était en Tunisie, on priait, les hommes priaient pour demander de lui pour qu'on traverse l'eau. Et j'en dis, comment je suis que c'est mon âme ça ? À l'école de France, on fait les choses, on demande de faire, de vous présenter. C'est là-bas que tu vas comprendre que tu as 16 ans. Moi j'ai dit à 16 ans, là mes parents s'est débrouillé. J'en dis, toi tes parents s'est débrouillé, tu es très bien, pourquoi tu les quittes pour venir en Europe ? Qu'est-ce qui t'a poussé ? Quand on dit débrouiller, ça veut dire que la personne n'a pas de l'argent. Nous, on ne dit pas tout. Tu n'as pas le droit d'exposer la vie de tes parents, même si ça ne va pas. Ça fait pitié quand je ne dis pas ça.

  • Speaker #2

    Ce sont les conseils départementaux qui procèdent à l'évaluation sociale de la minorité et de l'isolement. Cette évaluation s'appuie essentiellement, et c'est le cas d'Abu Bakar, sur des entretiens sociaux réalisés soit par les services du département, soit par... des structures habilitées par le président du conseil départemental. Donc ça va être notamment des associations comme France Terre d'Asile ou La Croix-Rouge. Ces entretiens portent sur plusieurs points, les conditions de vie, le motif et le parcours migratoire, l'état de santé et les conditions de vie depuis son arrivée en France et également le projet en France. On rentre dans une politique d'injonction narrative. Ces jeunes, on leur demande de se raconter de la bonne manière avec les bons indices pour pouvoir accéder. à la protection. Il y a une condition sine qua non de se mettre en récit de la bonne manière. Là-dessus s'ajoutent d'autres outils qui peuvent être mobilisés par les départements. Et donc le préfet, notamment, peut intervenir sur deux points. D'abord, la consultation du fichier d'appui à l'évaluation de la minorité et de l'isolement. Et puis, le deuxième point, c'est la vérification des documents d'identité de la personne. Et là-dessus, effectivement, l'autorité judiciaire peut aussi intervenir en demandant des examens radiologiques osseux. comme par exemple la radio du Poignet. La littérature scientifique sur le sujet estime qu'il y a eu une marge d'erreur d'environ deux ans et demi. Au fond, on n'a pas d'outil fiable pour évaluer l'âge de quelqu'un. On a un peu un dispositif qui bricole avec ce qui peut pour estimer si l'âge allégué est vraisemblable ou non. Et ça donne lieu effectivement à des critères tout à fait incontrôlés qui viennent jouer leur rôle dans la sélection. Et ces critères peuvent être tout à fait discriminants. Par exemple, moi j'ai effectivement constaté que les jeunes qui avaient été scolarisés dans une école coranique avaient moins tendance à être reconnus mineurs que des jeunes scolarisés dans le système éducatif national. Un jeune non francophone aura moins tendance à être reconnu mineur qu'un jeune francophone. Il faut entendre le silence qui entoure le rapport à la famille et la situation de la famille. L'étude du schéma familial fait partie de la procédure d'évaluation, c'est-à-dire que dès le début du parcours administratif du jeune, on va chercher à obtenir des éléments précis sur la famille, comme l'âge des frères et sœurs, la situation professionnelle des parents, les dates significatives comme les décès d'un parent, etc. d'évaluer l'âge du jeune. Et du coup, dans cette situation, les jeunes vont chercher à improviser sans maîtriser véritablement les règles du jeu. Et donc, du coup, ça va se traduire par des maladresses. Effectivement, la notion d'isolement est très souvent mal comprise par ces jeunes. Ça va donner des raisonnements du type « je ne peux pas connaître quelqu'un en France, sinon je ne serai pas protégée » ou bien « il ne faut pas que je dise que j'ai des frères et sœurs, que j'ai des contacts avec mes parents » . il faut que je dise que mes parents sont morts. Et ça, ça peut vraiment mener à des situations de malaise profond pour les jeunes, voire d'écroulement complet de jeunes qui ne supportent plus de ne pas savoir ce qu'ils doivent dire. Un peu la dernière manière de se protéger, la dernière manière de protéger un bout de son territoire intime, ça va être de garder le silence. C'est des tensions aussi qui se traduisent au moment de la régularisation, parce que là aussi, le jeune se trouve en tension entre plusieurs discours. D'un côté, le juge des enfants et les équipes éducatives qui... En fait, traditionnellement, vont travailler au maintien du lien avec les parents, avec la famille et d'autre part, une obtention d'un titre de séjour qui est facilité quand le jeune n'est pas en contact avec ses parents. On est vraiment dans des situations d'injonction paradoxales qui sont douloureuses pour ces jeunes.

  • Speaker #1

    On m'a envoyé à la gare, on m'a abandonné là-bas. J'étais perdu encore. Il y a un monsieur qui s'appelle Thierry, un Français. Il est venu, il m'a trouvé là-bas, il m'a pris dans sa battue, mais j'ai eu peur. Il a commencé à crier. Il m'a dit, comment peux-tu faire ça ? Comment les gens l'appétent ici ? C'est pas des hommes de bonne peur. Il m'a envoyé chez une dame qui s'appelle Yvonne. Elle m'a accueilli chez lui. Elle a pris soin. Je suis resté là-bas chez lui jusqu'à une semaine. Après, elle m'a dit, Apu, moi je ne vois plus maintenant très bien. Je suis vieille. Je ne vais pas m'occuper de toi. L'hôte d'Abou Bakar l'oriente vers les moches.

  • Speaker #0

    Elle juge cette ville plus à même d'être un lieu propice à son éducation et à son avenir.

  • Speaker #1

    À côté de la gare, il y a un jardin là-bas. J'ai resté là-bas jusqu'à 16h, 17h. J'étais perdu maintenant. Mais là-bas, il y a beaucoup de noix qui fécandent le coin. Il y a un vrai là-bas. Je me suis approché de lui. Je me suis dit, ce niveau ici, dans cette ville, c'est un monsieur blanc qui m'a envoyé jusqu'ici. Mais lui aussi, il ne m'a pas cru en un premier temps. Il m'a regardé comme ça. Il m'a dit, c'est un blanc qui t'a envoyé ici. Tu ne connais même pas. Ce n'est pas facile ici en Europe. Il m'a envoyé vers les policiers. La Martine. J'ai resté là-bas aussi, même par trois jours, on m'a envoyé encore à la prophétie. On m'a dit « Ah, tu as passé quelque part ? » Je leur ai dit « Oui, attends, je peux vous expliquer pourquoi on m'a mis au-delà de la prophétie. » Il n'y a pas d'explication maintenant, il faut quitter à l'hôtel.

  • Speaker #2

    depuis la loi dite « colon » . de 2018, il y a cette nouvelle étape supplémentaire dans la procédure d'évaluation qui donc s'appelle le dispositif d'aide à l'évaluation de la minorité ou fichier AEM, qui est un fichier biométrique qui permet de centraliser les empreintes digitales, les photos et les principales informations sur le jeune évalué. Et l'objectif, c'est précisément d'éviter ce qu'on va qualifier de « department shopping » . Quand un jeune est « débouté » de la minorité, on cherche à éviter qu'il puisse demander une protection dans un autre département. C'est un outil qui provoque des erreurs supplémentaires pour plusieurs raisons. C'est un fichier qui ne prend pas en compte les différentes stratégies. On a des jeunes qui, par exemple en Italie, vont affirmer qu'ils sont majeurs pour différentes raisons. Par exemple, pour pouvoir travailler, pour ne pas être retenus dans un foyer pour mineurs, pour obtenir un visa, etc. Et du coup, parce que dans la base de données, ils sont indiqués majeurs, en France, on va leur dire « Non, t'as dit que t'étais majeur en Italie, nous on te prend pas en charge » . ce fichier AEM, On le constate sur le terrain, c'est un recours qui est très dissuasif pour de nombreux jeunes qui ont vécu, pour une grande partie d'entre eux, des expériences assez douloureuses avec les autorités administratives et avec les forces de l'ordre dans différents pays de transit comme en France. Et donc, du coup, refusent de demander une protection parce qu'ils savent qu'ils vont devoir donner leurs empreintes digitales. Et puis, le dernier point, c'est qu'avec ce fichier AEM, le rôle du préfet est renforcé. dans la procédure de traitement des mineurs non accompagnés. Et donc ça, ça se traduit par une facilitation de l'édiction des mesures d'éloignement sans parfois laisser le temps nécessaire pour exercer une voie de recours suite par exemple à une démarche déboutée.

  • Speaker #0

    Pendant la période d'évaluation de la minorité, les MNA doivent être mises à l'abri et bénéficier d'un soutien matériel, éducatif et psychologique. Mais trop souvent, cet accueil provisoire d'urgence a lieu dans un hôtel social.

  • Speaker #2

    Que ce soit la recherche, les travaux des chercheurs, tout comme les rapports de la Commission nationale consultative des droits de l'homme ou encore les rapports du défenseur des droits, il y a un consensus qui confirme que... Ce type d'hébergement est tout à fait inadéquat. D'abord parce que les problèmes de santé rencontrés par ces jeunes ne sont pas pris en compte. Donc on voit par exemple des épidémies de galles ou d'hépatites qui ne sont pas enrayées. Les hôtels sociaux induisent une certaine invisibilisation des jeunes. Du coup, on constate des situations de squat qui ne sont pas contrôlées, qui viennent s'ajouter à des situations de surpopulation. Moi j'ai vu des hôtels sociaux dans lesquels les jeunes étaient parfois plusieurs dans un même lit. Et donc ça va poser aussi d'autres questions, par exemple des cas d'agressions sexuelles qui sont rapportés. Et puis aussi l'hébergement en hôtel social produit une situation d'oisiveté au quotidien pour ces jeunes. Et donc ça, ça laisse la porte ouverte aux réseaux. Donc aux réseaux de trafic, de traite, les réseaux qui poussent à la délinquance, à la prostitution, etc. Et ce que montre l'Inspection Générale des Affaires Sociales, c'est que sur les 5% des mineurs confiés à l'ASE, qui sont en hôtel social. Donc sur ces 5%, 95% sont des MNA, sont des mineurs isolés. Donc c'est un phénomène qui ne concerne pas ou très peu les mineurs français, mais majoritairement les mineurs étrangers.

  • Speaker #1

    Maintenant, on m'a envoyé chez l'avocate. J'ai envie d'appeler mes parents pour qu'ils m'envoyent mes documents. Là où c'est écrit réellement que j'ai 16 ans. Mais, lorsque mon papi est venu d'ici... On dit d'envoyer d'abord à notre ambassade. Je dois partir devant le juste enfant, celui qui a le droit de me dire oui ou non. Moi, je suis en colère, je peux dire, du fait qu'on ne veut pas me donner l'occasion de me prendre, pour m'envoyer à l'école, pour s'occuper de moi, je ne sais pas pourquoi on me fait ça. Qu'est-ce que j'ai fait ? Du mal de me rejeter de cette manière, ça, ça ne me plaît pas jusqu'à présent. Pourquoi les autres ne veulent pas me croire ? Pourquoi ? Pourquoi on me dit que je mens ? Le temps, ça passe, non ?

  • Speaker #2

    On estime que sur l'ensemble du territoire, environ 40% des jeunes en demande de protection sont reconnus mineurs et donc accèdent à une prise en charge à l'aide sociale en enfance. Ce qui veut dire que pour les 60% restants, quand ils continuent d'alléguer leur minorité, il est possible de faire un recours auprès du juge des enfants. Certains d'entre eux vont s'engager dans un processus de contentieux souvent long et complexe. Dans certains départements, ça va prendre quelques semaines. Dans d'autres départements, il faudra attendre plus d'un an. Selon le barreau de Paris, on a 50% des MNA qui n'avaient pas été pris en charge en première instance qui le seront en seconde instance. Mais entre-temps, ce sont des jeunes qui, parce qu'ils ne sont pas reconnus mineurs, ne sont plus hébergés, ne sont plus mis à l'abri et donc vont se retrouver pendant plusieurs mois. dans des situations de très grande précarité, donc campements urbains, squats, etc. Là, en fait, c'est la situation de ce qu'on va appeler les « migeurs » , les « ni mineurs, ni majeurs » . La minorité n'a pas été reconnue, mais le jeune continue d'alléguer la minorité. Et donc, ils n'ont pas accès aux dispositifs de protection de droit commun qui sont réservés aux adultes. Donc, ils sont un peu dans une zone de non-droit. Et je pense que cette situation-là met en évidence le non-respect du principe de présomption de minorité. parce que le doute repose sur certains de ces jeunes. Du coup, les conséquences du doute vont peser sur l'ensemble des jeunes à toutes les étapes du parcours administratif.

  • Speaker #1

    Le département a le droit de me prendre en charge, de suivre mes trucs scolaires. C'est eux qui doivent faire ça. Mais j'ai fait tous les tests quand même au niveau des CEO. Quand vous venez de l'Afrique, il faut qu'ils voient ton niveau. Si tu sais lire et écrire, je fais deux études d'évaluation, français et mathématiques. On m'a demandé si je connais l'anglais. Je dis que je fais l'anglais, mais je ne connais pas grand-chose. Good morning, good afternoon. C'est ça que je connais. Peut-être que je peux devenir footballer, qui sait. Mais mon vrai ambition, je vais apprendre quelques choses qui vont rester ici dans ma tête. On va parler de la restauration, des trucs. Et hier, Mme Martine m'a encore ajouté un autre métier, installation thermique. Bon, mon premier choix, le choix le plus... Ardent pour moi c'est devenir un électricien, c'est ça que j'ai envie de faire. Mes dames là, elles m'accompagnent, elles vont me positionner d'abord dans une école avant que mes dossiers ne finissent pas d'être traités.

  • Speaker #0

    Le point commun de ces jeunes qu'on constate beaucoup, c'est le désir d'apprentissage, le désir d'émancipation sociale qui est très fort et qui dépasse de loin la simple aspiration financière. Et ça, je pense que c'est important de le préciser. La plupart d'entre eux vont émettre des rêves de devenir médecin, de devenir musicien, de faire des études, etc. On a un cadre juridique international et national qui est complet sur le papier, qui doit permettre. l'accès à la scolarité. D'une part, la Convention internationale des droits de l'enfant établit le principe de non-discrimination de l'accès à la scolarisation et c'est un principe qui est confirmé dans le droit national par plusieurs textes. L'école est un droit pour tous les enfants résidant sur le territoire national, quelle que soit leur nationalité, leur statut migratoire ou leur parcours antérieur. Alors c'est une obligation pour les moins de 16 ans, ça reste un droit pour les plus de 16 ans. L'autre point, c'est qu'on a un processus d'intégration scolaire qui est clairement établi sur le papier. avec une évaluation faite par ce qu'on appelle le CASNAV, c'est le Centre académique pour la scolarisation des nouveaux arrivants et des enfants du voyage, qui est un service du rectorat. Une fois que l'évaluation est faite, le jeune est orienté selon son niveau vers une classe. Là, le premier point qu'on peut soulever, c'est qu'il n'y a pas assez de place. En fonction des territoires, l'attente est souvent longue. On estime que l'attente est de plus de dix mois. donc en fait c'est une année scolaire qui passe. La plupart des MNA qui sont accompagnés dans un processus de scolarisation sont envoyés en centre de formation des apprentis, en CFA, ou en centre de formation professionnelle, en CFP. Cette orientation majeure, vraiment majoritaire, s'explique par un enjeu tout à fait central dans la scolarisation des MNA, c'est la régularisation à la majorité. À la majorité se pose la question de l'obtention du titre de séjour. Et pour pouvoir obtenir le titre de séjour, en fait, le critère d'examen principal, c'est l'insertion dans une formation. Et en fait, de fait, la formation professionnelle, c'est l'orientation qui va leur permettre d'avoir le plus de chances d'obtenir un titre de séjour, en plus d'être le meilleur moyen d'accéder à une autonomie matérielle relativement rapidement.

  • Speaker #1

    J'ai des personnes en France. Personne. Je n'ai pas d'amis d'enfants. C'est quoi. J'ai ma nuit à la maison. J'ai des personnes. Tout le monde est chez lui, quoi. C'est calme, calme tout le temps. Et des fois, j'ai envie de me récréer. C'est les femmes qui m'ont beaucoup aidé, quoi. Mme Agnès, Mme Marti, Mme Fossoy. Et ce n'est pas leur travail. C'est des bénévoles. Il y a des gens ici qui sont humains, quoi. Je peux dire ça, quoi. Qui m'ont poussé dans des moments de difficulté. Quand on me laisse, il y a quelqu'un qui me prend. Quand on me laisse, il y a quelqu'un qui me prend toujours. Moi, je ne fais pas de problème. C'est ça qui ne m'est pas à Ne t'approche pas avec les gens qui filment, qui prennent les drogues. Pas que j'ai des appels là-bas pour dire je suis dans tel problème en Europe. Tout ce que j'ai fait ici, je les ai demandé. On me dit c'est comme ça que tu fais, c'est comme ça que tu traverses, c'est comme ça que tu dois marcher. Des fois, ça m'arrive, je peux parler très fort. En France, on parle pas très fort, on parle doucement. On me fait goûter les aliments aussi, des fois. Il y a des aliments que tu peux détester, mais il faut goûter. On m'a fait goûter la soupe de carottes, c'était ok. Au départ, je voulais pas manger. Il faut m'apprendre à certaines choses ici, quoi. À France. de faire des cours de français, des fois géographique, en tout cas de m'apprendre, de me faire intégrer ici avec le système.

  • Speaker #0

    C'est vrai que le milieu associatif est très féminin. Le secteur du care, du soin, de l'éducatif, du social, etc. sont des secteurs qui sont fortement investis par les femmes. Alors des femmes âgées, parce que les retraités ont du temps pour s'engager, mais pas seulement, on a aussi des associations qui sont portées par beaucoup de jeunes femmes. Selon moi, elles sont la colonne vertébrale de l'action sociale et solidaire en France. une action qui est absolument essentielle face aux défaillances institutionnelles. Il y a un enjeu pour ces jeunes à créer du lien dans toutes les dimensions de leur vie sociale, pour apprendre la langue, pour accéder à ses droits, c'est-à-dire que créer du lien avec des gens, ça va permettre aussi d'être orienté vers les bonnes ressources, vers les bons acteurs, vers les associations qui peuvent assister, par exemple, dans les procédures juridiques, etc. Ça permet aussi de... de trouver plus facilement un employeur qui puisse faire une promesse d'embauche. Ça peut permettre aussi de faciliter le logement, l'accès au logement, etc. Rappelons-le, ce sont des adolescents qui sont loin de leur famille, qui sont séparés de leurs parents. Il y a une souffrance due à cette séparation, une souffrance due à l'isolement, une souffrance qui est renforcée par les obstacles administratifs, par la lenteur. la complexité des procédures administratives. Et donc ces jeunes-là ont effectivement absolument besoin d'être entourés, de recréer un tissu social dans lequel ils puissent trouver leur place.

  • Speaker #2

    Depuis le tournage de cet épisode début décembre, la situation Babou Bakar a quelque peu évolué. Son axe de naissance est enfin arrivé à l'ambassade, mais il est malgré cela toujours en attente de son recours devant le juge des enfants. Il va débuter très prochainement une formation de charpentier. Il n'a toujours aucune aide de l'État, mais bénéficie d'un fort soutien citoyen. Pour son logement, chez des particuliers, qui lui payent aussi ses repas dans un resto social, et pour ses cours de français avec une association. Il est en lien régulier avec sa famille restée en Guinée. En revanche, il n'a jamais eu de nouvelles de son grand frère. Il ne garde aucune rancœur vis-à-vis de lui et estime même que c'est grâce à lui qu'il est aujourd'hui en France.

  • Speaker #3

    Je sais que c'est très difficile. qui fait ce choix de risquer sa vie en prenant cette voie partie en laissant se connaître sans foi toute la famille compte sur toi mais personne n'est sûr de ton arrivée d'une vie meilleure que tu as toujours rêvé je me

  • Speaker #4

    dis Vous

  • Speaker #2

    venez d'écouter Je suis migrant, une série documentaire indépendante. Merci à Abou Bakar qui a bien voulu nous partager son récit de vie. et son récit de migration. Et merci à vous pour votre écoute.

Description

Aboubacar est un jeune mineur isolé, sans aucun parent ni connaissance en France. Par son état civil, son pays d’origine et ses aspirations, il est en quelque sorte représentatif des mineurs non accompagnés (ou MNA) en France. Mais son histoire a ceci de singulier qu’il n’a pas choisi de quitter son pays...

Un récit commenté par Noémie Paté, Maître de conférences en sociologie.



📖 SOURCES :


🎵 MUSIQUES :

  • Scott Buckley, Horizons

  • Zackross, Monogatari

  • Migrinter- OMM en collaboration avec Young Revolution 86, Y a du bon, y a du mauvais / Le clip



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Transcription

  • Speaker #0

    3,6% de la population mondiale n'habite pas dans son pays de naissance. De ce chiffre est née notre envie de raconter les histoires des migrations qui forgent cette réalité. Les parcours de celles et ceux qui souffrent de n'être que des statistiques. Je suis migrant leur rend la parole. Celui qui s'est trouvé asile dans une langue a trouvé un pays où être chez soi. Il en est l'habitant. Personne ne vous expulsera jamais d'une langue.

  • Speaker #1

    Je m'appelle Kamara Bouaka, j'ai 16 ans et demi, je viens de la Guinée qu'on a créée.

  • Speaker #0

    Quitter en Guinée,

  • Speaker #1

    quitter en Afrique, venir ici là, tous les enfants du bas peuple qui souffrent là-bas, c'est notre rêve. Parce qu'on dit ça depuis qu'on était enfant, quoi. Un jour, moi je vais aller en Europe, un jour je vais aller en Europe, un jour je vais aller en France, merde. On part chez les voisins qui ont un peu plus de moyens que vos parents pour regarder la télé. On voit là-bas les images, c'est beau, c'est joli. Vous voyez que les enfants français parlent d'une bonne condition, agréable. On était plus de cent et quelques dans une salle. Cent trente-cinq, cent quarante comme ça, dans une salle, tout à patable. Je suis passé des fois qui n'étaient pas du tout faciles, mais je peux dire, le rêve est là maintenant. Je suis en Europe, je suis en France, j'aime la France depuis que j'étais petit. J'aime votre langue. Des fois, je regarde les cours de français parce que je veux parler comme vous. Parce qu'il y a des slogans que vous employez. Bah ouais, le truc là. Moi, j'apprécie ça. Mais je vais rester en France. Maintenant, c'est ma décision finale. Rester ici, de m'intégrer, d'apprendre beaucoup de choses.

  • Speaker #0

    Aboubakar est un jeune mineur isolé, sans aucun parent ni connaissance en France. Par son état civil, son pays d'origine et ses aspirations, il est en quelque sorte représentatif des MNA. Les mineurs non accompagnés en France.

  • Speaker #2

    Les mineurs non accompagnés sont majoritairement des adolescents, donc pour près de 60% entre 16 et 17 ans.

  • Speaker #0

    Noémie Pathé, maître de conférences en sociologie.

  • Speaker #2

    Et une grande majorité de jeunes garçons, puisqu'on a en 2022 6,8% de jeunes filles parmi les MNA. On observe une augmentation du nombre de jeunes filles ces dernières années. Mais majoritairement, ce sont plutôt des garçons et avec deux nationalités d'origine majoritaires que sont la Côte d'Ivoire et la Guinée. Avec aussi d'autres pays d'origine comme la Turquie, le Mali, l'Afghanistan, le Pakistan. En 2022, on a 14 782 mineurs qui sont reconnus mineurs et donc pris en charge par l'aide sociale à l'enfance. Sur les dernières années, on n'observe pas d'augmentation du nombre de MNA pris en charge. La France comme l'Italie sont des pays qui sont signataires de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant, qu'on appelle ACID, et ceux depuis 1989 sont des pays qui se sont engagés à garantir la protection de tout enfant selon un principe de non-discrimination. Concrètement, ça veut dire que quelle que soit la nationalité d'origine de l'enfant, quelle que soit sa couleur de peau, son ethnie, sa religion, Tout enfant en danger, et ça inclut les enfants isolés qui n'ont pas de représentant légaux sur le territoire, doit avoir accès à une protection. Les pays d'accueil ont l'obligation de permettre l'accès à un dispositif qui garantit cette protection, qui garantit l'accès à un hébergement sécurisé, l'accès à une scolarité, l'accès à un suivi socio-éducatif. qui permettent progressivement l'autonomie de la personne. Ce qu'on constate, c'est que, et là je m'appuie sur les très nombreux rapports, par exemple du Défenseur des droits, qui identifie de réelles violences institutionnelles dans les conditions de prise en charge des mineurs non accompagnés. Et ce qu'on constate, c'est que les services de protection de l'enfance n'assurent pas ou mal le respect des droits fondamentaux de ces jeunes. Et ça va se traduire par exemple par des situations de rétention de mineurs, par le maintien dans la grande précarité, le maintien à la rue, d'un grand nombre d'entre eux par l'exposition à des réseaux de traite, etc.

  • Speaker #0

    Heureusement, Aboubakar n'a pas subi toutes les menaces qui viennent d'être évoquées. Mais sa situation familiale en Guinée l'a exposé très tôt à une grande précarité.

  • Speaker #1

    J'ai une soeur et un frère, un petit frère. Mon père a deux femmes, c'est ma mère qui est la deuxième femme. On était dans le monde. Dans une maison, deux pièces qu'on achète au salon, nous on dit chassez-nous ensemble au salon. Mon papa ne travaille pas, mais deux mamans qui sortent des fois pour se débrouiller, qui vont au marché prendre des choses avec les grands boutiquiers, les grands magasins, et aussi vont revendre ça pour gagner. S'il y a beaucoup d'achats, ils peuvent venir pour préparer pour qu'on mange. Le jour qu'il n'y a pas beaucoup d'achats, ce jour-là on ne mange pas. Mon papa n'a pas eu la chance, mais de moment, il n'y a personne qui a pu aller à l'école. Pour qu'après moi, je n'ai pas le droit d'étudier. Ça venait de ma tête, avec mon jeune âge. Chez nous, en Afrique, tu n'as pas le droit de demander à tes parents par rapport à certaines choses. Ils vont dire que tu es un poulie. J'ai fait pendant huit bonnes années à l'école, jusqu'à la collège. Tout le monde m'aimait. Ce n'était pas facile avec ma famille, mais toujours, je me forçais pour aller à l'école, apprendre quelque chose.

  • Speaker #0

    Son récit a ceci de singulier qu'il n'a pas choisi de quitter son pays. Il n'en a pas vraiment été prévenu non plus et a suivi en toute confiance un ami de la famille. C'était en mars 2023.

  • Speaker #1

    Il y avait un frère chez nous, à côté de chez nous, là où mon père était habité. Donc le frère là, il était tellement d'accord avec ma mère. Moi je suis né dans ça, je les voyais parler, causer, en tant que petit frère et grand-sœur. Donc c'est le même amour qui est continu entre moi et le frère là. Donc je l'appelle comme ça la frère Momodba, mais on n'a pas les mêmes mairies, les mêmes pères quoi. Quand on me demande quelque chose à l'école, des fois mes parents n'ont pas la possibilité d'acheter pour moi. Et le frère, lui, s'est débrouillé dans le grand marché de notre ville là-bas qu'on a créé. Le marché s'appelle Madina. Des fois, il m'achète le grand point pour jouer au ballon, les maillots, parce qu'on fait EPS à l'école. C'était un jour, je ne me rappelle pas très bien, elle m'a dit, petit, on doit voyager, on doit effectuer un voyage, mais le voyage doit être secret. Tu n'as pas le droit de dire ça à quelqu'un. Si lui, il a parlé avec ma maman, je ne sais pas. Je n'ai rien dit parce que je n'ai pas prêté beaucoup d'attention sur ça. Parce que je le considère comme une personne qui ne peut pas me faire du mal. Je suis grandi presque dans sa main.

  • Speaker #2

    Les mineurs non accompagnés, c'est un groupe très hétérogène, avec des situations très complexes, très variées, souvent très bricolées, plurielles. Il faut être vigilant à ne pas tirer de généralité trop rapidement. Il y a effectivement... des jeunes pour lesquels les liens familiaux, le facteur familial a joué un rôle dans la migration, dans le projet migratoire. Soit c'est des jeunes qui sont envoyés par leur famille, souvent on utilise le terme « mandatés » par la famille, ou bien on va parler de migrants solidaires, c'est-à-dire des jeunes qui sont envoyés, souvent ce sont des aînés de la fratrie qui sont envoyés pour subvenir. au moins en partie, aux besoins de la famille. Mais c'est aussi parfois des jeunes qui ont les mêmes caractéristiques, c'est-à-dire des jeunes garçons aînés de la fratrie, qui sont conscients d'une certaine charge familiale qui repose sur eux en tant qu'aînés, et donc qui vont estimer que la migration est la seule option pour leur permettre d'assumer cette responsabilité d'une certaine manière. Et parfois, ça va se faire contre l'avis de la famille. On parle beaucoup des mandatés économiques. Ils seraient là pour travailler, pour instrumentaliser les dispositifs. Ils ne seraient peut-être pas forcément mineurs. Ça vient s'adosser sur la rhétorique du « migrant économique » qui mettrait en danger l'économie française et qui, en fait, est une rhétorique qui repose assez peu sur les données scientifiques recueillies, mais qui est à son poids, à ses effets, parce qu'elle va se traduire par « envers » . en fait, une illégitimité perçue sur le territoire. Moi, en tout cas, ce que j'ai observé, c'est que la grande majorité de ces jeunes, c'est plutôt des jeunes migrants qui ont pris la route poussée par leurs aspirations, par leur désir d'un avenir meilleur, par leur désir d'une émancipation, d'une réalisation personnelle, parfois en rupture avec la trajectoire des parents, et en fait, qui vont considérer la migration comme... Une manière de grandir symboliquement, en fait. Une manière de conquérir une place sociale qui soit valorisante à leurs yeux.

  • Speaker #1

    Je suis quitté en Guinée depuis le mois du Ramadan. On est parti à Madina. Elle m'a acheté encore un sac. Et là, j'ai acheté encore deux pantalons comme ça. Peut-être quelques habits comme ça, elle a mis dans le sac. Et j'étais très content ces jours-là. on s'est déplacé pour aller là où les voitures s'égarent quoi la nuit a commencé à tomber quoi on ne va pas rentrer à la maison il dit non attends on va aller maintenant il y a une voiture tout le monde a commencé à monter dans la voiture avec les bagages quoi non je n'ai monté dans cette voiture j'ai commencé à avoir un peu peur quand je le regarde il touche ma tête comme ça là il dit non il n'y a rien qui va t'arriver on a fait pendant toute la nuit marcher dans cette voiture j'ai commencé à avoir très très très peur et à chaque fois que je le regarde Il me donne la force en m'encouragant. Si je me rappelle très bien, c'était deux jours de voiture. Je lui ai demandé, on est où comme ça ? Il m'a dit, tiens, on va aller comme ça. On ne va plus se retourner en Guinée. Rien ne va t'arriver. Quand toi, comment je vais faire ? Moi, je suis en train de faire l'école. Là, on vient aller comme ça. Arrivés là-bas, tu vas étudier. On a resté là-bas quelques jours. Après, on s'est déplacés encore dans une autre voiture pour aller dans un autre coin. Je crois que c'est un arbre qui conduisait la voiture, masqué comme ça. Donc, nous, les petits garçons, on nous a mis en part. Les grands garçons sont restés en haut là-bas. Et on était trop nombreux. Du coup, moi, j'ai vu les gens, les gens qui voulaient des blancs. Donc, j'ai commencé à avoir un peu de content. Il y a des blancs en Guinée, mais ce n'est pas fait comme quoi. Lorsqu'on était petits, mon Père pour le saluer, pour le toucher. Sa peau, on la fixait, on la regardait. C'est une fierté qu'on a. Je me suis dit peut-être que je suis venu dans le pays des Blancs. Je lui ai demandé de quoi, si c'est où. Il m'a dit non, tu as analysé comme ça. Je lui ai dit d'Algérie, c'est où.

  • Speaker #0

    À ce stade-là, Aboubakar n'a toujours aucune idée d'où son périple va le mener. Après quelques jours cachés en Algérie, lui et celui qu'il appelle grand-frère reprennent la route en direction de la Tunisie. Abu Bakar parvient à déchiffrer le panneau à l'entrée de la ville. Ils sont à Sfax.

  • Speaker #1

    On a resté là-bas quelques mois. Je n'ai jamais parlé avec mes parents en Tunisie. Ils ne m'ont pas fait quand même de mauvaises choses pour dire la vérité. Ils m'ont donné des petites pièces pour aller au bar, rester là-bas, prendre du café. Je m'ennuie. Lui, il sort des fois comme ça. Il m'a dit que je ne vais pas travailler des fois. Tous les mois qu'on a fait en Tunisie, là-bas, je l'ai embêté par rapport à l'étude. Pourquoi tu ne m'en vas pas aller pour que je continue mon étude ? Mais quand je lui ai dit ça, il m'a consolé. Il me donne la force. La voiture est venue. On a pris la voiture en con. On est partis très loin. Là-bas, c'est comme un village. C'est très calme. Il y avait beaucoup de personnes. Filles, garçons, des petits-enfants, avec les mamans. Donc, on a resté là-bas comme ça quelques jours. C'était pitoyable là-bas. Maintenant, c'était une nuit. Ils sont venus. Ils ont dit, allez-y. Mais c'était maintenant avec des préparations intenses. Tout le monde s'est équipé avec son sac. J'étais maintenant paniqué lorsque j'ai vu le quoi. Et je n'avais pas le choix, c'est mon frère, je l'ai suivi encore. On est monté dans le bateau là, on est parti un peu loin comme ça là, sous l'eau. Il y a un grand bateau qui est venu, c'est garé devant nous. Il y avait des personnes là-bas qui portaient des tenues, même uniforme, je crois c'est des militaires, je ne sais pas. Ils ont dit retournez-vous, retournez-vous, arrêtez-vous. Maintenant on entendait pardon, pardon, pardon, pardon, pardon, mais le pardon là n'a pas marché. On nous a fait retourner là où on est quittés. Quand vous êtes là-bas, vous parlez avec, entre vous, donc tu vas comprendre là où tu veux aller maintenant. Tout le monde me parle de l'Europe. Il y a beaucoup de personnes, moi, qui m'encourageaient. Je dis, toi, tu as même l'atout parce que tu sais lire, tu sais écrire, tu parles un peu encore. Comme c'est les gens qui négocient le voyage là. C'est un Ivoirien. Leur langue, certains ne comprennent pas. Ils vont dire, il faut parler français. On me demande d'interpréter ça pour eux. Donc, j'étais tellement ému par les gens par rapport à cette situation. On me faisait maintenant des petits cadeaux comme ça. Quand quelqu'un gagne ma jette, il pense à moi. On est revenu là-bas encore pour une deuxième fois. On a même bâti le même endroit. On est resté sous l'eau trois jours. Lorsqu'on a été sauvés par les Blancs, ils nous ont envoyé là, on l'appelle l'Ampelouja. Maintenant, les grands là, tout le monde était content. Certains dansaient, blagaient, criaient même. « Merci Dieu, merci. On est arrivé, on est arrivé, on est arrivé. » Mais moi, je suis arrivé à l'Ampelouja, j'étais malade. Mes deux lèvres étaient brûlées. On m'a envoyé d'abord à l'infirmier là-bas. J'étais très très faible. Quand je mange à l'Ampelouja là-bas, j'ai voulu. L'Ampelouja là-bas, il y a un monde là-bas. Vous passez la nuit au dehors, vous cherchez les cartons comme ça là, vous étalez, vous passez la nuit là-bas.

  • Speaker #0

    Trophèbe, pour se présenter lui-même, c'est le grand frère qui procède à son enregistrement à Lampedusa. L'a-t-il bien déclaré mineur ou l'a-t-il vieilli pour qu'il ne soit pas retenu en Italie ? Ce détail a toute son importance, comme nous le verrons dans la suite du récit d'Abou Bakar.

  • Speaker #1

    C'est au niveau de ceci, moi et le frère là, on s'est séparés. On vous appelle à travers vos noms. Et lorsqu'ils ont dit mon nom, ils m'ont dit c'est toi, il faut aller. Je suis parti. On est arrivé dans un port comme ça là. C'est là-bas que nous on a compris très bien la différence entre vous et les Arabes. On est resté dans une grande salle. Comme là on joue le basket quoi. Ça s'appelle Galico en Italie là-bas. Donc on est resté là-bas pendant plusieurs semaines. On n'avait pas des habits. Les gens se plaignaient par rapport à la nourriture quoi. On n'avait pas à manger comme il faut quoi. Et de fois là-bas il n'y a pas l'eau. Ça coude et ça me lève. Les femmes se sont revendiquées. Ils n'arrivent pas à se laver très bien, les grandes femmes. Et les gens se sont revendiqués qu'il n'y a pas de place. Il y avait une femme qui m'avait aidé à avoir le téléphone là. Et j'ai appelé pour la première fois. Je l'ai dit, je suis en Europe. Ils ont dit que Dieu était protégé. Ils ont fait des bénédictions pour moi. Et j'étais content parce qu'ils ont compris maintenant que je suis en vie. C'était un jour maintenant, tout le monde parlait de là où ils voulaient aller. On m'a dit, toi tu peux aller en France. C'est au moins que tu sais parler la langue française. C'est un peu quoi. Je me suis approché avec un grand. Et il dit, ah petit là, il faut qu'on prenne le train comme ça. Il m'a expliqué tout ça là, on va aller ensemble. Mais tu ne vas pas t'approcher à moi quoi. Il fallait rester distant. Il ne fallait pas qu'on se suive, que toi et moi, on est ensemble. Peut-être comme toi, on peut te laisser. Parce que tu es un enfant. Maintenant, dans le train, ça parle. C'était pour la première fois pour moi de voir ça. Si vous arrivez à un endroit, ils vous informent que vous êtes arrivé à cet endroit. Le train s'est garé aujourd'hui. Terminus Strasbourg. Dès que le train s'est arrêté, il y avait un mouvement très intense. Tout le monde se courait pour aller emprunter encore un autre train. Broum broum broum broum broum broum broum. Moi aussi, je me suis mis à couiller avec celle-là. Je suis arrivé devant le train, il y avait un noir là-bas, je lui ai demandé où le train va. Il m'a dit le train va jusqu'à Paris. Je lui ai dit ok, Alhamdoulilah, c'est la destination. Arrivé à Paris, on est resté là-bas, il y avait un gars là-bas qui s'appelle Bercy, il y avait des gens à côté là-bas, beaucoup de noirs qui passent la nuit là-bas à côté. Je suis resté là-bas deux jours, il y a un frère qui m'a dit « Hé petit, ce que nous on entend de faire ici, tu ne peux pas faire, tu es trop jeune. » Il faut quitter ici. Paris, là-dessus, c'est très rempli. Il faut aller dans une autre ville, quoi. Il faut aller à Dijon. Il y a des blacks là-bas. Tout le monde qui a fait une vie, ils l'appellent les noirs, les blacks. Et je me suis croisé avec trois personnes, des jeunes comme moi. C'est les deux qui naissent. L'autre s'appelle Jojep, l'autre s'appelle Ahmed.

  • Speaker #0

    Abu Bakar n'arrivera pas jusqu'à Dijon. Il finit son trajet dans une petite ville, probablement à Valens. Là, des associations locales l'orientent vers la préfecture. C'est le tout premier contact d'Abu Bakar avec l'administration française. Ses empreintes sont enregistrées, son récit de vie consigné, mais faute de preuves, sa minorité n'est pas reconnue.

  • Speaker #1

    On est rentrés maintenant dans un bureau là-bas. Ils nous ont mis nos mains comme ça là. Eux m'ont dit qu'ils ne vont pas me prendre en charge. Non, j'ai commencé à pleurer. Si tu as fait tous les trajets là, à toi, Suédo, on ne te croit pas. Comme ça là, pourquoi toi tu pries ? Je dis je suis musulman, moi mon papa est musulman, mon mère est musulman. Lorsqu'on était en Tunisie, on priait, les hommes priaient pour demander de lui pour qu'on traverse l'eau. Et j'en dis, comment je suis que c'est mon âme ça ? À l'école de France, on fait les choses, on demande de faire, de vous présenter. C'est là-bas que tu vas comprendre que tu as 16 ans. Moi j'ai dit à 16 ans, là mes parents s'est débrouillé. J'en dis, toi tes parents s'est débrouillé, tu es très bien, pourquoi tu les quittes pour venir en Europe ? Qu'est-ce qui t'a poussé ? Quand on dit débrouiller, ça veut dire que la personne n'a pas de l'argent. Nous, on ne dit pas tout. Tu n'as pas le droit d'exposer la vie de tes parents, même si ça ne va pas. Ça fait pitié quand je ne dis pas ça.

  • Speaker #2

    Ce sont les conseils départementaux qui procèdent à l'évaluation sociale de la minorité et de l'isolement. Cette évaluation s'appuie essentiellement, et c'est le cas d'Abu Bakar, sur des entretiens sociaux réalisés soit par les services du département, soit par... des structures habilitées par le président du conseil départemental. Donc ça va être notamment des associations comme France Terre d'Asile ou La Croix-Rouge. Ces entretiens portent sur plusieurs points, les conditions de vie, le motif et le parcours migratoire, l'état de santé et les conditions de vie depuis son arrivée en France et également le projet en France. On rentre dans une politique d'injonction narrative. Ces jeunes, on leur demande de se raconter de la bonne manière avec les bons indices pour pouvoir accéder. à la protection. Il y a une condition sine qua non de se mettre en récit de la bonne manière. Là-dessus s'ajoutent d'autres outils qui peuvent être mobilisés par les départements. Et donc le préfet, notamment, peut intervenir sur deux points. D'abord, la consultation du fichier d'appui à l'évaluation de la minorité et de l'isolement. Et puis, le deuxième point, c'est la vérification des documents d'identité de la personne. Et là-dessus, effectivement, l'autorité judiciaire peut aussi intervenir en demandant des examens radiologiques osseux. comme par exemple la radio du Poignet. La littérature scientifique sur le sujet estime qu'il y a eu une marge d'erreur d'environ deux ans et demi. Au fond, on n'a pas d'outil fiable pour évaluer l'âge de quelqu'un. On a un peu un dispositif qui bricole avec ce qui peut pour estimer si l'âge allégué est vraisemblable ou non. Et ça donne lieu effectivement à des critères tout à fait incontrôlés qui viennent jouer leur rôle dans la sélection. Et ces critères peuvent être tout à fait discriminants. Par exemple, moi j'ai effectivement constaté que les jeunes qui avaient été scolarisés dans une école coranique avaient moins tendance à être reconnus mineurs que des jeunes scolarisés dans le système éducatif national. Un jeune non francophone aura moins tendance à être reconnu mineur qu'un jeune francophone. Il faut entendre le silence qui entoure le rapport à la famille et la situation de la famille. L'étude du schéma familial fait partie de la procédure d'évaluation, c'est-à-dire que dès le début du parcours administratif du jeune, on va chercher à obtenir des éléments précis sur la famille, comme l'âge des frères et sœurs, la situation professionnelle des parents, les dates significatives comme les décès d'un parent, etc. d'évaluer l'âge du jeune. Et du coup, dans cette situation, les jeunes vont chercher à improviser sans maîtriser véritablement les règles du jeu. Et donc, du coup, ça va se traduire par des maladresses. Effectivement, la notion d'isolement est très souvent mal comprise par ces jeunes. Ça va donner des raisonnements du type « je ne peux pas connaître quelqu'un en France, sinon je ne serai pas protégée » ou bien « il ne faut pas que je dise que j'ai des frères et sœurs, que j'ai des contacts avec mes parents » . il faut que je dise que mes parents sont morts. Et ça, ça peut vraiment mener à des situations de malaise profond pour les jeunes, voire d'écroulement complet de jeunes qui ne supportent plus de ne pas savoir ce qu'ils doivent dire. Un peu la dernière manière de se protéger, la dernière manière de protéger un bout de son territoire intime, ça va être de garder le silence. C'est des tensions aussi qui se traduisent au moment de la régularisation, parce que là aussi, le jeune se trouve en tension entre plusieurs discours. D'un côté, le juge des enfants et les équipes éducatives qui... En fait, traditionnellement, vont travailler au maintien du lien avec les parents, avec la famille et d'autre part, une obtention d'un titre de séjour qui est facilité quand le jeune n'est pas en contact avec ses parents. On est vraiment dans des situations d'injonction paradoxales qui sont douloureuses pour ces jeunes.

  • Speaker #1

    On m'a envoyé à la gare, on m'a abandonné là-bas. J'étais perdu encore. Il y a un monsieur qui s'appelle Thierry, un Français. Il est venu, il m'a trouvé là-bas, il m'a pris dans sa battue, mais j'ai eu peur. Il a commencé à crier. Il m'a dit, comment peux-tu faire ça ? Comment les gens l'appétent ici ? C'est pas des hommes de bonne peur. Il m'a envoyé chez une dame qui s'appelle Yvonne. Elle m'a accueilli chez lui. Elle a pris soin. Je suis resté là-bas chez lui jusqu'à une semaine. Après, elle m'a dit, Apu, moi je ne vois plus maintenant très bien. Je suis vieille. Je ne vais pas m'occuper de toi. L'hôte d'Abou Bakar l'oriente vers les moches.

  • Speaker #0

    Elle juge cette ville plus à même d'être un lieu propice à son éducation et à son avenir.

  • Speaker #1

    À côté de la gare, il y a un jardin là-bas. J'ai resté là-bas jusqu'à 16h, 17h. J'étais perdu maintenant. Mais là-bas, il y a beaucoup de noix qui fécandent le coin. Il y a un vrai là-bas. Je me suis approché de lui. Je me suis dit, ce niveau ici, dans cette ville, c'est un monsieur blanc qui m'a envoyé jusqu'ici. Mais lui aussi, il ne m'a pas cru en un premier temps. Il m'a regardé comme ça. Il m'a dit, c'est un blanc qui t'a envoyé ici. Tu ne connais même pas. Ce n'est pas facile ici en Europe. Il m'a envoyé vers les policiers. La Martine. J'ai resté là-bas aussi, même par trois jours, on m'a envoyé encore à la prophétie. On m'a dit « Ah, tu as passé quelque part ? » Je leur ai dit « Oui, attends, je peux vous expliquer pourquoi on m'a mis au-delà de la prophétie. » Il n'y a pas d'explication maintenant, il faut quitter à l'hôtel.

  • Speaker #2

    depuis la loi dite « colon » . de 2018, il y a cette nouvelle étape supplémentaire dans la procédure d'évaluation qui donc s'appelle le dispositif d'aide à l'évaluation de la minorité ou fichier AEM, qui est un fichier biométrique qui permet de centraliser les empreintes digitales, les photos et les principales informations sur le jeune évalué. Et l'objectif, c'est précisément d'éviter ce qu'on va qualifier de « department shopping » . Quand un jeune est « débouté » de la minorité, on cherche à éviter qu'il puisse demander une protection dans un autre département. C'est un outil qui provoque des erreurs supplémentaires pour plusieurs raisons. C'est un fichier qui ne prend pas en compte les différentes stratégies. On a des jeunes qui, par exemple en Italie, vont affirmer qu'ils sont majeurs pour différentes raisons. Par exemple, pour pouvoir travailler, pour ne pas être retenus dans un foyer pour mineurs, pour obtenir un visa, etc. Et du coup, parce que dans la base de données, ils sont indiqués majeurs, en France, on va leur dire « Non, t'as dit que t'étais majeur en Italie, nous on te prend pas en charge » . ce fichier AEM, On le constate sur le terrain, c'est un recours qui est très dissuasif pour de nombreux jeunes qui ont vécu, pour une grande partie d'entre eux, des expériences assez douloureuses avec les autorités administratives et avec les forces de l'ordre dans différents pays de transit comme en France. Et donc, du coup, refusent de demander une protection parce qu'ils savent qu'ils vont devoir donner leurs empreintes digitales. Et puis, le dernier point, c'est qu'avec ce fichier AEM, le rôle du préfet est renforcé. dans la procédure de traitement des mineurs non accompagnés. Et donc ça, ça se traduit par une facilitation de l'édiction des mesures d'éloignement sans parfois laisser le temps nécessaire pour exercer une voie de recours suite par exemple à une démarche déboutée.

  • Speaker #0

    Pendant la période d'évaluation de la minorité, les MNA doivent être mises à l'abri et bénéficier d'un soutien matériel, éducatif et psychologique. Mais trop souvent, cet accueil provisoire d'urgence a lieu dans un hôtel social.

  • Speaker #2

    Que ce soit la recherche, les travaux des chercheurs, tout comme les rapports de la Commission nationale consultative des droits de l'homme ou encore les rapports du défenseur des droits, il y a un consensus qui confirme que... Ce type d'hébergement est tout à fait inadéquat. D'abord parce que les problèmes de santé rencontrés par ces jeunes ne sont pas pris en compte. Donc on voit par exemple des épidémies de galles ou d'hépatites qui ne sont pas enrayées. Les hôtels sociaux induisent une certaine invisibilisation des jeunes. Du coup, on constate des situations de squat qui ne sont pas contrôlées, qui viennent s'ajouter à des situations de surpopulation. Moi j'ai vu des hôtels sociaux dans lesquels les jeunes étaient parfois plusieurs dans un même lit. Et donc ça va poser aussi d'autres questions, par exemple des cas d'agressions sexuelles qui sont rapportés. Et puis aussi l'hébergement en hôtel social produit une situation d'oisiveté au quotidien pour ces jeunes. Et donc ça, ça laisse la porte ouverte aux réseaux. Donc aux réseaux de trafic, de traite, les réseaux qui poussent à la délinquance, à la prostitution, etc. Et ce que montre l'Inspection Générale des Affaires Sociales, c'est que sur les 5% des mineurs confiés à l'ASE, qui sont en hôtel social. Donc sur ces 5%, 95% sont des MNA, sont des mineurs isolés. Donc c'est un phénomène qui ne concerne pas ou très peu les mineurs français, mais majoritairement les mineurs étrangers.

  • Speaker #1

    Maintenant, on m'a envoyé chez l'avocate. J'ai envie d'appeler mes parents pour qu'ils m'envoyent mes documents. Là où c'est écrit réellement que j'ai 16 ans. Mais, lorsque mon papi est venu d'ici... On dit d'envoyer d'abord à notre ambassade. Je dois partir devant le juste enfant, celui qui a le droit de me dire oui ou non. Moi, je suis en colère, je peux dire, du fait qu'on ne veut pas me donner l'occasion de me prendre, pour m'envoyer à l'école, pour s'occuper de moi, je ne sais pas pourquoi on me fait ça. Qu'est-ce que j'ai fait ? Du mal de me rejeter de cette manière, ça, ça ne me plaît pas jusqu'à présent. Pourquoi les autres ne veulent pas me croire ? Pourquoi ? Pourquoi on me dit que je mens ? Le temps, ça passe, non ?

  • Speaker #2

    On estime que sur l'ensemble du territoire, environ 40% des jeunes en demande de protection sont reconnus mineurs et donc accèdent à une prise en charge à l'aide sociale en enfance. Ce qui veut dire que pour les 60% restants, quand ils continuent d'alléguer leur minorité, il est possible de faire un recours auprès du juge des enfants. Certains d'entre eux vont s'engager dans un processus de contentieux souvent long et complexe. Dans certains départements, ça va prendre quelques semaines. Dans d'autres départements, il faudra attendre plus d'un an. Selon le barreau de Paris, on a 50% des MNA qui n'avaient pas été pris en charge en première instance qui le seront en seconde instance. Mais entre-temps, ce sont des jeunes qui, parce qu'ils ne sont pas reconnus mineurs, ne sont plus hébergés, ne sont plus mis à l'abri et donc vont se retrouver pendant plusieurs mois. dans des situations de très grande précarité, donc campements urbains, squats, etc. Là, en fait, c'est la situation de ce qu'on va appeler les « migeurs » , les « ni mineurs, ni majeurs » . La minorité n'a pas été reconnue, mais le jeune continue d'alléguer la minorité. Et donc, ils n'ont pas accès aux dispositifs de protection de droit commun qui sont réservés aux adultes. Donc, ils sont un peu dans une zone de non-droit. Et je pense que cette situation-là met en évidence le non-respect du principe de présomption de minorité. parce que le doute repose sur certains de ces jeunes. Du coup, les conséquences du doute vont peser sur l'ensemble des jeunes à toutes les étapes du parcours administratif.

  • Speaker #1

    Le département a le droit de me prendre en charge, de suivre mes trucs scolaires. C'est eux qui doivent faire ça. Mais j'ai fait tous les tests quand même au niveau des CEO. Quand vous venez de l'Afrique, il faut qu'ils voient ton niveau. Si tu sais lire et écrire, je fais deux études d'évaluation, français et mathématiques. On m'a demandé si je connais l'anglais. Je dis que je fais l'anglais, mais je ne connais pas grand-chose. Good morning, good afternoon. C'est ça que je connais. Peut-être que je peux devenir footballer, qui sait. Mais mon vrai ambition, je vais apprendre quelques choses qui vont rester ici dans ma tête. On va parler de la restauration, des trucs. Et hier, Mme Martine m'a encore ajouté un autre métier, installation thermique. Bon, mon premier choix, le choix le plus... Ardent pour moi c'est devenir un électricien, c'est ça que j'ai envie de faire. Mes dames là, elles m'accompagnent, elles vont me positionner d'abord dans une école avant que mes dossiers ne finissent pas d'être traités.

  • Speaker #0

    Le point commun de ces jeunes qu'on constate beaucoup, c'est le désir d'apprentissage, le désir d'émancipation sociale qui est très fort et qui dépasse de loin la simple aspiration financière. Et ça, je pense que c'est important de le préciser. La plupart d'entre eux vont émettre des rêves de devenir médecin, de devenir musicien, de faire des études, etc. On a un cadre juridique international et national qui est complet sur le papier, qui doit permettre. l'accès à la scolarité. D'une part, la Convention internationale des droits de l'enfant établit le principe de non-discrimination de l'accès à la scolarisation et c'est un principe qui est confirmé dans le droit national par plusieurs textes. L'école est un droit pour tous les enfants résidant sur le territoire national, quelle que soit leur nationalité, leur statut migratoire ou leur parcours antérieur. Alors c'est une obligation pour les moins de 16 ans, ça reste un droit pour les plus de 16 ans. L'autre point, c'est qu'on a un processus d'intégration scolaire qui est clairement établi sur le papier. avec une évaluation faite par ce qu'on appelle le CASNAV, c'est le Centre académique pour la scolarisation des nouveaux arrivants et des enfants du voyage, qui est un service du rectorat. Une fois que l'évaluation est faite, le jeune est orienté selon son niveau vers une classe. Là, le premier point qu'on peut soulever, c'est qu'il n'y a pas assez de place. En fonction des territoires, l'attente est souvent longue. On estime que l'attente est de plus de dix mois. donc en fait c'est une année scolaire qui passe. La plupart des MNA qui sont accompagnés dans un processus de scolarisation sont envoyés en centre de formation des apprentis, en CFA, ou en centre de formation professionnelle, en CFP. Cette orientation majeure, vraiment majoritaire, s'explique par un enjeu tout à fait central dans la scolarisation des MNA, c'est la régularisation à la majorité. À la majorité se pose la question de l'obtention du titre de séjour. Et pour pouvoir obtenir le titre de séjour, en fait, le critère d'examen principal, c'est l'insertion dans une formation. Et en fait, de fait, la formation professionnelle, c'est l'orientation qui va leur permettre d'avoir le plus de chances d'obtenir un titre de séjour, en plus d'être le meilleur moyen d'accéder à une autonomie matérielle relativement rapidement.

  • Speaker #1

    J'ai des personnes en France. Personne. Je n'ai pas d'amis d'enfants. C'est quoi. J'ai ma nuit à la maison. J'ai des personnes. Tout le monde est chez lui, quoi. C'est calme, calme tout le temps. Et des fois, j'ai envie de me récréer. C'est les femmes qui m'ont beaucoup aidé, quoi. Mme Agnès, Mme Marti, Mme Fossoy. Et ce n'est pas leur travail. C'est des bénévoles. Il y a des gens ici qui sont humains, quoi. Je peux dire ça, quoi. Qui m'ont poussé dans des moments de difficulté. Quand on me laisse, il y a quelqu'un qui me prend. Quand on me laisse, il y a quelqu'un qui me prend toujours. Moi, je ne fais pas de problème. C'est ça qui ne m'est pas à Ne t'approche pas avec les gens qui filment, qui prennent les drogues. Pas que j'ai des appels là-bas pour dire je suis dans tel problème en Europe. Tout ce que j'ai fait ici, je les ai demandé. On me dit c'est comme ça que tu fais, c'est comme ça que tu traverses, c'est comme ça que tu dois marcher. Des fois, ça m'arrive, je peux parler très fort. En France, on parle pas très fort, on parle doucement. On me fait goûter les aliments aussi, des fois. Il y a des aliments que tu peux détester, mais il faut goûter. On m'a fait goûter la soupe de carottes, c'était ok. Au départ, je voulais pas manger. Il faut m'apprendre à certaines choses ici, quoi. À France. de faire des cours de français, des fois géographique, en tout cas de m'apprendre, de me faire intégrer ici avec le système.

  • Speaker #0

    C'est vrai que le milieu associatif est très féminin. Le secteur du care, du soin, de l'éducatif, du social, etc. sont des secteurs qui sont fortement investis par les femmes. Alors des femmes âgées, parce que les retraités ont du temps pour s'engager, mais pas seulement, on a aussi des associations qui sont portées par beaucoup de jeunes femmes. Selon moi, elles sont la colonne vertébrale de l'action sociale et solidaire en France. une action qui est absolument essentielle face aux défaillances institutionnelles. Il y a un enjeu pour ces jeunes à créer du lien dans toutes les dimensions de leur vie sociale, pour apprendre la langue, pour accéder à ses droits, c'est-à-dire que créer du lien avec des gens, ça va permettre aussi d'être orienté vers les bonnes ressources, vers les bons acteurs, vers les associations qui peuvent assister, par exemple, dans les procédures juridiques, etc. Ça permet aussi de... de trouver plus facilement un employeur qui puisse faire une promesse d'embauche. Ça peut permettre aussi de faciliter le logement, l'accès au logement, etc. Rappelons-le, ce sont des adolescents qui sont loin de leur famille, qui sont séparés de leurs parents. Il y a une souffrance due à cette séparation, une souffrance due à l'isolement, une souffrance qui est renforcée par les obstacles administratifs, par la lenteur. la complexité des procédures administratives. Et donc ces jeunes-là ont effectivement absolument besoin d'être entourés, de recréer un tissu social dans lequel ils puissent trouver leur place.

  • Speaker #2

    Depuis le tournage de cet épisode début décembre, la situation Babou Bakar a quelque peu évolué. Son axe de naissance est enfin arrivé à l'ambassade, mais il est malgré cela toujours en attente de son recours devant le juge des enfants. Il va débuter très prochainement une formation de charpentier. Il n'a toujours aucune aide de l'État, mais bénéficie d'un fort soutien citoyen. Pour son logement, chez des particuliers, qui lui payent aussi ses repas dans un resto social, et pour ses cours de français avec une association. Il est en lien régulier avec sa famille restée en Guinée. En revanche, il n'a jamais eu de nouvelles de son grand frère. Il ne garde aucune rancœur vis-à-vis de lui et estime même que c'est grâce à lui qu'il est aujourd'hui en France.

  • Speaker #3

    Je sais que c'est très difficile. qui fait ce choix de risquer sa vie en prenant cette voie partie en laissant se connaître sans foi toute la famille compte sur toi mais personne n'est sûr de ton arrivée d'une vie meilleure que tu as toujours rêvé je me

  • Speaker #4

    dis Vous

  • Speaker #2

    venez d'écouter Je suis migrant, une série documentaire indépendante. Merci à Abou Bakar qui a bien voulu nous partager son récit de vie. et son récit de migration. Et merci à vous pour votre écoute.

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Description

Aboubacar est un jeune mineur isolé, sans aucun parent ni connaissance en France. Par son état civil, son pays d’origine et ses aspirations, il est en quelque sorte représentatif des mineurs non accompagnés (ou MNA) en France. Mais son histoire a ceci de singulier qu’il n’a pas choisi de quitter son pays...

Un récit commenté par Noémie Paté, Maître de conférences en sociologie.



📖 SOURCES :


🎵 MUSIQUES :

  • Scott Buckley, Horizons

  • Zackross, Monogatari

  • Migrinter- OMM en collaboration avec Young Revolution 86, Y a du bon, y a du mauvais / Le clip



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Pour nous contacter : jesuismigrant@protonmail.com | Instagram : jesuismigrant.podcast


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    3,6% de la population mondiale n'habite pas dans son pays de naissance. De ce chiffre est née notre envie de raconter les histoires des migrations qui forgent cette réalité. Les parcours de celles et ceux qui souffrent de n'être que des statistiques. Je suis migrant leur rend la parole. Celui qui s'est trouvé asile dans une langue a trouvé un pays où être chez soi. Il en est l'habitant. Personne ne vous expulsera jamais d'une langue.

  • Speaker #1

    Je m'appelle Kamara Bouaka, j'ai 16 ans et demi, je viens de la Guinée qu'on a créée.

  • Speaker #0

    Quitter en Guinée,

  • Speaker #1

    quitter en Afrique, venir ici là, tous les enfants du bas peuple qui souffrent là-bas, c'est notre rêve. Parce qu'on dit ça depuis qu'on était enfant, quoi. Un jour, moi je vais aller en Europe, un jour je vais aller en Europe, un jour je vais aller en France, merde. On part chez les voisins qui ont un peu plus de moyens que vos parents pour regarder la télé. On voit là-bas les images, c'est beau, c'est joli. Vous voyez que les enfants français parlent d'une bonne condition, agréable. On était plus de cent et quelques dans une salle. Cent trente-cinq, cent quarante comme ça, dans une salle, tout à patable. Je suis passé des fois qui n'étaient pas du tout faciles, mais je peux dire, le rêve est là maintenant. Je suis en Europe, je suis en France, j'aime la France depuis que j'étais petit. J'aime votre langue. Des fois, je regarde les cours de français parce que je veux parler comme vous. Parce qu'il y a des slogans que vous employez. Bah ouais, le truc là. Moi, j'apprécie ça. Mais je vais rester en France. Maintenant, c'est ma décision finale. Rester ici, de m'intégrer, d'apprendre beaucoup de choses.

  • Speaker #0

    Aboubakar est un jeune mineur isolé, sans aucun parent ni connaissance en France. Par son état civil, son pays d'origine et ses aspirations, il est en quelque sorte représentatif des MNA. Les mineurs non accompagnés en France.

  • Speaker #2

    Les mineurs non accompagnés sont majoritairement des adolescents, donc pour près de 60% entre 16 et 17 ans.

  • Speaker #0

    Noémie Pathé, maître de conférences en sociologie.

  • Speaker #2

    Et une grande majorité de jeunes garçons, puisqu'on a en 2022 6,8% de jeunes filles parmi les MNA. On observe une augmentation du nombre de jeunes filles ces dernières années. Mais majoritairement, ce sont plutôt des garçons et avec deux nationalités d'origine majoritaires que sont la Côte d'Ivoire et la Guinée. Avec aussi d'autres pays d'origine comme la Turquie, le Mali, l'Afghanistan, le Pakistan. En 2022, on a 14 782 mineurs qui sont reconnus mineurs et donc pris en charge par l'aide sociale à l'enfance. Sur les dernières années, on n'observe pas d'augmentation du nombre de MNA pris en charge. La France comme l'Italie sont des pays qui sont signataires de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant, qu'on appelle ACID, et ceux depuis 1989 sont des pays qui se sont engagés à garantir la protection de tout enfant selon un principe de non-discrimination. Concrètement, ça veut dire que quelle que soit la nationalité d'origine de l'enfant, quelle que soit sa couleur de peau, son ethnie, sa religion, Tout enfant en danger, et ça inclut les enfants isolés qui n'ont pas de représentant légaux sur le territoire, doit avoir accès à une protection. Les pays d'accueil ont l'obligation de permettre l'accès à un dispositif qui garantit cette protection, qui garantit l'accès à un hébergement sécurisé, l'accès à une scolarité, l'accès à un suivi socio-éducatif. qui permettent progressivement l'autonomie de la personne. Ce qu'on constate, c'est que, et là je m'appuie sur les très nombreux rapports, par exemple du Défenseur des droits, qui identifie de réelles violences institutionnelles dans les conditions de prise en charge des mineurs non accompagnés. Et ce qu'on constate, c'est que les services de protection de l'enfance n'assurent pas ou mal le respect des droits fondamentaux de ces jeunes. Et ça va se traduire par exemple par des situations de rétention de mineurs, par le maintien dans la grande précarité, le maintien à la rue, d'un grand nombre d'entre eux par l'exposition à des réseaux de traite, etc.

  • Speaker #0

    Heureusement, Aboubakar n'a pas subi toutes les menaces qui viennent d'être évoquées. Mais sa situation familiale en Guinée l'a exposé très tôt à une grande précarité.

  • Speaker #1

    J'ai une soeur et un frère, un petit frère. Mon père a deux femmes, c'est ma mère qui est la deuxième femme. On était dans le monde. Dans une maison, deux pièces qu'on achète au salon, nous on dit chassez-nous ensemble au salon. Mon papa ne travaille pas, mais deux mamans qui sortent des fois pour se débrouiller, qui vont au marché prendre des choses avec les grands boutiquiers, les grands magasins, et aussi vont revendre ça pour gagner. S'il y a beaucoup d'achats, ils peuvent venir pour préparer pour qu'on mange. Le jour qu'il n'y a pas beaucoup d'achats, ce jour-là on ne mange pas. Mon papa n'a pas eu la chance, mais de moment, il n'y a personne qui a pu aller à l'école. Pour qu'après moi, je n'ai pas le droit d'étudier. Ça venait de ma tête, avec mon jeune âge. Chez nous, en Afrique, tu n'as pas le droit de demander à tes parents par rapport à certaines choses. Ils vont dire que tu es un poulie. J'ai fait pendant huit bonnes années à l'école, jusqu'à la collège. Tout le monde m'aimait. Ce n'était pas facile avec ma famille, mais toujours, je me forçais pour aller à l'école, apprendre quelque chose.

  • Speaker #0

    Son récit a ceci de singulier qu'il n'a pas choisi de quitter son pays. Il n'en a pas vraiment été prévenu non plus et a suivi en toute confiance un ami de la famille. C'était en mars 2023.

  • Speaker #1

    Il y avait un frère chez nous, à côté de chez nous, là où mon père était habité. Donc le frère là, il était tellement d'accord avec ma mère. Moi je suis né dans ça, je les voyais parler, causer, en tant que petit frère et grand-sœur. Donc c'est le même amour qui est continu entre moi et le frère là. Donc je l'appelle comme ça la frère Momodba, mais on n'a pas les mêmes mairies, les mêmes pères quoi. Quand on me demande quelque chose à l'école, des fois mes parents n'ont pas la possibilité d'acheter pour moi. Et le frère, lui, s'est débrouillé dans le grand marché de notre ville là-bas qu'on a créé. Le marché s'appelle Madina. Des fois, il m'achète le grand point pour jouer au ballon, les maillots, parce qu'on fait EPS à l'école. C'était un jour, je ne me rappelle pas très bien, elle m'a dit, petit, on doit voyager, on doit effectuer un voyage, mais le voyage doit être secret. Tu n'as pas le droit de dire ça à quelqu'un. Si lui, il a parlé avec ma maman, je ne sais pas. Je n'ai rien dit parce que je n'ai pas prêté beaucoup d'attention sur ça. Parce que je le considère comme une personne qui ne peut pas me faire du mal. Je suis grandi presque dans sa main.

  • Speaker #2

    Les mineurs non accompagnés, c'est un groupe très hétérogène, avec des situations très complexes, très variées, souvent très bricolées, plurielles. Il faut être vigilant à ne pas tirer de généralité trop rapidement. Il y a effectivement... des jeunes pour lesquels les liens familiaux, le facteur familial a joué un rôle dans la migration, dans le projet migratoire. Soit c'est des jeunes qui sont envoyés par leur famille, souvent on utilise le terme « mandatés » par la famille, ou bien on va parler de migrants solidaires, c'est-à-dire des jeunes qui sont envoyés, souvent ce sont des aînés de la fratrie qui sont envoyés pour subvenir. au moins en partie, aux besoins de la famille. Mais c'est aussi parfois des jeunes qui ont les mêmes caractéristiques, c'est-à-dire des jeunes garçons aînés de la fratrie, qui sont conscients d'une certaine charge familiale qui repose sur eux en tant qu'aînés, et donc qui vont estimer que la migration est la seule option pour leur permettre d'assumer cette responsabilité d'une certaine manière. Et parfois, ça va se faire contre l'avis de la famille. On parle beaucoup des mandatés économiques. Ils seraient là pour travailler, pour instrumentaliser les dispositifs. Ils ne seraient peut-être pas forcément mineurs. Ça vient s'adosser sur la rhétorique du « migrant économique » qui mettrait en danger l'économie française et qui, en fait, est une rhétorique qui repose assez peu sur les données scientifiques recueillies, mais qui est à son poids, à ses effets, parce qu'elle va se traduire par « envers » . en fait, une illégitimité perçue sur le territoire. Moi, en tout cas, ce que j'ai observé, c'est que la grande majorité de ces jeunes, c'est plutôt des jeunes migrants qui ont pris la route poussée par leurs aspirations, par leur désir d'un avenir meilleur, par leur désir d'une émancipation, d'une réalisation personnelle, parfois en rupture avec la trajectoire des parents, et en fait, qui vont considérer la migration comme... Une manière de grandir symboliquement, en fait. Une manière de conquérir une place sociale qui soit valorisante à leurs yeux.

  • Speaker #1

    Je suis quitté en Guinée depuis le mois du Ramadan. On est parti à Madina. Elle m'a acheté encore un sac. Et là, j'ai acheté encore deux pantalons comme ça. Peut-être quelques habits comme ça, elle a mis dans le sac. Et j'étais très content ces jours-là. on s'est déplacé pour aller là où les voitures s'égarent quoi la nuit a commencé à tomber quoi on ne va pas rentrer à la maison il dit non attends on va aller maintenant il y a une voiture tout le monde a commencé à monter dans la voiture avec les bagages quoi non je n'ai monté dans cette voiture j'ai commencé à avoir un peu peur quand je le regarde il touche ma tête comme ça là il dit non il n'y a rien qui va t'arriver on a fait pendant toute la nuit marcher dans cette voiture j'ai commencé à avoir très très très peur et à chaque fois que je le regarde Il me donne la force en m'encouragant. Si je me rappelle très bien, c'était deux jours de voiture. Je lui ai demandé, on est où comme ça ? Il m'a dit, tiens, on va aller comme ça. On ne va plus se retourner en Guinée. Rien ne va t'arriver. Quand toi, comment je vais faire ? Moi, je suis en train de faire l'école. Là, on vient aller comme ça. Arrivés là-bas, tu vas étudier. On a resté là-bas quelques jours. Après, on s'est déplacés encore dans une autre voiture pour aller dans un autre coin. Je crois que c'est un arbre qui conduisait la voiture, masqué comme ça. Donc, nous, les petits garçons, on nous a mis en part. Les grands garçons sont restés en haut là-bas. Et on était trop nombreux. Du coup, moi, j'ai vu les gens, les gens qui voulaient des blancs. Donc, j'ai commencé à avoir un peu de content. Il y a des blancs en Guinée, mais ce n'est pas fait comme quoi. Lorsqu'on était petits, mon Père pour le saluer, pour le toucher. Sa peau, on la fixait, on la regardait. C'est une fierté qu'on a. Je me suis dit peut-être que je suis venu dans le pays des Blancs. Je lui ai demandé de quoi, si c'est où. Il m'a dit non, tu as analysé comme ça. Je lui ai dit d'Algérie, c'est où.

  • Speaker #0

    À ce stade-là, Aboubakar n'a toujours aucune idée d'où son périple va le mener. Après quelques jours cachés en Algérie, lui et celui qu'il appelle grand-frère reprennent la route en direction de la Tunisie. Abu Bakar parvient à déchiffrer le panneau à l'entrée de la ville. Ils sont à Sfax.

  • Speaker #1

    On a resté là-bas quelques mois. Je n'ai jamais parlé avec mes parents en Tunisie. Ils ne m'ont pas fait quand même de mauvaises choses pour dire la vérité. Ils m'ont donné des petites pièces pour aller au bar, rester là-bas, prendre du café. Je m'ennuie. Lui, il sort des fois comme ça. Il m'a dit que je ne vais pas travailler des fois. Tous les mois qu'on a fait en Tunisie, là-bas, je l'ai embêté par rapport à l'étude. Pourquoi tu ne m'en vas pas aller pour que je continue mon étude ? Mais quand je lui ai dit ça, il m'a consolé. Il me donne la force. La voiture est venue. On a pris la voiture en con. On est partis très loin. Là-bas, c'est comme un village. C'est très calme. Il y avait beaucoup de personnes. Filles, garçons, des petits-enfants, avec les mamans. Donc, on a resté là-bas comme ça quelques jours. C'était pitoyable là-bas. Maintenant, c'était une nuit. Ils sont venus. Ils ont dit, allez-y. Mais c'était maintenant avec des préparations intenses. Tout le monde s'est équipé avec son sac. J'étais maintenant paniqué lorsque j'ai vu le quoi. Et je n'avais pas le choix, c'est mon frère, je l'ai suivi encore. On est monté dans le bateau là, on est parti un peu loin comme ça là, sous l'eau. Il y a un grand bateau qui est venu, c'est garé devant nous. Il y avait des personnes là-bas qui portaient des tenues, même uniforme, je crois c'est des militaires, je ne sais pas. Ils ont dit retournez-vous, retournez-vous, arrêtez-vous. Maintenant on entendait pardon, pardon, pardon, pardon, pardon, mais le pardon là n'a pas marché. On nous a fait retourner là où on est quittés. Quand vous êtes là-bas, vous parlez avec, entre vous, donc tu vas comprendre là où tu veux aller maintenant. Tout le monde me parle de l'Europe. Il y a beaucoup de personnes, moi, qui m'encourageaient. Je dis, toi, tu as même l'atout parce que tu sais lire, tu sais écrire, tu parles un peu encore. Comme c'est les gens qui négocient le voyage là. C'est un Ivoirien. Leur langue, certains ne comprennent pas. Ils vont dire, il faut parler français. On me demande d'interpréter ça pour eux. Donc, j'étais tellement ému par les gens par rapport à cette situation. On me faisait maintenant des petits cadeaux comme ça. Quand quelqu'un gagne ma jette, il pense à moi. On est revenu là-bas encore pour une deuxième fois. On a même bâti le même endroit. On est resté sous l'eau trois jours. Lorsqu'on a été sauvés par les Blancs, ils nous ont envoyé là, on l'appelle l'Ampelouja. Maintenant, les grands là, tout le monde était content. Certains dansaient, blagaient, criaient même. « Merci Dieu, merci. On est arrivé, on est arrivé, on est arrivé. » Mais moi, je suis arrivé à l'Ampelouja, j'étais malade. Mes deux lèvres étaient brûlées. On m'a envoyé d'abord à l'infirmier là-bas. J'étais très très faible. Quand je mange à l'Ampelouja là-bas, j'ai voulu. L'Ampelouja là-bas, il y a un monde là-bas. Vous passez la nuit au dehors, vous cherchez les cartons comme ça là, vous étalez, vous passez la nuit là-bas.

  • Speaker #0

    Trophèbe, pour se présenter lui-même, c'est le grand frère qui procède à son enregistrement à Lampedusa. L'a-t-il bien déclaré mineur ou l'a-t-il vieilli pour qu'il ne soit pas retenu en Italie ? Ce détail a toute son importance, comme nous le verrons dans la suite du récit d'Abou Bakar.

  • Speaker #1

    C'est au niveau de ceci, moi et le frère là, on s'est séparés. On vous appelle à travers vos noms. Et lorsqu'ils ont dit mon nom, ils m'ont dit c'est toi, il faut aller. Je suis parti. On est arrivé dans un port comme ça là. C'est là-bas que nous on a compris très bien la différence entre vous et les Arabes. On est resté dans une grande salle. Comme là on joue le basket quoi. Ça s'appelle Galico en Italie là-bas. Donc on est resté là-bas pendant plusieurs semaines. On n'avait pas des habits. Les gens se plaignaient par rapport à la nourriture quoi. On n'avait pas à manger comme il faut quoi. Et de fois là-bas il n'y a pas l'eau. Ça coude et ça me lève. Les femmes se sont revendiquées. Ils n'arrivent pas à se laver très bien, les grandes femmes. Et les gens se sont revendiqués qu'il n'y a pas de place. Il y avait une femme qui m'avait aidé à avoir le téléphone là. Et j'ai appelé pour la première fois. Je l'ai dit, je suis en Europe. Ils ont dit que Dieu était protégé. Ils ont fait des bénédictions pour moi. Et j'étais content parce qu'ils ont compris maintenant que je suis en vie. C'était un jour maintenant, tout le monde parlait de là où ils voulaient aller. On m'a dit, toi tu peux aller en France. C'est au moins que tu sais parler la langue française. C'est un peu quoi. Je me suis approché avec un grand. Et il dit, ah petit là, il faut qu'on prenne le train comme ça. Il m'a expliqué tout ça là, on va aller ensemble. Mais tu ne vas pas t'approcher à moi quoi. Il fallait rester distant. Il ne fallait pas qu'on se suive, que toi et moi, on est ensemble. Peut-être comme toi, on peut te laisser. Parce que tu es un enfant. Maintenant, dans le train, ça parle. C'était pour la première fois pour moi de voir ça. Si vous arrivez à un endroit, ils vous informent que vous êtes arrivé à cet endroit. Le train s'est garé aujourd'hui. Terminus Strasbourg. Dès que le train s'est arrêté, il y avait un mouvement très intense. Tout le monde se courait pour aller emprunter encore un autre train. Broum broum broum broum broum broum broum. Moi aussi, je me suis mis à couiller avec celle-là. Je suis arrivé devant le train, il y avait un noir là-bas, je lui ai demandé où le train va. Il m'a dit le train va jusqu'à Paris. Je lui ai dit ok, Alhamdoulilah, c'est la destination. Arrivé à Paris, on est resté là-bas, il y avait un gars là-bas qui s'appelle Bercy, il y avait des gens à côté là-bas, beaucoup de noirs qui passent la nuit là-bas à côté. Je suis resté là-bas deux jours, il y a un frère qui m'a dit « Hé petit, ce que nous on entend de faire ici, tu ne peux pas faire, tu es trop jeune. » Il faut quitter ici. Paris, là-dessus, c'est très rempli. Il faut aller dans une autre ville, quoi. Il faut aller à Dijon. Il y a des blacks là-bas. Tout le monde qui a fait une vie, ils l'appellent les noirs, les blacks. Et je me suis croisé avec trois personnes, des jeunes comme moi. C'est les deux qui naissent. L'autre s'appelle Jojep, l'autre s'appelle Ahmed.

  • Speaker #0

    Abu Bakar n'arrivera pas jusqu'à Dijon. Il finit son trajet dans une petite ville, probablement à Valens. Là, des associations locales l'orientent vers la préfecture. C'est le tout premier contact d'Abu Bakar avec l'administration française. Ses empreintes sont enregistrées, son récit de vie consigné, mais faute de preuves, sa minorité n'est pas reconnue.

  • Speaker #1

    On est rentrés maintenant dans un bureau là-bas. Ils nous ont mis nos mains comme ça là. Eux m'ont dit qu'ils ne vont pas me prendre en charge. Non, j'ai commencé à pleurer. Si tu as fait tous les trajets là, à toi, Suédo, on ne te croit pas. Comme ça là, pourquoi toi tu pries ? Je dis je suis musulman, moi mon papa est musulman, mon mère est musulman. Lorsqu'on était en Tunisie, on priait, les hommes priaient pour demander de lui pour qu'on traverse l'eau. Et j'en dis, comment je suis que c'est mon âme ça ? À l'école de France, on fait les choses, on demande de faire, de vous présenter. C'est là-bas que tu vas comprendre que tu as 16 ans. Moi j'ai dit à 16 ans, là mes parents s'est débrouillé. J'en dis, toi tes parents s'est débrouillé, tu es très bien, pourquoi tu les quittes pour venir en Europe ? Qu'est-ce qui t'a poussé ? Quand on dit débrouiller, ça veut dire que la personne n'a pas de l'argent. Nous, on ne dit pas tout. Tu n'as pas le droit d'exposer la vie de tes parents, même si ça ne va pas. Ça fait pitié quand je ne dis pas ça.

  • Speaker #2

    Ce sont les conseils départementaux qui procèdent à l'évaluation sociale de la minorité et de l'isolement. Cette évaluation s'appuie essentiellement, et c'est le cas d'Abu Bakar, sur des entretiens sociaux réalisés soit par les services du département, soit par... des structures habilitées par le président du conseil départemental. Donc ça va être notamment des associations comme France Terre d'Asile ou La Croix-Rouge. Ces entretiens portent sur plusieurs points, les conditions de vie, le motif et le parcours migratoire, l'état de santé et les conditions de vie depuis son arrivée en France et également le projet en France. On rentre dans une politique d'injonction narrative. Ces jeunes, on leur demande de se raconter de la bonne manière avec les bons indices pour pouvoir accéder. à la protection. Il y a une condition sine qua non de se mettre en récit de la bonne manière. Là-dessus s'ajoutent d'autres outils qui peuvent être mobilisés par les départements. Et donc le préfet, notamment, peut intervenir sur deux points. D'abord, la consultation du fichier d'appui à l'évaluation de la minorité et de l'isolement. Et puis, le deuxième point, c'est la vérification des documents d'identité de la personne. Et là-dessus, effectivement, l'autorité judiciaire peut aussi intervenir en demandant des examens radiologiques osseux. comme par exemple la radio du Poignet. La littérature scientifique sur le sujet estime qu'il y a eu une marge d'erreur d'environ deux ans et demi. Au fond, on n'a pas d'outil fiable pour évaluer l'âge de quelqu'un. On a un peu un dispositif qui bricole avec ce qui peut pour estimer si l'âge allégué est vraisemblable ou non. Et ça donne lieu effectivement à des critères tout à fait incontrôlés qui viennent jouer leur rôle dans la sélection. Et ces critères peuvent être tout à fait discriminants. Par exemple, moi j'ai effectivement constaté que les jeunes qui avaient été scolarisés dans une école coranique avaient moins tendance à être reconnus mineurs que des jeunes scolarisés dans le système éducatif national. Un jeune non francophone aura moins tendance à être reconnu mineur qu'un jeune francophone. Il faut entendre le silence qui entoure le rapport à la famille et la situation de la famille. L'étude du schéma familial fait partie de la procédure d'évaluation, c'est-à-dire que dès le début du parcours administratif du jeune, on va chercher à obtenir des éléments précis sur la famille, comme l'âge des frères et sœurs, la situation professionnelle des parents, les dates significatives comme les décès d'un parent, etc. d'évaluer l'âge du jeune. Et du coup, dans cette situation, les jeunes vont chercher à improviser sans maîtriser véritablement les règles du jeu. Et donc, du coup, ça va se traduire par des maladresses. Effectivement, la notion d'isolement est très souvent mal comprise par ces jeunes. Ça va donner des raisonnements du type « je ne peux pas connaître quelqu'un en France, sinon je ne serai pas protégée » ou bien « il ne faut pas que je dise que j'ai des frères et sœurs, que j'ai des contacts avec mes parents » . il faut que je dise que mes parents sont morts. Et ça, ça peut vraiment mener à des situations de malaise profond pour les jeunes, voire d'écroulement complet de jeunes qui ne supportent plus de ne pas savoir ce qu'ils doivent dire. Un peu la dernière manière de se protéger, la dernière manière de protéger un bout de son territoire intime, ça va être de garder le silence. C'est des tensions aussi qui se traduisent au moment de la régularisation, parce que là aussi, le jeune se trouve en tension entre plusieurs discours. D'un côté, le juge des enfants et les équipes éducatives qui... En fait, traditionnellement, vont travailler au maintien du lien avec les parents, avec la famille et d'autre part, une obtention d'un titre de séjour qui est facilité quand le jeune n'est pas en contact avec ses parents. On est vraiment dans des situations d'injonction paradoxales qui sont douloureuses pour ces jeunes.

  • Speaker #1

    On m'a envoyé à la gare, on m'a abandonné là-bas. J'étais perdu encore. Il y a un monsieur qui s'appelle Thierry, un Français. Il est venu, il m'a trouvé là-bas, il m'a pris dans sa battue, mais j'ai eu peur. Il a commencé à crier. Il m'a dit, comment peux-tu faire ça ? Comment les gens l'appétent ici ? C'est pas des hommes de bonne peur. Il m'a envoyé chez une dame qui s'appelle Yvonne. Elle m'a accueilli chez lui. Elle a pris soin. Je suis resté là-bas chez lui jusqu'à une semaine. Après, elle m'a dit, Apu, moi je ne vois plus maintenant très bien. Je suis vieille. Je ne vais pas m'occuper de toi. L'hôte d'Abou Bakar l'oriente vers les moches.

  • Speaker #0

    Elle juge cette ville plus à même d'être un lieu propice à son éducation et à son avenir.

  • Speaker #1

    À côté de la gare, il y a un jardin là-bas. J'ai resté là-bas jusqu'à 16h, 17h. J'étais perdu maintenant. Mais là-bas, il y a beaucoup de noix qui fécandent le coin. Il y a un vrai là-bas. Je me suis approché de lui. Je me suis dit, ce niveau ici, dans cette ville, c'est un monsieur blanc qui m'a envoyé jusqu'ici. Mais lui aussi, il ne m'a pas cru en un premier temps. Il m'a regardé comme ça. Il m'a dit, c'est un blanc qui t'a envoyé ici. Tu ne connais même pas. Ce n'est pas facile ici en Europe. Il m'a envoyé vers les policiers. La Martine. J'ai resté là-bas aussi, même par trois jours, on m'a envoyé encore à la prophétie. On m'a dit « Ah, tu as passé quelque part ? » Je leur ai dit « Oui, attends, je peux vous expliquer pourquoi on m'a mis au-delà de la prophétie. » Il n'y a pas d'explication maintenant, il faut quitter à l'hôtel.

  • Speaker #2

    depuis la loi dite « colon » . de 2018, il y a cette nouvelle étape supplémentaire dans la procédure d'évaluation qui donc s'appelle le dispositif d'aide à l'évaluation de la minorité ou fichier AEM, qui est un fichier biométrique qui permet de centraliser les empreintes digitales, les photos et les principales informations sur le jeune évalué. Et l'objectif, c'est précisément d'éviter ce qu'on va qualifier de « department shopping » . Quand un jeune est « débouté » de la minorité, on cherche à éviter qu'il puisse demander une protection dans un autre département. C'est un outil qui provoque des erreurs supplémentaires pour plusieurs raisons. C'est un fichier qui ne prend pas en compte les différentes stratégies. On a des jeunes qui, par exemple en Italie, vont affirmer qu'ils sont majeurs pour différentes raisons. Par exemple, pour pouvoir travailler, pour ne pas être retenus dans un foyer pour mineurs, pour obtenir un visa, etc. Et du coup, parce que dans la base de données, ils sont indiqués majeurs, en France, on va leur dire « Non, t'as dit que t'étais majeur en Italie, nous on te prend pas en charge » . ce fichier AEM, On le constate sur le terrain, c'est un recours qui est très dissuasif pour de nombreux jeunes qui ont vécu, pour une grande partie d'entre eux, des expériences assez douloureuses avec les autorités administratives et avec les forces de l'ordre dans différents pays de transit comme en France. Et donc, du coup, refusent de demander une protection parce qu'ils savent qu'ils vont devoir donner leurs empreintes digitales. Et puis, le dernier point, c'est qu'avec ce fichier AEM, le rôle du préfet est renforcé. dans la procédure de traitement des mineurs non accompagnés. Et donc ça, ça se traduit par une facilitation de l'édiction des mesures d'éloignement sans parfois laisser le temps nécessaire pour exercer une voie de recours suite par exemple à une démarche déboutée.

  • Speaker #0

    Pendant la période d'évaluation de la minorité, les MNA doivent être mises à l'abri et bénéficier d'un soutien matériel, éducatif et psychologique. Mais trop souvent, cet accueil provisoire d'urgence a lieu dans un hôtel social.

  • Speaker #2

    Que ce soit la recherche, les travaux des chercheurs, tout comme les rapports de la Commission nationale consultative des droits de l'homme ou encore les rapports du défenseur des droits, il y a un consensus qui confirme que... Ce type d'hébergement est tout à fait inadéquat. D'abord parce que les problèmes de santé rencontrés par ces jeunes ne sont pas pris en compte. Donc on voit par exemple des épidémies de galles ou d'hépatites qui ne sont pas enrayées. Les hôtels sociaux induisent une certaine invisibilisation des jeunes. Du coup, on constate des situations de squat qui ne sont pas contrôlées, qui viennent s'ajouter à des situations de surpopulation. Moi j'ai vu des hôtels sociaux dans lesquels les jeunes étaient parfois plusieurs dans un même lit. Et donc ça va poser aussi d'autres questions, par exemple des cas d'agressions sexuelles qui sont rapportés. Et puis aussi l'hébergement en hôtel social produit une situation d'oisiveté au quotidien pour ces jeunes. Et donc ça, ça laisse la porte ouverte aux réseaux. Donc aux réseaux de trafic, de traite, les réseaux qui poussent à la délinquance, à la prostitution, etc. Et ce que montre l'Inspection Générale des Affaires Sociales, c'est que sur les 5% des mineurs confiés à l'ASE, qui sont en hôtel social. Donc sur ces 5%, 95% sont des MNA, sont des mineurs isolés. Donc c'est un phénomène qui ne concerne pas ou très peu les mineurs français, mais majoritairement les mineurs étrangers.

  • Speaker #1

    Maintenant, on m'a envoyé chez l'avocate. J'ai envie d'appeler mes parents pour qu'ils m'envoyent mes documents. Là où c'est écrit réellement que j'ai 16 ans. Mais, lorsque mon papi est venu d'ici... On dit d'envoyer d'abord à notre ambassade. Je dois partir devant le juste enfant, celui qui a le droit de me dire oui ou non. Moi, je suis en colère, je peux dire, du fait qu'on ne veut pas me donner l'occasion de me prendre, pour m'envoyer à l'école, pour s'occuper de moi, je ne sais pas pourquoi on me fait ça. Qu'est-ce que j'ai fait ? Du mal de me rejeter de cette manière, ça, ça ne me plaît pas jusqu'à présent. Pourquoi les autres ne veulent pas me croire ? Pourquoi ? Pourquoi on me dit que je mens ? Le temps, ça passe, non ?

  • Speaker #2

    On estime que sur l'ensemble du territoire, environ 40% des jeunes en demande de protection sont reconnus mineurs et donc accèdent à une prise en charge à l'aide sociale en enfance. Ce qui veut dire que pour les 60% restants, quand ils continuent d'alléguer leur minorité, il est possible de faire un recours auprès du juge des enfants. Certains d'entre eux vont s'engager dans un processus de contentieux souvent long et complexe. Dans certains départements, ça va prendre quelques semaines. Dans d'autres départements, il faudra attendre plus d'un an. Selon le barreau de Paris, on a 50% des MNA qui n'avaient pas été pris en charge en première instance qui le seront en seconde instance. Mais entre-temps, ce sont des jeunes qui, parce qu'ils ne sont pas reconnus mineurs, ne sont plus hébergés, ne sont plus mis à l'abri et donc vont se retrouver pendant plusieurs mois. dans des situations de très grande précarité, donc campements urbains, squats, etc. Là, en fait, c'est la situation de ce qu'on va appeler les « migeurs » , les « ni mineurs, ni majeurs » . La minorité n'a pas été reconnue, mais le jeune continue d'alléguer la minorité. Et donc, ils n'ont pas accès aux dispositifs de protection de droit commun qui sont réservés aux adultes. Donc, ils sont un peu dans une zone de non-droit. Et je pense que cette situation-là met en évidence le non-respect du principe de présomption de minorité. parce que le doute repose sur certains de ces jeunes. Du coup, les conséquences du doute vont peser sur l'ensemble des jeunes à toutes les étapes du parcours administratif.

  • Speaker #1

    Le département a le droit de me prendre en charge, de suivre mes trucs scolaires. C'est eux qui doivent faire ça. Mais j'ai fait tous les tests quand même au niveau des CEO. Quand vous venez de l'Afrique, il faut qu'ils voient ton niveau. Si tu sais lire et écrire, je fais deux études d'évaluation, français et mathématiques. On m'a demandé si je connais l'anglais. Je dis que je fais l'anglais, mais je ne connais pas grand-chose. Good morning, good afternoon. C'est ça que je connais. Peut-être que je peux devenir footballer, qui sait. Mais mon vrai ambition, je vais apprendre quelques choses qui vont rester ici dans ma tête. On va parler de la restauration, des trucs. Et hier, Mme Martine m'a encore ajouté un autre métier, installation thermique. Bon, mon premier choix, le choix le plus... Ardent pour moi c'est devenir un électricien, c'est ça que j'ai envie de faire. Mes dames là, elles m'accompagnent, elles vont me positionner d'abord dans une école avant que mes dossiers ne finissent pas d'être traités.

  • Speaker #0

    Le point commun de ces jeunes qu'on constate beaucoup, c'est le désir d'apprentissage, le désir d'émancipation sociale qui est très fort et qui dépasse de loin la simple aspiration financière. Et ça, je pense que c'est important de le préciser. La plupart d'entre eux vont émettre des rêves de devenir médecin, de devenir musicien, de faire des études, etc. On a un cadre juridique international et national qui est complet sur le papier, qui doit permettre. l'accès à la scolarité. D'une part, la Convention internationale des droits de l'enfant établit le principe de non-discrimination de l'accès à la scolarisation et c'est un principe qui est confirmé dans le droit national par plusieurs textes. L'école est un droit pour tous les enfants résidant sur le territoire national, quelle que soit leur nationalité, leur statut migratoire ou leur parcours antérieur. Alors c'est une obligation pour les moins de 16 ans, ça reste un droit pour les plus de 16 ans. L'autre point, c'est qu'on a un processus d'intégration scolaire qui est clairement établi sur le papier. avec une évaluation faite par ce qu'on appelle le CASNAV, c'est le Centre académique pour la scolarisation des nouveaux arrivants et des enfants du voyage, qui est un service du rectorat. Une fois que l'évaluation est faite, le jeune est orienté selon son niveau vers une classe. Là, le premier point qu'on peut soulever, c'est qu'il n'y a pas assez de place. En fonction des territoires, l'attente est souvent longue. On estime que l'attente est de plus de dix mois. donc en fait c'est une année scolaire qui passe. La plupart des MNA qui sont accompagnés dans un processus de scolarisation sont envoyés en centre de formation des apprentis, en CFA, ou en centre de formation professionnelle, en CFP. Cette orientation majeure, vraiment majoritaire, s'explique par un enjeu tout à fait central dans la scolarisation des MNA, c'est la régularisation à la majorité. À la majorité se pose la question de l'obtention du titre de séjour. Et pour pouvoir obtenir le titre de séjour, en fait, le critère d'examen principal, c'est l'insertion dans une formation. Et en fait, de fait, la formation professionnelle, c'est l'orientation qui va leur permettre d'avoir le plus de chances d'obtenir un titre de séjour, en plus d'être le meilleur moyen d'accéder à une autonomie matérielle relativement rapidement.

  • Speaker #1

    J'ai des personnes en France. Personne. Je n'ai pas d'amis d'enfants. C'est quoi. J'ai ma nuit à la maison. J'ai des personnes. Tout le monde est chez lui, quoi. C'est calme, calme tout le temps. Et des fois, j'ai envie de me récréer. C'est les femmes qui m'ont beaucoup aidé, quoi. Mme Agnès, Mme Marti, Mme Fossoy. Et ce n'est pas leur travail. C'est des bénévoles. Il y a des gens ici qui sont humains, quoi. Je peux dire ça, quoi. Qui m'ont poussé dans des moments de difficulté. Quand on me laisse, il y a quelqu'un qui me prend. Quand on me laisse, il y a quelqu'un qui me prend toujours. Moi, je ne fais pas de problème. C'est ça qui ne m'est pas à Ne t'approche pas avec les gens qui filment, qui prennent les drogues. Pas que j'ai des appels là-bas pour dire je suis dans tel problème en Europe. Tout ce que j'ai fait ici, je les ai demandé. On me dit c'est comme ça que tu fais, c'est comme ça que tu traverses, c'est comme ça que tu dois marcher. Des fois, ça m'arrive, je peux parler très fort. En France, on parle pas très fort, on parle doucement. On me fait goûter les aliments aussi, des fois. Il y a des aliments que tu peux détester, mais il faut goûter. On m'a fait goûter la soupe de carottes, c'était ok. Au départ, je voulais pas manger. Il faut m'apprendre à certaines choses ici, quoi. À France. de faire des cours de français, des fois géographique, en tout cas de m'apprendre, de me faire intégrer ici avec le système.

  • Speaker #0

    C'est vrai que le milieu associatif est très féminin. Le secteur du care, du soin, de l'éducatif, du social, etc. sont des secteurs qui sont fortement investis par les femmes. Alors des femmes âgées, parce que les retraités ont du temps pour s'engager, mais pas seulement, on a aussi des associations qui sont portées par beaucoup de jeunes femmes. Selon moi, elles sont la colonne vertébrale de l'action sociale et solidaire en France. une action qui est absolument essentielle face aux défaillances institutionnelles. Il y a un enjeu pour ces jeunes à créer du lien dans toutes les dimensions de leur vie sociale, pour apprendre la langue, pour accéder à ses droits, c'est-à-dire que créer du lien avec des gens, ça va permettre aussi d'être orienté vers les bonnes ressources, vers les bons acteurs, vers les associations qui peuvent assister, par exemple, dans les procédures juridiques, etc. Ça permet aussi de... de trouver plus facilement un employeur qui puisse faire une promesse d'embauche. Ça peut permettre aussi de faciliter le logement, l'accès au logement, etc. Rappelons-le, ce sont des adolescents qui sont loin de leur famille, qui sont séparés de leurs parents. Il y a une souffrance due à cette séparation, une souffrance due à l'isolement, une souffrance qui est renforcée par les obstacles administratifs, par la lenteur. la complexité des procédures administratives. Et donc ces jeunes-là ont effectivement absolument besoin d'être entourés, de recréer un tissu social dans lequel ils puissent trouver leur place.

  • Speaker #2

    Depuis le tournage de cet épisode début décembre, la situation Babou Bakar a quelque peu évolué. Son axe de naissance est enfin arrivé à l'ambassade, mais il est malgré cela toujours en attente de son recours devant le juge des enfants. Il va débuter très prochainement une formation de charpentier. Il n'a toujours aucune aide de l'État, mais bénéficie d'un fort soutien citoyen. Pour son logement, chez des particuliers, qui lui payent aussi ses repas dans un resto social, et pour ses cours de français avec une association. Il est en lien régulier avec sa famille restée en Guinée. En revanche, il n'a jamais eu de nouvelles de son grand frère. Il ne garde aucune rancœur vis-à-vis de lui et estime même que c'est grâce à lui qu'il est aujourd'hui en France.

  • Speaker #3

    Je sais que c'est très difficile. qui fait ce choix de risquer sa vie en prenant cette voie partie en laissant se connaître sans foi toute la famille compte sur toi mais personne n'est sûr de ton arrivée d'une vie meilleure que tu as toujours rêvé je me

  • Speaker #4

    dis Vous

  • Speaker #2

    venez d'écouter Je suis migrant, une série documentaire indépendante. Merci à Abou Bakar qui a bien voulu nous partager son récit de vie. et son récit de migration. Et merci à vous pour votre écoute.

Description

Aboubacar est un jeune mineur isolé, sans aucun parent ni connaissance en France. Par son état civil, son pays d’origine et ses aspirations, il est en quelque sorte représentatif des mineurs non accompagnés (ou MNA) en France. Mais son histoire a ceci de singulier qu’il n’a pas choisi de quitter son pays...

Un récit commenté par Noémie Paté, Maître de conférences en sociologie.



📖 SOURCES :


🎵 MUSIQUES :

  • Scott Buckley, Horizons

  • Zackross, Monogatari

  • Migrinter- OMM en collaboration avec Young Revolution 86, Y a du bon, y a du mauvais / Le clip



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Transcription

  • Speaker #0

    3,6% de la population mondiale n'habite pas dans son pays de naissance. De ce chiffre est née notre envie de raconter les histoires des migrations qui forgent cette réalité. Les parcours de celles et ceux qui souffrent de n'être que des statistiques. Je suis migrant leur rend la parole. Celui qui s'est trouvé asile dans une langue a trouvé un pays où être chez soi. Il en est l'habitant. Personne ne vous expulsera jamais d'une langue.

  • Speaker #1

    Je m'appelle Kamara Bouaka, j'ai 16 ans et demi, je viens de la Guinée qu'on a créée.

  • Speaker #0

    Quitter en Guinée,

  • Speaker #1

    quitter en Afrique, venir ici là, tous les enfants du bas peuple qui souffrent là-bas, c'est notre rêve. Parce qu'on dit ça depuis qu'on était enfant, quoi. Un jour, moi je vais aller en Europe, un jour je vais aller en Europe, un jour je vais aller en France, merde. On part chez les voisins qui ont un peu plus de moyens que vos parents pour regarder la télé. On voit là-bas les images, c'est beau, c'est joli. Vous voyez que les enfants français parlent d'une bonne condition, agréable. On était plus de cent et quelques dans une salle. Cent trente-cinq, cent quarante comme ça, dans une salle, tout à patable. Je suis passé des fois qui n'étaient pas du tout faciles, mais je peux dire, le rêve est là maintenant. Je suis en Europe, je suis en France, j'aime la France depuis que j'étais petit. J'aime votre langue. Des fois, je regarde les cours de français parce que je veux parler comme vous. Parce qu'il y a des slogans que vous employez. Bah ouais, le truc là. Moi, j'apprécie ça. Mais je vais rester en France. Maintenant, c'est ma décision finale. Rester ici, de m'intégrer, d'apprendre beaucoup de choses.

  • Speaker #0

    Aboubakar est un jeune mineur isolé, sans aucun parent ni connaissance en France. Par son état civil, son pays d'origine et ses aspirations, il est en quelque sorte représentatif des MNA. Les mineurs non accompagnés en France.

  • Speaker #2

    Les mineurs non accompagnés sont majoritairement des adolescents, donc pour près de 60% entre 16 et 17 ans.

  • Speaker #0

    Noémie Pathé, maître de conférences en sociologie.

  • Speaker #2

    Et une grande majorité de jeunes garçons, puisqu'on a en 2022 6,8% de jeunes filles parmi les MNA. On observe une augmentation du nombre de jeunes filles ces dernières années. Mais majoritairement, ce sont plutôt des garçons et avec deux nationalités d'origine majoritaires que sont la Côte d'Ivoire et la Guinée. Avec aussi d'autres pays d'origine comme la Turquie, le Mali, l'Afghanistan, le Pakistan. En 2022, on a 14 782 mineurs qui sont reconnus mineurs et donc pris en charge par l'aide sociale à l'enfance. Sur les dernières années, on n'observe pas d'augmentation du nombre de MNA pris en charge. La France comme l'Italie sont des pays qui sont signataires de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant, qu'on appelle ACID, et ceux depuis 1989 sont des pays qui se sont engagés à garantir la protection de tout enfant selon un principe de non-discrimination. Concrètement, ça veut dire que quelle que soit la nationalité d'origine de l'enfant, quelle que soit sa couleur de peau, son ethnie, sa religion, Tout enfant en danger, et ça inclut les enfants isolés qui n'ont pas de représentant légaux sur le territoire, doit avoir accès à une protection. Les pays d'accueil ont l'obligation de permettre l'accès à un dispositif qui garantit cette protection, qui garantit l'accès à un hébergement sécurisé, l'accès à une scolarité, l'accès à un suivi socio-éducatif. qui permettent progressivement l'autonomie de la personne. Ce qu'on constate, c'est que, et là je m'appuie sur les très nombreux rapports, par exemple du Défenseur des droits, qui identifie de réelles violences institutionnelles dans les conditions de prise en charge des mineurs non accompagnés. Et ce qu'on constate, c'est que les services de protection de l'enfance n'assurent pas ou mal le respect des droits fondamentaux de ces jeunes. Et ça va se traduire par exemple par des situations de rétention de mineurs, par le maintien dans la grande précarité, le maintien à la rue, d'un grand nombre d'entre eux par l'exposition à des réseaux de traite, etc.

  • Speaker #0

    Heureusement, Aboubakar n'a pas subi toutes les menaces qui viennent d'être évoquées. Mais sa situation familiale en Guinée l'a exposé très tôt à une grande précarité.

  • Speaker #1

    J'ai une soeur et un frère, un petit frère. Mon père a deux femmes, c'est ma mère qui est la deuxième femme. On était dans le monde. Dans une maison, deux pièces qu'on achète au salon, nous on dit chassez-nous ensemble au salon. Mon papa ne travaille pas, mais deux mamans qui sortent des fois pour se débrouiller, qui vont au marché prendre des choses avec les grands boutiquiers, les grands magasins, et aussi vont revendre ça pour gagner. S'il y a beaucoup d'achats, ils peuvent venir pour préparer pour qu'on mange. Le jour qu'il n'y a pas beaucoup d'achats, ce jour-là on ne mange pas. Mon papa n'a pas eu la chance, mais de moment, il n'y a personne qui a pu aller à l'école. Pour qu'après moi, je n'ai pas le droit d'étudier. Ça venait de ma tête, avec mon jeune âge. Chez nous, en Afrique, tu n'as pas le droit de demander à tes parents par rapport à certaines choses. Ils vont dire que tu es un poulie. J'ai fait pendant huit bonnes années à l'école, jusqu'à la collège. Tout le monde m'aimait. Ce n'était pas facile avec ma famille, mais toujours, je me forçais pour aller à l'école, apprendre quelque chose.

  • Speaker #0

    Son récit a ceci de singulier qu'il n'a pas choisi de quitter son pays. Il n'en a pas vraiment été prévenu non plus et a suivi en toute confiance un ami de la famille. C'était en mars 2023.

  • Speaker #1

    Il y avait un frère chez nous, à côté de chez nous, là où mon père était habité. Donc le frère là, il était tellement d'accord avec ma mère. Moi je suis né dans ça, je les voyais parler, causer, en tant que petit frère et grand-sœur. Donc c'est le même amour qui est continu entre moi et le frère là. Donc je l'appelle comme ça la frère Momodba, mais on n'a pas les mêmes mairies, les mêmes pères quoi. Quand on me demande quelque chose à l'école, des fois mes parents n'ont pas la possibilité d'acheter pour moi. Et le frère, lui, s'est débrouillé dans le grand marché de notre ville là-bas qu'on a créé. Le marché s'appelle Madina. Des fois, il m'achète le grand point pour jouer au ballon, les maillots, parce qu'on fait EPS à l'école. C'était un jour, je ne me rappelle pas très bien, elle m'a dit, petit, on doit voyager, on doit effectuer un voyage, mais le voyage doit être secret. Tu n'as pas le droit de dire ça à quelqu'un. Si lui, il a parlé avec ma maman, je ne sais pas. Je n'ai rien dit parce que je n'ai pas prêté beaucoup d'attention sur ça. Parce que je le considère comme une personne qui ne peut pas me faire du mal. Je suis grandi presque dans sa main.

  • Speaker #2

    Les mineurs non accompagnés, c'est un groupe très hétérogène, avec des situations très complexes, très variées, souvent très bricolées, plurielles. Il faut être vigilant à ne pas tirer de généralité trop rapidement. Il y a effectivement... des jeunes pour lesquels les liens familiaux, le facteur familial a joué un rôle dans la migration, dans le projet migratoire. Soit c'est des jeunes qui sont envoyés par leur famille, souvent on utilise le terme « mandatés » par la famille, ou bien on va parler de migrants solidaires, c'est-à-dire des jeunes qui sont envoyés, souvent ce sont des aînés de la fratrie qui sont envoyés pour subvenir. au moins en partie, aux besoins de la famille. Mais c'est aussi parfois des jeunes qui ont les mêmes caractéristiques, c'est-à-dire des jeunes garçons aînés de la fratrie, qui sont conscients d'une certaine charge familiale qui repose sur eux en tant qu'aînés, et donc qui vont estimer que la migration est la seule option pour leur permettre d'assumer cette responsabilité d'une certaine manière. Et parfois, ça va se faire contre l'avis de la famille. On parle beaucoup des mandatés économiques. Ils seraient là pour travailler, pour instrumentaliser les dispositifs. Ils ne seraient peut-être pas forcément mineurs. Ça vient s'adosser sur la rhétorique du « migrant économique » qui mettrait en danger l'économie française et qui, en fait, est une rhétorique qui repose assez peu sur les données scientifiques recueillies, mais qui est à son poids, à ses effets, parce qu'elle va se traduire par « envers » . en fait, une illégitimité perçue sur le territoire. Moi, en tout cas, ce que j'ai observé, c'est que la grande majorité de ces jeunes, c'est plutôt des jeunes migrants qui ont pris la route poussée par leurs aspirations, par leur désir d'un avenir meilleur, par leur désir d'une émancipation, d'une réalisation personnelle, parfois en rupture avec la trajectoire des parents, et en fait, qui vont considérer la migration comme... Une manière de grandir symboliquement, en fait. Une manière de conquérir une place sociale qui soit valorisante à leurs yeux.

  • Speaker #1

    Je suis quitté en Guinée depuis le mois du Ramadan. On est parti à Madina. Elle m'a acheté encore un sac. Et là, j'ai acheté encore deux pantalons comme ça. Peut-être quelques habits comme ça, elle a mis dans le sac. Et j'étais très content ces jours-là. on s'est déplacé pour aller là où les voitures s'égarent quoi la nuit a commencé à tomber quoi on ne va pas rentrer à la maison il dit non attends on va aller maintenant il y a une voiture tout le monde a commencé à monter dans la voiture avec les bagages quoi non je n'ai monté dans cette voiture j'ai commencé à avoir un peu peur quand je le regarde il touche ma tête comme ça là il dit non il n'y a rien qui va t'arriver on a fait pendant toute la nuit marcher dans cette voiture j'ai commencé à avoir très très très peur et à chaque fois que je le regarde Il me donne la force en m'encouragant. Si je me rappelle très bien, c'était deux jours de voiture. Je lui ai demandé, on est où comme ça ? Il m'a dit, tiens, on va aller comme ça. On ne va plus se retourner en Guinée. Rien ne va t'arriver. Quand toi, comment je vais faire ? Moi, je suis en train de faire l'école. Là, on vient aller comme ça. Arrivés là-bas, tu vas étudier. On a resté là-bas quelques jours. Après, on s'est déplacés encore dans une autre voiture pour aller dans un autre coin. Je crois que c'est un arbre qui conduisait la voiture, masqué comme ça. Donc, nous, les petits garçons, on nous a mis en part. Les grands garçons sont restés en haut là-bas. Et on était trop nombreux. Du coup, moi, j'ai vu les gens, les gens qui voulaient des blancs. Donc, j'ai commencé à avoir un peu de content. Il y a des blancs en Guinée, mais ce n'est pas fait comme quoi. Lorsqu'on était petits, mon Père pour le saluer, pour le toucher. Sa peau, on la fixait, on la regardait. C'est une fierté qu'on a. Je me suis dit peut-être que je suis venu dans le pays des Blancs. Je lui ai demandé de quoi, si c'est où. Il m'a dit non, tu as analysé comme ça. Je lui ai dit d'Algérie, c'est où.

  • Speaker #0

    À ce stade-là, Aboubakar n'a toujours aucune idée d'où son périple va le mener. Après quelques jours cachés en Algérie, lui et celui qu'il appelle grand-frère reprennent la route en direction de la Tunisie. Abu Bakar parvient à déchiffrer le panneau à l'entrée de la ville. Ils sont à Sfax.

  • Speaker #1

    On a resté là-bas quelques mois. Je n'ai jamais parlé avec mes parents en Tunisie. Ils ne m'ont pas fait quand même de mauvaises choses pour dire la vérité. Ils m'ont donné des petites pièces pour aller au bar, rester là-bas, prendre du café. Je m'ennuie. Lui, il sort des fois comme ça. Il m'a dit que je ne vais pas travailler des fois. Tous les mois qu'on a fait en Tunisie, là-bas, je l'ai embêté par rapport à l'étude. Pourquoi tu ne m'en vas pas aller pour que je continue mon étude ? Mais quand je lui ai dit ça, il m'a consolé. Il me donne la force. La voiture est venue. On a pris la voiture en con. On est partis très loin. Là-bas, c'est comme un village. C'est très calme. Il y avait beaucoup de personnes. Filles, garçons, des petits-enfants, avec les mamans. Donc, on a resté là-bas comme ça quelques jours. C'était pitoyable là-bas. Maintenant, c'était une nuit. Ils sont venus. Ils ont dit, allez-y. Mais c'était maintenant avec des préparations intenses. Tout le monde s'est équipé avec son sac. J'étais maintenant paniqué lorsque j'ai vu le quoi. Et je n'avais pas le choix, c'est mon frère, je l'ai suivi encore. On est monté dans le bateau là, on est parti un peu loin comme ça là, sous l'eau. Il y a un grand bateau qui est venu, c'est garé devant nous. Il y avait des personnes là-bas qui portaient des tenues, même uniforme, je crois c'est des militaires, je ne sais pas. Ils ont dit retournez-vous, retournez-vous, arrêtez-vous. Maintenant on entendait pardon, pardon, pardon, pardon, pardon, mais le pardon là n'a pas marché. On nous a fait retourner là où on est quittés. Quand vous êtes là-bas, vous parlez avec, entre vous, donc tu vas comprendre là où tu veux aller maintenant. Tout le monde me parle de l'Europe. Il y a beaucoup de personnes, moi, qui m'encourageaient. Je dis, toi, tu as même l'atout parce que tu sais lire, tu sais écrire, tu parles un peu encore. Comme c'est les gens qui négocient le voyage là. C'est un Ivoirien. Leur langue, certains ne comprennent pas. Ils vont dire, il faut parler français. On me demande d'interpréter ça pour eux. Donc, j'étais tellement ému par les gens par rapport à cette situation. On me faisait maintenant des petits cadeaux comme ça. Quand quelqu'un gagne ma jette, il pense à moi. On est revenu là-bas encore pour une deuxième fois. On a même bâti le même endroit. On est resté sous l'eau trois jours. Lorsqu'on a été sauvés par les Blancs, ils nous ont envoyé là, on l'appelle l'Ampelouja. Maintenant, les grands là, tout le monde était content. Certains dansaient, blagaient, criaient même. « Merci Dieu, merci. On est arrivé, on est arrivé, on est arrivé. » Mais moi, je suis arrivé à l'Ampelouja, j'étais malade. Mes deux lèvres étaient brûlées. On m'a envoyé d'abord à l'infirmier là-bas. J'étais très très faible. Quand je mange à l'Ampelouja là-bas, j'ai voulu. L'Ampelouja là-bas, il y a un monde là-bas. Vous passez la nuit au dehors, vous cherchez les cartons comme ça là, vous étalez, vous passez la nuit là-bas.

  • Speaker #0

    Trophèbe, pour se présenter lui-même, c'est le grand frère qui procède à son enregistrement à Lampedusa. L'a-t-il bien déclaré mineur ou l'a-t-il vieilli pour qu'il ne soit pas retenu en Italie ? Ce détail a toute son importance, comme nous le verrons dans la suite du récit d'Abou Bakar.

  • Speaker #1

    C'est au niveau de ceci, moi et le frère là, on s'est séparés. On vous appelle à travers vos noms. Et lorsqu'ils ont dit mon nom, ils m'ont dit c'est toi, il faut aller. Je suis parti. On est arrivé dans un port comme ça là. C'est là-bas que nous on a compris très bien la différence entre vous et les Arabes. On est resté dans une grande salle. Comme là on joue le basket quoi. Ça s'appelle Galico en Italie là-bas. Donc on est resté là-bas pendant plusieurs semaines. On n'avait pas des habits. Les gens se plaignaient par rapport à la nourriture quoi. On n'avait pas à manger comme il faut quoi. Et de fois là-bas il n'y a pas l'eau. Ça coude et ça me lève. Les femmes se sont revendiquées. Ils n'arrivent pas à se laver très bien, les grandes femmes. Et les gens se sont revendiqués qu'il n'y a pas de place. Il y avait une femme qui m'avait aidé à avoir le téléphone là. Et j'ai appelé pour la première fois. Je l'ai dit, je suis en Europe. Ils ont dit que Dieu était protégé. Ils ont fait des bénédictions pour moi. Et j'étais content parce qu'ils ont compris maintenant que je suis en vie. C'était un jour maintenant, tout le monde parlait de là où ils voulaient aller. On m'a dit, toi tu peux aller en France. C'est au moins que tu sais parler la langue française. C'est un peu quoi. Je me suis approché avec un grand. Et il dit, ah petit là, il faut qu'on prenne le train comme ça. Il m'a expliqué tout ça là, on va aller ensemble. Mais tu ne vas pas t'approcher à moi quoi. Il fallait rester distant. Il ne fallait pas qu'on se suive, que toi et moi, on est ensemble. Peut-être comme toi, on peut te laisser. Parce que tu es un enfant. Maintenant, dans le train, ça parle. C'était pour la première fois pour moi de voir ça. Si vous arrivez à un endroit, ils vous informent que vous êtes arrivé à cet endroit. Le train s'est garé aujourd'hui. Terminus Strasbourg. Dès que le train s'est arrêté, il y avait un mouvement très intense. Tout le monde se courait pour aller emprunter encore un autre train. Broum broum broum broum broum broum broum. Moi aussi, je me suis mis à couiller avec celle-là. Je suis arrivé devant le train, il y avait un noir là-bas, je lui ai demandé où le train va. Il m'a dit le train va jusqu'à Paris. Je lui ai dit ok, Alhamdoulilah, c'est la destination. Arrivé à Paris, on est resté là-bas, il y avait un gars là-bas qui s'appelle Bercy, il y avait des gens à côté là-bas, beaucoup de noirs qui passent la nuit là-bas à côté. Je suis resté là-bas deux jours, il y a un frère qui m'a dit « Hé petit, ce que nous on entend de faire ici, tu ne peux pas faire, tu es trop jeune. » Il faut quitter ici. Paris, là-dessus, c'est très rempli. Il faut aller dans une autre ville, quoi. Il faut aller à Dijon. Il y a des blacks là-bas. Tout le monde qui a fait une vie, ils l'appellent les noirs, les blacks. Et je me suis croisé avec trois personnes, des jeunes comme moi. C'est les deux qui naissent. L'autre s'appelle Jojep, l'autre s'appelle Ahmed.

  • Speaker #0

    Abu Bakar n'arrivera pas jusqu'à Dijon. Il finit son trajet dans une petite ville, probablement à Valens. Là, des associations locales l'orientent vers la préfecture. C'est le tout premier contact d'Abu Bakar avec l'administration française. Ses empreintes sont enregistrées, son récit de vie consigné, mais faute de preuves, sa minorité n'est pas reconnue.

  • Speaker #1

    On est rentrés maintenant dans un bureau là-bas. Ils nous ont mis nos mains comme ça là. Eux m'ont dit qu'ils ne vont pas me prendre en charge. Non, j'ai commencé à pleurer. Si tu as fait tous les trajets là, à toi, Suédo, on ne te croit pas. Comme ça là, pourquoi toi tu pries ? Je dis je suis musulman, moi mon papa est musulman, mon mère est musulman. Lorsqu'on était en Tunisie, on priait, les hommes priaient pour demander de lui pour qu'on traverse l'eau. Et j'en dis, comment je suis que c'est mon âme ça ? À l'école de France, on fait les choses, on demande de faire, de vous présenter. C'est là-bas que tu vas comprendre que tu as 16 ans. Moi j'ai dit à 16 ans, là mes parents s'est débrouillé. J'en dis, toi tes parents s'est débrouillé, tu es très bien, pourquoi tu les quittes pour venir en Europe ? Qu'est-ce qui t'a poussé ? Quand on dit débrouiller, ça veut dire que la personne n'a pas de l'argent. Nous, on ne dit pas tout. Tu n'as pas le droit d'exposer la vie de tes parents, même si ça ne va pas. Ça fait pitié quand je ne dis pas ça.

  • Speaker #2

    Ce sont les conseils départementaux qui procèdent à l'évaluation sociale de la minorité et de l'isolement. Cette évaluation s'appuie essentiellement, et c'est le cas d'Abu Bakar, sur des entretiens sociaux réalisés soit par les services du département, soit par... des structures habilitées par le président du conseil départemental. Donc ça va être notamment des associations comme France Terre d'Asile ou La Croix-Rouge. Ces entretiens portent sur plusieurs points, les conditions de vie, le motif et le parcours migratoire, l'état de santé et les conditions de vie depuis son arrivée en France et également le projet en France. On rentre dans une politique d'injonction narrative. Ces jeunes, on leur demande de se raconter de la bonne manière avec les bons indices pour pouvoir accéder. à la protection. Il y a une condition sine qua non de se mettre en récit de la bonne manière. Là-dessus s'ajoutent d'autres outils qui peuvent être mobilisés par les départements. Et donc le préfet, notamment, peut intervenir sur deux points. D'abord, la consultation du fichier d'appui à l'évaluation de la minorité et de l'isolement. Et puis, le deuxième point, c'est la vérification des documents d'identité de la personne. Et là-dessus, effectivement, l'autorité judiciaire peut aussi intervenir en demandant des examens radiologiques osseux. comme par exemple la radio du Poignet. La littérature scientifique sur le sujet estime qu'il y a eu une marge d'erreur d'environ deux ans et demi. Au fond, on n'a pas d'outil fiable pour évaluer l'âge de quelqu'un. On a un peu un dispositif qui bricole avec ce qui peut pour estimer si l'âge allégué est vraisemblable ou non. Et ça donne lieu effectivement à des critères tout à fait incontrôlés qui viennent jouer leur rôle dans la sélection. Et ces critères peuvent être tout à fait discriminants. Par exemple, moi j'ai effectivement constaté que les jeunes qui avaient été scolarisés dans une école coranique avaient moins tendance à être reconnus mineurs que des jeunes scolarisés dans le système éducatif national. Un jeune non francophone aura moins tendance à être reconnu mineur qu'un jeune francophone. Il faut entendre le silence qui entoure le rapport à la famille et la situation de la famille. L'étude du schéma familial fait partie de la procédure d'évaluation, c'est-à-dire que dès le début du parcours administratif du jeune, on va chercher à obtenir des éléments précis sur la famille, comme l'âge des frères et sœurs, la situation professionnelle des parents, les dates significatives comme les décès d'un parent, etc. d'évaluer l'âge du jeune. Et du coup, dans cette situation, les jeunes vont chercher à improviser sans maîtriser véritablement les règles du jeu. Et donc, du coup, ça va se traduire par des maladresses. Effectivement, la notion d'isolement est très souvent mal comprise par ces jeunes. Ça va donner des raisonnements du type « je ne peux pas connaître quelqu'un en France, sinon je ne serai pas protégée » ou bien « il ne faut pas que je dise que j'ai des frères et sœurs, que j'ai des contacts avec mes parents » . il faut que je dise que mes parents sont morts. Et ça, ça peut vraiment mener à des situations de malaise profond pour les jeunes, voire d'écroulement complet de jeunes qui ne supportent plus de ne pas savoir ce qu'ils doivent dire. Un peu la dernière manière de se protéger, la dernière manière de protéger un bout de son territoire intime, ça va être de garder le silence. C'est des tensions aussi qui se traduisent au moment de la régularisation, parce que là aussi, le jeune se trouve en tension entre plusieurs discours. D'un côté, le juge des enfants et les équipes éducatives qui... En fait, traditionnellement, vont travailler au maintien du lien avec les parents, avec la famille et d'autre part, une obtention d'un titre de séjour qui est facilité quand le jeune n'est pas en contact avec ses parents. On est vraiment dans des situations d'injonction paradoxales qui sont douloureuses pour ces jeunes.

  • Speaker #1

    On m'a envoyé à la gare, on m'a abandonné là-bas. J'étais perdu encore. Il y a un monsieur qui s'appelle Thierry, un Français. Il est venu, il m'a trouvé là-bas, il m'a pris dans sa battue, mais j'ai eu peur. Il a commencé à crier. Il m'a dit, comment peux-tu faire ça ? Comment les gens l'appétent ici ? C'est pas des hommes de bonne peur. Il m'a envoyé chez une dame qui s'appelle Yvonne. Elle m'a accueilli chez lui. Elle a pris soin. Je suis resté là-bas chez lui jusqu'à une semaine. Après, elle m'a dit, Apu, moi je ne vois plus maintenant très bien. Je suis vieille. Je ne vais pas m'occuper de toi. L'hôte d'Abou Bakar l'oriente vers les moches.

  • Speaker #0

    Elle juge cette ville plus à même d'être un lieu propice à son éducation et à son avenir.

  • Speaker #1

    À côté de la gare, il y a un jardin là-bas. J'ai resté là-bas jusqu'à 16h, 17h. J'étais perdu maintenant. Mais là-bas, il y a beaucoup de noix qui fécandent le coin. Il y a un vrai là-bas. Je me suis approché de lui. Je me suis dit, ce niveau ici, dans cette ville, c'est un monsieur blanc qui m'a envoyé jusqu'ici. Mais lui aussi, il ne m'a pas cru en un premier temps. Il m'a regardé comme ça. Il m'a dit, c'est un blanc qui t'a envoyé ici. Tu ne connais même pas. Ce n'est pas facile ici en Europe. Il m'a envoyé vers les policiers. La Martine. J'ai resté là-bas aussi, même par trois jours, on m'a envoyé encore à la prophétie. On m'a dit « Ah, tu as passé quelque part ? » Je leur ai dit « Oui, attends, je peux vous expliquer pourquoi on m'a mis au-delà de la prophétie. » Il n'y a pas d'explication maintenant, il faut quitter à l'hôtel.

  • Speaker #2

    depuis la loi dite « colon » . de 2018, il y a cette nouvelle étape supplémentaire dans la procédure d'évaluation qui donc s'appelle le dispositif d'aide à l'évaluation de la minorité ou fichier AEM, qui est un fichier biométrique qui permet de centraliser les empreintes digitales, les photos et les principales informations sur le jeune évalué. Et l'objectif, c'est précisément d'éviter ce qu'on va qualifier de « department shopping » . Quand un jeune est « débouté » de la minorité, on cherche à éviter qu'il puisse demander une protection dans un autre département. C'est un outil qui provoque des erreurs supplémentaires pour plusieurs raisons. C'est un fichier qui ne prend pas en compte les différentes stratégies. On a des jeunes qui, par exemple en Italie, vont affirmer qu'ils sont majeurs pour différentes raisons. Par exemple, pour pouvoir travailler, pour ne pas être retenus dans un foyer pour mineurs, pour obtenir un visa, etc. Et du coup, parce que dans la base de données, ils sont indiqués majeurs, en France, on va leur dire « Non, t'as dit que t'étais majeur en Italie, nous on te prend pas en charge » . ce fichier AEM, On le constate sur le terrain, c'est un recours qui est très dissuasif pour de nombreux jeunes qui ont vécu, pour une grande partie d'entre eux, des expériences assez douloureuses avec les autorités administratives et avec les forces de l'ordre dans différents pays de transit comme en France. Et donc, du coup, refusent de demander une protection parce qu'ils savent qu'ils vont devoir donner leurs empreintes digitales. Et puis, le dernier point, c'est qu'avec ce fichier AEM, le rôle du préfet est renforcé. dans la procédure de traitement des mineurs non accompagnés. Et donc ça, ça se traduit par une facilitation de l'édiction des mesures d'éloignement sans parfois laisser le temps nécessaire pour exercer une voie de recours suite par exemple à une démarche déboutée.

  • Speaker #0

    Pendant la période d'évaluation de la minorité, les MNA doivent être mises à l'abri et bénéficier d'un soutien matériel, éducatif et psychologique. Mais trop souvent, cet accueil provisoire d'urgence a lieu dans un hôtel social.

  • Speaker #2

    Que ce soit la recherche, les travaux des chercheurs, tout comme les rapports de la Commission nationale consultative des droits de l'homme ou encore les rapports du défenseur des droits, il y a un consensus qui confirme que... Ce type d'hébergement est tout à fait inadéquat. D'abord parce que les problèmes de santé rencontrés par ces jeunes ne sont pas pris en compte. Donc on voit par exemple des épidémies de galles ou d'hépatites qui ne sont pas enrayées. Les hôtels sociaux induisent une certaine invisibilisation des jeunes. Du coup, on constate des situations de squat qui ne sont pas contrôlées, qui viennent s'ajouter à des situations de surpopulation. Moi j'ai vu des hôtels sociaux dans lesquels les jeunes étaient parfois plusieurs dans un même lit. Et donc ça va poser aussi d'autres questions, par exemple des cas d'agressions sexuelles qui sont rapportés. Et puis aussi l'hébergement en hôtel social produit une situation d'oisiveté au quotidien pour ces jeunes. Et donc ça, ça laisse la porte ouverte aux réseaux. Donc aux réseaux de trafic, de traite, les réseaux qui poussent à la délinquance, à la prostitution, etc. Et ce que montre l'Inspection Générale des Affaires Sociales, c'est que sur les 5% des mineurs confiés à l'ASE, qui sont en hôtel social. Donc sur ces 5%, 95% sont des MNA, sont des mineurs isolés. Donc c'est un phénomène qui ne concerne pas ou très peu les mineurs français, mais majoritairement les mineurs étrangers.

  • Speaker #1

    Maintenant, on m'a envoyé chez l'avocate. J'ai envie d'appeler mes parents pour qu'ils m'envoyent mes documents. Là où c'est écrit réellement que j'ai 16 ans. Mais, lorsque mon papi est venu d'ici... On dit d'envoyer d'abord à notre ambassade. Je dois partir devant le juste enfant, celui qui a le droit de me dire oui ou non. Moi, je suis en colère, je peux dire, du fait qu'on ne veut pas me donner l'occasion de me prendre, pour m'envoyer à l'école, pour s'occuper de moi, je ne sais pas pourquoi on me fait ça. Qu'est-ce que j'ai fait ? Du mal de me rejeter de cette manière, ça, ça ne me plaît pas jusqu'à présent. Pourquoi les autres ne veulent pas me croire ? Pourquoi ? Pourquoi on me dit que je mens ? Le temps, ça passe, non ?

  • Speaker #2

    On estime que sur l'ensemble du territoire, environ 40% des jeunes en demande de protection sont reconnus mineurs et donc accèdent à une prise en charge à l'aide sociale en enfance. Ce qui veut dire que pour les 60% restants, quand ils continuent d'alléguer leur minorité, il est possible de faire un recours auprès du juge des enfants. Certains d'entre eux vont s'engager dans un processus de contentieux souvent long et complexe. Dans certains départements, ça va prendre quelques semaines. Dans d'autres départements, il faudra attendre plus d'un an. Selon le barreau de Paris, on a 50% des MNA qui n'avaient pas été pris en charge en première instance qui le seront en seconde instance. Mais entre-temps, ce sont des jeunes qui, parce qu'ils ne sont pas reconnus mineurs, ne sont plus hébergés, ne sont plus mis à l'abri et donc vont se retrouver pendant plusieurs mois. dans des situations de très grande précarité, donc campements urbains, squats, etc. Là, en fait, c'est la situation de ce qu'on va appeler les « migeurs » , les « ni mineurs, ni majeurs » . La minorité n'a pas été reconnue, mais le jeune continue d'alléguer la minorité. Et donc, ils n'ont pas accès aux dispositifs de protection de droit commun qui sont réservés aux adultes. Donc, ils sont un peu dans une zone de non-droit. Et je pense que cette situation-là met en évidence le non-respect du principe de présomption de minorité. parce que le doute repose sur certains de ces jeunes. Du coup, les conséquences du doute vont peser sur l'ensemble des jeunes à toutes les étapes du parcours administratif.

  • Speaker #1

    Le département a le droit de me prendre en charge, de suivre mes trucs scolaires. C'est eux qui doivent faire ça. Mais j'ai fait tous les tests quand même au niveau des CEO. Quand vous venez de l'Afrique, il faut qu'ils voient ton niveau. Si tu sais lire et écrire, je fais deux études d'évaluation, français et mathématiques. On m'a demandé si je connais l'anglais. Je dis que je fais l'anglais, mais je ne connais pas grand-chose. Good morning, good afternoon. C'est ça que je connais. Peut-être que je peux devenir footballer, qui sait. Mais mon vrai ambition, je vais apprendre quelques choses qui vont rester ici dans ma tête. On va parler de la restauration, des trucs. Et hier, Mme Martine m'a encore ajouté un autre métier, installation thermique. Bon, mon premier choix, le choix le plus... Ardent pour moi c'est devenir un électricien, c'est ça que j'ai envie de faire. Mes dames là, elles m'accompagnent, elles vont me positionner d'abord dans une école avant que mes dossiers ne finissent pas d'être traités.

  • Speaker #0

    Le point commun de ces jeunes qu'on constate beaucoup, c'est le désir d'apprentissage, le désir d'émancipation sociale qui est très fort et qui dépasse de loin la simple aspiration financière. Et ça, je pense que c'est important de le préciser. La plupart d'entre eux vont émettre des rêves de devenir médecin, de devenir musicien, de faire des études, etc. On a un cadre juridique international et national qui est complet sur le papier, qui doit permettre. l'accès à la scolarité. D'une part, la Convention internationale des droits de l'enfant établit le principe de non-discrimination de l'accès à la scolarisation et c'est un principe qui est confirmé dans le droit national par plusieurs textes. L'école est un droit pour tous les enfants résidant sur le territoire national, quelle que soit leur nationalité, leur statut migratoire ou leur parcours antérieur. Alors c'est une obligation pour les moins de 16 ans, ça reste un droit pour les plus de 16 ans. L'autre point, c'est qu'on a un processus d'intégration scolaire qui est clairement établi sur le papier. avec une évaluation faite par ce qu'on appelle le CASNAV, c'est le Centre académique pour la scolarisation des nouveaux arrivants et des enfants du voyage, qui est un service du rectorat. Une fois que l'évaluation est faite, le jeune est orienté selon son niveau vers une classe. Là, le premier point qu'on peut soulever, c'est qu'il n'y a pas assez de place. En fonction des territoires, l'attente est souvent longue. On estime que l'attente est de plus de dix mois. donc en fait c'est une année scolaire qui passe. La plupart des MNA qui sont accompagnés dans un processus de scolarisation sont envoyés en centre de formation des apprentis, en CFA, ou en centre de formation professionnelle, en CFP. Cette orientation majeure, vraiment majoritaire, s'explique par un enjeu tout à fait central dans la scolarisation des MNA, c'est la régularisation à la majorité. À la majorité se pose la question de l'obtention du titre de séjour. Et pour pouvoir obtenir le titre de séjour, en fait, le critère d'examen principal, c'est l'insertion dans une formation. Et en fait, de fait, la formation professionnelle, c'est l'orientation qui va leur permettre d'avoir le plus de chances d'obtenir un titre de séjour, en plus d'être le meilleur moyen d'accéder à une autonomie matérielle relativement rapidement.

  • Speaker #1

    J'ai des personnes en France. Personne. Je n'ai pas d'amis d'enfants. C'est quoi. J'ai ma nuit à la maison. J'ai des personnes. Tout le monde est chez lui, quoi. C'est calme, calme tout le temps. Et des fois, j'ai envie de me récréer. C'est les femmes qui m'ont beaucoup aidé, quoi. Mme Agnès, Mme Marti, Mme Fossoy. Et ce n'est pas leur travail. C'est des bénévoles. Il y a des gens ici qui sont humains, quoi. Je peux dire ça, quoi. Qui m'ont poussé dans des moments de difficulté. Quand on me laisse, il y a quelqu'un qui me prend. Quand on me laisse, il y a quelqu'un qui me prend toujours. Moi, je ne fais pas de problème. C'est ça qui ne m'est pas à Ne t'approche pas avec les gens qui filment, qui prennent les drogues. Pas que j'ai des appels là-bas pour dire je suis dans tel problème en Europe. Tout ce que j'ai fait ici, je les ai demandé. On me dit c'est comme ça que tu fais, c'est comme ça que tu traverses, c'est comme ça que tu dois marcher. Des fois, ça m'arrive, je peux parler très fort. En France, on parle pas très fort, on parle doucement. On me fait goûter les aliments aussi, des fois. Il y a des aliments que tu peux détester, mais il faut goûter. On m'a fait goûter la soupe de carottes, c'était ok. Au départ, je voulais pas manger. Il faut m'apprendre à certaines choses ici, quoi. À France. de faire des cours de français, des fois géographique, en tout cas de m'apprendre, de me faire intégrer ici avec le système.

  • Speaker #0

    C'est vrai que le milieu associatif est très féminin. Le secteur du care, du soin, de l'éducatif, du social, etc. sont des secteurs qui sont fortement investis par les femmes. Alors des femmes âgées, parce que les retraités ont du temps pour s'engager, mais pas seulement, on a aussi des associations qui sont portées par beaucoup de jeunes femmes. Selon moi, elles sont la colonne vertébrale de l'action sociale et solidaire en France. une action qui est absolument essentielle face aux défaillances institutionnelles. Il y a un enjeu pour ces jeunes à créer du lien dans toutes les dimensions de leur vie sociale, pour apprendre la langue, pour accéder à ses droits, c'est-à-dire que créer du lien avec des gens, ça va permettre aussi d'être orienté vers les bonnes ressources, vers les bons acteurs, vers les associations qui peuvent assister, par exemple, dans les procédures juridiques, etc. Ça permet aussi de... de trouver plus facilement un employeur qui puisse faire une promesse d'embauche. Ça peut permettre aussi de faciliter le logement, l'accès au logement, etc. Rappelons-le, ce sont des adolescents qui sont loin de leur famille, qui sont séparés de leurs parents. Il y a une souffrance due à cette séparation, une souffrance due à l'isolement, une souffrance qui est renforcée par les obstacles administratifs, par la lenteur. la complexité des procédures administratives. Et donc ces jeunes-là ont effectivement absolument besoin d'être entourés, de recréer un tissu social dans lequel ils puissent trouver leur place.

  • Speaker #2

    Depuis le tournage de cet épisode début décembre, la situation Babou Bakar a quelque peu évolué. Son axe de naissance est enfin arrivé à l'ambassade, mais il est malgré cela toujours en attente de son recours devant le juge des enfants. Il va débuter très prochainement une formation de charpentier. Il n'a toujours aucune aide de l'État, mais bénéficie d'un fort soutien citoyen. Pour son logement, chez des particuliers, qui lui payent aussi ses repas dans un resto social, et pour ses cours de français avec une association. Il est en lien régulier avec sa famille restée en Guinée. En revanche, il n'a jamais eu de nouvelles de son grand frère. Il ne garde aucune rancœur vis-à-vis de lui et estime même que c'est grâce à lui qu'il est aujourd'hui en France.

  • Speaker #3

    Je sais que c'est très difficile. qui fait ce choix de risquer sa vie en prenant cette voie partie en laissant se connaître sans foi toute la famille compte sur toi mais personne n'est sûr de ton arrivée d'une vie meilleure que tu as toujours rêvé je me

  • Speaker #4

    dis Vous

  • Speaker #2

    venez d'écouter Je suis migrant, une série documentaire indépendante. Merci à Abou Bakar qui a bien voulu nous partager son récit de vie. et son récit de migration. Et merci à vous pour votre écoute.

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