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Je suis migrant·e

Je suis aussi Mounir

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24min |15/11/2023
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24min |15/11/2023
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Description

Du haut de ses 24 ans, Mounir a déjà vécu plus d’une vie : l’arrachement à sa vie familiale en Guinée, la « route de la mort » à travers la Libye pour rejoindre l’Europe puis la lente bataille avec l’administration française. En se retournant sur son parcours, il nous livre sans fard ni hésitation ses plus grandes douleurs mais aussi ses plus belles découvertes.


📖 SOURCES :





🎵 CITATIONS MUSICALES :


  • Mémoires d'immigrés - Bakar

  • Good bye kô - Orange Blossom

  • Reality cuts me like a knife - Faada Freddy


Pour nous contacter : jesuismigrant@protonmail.com | Instagram : jesuismigrant.podcast


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    3,6% de la population mondiale n'habite pas dans son pays de naissance. De ce chiffre est née notre envie de raconter les histoires d'immigration qui forchait cette réalité. Les parcours de celles et ceux qui s'ouvrent de n'être que des statistiques. Je suis migrant leur rend la parole. Les immigrants ne peuvent pas davantage échapper à leur histoire que vous-même n'avez le loisir d'abandonner votre ombre. Sadie Smith, sourire de loup.

  • Speaker #1

    On s'est raconté mon livre et... Mon surnom était Guinean. J'ai 24 ans.

  • Speaker #0

    Épisode 1. Je suis migrant. Je suis aussi monner.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, on nous dit des immigrants. Moi, c'est des choses qui sont mal à l'oreille. Vous vous déplacez, tu pars dans mon pays, on vous appelle des ressortissants. Mais vous, votre migration, on ne le voit pas. Parce que vous avez le bon passeport. Moi, quand je me déplace, c'est relayé partout. Les migrants, ils sont venus. Sauf que ce n'est pas ça. Parmi ces migrants, il y a des bonnes personnes aussi qui travaillent, qui perdent les impôts ici, qui payent les taxes ici, qui ont une vie ici. Avant tout, nous sommes des êtres humains. Le sang qui te coule dans tes veines, c'est le même sang qui coule dans mes veines. Je n'ai pas choisi d'être noir. Tu n'as pas choisi d'être blanc. Tu t'es juste vu comme ça. Ils veulent trouver la solution à l'immigration. C'est bien. L'immigration, ça ne prendra jamais fin. Jamais. Ça a toujours été comme ça. Ils peuvent faire des réformes, tout et tout. Mais l'immigration aura toujours plus.

  • Speaker #0

    Sans le citer, Mounir nous renvoie à l'article 13 de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Toute personne n'a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un État. Toute personne n'a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. Lui a choisi de quitter sa Guinée natale.

  • Speaker #1

    Au moment où je venais, je savais qu'il y avait des gens qui mouraient dans la Méditerranée. Mais ça ne m'a pas dissuadé. Je savais que quand tu rentrais en France, forcément, tu allais faire un temps sans papier. Parce qu'on le voyait déjà au jour où les gens dormaient dans la rue, tout ce qui se reçut. Mais ça ne te dissuade pas. Donc ces gens, une fois qu'ils sont là, il faut les intégrer. Il faut faire des formations. Ils vont travailler. Après, ils disent qu'ils vont travailler, qu'ils vont envoyer tout l'argent en Afrique. C'est faux. Ce que moi, aujourd'hui, c'est que je gagne. Ce que je dépasse sur le sol français, je n'envoie pas cette moitié en Afrique. Je paie un loyer à 417 euros. J'ai ma voiture, le carburant pour tout le monde. J'ai l'assurance. J'ai d'autres charges. L'eau, l'électricité. Donc, le peu que j'envoie n'est pas égal à ce que je dépense ici. Je n'ai aucune aide de la France. Que ce soit APL ou quoi, à mon âge, je ne l'ai pas. Parce que je travaille. Et on ne peut pas me dire que moi j'ai volé le poste d'un Français. C'est impossible. C'est impossible. Plutôt d'autres Français refusent le poste que moi, je ne sais pas. Les Ukrainiens, je vous donne un exemple. Il y a eu la guerre en Ukraine. On ne les a jamais appelés des migrants. Et pourtant, ils ont migré. Parce que c'est d'un pays à un pays. Ils se sont déplacés. C'est là aussi que j'acquise la société française. Pas la société, quand je dis la société, non, mais l'administration française. On a mieux accueilli les Ukrainiens que les Africains. Mais ça s'est vu, même sur l'Umoj. Automatiquement, ils ont eu des titres de séjour. Mais sauf que ces personnes ne vont pas se retourner, même après la guerre. Parce que déjà d'autres ont commencé à travailler, d'autres ont eu des enfants. Il y a eu cette préférence parce qu'eux, ils ont la peau blanche. Il faut qu'on dise la vérité. Je partage leur douleur. Il ne faut juste pas avoir un cœur pour ne pas partager ce qui s'est passé en Ukraine. Mais d'autres aussi qui viennent de l'Afrique. Il y a beaucoup aussi qui fuient la guerre.

  • Speaker #0

    Les Ukrainiens qui ont fui leur pays ont pu bénéficier d'une autorisation provisoire de séjour, ou APS, valable six mois et renouvelable. Délivré sans attente, ce sésame leur confère d'emblée l'autorisation de travailler, là où les demandeurs d'asile doivent patienter six mois. Fin 2022, on recensait presque 66 000 APS en cours de validité détenus par des Ukrainiens. De ce fait, très peu d'Ukrainiens ont demandé l'asile.

  • Speaker #1

    J'ai été à l'école jusqu'au collège, mais encore par faute de moyens financiers. C'est pour ça que je n'ai pas continué les études. Mon papa était un peu moisson, donc du coup, il n'y avait pas assez de revenus. Moi, j'étais le premier fils. Chez nous, on a un frère qui est venu de la famille. C'est toi qui prends la relève. Forcément, j'ai commencé à travailler avec lui. Le bâtiment, je faisais aussi un peu le deux-quarts. Je descendais au port, parce qu'il y avait des containers qui arrivaient, donc il fallait trouver des bras valides. pour essayer de décharger ses camions. Tu travailles sous le soleil, sous la pluie, même quand tu es malade, il n'y a pas une assurance, il n'y a pas un contrat qui est là. Tu sais, ensuite, tu avais 10 euros, tu avais 20 euros le soir.

  • Speaker #0

    En 2015, Mounir soutient Célou d'Alendialo face au président sortant, Alpha Kondé. Au travers de l'affrontement politique des deux candidats se cristallise celui des deux ethnies, Peul et Malinke, qui les soutiennent.

  • Speaker #1

    C'est après les élections que je suis parti de la Guinée. L'ex-président, le professeur Alpha Kondé, était au pouvoir en ce moment. Il avait brigué un deuxième mandat. Il y avait une opposition. On n'était pas d'accord par rapport à son projet électoral. Lors de la campagne, on avait manifesté. On avait fait des dégâts un peu partout, donc forcément on était recherché. J'avais senti que j'étais en danger en fait. La mouvance, forcément, ils avaient des oreilles partout. Donc déjà on te voyait circuler dans la vie courante. Et un soir, paf ! ils pouvaient sortir, t'attaquer, te faire du mal, te mettre dans un caniveau ou dans un fossé ou dans une maison inachevée. Parce que déjà, ils avaient commencé à attraper certains de mes amis pour les mettre en prison. J'avais même un ami qui avait trouvé la mort en prison. On avait dit qu'il avait fait une malaise. Mais bon, on sait que ce n'était pas une malaise parce qu'il ne s'était jamais plaint. Forcément, il s'est passé quelque chose. de Louches là-bas. Dès que j'ai commencé à entendre, je suis parti m'installer dans une autre ville d'abord. Je ne suis pas sorti complètement de la Guinée. Je suis allé vers la Guinée forestière. Il y a une très grande distance quand même.

  • Speaker #0

    Malgré les 950 kilomètres environ qu'il éloigne de sa ville, Sangarelli, Mounir lutte contre la tentation de revoir sa famille. Donc, par sécurité, il fait le choix de s'éloigner encore plus loin.

  • Speaker #1

    Je me rappelle, c'est en 2016 que moi je suis parti du pays. À la base, il n'y a pas de venir en Europe à la base. C'était... Partir travailler en Algérie, comme on le dit toujours chez nous, tu sais d'où tu viens, mais tu ne sais pas où tu vas. Il y a des bus qui sont là, qui vont en Algérie. Ils ne te disent pas réellement les choses, comment ça se passe. D'abord, j'arrive au Mali. Nous, on a pris la destination de Gao. On a fait deux jours de route. Il y a un gars qui vient nous chercher. On est partis nous mettre dans une cour fermée où j'avais trouvé aussi d'autres personnes qui étaient là, qui dormaient par terre. C'était misérable. C'était des conditions inhumaines, en fait. D'abord, tu ne mangeais pas. C'était compliqué d'avoir à manger. avec des un palestouan, parce que tout le temps c'était des types. On se sent au Mali avec le problème du terrorisme. trois jours là-bas. Après, on nous a chargés dans un camion et destination Kidal. La traversée, ça n'a pas été facile. Parce que sur le désert, forcément, vous tombez sur des embuscades. C'est tout en organisation, au fait. Donc, eux aussi vont t'attendre devant. Il faut encore payer. Vous passez, on vous fouille. Si vous avez des téléphones, tout ce qu'il y a comme habile, tout ce qu'il y a, il faut qu'il percute. Il y avait le chef de Kidal, à Boutalanda. Je n'oublierai pas. Il abusait des femmes. La nuit, il dormait avec la femme qu'il voulait. Il faisait juste qu'il vienne en ouvre. Il dit, bon, toi, tu viens. Tu n'as pas le choix, tu ne peux pas. Tu ne peux même pas dire non. Impossible. Parce qu'il est là avec ses gardes, les calaches, ils sont tous armés. Les femmes sont dans une cellule. Les hommes aussi sont dans une cellule. Et nous, on était à la corvée. Parce qu'il fallait aller travailler, et le soir on ne te payait rien. Il fallait réellement être là pour comprendre, parce que vivre quelque chose et regarder quelque chose à travers une fenêtre, fondue. L'Algérie était un pays qui était en chantier. J'avais un ami en Algérie qui travaillait déjà, qui avait commencé à construire au pays. On a dû travailler dans les chantiers, c'était compliqué là-bas aussi. Déjà on était clandestins, parce qu'on n'avait pas versé que le désert. On n'était pas rentrés régulièrement. On avait peur de la police, qui faisait la patrouille tout le temps. C'était un chantier algérien. Donc, ils avaient donné aux Chinois de construire des immeubles. C'était de la sous-traitance, voire même de la maltraitance. Parce qu'ils savaient que réellement, ils ne pouvaient pas récruter les fils de l'Algérie. Parce qu'avec eux, il fallait les payer cher. Ils le savent, mais nous... Déjà quand tu arrives, tu n'es pas en situation régulière, tu n'es pas là où dormir. Avec cette peur, forcément, tu acceptes le prix. Tu avais 35 000 dinars le mois. C'était de l'esclavage moderne en fait. Je faisais du boulot. Je travaillais non seulement avec les Chinois. Après le soir, j'avais un contrat aussi avec les Ingériens. C'était de l'étanchéité. Donc je faisais ça aussi de 18h à 22h. Et il fallait se réveiller encore à 6h pour être au boulot. On mettait des petits barraques, on mettait des petites planches. Ça ne répondait pas réellement au Nord. Le logement où on était, on était au moins six. C'est juste pour dormir en fait. Il n'y avait même pas de place où tu allais mettre tes habits. Quand on faisait même certaines courses, il fallait qu'on les mette dans les salles parce qu'il n'y avait pas d'espace. C'était que du boulot, que du boulot. Je ne voulais pas rester en Algérie parce que déjà tout le temps on l'expulsait déjà. Direction frontière. C'est là-bas que j'ai décidé à la fin de résoudre l'Europe.

  • Speaker #0

    Au final, Mounir aura passé sept mois en Algérie. Bien moins que la plupart des autres migrants qui s'y arrêtent, le temps d'économiser pour la retraverser.

  • Speaker #1

    J'ai essayé de trouver un passeur. Nous avons discuté sur le prix. Il est parti à Lévis. C'est la route de la mort, moi j'appelle comme ça. Vous êtes entassé dans des picots. Dès qu'il commence à conduire, s'il tombe, il s'arrête pas. Un Africain, il avait sa soeur avec lui. Ces gens ont essayé d'abuser de sa soeur. Et il a voulu un peu résister. Et c'est là qu'on lui a mis une balle. Nous, on vient nous prendre sur le désert, d'aller creuser un peu le trou et le foutre dedans. On se vidait de son sang. Mais il n'était pas mort, on pouvait le sauver. Mais t'avais pas le choix. Parce qu'il y avait des armes qui étaient braquées là. J'ai pas eu la chance de rentrer directement sur mon passeur parce qu'on est tombé sur une embuscade. Dès qu'ils tombent sur vous, c'est mort. Ils vous attrapent, c'est pour vous envoyer en prison. C'était même pas la police. Parce que la police, s'ils vous attrapent, certes ils vous mettent en prison, mais après c'est de vous retourner chez vous. Mais c'était des petits groupes de bandits, mais qui étaient tous armés en militaire. Dès que tu arrives, c'est le premier mot qu'on te dit, l'argent. Il faut appeler ta famille. Pour l'argent, tu payes telle somme. Malheureusement, si tu appelles et que tu tombes le numéro au passeport, ou tu dis que tu n'as pas d'argent, ils vont te frapper tous les jours. Ils vont vous insulter, ils vont cracher dessus. C'était la torture. C'était la violence. C'était la souffrance. Je suis allé en prison trois mois. Depuis que je me suis connu en tant qu'homme, c'est le pire moment de ma vie. Mon passeur, il travaille avec un ancien général du temps du Haddafi. J'appelle le numéro de mon passeur. Dès qu'on lui a dit qu'on était tombé en embuscade, je pense, pour ça, je ne prenais pas le téléphone. J'ai insisté, j'ai insisté et il a pris le téléphone. Il m'a juste dit, bon, ce que je paye, arrivé, tu me rembourseras. J'ai dit, d'accord, il n'y a pas de problème. Parce que moi déjà, mon argent, je l'avais envoyé au pays. Je ne l'avais pas sur moi. Impossible. La première chose avant de monter dans l'aventure, c'est de te fouiller. De tête aux pieds. Tu bides tout ton bagage. Donc si tu as de l'argent, tu perds tout. Donc tu ne laisses que des petites sommes sur toi. Donc une fois arrivé sur le passeur, j'ai payé le double. Parce que c'est lui qui avait payé ma sortie. Par rapport à ce que les raviseurs avaient demandé. La destination de toute personne se trouvant sur le territoire libyen, c'est l'Italie. J'ai dû payer 800 euros pour la traverser. Sans compter, j'avais payé 200 euros de plus quand ils m'ont fait libérer de la prison. Donc ça fait à peu près 1000 euros. Nous sommes arrivés au bord de la mer, on fait sortir des ballons pneumatiques. Il n'y en avait même pas de sur l'étage. On était 150. Je me rappelle, on avait 4 enfants. Il y avait plus d'hommes qu'éléphants. On vous donne juste un beau sol. Elle vous dit, vous suivez le nord. Le capitaine, lui, se charge de conduire. J'ai pas eu de souffrance sur la mer. Par contre, il y avait un bateau qu'on avait trouvé, un bateau conflable qui venait de Tripoli et eux, quand même, ils avaient leur bateau qui était percé. Et les gens, c'était là, se noyaient. On pouvait rien faire. Et arrivé à la même dernière, c'est là qu'on voit un hélico qui survole. On disait déjà, dès que vous voyez l'hélico, de suivre l'hélico. Un peu plus, il y a le grand bateau humanitaire qui est là. Il parle en anglais, en arabe et en français. Tout le monde va sauver tout le monde, mais nous commençons d'abord par les enfants. Une fois que vous avez tous mis le sauvetage, après ils percent complètement le bateau gonflable. Le grand bateau, dès que vous arrivez d'abord, ils font d'abord l'empreinte. Ils vous donnent des habits pour un peu chauffer, destination. C'est signe. Ils n'accostent pas sur le même quai. Il y a d'autres qui vont à Lampedusa, il y a d'autres qui vont à... Personnellement, j'étais rentré à Gagliari. Il y avait des gens qui étaient malades, ils étaient souffrants. Ils avaient beaucoup subi la torture. Ils étaient fatigués complètement. Donc déjà, à la descente, il y avait l'ambulance qui était là, les médecins, tout et tout, qui s'occupaient de ces personnes. Et nous, on nous a envoyés dans un centre, il était là, un hangar en fait, pas un hangar, où on prenait vos noms, vos prénoms, si tu étais marié, célibataire, ta situation, tout ce qui s'ensuit. Dès que vous arrivez en centre de rétention, ils vous expliquent les règles. Après trois jours, on vous donne le téléphone d'appeler vos parents, au moins pour leur dire que vous êtes en Italie. Si tu veux faire des sorties il y a des heures, quand tu sors trois jours du centre, pas d'information, tu ne pourras plus rentrer. Après moi, je n'ai pas voulu rester en Italie. La langue, ça me posait problème. J'ai essayé un peu de repérer les choses, juste le temps bien de récupérer et prendre ma route. Destination, la frontière. la France. J'avais un ami en France, il m'a envoyé 50 euros à la frontière, il y a des passeurs aussi. J'ai pris le train de Rome à Milan, Milan 20 milliers, c'est la frontière. Arrivé là-bas, il y a… Tu vois beaucoup de jeunes, beaucoup qui sont là, qui veulent tous passer. Il y en a d'autres qui ont déjà tenté une fois, il y en a d'autres qui ont tenté deux fois. Tu te poses la question, est-ce que toi tu as la chance ? Comment tu vas passer toi ? C'est la seule fois où je me suis découragé des films à sortir. Après Vintimidié, la première ville c'est Nice. Dès que les contrôleurs et les conducteurs descendent du train avec les passagers, ils ont des clés, ils ont toutes sortes de clés pour ouvrir ces passagers. Parce qu'il y a trois barrages avant de rentrer en France. donc ils montent avec des chiens les gendarmes, la police pour contrôler ils montent au compteur, vous descendez tous à partir du 3ème arrêt si on ne vous choque pas, vous pouvez sortir nous on était là, on priait Donc on comptait à chaque arrêt. Et à troisième arrêt, on est sortis. C'est tellement gardé. Là, à la gare de Nice, je vois des gendarmes partout. J'avais peur. D'abord, j'ai eu l'idée de sortir de la gare. Donc je sors de la gare, je vais m'asseoir dans un café. Je vois un frère africain qui passe, je l'aborde, je le salue, je lui dis « je voudrais aller à Marseille » . Il m'a payé le billet.

  • Speaker #0

    Mounir choisit Marseille sur les conseils de son ami, qui lui vit à Paris. De là, ce dernier lui organise et lui paye un covoiturage pour le rejoindre à la capitale. Après quelques temps, il renoue avec un autre camarade installé à Limoges. Mounir poursuit alors son chemin jusqu'en Limousin, et c'est là qu'il entame sa procédure de demande d'asile.

  • Speaker #1

    Je prends le rendez-vous pour l'enregistrement guichet à la préfecture. On me met en procédure Dublin. Il fallait déterminer quel était le pays qui était responsable de ma demande. L'Italie a décidé que je repars en Italie. C'est un choix, on te propose. Soit tu signes, soit tu ne signes pas. Je leur ai dit, moi je ne peux pas signer. Je ne peux pas me retourner en Italie. Je les ai un peu expliqués dans ce temps, ce que j'ai fait comme intégration. Et le monsieur, il me dit, écoute, je vais aller voir ma responsable. Donc, il est parti au moins une bonne quinzaine de minutes et il est revenu. Il m'a dit, vous partez demain, vous revenez à 9h. C'est là qu'on m'a donné la procédure normale. C'est ce qui veut dire que la France accepte de prendre ma demande d'asile en charge. Comme ça, je reste en France. Ils ont un petit cahier qu'on te donne. Pour écrire ton histoire, le pourquoi tu es parti de ton pays, pourquoi tu sollicites l'asile, pourquoi tu veux qu'on te protège ? J'ai été convoqué à l'OFPA, ils ont rejeté ma demande à l'OFPA. Ils me refusent parce qu'ils me disent que je n'avais pas apporté assez de preuves. J'ai aussi fait le recours au niveau du CNDA, ça a été absolument rejeté. Il m'a donné une obligation de quitter le territoire, mais je n'avais pas obéi à ça. Ma vie n'était plus là-bas, ma vie était ici, avec l'administration. C'est notre combat, plus pacifique, mais encore plus lent. Tu es bloqué, même si tu as des talents, tu as plusieurs choses. Si tu n'as pas une situation régulière, c'est compliqué. Tu as des droits, mais tu ne peux pas les obtenir. au fait. C'était un droit d'avoir un toit, mais je ne pouvais pas. Je ne pouvais pas travailler à mon nom. Passer deux ans, trois ans, quatre ans, cinq ans dans l'irrégularité, il faut le vivre. C'est compliqué intérieurement même. Tu ne dors pas. Des fois, même l'année, tu ne dors pas. Tu ne peux pas. Quand j'ai une procédure Dublin, on dit toujours qu'il faut appeler le 115 pour le logement. Sauf que quand tu appelles le 115 tout le temps, il n'y a pas de place. Moi, j'essaye de prendre une colocation. Avec un ami, je payais le loyer, l'ADHA, l'allocation qu'on donne aux demandeurs d'asile. Je savais que ça, je le vivais. Je faisais aussi des travaux au black. Ça aussi, c'est un autre calvaire. On travaille sous la force d'une entité. Tu as un ami ou une connaissance qui te prête des séjours, tu travailles, voilà. Moi, je lui donne un peu à la fin du mois. Pour réussir en France, mieux tu t'investis, mieux les autorités sont à l'écoute. Je me suis tourné vers les associations. Que ce soit Secopopulaire, Restos du Coeur, Banque Alimentaire, je fais tout le bénévolat. Et le club auquel aussi je jouais, je m'occupais de petit pour l'école de foot. J'ai 6-8 ans. Vu que j'ai été débouté d'asile, donc j'avais pas assez de revenus maintenant, je pouvais plus payer le loyer qu'on avait convenu. Il m'a mis dehors. Et c'est là que je me retrouve au squat. On a fait presque deux ans là-bas. Il y avait des Algériens, il y avait des Nigériens, il y avait des Kiniens. Il y avait des Marocains aussi, des Cameroonaises, des Albanais aussi. Il y avait beaucoup de familles, des enfants qui étaient scolarisés. On avait des réunions de tous les habitants pour essayer de discuter un peu. Si elle avait un problème, on pouvait parler, on pouvait apporter des solutions, tout ce qu'on avait besoin. Parce que l'absorption chabale dans le territoire était là, c'est eux qui finançaient un peu. Et la banque alimentaire aussi nous a mis des colis alimentaires. Donc on a essayé d'organiser. Une sorte de vie commune en fait. Ça se passait très bien. Il y avait de l'amour, il y avait de l'entraide. Quand il y avait un problème, tu n'avais pas peur d'aller parler à ton ami. Parce que c'était ma famille. Ma famille, c'était là-bas. Moi, je considère même pas ça comme un squat. Il n'y a jamais eu d'intervention policière. En fait, c'était une manière de nous éduquer à la culture française. Le propriétaire se pietréa, parce qu'ils avaient besoin de... du squat. Ils ont essayé d'envoyer une lettre au préfet pour en donner l'expulsion. La première fois on avait gagné parce que c'était la trêve, l'hiverman. Les enfants étaient à l'école où toutes ces familles allaient se retrouver. On allait vers... Sachant que déjà ils nous proposent des solutions. Mais quelles solutions ? C'était pas des solutions durables. On était dans des hôtels où tu pouvais même pas cuisiner, tu pouvais pas manger. Imagine si t'as un gosse, on avait réfléchi à ces solutions. On avait rencontré l'ancien préfet, Seymour Morsi, pour essayer de discuter un peu de la situation de ces gens. Il nous a dit, écoutez, moi, ils sont là, mais je ne les connais pas. Pour les connaître, il faut qu'ils fassent une demande. Je ne peux pas régulariser tout le monde. Il n'allait pas traiter les dossiers globalement, il allait les traiter au cas par cas, parce qu'on n'avait pas les mêmes situations. Il y avait au moins une centaine de personnes. La première des choses, c'est d'écrire une lettre personnalisée à Ritra 100. tout mon parcours. C'est à la sortie de cette réunion que l'association des sans-papiers près de la maison des droits de l'homme m'a proposé, parce qu'il y avait une élection qui arrivait, si je pouvais me présenter en tant que porte-parole. Donc j'avais plusieurs chapeaux. Je ne dis pas que forcément parce que j'étais porte-parole que j'ai été régularisé, non, mais il y avait tout un travail qui était là, en amont. Donc du coup, c'était une récompense, je peux dire comme ça. Aujourd'hui, J'ai mon logement, je travaille pour l'intérêt. J'ai passé mon permis, j'ai un titre de séjour, vie privée familiale, vie normale comme tout citoyen. L'État a sa responsabilité. Parce qu'il sait ce qui se passe. Il gagne plus sur nous que ce qu'il perd. Pour déposer une demande, il te faut payer 50 euros de timbre. Quand tu es régularisé, il te faut 315 euros. Et à chaque renouvellement, il faut payer. Il y a des gens qui méritent de rester. Il ne faut pas leur attendre deux ans, trois ans, quatre ans, cinq ans. Ou ça peut même leur conduire d'autres à quitter le bon chemin pour emprunter le mauvais. La seule chose dont j'avais peur, c'est de mourir et que mes parents ne puissent pas faire leur deuil. Depuis 2016, je n'ai pas vu mes parents. Aujourd'hui, ils n'ont plus peur. Ce n'est pas comme si j'étais un wanted qui était recherché internationalement. Du coup, j'avais juste peur comme tu, voilà, comme ça, un beau matin, sans le savoir. Aujourd'hui, je dis merci à la France, mais ceux qui m'ont soutenu ne le regrettent pas. Souviens-toi de ma vie en venant en France, en prenant le bateau. Quand vous entendez la sirène du bateau réconnue, toutes les familles, même s'ils n'ont pas un de leurs enfants qui serait le bateau qui partait, vous les voyez les larmes aux yeux qui perdent. Ils savent qu'ils vont partir vers notre destin, vous savez.

  • Speaker #0

    Venez d'écouter Je suis migrant, une série documentaire indépendante. Merci à Mounir, qui a bien voulu nous partager son récit de vie et son récit de migration. Et merci à vous pour votre écoute.

Description

Du haut de ses 24 ans, Mounir a déjà vécu plus d’une vie : l’arrachement à sa vie familiale en Guinée, la « route de la mort » à travers la Libye pour rejoindre l’Europe puis la lente bataille avec l’administration française. En se retournant sur son parcours, il nous livre sans fard ni hésitation ses plus grandes douleurs mais aussi ses plus belles découvertes.


📖 SOURCES :





🎵 CITATIONS MUSICALES :


  • Mémoires d'immigrés - Bakar

  • Good bye kô - Orange Blossom

  • Reality cuts me like a knife - Faada Freddy


Pour nous contacter : jesuismigrant@protonmail.com | Instagram : jesuismigrant.podcast


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    3,6% de la population mondiale n'habite pas dans son pays de naissance. De ce chiffre est née notre envie de raconter les histoires d'immigration qui forchait cette réalité. Les parcours de celles et ceux qui s'ouvrent de n'être que des statistiques. Je suis migrant leur rend la parole. Les immigrants ne peuvent pas davantage échapper à leur histoire que vous-même n'avez le loisir d'abandonner votre ombre. Sadie Smith, sourire de loup.

  • Speaker #1

    On s'est raconté mon livre et... Mon surnom était Guinean. J'ai 24 ans.

  • Speaker #0

    Épisode 1. Je suis migrant. Je suis aussi monner.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, on nous dit des immigrants. Moi, c'est des choses qui sont mal à l'oreille. Vous vous déplacez, tu pars dans mon pays, on vous appelle des ressortissants. Mais vous, votre migration, on ne le voit pas. Parce que vous avez le bon passeport. Moi, quand je me déplace, c'est relayé partout. Les migrants, ils sont venus. Sauf que ce n'est pas ça. Parmi ces migrants, il y a des bonnes personnes aussi qui travaillent, qui perdent les impôts ici, qui payent les taxes ici, qui ont une vie ici. Avant tout, nous sommes des êtres humains. Le sang qui te coule dans tes veines, c'est le même sang qui coule dans mes veines. Je n'ai pas choisi d'être noir. Tu n'as pas choisi d'être blanc. Tu t'es juste vu comme ça. Ils veulent trouver la solution à l'immigration. C'est bien. L'immigration, ça ne prendra jamais fin. Jamais. Ça a toujours été comme ça. Ils peuvent faire des réformes, tout et tout. Mais l'immigration aura toujours plus.

  • Speaker #0

    Sans le citer, Mounir nous renvoie à l'article 13 de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Toute personne n'a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un État. Toute personne n'a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. Lui a choisi de quitter sa Guinée natale.

  • Speaker #1

    Au moment où je venais, je savais qu'il y avait des gens qui mouraient dans la Méditerranée. Mais ça ne m'a pas dissuadé. Je savais que quand tu rentrais en France, forcément, tu allais faire un temps sans papier. Parce qu'on le voyait déjà au jour où les gens dormaient dans la rue, tout ce qui se reçut. Mais ça ne te dissuade pas. Donc ces gens, une fois qu'ils sont là, il faut les intégrer. Il faut faire des formations. Ils vont travailler. Après, ils disent qu'ils vont travailler, qu'ils vont envoyer tout l'argent en Afrique. C'est faux. Ce que moi, aujourd'hui, c'est que je gagne. Ce que je dépasse sur le sol français, je n'envoie pas cette moitié en Afrique. Je paie un loyer à 417 euros. J'ai ma voiture, le carburant pour tout le monde. J'ai l'assurance. J'ai d'autres charges. L'eau, l'électricité. Donc, le peu que j'envoie n'est pas égal à ce que je dépense ici. Je n'ai aucune aide de la France. Que ce soit APL ou quoi, à mon âge, je ne l'ai pas. Parce que je travaille. Et on ne peut pas me dire que moi j'ai volé le poste d'un Français. C'est impossible. C'est impossible. Plutôt d'autres Français refusent le poste que moi, je ne sais pas. Les Ukrainiens, je vous donne un exemple. Il y a eu la guerre en Ukraine. On ne les a jamais appelés des migrants. Et pourtant, ils ont migré. Parce que c'est d'un pays à un pays. Ils se sont déplacés. C'est là aussi que j'acquise la société française. Pas la société, quand je dis la société, non, mais l'administration française. On a mieux accueilli les Ukrainiens que les Africains. Mais ça s'est vu, même sur l'Umoj. Automatiquement, ils ont eu des titres de séjour. Mais sauf que ces personnes ne vont pas se retourner, même après la guerre. Parce que déjà d'autres ont commencé à travailler, d'autres ont eu des enfants. Il y a eu cette préférence parce qu'eux, ils ont la peau blanche. Il faut qu'on dise la vérité. Je partage leur douleur. Il ne faut juste pas avoir un cœur pour ne pas partager ce qui s'est passé en Ukraine. Mais d'autres aussi qui viennent de l'Afrique. Il y a beaucoup aussi qui fuient la guerre.

  • Speaker #0

    Les Ukrainiens qui ont fui leur pays ont pu bénéficier d'une autorisation provisoire de séjour, ou APS, valable six mois et renouvelable. Délivré sans attente, ce sésame leur confère d'emblée l'autorisation de travailler, là où les demandeurs d'asile doivent patienter six mois. Fin 2022, on recensait presque 66 000 APS en cours de validité détenus par des Ukrainiens. De ce fait, très peu d'Ukrainiens ont demandé l'asile.

  • Speaker #1

    J'ai été à l'école jusqu'au collège, mais encore par faute de moyens financiers. C'est pour ça que je n'ai pas continué les études. Mon papa était un peu moisson, donc du coup, il n'y avait pas assez de revenus. Moi, j'étais le premier fils. Chez nous, on a un frère qui est venu de la famille. C'est toi qui prends la relève. Forcément, j'ai commencé à travailler avec lui. Le bâtiment, je faisais aussi un peu le deux-quarts. Je descendais au port, parce qu'il y avait des containers qui arrivaient, donc il fallait trouver des bras valides. pour essayer de décharger ses camions. Tu travailles sous le soleil, sous la pluie, même quand tu es malade, il n'y a pas une assurance, il n'y a pas un contrat qui est là. Tu sais, ensuite, tu avais 10 euros, tu avais 20 euros le soir.

  • Speaker #0

    En 2015, Mounir soutient Célou d'Alendialo face au président sortant, Alpha Kondé. Au travers de l'affrontement politique des deux candidats se cristallise celui des deux ethnies, Peul et Malinke, qui les soutiennent.

  • Speaker #1

    C'est après les élections que je suis parti de la Guinée. L'ex-président, le professeur Alpha Kondé, était au pouvoir en ce moment. Il avait brigué un deuxième mandat. Il y avait une opposition. On n'était pas d'accord par rapport à son projet électoral. Lors de la campagne, on avait manifesté. On avait fait des dégâts un peu partout, donc forcément on était recherché. J'avais senti que j'étais en danger en fait. La mouvance, forcément, ils avaient des oreilles partout. Donc déjà on te voyait circuler dans la vie courante. Et un soir, paf ! ils pouvaient sortir, t'attaquer, te faire du mal, te mettre dans un caniveau ou dans un fossé ou dans une maison inachevée. Parce que déjà, ils avaient commencé à attraper certains de mes amis pour les mettre en prison. J'avais même un ami qui avait trouvé la mort en prison. On avait dit qu'il avait fait une malaise. Mais bon, on sait que ce n'était pas une malaise parce qu'il ne s'était jamais plaint. Forcément, il s'est passé quelque chose. de Louches là-bas. Dès que j'ai commencé à entendre, je suis parti m'installer dans une autre ville d'abord. Je ne suis pas sorti complètement de la Guinée. Je suis allé vers la Guinée forestière. Il y a une très grande distance quand même.

  • Speaker #0

    Malgré les 950 kilomètres environ qu'il éloigne de sa ville, Sangarelli, Mounir lutte contre la tentation de revoir sa famille. Donc, par sécurité, il fait le choix de s'éloigner encore plus loin.

  • Speaker #1

    Je me rappelle, c'est en 2016 que moi je suis parti du pays. À la base, il n'y a pas de venir en Europe à la base. C'était... Partir travailler en Algérie, comme on le dit toujours chez nous, tu sais d'où tu viens, mais tu ne sais pas où tu vas. Il y a des bus qui sont là, qui vont en Algérie. Ils ne te disent pas réellement les choses, comment ça se passe. D'abord, j'arrive au Mali. Nous, on a pris la destination de Gao. On a fait deux jours de route. Il y a un gars qui vient nous chercher. On est partis nous mettre dans une cour fermée où j'avais trouvé aussi d'autres personnes qui étaient là, qui dormaient par terre. C'était misérable. C'était des conditions inhumaines, en fait. D'abord, tu ne mangeais pas. C'était compliqué d'avoir à manger. avec des un palestouan, parce que tout le temps c'était des types. On se sent au Mali avec le problème du terrorisme. trois jours là-bas. Après, on nous a chargés dans un camion et destination Kidal. La traversée, ça n'a pas été facile. Parce que sur le désert, forcément, vous tombez sur des embuscades. C'est tout en organisation, au fait. Donc, eux aussi vont t'attendre devant. Il faut encore payer. Vous passez, on vous fouille. Si vous avez des téléphones, tout ce qu'il y a comme habile, tout ce qu'il y a, il faut qu'il percute. Il y avait le chef de Kidal, à Boutalanda. Je n'oublierai pas. Il abusait des femmes. La nuit, il dormait avec la femme qu'il voulait. Il faisait juste qu'il vienne en ouvre. Il dit, bon, toi, tu viens. Tu n'as pas le choix, tu ne peux pas. Tu ne peux même pas dire non. Impossible. Parce qu'il est là avec ses gardes, les calaches, ils sont tous armés. Les femmes sont dans une cellule. Les hommes aussi sont dans une cellule. Et nous, on était à la corvée. Parce qu'il fallait aller travailler, et le soir on ne te payait rien. Il fallait réellement être là pour comprendre, parce que vivre quelque chose et regarder quelque chose à travers une fenêtre, fondue. L'Algérie était un pays qui était en chantier. J'avais un ami en Algérie qui travaillait déjà, qui avait commencé à construire au pays. On a dû travailler dans les chantiers, c'était compliqué là-bas aussi. Déjà on était clandestins, parce qu'on n'avait pas versé que le désert. On n'était pas rentrés régulièrement. On avait peur de la police, qui faisait la patrouille tout le temps. C'était un chantier algérien. Donc, ils avaient donné aux Chinois de construire des immeubles. C'était de la sous-traitance, voire même de la maltraitance. Parce qu'ils savaient que réellement, ils ne pouvaient pas récruter les fils de l'Algérie. Parce qu'avec eux, il fallait les payer cher. Ils le savent, mais nous... Déjà quand tu arrives, tu n'es pas en situation régulière, tu n'es pas là où dormir. Avec cette peur, forcément, tu acceptes le prix. Tu avais 35 000 dinars le mois. C'était de l'esclavage moderne en fait. Je faisais du boulot. Je travaillais non seulement avec les Chinois. Après le soir, j'avais un contrat aussi avec les Ingériens. C'était de l'étanchéité. Donc je faisais ça aussi de 18h à 22h. Et il fallait se réveiller encore à 6h pour être au boulot. On mettait des petits barraques, on mettait des petites planches. Ça ne répondait pas réellement au Nord. Le logement où on était, on était au moins six. C'est juste pour dormir en fait. Il n'y avait même pas de place où tu allais mettre tes habits. Quand on faisait même certaines courses, il fallait qu'on les mette dans les salles parce qu'il n'y avait pas d'espace. C'était que du boulot, que du boulot. Je ne voulais pas rester en Algérie parce que déjà tout le temps on l'expulsait déjà. Direction frontière. C'est là-bas que j'ai décidé à la fin de résoudre l'Europe.

  • Speaker #0

    Au final, Mounir aura passé sept mois en Algérie. Bien moins que la plupart des autres migrants qui s'y arrêtent, le temps d'économiser pour la retraverser.

  • Speaker #1

    J'ai essayé de trouver un passeur. Nous avons discuté sur le prix. Il est parti à Lévis. C'est la route de la mort, moi j'appelle comme ça. Vous êtes entassé dans des picots. Dès qu'il commence à conduire, s'il tombe, il s'arrête pas. Un Africain, il avait sa soeur avec lui. Ces gens ont essayé d'abuser de sa soeur. Et il a voulu un peu résister. Et c'est là qu'on lui a mis une balle. Nous, on vient nous prendre sur le désert, d'aller creuser un peu le trou et le foutre dedans. On se vidait de son sang. Mais il n'était pas mort, on pouvait le sauver. Mais t'avais pas le choix. Parce qu'il y avait des armes qui étaient braquées là. J'ai pas eu la chance de rentrer directement sur mon passeur parce qu'on est tombé sur une embuscade. Dès qu'ils tombent sur vous, c'est mort. Ils vous attrapent, c'est pour vous envoyer en prison. C'était même pas la police. Parce que la police, s'ils vous attrapent, certes ils vous mettent en prison, mais après c'est de vous retourner chez vous. Mais c'était des petits groupes de bandits, mais qui étaient tous armés en militaire. Dès que tu arrives, c'est le premier mot qu'on te dit, l'argent. Il faut appeler ta famille. Pour l'argent, tu payes telle somme. Malheureusement, si tu appelles et que tu tombes le numéro au passeport, ou tu dis que tu n'as pas d'argent, ils vont te frapper tous les jours. Ils vont vous insulter, ils vont cracher dessus. C'était la torture. C'était la violence. C'était la souffrance. Je suis allé en prison trois mois. Depuis que je me suis connu en tant qu'homme, c'est le pire moment de ma vie. Mon passeur, il travaille avec un ancien général du temps du Haddafi. J'appelle le numéro de mon passeur. Dès qu'on lui a dit qu'on était tombé en embuscade, je pense, pour ça, je ne prenais pas le téléphone. J'ai insisté, j'ai insisté et il a pris le téléphone. Il m'a juste dit, bon, ce que je paye, arrivé, tu me rembourseras. J'ai dit, d'accord, il n'y a pas de problème. Parce que moi déjà, mon argent, je l'avais envoyé au pays. Je ne l'avais pas sur moi. Impossible. La première chose avant de monter dans l'aventure, c'est de te fouiller. De tête aux pieds. Tu bides tout ton bagage. Donc si tu as de l'argent, tu perds tout. Donc tu ne laisses que des petites sommes sur toi. Donc une fois arrivé sur le passeur, j'ai payé le double. Parce que c'est lui qui avait payé ma sortie. Par rapport à ce que les raviseurs avaient demandé. La destination de toute personne se trouvant sur le territoire libyen, c'est l'Italie. J'ai dû payer 800 euros pour la traverser. Sans compter, j'avais payé 200 euros de plus quand ils m'ont fait libérer de la prison. Donc ça fait à peu près 1000 euros. Nous sommes arrivés au bord de la mer, on fait sortir des ballons pneumatiques. Il n'y en avait même pas de sur l'étage. On était 150. Je me rappelle, on avait 4 enfants. Il y avait plus d'hommes qu'éléphants. On vous donne juste un beau sol. Elle vous dit, vous suivez le nord. Le capitaine, lui, se charge de conduire. J'ai pas eu de souffrance sur la mer. Par contre, il y avait un bateau qu'on avait trouvé, un bateau conflable qui venait de Tripoli et eux, quand même, ils avaient leur bateau qui était percé. Et les gens, c'était là, se noyaient. On pouvait rien faire. Et arrivé à la même dernière, c'est là qu'on voit un hélico qui survole. On disait déjà, dès que vous voyez l'hélico, de suivre l'hélico. Un peu plus, il y a le grand bateau humanitaire qui est là. Il parle en anglais, en arabe et en français. Tout le monde va sauver tout le monde, mais nous commençons d'abord par les enfants. Une fois que vous avez tous mis le sauvetage, après ils percent complètement le bateau gonflable. Le grand bateau, dès que vous arrivez d'abord, ils font d'abord l'empreinte. Ils vous donnent des habits pour un peu chauffer, destination. C'est signe. Ils n'accostent pas sur le même quai. Il y a d'autres qui vont à Lampedusa, il y a d'autres qui vont à... Personnellement, j'étais rentré à Gagliari. Il y avait des gens qui étaient malades, ils étaient souffrants. Ils avaient beaucoup subi la torture. Ils étaient fatigués complètement. Donc déjà, à la descente, il y avait l'ambulance qui était là, les médecins, tout et tout, qui s'occupaient de ces personnes. Et nous, on nous a envoyés dans un centre, il était là, un hangar en fait, pas un hangar, où on prenait vos noms, vos prénoms, si tu étais marié, célibataire, ta situation, tout ce qui s'ensuit. Dès que vous arrivez en centre de rétention, ils vous expliquent les règles. Après trois jours, on vous donne le téléphone d'appeler vos parents, au moins pour leur dire que vous êtes en Italie. Si tu veux faire des sorties il y a des heures, quand tu sors trois jours du centre, pas d'information, tu ne pourras plus rentrer. Après moi, je n'ai pas voulu rester en Italie. La langue, ça me posait problème. J'ai essayé un peu de repérer les choses, juste le temps bien de récupérer et prendre ma route. Destination, la frontière. la France. J'avais un ami en France, il m'a envoyé 50 euros à la frontière, il y a des passeurs aussi. J'ai pris le train de Rome à Milan, Milan 20 milliers, c'est la frontière. Arrivé là-bas, il y a… Tu vois beaucoup de jeunes, beaucoup qui sont là, qui veulent tous passer. Il y en a d'autres qui ont déjà tenté une fois, il y en a d'autres qui ont tenté deux fois. Tu te poses la question, est-ce que toi tu as la chance ? Comment tu vas passer toi ? C'est la seule fois où je me suis découragé des films à sortir. Après Vintimidié, la première ville c'est Nice. Dès que les contrôleurs et les conducteurs descendent du train avec les passagers, ils ont des clés, ils ont toutes sortes de clés pour ouvrir ces passagers. Parce qu'il y a trois barrages avant de rentrer en France. donc ils montent avec des chiens les gendarmes, la police pour contrôler ils montent au compteur, vous descendez tous à partir du 3ème arrêt si on ne vous choque pas, vous pouvez sortir nous on était là, on priait Donc on comptait à chaque arrêt. Et à troisième arrêt, on est sortis. C'est tellement gardé. Là, à la gare de Nice, je vois des gendarmes partout. J'avais peur. D'abord, j'ai eu l'idée de sortir de la gare. Donc je sors de la gare, je vais m'asseoir dans un café. Je vois un frère africain qui passe, je l'aborde, je le salue, je lui dis « je voudrais aller à Marseille » . Il m'a payé le billet.

  • Speaker #0

    Mounir choisit Marseille sur les conseils de son ami, qui lui vit à Paris. De là, ce dernier lui organise et lui paye un covoiturage pour le rejoindre à la capitale. Après quelques temps, il renoue avec un autre camarade installé à Limoges. Mounir poursuit alors son chemin jusqu'en Limousin, et c'est là qu'il entame sa procédure de demande d'asile.

  • Speaker #1

    Je prends le rendez-vous pour l'enregistrement guichet à la préfecture. On me met en procédure Dublin. Il fallait déterminer quel était le pays qui était responsable de ma demande. L'Italie a décidé que je repars en Italie. C'est un choix, on te propose. Soit tu signes, soit tu ne signes pas. Je leur ai dit, moi je ne peux pas signer. Je ne peux pas me retourner en Italie. Je les ai un peu expliqués dans ce temps, ce que j'ai fait comme intégration. Et le monsieur, il me dit, écoute, je vais aller voir ma responsable. Donc, il est parti au moins une bonne quinzaine de minutes et il est revenu. Il m'a dit, vous partez demain, vous revenez à 9h. C'est là qu'on m'a donné la procédure normale. C'est ce qui veut dire que la France accepte de prendre ma demande d'asile en charge. Comme ça, je reste en France. Ils ont un petit cahier qu'on te donne. Pour écrire ton histoire, le pourquoi tu es parti de ton pays, pourquoi tu sollicites l'asile, pourquoi tu veux qu'on te protège ? J'ai été convoqué à l'OFPA, ils ont rejeté ma demande à l'OFPA. Ils me refusent parce qu'ils me disent que je n'avais pas apporté assez de preuves. J'ai aussi fait le recours au niveau du CNDA, ça a été absolument rejeté. Il m'a donné une obligation de quitter le territoire, mais je n'avais pas obéi à ça. Ma vie n'était plus là-bas, ma vie était ici, avec l'administration. C'est notre combat, plus pacifique, mais encore plus lent. Tu es bloqué, même si tu as des talents, tu as plusieurs choses. Si tu n'as pas une situation régulière, c'est compliqué. Tu as des droits, mais tu ne peux pas les obtenir. au fait. C'était un droit d'avoir un toit, mais je ne pouvais pas. Je ne pouvais pas travailler à mon nom. Passer deux ans, trois ans, quatre ans, cinq ans dans l'irrégularité, il faut le vivre. C'est compliqué intérieurement même. Tu ne dors pas. Des fois, même l'année, tu ne dors pas. Tu ne peux pas. Quand j'ai une procédure Dublin, on dit toujours qu'il faut appeler le 115 pour le logement. Sauf que quand tu appelles le 115 tout le temps, il n'y a pas de place. Moi, j'essaye de prendre une colocation. Avec un ami, je payais le loyer, l'ADHA, l'allocation qu'on donne aux demandeurs d'asile. Je savais que ça, je le vivais. Je faisais aussi des travaux au black. Ça aussi, c'est un autre calvaire. On travaille sous la force d'une entité. Tu as un ami ou une connaissance qui te prête des séjours, tu travailles, voilà. Moi, je lui donne un peu à la fin du mois. Pour réussir en France, mieux tu t'investis, mieux les autorités sont à l'écoute. Je me suis tourné vers les associations. Que ce soit Secopopulaire, Restos du Coeur, Banque Alimentaire, je fais tout le bénévolat. Et le club auquel aussi je jouais, je m'occupais de petit pour l'école de foot. J'ai 6-8 ans. Vu que j'ai été débouté d'asile, donc j'avais pas assez de revenus maintenant, je pouvais plus payer le loyer qu'on avait convenu. Il m'a mis dehors. Et c'est là que je me retrouve au squat. On a fait presque deux ans là-bas. Il y avait des Algériens, il y avait des Nigériens, il y avait des Kiniens. Il y avait des Marocains aussi, des Cameroonaises, des Albanais aussi. Il y avait beaucoup de familles, des enfants qui étaient scolarisés. On avait des réunions de tous les habitants pour essayer de discuter un peu. Si elle avait un problème, on pouvait parler, on pouvait apporter des solutions, tout ce qu'on avait besoin. Parce que l'absorption chabale dans le territoire était là, c'est eux qui finançaient un peu. Et la banque alimentaire aussi nous a mis des colis alimentaires. Donc on a essayé d'organiser. Une sorte de vie commune en fait. Ça se passait très bien. Il y avait de l'amour, il y avait de l'entraide. Quand il y avait un problème, tu n'avais pas peur d'aller parler à ton ami. Parce que c'était ma famille. Ma famille, c'était là-bas. Moi, je considère même pas ça comme un squat. Il n'y a jamais eu d'intervention policière. En fait, c'était une manière de nous éduquer à la culture française. Le propriétaire se pietréa, parce qu'ils avaient besoin de... du squat. Ils ont essayé d'envoyer une lettre au préfet pour en donner l'expulsion. La première fois on avait gagné parce que c'était la trêve, l'hiverman. Les enfants étaient à l'école où toutes ces familles allaient se retrouver. On allait vers... Sachant que déjà ils nous proposent des solutions. Mais quelles solutions ? C'était pas des solutions durables. On était dans des hôtels où tu pouvais même pas cuisiner, tu pouvais pas manger. Imagine si t'as un gosse, on avait réfléchi à ces solutions. On avait rencontré l'ancien préfet, Seymour Morsi, pour essayer de discuter un peu de la situation de ces gens. Il nous a dit, écoutez, moi, ils sont là, mais je ne les connais pas. Pour les connaître, il faut qu'ils fassent une demande. Je ne peux pas régulariser tout le monde. Il n'allait pas traiter les dossiers globalement, il allait les traiter au cas par cas, parce qu'on n'avait pas les mêmes situations. Il y avait au moins une centaine de personnes. La première des choses, c'est d'écrire une lettre personnalisée à Ritra 100. tout mon parcours. C'est à la sortie de cette réunion que l'association des sans-papiers près de la maison des droits de l'homme m'a proposé, parce qu'il y avait une élection qui arrivait, si je pouvais me présenter en tant que porte-parole. Donc j'avais plusieurs chapeaux. Je ne dis pas que forcément parce que j'étais porte-parole que j'ai été régularisé, non, mais il y avait tout un travail qui était là, en amont. Donc du coup, c'était une récompense, je peux dire comme ça. Aujourd'hui, J'ai mon logement, je travaille pour l'intérêt. J'ai passé mon permis, j'ai un titre de séjour, vie privée familiale, vie normale comme tout citoyen. L'État a sa responsabilité. Parce qu'il sait ce qui se passe. Il gagne plus sur nous que ce qu'il perd. Pour déposer une demande, il te faut payer 50 euros de timbre. Quand tu es régularisé, il te faut 315 euros. Et à chaque renouvellement, il faut payer. Il y a des gens qui méritent de rester. Il ne faut pas leur attendre deux ans, trois ans, quatre ans, cinq ans. Ou ça peut même leur conduire d'autres à quitter le bon chemin pour emprunter le mauvais. La seule chose dont j'avais peur, c'est de mourir et que mes parents ne puissent pas faire leur deuil. Depuis 2016, je n'ai pas vu mes parents. Aujourd'hui, ils n'ont plus peur. Ce n'est pas comme si j'étais un wanted qui était recherché internationalement. Du coup, j'avais juste peur comme tu, voilà, comme ça, un beau matin, sans le savoir. Aujourd'hui, je dis merci à la France, mais ceux qui m'ont soutenu ne le regrettent pas. Souviens-toi de ma vie en venant en France, en prenant le bateau. Quand vous entendez la sirène du bateau réconnue, toutes les familles, même s'ils n'ont pas un de leurs enfants qui serait le bateau qui partait, vous les voyez les larmes aux yeux qui perdent. Ils savent qu'ils vont partir vers notre destin, vous savez.

  • Speaker #0

    Venez d'écouter Je suis migrant, une série documentaire indépendante. Merci à Mounir, qui a bien voulu nous partager son récit de vie et son récit de migration. Et merci à vous pour votre écoute.

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Description

Du haut de ses 24 ans, Mounir a déjà vécu plus d’une vie : l’arrachement à sa vie familiale en Guinée, la « route de la mort » à travers la Libye pour rejoindre l’Europe puis la lente bataille avec l’administration française. En se retournant sur son parcours, il nous livre sans fard ni hésitation ses plus grandes douleurs mais aussi ses plus belles découvertes.


📖 SOURCES :





🎵 CITATIONS MUSICALES :


  • Mémoires d'immigrés - Bakar

  • Good bye kô - Orange Blossom

  • Reality cuts me like a knife - Faada Freddy


Pour nous contacter : jesuismigrant@protonmail.com | Instagram : jesuismigrant.podcast


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    3,6% de la population mondiale n'habite pas dans son pays de naissance. De ce chiffre est née notre envie de raconter les histoires d'immigration qui forchait cette réalité. Les parcours de celles et ceux qui s'ouvrent de n'être que des statistiques. Je suis migrant leur rend la parole. Les immigrants ne peuvent pas davantage échapper à leur histoire que vous-même n'avez le loisir d'abandonner votre ombre. Sadie Smith, sourire de loup.

  • Speaker #1

    On s'est raconté mon livre et... Mon surnom était Guinean. J'ai 24 ans.

  • Speaker #0

    Épisode 1. Je suis migrant. Je suis aussi monner.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, on nous dit des immigrants. Moi, c'est des choses qui sont mal à l'oreille. Vous vous déplacez, tu pars dans mon pays, on vous appelle des ressortissants. Mais vous, votre migration, on ne le voit pas. Parce que vous avez le bon passeport. Moi, quand je me déplace, c'est relayé partout. Les migrants, ils sont venus. Sauf que ce n'est pas ça. Parmi ces migrants, il y a des bonnes personnes aussi qui travaillent, qui perdent les impôts ici, qui payent les taxes ici, qui ont une vie ici. Avant tout, nous sommes des êtres humains. Le sang qui te coule dans tes veines, c'est le même sang qui coule dans mes veines. Je n'ai pas choisi d'être noir. Tu n'as pas choisi d'être blanc. Tu t'es juste vu comme ça. Ils veulent trouver la solution à l'immigration. C'est bien. L'immigration, ça ne prendra jamais fin. Jamais. Ça a toujours été comme ça. Ils peuvent faire des réformes, tout et tout. Mais l'immigration aura toujours plus.

  • Speaker #0

    Sans le citer, Mounir nous renvoie à l'article 13 de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Toute personne n'a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un État. Toute personne n'a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. Lui a choisi de quitter sa Guinée natale.

  • Speaker #1

    Au moment où je venais, je savais qu'il y avait des gens qui mouraient dans la Méditerranée. Mais ça ne m'a pas dissuadé. Je savais que quand tu rentrais en France, forcément, tu allais faire un temps sans papier. Parce qu'on le voyait déjà au jour où les gens dormaient dans la rue, tout ce qui se reçut. Mais ça ne te dissuade pas. Donc ces gens, une fois qu'ils sont là, il faut les intégrer. Il faut faire des formations. Ils vont travailler. Après, ils disent qu'ils vont travailler, qu'ils vont envoyer tout l'argent en Afrique. C'est faux. Ce que moi, aujourd'hui, c'est que je gagne. Ce que je dépasse sur le sol français, je n'envoie pas cette moitié en Afrique. Je paie un loyer à 417 euros. J'ai ma voiture, le carburant pour tout le monde. J'ai l'assurance. J'ai d'autres charges. L'eau, l'électricité. Donc, le peu que j'envoie n'est pas égal à ce que je dépense ici. Je n'ai aucune aide de la France. Que ce soit APL ou quoi, à mon âge, je ne l'ai pas. Parce que je travaille. Et on ne peut pas me dire que moi j'ai volé le poste d'un Français. C'est impossible. C'est impossible. Plutôt d'autres Français refusent le poste que moi, je ne sais pas. Les Ukrainiens, je vous donne un exemple. Il y a eu la guerre en Ukraine. On ne les a jamais appelés des migrants. Et pourtant, ils ont migré. Parce que c'est d'un pays à un pays. Ils se sont déplacés. C'est là aussi que j'acquise la société française. Pas la société, quand je dis la société, non, mais l'administration française. On a mieux accueilli les Ukrainiens que les Africains. Mais ça s'est vu, même sur l'Umoj. Automatiquement, ils ont eu des titres de séjour. Mais sauf que ces personnes ne vont pas se retourner, même après la guerre. Parce que déjà d'autres ont commencé à travailler, d'autres ont eu des enfants. Il y a eu cette préférence parce qu'eux, ils ont la peau blanche. Il faut qu'on dise la vérité. Je partage leur douleur. Il ne faut juste pas avoir un cœur pour ne pas partager ce qui s'est passé en Ukraine. Mais d'autres aussi qui viennent de l'Afrique. Il y a beaucoup aussi qui fuient la guerre.

  • Speaker #0

    Les Ukrainiens qui ont fui leur pays ont pu bénéficier d'une autorisation provisoire de séjour, ou APS, valable six mois et renouvelable. Délivré sans attente, ce sésame leur confère d'emblée l'autorisation de travailler, là où les demandeurs d'asile doivent patienter six mois. Fin 2022, on recensait presque 66 000 APS en cours de validité détenus par des Ukrainiens. De ce fait, très peu d'Ukrainiens ont demandé l'asile.

  • Speaker #1

    J'ai été à l'école jusqu'au collège, mais encore par faute de moyens financiers. C'est pour ça que je n'ai pas continué les études. Mon papa était un peu moisson, donc du coup, il n'y avait pas assez de revenus. Moi, j'étais le premier fils. Chez nous, on a un frère qui est venu de la famille. C'est toi qui prends la relève. Forcément, j'ai commencé à travailler avec lui. Le bâtiment, je faisais aussi un peu le deux-quarts. Je descendais au port, parce qu'il y avait des containers qui arrivaient, donc il fallait trouver des bras valides. pour essayer de décharger ses camions. Tu travailles sous le soleil, sous la pluie, même quand tu es malade, il n'y a pas une assurance, il n'y a pas un contrat qui est là. Tu sais, ensuite, tu avais 10 euros, tu avais 20 euros le soir.

  • Speaker #0

    En 2015, Mounir soutient Célou d'Alendialo face au président sortant, Alpha Kondé. Au travers de l'affrontement politique des deux candidats se cristallise celui des deux ethnies, Peul et Malinke, qui les soutiennent.

  • Speaker #1

    C'est après les élections que je suis parti de la Guinée. L'ex-président, le professeur Alpha Kondé, était au pouvoir en ce moment. Il avait brigué un deuxième mandat. Il y avait une opposition. On n'était pas d'accord par rapport à son projet électoral. Lors de la campagne, on avait manifesté. On avait fait des dégâts un peu partout, donc forcément on était recherché. J'avais senti que j'étais en danger en fait. La mouvance, forcément, ils avaient des oreilles partout. Donc déjà on te voyait circuler dans la vie courante. Et un soir, paf ! ils pouvaient sortir, t'attaquer, te faire du mal, te mettre dans un caniveau ou dans un fossé ou dans une maison inachevée. Parce que déjà, ils avaient commencé à attraper certains de mes amis pour les mettre en prison. J'avais même un ami qui avait trouvé la mort en prison. On avait dit qu'il avait fait une malaise. Mais bon, on sait que ce n'était pas une malaise parce qu'il ne s'était jamais plaint. Forcément, il s'est passé quelque chose. de Louches là-bas. Dès que j'ai commencé à entendre, je suis parti m'installer dans une autre ville d'abord. Je ne suis pas sorti complètement de la Guinée. Je suis allé vers la Guinée forestière. Il y a une très grande distance quand même.

  • Speaker #0

    Malgré les 950 kilomètres environ qu'il éloigne de sa ville, Sangarelli, Mounir lutte contre la tentation de revoir sa famille. Donc, par sécurité, il fait le choix de s'éloigner encore plus loin.

  • Speaker #1

    Je me rappelle, c'est en 2016 que moi je suis parti du pays. À la base, il n'y a pas de venir en Europe à la base. C'était... Partir travailler en Algérie, comme on le dit toujours chez nous, tu sais d'où tu viens, mais tu ne sais pas où tu vas. Il y a des bus qui sont là, qui vont en Algérie. Ils ne te disent pas réellement les choses, comment ça se passe. D'abord, j'arrive au Mali. Nous, on a pris la destination de Gao. On a fait deux jours de route. Il y a un gars qui vient nous chercher. On est partis nous mettre dans une cour fermée où j'avais trouvé aussi d'autres personnes qui étaient là, qui dormaient par terre. C'était misérable. C'était des conditions inhumaines, en fait. D'abord, tu ne mangeais pas. C'était compliqué d'avoir à manger. avec des un palestouan, parce que tout le temps c'était des types. On se sent au Mali avec le problème du terrorisme. trois jours là-bas. Après, on nous a chargés dans un camion et destination Kidal. La traversée, ça n'a pas été facile. Parce que sur le désert, forcément, vous tombez sur des embuscades. C'est tout en organisation, au fait. Donc, eux aussi vont t'attendre devant. Il faut encore payer. Vous passez, on vous fouille. Si vous avez des téléphones, tout ce qu'il y a comme habile, tout ce qu'il y a, il faut qu'il percute. Il y avait le chef de Kidal, à Boutalanda. Je n'oublierai pas. Il abusait des femmes. La nuit, il dormait avec la femme qu'il voulait. Il faisait juste qu'il vienne en ouvre. Il dit, bon, toi, tu viens. Tu n'as pas le choix, tu ne peux pas. Tu ne peux même pas dire non. Impossible. Parce qu'il est là avec ses gardes, les calaches, ils sont tous armés. Les femmes sont dans une cellule. Les hommes aussi sont dans une cellule. Et nous, on était à la corvée. Parce qu'il fallait aller travailler, et le soir on ne te payait rien. Il fallait réellement être là pour comprendre, parce que vivre quelque chose et regarder quelque chose à travers une fenêtre, fondue. L'Algérie était un pays qui était en chantier. J'avais un ami en Algérie qui travaillait déjà, qui avait commencé à construire au pays. On a dû travailler dans les chantiers, c'était compliqué là-bas aussi. Déjà on était clandestins, parce qu'on n'avait pas versé que le désert. On n'était pas rentrés régulièrement. On avait peur de la police, qui faisait la patrouille tout le temps. C'était un chantier algérien. Donc, ils avaient donné aux Chinois de construire des immeubles. C'était de la sous-traitance, voire même de la maltraitance. Parce qu'ils savaient que réellement, ils ne pouvaient pas récruter les fils de l'Algérie. Parce qu'avec eux, il fallait les payer cher. Ils le savent, mais nous... Déjà quand tu arrives, tu n'es pas en situation régulière, tu n'es pas là où dormir. Avec cette peur, forcément, tu acceptes le prix. Tu avais 35 000 dinars le mois. C'était de l'esclavage moderne en fait. Je faisais du boulot. Je travaillais non seulement avec les Chinois. Après le soir, j'avais un contrat aussi avec les Ingériens. C'était de l'étanchéité. Donc je faisais ça aussi de 18h à 22h. Et il fallait se réveiller encore à 6h pour être au boulot. On mettait des petits barraques, on mettait des petites planches. Ça ne répondait pas réellement au Nord. Le logement où on était, on était au moins six. C'est juste pour dormir en fait. Il n'y avait même pas de place où tu allais mettre tes habits. Quand on faisait même certaines courses, il fallait qu'on les mette dans les salles parce qu'il n'y avait pas d'espace. C'était que du boulot, que du boulot. Je ne voulais pas rester en Algérie parce que déjà tout le temps on l'expulsait déjà. Direction frontière. C'est là-bas que j'ai décidé à la fin de résoudre l'Europe.

  • Speaker #0

    Au final, Mounir aura passé sept mois en Algérie. Bien moins que la plupart des autres migrants qui s'y arrêtent, le temps d'économiser pour la retraverser.

  • Speaker #1

    J'ai essayé de trouver un passeur. Nous avons discuté sur le prix. Il est parti à Lévis. C'est la route de la mort, moi j'appelle comme ça. Vous êtes entassé dans des picots. Dès qu'il commence à conduire, s'il tombe, il s'arrête pas. Un Africain, il avait sa soeur avec lui. Ces gens ont essayé d'abuser de sa soeur. Et il a voulu un peu résister. Et c'est là qu'on lui a mis une balle. Nous, on vient nous prendre sur le désert, d'aller creuser un peu le trou et le foutre dedans. On se vidait de son sang. Mais il n'était pas mort, on pouvait le sauver. Mais t'avais pas le choix. Parce qu'il y avait des armes qui étaient braquées là. J'ai pas eu la chance de rentrer directement sur mon passeur parce qu'on est tombé sur une embuscade. Dès qu'ils tombent sur vous, c'est mort. Ils vous attrapent, c'est pour vous envoyer en prison. C'était même pas la police. Parce que la police, s'ils vous attrapent, certes ils vous mettent en prison, mais après c'est de vous retourner chez vous. Mais c'était des petits groupes de bandits, mais qui étaient tous armés en militaire. Dès que tu arrives, c'est le premier mot qu'on te dit, l'argent. Il faut appeler ta famille. Pour l'argent, tu payes telle somme. Malheureusement, si tu appelles et que tu tombes le numéro au passeport, ou tu dis que tu n'as pas d'argent, ils vont te frapper tous les jours. Ils vont vous insulter, ils vont cracher dessus. C'était la torture. C'était la violence. C'était la souffrance. Je suis allé en prison trois mois. Depuis que je me suis connu en tant qu'homme, c'est le pire moment de ma vie. Mon passeur, il travaille avec un ancien général du temps du Haddafi. J'appelle le numéro de mon passeur. Dès qu'on lui a dit qu'on était tombé en embuscade, je pense, pour ça, je ne prenais pas le téléphone. J'ai insisté, j'ai insisté et il a pris le téléphone. Il m'a juste dit, bon, ce que je paye, arrivé, tu me rembourseras. J'ai dit, d'accord, il n'y a pas de problème. Parce que moi déjà, mon argent, je l'avais envoyé au pays. Je ne l'avais pas sur moi. Impossible. La première chose avant de monter dans l'aventure, c'est de te fouiller. De tête aux pieds. Tu bides tout ton bagage. Donc si tu as de l'argent, tu perds tout. Donc tu ne laisses que des petites sommes sur toi. Donc une fois arrivé sur le passeur, j'ai payé le double. Parce que c'est lui qui avait payé ma sortie. Par rapport à ce que les raviseurs avaient demandé. La destination de toute personne se trouvant sur le territoire libyen, c'est l'Italie. J'ai dû payer 800 euros pour la traverser. Sans compter, j'avais payé 200 euros de plus quand ils m'ont fait libérer de la prison. Donc ça fait à peu près 1000 euros. Nous sommes arrivés au bord de la mer, on fait sortir des ballons pneumatiques. Il n'y en avait même pas de sur l'étage. On était 150. Je me rappelle, on avait 4 enfants. Il y avait plus d'hommes qu'éléphants. On vous donne juste un beau sol. Elle vous dit, vous suivez le nord. Le capitaine, lui, se charge de conduire. J'ai pas eu de souffrance sur la mer. Par contre, il y avait un bateau qu'on avait trouvé, un bateau conflable qui venait de Tripoli et eux, quand même, ils avaient leur bateau qui était percé. Et les gens, c'était là, se noyaient. On pouvait rien faire. Et arrivé à la même dernière, c'est là qu'on voit un hélico qui survole. On disait déjà, dès que vous voyez l'hélico, de suivre l'hélico. Un peu plus, il y a le grand bateau humanitaire qui est là. Il parle en anglais, en arabe et en français. Tout le monde va sauver tout le monde, mais nous commençons d'abord par les enfants. Une fois que vous avez tous mis le sauvetage, après ils percent complètement le bateau gonflable. Le grand bateau, dès que vous arrivez d'abord, ils font d'abord l'empreinte. Ils vous donnent des habits pour un peu chauffer, destination. C'est signe. Ils n'accostent pas sur le même quai. Il y a d'autres qui vont à Lampedusa, il y a d'autres qui vont à... Personnellement, j'étais rentré à Gagliari. Il y avait des gens qui étaient malades, ils étaient souffrants. Ils avaient beaucoup subi la torture. Ils étaient fatigués complètement. Donc déjà, à la descente, il y avait l'ambulance qui était là, les médecins, tout et tout, qui s'occupaient de ces personnes. Et nous, on nous a envoyés dans un centre, il était là, un hangar en fait, pas un hangar, où on prenait vos noms, vos prénoms, si tu étais marié, célibataire, ta situation, tout ce qui s'ensuit. Dès que vous arrivez en centre de rétention, ils vous expliquent les règles. Après trois jours, on vous donne le téléphone d'appeler vos parents, au moins pour leur dire que vous êtes en Italie. Si tu veux faire des sorties il y a des heures, quand tu sors trois jours du centre, pas d'information, tu ne pourras plus rentrer. Après moi, je n'ai pas voulu rester en Italie. La langue, ça me posait problème. J'ai essayé un peu de repérer les choses, juste le temps bien de récupérer et prendre ma route. Destination, la frontière. la France. J'avais un ami en France, il m'a envoyé 50 euros à la frontière, il y a des passeurs aussi. J'ai pris le train de Rome à Milan, Milan 20 milliers, c'est la frontière. Arrivé là-bas, il y a… Tu vois beaucoup de jeunes, beaucoup qui sont là, qui veulent tous passer. Il y en a d'autres qui ont déjà tenté une fois, il y en a d'autres qui ont tenté deux fois. Tu te poses la question, est-ce que toi tu as la chance ? Comment tu vas passer toi ? C'est la seule fois où je me suis découragé des films à sortir. Après Vintimidié, la première ville c'est Nice. Dès que les contrôleurs et les conducteurs descendent du train avec les passagers, ils ont des clés, ils ont toutes sortes de clés pour ouvrir ces passagers. Parce qu'il y a trois barrages avant de rentrer en France. donc ils montent avec des chiens les gendarmes, la police pour contrôler ils montent au compteur, vous descendez tous à partir du 3ème arrêt si on ne vous choque pas, vous pouvez sortir nous on était là, on priait Donc on comptait à chaque arrêt. Et à troisième arrêt, on est sortis. C'est tellement gardé. Là, à la gare de Nice, je vois des gendarmes partout. J'avais peur. D'abord, j'ai eu l'idée de sortir de la gare. Donc je sors de la gare, je vais m'asseoir dans un café. Je vois un frère africain qui passe, je l'aborde, je le salue, je lui dis « je voudrais aller à Marseille » . Il m'a payé le billet.

  • Speaker #0

    Mounir choisit Marseille sur les conseils de son ami, qui lui vit à Paris. De là, ce dernier lui organise et lui paye un covoiturage pour le rejoindre à la capitale. Après quelques temps, il renoue avec un autre camarade installé à Limoges. Mounir poursuit alors son chemin jusqu'en Limousin, et c'est là qu'il entame sa procédure de demande d'asile.

  • Speaker #1

    Je prends le rendez-vous pour l'enregistrement guichet à la préfecture. On me met en procédure Dublin. Il fallait déterminer quel était le pays qui était responsable de ma demande. L'Italie a décidé que je repars en Italie. C'est un choix, on te propose. Soit tu signes, soit tu ne signes pas. Je leur ai dit, moi je ne peux pas signer. Je ne peux pas me retourner en Italie. Je les ai un peu expliqués dans ce temps, ce que j'ai fait comme intégration. Et le monsieur, il me dit, écoute, je vais aller voir ma responsable. Donc, il est parti au moins une bonne quinzaine de minutes et il est revenu. Il m'a dit, vous partez demain, vous revenez à 9h. C'est là qu'on m'a donné la procédure normale. C'est ce qui veut dire que la France accepte de prendre ma demande d'asile en charge. Comme ça, je reste en France. Ils ont un petit cahier qu'on te donne. Pour écrire ton histoire, le pourquoi tu es parti de ton pays, pourquoi tu sollicites l'asile, pourquoi tu veux qu'on te protège ? J'ai été convoqué à l'OFPA, ils ont rejeté ma demande à l'OFPA. Ils me refusent parce qu'ils me disent que je n'avais pas apporté assez de preuves. J'ai aussi fait le recours au niveau du CNDA, ça a été absolument rejeté. Il m'a donné une obligation de quitter le territoire, mais je n'avais pas obéi à ça. Ma vie n'était plus là-bas, ma vie était ici, avec l'administration. C'est notre combat, plus pacifique, mais encore plus lent. Tu es bloqué, même si tu as des talents, tu as plusieurs choses. Si tu n'as pas une situation régulière, c'est compliqué. Tu as des droits, mais tu ne peux pas les obtenir. au fait. C'était un droit d'avoir un toit, mais je ne pouvais pas. Je ne pouvais pas travailler à mon nom. Passer deux ans, trois ans, quatre ans, cinq ans dans l'irrégularité, il faut le vivre. C'est compliqué intérieurement même. Tu ne dors pas. Des fois, même l'année, tu ne dors pas. Tu ne peux pas. Quand j'ai une procédure Dublin, on dit toujours qu'il faut appeler le 115 pour le logement. Sauf que quand tu appelles le 115 tout le temps, il n'y a pas de place. Moi, j'essaye de prendre une colocation. Avec un ami, je payais le loyer, l'ADHA, l'allocation qu'on donne aux demandeurs d'asile. Je savais que ça, je le vivais. Je faisais aussi des travaux au black. Ça aussi, c'est un autre calvaire. On travaille sous la force d'une entité. Tu as un ami ou une connaissance qui te prête des séjours, tu travailles, voilà. Moi, je lui donne un peu à la fin du mois. Pour réussir en France, mieux tu t'investis, mieux les autorités sont à l'écoute. Je me suis tourné vers les associations. Que ce soit Secopopulaire, Restos du Coeur, Banque Alimentaire, je fais tout le bénévolat. Et le club auquel aussi je jouais, je m'occupais de petit pour l'école de foot. J'ai 6-8 ans. Vu que j'ai été débouté d'asile, donc j'avais pas assez de revenus maintenant, je pouvais plus payer le loyer qu'on avait convenu. Il m'a mis dehors. Et c'est là que je me retrouve au squat. On a fait presque deux ans là-bas. Il y avait des Algériens, il y avait des Nigériens, il y avait des Kiniens. Il y avait des Marocains aussi, des Cameroonaises, des Albanais aussi. Il y avait beaucoup de familles, des enfants qui étaient scolarisés. On avait des réunions de tous les habitants pour essayer de discuter un peu. Si elle avait un problème, on pouvait parler, on pouvait apporter des solutions, tout ce qu'on avait besoin. Parce que l'absorption chabale dans le territoire était là, c'est eux qui finançaient un peu. Et la banque alimentaire aussi nous a mis des colis alimentaires. Donc on a essayé d'organiser. Une sorte de vie commune en fait. Ça se passait très bien. Il y avait de l'amour, il y avait de l'entraide. Quand il y avait un problème, tu n'avais pas peur d'aller parler à ton ami. Parce que c'était ma famille. Ma famille, c'était là-bas. Moi, je considère même pas ça comme un squat. Il n'y a jamais eu d'intervention policière. En fait, c'était une manière de nous éduquer à la culture française. Le propriétaire se pietréa, parce qu'ils avaient besoin de... du squat. Ils ont essayé d'envoyer une lettre au préfet pour en donner l'expulsion. La première fois on avait gagné parce que c'était la trêve, l'hiverman. Les enfants étaient à l'école où toutes ces familles allaient se retrouver. On allait vers... Sachant que déjà ils nous proposent des solutions. Mais quelles solutions ? C'était pas des solutions durables. On était dans des hôtels où tu pouvais même pas cuisiner, tu pouvais pas manger. Imagine si t'as un gosse, on avait réfléchi à ces solutions. On avait rencontré l'ancien préfet, Seymour Morsi, pour essayer de discuter un peu de la situation de ces gens. Il nous a dit, écoutez, moi, ils sont là, mais je ne les connais pas. Pour les connaître, il faut qu'ils fassent une demande. Je ne peux pas régulariser tout le monde. Il n'allait pas traiter les dossiers globalement, il allait les traiter au cas par cas, parce qu'on n'avait pas les mêmes situations. Il y avait au moins une centaine de personnes. La première des choses, c'est d'écrire une lettre personnalisée à Ritra 100. tout mon parcours. C'est à la sortie de cette réunion que l'association des sans-papiers près de la maison des droits de l'homme m'a proposé, parce qu'il y avait une élection qui arrivait, si je pouvais me présenter en tant que porte-parole. Donc j'avais plusieurs chapeaux. Je ne dis pas que forcément parce que j'étais porte-parole que j'ai été régularisé, non, mais il y avait tout un travail qui était là, en amont. Donc du coup, c'était une récompense, je peux dire comme ça. Aujourd'hui, J'ai mon logement, je travaille pour l'intérêt. J'ai passé mon permis, j'ai un titre de séjour, vie privée familiale, vie normale comme tout citoyen. L'État a sa responsabilité. Parce qu'il sait ce qui se passe. Il gagne plus sur nous que ce qu'il perd. Pour déposer une demande, il te faut payer 50 euros de timbre. Quand tu es régularisé, il te faut 315 euros. Et à chaque renouvellement, il faut payer. Il y a des gens qui méritent de rester. Il ne faut pas leur attendre deux ans, trois ans, quatre ans, cinq ans. Ou ça peut même leur conduire d'autres à quitter le bon chemin pour emprunter le mauvais. La seule chose dont j'avais peur, c'est de mourir et que mes parents ne puissent pas faire leur deuil. Depuis 2016, je n'ai pas vu mes parents. Aujourd'hui, ils n'ont plus peur. Ce n'est pas comme si j'étais un wanted qui était recherché internationalement. Du coup, j'avais juste peur comme tu, voilà, comme ça, un beau matin, sans le savoir. Aujourd'hui, je dis merci à la France, mais ceux qui m'ont soutenu ne le regrettent pas. Souviens-toi de ma vie en venant en France, en prenant le bateau. Quand vous entendez la sirène du bateau réconnue, toutes les familles, même s'ils n'ont pas un de leurs enfants qui serait le bateau qui partait, vous les voyez les larmes aux yeux qui perdent. Ils savent qu'ils vont partir vers notre destin, vous savez.

  • Speaker #0

    Venez d'écouter Je suis migrant, une série documentaire indépendante. Merci à Mounir, qui a bien voulu nous partager son récit de vie et son récit de migration. Et merci à vous pour votre écoute.

Description

Du haut de ses 24 ans, Mounir a déjà vécu plus d’une vie : l’arrachement à sa vie familiale en Guinée, la « route de la mort » à travers la Libye pour rejoindre l’Europe puis la lente bataille avec l’administration française. En se retournant sur son parcours, il nous livre sans fard ni hésitation ses plus grandes douleurs mais aussi ses plus belles découvertes.


📖 SOURCES :





🎵 CITATIONS MUSICALES :


  • Mémoires d'immigrés - Bakar

  • Good bye kô - Orange Blossom

  • Reality cuts me like a knife - Faada Freddy


Pour nous contacter : jesuismigrant@protonmail.com | Instagram : jesuismigrant.podcast


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    3,6% de la population mondiale n'habite pas dans son pays de naissance. De ce chiffre est née notre envie de raconter les histoires d'immigration qui forchait cette réalité. Les parcours de celles et ceux qui s'ouvrent de n'être que des statistiques. Je suis migrant leur rend la parole. Les immigrants ne peuvent pas davantage échapper à leur histoire que vous-même n'avez le loisir d'abandonner votre ombre. Sadie Smith, sourire de loup.

  • Speaker #1

    On s'est raconté mon livre et... Mon surnom était Guinean. J'ai 24 ans.

  • Speaker #0

    Épisode 1. Je suis migrant. Je suis aussi monner.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, on nous dit des immigrants. Moi, c'est des choses qui sont mal à l'oreille. Vous vous déplacez, tu pars dans mon pays, on vous appelle des ressortissants. Mais vous, votre migration, on ne le voit pas. Parce que vous avez le bon passeport. Moi, quand je me déplace, c'est relayé partout. Les migrants, ils sont venus. Sauf que ce n'est pas ça. Parmi ces migrants, il y a des bonnes personnes aussi qui travaillent, qui perdent les impôts ici, qui payent les taxes ici, qui ont une vie ici. Avant tout, nous sommes des êtres humains. Le sang qui te coule dans tes veines, c'est le même sang qui coule dans mes veines. Je n'ai pas choisi d'être noir. Tu n'as pas choisi d'être blanc. Tu t'es juste vu comme ça. Ils veulent trouver la solution à l'immigration. C'est bien. L'immigration, ça ne prendra jamais fin. Jamais. Ça a toujours été comme ça. Ils peuvent faire des réformes, tout et tout. Mais l'immigration aura toujours plus.

  • Speaker #0

    Sans le citer, Mounir nous renvoie à l'article 13 de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Toute personne n'a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un État. Toute personne n'a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. Lui a choisi de quitter sa Guinée natale.

  • Speaker #1

    Au moment où je venais, je savais qu'il y avait des gens qui mouraient dans la Méditerranée. Mais ça ne m'a pas dissuadé. Je savais que quand tu rentrais en France, forcément, tu allais faire un temps sans papier. Parce qu'on le voyait déjà au jour où les gens dormaient dans la rue, tout ce qui se reçut. Mais ça ne te dissuade pas. Donc ces gens, une fois qu'ils sont là, il faut les intégrer. Il faut faire des formations. Ils vont travailler. Après, ils disent qu'ils vont travailler, qu'ils vont envoyer tout l'argent en Afrique. C'est faux. Ce que moi, aujourd'hui, c'est que je gagne. Ce que je dépasse sur le sol français, je n'envoie pas cette moitié en Afrique. Je paie un loyer à 417 euros. J'ai ma voiture, le carburant pour tout le monde. J'ai l'assurance. J'ai d'autres charges. L'eau, l'électricité. Donc, le peu que j'envoie n'est pas égal à ce que je dépense ici. Je n'ai aucune aide de la France. Que ce soit APL ou quoi, à mon âge, je ne l'ai pas. Parce que je travaille. Et on ne peut pas me dire que moi j'ai volé le poste d'un Français. C'est impossible. C'est impossible. Plutôt d'autres Français refusent le poste que moi, je ne sais pas. Les Ukrainiens, je vous donne un exemple. Il y a eu la guerre en Ukraine. On ne les a jamais appelés des migrants. Et pourtant, ils ont migré. Parce que c'est d'un pays à un pays. Ils se sont déplacés. C'est là aussi que j'acquise la société française. Pas la société, quand je dis la société, non, mais l'administration française. On a mieux accueilli les Ukrainiens que les Africains. Mais ça s'est vu, même sur l'Umoj. Automatiquement, ils ont eu des titres de séjour. Mais sauf que ces personnes ne vont pas se retourner, même après la guerre. Parce que déjà d'autres ont commencé à travailler, d'autres ont eu des enfants. Il y a eu cette préférence parce qu'eux, ils ont la peau blanche. Il faut qu'on dise la vérité. Je partage leur douleur. Il ne faut juste pas avoir un cœur pour ne pas partager ce qui s'est passé en Ukraine. Mais d'autres aussi qui viennent de l'Afrique. Il y a beaucoup aussi qui fuient la guerre.

  • Speaker #0

    Les Ukrainiens qui ont fui leur pays ont pu bénéficier d'une autorisation provisoire de séjour, ou APS, valable six mois et renouvelable. Délivré sans attente, ce sésame leur confère d'emblée l'autorisation de travailler, là où les demandeurs d'asile doivent patienter six mois. Fin 2022, on recensait presque 66 000 APS en cours de validité détenus par des Ukrainiens. De ce fait, très peu d'Ukrainiens ont demandé l'asile.

  • Speaker #1

    J'ai été à l'école jusqu'au collège, mais encore par faute de moyens financiers. C'est pour ça que je n'ai pas continué les études. Mon papa était un peu moisson, donc du coup, il n'y avait pas assez de revenus. Moi, j'étais le premier fils. Chez nous, on a un frère qui est venu de la famille. C'est toi qui prends la relève. Forcément, j'ai commencé à travailler avec lui. Le bâtiment, je faisais aussi un peu le deux-quarts. Je descendais au port, parce qu'il y avait des containers qui arrivaient, donc il fallait trouver des bras valides. pour essayer de décharger ses camions. Tu travailles sous le soleil, sous la pluie, même quand tu es malade, il n'y a pas une assurance, il n'y a pas un contrat qui est là. Tu sais, ensuite, tu avais 10 euros, tu avais 20 euros le soir.

  • Speaker #0

    En 2015, Mounir soutient Célou d'Alendialo face au président sortant, Alpha Kondé. Au travers de l'affrontement politique des deux candidats se cristallise celui des deux ethnies, Peul et Malinke, qui les soutiennent.

  • Speaker #1

    C'est après les élections que je suis parti de la Guinée. L'ex-président, le professeur Alpha Kondé, était au pouvoir en ce moment. Il avait brigué un deuxième mandat. Il y avait une opposition. On n'était pas d'accord par rapport à son projet électoral. Lors de la campagne, on avait manifesté. On avait fait des dégâts un peu partout, donc forcément on était recherché. J'avais senti que j'étais en danger en fait. La mouvance, forcément, ils avaient des oreilles partout. Donc déjà on te voyait circuler dans la vie courante. Et un soir, paf ! ils pouvaient sortir, t'attaquer, te faire du mal, te mettre dans un caniveau ou dans un fossé ou dans une maison inachevée. Parce que déjà, ils avaient commencé à attraper certains de mes amis pour les mettre en prison. J'avais même un ami qui avait trouvé la mort en prison. On avait dit qu'il avait fait une malaise. Mais bon, on sait que ce n'était pas une malaise parce qu'il ne s'était jamais plaint. Forcément, il s'est passé quelque chose. de Louches là-bas. Dès que j'ai commencé à entendre, je suis parti m'installer dans une autre ville d'abord. Je ne suis pas sorti complètement de la Guinée. Je suis allé vers la Guinée forestière. Il y a une très grande distance quand même.

  • Speaker #0

    Malgré les 950 kilomètres environ qu'il éloigne de sa ville, Sangarelli, Mounir lutte contre la tentation de revoir sa famille. Donc, par sécurité, il fait le choix de s'éloigner encore plus loin.

  • Speaker #1

    Je me rappelle, c'est en 2016 que moi je suis parti du pays. À la base, il n'y a pas de venir en Europe à la base. C'était... Partir travailler en Algérie, comme on le dit toujours chez nous, tu sais d'où tu viens, mais tu ne sais pas où tu vas. Il y a des bus qui sont là, qui vont en Algérie. Ils ne te disent pas réellement les choses, comment ça se passe. D'abord, j'arrive au Mali. Nous, on a pris la destination de Gao. On a fait deux jours de route. Il y a un gars qui vient nous chercher. On est partis nous mettre dans une cour fermée où j'avais trouvé aussi d'autres personnes qui étaient là, qui dormaient par terre. C'était misérable. C'était des conditions inhumaines, en fait. D'abord, tu ne mangeais pas. C'était compliqué d'avoir à manger. avec des un palestouan, parce que tout le temps c'était des types. On se sent au Mali avec le problème du terrorisme. trois jours là-bas. Après, on nous a chargés dans un camion et destination Kidal. La traversée, ça n'a pas été facile. Parce que sur le désert, forcément, vous tombez sur des embuscades. C'est tout en organisation, au fait. Donc, eux aussi vont t'attendre devant. Il faut encore payer. Vous passez, on vous fouille. Si vous avez des téléphones, tout ce qu'il y a comme habile, tout ce qu'il y a, il faut qu'il percute. Il y avait le chef de Kidal, à Boutalanda. Je n'oublierai pas. Il abusait des femmes. La nuit, il dormait avec la femme qu'il voulait. Il faisait juste qu'il vienne en ouvre. Il dit, bon, toi, tu viens. Tu n'as pas le choix, tu ne peux pas. Tu ne peux même pas dire non. Impossible. Parce qu'il est là avec ses gardes, les calaches, ils sont tous armés. Les femmes sont dans une cellule. Les hommes aussi sont dans une cellule. Et nous, on était à la corvée. Parce qu'il fallait aller travailler, et le soir on ne te payait rien. Il fallait réellement être là pour comprendre, parce que vivre quelque chose et regarder quelque chose à travers une fenêtre, fondue. L'Algérie était un pays qui était en chantier. J'avais un ami en Algérie qui travaillait déjà, qui avait commencé à construire au pays. On a dû travailler dans les chantiers, c'était compliqué là-bas aussi. Déjà on était clandestins, parce qu'on n'avait pas versé que le désert. On n'était pas rentrés régulièrement. On avait peur de la police, qui faisait la patrouille tout le temps. C'était un chantier algérien. Donc, ils avaient donné aux Chinois de construire des immeubles. C'était de la sous-traitance, voire même de la maltraitance. Parce qu'ils savaient que réellement, ils ne pouvaient pas récruter les fils de l'Algérie. Parce qu'avec eux, il fallait les payer cher. Ils le savent, mais nous... Déjà quand tu arrives, tu n'es pas en situation régulière, tu n'es pas là où dormir. Avec cette peur, forcément, tu acceptes le prix. Tu avais 35 000 dinars le mois. C'était de l'esclavage moderne en fait. Je faisais du boulot. Je travaillais non seulement avec les Chinois. Après le soir, j'avais un contrat aussi avec les Ingériens. C'était de l'étanchéité. Donc je faisais ça aussi de 18h à 22h. Et il fallait se réveiller encore à 6h pour être au boulot. On mettait des petits barraques, on mettait des petites planches. Ça ne répondait pas réellement au Nord. Le logement où on était, on était au moins six. C'est juste pour dormir en fait. Il n'y avait même pas de place où tu allais mettre tes habits. Quand on faisait même certaines courses, il fallait qu'on les mette dans les salles parce qu'il n'y avait pas d'espace. C'était que du boulot, que du boulot. Je ne voulais pas rester en Algérie parce que déjà tout le temps on l'expulsait déjà. Direction frontière. C'est là-bas que j'ai décidé à la fin de résoudre l'Europe.

  • Speaker #0

    Au final, Mounir aura passé sept mois en Algérie. Bien moins que la plupart des autres migrants qui s'y arrêtent, le temps d'économiser pour la retraverser.

  • Speaker #1

    J'ai essayé de trouver un passeur. Nous avons discuté sur le prix. Il est parti à Lévis. C'est la route de la mort, moi j'appelle comme ça. Vous êtes entassé dans des picots. Dès qu'il commence à conduire, s'il tombe, il s'arrête pas. Un Africain, il avait sa soeur avec lui. Ces gens ont essayé d'abuser de sa soeur. Et il a voulu un peu résister. Et c'est là qu'on lui a mis une balle. Nous, on vient nous prendre sur le désert, d'aller creuser un peu le trou et le foutre dedans. On se vidait de son sang. Mais il n'était pas mort, on pouvait le sauver. Mais t'avais pas le choix. Parce qu'il y avait des armes qui étaient braquées là. J'ai pas eu la chance de rentrer directement sur mon passeur parce qu'on est tombé sur une embuscade. Dès qu'ils tombent sur vous, c'est mort. Ils vous attrapent, c'est pour vous envoyer en prison. C'était même pas la police. Parce que la police, s'ils vous attrapent, certes ils vous mettent en prison, mais après c'est de vous retourner chez vous. Mais c'était des petits groupes de bandits, mais qui étaient tous armés en militaire. Dès que tu arrives, c'est le premier mot qu'on te dit, l'argent. Il faut appeler ta famille. Pour l'argent, tu payes telle somme. Malheureusement, si tu appelles et que tu tombes le numéro au passeport, ou tu dis que tu n'as pas d'argent, ils vont te frapper tous les jours. Ils vont vous insulter, ils vont cracher dessus. C'était la torture. C'était la violence. C'était la souffrance. Je suis allé en prison trois mois. Depuis que je me suis connu en tant qu'homme, c'est le pire moment de ma vie. Mon passeur, il travaille avec un ancien général du temps du Haddafi. J'appelle le numéro de mon passeur. Dès qu'on lui a dit qu'on était tombé en embuscade, je pense, pour ça, je ne prenais pas le téléphone. J'ai insisté, j'ai insisté et il a pris le téléphone. Il m'a juste dit, bon, ce que je paye, arrivé, tu me rembourseras. J'ai dit, d'accord, il n'y a pas de problème. Parce que moi déjà, mon argent, je l'avais envoyé au pays. Je ne l'avais pas sur moi. Impossible. La première chose avant de monter dans l'aventure, c'est de te fouiller. De tête aux pieds. Tu bides tout ton bagage. Donc si tu as de l'argent, tu perds tout. Donc tu ne laisses que des petites sommes sur toi. Donc une fois arrivé sur le passeur, j'ai payé le double. Parce que c'est lui qui avait payé ma sortie. Par rapport à ce que les raviseurs avaient demandé. La destination de toute personne se trouvant sur le territoire libyen, c'est l'Italie. J'ai dû payer 800 euros pour la traverser. Sans compter, j'avais payé 200 euros de plus quand ils m'ont fait libérer de la prison. Donc ça fait à peu près 1000 euros. Nous sommes arrivés au bord de la mer, on fait sortir des ballons pneumatiques. Il n'y en avait même pas de sur l'étage. On était 150. Je me rappelle, on avait 4 enfants. Il y avait plus d'hommes qu'éléphants. On vous donne juste un beau sol. Elle vous dit, vous suivez le nord. Le capitaine, lui, se charge de conduire. J'ai pas eu de souffrance sur la mer. Par contre, il y avait un bateau qu'on avait trouvé, un bateau conflable qui venait de Tripoli et eux, quand même, ils avaient leur bateau qui était percé. Et les gens, c'était là, se noyaient. On pouvait rien faire. Et arrivé à la même dernière, c'est là qu'on voit un hélico qui survole. On disait déjà, dès que vous voyez l'hélico, de suivre l'hélico. Un peu plus, il y a le grand bateau humanitaire qui est là. Il parle en anglais, en arabe et en français. Tout le monde va sauver tout le monde, mais nous commençons d'abord par les enfants. Une fois que vous avez tous mis le sauvetage, après ils percent complètement le bateau gonflable. Le grand bateau, dès que vous arrivez d'abord, ils font d'abord l'empreinte. Ils vous donnent des habits pour un peu chauffer, destination. C'est signe. Ils n'accostent pas sur le même quai. Il y a d'autres qui vont à Lampedusa, il y a d'autres qui vont à... Personnellement, j'étais rentré à Gagliari. Il y avait des gens qui étaient malades, ils étaient souffrants. Ils avaient beaucoup subi la torture. Ils étaient fatigués complètement. Donc déjà, à la descente, il y avait l'ambulance qui était là, les médecins, tout et tout, qui s'occupaient de ces personnes. Et nous, on nous a envoyés dans un centre, il était là, un hangar en fait, pas un hangar, où on prenait vos noms, vos prénoms, si tu étais marié, célibataire, ta situation, tout ce qui s'ensuit. Dès que vous arrivez en centre de rétention, ils vous expliquent les règles. Après trois jours, on vous donne le téléphone d'appeler vos parents, au moins pour leur dire que vous êtes en Italie. Si tu veux faire des sorties il y a des heures, quand tu sors trois jours du centre, pas d'information, tu ne pourras plus rentrer. Après moi, je n'ai pas voulu rester en Italie. La langue, ça me posait problème. J'ai essayé un peu de repérer les choses, juste le temps bien de récupérer et prendre ma route. Destination, la frontière. la France. J'avais un ami en France, il m'a envoyé 50 euros à la frontière, il y a des passeurs aussi. J'ai pris le train de Rome à Milan, Milan 20 milliers, c'est la frontière. Arrivé là-bas, il y a… Tu vois beaucoup de jeunes, beaucoup qui sont là, qui veulent tous passer. Il y en a d'autres qui ont déjà tenté une fois, il y en a d'autres qui ont tenté deux fois. Tu te poses la question, est-ce que toi tu as la chance ? Comment tu vas passer toi ? C'est la seule fois où je me suis découragé des films à sortir. Après Vintimidié, la première ville c'est Nice. Dès que les contrôleurs et les conducteurs descendent du train avec les passagers, ils ont des clés, ils ont toutes sortes de clés pour ouvrir ces passagers. Parce qu'il y a trois barrages avant de rentrer en France. donc ils montent avec des chiens les gendarmes, la police pour contrôler ils montent au compteur, vous descendez tous à partir du 3ème arrêt si on ne vous choque pas, vous pouvez sortir nous on était là, on priait Donc on comptait à chaque arrêt. Et à troisième arrêt, on est sortis. C'est tellement gardé. Là, à la gare de Nice, je vois des gendarmes partout. J'avais peur. D'abord, j'ai eu l'idée de sortir de la gare. Donc je sors de la gare, je vais m'asseoir dans un café. Je vois un frère africain qui passe, je l'aborde, je le salue, je lui dis « je voudrais aller à Marseille » . Il m'a payé le billet.

  • Speaker #0

    Mounir choisit Marseille sur les conseils de son ami, qui lui vit à Paris. De là, ce dernier lui organise et lui paye un covoiturage pour le rejoindre à la capitale. Après quelques temps, il renoue avec un autre camarade installé à Limoges. Mounir poursuit alors son chemin jusqu'en Limousin, et c'est là qu'il entame sa procédure de demande d'asile.

  • Speaker #1

    Je prends le rendez-vous pour l'enregistrement guichet à la préfecture. On me met en procédure Dublin. Il fallait déterminer quel était le pays qui était responsable de ma demande. L'Italie a décidé que je repars en Italie. C'est un choix, on te propose. Soit tu signes, soit tu ne signes pas. Je leur ai dit, moi je ne peux pas signer. Je ne peux pas me retourner en Italie. Je les ai un peu expliqués dans ce temps, ce que j'ai fait comme intégration. Et le monsieur, il me dit, écoute, je vais aller voir ma responsable. Donc, il est parti au moins une bonne quinzaine de minutes et il est revenu. Il m'a dit, vous partez demain, vous revenez à 9h. C'est là qu'on m'a donné la procédure normale. C'est ce qui veut dire que la France accepte de prendre ma demande d'asile en charge. Comme ça, je reste en France. Ils ont un petit cahier qu'on te donne. Pour écrire ton histoire, le pourquoi tu es parti de ton pays, pourquoi tu sollicites l'asile, pourquoi tu veux qu'on te protège ? J'ai été convoqué à l'OFPA, ils ont rejeté ma demande à l'OFPA. Ils me refusent parce qu'ils me disent que je n'avais pas apporté assez de preuves. J'ai aussi fait le recours au niveau du CNDA, ça a été absolument rejeté. Il m'a donné une obligation de quitter le territoire, mais je n'avais pas obéi à ça. Ma vie n'était plus là-bas, ma vie était ici, avec l'administration. C'est notre combat, plus pacifique, mais encore plus lent. Tu es bloqué, même si tu as des talents, tu as plusieurs choses. Si tu n'as pas une situation régulière, c'est compliqué. Tu as des droits, mais tu ne peux pas les obtenir. au fait. C'était un droit d'avoir un toit, mais je ne pouvais pas. Je ne pouvais pas travailler à mon nom. Passer deux ans, trois ans, quatre ans, cinq ans dans l'irrégularité, il faut le vivre. C'est compliqué intérieurement même. Tu ne dors pas. Des fois, même l'année, tu ne dors pas. Tu ne peux pas. Quand j'ai une procédure Dublin, on dit toujours qu'il faut appeler le 115 pour le logement. Sauf que quand tu appelles le 115 tout le temps, il n'y a pas de place. Moi, j'essaye de prendre une colocation. Avec un ami, je payais le loyer, l'ADHA, l'allocation qu'on donne aux demandeurs d'asile. Je savais que ça, je le vivais. Je faisais aussi des travaux au black. Ça aussi, c'est un autre calvaire. On travaille sous la force d'une entité. Tu as un ami ou une connaissance qui te prête des séjours, tu travailles, voilà. Moi, je lui donne un peu à la fin du mois. Pour réussir en France, mieux tu t'investis, mieux les autorités sont à l'écoute. Je me suis tourné vers les associations. Que ce soit Secopopulaire, Restos du Coeur, Banque Alimentaire, je fais tout le bénévolat. Et le club auquel aussi je jouais, je m'occupais de petit pour l'école de foot. J'ai 6-8 ans. Vu que j'ai été débouté d'asile, donc j'avais pas assez de revenus maintenant, je pouvais plus payer le loyer qu'on avait convenu. Il m'a mis dehors. Et c'est là que je me retrouve au squat. On a fait presque deux ans là-bas. Il y avait des Algériens, il y avait des Nigériens, il y avait des Kiniens. Il y avait des Marocains aussi, des Cameroonaises, des Albanais aussi. Il y avait beaucoup de familles, des enfants qui étaient scolarisés. On avait des réunions de tous les habitants pour essayer de discuter un peu. Si elle avait un problème, on pouvait parler, on pouvait apporter des solutions, tout ce qu'on avait besoin. Parce que l'absorption chabale dans le territoire était là, c'est eux qui finançaient un peu. Et la banque alimentaire aussi nous a mis des colis alimentaires. Donc on a essayé d'organiser. Une sorte de vie commune en fait. Ça se passait très bien. Il y avait de l'amour, il y avait de l'entraide. Quand il y avait un problème, tu n'avais pas peur d'aller parler à ton ami. Parce que c'était ma famille. Ma famille, c'était là-bas. Moi, je considère même pas ça comme un squat. Il n'y a jamais eu d'intervention policière. En fait, c'était une manière de nous éduquer à la culture française. Le propriétaire se pietréa, parce qu'ils avaient besoin de... du squat. Ils ont essayé d'envoyer une lettre au préfet pour en donner l'expulsion. La première fois on avait gagné parce que c'était la trêve, l'hiverman. Les enfants étaient à l'école où toutes ces familles allaient se retrouver. On allait vers... Sachant que déjà ils nous proposent des solutions. Mais quelles solutions ? C'était pas des solutions durables. On était dans des hôtels où tu pouvais même pas cuisiner, tu pouvais pas manger. Imagine si t'as un gosse, on avait réfléchi à ces solutions. On avait rencontré l'ancien préfet, Seymour Morsi, pour essayer de discuter un peu de la situation de ces gens. Il nous a dit, écoutez, moi, ils sont là, mais je ne les connais pas. Pour les connaître, il faut qu'ils fassent une demande. Je ne peux pas régulariser tout le monde. Il n'allait pas traiter les dossiers globalement, il allait les traiter au cas par cas, parce qu'on n'avait pas les mêmes situations. Il y avait au moins une centaine de personnes. La première des choses, c'est d'écrire une lettre personnalisée à Ritra 100. tout mon parcours. C'est à la sortie de cette réunion que l'association des sans-papiers près de la maison des droits de l'homme m'a proposé, parce qu'il y avait une élection qui arrivait, si je pouvais me présenter en tant que porte-parole. Donc j'avais plusieurs chapeaux. Je ne dis pas que forcément parce que j'étais porte-parole que j'ai été régularisé, non, mais il y avait tout un travail qui était là, en amont. Donc du coup, c'était une récompense, je peux dire comme ça. Aujourd'hui, J'ai mon logement, je travaille pour l'intérêt. J'ai passé mon permis, j'ai un titre de séjour, vie privée familiale, vie normale comme tout citoyen. L'État a sa responsabilité. Parce qu'il sait ce qui se passe. Il gagne plus sur nous que ce qu'il perd. Pour déposer une demande, il te faut payer 50 euros de timbre. Quand tu es régularisé, il te faut 315 euros. Et à chaque renouvellement, il faut payer. Il y a des gens qui méritent de rester. Il ne faut pas leur attendre deux ans, trois ans, quatre ans, cinq ans. Ou ça peut même leur conduire d'autres à quitter le bon chemin pour emprunter le mauvais. La seule chose dont j'avais peur, c'est de mourir et que mes parents ne puissent pas faire leur deuil. Depuis 2016, je n'ai pas vu mes parents. Aujourd'hui, ils n'ont plus peur. Ce n'est pas comme si j'étais un wanted qui était recherché internationalement. Du coup, j'avais juste peur comme tu, voilà, comme ça, un beau matin, sans le savoir. Aujourd'hui, je dis merci à la France, mais ceux qui m'ont soutenu ne le regrettent pas. Souviens-toi de ma vie en venant en France, en prenant le bateau. Quand vous entendez la sirène du bateau réconnue, toutes les familles, même s'ils n'ont pas un de leurs enfants qui serait le bateau qui partait, vous les voyez les larmes aux yeux qui perdent. Ils savent qu'ils vont partir vers notre destin, vous savez.

  • Speaker #0

    Venez d'écouter Je suis migrant, une série documentaire indépendante. Merci à Mounir, qui a bien voulu nous partager son récit de vie et son récit de migration. Et merci à vous pour votre écoute.

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