- Didier
Bonjour à toutes, bonjour à tous et bienvenue sur La Batterie Podcast. Alors aujourd'hui, nous sommes à Senones, un village vosgien entre Nancy et Strasbourg. Alors pourquoi ici ? Hé bien simplement parce que le village abrite le seul et unique musée au monde consacré à notre instrument. Le musée de La Batterie est dirigé par David et Jean-François. Et bien entendu, c'est avec eux deux que nous allons effectuer une petite visite. A tout de suite !
Durant cette visite, Jean-François nous commentera d'abord l'espace dédié à l'histoire de la batterie, puis quelques kits et caisses claires hors du commun. On terminera avec une interview des deux compères. Bonne écoute et n'oubliez pas de vous abonner.
- Jean-François
Bonjour, je suis Jean-François et je vous souhaite la bienvenue au musée de la batterie de Senones. Un musée, ce lieu est exclusivement destiné à la batterie et qui propose en exposition 120, 130 batteries de... tous les âges, de toutes les époques et de tous les pays. Nous allons commencer cette petite visite avec une batterie automatique de marque Bergerot, marque qui existe toujours et qui équipe tous les orchestres symphoniques du monde en instruments à percussion, vibraphones, métallophones, voilà. C'est un modèle daté de 1926 par la famille Bergerot et qui permettait à un instrumentiste, Accordéon violon, de s'accompagner tout seul à l'aide d'un certain nombre de pédales qui permettaient d'actionner une grosse caisse, des cymbales, des claves et même un système de crémonne qui permettait d'imiter les roulements de batterie. Cette batterie se plie, la partie supérieure, la partie inférieure, on mettait ça dans une petite mallette et hop, on était complètement indépendant. Dans cette première partie de la visite... Nous sommes dans le box des années 20, des années 30. A cette époque, le jazz band, qui deviendra plus tard la batterie, avait des grosses caisses assez étroites, des toms avec des pots qui n'étaient pas accordables, qui étaient cloutés. Toutes ces batteries sont équipées avec des pots animaux. On est encore loin de l'invention de la peau synthétique. Toutes les lumières que vous voyez dans ces grosses caisses n'ont pas du tout un effet décoratif, mais vraiment utilitaire. Comme c'était des peaux animales, ils étaient sensibles aux variations d'hygrométrie et de chaleur. Donc on chauffait l'intérieur de ces grosses caisses avec une ampoule pour maintenir la peau bien tendue. Vous voyez sur certains modèles de ces batteries une table qui permettait de poser tous les petits accessoires de percussion qui étaient utilisés. Notamment, on parle d'accessoires, car dans les cinémas, avant l'époque du cinéma parlant, on utilisait tous ces petits accessoires. le batteur qui était dans la salle, l'accessoiriste, pour imiter les bruits de pas, les bruits de portes qui grincent, des applaudissements, des claquements de mains, voire des coups de feu. Dans ce deuxième espace, nous sommes dans les années 40-50, l'après-guerre qui a vu l'arrivée notamment des soldats américains qui sont venus avec les jeeps, le chewing-gum et aussi le jazz. La batterie commence. à prendre la forme que nous lui connaissons aujourd'hui, avec des grosses caisses parfois plus imposantes. Les pots de résonance commencent à être accordables. Et nous sommes dans l'époque, la mode des musiques sud-américaines, le cha-cha, la salsa. Donc beaucoup de ces batteries sont équipées d'instruments de percussion, des bongos ou des instruments de percussion en bois. Là, vous avez une batterie française où on remarque la manière dont la batterie est décorée. qui rappelle la fabrication des guitares manouches, des guitares acoustiques. Les premières batteries françaises étaient faites dans un quartier de Paris qui s'appelle le Faubourg Saint-Antoine, où il y avait des ébénistes, des gens qui avaient l'habitude de travailler le bois. Et avec la fabrication de guitares, ils avaient déjà la technique pour cintrer le bois. Et ils ont continué à faire, comme ils faisaient avec les guitares, de décorer nos beaux instruments avec des brillants et des volutes de toutes les couleurs, dorées notamment. Dans ce troisième espace de la visite chronologique du musée, nous sommes dans les années 60-70. C'est le début du rock'n'roll et enfin des batteurs heroes. Vous trouvez devant vous une batterie Ludwig, marque américaine, une batterie française, de marque Gary, une batterie premier, marque anglaise, et devant, une batterie Star, qui deviendra... quelques années après. Toutes les batteries japonaises de cette époque étaient appelées les stencil drums, les batteries photocopies, car elles copiaient le revêtement, la forme des coquilles, la taille, les couleurs des batteries classiques américaines, allemandes ou même françaises. Nous arrivons maintenant dans les années 80-90. Cette époque, riche en inventions pour la batterie, les tomes deviennent beaucoup plus profonds, les batteries augmentent en taille avec l'arrivée du hard rock, de la double grosse caisse et des nombreux fûts et cymbales. Une invention popularisée par Jeff Porcaro avec fruit de sa collaboration avec Pearl qu'on appelle le rack. Et c'est aussi l'arrivée des batteries électroniques et des boîtes à rythme qui mettent un terme à la... Profession de batteur. A l'époque, les marques acoustiques telles Pearl ou Tama avaient leur modèle électronique pour se lancer dans ce marché. Mais en studio, on commence à utiliser des machines plutôt que des humains. C'est la période des pêches mode, c'est la période des débuts des musiques électroniques. En France, évidemment, le plus connu, ça va être des groupes comme Indochine.
- Didier
Après avoir traversé toutes les époques de l'histoire de la batterie avec Jean-François, On va visiter la plus grande pièce du musée et pour ce faire on emprunte un couloir où sont présentés quelques beaux modèles dont sans s'arrêter quelques instants sur une série particulière et pas banale.
- Jean-François
Vous retrouvez devant vous une batterie de marque allemande, un Trixon, le modèle Telsar, avec son revêtement en crocodile bleu. La particularité de cette batterie, outre ses badges magnifiques qui font un peu voiture américaine, c'est le fait que l'ensemble des fûts soit conique. Le tombe basse, le tombe alto et la grosse caisse qui est 20 d'un côté et 16 de l'autre. Et à côté, vous trouvez la copie japonaise, qui n'ont pas fait de fût conique parce que techniquement c'est assez difficile à faire, mais par contre qui ont repris ce fameux revêtement en crocodile bleu. Un autre modèle... iconique de la marque Trixon, le modèle Speedfire, qui a la particularité c'est d'avoir une coquille, une grosse caisse en forme d'œuf, dont la grosse caisse est séparée en deux par une planche qui permettait d'avoir une partie à gauche plus grave, une partie à droite plus aiguë, et le batteur utilisait deux pédales. L'ensemble des fûts sont fixés sur un des premiers systèmes de rack, même la caisse claire est fixée sur la grosse caisse. On reste dans l'époque des musiques sud-américaines. Donc cette batterie va plus sonner comme un ensemble de percussions assez aigües et assez secs que comme une batterie que nous connaissons aujourd'hui. Et au-dessus, vous avez la réédition de ce modèle. Vox, marque américaine, était l'importateur de Trixon. Ça, c'est un modèle qui est sorti en 2024. Et c'est un peu comme pour l'automobile. Il y a une... mode des néo-vintages avec des marques qui reproduisent des modèles iconiques des années 60 ou 70. On retrouve la coquille en forme d'œuf et c'est une batterie qui est faite aux Etats-Unis en érable et même l'accastillage reprend les codes de l'époque des années 70 avec des pieds flat base et un accastillage assez léger. Vous avez un autre modèle iconique de batterie, le marque Staccato. L'idée de ces batteries en forme de trompe ou de saxophone, on est au début de la sonorisation des batteries. Les guitaristes avaient déjà des murs d'amplificateurs pour nous embêter. La batterie est un instrument qui est très difficile à sonoriser. L'idée de cet inventeur, c'était en imitant ces trompes de saxophone, d'avoir comme un système de canon à son. et de projeter le son de la batterie le plus loin possible, ce qui permettait de positionner des micros assez éloignés des fûts. Cette batterie est en fibre de verre, c'est extrêmement joli. En termes de son, on est plutôt sur quelque chose d'assez grave qui projette beaucoup. En revanche, c'est extrêmement fragile et c'est absolument intransportable. Et d'autres marques, notamment Ludwig que vous voyez là, avait commercialisé des accessoires qui permettaient, un peu sur le même principe, de projeter le son sur ces fûts équipés sans pot de résonance, de projeter le son le plus loin possible. Ces accessoires étaient assez fragiles, se fixaient avec des systèmes de velcro sur le bas du fût. La plupart des batteurs les ont cassés ou tout simplement mis à la poubelle.
- Didier
Voilà, après ces quelques modèles hors du commun, un peu fous comme j'aime, Jean-François va nous montrer des systèmes de tension de pot, des accastillages, dont certains sont passés à la postérité. Donc on a préféré oublier les autres.
- Jean-François
Nous arrivons maintenant en Italie avec un modèle très particulier de marque High Percussion. Cette batterie qui a été utilisée notamment par Max Roach dispose d'un système de rack qui est fixé sur la grosse caisse. La première fois qu'ils ont dû mettre ça en place, la grosse caisse a dû s'aplatir comme un oeuf. Du coup, ils ont renforcé la grosse caisse avec une barre métallique qui supporte l'ensemble du poids. En termes de son, d'avoir une grosse barre au milieu de la grosse caisse, évidemment, ce n'est pas extraordinaire. Le système était tellement lourd, même la caisse claire est fixée sur ce système de rack, qu'on a fini par mettre des roulettes sur l'embase pour pouvoir favoriser un changement rapide de set et pouvoir rouler la batterie hors de la scène. On peut aussi remarquer le système d'accroche des cercles qui permettent d'éviter de dévisser complètement le tirant. Lors des changements de peau, vous avez des petits crochets qui viennent se mettre dans le cercle. On dévisse de quelques tours et on bascule en arrière pour pouvoir changer la peau rapidement. Autre invention de la batterie, des systèmes à réglage à vis unique. Vous avez deux époques de ces systèmes Arbeiter. Un premier système qu'on appelle l'autotune avec un incastillage de chez Rogers. La peau est vissée comme d'habitude avec des tirants. et vous avez un système de vis pour la peau de frappe et pour la peau de résonance qui permettent d'ajuster le réglage, comme on pourrait faire d'une corde de guitare. Là, vous avez l'évolution de ce système, sur ce modèle-là, où on a un système de cercle et de contre-cercle. Avec un seul tirant, vous allez pouvoir accorder votre peau de frappe et de résonance de manière uniforme. Vous voyez la vis qui est juste là. Accroché au fût, vous avez une partie métallique. La deuxième partie métallique avec le cercle de grosse caisse va venir être prise en sandwich. En serrant cette vis, vous allez serrer l'ensemble de ce système de cercle qui va faire reculer la peau et donc l'accorder de manière homogène. Au lieu de tripoter 8, 10 ou 12 vis de serrage, vous en avez simplement une. L'inconvénient. c'est que c'est complètement homogène, on ne peut pas régler comme on veut. L'avantage, c'est que c'est complètement homogène et rapide. Mais vous savez, ça n'a jamais marché, toutes ces inventions un peu bizarres. Les batteurs sont des musiciens assez traditionnels et ils aiment bien pouvoir régler comme ils veulent, tripoter comme ils veulent. Et c'est là qu'on s'aperçoit, quand on fait le tour du musée, que la batterie, finalement, depuis les années 30, 40, la forme, la fonction, La manière dont on la règle ou dont on la joue n'a pas beaucoup évolué.
- Didier
Tout dépend de ce qu'on appelle beaucoup, cher Jean-François. Et il est temps maintenant de se remémorer ce qu'on peut faire et ce qu'on a pu faire en France avec la partie du musée dédiée à cette production.
- Jean-François
Nous arrivons dans l'espace dédié à la batterie et à la lutherie française avec quelques marques iconiques. Asba, qui renaît de ses cendres, Capelle et d'autres marques comme Gary que nous avons déjà précédemment évoquées. Là vous avez deux modèles d'Azba qui ont la particularité d'être faits dans le même bois, du palissandre qui est un bois aujourd'hui protégé, qui était beaucoup utilisé en ameublement. Vous voyez la différence de couleur, une est en palissandre de Rio et l'autre est en palissandre d'Afrique. A côté un modèle Gary, gigogne, qui se refait aujourd'hui, mais ça c'est des batteries des années 70. Et devant vous, trois modèles Azba. qui ont la particularité d'être tous les trois complètement en métal. À droite, un modèle complètement en cuivre. Il y a cinq exemplaires qui ont été faits dans le monde. Ici, un modèle en inox qui a été fait au départ, a priori, pour Christian Van Der. On peut remarquer le système dans les cercles où sont directement soudés les supports d'étirant. Et un modèle, le modèle noir que vous voyez ici, est un modèle en acier. On l'a revêtu d'une peinture un peu granuleuse pour éviter les vibrations. Et à l'intérieur de ce fût qui est en acier, vous avez un petit joint qui vient s'intercaler entre la peau et le rebord du fût. Toujours avec les coquilles caractéristiques de chez Asba et ces magnifiques cercles moulés dans lesquels, pareil, viennent s'intégrer les tyrans. On continue avec l'autre marque industrielle connue immense française qui a des dizaines et des dizaines d'années d'histoire, qui est la marque Capelle, avec quelques modèles. Ce modèle qu'on appelle le modèle Trident, qui a été fait notamment pour le marché anglais sous la marque Orange. C'est un modèle très épais en acajou massif, avec un acastillage indestructible doré. Là, vous avez un modèle Capelle en loupe d'érable qui est beaucoup plus récent. et qui a la particularité d'avoir des évents de décompression extrêmement grands qui permet au batteur d'avoir un son beaucoup plus sec. On continue chez Capelle avec un autre modèle iconique des années 80 qui a été fait en collaboration avec le batteur de Trust, Jean-Emile Hanela, qui a la particularité d'avoir une grosse caisse qui fait 32 pouces de profondeur. Ça nécessite une voiture un peu importante. et un guitariste complaisant. Remarquez la profondeur des fûts et même celle de la grosse caisse. Capelle était connu dans le monde entier pour la qualité de ses accessoires, notamment avec les modèles de pédales Charleston et de grosses caisses Excalibur. Pédales de Charleston avec les dérosseurs extérieurs et les semelles en matière synthétique et la grosse caisse, pareil, avec des systèmes de chaînes et de renvois de poulies. qui en faisait une des pédales les plus convoitées du monde, y compris par les batteurs américains. Nous sommes maintenant au royaume de la caisse claire. Par exemple, je vais vous présenter une caisse claire Lady, qui deviendra Ludwig plus tard, caisse claire américaine, très très belle, avec la particularité d'avoir déjà un système de déclencheur dit parallèle. Le déclencheur permet d'actionner cette partie spécifique de la caisse claire qu'on appelle le timbre, composée de petites spirales qui peuvent être en acier, en carbone, en cuivre, qui avant étaient composées de boyaux, notamment de porc, et qui permet de soulever le timbre des deux côtés à la fois. Beaucoup de caisses claires, y compris récentes, ont un système d'attache d'un côté et le timbre se lève que d'un côté. Les systèmes parallèles que vous voyez ici permettent non seulement un accordage fin du timbre en le réglant de chaque côté, mais aussi de le soulever complètement pour ne pas qu'il parasite le son. Là, vous avez une caisse claire rémo, modèle PTS, Pré-Tensionnède Système. Les particularités des instruments de musique de marque Remo, qui sont connus pour ses pots, c'est d'avoir fait des instruments de musique, des batteries en matière synthétique, ainsi que des percussions. Eux, ils se sont dit que ce qui était important, ce n'est pas le fait que ce soit de l'érable ou du hêtre, ce qui est important, c'est la densité de chaque bois. Donc on va prendre de la poudre de bois et de la colle, et on va imiter la densité du meilleur bois possible. C'est ce qu'on appelle l'acousticon. Et ce modèle-là, leur idée, c'était de dire, je vais créer une batterie, avec des pots qui sont préaccordés. Je prends des pots, je les serti sur un cercle déjà tendu, ce qui fait que le batteur, en cas de changement de pot, il a juste à démonter ça. Vous n'avez aucune coquille, aucun système de réglage ou d'accordage. Votre pot est pré-tendu, pré-accordé et sonne. Lorsqu'elle est foutue, vous n'avez plus qu'à la changer. Le système pour l'accrocher, c'est vraiment... Ah, le système pour l'accrocher, c'est des velcros des chaussures. C'est fait en quelques secondes. Par contre, vous n'avez pas une tension qui est extrêmement importante et c'est vraiment... on ne peut pas du tout accorder. Peut-être qu'un jour, un système mixte avec des pots très accordés, qui comprennent donc le cercle, mais qui permettrait quand même peut-être d'affiner le réglage, pourrait être une invention... Encore possible.
- Didier
Tout au bout de cette pièce, on a un objet assez curieux, qui est une caisse claire complètement éclatée. David, à quoi ça sert d'avoir fait cet objet, si ce n'est chelou, du moins bizarre ?
- David
Alors ça sert à expliquer et à montrer aux personnes qui ne connaissent pas la batterie ou la musique, à quoi sert les différentes parties d'une caisse claire, et comment on assemble une caisse claire. Donc on insiste bien sur le fait qu'ici on est à un endroit qui est ouvert à tout le monde, pas forcément aux musiciens, donc vraiment aux gens même qui ne connaissent rien à la musique ni à la batterie. Donc là on a vraiment toutes les parties d'une caisse claire qui sont expliquées.
- Didier
Effectivement une sourdine.
- David
Voilà, donc la sourdine c'est ce qui sert à atténuer le son de la peau de frappe. Cette partie indispensable sur une caisse claire qui s'appelle le timbre, qui permet d'avoir ce son sablé que n'ont pas les autres éléments de la batterie. Donc voilà, les visiteurs et visiteuses peuvent tout à fait s'instruire et découvrir tous les éléments qui composent une caisse claire. Parce qu'il y en a un paquet mine de rien.
- Didier
Fin de la visite et place à l'interview où Jean-François et David nous racontent le musée. Et Jean-François conclut avec un appel au propriétaire d'instruments. Quant à nous, on se retrouve dans une quinzaine pour l'histoire de Gretsch, avec Franck Aswetz, responsable Gretsch chez Geva. La première question que j'avais envie de poser, c'était justement, on en parlait tout à l'heure avec Jean-François, pourquoi Senones ? Pourquoi aussi loin ?
- Jean-François
Pourquoi Senones ? C'est une question qu'on me pose assez régulièrement. La réponse classique serait, et pourquoi pas ? Et la deuxième réponse est parce que c'est à peu près ce qu'il y a de plus loin possible de Paris.
- Didier
Ce qui est en soit déjà une très bonne idée.
- Jean-François
Une très bonne idée. L'idée principale, c'était, moi j'ai une résidence ici depuis une vingtaine d'années, donc c'est effectivement un coin que je connais. L'idée, c'était surtout de trouver le local. Et c'est le local qui finalement a fait le musée. Il fallait trouver un local qui soit assez grand, qui fasse 1000 mètres carrés, mais qui ne soit pas complètement isolé, qui soit sécurisé, avec une température et une hygrométrie constantes. Rien que ces paramètres-là ont vraiment justifié le choix d'avoir trouvé un ancien magasin de bricolage à Senone. Senone, c'est un petit village qui a une histoire qui est extrêmement riche. C'est une ancienne principauté, c'est un des derniers territoires qui a été rattaché à la France. On est à une petite heure de Nancy, on est à trois heures de Paris, on est à une heure de Strasbourg, mais on est aussi à proximité du Luxembourg, de la Belgique et de l'Allemagne. Et ce sont des gens qui sont très curieux. et qui viennent régulièrement et en nombre visiter le musée.
- Didier
Donc c'est un musée de la batterie ?
- Jean-François
C'est un musée de la batterie.
- Didier
Jean-François, tu es batteur toi-même. Est-ce que c'est parce que tu es batteur que tu as voulu faire le musée, ou est-ce que tu avais envie de faire un musée, et du coup tu es devenu batteur ?
- Jean-François
Non, je suis batteur depuis que j'ai dû faire mon premier concert. Je devais avoir 13 ou 14 ans, parcours classique de ces années-là. Et la collection est venue au fur et à mesure et le besoin ou l'envie de faire un musée a un peu la conclusion de toutes ces années d'accumulation de batteries.
- Didier
Parce qu'on en parlait aussi, c'est un musée très original puisque c'est le seul musée au monde, m'as-tu dit ?
- Jean-François
Tout à fait, je confirme.
- Didier
On avait parlé justement du fait qu'il existait d'autres musées d'instruments, mais pas de la batterie, ou au contraire des sortes de magasins de batterie, mais qui ne sont pas des musées, mais qui exposent quand même...
- Jean-François
Oui, qui exposent, et toutes les marques, notamment Sonore, ou Ludwig, ou Noblen-Collet, toutes les marques ont un showroom avec effectivement des modèles qui retracent l'historique de leurs marques. Mais un musée qui est spécifiquement consacré à la batterie, pas à la percussion, pas à l'ensemble des instruments de musique, mais vraiment à la batterie et qui regroupe des batteries de toutes les marques, de toutes les époques, qui est ouvert tous les jours, 7 jours sur 7, toute l'année. Non, c'est le seul musée de ce type-là au monde.
- Didier
Est-ce que tu pourrais nous en dire un peu l'histoire ? C'est-à-dire, à partir de quelle année tu as commencé à collectionner des batteries et comment tu as fait simplement pour accumuler autant de matériel et aussi ancien, parfois ?
- Jean-François
C'est vrai que ça remonte à longtemps, maintenant ça doit faire 30 ans ou 35 ans que je collectionne ou que j'accumule les batteries, c'est un peu pareil. Quand on est batteur, quand on est jeune batteur, qu'on imagine qu'on est bon et qu'on va en vivre, au début on a un groupe, c'est normal, on fait du rock, et puis très vite on a un deuxième groupe, donc deux locaux différents, donc évidemment on ne va pas, parce qu'on est batteur, donc feignant, on ne va pas trimballer la batterie à chaque fois, deux fois par semaine dans l'autre local, donc on achète une deuxième batterie. Et puis on fait beaucoup de concerts, donc on a une troisième batterie qui est prête à partir dans les étuis, avec évidemment 4-5 casse-clair en fonction des salles. Et puis après on joue dans un groupe de rock et dans un groupe de jazz, donc ça fait deux batteries prêtes à partir dans les étuis et 5-6 locaux différents. Et puis après on arrête les groupes et on se retrouve avec 5 ou 6 batteries à la maison. Et puis finalement c'est joli une batterie, j'achèterais bien une autre casse-clair, parce que ce modèle-là, de cette couleur, je ne l'ai pas, etc. Et on se retrouve à avoir des tables de nuit en batterie, des batteries à peu près partout. D'où la conclusion qui est, c'est aussi venu après la visite d'un mini showroom dans une marque qui s'appelle Noble & Collet, qui est dans la banlieue de Boston, qui fait des batteries depuis la guerre de sécession. Et ils ont un petit musée consacré à l'autre marque. C'est devenu après une évidence de se dire, finalement, on pourrait mettre tout ça ensemble dans un seul endroit. Et puis tant qu'à faire, pourquoi pas l'ouvrir au public ? Le musée est ouvert depuis février 2023 et au public depuis le... 3 juin, David ? 3 juin 2023.
- Didier
Donc ça fait tout juste deux ans.
- Jean-François
Ça fait tout juste deux ans que c'est ouvert, encore une fois, tous les après-midi, 14h-18h, 7 jours sur 7.
- Didier
Quel genre de public avez vous ?
- Jean-François
Le musée a été conçu au départ, quand on s'est rencontrés avec David et qu'on a finalisé ce projet dans la mise en place des collections et de l'agencement. On a vraiment voulu ça comme un musée pas spécifiquement pour les batteurs. L'idée c'est de faire connaître notre instrument et de montrer que le batteur c'est pas simplement un gros bourrin aux cheveux longs et gras qui tape très fort sur un truc qui fait du bruit, qui a beaucoup plus...
- Didier
Ça fait rire David quand même.
- Jean-François
Ouais mais c'est quand même l'image populaire que les gens ont de la batterie, et combien de jeunes qui viennent au musée nous disent ah moi je voudrais commencer la batterie, il n'y a pas de partition, il n'y a pas de solfège. Quand on leur explique qu'ils vont devoir apprendre le solfège mélodique plus le solfège rythmique et qu'ils en auront deux fois plus que les autres... Ça les calme un peu dans leur motivation, mais il y a une image qui est peu connue de la batterie et du batteur de manière générale. Donc on a vraiment voulu ça comme un espace beaucoup plus pédagogique. C'est pour ça que la première partie est organisée chronologiquement et la deuxième partie plus géographiquement. Et avec beaucoup de pédagogie, de façon à ce que les gens qui ne savent pas du tout ce que c'est qu'une batterie, qui n'en ont jamais vu de près. puissent être complètement autonomes et découvrir au travers de l'histoire et de la géographie un instrument qui est quand même, comme David l'a trouvé, le plus vieil instrument de musique au monde, l'instrument le plus récent, le plus vieux du monde.
- Didier
Et donc pour s'occuper de tout ce musée, vous n'êtes que deux?
- Jean-François
Trois,
- David
alors moi je n'y suis pas beaucoup, c'est David qui est là en permanence, avec Loïc qui nous a rejoint, qui est derrière toi et qui ne veut pas être sur la vidéo. et qui nous a rejoints il n'y a pas longtemps.
- Jean-François
Oui,
- David
c'est beaucoup de travail à trois. Moi, je ne suis pas là tout le temps. Et de réussir à être ouvert tout le temps, à s'occuper aussi bien des visiteurs des visites. On fait des chasses au trésor pour les enfants, plus la communication, plus le site Internet, plus acheter les batteries, plus... les entretenir, plus les concerts, plus organiser tous les événements qu'on fait maintenant parfois plusieurs fois par mois.
- Jean-François
On commence à être pas mal sollicité et à devenir un lieu un peu incontournable pour qui veut parler batterie ou jouer de la batterie. Ça fait effectivement un triple temps plein.
- Didier
Oui, c'est ça. Est-ce que, David, tu pourrais peut-être nous en parler de cet aspect-là ? C'est-à-dire ce que toi, tu fais dans le musée ? euh... Comment, enfin, quel genre de public tu reçois ? Quel genre d'artistes aussi peuvent venir ici ? Les artistes dont toi tu as envie, dont tu voudrais bien la présence ? Qu'est-ce que tu voudrais ? Est-ce que tu as une orientation particulière, justement, pour les artistes ?
- David
Non, ce côté-là, non. L'idée, c'est plutôt de faire découvrir des choses aux gens. Ce n'est pas mon avis qui compte. notre avis qui compte ou nos goûts forcément bon c'est sûr que comment ça se passe par exemple une visite typique du musée de la batterie ben donc on fait la vie si c'est une visite commentée donc on accueille les gens on leur précise bien comme disait jean-françois tout à l'heure que c'est un endroit qui n'est pas destiné qu'aux batteurs et aux musiciens puisque ben oui donc on accueille des scolaires on accueille des personnes qui viennent d'ime de mex des Eh bien, des EHPAD aussi ou des groupes de... de touristes qui viennent. Pour l'instant, le plus loin, c'est Dubaï. Il y a eu des néerlandais, beaucoup, beaucoup d'allemands aussi, quelques anglais. Karl de Barcelone aussi, qui est venu nous amener sa batterie exprès. Donc non, c'est vraiment éclectique, très éclectique. C'est vraiment ce qu'on veut. Là, je pense que ce pari-là, il est gagné en tout cas.
- Didier
Ok, est-ce que tu pourrais nous expliquer un peu comment est organisé le musée ? Qu'est-ce qu'on peut y voir ?
- David
C'est un parcours en fait, on peut vraiment suivre un parcours, donc le début qui est donc tout le côté historique. Donc des débuts des années 1900 jusqu'à 80-90 avec l'arrivée des batteries électroniques et tout ça. Ensuite, on a plutôt une fresque qui montre les principales essences de bois qui sont utilisées dans la fabrication d'un fût, suivie d'une petite frise avec des dates un petit peu clés sur l'évolution de l'instrument, la création de marques, plein de choses. Et donc une pièce qui est plus géographique avec les principaux pays qui ont... œuvrer aussi ou développement de l'instrument.
- Didier
Cette pièce-là, c'est la pièce la plus importante du musée.
- David
Oui, c'est la pièce la plus importante et c'est celle où, quand les visiteurs entrent, en général, il y a un « ouah, ah oui, quand même » .
- Didier
Oui, parce que là, il y a vraiment beaucoup de matériel. Il y a aussi une pièce dédiée à la caisse claire.
- David
Ma préférée. Donc là, c'est vraiment... Il y en a à la coute 200, je ne sais plus, combien, 50 ?
- Didier
Et donc également, quel genre d'activité tu proposes au public ? J'ai vu qu'il y avait de l'initiation, comment ça se passe ?
- David
C'est ça, on a une pièce avec des 6 kits de batteries électroniques, où elles sont à dispo au public, si les gens, qu'ils soient batteurs ou non, ont envie de s'amuser, donc chacun a son petit casque et puis hop ! Ou alors on s'en sert aussi pour faire des initiations en groupe, donc ça dure 20-30 minutes, et puis l'idée c'est d'arriver à jouer Billie Jean au bout d'un quart d'heure on va dire. Donc, poum, paf, poum, paf, 1, 2, 3, 4. Et puis, en général, ça marche plutôt bien.
- Didier
D'accord. Et vous avez aussi des masterclass ?
- David
On a aussi des masterclass. On a eu le plaisir d'accueillir Camille Bigeault au mois de mai, qui est venue faire sur deux jours, donc samedi concert et dimanche masterclass. C'était très sympa. On est reparti avec le cerveau bien retourné, puisque pour ceux qui ne la connaissent pas, elle est spécialisée dans les polyrythmies et tout ça. C'était très sympa. Et puis bon, là, il y a aussi des masterclass qui vont arriver au mois d'octobre avec Gabriel Delmas qui vient de la région de Toulouse et qui va parler de sa méthode, le rythme intérieur.
- Didier
Et des concerts aussi.
- David
Des concerts aussi. On a eu la chance d'avoir le duo Franck Agulhon et Charlie Davot, Rythmology, le jour de l'inauguration du musée. On a eu Christophe Deschamps qui est venu nous rendre visite. Alors, il n'a pas joué, mais il est venu comme... parrain de l'inauguration de l'Auditorium, donc là où on fait les concerts. Et puis on a eu Charlie Davot qui est venu aussi, qui est revenu en solo. J'en oublie, il y a eu Peter Perfido qui est batteur américain mais qui habite en France depuis des années, qui revient avec son duo Batterie Saxo, jazz improvisé. On va recevoir un vibraphoniste aussi d'exception qui s'appelle Jacques Teletocci, parce qu'on ne va pas non plus axer tout uniquement sur la batterie. Et puis il y a pas mal d'autres événements qui vont arriver.
- Didier
Jean-François, David, merci beaucoup pour tout ça. Merci pour la visite qui a été quand même quelque chose, un musée qui vaut le détour et que je trouve génial de par la qualité des batteries présentées et puis évidemment de la qualité de la façon dont c'est présenté.
- David
Merci beaucoup Didier.
- Jean-François
Je voulais aussi prendre quelques secondes pour vous parler de l'association, l'ASPB, qui gère le musée, Association de sauvegarde du patrimoine batristique, parce que, outre l'exploitation du musée, cette association a une vocation de sauvegarder des instruments de musique qui, sinon, finiraient à la déchetterie. On nous en donne régulièrement, on en achète régulièrement, tout ça pour éviter de finir aux oubliettes. Et on essaye le plus possible d'avoir des instruments qui racontent une histoire. Je suis en contact là pour une batterie qui date de la Seconde Guerre mondiale, la fin de la Seconde Guerre mondiale, qui était jouée par une dame, qui est la grand-mère de mon interlocuteur, et qui jouait dans des balles clandestines, une batteuse après-guerre, et qui jouait dans des balles clandestines, dans des caves, elle faisait de l'accordéon et elle jouait de cette batterie. Ces instruments ont une histoire, ont une vie et l'objectif de cette association, qui d'ailleurs cherche des bénévoles et toutes les volontés du monde, on est en train de s'organiser pour ça et de façon à donner des avantages aux membres de l'association, que ce soit l'utilisation des batteries, la possibilité de prêts, la possibilité de venir jouer, des entrées, ou d'utiliser l'espace comme on fait parfois pour des séminaires ou pour des réunions d'entreprise. On est en train de mettre tout ça en place. Mais vraiment, l'objet de cette association, c'est de sauvegarder des instruments pour éviter qu'ils finissent à la poubelle et pour qu'ils soient jouables, montrables et exploitables. Et en même temps, d'exploiter le musée de la batterie avec sa vocation pédagogique et grand public.
- Didier
C'est une sorte d'appel au public, aux bonnes âmes, aux bonnes volontés. Est-ce que l'association a besoin peut-être de documents, de photos, de cartes postales ?
- Jean-François
Oui, oui. Alors ça, évidemment, tu fais bien de le souligner. C'est évidemment très important. On nous en envoie régulièrement, mais pas assez. Des gens qui ont des documentations. Il y a plein de gens dans le milieu de la batterie, notamment de la batterie vintage, qui sont des puits de connaissances. Et tout ce qui est catalogue, photos, documents, PDF, vieux mode d'emploi ou ce genre de choses, évidemment qu'on est preneur de tout ce type de documentation. Ah oui, mille fois oui,
- Didier
tout à fait. OK. Merci Jean-François. Merci encore d'avoir reçu la batterie podcast.
- Jean-François
Merci encore à toi de t'être déplacé jusqu'ici.