- Speaker #0
Une prise de parole réussie, c'est le fruit d'une multitude de facteurs bien maîtrisés. C'est aussi la garantie d'un bond en avant vers l'atteinte de vos objectifs. Pour vous aider à obtenir ces résultats, j'ai rassemblé les meilleurs experts, les Avengers de la parole. Chaque semaine, ils nous partagent leurs méthodes, leurs techniques et leurs conseils dans leur zone d'excellence. Cette zone, c'est la bulle des feux. Est-ce que je dois vraiment vous le présenter encore ? Bon allez, on y retourne pour ceux qui n'en joignent en cours de route. Aujourd'hui, je reçois donc Lucas Hensler pour notre troisième épisode ensemble. Lucas est un expert en rhétorique. Le genre de gars qui écoute un discours d'une traite et te liste toutes les techniques conscientes ou inconscientes qu'a utilisées l'orateur. Et ces techniques, il les partage toutes dans son métier de formateur. Donc ensemble, on a décidé de vous proposer une série de 4 épisodes sur les 3 piliers de la rhétorique et vous êtes en train d'écouter le 3ème. Mais pas d'inquiétude, vous pouvez les écouter dans le sens que vous voulez, donc allez jusqu'au bout de cet épisode. Dans celui-ci, on vous parle du pathos, l'émotion, comment trouver le bon équilibre émotionnel, les 3 clés pour l'activer, la construction du récit, on vous dit tout. Alors attrapez un stylo, nous on démarre. Salut Lucas, comment vas-tu ?
- Speaker #1
Salut Jean-Corentin, ça va très bien et toi ?
- Speaker #0
Comme d'habitude, ça va. Super bien, on a l'habitude maintenant tous les deux, c'est le troisième épisode qu'on enregistre ensemble. Mais je trouve ça génial de pouvoir continuer avec toi ce chemin sur les triptiques de la rhétorique. Et donc aujourd'hui, comme on le disait, on va s'intéresser au pathos. Alors on en a déjà parlé là encore dans le premier épisode, mais est-ce que tu peux nous redéfinir ce que c'est que le pathos ?
- Speaker #1
Oui, surtout que le pathos, c'est l'une des notions sur lesquelles je trouve qu'il y a tellement à faire. Parce que le pathos, en français, ça a donné le mot pathétique. Alors, pathétique, aujourd'hui, c'est un sens assez péjoratif. C'est dans le sens de, quand on dit à quelqu'un t'es pathétique ça veut dire tu fais pitié Et c'est ça que ça veut dire initialement, c'est-à-dire qui inspire de la pitié Et donc, le pathos, c'est l'un des trois éléments dont on a besoin dans toute forme de communication entre humains. Parce que, jusqu'à preuve de contraire, nous sommes des humains et donc nous ressentons des émotions. Notre public est un être émotionnel, nous-mêmes, nous sommes des êtres émotionnels. Et négliger cette dimension-là, en fait, c'est condamner d'avance son discours. On a tendance à croire qu'on parle à des robots, on a tendance à croire qu'il suffit de faire copier-coller dans le cerveau de son public pour que notre message passe directement, que le logo soit bien compris. Eh bien, en réalité, il n'en est pas du tout comme ça. Notre public, il a des émotions, des émotions passagères, des émotions durables. Et tout ça, ça doit être pris en compte quand on prend la parole.
- Speaker #0
Eh oui, Descartes avait tort. dans ta face. Alors, effectivement, c'est lui qui avait théorisé le fait qu'on était des animaux rationnels, je suis entièrement d'accord avec toi, et en réalité, ça a été prouvé, on n'est pas rationnels. Oui, on a une part de rationalité, mais il ne faut surtout pas négliger l'émotionnel. D'ailleurs, on entend souvent dans les médias parler de pathos, et souvent, comme tu le disais, le terme pathétique, mais même quand on parle d'un discours qui est dans le pathos, on trouve que c'est... en général, quelque chose qui est trop émotionnel, qui est que dans l'émotionnel, est-ce que c'est un risque, quand on fait appel à l'émotion, justement, malgré tout, d'aller trop vers l'émotion ?
- Speaker #1
Alors, bien sûr, il y a toujours le risque qu'on tombe dans quelque chose de trop pathétique, mais de la même manière qu'il y a un risque qu'on tombe dans quelque chose de trop rationnel et ennuyeux, et de la même manière qu'il y a un risque qu'on tombe dans quelque chose qui repose trop sur des arguments d'autorité, et qui n'est plus fondé sur rien. En réalité, tout est toujours une question d'équilibre. Comme dit Aristote, la vertu est dans le juste milieu. Donc, la critique qu'on entend sur les émotions, en fait, elle est très ancienne. Tu citais Descartes, mais on l'avait déjà chez Platon. Dans Platon, on a l'image du cocher avec les deux chevaux. Le cocher, il a deux lames, qui a deux chevaux. Un cheval qui est rationnel, qui est posé, qui avance droit, qui file bien, qui est bien dompté. Et puis, un cheval complètement fougueux, tempétueux. qui court dans tous les sens et ce cheval-là, c'est le cheval des passions. Et donc notre cocher, il est tout le temps coincé entre son cheval rationnel et son cheval irrationnel et émotionnel. Bon, et après, bien sûr, on a Descartes qui rejette la part émotionnelle dans un projet, vraiment, de remettre en question sa connaissance. Mais bref, tout ça pour dire que la critique des émotions, en fait, elle n'est pas du tout récente, on l'a toujours. on l'a toujours eu et évidemment il y a une différence entre critiquer le recours aux émotions et critiquer le retour excessif, le recours excessif aux émotions alors
- Speaker #0
effectivement, donc on a testé quelques auteurs et j'en profite pour faire un petit name dropping parce que c'est un bouquin que je viens de découvrir, que j'ai pas encore lu mais on en parle très peu, on parle toujours de Descartes, de la critique de la raison pure et en fait ce que j'ai appris c'est que en face de lui on avait Blaise Pascal qui a écrit un livre qui s'appelle L'art de la persuasion et qui lui justement se bat plutôt pour l'émotionnel et sur finalement qui avait raison, in fine je ne sais pas pourquoi on a retenu Descartes dans notre livre, mais c'est un peu culture et un peu moins blesse pascal en tout cas sur ce sujet là mais je vous invite malgré tout à les voir une petite recommandation recommandation culturelle avant l'heure pour reprendre sur le pathos et surtout pour retourner vers quelque chose de plus concret est ce que tu peux nous dire comment est ce qu'on va activer le pathos comment est ce qu'on active l'émotionnel bien sûr on va en évitant de dire bar en rendant le sujet triste joyeux et c'est mais plus concrètement
- Speaker #1
Ouais, parce que justement, souvent, rendre le sujet triste ou joyeux, c'est tomber dans quelque chose d'un peu pathétique et un peu excessif. Moi, j'utilise régulièrement avec les gens que j'accompagne une petite matrice en trois lettres. L'idée, c'est de se dire, en tant qu'être humain, nous avons besoin d'émotions, et donc les émotions, elles sont notre ADN. ADN, pour trois mots que j'utilise. Le premier, c'est l'amplification, le A de amplification. Ce qu'on appelle l'amplification, c'est l'idée d'en faire un petit peu plus. En faire pas des caisses au sens excessif, mais vraiment juste rajouter un petit peu pour que sur une échelle de la douleur, au lieu d'être sur des 2, 3, 4, on aille plutôt vers des 6, 7, quand on va chez le médecin. Donc amplifier, ça peut être avec des figures de style, ça peut être avec des images fortes, ça peut être avec ce genre de choses. Ça c'est mon premier outil, l'amplification. Donc remuez un peu le couteau dans la plaie pour que les gens se sentent concernés. Le D d'ADN, c'est pour la description. Donc là, on a l'idée qu'en fait, il ne s'agit pas uniquement de dire les choses. Dire un phénomène, comme par exemple parler d'une inondation, en fait, ça suscite très peu d'images. Là, si je te parle d'une inondation, en fait, tu ne vois pas grand-chose. Par contre, si je te parle de toutes les voitures qui sont embouties les unes sur les autres à Valence, là, c'est beaucoup plus visuel. Là, tu comprends beaucoup plus ce que je veux dire et tu arrives à te connecter avec l'image que je veux susciter en toi. Donc, la description, c'est aussi tout un art qu'on peut maîtriser.
- Speaker #0
Je me permets juste de t'interrompre sur ce point-là parce qu'il y a une image qui me vient en tête. Il y a quelques jours, il y a eu un Ausha qui est passé sur Mayotte. Quand on était uniquement dans l'oralité, dans la description, pas dans la description, justement dans l'évocation, elle devait dire, regarde... Voilà, un ouragan qui passe sur Mayotte, etc. On n'était pas encore très touchés. Et là, depuis hier, on a des images qui arrivent, des vidéos, des photos qui nous parviennent. Et tout de suite, j'ai l'impression qu'on se saisit beaucoup plus de la problématique parce qu'on comprend ce qui se passe et on est beaucoup plus saisi humainement, personnellement, par ce qui se passe là-bas. Et je pense que c'est une bonne représentation de ça, c'est que la description, en fait, même si en évoquant un ouragan ou une catastrophe... On ne fait que l'évoquer, on a besoin de comprendre la conséquence en créant des images, en parlant aux cinq sens. Je pense que la description, je me permets d'appuyer là-dessus, ce n'est pas seulement l'image, c'est même tous les sens. J'aime beaucoup, je parle toujours de la Madeleine de Proust, mais tu vois, d'évoquer les odeurs, d'évoquer ce qu'on entend à ce moment-là, quand on entend le cataclysme, on entend de la foudre qui s'abat, le vent qui s'ouvre dans les fenêtres, qui fait claquer les volets, etc. De créer quelque chose autour des cinq sens, et pas seulement l'image, je pense que c'est quelque chose de super. intéressant pour renforcer ça. Mais je te laisse continuer avec le N.
- Speaker #1
Alors attends, c'est exactement ce que tu dis. En fait, une image vaut mille mots. C'est exactement ce que tu résumes, cette idée-là. Une image vaut mille mots. Et la seule subtilité avec cette phrase-là, c'est que ça ne veut pas dire que tout doit être dans le visuel et dans les photos qu'on reçoit ou dans les vidéos qu'on voit. Une image vaut mille mots, c'est aussi les images qu'on arrive à créer dans le théâtre mental de notre public quand on lui raconte quelque chose avec des images. Donc en fait, Quintilien disait qu'un discours est coincé s'il s'adresse uniquement aux oreilles de son public. Un discours ne doit pas seulement s'adresser aux oreilles de son public, il doit aussi s'adresser à ses yeux. Et c'est ça la description. Donc une image vaut mille mots, oui, mais l'image peut être suscitée par les mots. Donc ça c'était pour conclure cet aspect description. Donc l'amplification où on insiste un peu, la description. Et tu veux que je passe au troisième point ? Ouais, très bien. Ok, et le troisième, du coup, c'est la narration. Alors ça, aujourd'hui, on en parle en des termes très clairs, on parle de storytelling. La narration, c'est les histoires qui font que notre public va être embarqué dans le récit qu'on lui fait, dans les péripéties dans lesquelles on l'entraîne face à des adversaires avec une quête à surmonter, enfin des épreuves à surmonter pour réussir sa quête. La narration, ça va être absolument indispensable parce que c'est vraiment le schéma de base avec lequel on arrive à s'identifier à quelqu'un et qui fait qu'on retient les choses. On retient beaucoup plus les informations grâce à une narration, à une petite histoire, plutôt que sous forme d'un exposé très théorique et très technique. Donc là, il y a un peu les trois gros piliers de l'émotionnel, les trois piliers du pathos qui permettent de faire du pathos sans tomber dans le pathétique, l'amplification, la description et la narration.
- Speaker #0
Alors effectivement, ce dernier point, la narration, super intéressant. Je vais peut-être pas trop rentrer dans les détails, je pense que ça peut clairement faire l'objet d'un épisode à part entière, mais je vous invite à vous intéresser au Voyage du héros de Joseph Campbell, qui en fait décrit le parcours qu'on retrouve dans pratiquement toutes les histoires depuis plus de 2000 ans. Si vous regardez Star Wars, si vous regardez Le Seigneur des Anneaux, etc., en fait ça raconte plus ou moins la même histoire, ou en tout cas on a les mêmes séquences, les mêmes rôles types, et en fait on a l'impression que ça se fait que pour les récits complètement épiques, Mais en fait, non. Si je vous raconte mon colis Amazon qui n'est pas arrivé, pour rendre mon récit intéressant, je vais utiliser les mêmes ressorts. Je vais expliquer là où j'étais avant, ce qui se passe, l'élément perturbateur, l'enjeu, etc. Et c'est ça qui crée de l'émotion. Et en fait, on peut le faire à partir de n'importe quelle aventure, n'importe quelle même petite mésaventure qui nous arrive. Simplement, souvent, je ne sais pas ce que tu en penses, mais je trouve que le problème dans ça, c'est simplement qu'on n'ose pas... essayer de rendre les choses un peu plus épiques. Est-ce que tu perçois la même chose ou pas du tout ?
- Speaker #1
Oui, complètement. Déjà, la première chose, c'est qu'on ne perçoit pas ce qui peut être raconté dans son quotidien. Des fois, les gens, quand on leur demande de raconter un peu leur vécu, de partager les anecdotes de leur quotidien, de leur travail, de leur activité, de leur projet, en fait, des fois, il y a des moments où juste l'imaginaire ne vient pas et ils se disent je ne sais pas, des trucs, il m'en arrive plein et là, je ne saurais pas t'en citer un ou l'autre Donc en fait, déjà, Le premier réflexe, ce serait de commencer à trouver ce qui est matière à raconter dans son quotidien. C'est là où on touche quelque chose qui s'appelle vraiment la compétence narrative. Le storytelling, c'est une compétence narrative. Et la compétence narrative, comme toute compétence, elle passe d'abord par un regard. C'est-à-dire, qu'est-ce qui, dans mon quotidien, tous les jours, est pertinent à raconter ? Qu'est-ce qu'il y a pour ces clients-là, ces prospects-là, ces personnes à qui je m'adresse, dans mon quotidien, qu'est-ce qui va les intéresser ? Qu'est-ce que je pourrais utiliser comme anecdote à ce moment-là ? Donc, moi, j'utilise après des outils quand j'accompagne mes clients avec une manière de cartographier les différents épisodes à la fois de leur vie et de leur projet, les anecdotes qu'ils ont, répertorier les différents cas clients qu'ils ont rencontrés pour pouvoir les raconter, des choses comme ça. Donc, il y a plein d'outils qu'on peut mettre en place, en plus des plans de discours, pour qu'ils aient déjà un regard plus aiguisé, une capacité à rentrer dans le récit. Mais après, une fois qu'on sait ce qu'on veut dire... effectivement on a tendance à se dire bah ouais mais moi j'ai enfin c'est pas intéressant ce que ce que je veux raconter et c'est là où moi je fais une distinction entre parler de soi et raconter sa vie raconter sa vie ouais c'est pas intéressant mais ça c'est ce qu'on fait quand on raconte un petit truc une petite anecdote qui nous est arrivée oui ce matin et quelqu'un qui m'a bousculé dans la dans la file pour aller à la boulangerie ok d'accord ça on le raconte à nos proches y'a aucun souci et c'est ok par contre parler de soi c'est pas la même chose parler de soi c'est un choix stratégique c'est qu'est ce que je mets de moi, de mon vécu, de mon parcours, de mon expérience, pour que mon public comprenne qui je suis, d'où je parle, et pour qu'émotionnellement, il se connecte avec ce que je veux lui partager. Et ça, tout le monde a quelque chose à raconter. Oui,
- Speaker #0
c'est là que le storytelling, pour le coup, va même rejoindre le personal branding, c'est-à-dire parler de soi et parler pas juste de son projet, parce que, encore une fois, je trouve ça génial, toujours, c'est là que ça rejoint l'éthos. Tout à fait. en racontant une histoire, en racontant son histoire, ou quand je dis son histoire, une histoire qui nous est arrivée, on raconte aussi qui on est, et donc on construit aussi notre crédibilité, notre sympathie, la confiance qu'on nous accorde. Finalement, on va répondre à ces deux enjeux de l'éthos et du pathos en même temps. Mais justement, là où je suis d'accord avec toi, c'est que très souvent les personnes n'arrivent pas à identifier ce qui est intéressant dans leur vie, dans ce qui leur arrive, et Moi j'ai l'intuition en tout cas que c'est le fait d'en parler justement, d'avoir un tiers qui va nous dire ça c'est intéressant, ça c'est pas intéressant, parce qu'en fait on n'arrive pas forcément à identifier l'émotionnel dans notre propre discours, mais à moins que tu aies un outil peut-être ou quelque chose qui pourrait nous aider là-dedans.
- Speaker #1
Alors, dans ce que tu décris, on retombe en fait directement sur nos pattes, c'est-à-dire que ce qui fait qu'on perçoit notre récit comme émotionnel, comme pertinent pour les gens, c'est justement de le tester. Donc moi, ce que je conseillerais aux gens, c'est de trouver des personnes avec qui ils peuvent tester leur récit. La compétence narrative, c'est justement, elle doit s'exprimer avant d'être vraiment perfectionnée. Elle doit s'entraîner. Il n'y a pas seulement la manière dont on peut préparer son récit, il y a aussi... le fait de le tester dans des conditions où on peut se permettre de raconter des histoires. Donc ça peut être avec des amis, avec des collègues, avec des proches, avec de la famille, avec qui on a envie de voir si notre récit y marche. Et puis après, petit à petit, il y a la possibilité d'orienter son récit en fonction du public. C'est-à-dire quel récit je vais sélectionner pour quel public. Et puis aussi, quelle est la leçon, quelle est la morale que je vais tirer par rapport au public auquel je m'adresse.
- Speaker #0
Très clair, super clair là-dessus. Pour continuer sur ce que nous a donné juste avant, cet ADN, amplification, description, narration, est-ce que tu aurais un exercice ? Alors déjà, je ne sais pas d'ailleurs, peut-être nous dire, est-ce que tu les travailles de concert, c'est-à-dire que tu travailles les trois en même temps, ou est-ce que tu les travailles de façon séparée, ces trois points ? Alors,
- Speaker #1
ils sont souvent... Moi, je les travaille personnellement souvent de manière séparée, dans la mesure où, en fait, c'est vraiment des compétences à part, mais après, typiquement, description... et narration, on sait bien qu'ils sont tout le temps ensemble. Dans n'importe quel livre, n'importe quel roman qu'on ouvre, on a des passages de description et puis des passages de narration. On a de la tension dramatique en même temps qu'on a de la description. Si tu veux travailler, pour le coup, la compétence narrative au sens large et la capacité donc à gérer des émotions avec ça, moi, l'un des exercices que je propose, par exemple, c'est de construire une histoire à partir de mots contraintes. C'est-à-dire qu'on peut le faire avec plusieurs ou on peut le faire tout seul. L'idée, c'est qu'on a une liste de mots qui nous servent de contrainte et on est obligé de les utiliser dans notre histoire. Et en fait, ça, ça va créer... Alors moi, ce que je demande, c'est d'articuler chaque mot à un nouvel obstacle, à une nouvelle péripétie, c'est-à-dire à une nouvelle action. Chaque fois qu'il y a une nouvelle action, ça va être avec un nouveau mot contrainte qui vient se rajouter. Et donc, ça force le récit à aller dans des directions qu'on n'imaginait pas. Ça, ça permet de flexibiliser un peu sa compétence narrative.
- Speaker #0
Super intéressant. C'est un exercice qu'on voit même de plus en plus, j'ai l'impression, dans les concours d'éloquence où on propose de plus en plus d'avoir un mot ou même plusieurs mots tirés au sort que la personne doit inclure. Mais toi, tu le proposes comme étant un exercice, pas sur une prise de parole qu'on doit faire avec un enjeu, c'est bien ça ?
- Speaker #1
Oui, tout à fait. Ça, c'est un exercice de flexibilisation parce qu'en fait, ça pousse à la créativité. La créativité naît de la contrainte, de la friction avec la contrainte. Et donc... Ça permet d'aller plus loin dans ses idées et d'oser un peu plus, parce que comme tu le disais préalablement, souvent le problème qu'on a avec le storytelling, c'est qu'on n'ose pas forcément l'utiliser. Et après, si tu veux, dans les prises de parole en général, la première chose, c'est d'identifier où est-ce qu'on veut mettre un storytelling, d'identifier aussi quel est l'objectif de ce storytelling, en termes d'images qu'on veut renvoyer, en termes d'expériences qu'on veut partager, en termes de leçons qu'on veut faire tirer à notre public. Et c'est là où on va pouvoir agencer un peu tous nos ingrédients. Et l'idée là-dedans, c'est de se rappeler qu'il y a toujours des indispensables dans un récit, dans un bon récit. Il y a un personnage, il y a une quête, il y a des obstacles, il peut y avoir un ennemi identifié. Et c'est ça qui fait le sel d'un récit. Oui,
- Speaker #0
tout à fait. D'ailleurs, je suis en train de préparer un épisode sur le parcours du héros. Je rigole au micro parce que je me suis... planté à la première version, j'ai dit que je l'avais déjà sorti, mais non, il est en cours de préparation, il va arriver bientôt, ça se trouve, il sera d'ailleurs sorti avant la publication de cet épisode, mais effectivement, il y a des clés, des outils qu'on retrouve dans tous les récits. Et en fait, tu disais, il peut y avoir un ennemi, je pense qu'il y a toujours un ennemi. La question, c'est que quand on parle d'un ennemi, on pense parfois qu'il faut que ça soit un ennemi bien identifié, le méchant, Dark Vador, etc. En fait, l'ennemi, ça peut être La décroissance, ça peut être la perte d'un client. L'ennemi, ça peut être la procrastination. Ça peut être tout ce qu'on veut. En fait, l'ennemi, ça peut être un concept autant qu'une personnalité ou qu'une action ou quelque chose comme ça. Mais c'est effectivement... Je trouve que l'ennemi est vachement important parce que c'est ce qui va susciter un rejet et c'est ce rejet qui va créer une émotion qui amène à l'action. Moi, je le perçois beaucoup comme ça, en tout cas.
- Speaker #1
Oui, tout à fait. Alors, dans ces cas-là, on a une distinction qu'on peut poser entre un problème et, pour le coup, un ennemi, un vrai antagonisme. Le problème que tu décris, par exemple, la perte d'un client, là, on va plus jouer sur, effectivement, des questions de douleur. Et donc, on est bien dans le pathos, dans l'émotionnel. C'est-à-dire que comment est-ce qu'on fait percevoir à la personne que si elle ne recourt pas à notre service, elle risque de perdre un client. Et ça, c'est une vraie douleur, parce que dit comme ça, ça ne suscite rien. Mais il faut aller plus loin. à force c'est votre image qui empathie à la fin vous risquez de vous retrouver sans plus personne comment est ce que vous allez faire pour survivre à la fin du mois bref on peut aller plus loin encore mais l'idée c'est là de disons de remuer le couteau dans la plaie du problème bon alors qu'un ennemi c'est plus quelque chose qui concatène de la de l'indignation voire de la haine. C'est plus, par exemple, dans les publicités, quand on lutte contre les cafards, quand on lutte contre les méchants microbes qui sont anthropomorphisés en des petits bonhommes, des choses comme ça. L'ennemi, il y a plus, justement, cette idée de concentrer une colère, une indignation collective.
- Speaker #0
Ok, je vois très bien la distinction. Super intéressant, écoute, je pense qu'on a vu pas mal de choses. J'aime beaucoup, je pense que ça, vraiment, ça rend les choses très limpides, effectivement. de résumer à ça, amplification, description, narration, je trouve que c'est super clair. Est-ce qu'éventuellement, tu aurais un autre conseil, un dernier conseil à donner à ceux qui nous écoutent ?
- Speaker #1
Oui, ne pas mépriser le fait qu'on soit des êtres émotionnels, c'est une réalité, et donc ça veut dire que forcément, il va falloir prendre en compte cette dimension. Ne pas imaginer qu'on peut s'adresser à notre public comme si c'était un robot. Comme je disais au début, faire un copier-coller dans son cerveau. Ça ne marchera jamais comme ça. Et donc, pour ça, il faut toujours prendre en compte l'état émotionnel de son public. Parfois, quand il vous écoute, il est fatigué. Parfois, c'est juste avant d'aller manger. Parfois, il est en colère. Parfois, il est heureux, il est content. Parfois, c'est un moment de célébration. Parfois, c'est un moment de deuil. Et parfois, il a déjà entendu 15 discours avant et donc il est lassé. parfois il est frais du matin et il a envie de vous écouter, parfois il n'a pas envie d'être là. Bref, si vous ne prenez pas en compte cet état émotionnel de votre public, à la fois dans votre discours et dans votre attitude, en fait, vous manquez cette vraie communication humaine et donc émotionnelle qui fait que, comme dit, ce n'est pas juste un prompt qui défile, c'est de l'émotion qui passe et du contact qui se passe au moment où vous êtes face à votre public.
- Speaker #0
D'ailleurs, là-dessus, pour appuyer sur ce que tu dis, c'est que... On peut avoir l'impression que c'est quelque chose qui va être dans les grands discours, dans les prises de parole importantes, etc. Mais en fait, c'est dans toute prise de parole, que ça soit le meeting annuel de votre parti politique ou le bilan annuel de votre société ou dans la petite réunion d'équipe qu'on fait tous les lundis matins. Si on veut engager une action, si on veut engager une motivation, il faut faire appel à l'émotion parce qu'on va créer un esprit de cohésion parce qu'on va créer de la motivation par l'émotion. Donc ne vous dites pas que c'est quelque chose qui est réservé aux très grands orateurs. L'émotion, elle doit être présente à tous les niveaux, et que ce soit le niveau de l'orateur ou le niveau de la prise de parole, du contexte dans lequel il parle. Si on parle, c'est pour émouvoir parce qu'on veut engager une action.
- Speaker #1
Bien sûr, il ne faut certainement pas imaginer l'émotion comme un grand flot torrentiel, de grands moments passionnés comme on voit dans les films ou quoi. Ce n'est pas du tout ça, effectivement. Rien qu'une petite phrase comme Bonjour à toutes et à tous, je sais que vous êtes fatigués parce que c'est la fin de la journée, il est bientôt 18h, vous voulez tous et toutes rentrer chez vous, et je comprends bien, mais je vous demanderai un tout petit effort parce que cette réunion est importante et ça va nous permettre de bien avancer sur notre projet avant le week-end. Rien qu'une petite phrase comme ça, c'est mettre de l'émotionnel et c'est recréer du contact humain. Oui,
- Speaker #0
effectivement, il ne faut pas confondre le pathos et le lyrisme. Le lyrisme, c'est un mode d'expression, c'est presque un ton, une figure de style presque. Alors que le pathos, c'est simplement l'émotion sous toutes ses formes. Merci beaucoup, Lucas, pour tout ça. C'est le troisième épisode, donc je ne sais pas s'il te reste encore des ressources, mais vu que tu as fini ta thèse, je suis à peu près sûr que tu en as un dossier complet de ressources à nous proposer. Est-ce que tu aurais une ressource à nous proposer, justement, sur le pathos ou sur ce triptype à nouveau ?
- Speaker #1
Alors, des livres sur le storytelling, il en existe énormément. Le dernier que j'avais trouvé intéressant, c'était Comment devenir intéressant ? de Franck Marchais, qui est vraiment axé sur le storytelling. Et c'est pas mal parce que c'est quelque chose de très concret. J'ai aimé son approche très intuitive, très empirique du storytelling. Mais après, des ressources sur les émotions, il y en a plein d'autres. et ça pourrait faire l'objet d'autres discussions mais en tout cas sur le storytelling parce qu'on en a beaucoup parlé dans cet épisode c'est un premier livre qui est assez abordable et que je trouve vraiment pertinent ouais et effectivement pour prolonger là dessus cette fois-ci moi aussi j'en ai proposé un c'est
- Speaker #0
le livre de Seth Godin sur le storytelling Seth Godin c'est le numéro 1 du marketing aux Etats-Unis, il a écrit plusieurs livres notamment beaucoup sur le storytelling je pense que ça doit bien se compléter Un grand merci Lucas pour tout ce que tu nous as apporté à nouveau dans cet épisode il nous reste encore un épisode à enregistrer ensemble sur l'Ethos donc pensez à vous abonner bien entendu si vous voulez écouter la suite et à très bientôt Lucas !
- Speaker #1
A très bientôt Jean-Corentin c'était un vrai plaisir et nos rendez-vous réguliers m'enchantent !
- Speaker #0
Plaisir partagé ! Merci d'avoir suivi cet épisode jusqu'au bout J'espère qu'il vous a plu et surtout qu'il vous sera utile. Si c'est le cas, pensez à lâcher la plus belle note sur votre plateforme d'écoute et à partager ce podcast autour de vous. Je compte sur vous, c'est super important pour moi. Et dans tous les cas, on se retrouve la semaine prochaine pour développer une nouvelle compétence oratoire. Allez, ciao !