Speaker #0"Pour apprendre la vie, il faut passer par les défis"Gunther Pauli
Bonjour à tous ! L'épisode d'aujourd'hui, comme je vous l'avais promis dans la genèse de mon podcast, sera dédié à mon père et à son parcours exceptionnel de chercheur autodidacte. J'ai choisi de publier cet épisode spécial à l'occasion de son anniversaire. C'est un peu comme un cadeau symbolique que je lui offre et que je vous offre à tous, à ceux qui ont eu la chance de le connaître et à tous les autres, curieux de découvrir le portrait et le parcours d'un homme hors du commun. Joseph Marie O'dru , c'est l'histoire d'une grande aventure de vie. Né le 27 septembre 1935, Joseph Marie était avant tout un grand amoureux de la nature avec un N majuscule. Il s'est passionné depuis son plus jeune âge par la contemplation de la faune et de la flore. Il pouvait ainsi passer des heures à observer des animaux, des végétaux ou des insectes. Il apprenait sans cesse de cette observation inspirante qui a nourri dans sa première partie de vie multiples projets d'invention dans des domaines très différents. Joseph-Marie avait toujours une myriade d'idées qui se bousculaient sous son bonnet. À croire que ses connexions synaptiques étaient déjà très frétillantes dès son plus jeune âge.
Je peux dire que mon père était, sans le savoir, un précurseur en biomimétisme. Cette approche écologique de bon sens, qui consiste à modéliser la nature, est une véritable illustration de la posture et du discours de mon père sur le sujet. Lui qui la vénérait par-dessus tout Cette nature, pour son génie d'innovation et ses facultés d'autorégénération.
Il me disait souvent à ce propos lorsque j'étais petite : "Regarde, tout existe déjà dans la nature. Il suffit juste de l'observer pour puiser les ingrédients des plus grandes découvertes".
Enfant, Joseph-Marie était d'un tempérament hypersensible. Il a développé très tôt des perceptions et des prédispositions types que l'on qualifierait sans nul doute aujourd'hui de HPE.
Pupille de la nation à l'âge de 5 ans, suite au décès de son père, qui s'est volontairement sacrifié au combat en 1940 pour sauver tout son régiment, Joseph Marie s'est imprégné de la personnalité solaire et protectrice de sa mère, Marie-Louise, veuve de guerre et fervente résistante, avec qui il gardera un lien particulièrement fort jusqu'à la fin de sa vie. Ma super et intrépide grand-mère au cœur de miel, qui m'a élevée et dont je vous ai déjà parlé dans mon épisode genèse . Un personnage tout aussi haut en couleurs, avant-gardiste, en matière alimentaire et férue de diététique.
Au fil des années, de son vécu et de ses expériences, mon père a nourri l'égale exaltation d'une opiniâtreté et d'un déterminisme à toute épreuve, tout autant qu'une dimension de cœur et de générosité que je qualifierais d'hypertrophiée. Il est vrai que chez les O'dru, les veines d'empathie, d'aide à autrui et du respect de l'autre étaient particulièrement dilatées et se sont ainsi transmises sur plusieurs générations. C'est à partir de sa pré-adolescence, lors de ses années de pension chez les jésuites proches de Grenoble, que mon père commença à manifester un élan thérapeutique vis-à-vis de ses camarades. Il suffisait en effet que l'un d'entre eux souffre d'un torticolis, d'une brachialgie ou d'un quelconque blocage vertébral, pour qu'il se sente investi d'un besoin spontané de le délivrer, par le biais d'une série de mouvements aussi instinctifs que surprenants, étant donné qu'il n'avait pu modéliser ses gestes sur aucune autre personne de son entourage. Ce qui ne manquera pas de laisser perplexe, voire effrayé par autant d'audace, le père médecin d'un de ses camarades.
"Ceux qui réussissent apprennent en commençant par la fin".
Mon père est l'illustration parfaite de cette citation de Wayne Dyer, le célèbre auteur et psychothérapeute. Il avait le don de prendre les choses à l'envers. Il cultivait avec une aisance remarquable l'art du contre-courant. Aussi inconcevable que cela puisse être, il était capable de lire un livre en commençant par la fin. Mon père s'est toujours laissé guider par ses ressentis et son intuition. Il avait une sainte préférence pour les routes escarpées et les terrains en friche plutôt que les sages sentiers battus. C'était un anticonformiste qui n'a jamais cherché à épouser le moule du conventionnel.
Son penchant pour l'humain l'a poussé à débuter des études de médecine, auxquelles il mettra un terme, débouté par l'approche allopathique qui, au final, ne correspondait pas à sa conviction profonde du soin. Il suivra ensuite un cursus dans le droit, qui le conduit plus tard à devenir dirigeant de société dans le domaine de l'immobilier et de la construction. Un métier qu'il a exercé avec brio, parce qu'il a notamment construit de très belles villas sur l'ouest lyonnais. Mon père a toujours maîtrisé la subtilité du droit et apprécié la virtuosité que revêt et réclame son exercice, parce qu'il était particulièrement sensible à la justice. C'était un de ses domaines de compétences favorites, auxquels s'additionnaient des connaissances poussées en matière de bâtiment. Il était capable, par exemple, de saisir avec une vision d'avant-garde la valeur d'avenir d'un patrimoine, et ce, même quand tous les autres s'y désintéressaient. Cependant, mon père n'a jamais eu la niaque commerciale. Il privilégiait des fondamentaux, comme l'engagement, la perfection du travail et l'approche humaine. Tout ce qui ne fait pas bon ménage avec les affaires... C'est pourquoi, et malgré ses compétences, qu'il ne craignait pas de faire fortune dans ce métier, même à cette époque !
Parallèlement à cet exercice professionnel, Joseph-Marie a continué de s'instruire en matière d'anatomie et plus spécifiquement au sujet de la colonne vertébrale. C'est ainsi qu'il s'enthousiasme très vite pour les travaux du docteur André de Sambucy, grand précurseur en médecine vertébrale et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet dont vous trouverez quelques références en commentaire. Ce scientifique éclairé avait réussi à fusionner les approches orientales et occidentales du soin et démontrait la souveraineté et le rôle cardinal que jouait la colonne vertébrale dans pléthore de pathologies et de maux quotidiens. Il privilégiait le massage des tissus profonds qui enserrent la colonne, afin d'apporter le plus de délivrance possible aux articulations vertébrales et de ce fait au rétablissement de la pleine circulation de l'influx nerveux. Il avait mis au point une méthodologie en neuf temps, composée d'étirements, et d'exercices de rééducation extraits du yoga. Le docteur de Sambucy ne pratiquait cependant pas de thérapie manuelle hormis le massage et affichait un vif rejet pour toutes les méthodes de manipulation rotatives et brutales sur la colonne de type cracking.
Ses ouvrages ainsi que d'autres datant des années 70 ont fait éclater chez mon père une bombe d'intérêt pour la colonne vertébrale.
Je me souviens très bien qu'il avait tapisse sa chambre de posters illustrant la colonne et toutes ses correspondances. Il lisait beaucoup avant de s'endormir, et c'était pour lui une façon d'intégrer plus facilement ses connaissances. La découverte de ses approches, ainsi que sa passion pour les arts martiaux, qu'il a également pratiqué plus jeune, se retrouvent à la source de ce jaillissement créatif.
Mais, faute d'avoir été dans le cerveau de l'inventeur, je ne pourrais pas vous détailler le stimuli exact à l'origine de cette invention et comment mon père a fait pour articuler ses idées et conceptualiser avec précision la méthode de réalignement vertébral. Mais par contre, ce que je peux vous dire et sur lequel j'insiste, c'est qu'il n'a jamais et en aucun cas copié ou assemblé des techniques. Cette méthode de délivrance de la colonne et sa palette gestuelle lui est propre et unique. Elle repose à la fois, et c'est tout le paradoxe, sur une conception globale de l'équilibre rachidien qui, pour l'obtenir, nécessite une précision d'intervention vertèbre par vertèbre que j'aime comparer à une véritable sculpture vertébrale et ce, sans aucune manipulation rotative ou brutale.
Les balbutiements de cette méthode datent de 1975. C'est à cette époque qu'il commença à tester spontanément, pour rendre service à des personnes en souffrance de notre entourage, les prémices de son invention. Et très vite, les résultats enthousiasmants l'ont poussé à aller plus loin. Mais son année de création définitive est plus précisément 1978. Deux événements chocs ont marqué ce grand tournant professionnel dans la vie de Joseph Marie. Tout d'abord, en 1978. Suite à une double hernie discale, Mon père se retrouve totalement immobilisé dans son lit pendant plus de 20 jours. Cette épreuve, très douloureuse, a été pour lui le premier détonateur qui lui permis de réfléchir aux moyens possibles pour éviter l'opération, qui semblait pourtant l'unique recours, étant donné le degré d'inflammation et le début des déficiences motrices dont il souffrait. C'est ainsi qu'il réussit à résorber ses deux hernies discales sans aucune intervention chirurgicale, ni même celle d'un autre thérapeute. Alors, comment a-t-il fait ? Eh bien, il avait déjà une vision très nette et précise de toute la mécanique articulaire et de son besoin, même s'il n'était pas chirurgien. C'est pourquoi il nous a guidés pour lui faire pratiquer plusieurs exercices d'étirement progressif afin d'obtenir une décompression vertébrale propre à faire résorber ses hernies discales. Totalement rétabli et riche de cette expérience personnelle, mon père s'appliqua à développer sa méthode et mit très vite un terme à sa première carrière pour embrasser à pleins poumons cette nouvelle voie thérapeutique. C'est alors, dans un cadre particulièrement traumatique, quatre ans plus tard, en 1982, que mon père fait la rencontre du professeur Georges Allègre. Contraint de rapatrier sa sœur aînée en urgence pour un très grave anévrisme cérébral, il avait choisi le service de cet éminent neurochirurgien à l'hôpital neurologique de pour lui la confier. malheureusement et malgré l'intervention du professeur cet anévrisme quasi inopérable a emporté ma tante à peine âgée de cinquante ans ce drame allait pourtant au final servir de point de départ à une très grande collaboration et tisser les premières mailles d'une étroite relation de confiance et d'amitié entre les deux hommes.
Loin de se contenter de pratiquer dans son coin mon père a ressenti en effet très rapidement le besoin de se confronter au regard scientifique et de braver la doxa du médical. C'est ainsi qu'après le décès de ma tante, il a saisi l'occasion d'échanger avec le professeur Allègre pour lui exposer sa méthodologie vertébrale et les résultats étonnants qu'il avait déjà obtenus sur de nombreux patients.
Le professeur, dont la carrière était au firmament, aurait pu, comme bon nombre, balayer cette approche d'un regard condescendant. Or, Bien au contraire, cet homme qui était pourtant d'un abord assez hermétique, s'est piqué spontanément de curiosité pour les recherches de mon père et l'a mis au défi de passer un examen devant experts dans son propre service. C'est ainsi que la méthode exclusive de réalignement vertébral a fait l'objet d'une session de validation et retenue toute l'attention de plusieurs neurochirurgiens convoqués dans le service du professeur Georges Allègre en 1982 à l'hôpital neurologique de Bron. Cet examen visait en priorité à évaluer les compétences de mon père, son niveau de connaissance, ainsi que la fiabilité et l'efficacité de cette nouvelle méthode, inconnue du monde médical.
Durant cette session, 6 cas lui ont été soumis, dont le premier était un homme qui présentait une double hernie discale avec sténose lombaire, c'est-à-dire rétrécissement du canal médulaire. Ce patient avait été préparé pour l'opération et pouvait à peine se mouvoir sans l'aide d'autrui. Et au final, il n'a jamais subi d'intervention chirurgicale. Car suite à la séance de soins que mon père lui a dispensée en présence de tous les experts, il a pu se relever, marcher et même descendre des escaliers !
Après scrutation des moyens employés et des résultats obtenus, ainsi que des examens détaillés réalisés sur chaque patient traité, le groupe d'experts, totalement perplexes, menés par le professeur, a conclu que cette méthode était d'une précision et d'une sûreté rare et exemplaire.
Comme l'a d'ailleurs très bien mentionné le docteur Patrice Pierre-Lucas, neurochirurgien et chef de clinique, qui comptait parmi les experts présents à cette session de validation, la méthode O'dru de réalignement vertébral n'implique aucune manipulation en torsion sur la colonne et ne peut occasionner aucune compression discale ou médulaire. Elle n'a de plus aucun lien de parenté pratique avec l'ostéopathie, la chiropraxie ou même l'éthiopathie.
Au vu des résultats obtenus, le professeur Allègre a soumis ensuite assez régulièrement de nombreux cas de patients à mon père qu'il consulta pendant plusieurs années dans son service en tant qu'externe en neurologie. Puis, à sa retraite, c'est le professeur lui-même qui venait apporter son éclairage complémentaire à mon père au sein de son cabinet. Il lui proposa même d'être rattaché au corps médical, mais à la condition sine qua non de léguer tous les droits de son invention après son décès. Bien évidemment, mon père refusa, préférant rester libre et autonome de sa découverte et de son devenir, ce que le professeur comprit et respecta tout à fait.
Mon père a collaboré pendant toute sa carrière avec de nombreux spécialistes, neurologues, chefs de clinique avec qui il a eu des échanges très réguliers. Il a également été à l'initiative d'un comité scientifique présidé par le professeur en cardiologie Paul Touboul, avec qui il a eu 9 ans d'étroite collaboration et d'échange amical. Ce comité avait été créé dans le but d'apprécier et de débattre sur l'étendue du champ thérapeutique de sa méthode et des différents cas traités. Vous trouverez en commentaire à ce sujet le lien de mon site internet présentant quelques extraits des attestations et des rapports des spécialistes qui ont collaboré avec mon père pendant toutes ces années.
Mais comme vous l'aurez compris la rencontre avec georges Allègre a vraiment marqué le début de cette épopée. Ce professeur fut l'archétype même du mentor pour mon père, il avait la rigueur indéfectible de l'homme de science tout en cultivant assez d'ouverture et de curiosité pour s'intéresser aux travaux d'un autodidacte et l'encourager dans ses découvertes.
Mon père a toujours exprimé beaucoup de reconnaissance envers le professeur Allègre pour l'implication spontanée qu'il a eue dans ses recherches pendant plus de 15 ans, et ce jusqu'à son décès. Pour avoir eu la chance de le connaître, je peux dire que c'était un très grand homme, dans tous les sens du terme. Il est des rencontres qui changent une vie. Celle-ci en était une.
Au fil de ces 35 années d'exercice, Joseph Marie n'a cessé de perfectionner sa méthode et son approche, en se confrontant à un champ pathologique aussi foisonnant qu'une jungle. Il a ainsi accumulé une connaissance empirique prodigieuse, en traitant une myriade de cas du plus intriguant au plus désespéré.
Il a consacré énormément de temps à comprendre les clés des mécanismes sous-jacents des interactions entre la colonne et l'ensemble du corps.
Mon père a toujours mis un point d'orgue à apporter toute son aide à des personnes en situation irréversible ou bien encore en fin de vie. Son approche de soignant était bien au-delà de la conception humaniste. C'était un homme de foi. Mon père était un grand croyant dans le sens noble du terme. Sa dimension de cœur était à l'image de son idéal spirituel. Il avait un véritable sacerdoce laïque du soin et de l'aide à autrui, qui raisonnait tellement plus fort que nombre de religieux, prêtres, moines ou sœurs, à qui il a dispensé des soins gratuits pendant des années. Je peux dire, en l'ayant vécu au quotidien, qu'il vivait et exerçait son métier comme on accomplit une mission humanitaire. Et cela le nourrissait pleinement. Il était lévité par ce geyser de passion, à tel point qu'il ne quantifiait ni son temps ni son énergie et recevait des patients sur une plage horaire qui s'étalait de 11h jusqu'à minuit. Sa salle d'attente était, comme nombre de ses patients aiment à le rappeler, un véritable lieu d'échange entre les personnes de tout horizon, de toutes générations, de toutes origines, qui avaient plaisir à narrer leur propre cas, leur vécu et tous les résultats et les guérisons obtenues. Il ne soignait pas seulement avec ses mains et son intellect. Il soignait surtout avec son cœur. Mon père avait fait son fer de lance du combat contre la souffrance. C'est pourquoi j'aime à dire que mon père était un véritable guerrier du Graal. À mon père, avec tout mon amour. Joyeux anniversaire, papa.