Speaker #0En 1914, quand la Grande Guerre éclate, le Trentin-Haut-Adige est encore une terre austro-hongroise. Mais dans le cœur de certains, comme les Alpini, ces soldats de montagne battent déjà un cœur italien. On les appelle les irédentistes, ceux qui rêvent de rattacher leur terre à l'Italie. Dans ces vallées, la guerre ne se joue pas qu'en haute montagne. Elle divise les villages, les familles. D'un côté, les fidèles à l'Empire austrongois, qui considèrent les pro-italiens comme des traîtres. De l'autre, les partisans de l'Italie, prêts à tout risquer pour leur idéal. Ces déchirures, cette méfiance, ces trahisons ont laissé des traces indélébiles. Et aujourd'hui encore, alors que Clélia et Giulia suivent Gabriele sur ses routes de montagne, les vieilles rancunes sont tapies dans l'ombre, prêtes à ressurgir. Dans l'habitacle de la voiture de Gabriele, Un silence pesant s'est installé. Yulia, assise à l'arrière, observe les vignes qui défilent par la fenêtre. Clélia à l'avant ne peut s'empêcher de fixer Gabrielle, qui conduit avec une tranquillité presque trop calculée. Tu es sûre que quelqu'un a parlé de papa dans ce village ? demande Yulia finalement. Gabrielle acquiesce, sans détourner les yeux de la route. Je ne fais que rapporter ce que j'ai entendu. Les vieilles histoires de famille intéressent encore beaucoup de monde ici. Mais vous verrez, il y a des choses qu'il vaut mieux entendre directement. Lélia fronce les sourcils. Tu sais, ce n'est pas vraiment rassurant ce que tu dis. Gabrielle esquisse un sourire énigmatique. Je ne suis pas là pour vous rassurer. Je suis là pour vous aider à comprendre. Le village semble endormi sous un ciel gris. Pourtant, l'atmosphère est lourde, comme si les murs eux-mêmes retenaient leur souffle. Les sœurs suivent Gabriel et à travers les rues étroites, les regards des villageois se posent sur eux, chargés de méfiance, d'inquiétude ou de reproche. Eh bien, Nkei, ils osent encore revenir ! murmure une femme sur le pas de sa porte. Sur la place du village, près de la fontaine, un vieil homme les interpelle d'une voix rougue. Bianchi, vous êtes les descendantes, pas vrai ? Oui, répond Cleia, prise de coup. Et vous ? L'homme ne répond pas directement, mais se penche en avant. Vous savez ce qu'ils disent ici ? Ils disent que votre famille a laissé mourir les nôtres pendant la guerre. Yulia outrée intervient. Laisser mourir ? Mais de quoi parlez-vous ? Le vieil homme se lève lentement. Votre arrière-grand-père ? Il avait ce vin, celui qui soignait, mais il n'a rien partagé. Nos blessés sont tous morts, nos enfants sont morts, et lui, il est resté dans son domaine, intouchable. Vous mentez ! crie une voix dans l'ombre d'une ruelle. Vous gardez ce pouvoir pour vous ! Vous croyez que nous sommes moins importants que votre famille ? D'autres voix s'élèvent. Des accusations anciennes remontent à la surface comme des bulles dans un vin qui fermente trop vite. Gabriel, qui était resté en retrait, intervient finalement. Ce que Giancarlo a fait, ou n'a pas fait, était peut-être une erreur. Mais vous devez comprendre le contexte. Les choix pendant la guerre ne sont jamais simples. Il se tourne vers les sœurs, adoptant un ton conciliant. Votre arrière-grand-père pensait protéger sa famille. Mais parfois, protéger les siens signifie blesser les autres. C'est une vérité que vous devrez affronter. Clélia, troublée, détourne les yeux. Tu veux dire que notre famille est responsable ? Que papa a fui à cause de ça ? Gabriel effixe Clélia. Peut-être que Marco fuyait parce qu'il ne voulait pas porter ce fardeau. Mais fuir, ce n'est pas une solution. Et vous, qu'allez-vous faire ? Et Marco ? demande soudain Clélia, s'arrêtant net. Tu as dit que des gens l'avaient vue. Gabrielle se retourne lentement. Ah oui, mais il semblerait que je me sois trompée. Les villageois parlent beaucoup de votre père, c'est vrai, mais personne ne l'a réellement aperçu. Tu nous as menti ? La voix de Yulia tremble de colère. Mentir est un bien grand mot répond Gabrielle avec un demi-sourire. Disons que je voulais que vous entendiez ces histoires par vous-même, ces histoires qu'Hélène ne vous a pas racontées, que vous compreniez ce que votre père a fui. Clélia observe Gabrielle avec un regard nouveau. Pour la première fois, elle se demande si cet ami d'enfance, si cher à leur père, n'a pas sa propre version de la vérité à faire entendre. Dans ce village où vérité et mensonge se mêlent comme l'eau et le vin, une question demeure. Gabriel est-il vraiment là pour les idées ? Ou ses intentions sont-elles aussi sombres que les secrets qu'il déterre ? Alors, les erreurs du passé sont-elles des poids à porter ou des chaînes à briser ? On se retrouve dans la newsletter pour un focus sur... La Rumeur est demain pour la suite de notre saga.