Speaker #0dans sa chambre d'hôpital de Trento, il ne lutte pas seulement contre son corps défaillant, mais contre les fantômes d'un passé qui refusent de mourir, contre des choix qui ont façonné des destins, contre des trahisons qui ont empoisonné le sang de plusieurs générations. Elena guide le petit groupe à travers les couloirs aseptisés. Clelia et Julia suivent. leur pas résonnant sur le linoleum, tandis que Nolwenn sert sa boîte de lettres contre elle comme un bouclier. Gabrielle ferme la marche, ombre silencieuse, dont la présence pèse dans l'air comme un orage qui menace. L'infirmière les arrête devant une porte, son index sur les lèvres. La fée est brée murmure-t-elle en italien. Depuis que vous êtes partis ce matin, il délire. Il parle des choses du passé. Il semble revivre une guerre. La voix d'Alberto s'élève, rauque, habitée. Le village se déchire ! Frères contre frères ! Les pro-italiens ! Les pro-ostrongrois ! La voix d'Alberto semble venir d'un autre temps. Julia saisit la main de sa sœur. Cette voix les glace toutes les deux. Nolwenn traduit à voix basse pour ses filles, tandis qu'Hélène s'approche du lit, une main tremblante tendue vers son père. Avant la guerre, explique Hélène doucement, cette région appartenait à l'Empire Ostrongrois. Mais certains, comme les Bianchi, rêvaient déjà d'une Italie unifiée. Les mains de Gabriele se crispent imperceptiblement, mais il reste silencieux dans l'ombre. La dénonciation ! murmure Alberto s'agitant dans son lit. Eduardo ! Il les a conduits jusqu'à Giancarlo, jusqu'aux Alpini, cachés dans la montagne ! Les pupilles, dilatées par la fièvre, se fixent sur Gabriele. Une seconde de silence tombe. Lourde, puis d'une voix tremblante, il murmure. Ses yeux ! Ce sont les mêmes que ceux d'Edouard Abloh ! Le silence qui suit est assourdissant. Gabriel met un pas en avant, quittant enfin l'ombre où il se tenait. La lumière crue de l'hôpital révèle ses traits ciselés, sa mâchoire serrée et surtout ses yeux sombres dont parlait Alberto, des yeux qui semblent porter le poids d'une histoire plus ancienne que lui. Oui, dit-il avec une fierté amère. Eduardo était mon grand-père. Et son choix n'était pas une simple trahison. Giancarlo et ses apinis mettaient tout le village en danger. Un seul mot aux autorités austro-hongroises, et c'était l'exécution pour tous. Mon grand-père a fait ce qu'il devait faire pour protéger les siens. Tu oses le défendre ? Commence Elena. Mais Gabriele la coupe. Yulia, qui observait la scène en silence, s'approche de Clélia. Il y a plus dans sa voix que de la colère, meurt-elle. C'est presque personnel. Les secrets de Giancarlo ont empoisonné cette vallée bien plus que la prétendue trahison de mon grand-père, continue Gabrielle, sa voix vibrant d'une rage contenue. D'abord ses activités avec les alpinis, puis ses expériences avec l'algue. Combien de vies ont été détruites par son orgueil ? Gabrielle est poursuit. Il jouait à être Dieu avec son vin miraculeux. Choisissant qui sauver, qui laisser mourir. Non ! murmure Alberto, ses mains agrippant le drap. Maria ! Le choix de Maria ! Le masque de Gabriel laisse fissure une fraction de seconde. Yulia, toujours attentive aux émotions des autres, remarque comme une ombre de douleur traversait son visage. Cette vallée est pleine de tombes sans nom ! reprend-il plus doucement, sa voix changée. Des gens que Giancarlo aurait pu sauver. Des familles détruites par ses secrets. Et maintenant ? Il regarde Alberto avec une intensité troublante. Maintenant, le sang réclame son dû. Clélia fait un pas vers lui, défiant son regard. Que veux-tu dire ? La maladie, souffle Alberto. Comme la marée. Elle monte. Cette maladie n'est pas un hasard, dit Gabriel. Et ses yeux sombres brillant d'une émotion contenue. C'est comme les secrets de cette vallée. Elles coulent dans nos veines, nous consument de l'intérieur, jusqu'à ce que la vérité ou la mort nous libère. L'infirmière entre précipitamment dans la chambre. Foiri, foiri, il faut sortir, sa tension monte trop ! Dans le couloir noir et blanc, Clélia agrippe le bras de Gabriel et… Tu n'as pas tout dit ! Cette maladie, Maria, l'enfant dont il parle ! Gabriel se dégage doucement, mais Julia note le tremblement presque imperceptible de sa main. Certaines vérités sont comme le vin des Bianchi, Clélia. Elles peuvent tuer si on les boit trop vite. Elena regarde la silhouette de Gabriel et disparaître, puis se tourne vers Nolwenn. Il ne dit pas tout ? Non, répond Nolwenn, serrant sa boîte contre elle. Mais ses yeux, ce ne sont pas seulement ceux d'Edouardot qu'il me rappelle. Il y a quelque chose de Maria en lui. Julia et Clélia échangent un regard. Dans la chambre d'Alberto, à travers la vitre, elles voient leur grand-père s'agiter dans son sommeil fiévreux. Pardonne-moi ! Pardonne-moi, Maria ! murmure-t-il. Alors, la vengeance est-elle plus douce quand elle se drape dans les habits de la justice ?