- Marine Adatto
Oublie les règles du jeu classique. Ici, on écrit l'histoire autrement. Et la meilleure façon d'y arriver, c'est d'écouter celles et ceux qui l'ont fait avant toi. Je suis Marine Adatto, et tu écoutes La Légende Personnelle, le podcast qui t'aide à comprendre une chose essentielle. Dans ce monde hyper connecté, ton plus grand pouvoir, c'est ton identité. Notre industrie change tous les 10 ans. Mais une chose ne change jamais. La publicité a toujours été et sera toujours une question d'idées. L'argent n'a pas d'idées. Seules les idées font de l'argent. L'argent ne fait pas d'idées. Seules les idées font de l'argent. Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Les pourquoi sont comme des spermatozoïdes. Il y en a des millions, mais un seul gagne et devient un petit bébé idée. Waouh, waouh, waouh. Je prends ce bébé et je vais voir le responsable marketing de l'agence. Regarde mon petit bébé, il est si beau. Le gars dit, mais ce n'est pas stratégique. Stratégique ? C'est un petit bébé. Il vient juste de naître. Pourquoi tu fais ça ? Nous allons voir le client. Monsieur le client, voici une idée. Voici un petit bébé. C'est beau et c'est stratégique. Il m'interrompt. C'est moche. Vous ne vendrez jamais rien avec, sortez. Puis il emploie le pire mot en publicité, testons-le.
- Jacques Séguéla
La vraie formule c'est on va tester dans l'histoire, mais le slogan c'est pas de test, des testicules. Ok.
- Marine Adatto
Et nous avons besoin du courage et du talent d'un client pour accepter cela. Le bébé idée a besoin d'amour avant de stratégie. Alors qu'est-ce qu'une idée ? Juste une autre façon de penser. Demandez à un client ce qui arrive à la neige quand elle fond. Il répond de l'eau, de l'eau. Il y aussi, il n'y a pas de couleur, pas d'odeur, pas de saveur. Pas pour moi, pas pour tous les mangeurs de lion de cette salle. Pour nous, pour moi, quand la neige fond, elle devient le printemps. Waouh, waouh, waouh. Ma grande fierté n'est pas mes livres, mes mille campagnes ou ma collection de récompenses. Ma grande fierté, c'est ma femme, le plus beau cadeau que le Cannes Lion m'a donné. Il y a 47 ans, j'étais jurée et je courais sur la plage. Soudain, j'ai vu Sophie. Mon cœur s'est arrêté et je savais qu'elle était la femme de ma vie. Une semaine plus tard, nous étions ensemble pour toujours et à jamais. Après 47 ans et 5 enfants ensemble, nous ne nous sommes jamais disputés, jamais quittés, jamais couchés l'un sans l'autre. Chaque matin, quand je me réveille, elle dit Mon chéri, tu es beau, je t'aime Alors je cours devant mon miroir pour voir mon visage vieillissant et je suis heureux. Ma femme est toujours amoureuse, parce que l'amour rend aveugle. Puis je laisse ma femme pour voir ma maîtresse. Et ma maîtresse et vous, tous les mangeurs de lion de cette salle. Alors ce prix, je le partage avec vous tous. Ce lion est votre lion. Aimez les idées, aimez la créativité, aimez la vie. La semaine dernière, lors du Cannes Lions Festival international de la créativité, il a reçu le prestigieux Lion de Sainte-Marc, qui rend hommage à sa carrière. Je viens de vous lire son discours, que j'ai traduit comme j'ai pu, qui a été suivi d'une standing ovation. C'est un immense honneur pour moi de le recevoir aujourd'hui pour parler de marque personnelle. Lui qui a façonné l'histoire de la publicité et a fait de l'idée un mouvement. Un fils de pub, comme il aime se présenter. Bonjour Jacques Seguéla.
- Jacques Séguéla
Waouh, waouh, waouh, waouh, mais on a tout dit là. C'est mon speech de Cannes. C'est ton speech de Cannes. Oui, tu as trouvé ça.
- Marine Adatto
Alors, je l'ai trouvé sur LinkedIn. Très sur LinkedIn.
- Jacques Séguéla
En bonne compagnie, donc je te félicite. Et oui. Et d'ailleurs, dans mon discours, je ne m'envoie pas parce que je quitte ma femme. On vient de déjeuner en amoureux ensemble, au soleil, juste avant de te retrouver, pour fêter nos 48 ans bientôt de mariage.
- Marine Adatto
Et entreger vos anniversaires. Un immense merci de me recevoir, Jacques. Je suis très heureuse d'être là aujourd'hui. Pour commencer, est-ce que tu pourrais me dire quelle est, toi, ta définition de la marque personnelle ?
- Jacques Séguéla
Je n'aime pas beaucoup le mot de marque personnelle. Moi, j'avais créé à l'époque la marque personne. Donc, personne, c'est mieux que personnel, parce que personne, c'est humain. Personnel, c'est impersonnel. Donc, tu devrais changer ta formule.
- Marine Adatto
Eh bien, je vais le faire.
- Jacques Séguéla
J'ai bien fait de venir. My job. Moi, je n'ai rien décidé de moi-même. C'est la vie qui a décidé pour moi. Mais je n'ai jamais dit non. On m'a proposé des choses les plus stupides, j'ai dit oui comme un imbécile. Les choses les plus formidables, je les ai fait sans me rendre compte qu'elles étaient formidables puis elles le sont devenues plus tard. Et je me suis fait finalement promener par le bout du nez, rappelons ça le destin. Et finalement chaque fois que j'ai eu un creux... est arrivé à Nouvelle-Himalaya. J'ai même pas eu le temps de déposer mes chaussures et mon piolet, que déjà il fallait repartir vers un autre sommet. Ça n'en finissait jamais. Et ça n'a toujours pas fini, puisqu'à 90 ans, je suis encore là en train de faire le clown avec toi.
- Marine Adatto
Et à continuer à grimper. Alors, toi, ta marque ? Personne. Du coup, si tu devais la définir ?
- Jacques Séguéla
Définir ma marque ? Oui.
- Marine Adatto
Qui est Jacques Seguéla ?
- Jacques Séguéla
Définir ma marque, tu l'as dit, l'argent n'a pas d'idée, si les idées font de l'argent. C'est de choisir le romantisme, l'humain, l'amour, le cœur, dans un monde qui ne s'intéressait que par la réussite, l'argent, la domination, le gain à tout prix et à petit prix. Et donc, moi j'ai suivi mon chemin et j'ai eu beaucoup de chance parce que j'ai créé mon agence en 68. Ce n'était pas sous les pavés de la plage pour moi, c'était sous les pavés de la pub. Et l'esprit a complètement tourné dans les années 68, parce que les années 50 c'était des années un peu frigides, pas très marrantes, studieuses. Et tout d'un coup ça s'est libéré en 68, fin des années 60. et c'est devenu la créativité avant tout. Moi j'ai pu créer mon agence à ce moment-là et profiter de ce moment où tout était permis. Enfin, vous pouvez aller voir un client et lui dire Vous m'avez demandé de vous faire un film sur une voiture qui va vite, moi j'ai choisi ce qui va le plus vite au moment d'un jet. Et donc elle va faire une course sur un porte-avions avec le jet et elle va gagner la course.
- Marine Adatto
Alors oui, j'aimerais bien que tu la racontes cette histoire d'ailleurs.
- Jacques Séguéla
Quel est le client aujourd'hui, quel est le président aujourd'hui qui va accepter de prêter, entre guillemets, à son publicitaire un porte-avions et un sous-marin ? Alors dès que l'idée est née comme ça, parce que là la difficulté ce n'est pas l'idée, c'est de trouver un porte-avions et un sous-marin. J'envoie un TV-produceur à Los Angeles, je lui dis regarde s'il y a un studio qui peut faire ça, comment ça va coûter. J'envoie un en Russie parce que j'avais lu que il est russe. Ils étaient en train de vendre à la petite semaine leur vieux matériel militaire. Je dis, s'ils avaient un porte-avions à louer, ce serait formidable. Bon, c'est nos, c'est Nietzsche. Je suis désespéré. J'appelle le président. Je venais de finir sa campagne à la force tranquille. Il était élu depuis quelques mois. Je dis, monsieur le président, il faut que je vous voie. C'est une question de vieux ou de mort. Si je n'arrive pas à faire mon film, je sens qu'on va me virer. Allez, c'est gai là, venez, racontez pas d'histoire. Le principe est allé liser et je lui raconte le film. Il me dit, mais celui-là, il est nul, votre film. Je suis un meilleur homme de marketing que vous, parce que vous, vous vendez les voitures qui coulent. Les gens achètent des voitures qui roulent. Et justement, moi, mes porte-avions et mes sous-marins, ils ne coulent pas. Donc, je vais faire votre film.
- Marine Adatto
C'était Mitterrand.
- Jacques Séguéla
C'était Mitterrand.
- Marine Adatto
Incroyable, cette histoire. J'en ai parlé en introduction, je t'ai piqué ton texte. Donc tu viens de recevoir ce très prestigieux lion, on dit quoi, lion de Saint-Marc, c'est ça ?
- Jacques Séguéla
Oui, c'est un lion qui est assez rare parce qu'il n'y en a que 5 ou 6 qui ont été distribués depuis les 90 ans de Cannes, qui au début était à Venise, d'où le lion de Saint-Marc, le lion de Venise, qui va devenir après les nouveaux lions. Beaucoup moins beau d'ailleurs que les livres de départ. Au départ c'était un petit festival de français entre eux. Et on se disputait pratiquement les lions. Les américains venaient mais ils bousillaient un petit peu ça. Ils n'avaient pas encore compris la force du festival. Et on allait chercher nos lions en gondole. Ça se passait sur le Lido. C'était une semaine de bonheur absolue. Mais ce n'était pas des spots pour le... pour la télévision. Il n'y avait pas de spots à la télévision en ce moment, ça n'arrivera qu'en 68. Donc c'était des spots de cinéma. Et c'était d'ailleurs Cinéma et Publicité, Jean Mineur en France, qui était le régisseur des spots de cinéma de l'entracte, qui avait eu l'idée de ce festival, etc. Qui finalement a eu de plus en plus de succès, qui a été racheté par Cannes. et qui s'est installé à Cannes pour devenir un peu légal du festival du cinéma. D'ailleurs, c'est le festival qui rappelle le plus d'argent à Cannes, plus que le cinéma.
- Marine Adatto
Plus que le cinéma ?
- Jacques Séguéla
Oui, parce que tous les grands patrons du monde sont là, tous les grands publicitaires, tous les grands annonceurs. Et chacun essaye de faire la fête à sa manière. Ce n'est pas faire la fête, c'est faire des caresses. Je vous aime, monsieur l'annonceur. Je vais le faire, votre film. Je vais le trouver, le porte-avions. Je vais le trouver. Je vous dis, je vais le trouver. Ne me virez pas, ne me virez pas. Laissez-moi une journée de plus. Je vais le trouver, je vais le trouver. Et je vais trouver le sous-marin avec. Allô, tonton ?
- Marine Adatto
Et alors donc, elle a volé cette voiture sur le...
- Jacques Séguéla
Elle a volé et elle a volé plus vite que le porte-avions. Si tu vois bien le film, tu as le porte-avions, le sous-marin qui est là. Non, pardon. Tu vois, la voiture qui est là et le jet qui est là, ils partent ensemble et comme la voiture est plus légère, elle dépasse le jet. Quand elle est à cette hauteur-là, le jet est un peu au-dessus et tu as le pilote de jet qui fait un bonjour comme ça à l'autre voiture. Et hop, il plonge et on le voit disparaître. Alors tout le monde s'arrête, il met à la roue la voiture, qu'est-ce qui se passe, etc. et à le réparer sur un sous-marin. D'où la difficulté de trouver le porte-avions et le sous-marin. Merci, Mitterrand. Je t'aime.
- Marine Adatto
Et ça a servi et la marque, et aussi, j'imagine, l'État.
- Jacques Séguéla
Mais bien sûr, mais bien sûr.
- Marine Adatto
Intéressant. Qu'est-ce que ça fait de recevoir un prix comme ça, comme le lion de Sainte-Marthe ?
- Jacques Séguéla
Je sais, moi, j'essaye de... Je ne dirais pas de cultiver la modestie, parce que rien n'est modeste dans la publicité. Elle est là justement pour être immodeste, mais en sachant garder ses distances. Moi, j'ai eu une chance folle de me trouver au bon moment quand il le fallait. Et chaque fois de recueillir finalement l'esprit du temps et d'essayer de le comprendre avec un ou deux ans d'avance. Et donc de toujours me... me projeter vers le futur, jamais pour le passé. Même si j'écris un livre d'ailleurs qui s'appelait Le futur à l'avenir Parce qu'il faut savoir qu'une grande campagne, il faut un an pour la créer, et deux ans pour qu'elle commence à pénétrer dans la conscience des gens. Je dirais presque cinq ans pour qu'elle n'ait plus envie de quitter les gens et qu'elle les accompagne pendant des décennies. Ça fait 4-5 décennies le porte-avions, il est toujours là. Donc les publicitaires agissent dans l'instant T et moi j'essaye de toujours dépasser cet instant T pour surprendre les gens. Je me souviens que Cocteau un jour à l'Opéra a croisé Daguilef. Il lui a dit mais quelle est la définition de ton art ? Et Daguilef lui a dit laisse-moi réfléchir, et tant de moins. Ah non, lui a dit Cocteau, étonne-moi, c'est la définition de mon art à moi. C'est la définition de la poésie. Et moi j'ai dit, écoutez, au musée d'Aguilef, au musée Cocteau, ça c'est la définition de mon art à moi. C'est la définition de la créativité, c'est la définition de la publicité. Étonne-moi. Il faut d'abord étonner. Sans détonner. Ne jamais aller trop loin. Ne jamais aller jusqu'à la Rolex. Pour s'arrêter, attends. Là, ce n'a pas été réussi. Mais finalement, je n'en ai plus. J'ai plus le droit d'en mettre une. Ensuite, je suis resté un enfant attardé. Tout me semblait possible, tout me semblait marrant, tout me semblait différent. Et finalement, tout finissait par marcher.
- Marine Adatto
Et tu arrivais à capter ce que tu dis. Tu captes ce qui t'arrive. Tu dis, les choses m'arrivent. Je suis toujours au bon endroit au bon moment, mais tu sais aussi saisir ce qui t'arrive pour justement avancer.
- Jacques Séguéla
Moi, j'ai la grande chance de ne pas forcer pour y penser. C'est presque les idées qui pensent pour moi et qui tout d'un coup me réveillent dans la nuit. Très souvent, je fais mes campagnes dans la nuit. Je me réveille et j'ai une idée qui traverse ma femme qui est à côté de moi et mon oreiller. et qui me fait ding ding, je dis merde, mais oui elle est là l'idée, elle est là, elle est là, elle est là, elle est là, je me réveille, je fonce à l'agence, on fait la campagne dans la journée.
- Marine Adatto
C'est ça, j'allais te poser la question, parce qu'une idée quand elle est là...
- Jacques Séguéla
Elle est là, parce qu'aujourd'hui maintenant il faut trois mois pour arriver à soulever un crayon.
- Marine Adatto
Mais en tout cas, une idée, quand elle est là, il faut la saisir immédiatement et pas l'oublier, c'est ça ? Ou au moins la noter ?
- Jacques Séguéla
Tu n'oublies pas une grande idée quand même. Oui. Tu n'oublies pas une grande idée. Mais moi, j'aime bien, très souvent d'ailleurs, je me lève la nuit, je l'écris la nuit, etc. Je ne peux pas avoir de peur de l'oublier, pour lui donner la fraîcheur.
- Marine Adatto
De l'instant.
- Jacques Séguéla
Du demi-réveil, du demi-éveil. Les choses sont encore un peu floues, mais donc plus poétiques, plus étonnantes, plus vibrantes, plus passionnantes. Et hop, je me rendors comme Sula.
- Marine Adatto
C'est magnifique comme façon de créer. C'est super. Toi, tu as fait élire des présidents.
- Jacques Séguéla
Stop. Tous les journalistes du monde ont dit que j'avais fait idée à François Mitterrand. Mais c'est faux. C'est une idiotie, c'est une imbécilité. C'est François Mitterrand qui m'a baptisé petit roi de la publicité. C'est lui qui a fait sa campagne. C'est sa campagne qui a gagné. Moi j'ai été le scribe, j'ai été le poète. Mais c'est un aller plus loin que ça. C'est parce que c'est un homme de... d'une autre classe que les hommes politiques que l'on a pu connaître à part le général de Gaulle, et qui avait l'instinct de la politique et le destin de la politique.
- Marine Adatto
Oui. J'ai lu quelque part que justement, tu avais dit je ne fais pas élire des présidents Alors attends, qu'est-ce que c'était ? Je rends une personne éligible au poste de président de la République. J'ai lu un truc un peu comme ça. En tout cas, c'est exactement ce que tu viens de dire. La personne est déjà totalement éligible, mais toi, tu es plus l'accompagnant.
- Jacques Séguéla
Non, mais une félicité politique, c'est la révélation d'un homme. Voilà. Ou d'une femme.
- Marine Adatto
C'est ça.
- Jacques Séguéla
Hélas, il n'y a pas encore eu de femme.
- Marine Adatto
Hélas, oui.
- Jacques Séguéla
J'ai l'impression que ça ne va pas encore être ça, ce coup-ci. C'est lamentable, d'ailleurs. Absolument lamentable. Et bien français. Donc... Il faut, le métier d'un publicitaire, c'est de connaître sur le bout des doigts son annonceur, d'arriver à le définir et après de décliner toutes les possibilités. que dévoile au fur et à mesure la richesse du slogan. Et je me souviens que Mitterrand, quand il m'a demandé d'être son publicitaire, m'a dit, c'est Guélan, on était au mois de septembre, on va se voir tous les lundis de midi à une heure chez moi. Nous avons un petit hôtel particulier qui est minuscule. Pendant une demi-heure, je vous apprendrai la politique parce que vous n'y connaissez rien, vous dites que des bêtises, que des bêtises. Et après, pendant une demi-heure, vous m'apprendrez la publicité parce que là, vous êtes un peu moins stupide. Oui, monsieur le président. Bon. Et ça se passe comme ça. Et puis, à la quatrième ou cinquième rendez-vous, on est là, on a beaucoup parlé, etc. Et puis tout d'un coup, le ministère regarde sa montre et dit Oh là là, j'ai pas de chauffeur, il est une heure Je dois déjeuner avec le socialiste à qui je vais annoncer qu'il sera mon Premier ministre. Je ne peux pas rater ça. C'est que là, vous avez une voiture. Je dis Monsieur le Président, j'ai ma voiture On descend dans la rue, dans la petite rue de Bièvre, etc. Ma voiture était garée au coin, c'est Mitterrand qui est devant moi. Il marche et d'un coup, j'entends pousser un cri. Je dis Mais qu'est-ce que c'est que ça ? J'arrive ? Et je comprends, comme un imbécile, j'étais venu en Rolls. Il me dit, mais c'est gué là, vous êtes nuls, je vous vire, je ne veux plus vous voir, sortez de là. Vous me dites que chaque signe a un sens, vous me dites que je dois faire attention à tout. Et vous voulez que j'arrive avec le symbole du pognon, du fric, des riches, des Richard, la Rolls, dans le restaurant de tous les journalistes de Paris. Mais je ne peux pas continuer avec vous, je vous vire, je ne veux plus vous voir, tirez-vous. Oh là là, je rentre à l'eau. A l'agent, je réunis les créatifs, je dis j'ai reçu la leçon de communication, mais comment j'ai pu faire une connerie pareille ? J'avais une Rolls qui était déjà la plus grande imbécilité, mais je m'en servais qu'à les week-ends. Et là, je ne sais pas, je n'avais pas de voiture, je n'ai pas trouvé de taxi, donc je l'ai pris en désespoir de cause, sans même imaginer de l'image que ça allait produire. Et donc j'ai écrit une lettre d'amour à Mitterrand toute la nuit, je suis allé la lui porter lui-même. pas en Rolls parce que j'avais mis ma Rolls en vente à moitié prix, elle est partie dans la nuit pour me punir. Et je suis allé en taxi mettre dans la boîte aux lettres de la rue de Bièvre, de la particulier de François Mitterrand, ma lettre d'excuse. Il m'a envoyé un petit mot tout de suite où il a dit, Ceguella, je vous pardonne, mais sachez une chose, Mitterrand ne pardonne jamais de foire.
- Marine Adatto
Oh ! en fait il m'a pardonné d'autres fois par moi et les symboles donc ces symboles tu es tu en parles justement quand quand tu te crées une audience par exemple quand tu crées une campagne les symboles sont très importants et
- Jacques Séguéla
comment est-ce qu'on travaille avec ça justement mais par exemple la france tranquille à la marché Parce que la véritable affiche n'aurait pas été une force tranquille. Une France forte et tranquille. Une France forte et tranquille, c'est la publicité. Ça vend un produit qui est fort et qui est tranquille. La force tranquille, c'est l'humanité. C'est la personnalité. C'est exactement ton cœur de job et d'interview. C'est traduire. En une âme, un homme qui va se mettre à séduire l'ensemble des Français. Tu sais, un peu plus tard, François Mitterrand m'a appelé pour me dire C'est que là, vous êtes libre à déjeuner cette semaine, M. le Président, comme vous voulez. Allez, venez demain. J'arrive à l'Elysée, on déjeune dans sa petite salle à manger en bas. Il me dit C'est que là, vous m'avez fait quand même un très beau cadeau. Parce que moi, j'avais voulu que ma campagne soit gratuite parce que je voulais l'offrir. Je trouvais que la publicité politique était complètement nulle en France. Et on avait 20 ans de retard sur les anglo-saxons qui faisaient des campagnes. Moi, je suis allé une quantité de fois aux États-Unis, en Angleterre, comprendre les campagnes étrangères. Et j'ai dit je l'offre pour que ce ne soit pas un problème d'argent parce qu'à l'époque, il n'y avait pas l'argent de l'État. Aujourd'hui, depuis déjà deux ou trois élections, c'est l'État qui paye la publicité. des présidents à l'époque, il fallait qu'ils trouvent eux-mêmes leur argent de tous les trifouillages qu'on a pu vivre. Donc je voulais que ce soit pur et dur, c'était gratuit. Et donc, je parle avec lui, je lui dis, mais dites-moi qui vous êtes en deux mots. Il m'a dit, moi je suis d'abord... Un homme calme. Je ne veux pas la révolution. Les Français disent qu'on va avoir les chars russes dans la rue, mais pas du tout. Je ne veux pas du tout ça, je ne suis pas du tout un révolutionnaire. Je veux simplement que les choses bougent avec dignité et avec humanité. Et puis j'en ai marre que tout le monde me dise, c'est l'Observatoire avec tous les drames qu'il avait eus, etc. Que dire que je suis un mou ? Moi comme ça je suis bien élevé, mais à l'intérieur je peux vous dire que ça brûle ces gars-là. N'y mettez pas les doigts, vous brûleriez les doigts. Et c'est comme ça qu'est née la force tranquille, parce que je racontais ça aux créatifs, on était une dizaine autour d'une table, et puis tout d'un coup il y en a un qui a dit la force tranquille, et on a dit mais c'est pas un slogan, ça doit pas marcher. Je dis mais si c'est lui, mais tu peux pas, il me présente pas ça, il va le refuser. Il va te virer. Je te dis que c'est lui, il va l'accepter, je vais lui vendre, je sais que je vais lui vendre. Et 15 jours après, un lundi de plus, j'arrive, j'avais écrit La Force tranquille sur un petit papier blanc comme ça, et je lui ai dit, Monsieur le Président, fermez les yeux. Monsieur le Président, ouvrez les yeux. Et je le vois rentrer dans le slogan, mais comme s'il allait le dévorer des yeux, comme si c'était une femme fatale. Je lui ai dit, mais ouf, qu'est-ce qui se passe, etc. Il y a un grand silence, il dit C'est Guéla, vous m'avez trouvé C'est ça la définition d'un slogan. C'est d'ailleurs presque plus facile pour un président, parce qu'il s'exprime que pour un yaourt ou une voiture, qui n'ont quand même rien à dire. Donc toute la difficulté de ce métier, de plus en plus, c'est justement d'apporter à la publicité, mon dernier combat, d'apporter à la publicité ce qui lui manque. 73%, 75% des produits que tu as consommés au siècle dernier sont morts avec le siècle.
- Marine Adatto
75% ?
- Jacques Séguéla
75. 75% des produits que l'on consomme aujourd'hui vont mourir avec le siècle. Donc notre métier, ce n'est pas simplement de vendre des yaourts et des Citroën. Notre métier c'est évidemment de vendre des yaourts et des Citroën, mais c'est de faire que dans 100 ans, 200 ans, 300 ans, Citroën sera toujours vivant et Evian sera toujours vivant. Et donc je me suis demandé comment on pouvait trouver la possibilité de rendre les marques immortelles. Et une fois de plus, c'est Mitterrand qui m'a sauvé. Parce que Mitterrand me convoque à déjeuner, et pendant le déjeuner, il me dit C'est là que vous m'avez fait un beau cadeau à mon tour de vous en faire un, mais vous êtes compliqués, on ne sait pas ce qui vous fait plaisir, vous êtes un peu braques, donc réfléchissez une semaine et dites-moi ce que vous voulez comme cadeau. Oui, M. le Président. Bon, semaine après, j'arrive, M. le Président, j'ai une idée. Moi, je veux une journée du Dalai Lama. Vous êtes malade, Dalai Lama, il ne quitte plus son monastère. Ce n'est pas possible, vous voulez l'impossible, M. le Président, c'est ça ou rien. Allez, Ségala, retournez chez vous. Deux mois après, Mitterrand invite le Dalai Lama à une visite officielle en France de trois jours. Wow, quel cadeau, quel cadeau. Et donc le soir, je suis convoqué à l'élité. On était dans la piste, ça l'a mangé en bas. Daniel Mitterrand, François Mitterrand, Sophie, moi, chaise vide.
- Marine Adatto
Tu ne savais pas ce qui t'attendait ?
- Jacques Séguéla
Cinq minutes, dix minutes, quinze minutes, silence de mort. Mitterrand qui détestait que les gens soient en retard, il n'était jamais à l'heure, mais détestait que les gens soient en retard, trépignait, arrive le Dalai Lama. Wouah, wouah, wouah, me tranque, je m'étouffe, bon. Et Mitterrand lui dit, mais je vous ai invité avec mon publicitaire parce que c'est le cadeau qu'il voulait, pour le cadeau qu'il m'a fait de m'offrir sa campagne. Ça fait marrer le Dalai Lama. Euh, il dit, mais qu'est-ce que vous voulez faire de moi ? Moi je voudrais... que vous donniez une journée à tous les jeunes étudiants français, à tous les jeunes français qui vont vous poser des questions de partout, pour expliquer l'importance de l'hindouisme. Parce que l'hindouisme, c'est une religion qui crée la paix. Nous, nos religions, elles créent la guerre. Pourquoi cette différence ? Parce que moi, ma vie a changé, parce qu'à 20 ans, je suis parti faire le premier tour du monde d'une voiture en deux chevaux. Elle est là, d'ailleurs, dans deux chevaux.
- Marine Adatto
Oui.
- Jacques Séguéla
Et donc j'ai pu passer trois mois en Inde en deux chevaux, etc. Et j'étais nourri de cet hindouisme, parce qu'on dormait dans les monassés. Évidemment, on n'avait pas l'argent pour aller dans un hôtel. Et qui nous recevaient, on prenait le dîner avec eux, c'était formidable. J'ai fait tout le tour de l'Inde. Et le déclic est arrivé deux jours après, quand on était à la Sorbonne. J'avais le grand enfil de la Sorbonne qui était plat à craquer toutes les 20 minutes. les gens changeaient. Et le Dalai Lama a dit, je veux d'abord vous raconter une histoire. C'est un vieux bonze qui reçoit un jeune disciple pour sa première leçon de philosophie, qui lui dit, tu vas bien réfléchir, je vais te poser trois questions. Tu réfléchis, tu me réponds. Mais tu réfléchis. Première question, quel est l'envers du blanc ? Le noir. Je t'ai dit de réfléchir. C'est la bonne réponse, tu ne dois pas réfléchir. Alors, deuxième question, fais attention maintenant. Deuxième question, quel est l'envers du jour ? Les jeunes disciples se mordent les doigts, maître, je ne vois qu'une seule chose, l'envers du jour, c'est la nuit. Bravo, voilà, tu as réfléchi, tu as donné la bonne réponse. Attention, troisième question, quel est l'envers de la vie ? Les jeunes disciples, maître, il n'y a qu'une seule réponse possible, l'envers de la vie, c'est la mort. Tu n'as rien compris, lui dit le bonze. c'est la naissance. Et il dit, chaque jour doit être un jour de renaissance. Chaque jour doit être une picouze de vie. Et c'est comme ça que l'on devient éternel. Je me suis dit, mais la publicité, c'est ce qu'elle fait. La publicité, à chaque nouvelle campagne, elle te flanque une dose d'optimisme, une dose de vie, une dose d'humour, une dose de vitalité, une dose de réflexion, une dose de ce que l'on voudra. Et elle fait ça toutes les semaines ou tous les mois. Et donc finalement, elle peut devenir éternelle. Parce que quelle est la seule façon de devenir éternelle et quelle est la seule chose que les humains ont inventée pour prouver l'éternité ? C'est l'âme.
- Marine Adatto
Parce que l'âme est éternelle. Et notre âme est éternelle. C'est pas où elle va aller, mais elle est éternelle. D'ailleurs, c'était les forces de l'esprit qui ont rythmé les derniers mois de la vie de François Mitterrand, et qui voulaient dire tellement ça. Et j'ai appliqué ça, de ce moment-là, j'ai appliqué ça à toutes les campagnes d'Avast dans le monde entier. Notre vrai métier, c'est de donner une âme aux marques. et après de la rendre de plus en plus créative, de plus en plus passionnante, de plus en plus émouvante, etc. Mais de créer une âme. Je ne sais pas si tu as vu, la semaine dernière, j'étais sur les Champs-Élysées. Devant moi, j'ai un grand camion blanc laqué. Et sur ce camion, il y a une affiche qui est peinte à la main. C'est un crocodile immense, d'une beauté somptueuse. Un crocodile dessiné par le plus grand graphiste du monde. Et au bout du crocodile qui prend tout l'espace, il y a juste une petite chaise de directeur de cinéma, avec Pierre Minet, là qu'on reconnaît à peine, comme s'il n'existait pas, comme s'il n'était pas là. Et puis il y a un tout petit Lacoste en bas. J'ai eu une crise cardiaque. J'ai arrêté ma voiture, j'ai appelé tout de suite la patronne. de la marque, la patronne du crocodile. Et je lui dis, écoute, j'ai frisé la crise cardiaque tellement j'ai eu un choc devant cette affiche. C'est l'affiche la plus belle que j'ai jamais vue pour la cause, etc. Bravo, formidable. Tu vas voir, on va gagner à Cannes l'année prochaine, j'en suis sûr, etc. Et je suis sûr qu'on va gagner l'an prochain quelque chose avec ça. Donc, la publicité... il faut qu'elle te touche le cœur. Mais après, il faut que derrière ce cœur touché, il y ait quelque chose des neurones qui se soit mis à vibrer et à apporter quelque chose de plus. Et c'est cet assemblage qui est difficile. Où faut-il mettre le plus de pression ? Selon le temps, selon le produit, selon la campagne, il faut-il le mettre sur le cœur ? Toutes les choses le mettent sur des neurones. Et il ne faut pas non plus que l'un bouffe l'autre et vice et versa. Et les grandes campagnes sont des campagnes comme ça qui sont éternelles. Parce que le crocodile, ça fait, je ne sais plus, peut-être 90 ans, je ne sais plus où j'en suis, qui fait la publicité de la cause. Et il est toujours là, et chaque fois plus vivant que jamais, plus beau que jamais, plus criss cardiaque que jamais.
- Jacques Séguéla
Mais c'est vrai que là, avec ce côté cinéma et avec Pierre Ninet qui est dans le conte de Motté Christo,
- Marine Adatto
qui est un des films qui est extraordinaire. Il dirige son film, il y a le crocodile qui lui laisse la main.
- Jacques Séguéla
Là, on est sur deux mastodontes aussi émotionnelles, parce qu'il y a beaucoup d'émotions dans ce film. Et c'est vrai que cette marque aussi, elle a traversé le temps.
- Marine Adatto
Et donc, voilà comment on devient une marque éternelle. et en plus elle a la grande chance d'avoir un fondateur. Nous on a un fondateur qui est Charles Abbas, qui a inventé la publicité, c'est un Français qui a inventé la publicité, c'est pas un Américain, c'est pas un Anglais, c'est Charles Abbas, il y a 180 ans, il a écrit deux livres sur lui, qui a le premier, prouver la puissance des médias et créer la première agence média du monde. qui s'appelait d'ailleurs Avas Media, qui est au premier étage, 180 ans plus tard ici. Et puis après, son fils va utiliser l'agence média qu'il a créée pour la transformer en agence média plus agence créative, donc agence de pub. C'est la première agence de pub du monde.
- Jacques Séguéla
Toi, tu as créé la Star Stratégie. J'ai fait mes devoirs, j'ai fouillé.
- Marine Adatto
L'agence stratégie, c'est ce que c'est. La star stratégie, c'était les années 80 dans toute leur splendeur. C'est le principe de dire que, qu'est-ce qui crée une star ? C'est la multiplication de ses apparitions. À condition que les apparitions soient cohérentes, qu'elles aillent dans le même sens, qu'elles ne soient pas en zigzag, sinon chaque fois, le lune à la nouvelle détruit l'ancienne et ça n'en finit plus. À la fin... Qu'elle touche le cœur et qu'elle touche les neurones, on l'a dit, et à la fois qu'elle soit internationale et qu'elle traverse les ans. Et tout ça, c'est la force de l'idée. L'argent n'a pas d'idée, seules les idées font de l'argent, plus que jamais. Donc, je me suis dit, mais finalement, si j'étudiais le CERC système, peut-être que je pourrais appliquer ça à la publicité. Et donc, je me vois partir à Los Angeles, passer un mois là-bas, voir tous les trucs, voir tous les studios, lire tout ce que je pouvais lire là-dessus. Je me suis fait inviter un peu par des demi-stars. pour voir cette ambiance, etc. Et j'ai dit, mais finalement, un produit, s'il communique bien, dans le bon sens, régulièrement, peu à peu, il devient une star. Bix, c'est une star. Et puis Rolls, c'est une star. Et puis Citroën, c'est une star. Et puis tous les produits qui existent un peu et qui communiquent deviennent des stars. D'où une théorie qui essaie d'appliquer au produit ce que Hollywood appliquait à ses acteurs et à ses actrices. Parce que c'est Hollywood qui a inventé le star system. C'était comme il s'appelait MGM, c'est la métrogolfe meilleure. C'est la métrogolfe meilleure et c'est d'ailleurs Meilleur, je crois, qui a inventé le star system. Le sarre-système, c'était qu'une actrice, un acteur, symbolise ce qu'ils sont, ce qu'ils pensent, ce qu'ils jouent. Et l'accumulation de ça finissait par en faire une sarre béton que seules les années pouvaient écorner. Enfin, les grandes sarres, Marénine est toujours là. Et d'ailleurs, c'est la preuve même, c'est elle qui écrit la moitié de mon livre à ma place. Et c'est elle qui a sanctifié le star-système. Mais si tu regardes bien toutes les marques de luxe, c'est des stars. Louis Vuitton, c'est une star. Dior, c'est une star. Prada, c'est une star. Elle peut être homme, elle peut être femme. Donc tout ça se mélange. et créer la société du rêve. Donc les années 80 étaient précieuses, parce qu'elles portaient le rêve en elles, et elles diffusaient le rêve. c'est qu'aujourd'hui où est le rêve oui d'où la difficulté aujourd'hui de faire de la grande publicité d'où le génie de la coste de faire l'affiche qui l'a fait parce que c'est vrai que c'est à
- Jacques Séguéla
l'heure notamment des réseaux sociaux où tout le monde aujourd'hui peut prendre la parole C'est difficile quand même d'émerger, même pour les marques. C'est-à-dire qu'il y a cette répétition.
- Marine Adatto
C'est à la fois de plus en plus facile, parce qu'il y a une multiplication du média qui est incroyable. Déjà, les médias d'info, 24 heures sur 24, se rient les mêmes infos, etc. jusqu'à t'en casser les oreilles. Et à la fois, il y a de plus en plus de prises de position et de micros qu'on peut utiliser. Mais il y a de moins en moins de stars, parce que... Tout le monde est star 5 minutes. C'est la définition des stars de Woody Allen. Tout le monde sera, il disait, 15 minutes. Tout le monde, il disait au 21e siècle, tout le monde sera star 15 minutes dans sa vie. Et il avait totalement raison.
- Jacques Séguéla
Parce que ce que tu disais, en fait, c'est une récurrence des idées. Donc, le problème des réseaux sociaux, une idée, elle est très courte. La durée de vie d'une idée, elle est courte. Oui,
- Marine Adatto
bien sûr.
- Jacques Séguéla
Toujours se réinventer.
- Marine Adatto
Le problème des réseaux sociaux, c'est qu'ils confondent créativité et attractivité. Alors oui, si tu montes tes fesses, les gens t'envoient les photos qu'ils montent tes fesses. D'accord. Mais enfin, ça reste que les fesses. Donc, il y a trop de facilité à faire rire les gens ou à étonner les gens avec de fausses idées. Une idée, il faut qu'elle te touche, mais il ne faut pas qu'elle te révolte, il ne faut pas qu'elle t'abaisse, il ne faut pas qu'elle te déprime, il ne faut pas qu'elle te déclasse, au contraire, il faut qu'elle te porte. Et ce n'est pas le média fait pour ça, c'est un média d'immédiateté. Quand on voit d'ailleurs les influenceurs, c'est déplorable, c'est putoyable. Bon d'accord, ils font de l'argent, mais l'argent n'a pas d'idée.
- Jacques Séguéla
Mais l'argent n'a pas d'idée. Et en même temps, c'est un canal qui est utilisé aussi beaucoup maintenant par les patrons, par les politiques aussi. Depuis que la publicité a été interdite, c'était Rocard je crois qui l'a fait interdite quand il a quitté Matignon. Là aujourd'hui, ils ont quand même... à un endroit où ils peuvent s'exprimer. Donc oui, il y a le côté influence, où effectivement, ce n'est pas toujours très intéressant, mais il y a aussi d'autres acteurs qui sont en train de s'emparer du sujet.
- Marine Adatto
Oui, mais on peut dire qu'il y a de moins en moins de stars. Les stars d'aujourd'hui, c'est plus du top modèle d'ailleurs que les stars de cinéma. Parce que les stars de cinéma... Elles sont tenues par leur rôle. Donc chaque rôle détruit un peu ce qu'elles sont. À l'époque, il y avait les westerns. Ce qui est différent avec les westerns, c'est qu'ils étaient tous pareils. Ils racontaient tous la même histoire. Ils avaient les mêmes gueules, les mêmes chapeaux, les mêmes répliques, les mêmes chevaux, les mêmes revolvers. Et donc, ça crée une identité très forte. Sauf que quand tu étais un acteur de western, tu ne pouvais pas aller jouer les amoureux sur la plage. Ça ne marchait pas. Et donc il y a eu plein de carrières qui ont été, il y en a quelques-uns qui ont survécu, parce que c'était un immense acteur. Mais c'était la pire façon d'arriver à la starification, parce qu'il n'était pas durable. S'il faut, c'est une starification durable. Apparemment, si tu prends Marilyn, Marilyn d'elle-même, elle a compris qu'il fallait qu'elle arrête. Le drame, c'est que... Elle a fini par, je crois, se suicider, parce que si on regarde bien toutes les histoires qui ont été racontées, je pense que c'est finalement sa triste fin. Tellement elle était possédée par son image et elle ne pouvait plus rejeter son image. Elle était vraiment amoureuse des Kennedy, en plus des deux à la fois, ce qui ne simplifiait pas les choses. Mais elle était très romantique et c'est finalement ce qui l'a poussée à bout.
- Jacques Séguéla
Oui, c'est ça, c'est enfermé dans cette image. Selon toi, quels sont les plus gros pièges, justement, quand on se met en scène, comme ça, quand on incarne quelque chose ?
- Marine Adatto
Oui, le plus grand piège, c'est la politique. La pub n'a pas à frayer avec la politique. Elle peut faire des campagnes, en établissant toutes les règles. de sécurité d'une campagne. Déjà, toute campagne a ses propres sécurités, elle est surveillée par l'État, et toute publicité messangère, toute publicité outrancière, etc., elle se prévient instantanément, elle peut être punie par la loi, peut-être même punie par des mois de prison, si elle est récidive. Donc c'est le métier le plus surveillé du monde, et c'est bien comme ça, parce que la publicité, elle doit absolument être saine. Et si elle est malsaine, elle ne fait pas son métier, qui est de faire rêver. On ne rêve pas du malsain. Donc, ça permet, si tu veux, à des personnages d'orienter leur carrière. quand ce sont des grands acteurs et qu'ils peuvent choisir leurs films etc. ou ils le savent quand il faut se relancer, quand il faut revenir à la base, quand il faut s'arrêter. Quand tu as un acteur par exemple qui a trois films qui sortent dans l'année, c'est une erreur. Parce que d'abord tu vas voir les trois et ensuite tu as deux films qui marcheront pas sur les trois. Et si jamais les trois marchent alors tu vas t'enlacer, tu vas dire non ça suffit, on passe à un autre. Autant la publicité c'est l'art de la répétition, la répétition c'est la réputation, autant au cinéma c'est le contraire, il faut savoir doser les choses.
- Jacques Séguéla
Oui. Tu as dit, je te cite, le problème de la technologie c'est que tech sans affect n'est que ruine de la communication. Le prochain c'est la voix, et c'est marrant tu me l'as dit tout à l'heure, la voix c'est le nouveau média. À l'heure de l'uniformisation de l'IA, on est à fond. dans l'IA, comment est-ce qu'on crée une émotion, comment est-ce qu'on crée une connexion ?
- Marine Adatto
Il y a deux choses là. Il y a d'abord l'arrivée impromptue de l'intelligence artificielle, qui m'a bousculé la publicité, on va peut-être parler de ça, et puis après on parlera de l'émotion, qui est plutôt un retour en arrière. Parce que l'émotion avec l'intelligence artificielle, ça ne marche pas.
- Jacques Séguéla
Ce n'est pas terrible.
- Marine Adatto
Ce n'est pas ça. L'intelligence artificielle, il ne faut pas en avoir peur, mais il faut la maîtriser. Il ne faut pas en avoir peur parce qu'elle va formidablement accélérer les métiers de création, plein d'autres métiers aussi, mais dans mon secteur à moi, elle va booster incroyablement la communication parce que quand on fait des agences, des campagnes planétaires, on est dans 100 pays du monde. Nous on est dans 100 pays, on a 100 agences dans 100 pays du monde. Donc on fait une publicité pour la marque, mais cette publicité elle va rester dans 100 pays. Mais les formats ne sont pas les mêmes. Il y en a où c'est des formats allongés, où c'est des formats en hauteur, où c'est des formats à courbe. Donc il faut des petites mains pour adapter la base de la campagne à tous les pays du monde. Et ça peut mettre 15 jours. En intelligence officielle, ça met 15 minutes. Et donc, ça veut dire que toute cette classe des petits boulots de la publicité va mourir. Et donc, il faut d'ores et déjà, un, trouver une nouvelle façon d'utiliser tous ces talents et d'aller vers autre chose ou de voir comment on peut... accélérer leur... leur boulot de tous les jours, leur quotidien. Et donc, ça va poser un problème de structuration, de restructuration des agences. Deuxièmement, l'intelligence artificielle, jusqu'à plus ample informée, elle n'a jamais eu une idée. En théorie, elle ne peut pas avoir d'idée. Tout le monde essaie de lui faire avoir des idées, mais elle a des idées que l'homme lui transmet. Elle-même, tu peux appuyer sur le bouton pendant toute ta vie, tu n'auras pas une idée. Le problème, c'est qu'il ne faut plus parler d'intelligence artificielle, il faut parler d'intelligence créative. C'est-à-dire qu'il faut essayer d'utiliser, pour ce qu'elle sait faire, l'intelligence artificielle, mais l'utiliser au niveau de la créativité. au niveau de la redite. Parce qu'elle, elle ne fait que t'apporter des données dans un temps incroyable, parce qu'elle le fait en 5 minutes alors que l'espèce humaine le fait en 5 heures ou 5 jours. Mais il n'y a rien de neuf dans ce qu'elle amène. Sauf que peut-être, si tu passes de l'intelligence artificielle à l'intelligence créative, ça va ouvrir le cerveau du créatif et ça va impulser... Une idée à l'intérieur de lui qui sera venue de l'intelligence artificielle, qui n'était pas capable pourtant d'avoir donné une idée.
- Jacques Séguéla
D'où aussi le retour en arrière, tu regardes ce qui a été fait déjà, et tu peux le réutiliser pour créer derrière. Oui,
- Marine Adatto
oui. Alors après, il y a un autre problème qui est le problème des droits, qui va survenir un jour et qui va évidemment bloquer les choses, parce que ce n'est pas normal. On ne peut pas pirater les gens comme ça. à longueur de journée.
- Jacques Séguéla
Et alors, le prochain, c'est la voix. Qu'est-ce que ça veut dire ?
- Marine Adatto
Pourquoi le nouveau média, c'est la voix ? Parce que tu as tous ces absents du numérique, incapables d'utiliser leur téléphone, incapables de se projeter dans ce monde du numérique, alors que lorsqu'ils pourront appeler ce numérique, et le mettre en branle à la voix, ils y arriveront tous. Ça existe déjà. Dissiri, appelle moi ma femme. Dissiri, t'appelles ta femme. Mais demain, il faut que tu lui dises mais Dissiri, réserve moi une place au cinéma. Mais Dissiri, je pars à Los Angeles. Envoie moi un billet de cinéma de Los Angeles. Donc, le jour où la voix va l'emporter sur les doigts, c'est une révolution absolument parce que tu as 30% des terriens. qui vont accéder à l'incroyable vertu du numérique et l'incroyable folie du numérique.
- Jacques Séguéla
Tu dis que ton rôle chez Ava, c'est d'entretenir l'esprit créatif.
- Marine Adatto
Oui, ça c'est une histoire qu'il faut que je te raconte, parce qu'elle a forgé ma vie. Nous, on démarre l'agence avec Bernard Roux en 68. Et deux ans après, Bernard Brochand, qui était le patron de DDB, la plus belle agence américaine, qui est d'ailleurs toujours en France et aussi évidemment dans le reste du monde, me téléphone et me dit Je suis avec un copain qui vient de me voir de New York, est-ce que tu nous offrirais un verre ? Je lui dis Venez à l'agence Nous, on était 30 à l'agence, il y avait 10 créatifs, il y avait 20 personnes. C'était rue Bérier. Et bon, j'en arrive avec un petit personnage à côté de lui qui avait un chapeau, un manteau très new-yorkais d'ailleurs, un manteau très beau, noir, etc. Avec un peu de police là. Il me dit Je te présente Bill Bernbach. Je dis Pardon ? Je te présente Bill Bernbach. Je dis c'est un gag. Je te présente Bill Bernbach. J'appelle tous les créatifs, ils viennent, Bill Bernbach est là, ils arrivent tous autour, etc. Et on parle pendant deux heures avec Bill Bernbach, etc. À la fin, il dit écoute. Moi, je suis venu te voir parce que je trouve que vous avez l'esprit d'EDB. C'est vous qui représentez un peu cet esprit en France. Et nous, on aimerait bien que vous rentriez dans le groupe et que vous teniez cette place. On va vous aider, on va vous donner l'argent qu'il faut. Parce que là, vous allez être 10 ans, 20 ans avant de réussir. Nous, on va faire ça en deux ans avec nos moyens. Alors, si vous voulez, venez nous voir. On va en parler plus. Venez nous voir trois jours à New York. effectivement, trois semaines après, avec Bernard, on vend l'avion, on est à New York, et après les trois jours, j'ai dit, mais j'ai beaucoup trop tôt pour se vendre. Il faut d'abord créer une autre histoire, c'est une imbécilité, etc. Donc je revois Bill et je lui écoute. Si un jour je me vends, ce sera à toi. Je te préviendrai si j'ai des offres. Mais c'est trop tôt, laisse-moi aller au bout de mon truc, etc. Mais moi, je voudrais en échange que je puisse deux fois, trois fois par an, venir prendre un petit déjeuner avec toi et que tu me racontes la pub de Bernbach, la pub du monde, la pub des marques, la grande pub, la belle pub. la tienne. Il dit d'accord et ça s'est passé comme ça pendant sept huit ans puis il a pris de l'âge et puis il a eu 80 ans et puis est arrivé la dernière fois où je l'ai vu et je me suis même accompagné jusqu'à la porte de l'ascenseur et je lui ai dit Bill maintenant nous on devient international donc on va ouvrir des agences un peu dans le monde quel est le conseil que tu me donnes maintenant ? Il me dit il n'y a qu'un conseil ton métier c'est de faire régner dans toutes les agences l'esprit créatif. et c'est mon métier c'est ce que je fais aujourd'hui et comment on fait ça ? comment on fait ça ? comment on fait ça ?
- Jacques Séguéla
comment on transmet à tout le monde cet esprit créatif ?
- Marine Adatto
mais on fait ça si on y croit on fait ça si c'est ton moteur on fait ça si si les gens adhèrent Moi, je me souviens d'avoir fait des présentations où les annonceurs sortaient, allaient manger un sandwich et revenaient. Moi, j'arrêtais. Je disais, écoutez, on n'est pas un hamburger ici, on est une agence de pub. Et je crois aussi que... Il faut beaucoup d'honnêteté. Il ne faut pas raconter des histoires, bien sûr, parce que la publicité, c'est de raconter des histoires. Mais il faut qu'elles soient vraies, qu'elles soient sincères, qu'elles soient honnêtes. Je crois qu'il ne faut pas se prendre au sérieux. Je parle de légende, je ne suis pas légendeurine du tout. Je suis un publicitaire, voilà, avec quelques lions autour de moi, qui me gardent. Je crois aussi qu'il faut... Il faut avoir le sens du public. Sentir ce que le public attend, les mots que le public attend. Le petit texte que tu as donné tout à l'heure, c'est un texte de cinq minutes. Il y a eu deux ovations. Deux fois trois mille personnes qui sont... pour des mots pour des mots quand j'ai eu le petit bébé idée ils applaudissent c'est tellement beau un petit bébé idée jamais le marketing et du mieux il est pas stratégique quand il est pas stratégique c'est un petit bébé il est vient de naître, qu'est-ce que tu veux qu'il soit stratégique ? Et puis il y a une phrase magnifique qui dit petit bébé, il a besoin d'amour avant d'avoir besoin de stratégie. Je vais le rajouter, dix minutes avant de monter sur scène, cette phrase. Tu te rends compte ? Je me disais, il manque quelque chose au petit bébé, il manque un truc, manque l'âme, manque la passion, manque l'amour, merde, trouve la phrase, trouve la phrase. Surtout que j'étais à dix minutes de l'entrée, et puis hop ! Et comme j'avais un mec avec moi qui me suivait sur l'ordinateur, il pouvait corriger jusqu'à la dernière minute. Et donc je lui dis ça et tac, il rajoute sur l'ordinateur, sur le prompteur.
- Jacques Séguéla
Donc on est toujours en fait avec un fil conducteur d'émotions. Tu vois, tu me dis, je ne suis pas une légende. Ok. Mais tu vois, moi ce qui m'intéresse aussi, c'est ce côté légende personnelle façon Paolo Coelho. Suivre sa légende personnelle. Tu vois, tu vois ce livre-là. En fait, les choses arrivent à toi. Et tu les saisis et t'avances. Et c'est aussi un peu ce que tu m'as raconté.
- Marine Adatto
Oui, finalement, mon petit talent, c'est la curiosité. Je suis curieux de tout. Et donc, c'est dans les poubelles de la curiosité que tu trouves des idées neuves. Il faut fouiller, il faut chercher.
- Jacques Séguéla
Oui, allez. On dit souvent d'ailleurs, ça ne sert à rien de réinventer la roue, il y a plein de choses qui existent. Et c'est comment est-ce que tu récupères ça et que tu en fais quelque chose d'encore mieux ou d'extraordinaire ?
- Marine Adatto
La publicité, c'est d'abord des mots. Puis après, c'est des images. C'est le choc des images, mais le poids des mots. Le poids des mots est plus important que le choc des images. Donc moi, je suis finalement un titreur. D'ailleurs... Ma carrière a commencé avec le tour du monde. J'ai écrit mon premier livre, La Terre en rond. J'ai écrit déjà. L'écriture, les publicitaires n'écrivent pas. C'est une grande erreur. Si tu veux créer une légende, il faut écrire. Moi, j'ai écrit 35 livres. Je commence mon 36e. Vous mourrez avec un stylo entre les dents. Le plus important, c'est qu'il ne faut jamais que tu te prennes parce que tu n'es pas. Moi je ne suis qu'un titreur. Mon seul talent ce sont les mots. La musique, je ne l'entends pas. Je ne sais pas ce que... Je suis incapable de... Tu sais, maintenant la mode c'est de découvrir en 30 secondes... Ah oui,
- Jacques Séguéla
les blind tests !
- Marine Adatto
Je suis incapable ! Je ne sais pas si vous me souvenez de ce réché des copains, où ils ont joué pendant deux heures. Pendant deux heures, je n'ai même pas eu un nom. Même Sinatra, qui est le seul chansonneur que je connaisse au monde et que j'aime au monde. Je ne l'ai pas reconnu. Et du tour du monde, grâce à mon livre, je suis rentré à Paris Match, parce que Roger Théron, qui n'était pas tant de match, m'a dit, tu n'es pas fait pour être... Moi, je sortais de l'université de pharmacie, j'étais docteur en pharmacie. Il me dit, mais tu n'es pas fait pour être pharmacien, tu es fait pour être reporter de match, tu commences demain. Et j'ai fait deux ans à Match, et puis je suis parti faire la guerre, parce que c'était la guerre d'Algérie, donc j'étais reporter de guerre pendant deux ans. Et puis je suis revenu et j'ai voulu connaître les quotidiens. Et donc j'ai frappé à la porte de Pierre Lazareff, qui était le grand patron de François, etc. qui avait créé Elle, qui avait créé tous les journaux de l'époque. Et à 30 ans, après deux ans avec lui, il me dit je vous invite à déjeuner. On va déjeuner au Fouquet's. Il avait sa table, il avait une petite pancarte. Pierre Lézareff, non. Et il me dit, écoute, tu perds ton temps dans la presse. Parce que tu n'es pas fait pour écrire long. Toi, tu as un art particulier, tu as l'art de la brièveté. Tu sais, François, il y a 50 journalistes. Le seul qui compte, c'est celui qui fait le titre de la une. Parce que c'est sur le titre de la une qu'on fait plus 10 ou moins 10, plus 50 ou moins 50% d'acheteurs. Tu devrais aller dans la publicité, c'est un métier neuf. Puis tu sais, chaque fois que tu fais un bon titre sur François, parce que dès qu'ils avaient besoin d'un titre, c'est moi qu'ils appelaient, quand tu fais un bon titre pour François, ça n'augmente pas ton salaire. Quand tu fais un bon titre dans la pub, ça appelle un slogan, ça te nourrit pendant 10 ans. Que dit Pierre Lazareff, qui était mon maître, etc. J'étais fou d'amour pour lui. Ici, il me dit ça, il faut l'écouter. Moi, j'ai toujours écouté le temps. Toujours écouté les idées qui passaient. Donc je lui ai écrit une lettre d'amour et je frappe à la porte de mes copains de Citroën, à force, c'est eux qui m'avaient reçu, etc. donc on se connaissait. Et puis ils m'avaient beaucoup aidé pour mon livre, ils avaient le relancement de mon livre. Et donc ils me disent écoute, ça tombe bien parce que notre agence est un peu mollassonne, toi tu vas la secouer Je dis mais les enfants, j'ai jamais fait de pub de ma vie Mais justement, c'est ça qui nous intéresse, tu vas là-bas Et moi j'ai appliqué à la publicité les leçons que m'avait donné Roger Théron, le poids des mots, le choc des photos, les leçons que m'avait donné le titreur, on m'avait donné Lazareff, je me souviens un jour, Lazareff nous réunit et il dit écoutez, c'est catastrophique, on n'a pas un titre qui marche, tout est nul. On les testait les trucs, les tests sont catastrophiques, il nous reste 10 minutes. Donc on se mettait autour de ça, il y avait Lazareff, il y avait un rédacteur en chef, moi j'étais là, le plus jeune, et Lazareff dit, allez, vous avez trois minutes, vous prenez un papier, vous écrivez le titre sur Vucolo. Moi j'écris mon titre, les deux mecs écrivent leur titre, etc. Lazareff écrit son titre, moi je remonte le mail, il était nul, je remonte le mail, et puis j'arrive à celui de Lazareff. Sur 8 colonnes, c'était le jour le plus froid de l'année. Il a inventé la météo. Il a inventé la météo qui est aujourd'hui la chose la plus regardée dans le monde. Dans le monde. Et c'est ce qui m'a fait arriver dans la pub. Et j'ai appliqué. A la pub, la seule règle que je connaissais, c'est celle de la presse. Donc j'ai fait du spectacle, j'ai fait de l'émotion. C'est quoi Paris Match ? C'est l'émotion, c'est le spectacle, c'est la rencontre, c'est les titres, bien sûr, avant tout. C'est les photos. Finalement, ma publicité à moi, elle découle de la presse.
- Jacques Séguéla
Comment tu fais un bon titre, un bon slogan ? Tu vois, si je tire le fil, LinkedIn par exemple, aujourd'hui, tout le monde écrit sur LinkedIn. Donc ces textes sont plus courts et tout le monde te dit, il faut une accroche. Une accroche forte parce que c'est un réseau social.
- Marine Adatto
Oui, on appelle ça une punchline.
- Jacques Séguéla
Exactement. Comment on écrit une bonne punchline ?
- Marine Adatto
Écoute, moi j'ai un peu le talent des mots. Eh oui ! Donc je suis emplené. Quand j'allais chez un annonceur, j'arrivais encore à prendre des budgets. Quand j'allais chez un annonceur, il me raconte, il me fait son brief. Moi je prends des notes, enfin il croit que je prends des notes. Moi j'écris des slogans. Puis après j'arrive dans ma voiture, je me dis c'est bon ou c'est nul ? Puis j'avais les collègues au créatif qui m'ont dit écoutez, faites mieux. Si vous ne faites pas mieux, vous prendrez ça, mais surtout essayez de faire mieux. Et donc ils se mettent à faire mieux. Parce que le slogan me vient instantanément. Sauf que 9 fois sur 10 il est nul, 9 fois sur 10 il est bon, il ne faut pas se tromper. Il ne faut pas prendre le 9e nul, il faut prendre le bon.
- Jacques Séguéla
Ça te vient, mais après comment on retravaille ça ?
- Marine Adatto
Une fois qu'il y a un slogan, tu as un slogan.
- Jacques Séguéla
Mais s'il n'est pas encore suffisamment...
- Marine Adatto
Quand tu dis à fond la forme, ça a duré pendant 40 ans. La forme, c'est encore là. Oui,
- Jacques Séguéla
c'est vrai.
- Marine Adatto
C'est encore là. On est fou d'Afflelou. J'ai déjeuné avec Afflelou il y a 15 jours. On est fou d'Afflelou. C'est encore là. Je l'ai fait dans ma voiture en le quittant. Il s'appelait Aflelou, il m'a dit venez me voir. C'était un opticien qui s'est installé, qui est arrivé de Bordeaux, qui s'est installé à Paris. Et qui m'a dit moi je veux que vous me rendiez célèbre et que vous rendiez ma marque célèbre. Mais j'ai pas d'argent. Est-ce que vous avez une idée ? Je dis oui. Utilisez votre nom pour faire la marque. Comme ça vous n'aurez qu'une seule dépense, qu'une campagne à faire et pas deux. Il dit jamais, je ne donnerai jamais mon nom à une marque. Alors je peux rien faire. Et puis en revenant, j'ai dit affle-l'eau, affle-l'eau, on est fous d'affle-l'eau Je me suis rappelé, je me suis mis à l'agence, on a travaillé dessus, etc. Et je l'ai rappelé et il est devenu fou d'affle-l'eau.
- Jacques Séguéla
Ça a commencé comme ça. J'ai un petit sien et ça a commencé comme ça.
- Marine Adatto
Fort.
- Jacques Séguéla
Qu'est-ce qui t'inspire aujourd'hui ?
- Marine Adatto
Qu'est-ce qui m'inspire aujourd'hui ? Tout et rien. Rien parce que j'ai déjà fait le tour de tout. Et tout parce que je ne suis pas rassayé du tout. Moi je me réveille le matin, fou de bonheur d'aller à l'agence. Fou de bonheur, les gens traînent des pieds. Moi si je ne suis pas dans mon bureau, je meurs. J'arrive, parfois je n'ai rien à faire de la journée. Ou presque rien à faire. Dix minutes après, le téléphone commence à sonner, il y a un mec qui arrive, j'ai vu qu'un mec deux, trois fois venait là, ça veut dire qu'il a quelque chose à me demander, qu'il sera parti, etc. Et je finis la journée à 19h, parfois à 20h, je n'avais pas encore fait tout ce que j'avais à faire. Donc, je laisse venir à moi, non pas les petits enfants, mais les petites idées, qui peuvent devenir des grandes et belles idées. L'argent n'a pas d'idée, seules les idées font de l'argent. Stop.
- Jacques Séguéla
Est-ce que c'est cette phrase que tu aimerais que nos auditeurs retiennent de notre conversation ? Ou est-ce qu'il y a autre chose que tu aimerais qu'ils retiennent ? Oui, bien sûr,
- Marine Adatto
bien sûr, bien sûr.
- Jacques Séguéla
Est-ce que tu as un slogan à me proposer pour mon podcast ?
- Marine Adatto
Mais non, les slogans, ça n'est pas comme ça, 30 secondes. Comment il s'appelle ?
- Jacques Séguéla
Ok, dans ta voiture.
- Marine Adatto
Comment il s'appelle, Thomas ?
- Jacques Séguéla
Il s'appelle la légende personnelle.
- Marine Adatto
Mais la légende personnelle, c'est nul.
- Jacques Séguéla
Oh ben non, mais Jacques, tu ne peux pas me dire ça.
- Marine Adatto
Mais oui, je suis d'accord, mais la légende personnelle... Appelle. Mais la légende personnelle, qu'est-ce que ça veut dire la légende personnelle ?
- Jacques Séguéla
Tu suis ta légende personnelle ou alors tu te crées, en fait, tu te crées une marque aussi.
- Marine Adatto
Oui, mais enfin, c'est la légende qui est intéressante. Le podcast des légendes, c'est très beau. Ça te fait un logo magnifique, le podcast des légendes. Ok. Tu vois, c'est pas très compliqué.
- Jacques Séguéla
C'est pour ça que je suis venue te voir.
- Marine Adatto
Allez, ciao !
- Jacques Séguéla
Merci beaucoup, Jacques.
- Speaker #2
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