La pandémie musicale contre l'épidémie de la Covid-19 cover
La pandémie musicale contre l'épidémie de la Covid-19 cover
La petite musique du cerveau

La pandémie musicale contre l'épidémie de la Covid-19

La pandémie musicale contre l'épidémie de la Covid-19

21min |02/10/2020
Play
La pandémie musicale contre l'épidémie de la Covid-19 cover
La pandémie musicale contre l'épidémie de la Covid-19 cover
La petite musique du cerveau

La pandémie musicale contre l'épidémie de la Covid-19

La pandémie musicale contre l'épidémie de la Covid-19

21min |02/10/2020
Play

Description

Ou comment la musique est devenue une arme de résistance massive contre le stress et l’anxiété provoqués par le confinement.
Reportage à Paris avec Cyril Boufiesse, altiste de l’Orchestre national de France, Elsa Bacle, réalisatrice, Carla Bianchi, comédienne et humoriste, et une mise en contexte par les neuroscientifiques Robert Zatorre de l’Université McGill à Montréal et Emmanuel Bigand de l’Université de Bourgogne.

Les extraits sonores sont tirés du film Les Balcons #1, réalisé par Elsa Bacle, avec l’aimable autorisation des artistes.

Pour en savoir plus : Les bienfaits de la musique sur le cerveau, sous la direction d’Emmanuel Bigand, Editions Belin


Un podcast de Sacem Université et France Musique - 2021


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Sacem Université présente la petite musique du cerveau.

  • Speaker #1

    C'est vrai qu'en début de confinement, on était tous inquiets, on ne savait pas, enfin tout le monde s'est confiné extrêmement vite. On sentait qu'il y avait une anxiété un peu palpable, on sent qu'il y a une énergie particulière.

  • Speaker #2

    Cyril Bouffiès est altiste à l'Orchestre National de France. Il se trouve chez lui, dans le 18e arrondissement parisien. lorsque le 16 mars dernier, Emmanuel Macron décrète le début du confinement en France.

  • Speaker #1

    Dès demain midi et pour 15 jours au moins, nos déplacements seront très fortement réduits. Cela signifie que les regroupements extérieurs, les réunions familiales ou amicales ne seront plus permises. Se promener, retrouver ses amis dans le parc, dans la rue. ne sera plus possible. Il s'agit de limiter au maximum ces contacts au-delà du foyer.

  • Speaker #2

    En ce mois de mars, la vague de la Covid-19 déferle sur la France. Le confinement devient une réalité, difficile à imaginer encore une semaine plus tôt. La vie est en suspens, les rues désertent. Nos déplacements sont limités au strict minimum. Assignés à résidence, nous apprenons à organiser une nouvelle vie en huis clos. et sortons tous les soirs à 20h sur nos fenêtres pour applaudir en soutien à tous ceux et celles qui luttent contre l'épidémie en première ligne. Une épidémie qui sévit depuis plusieurs mois déjà et est en pleine expansion. Dès janvier, la Chine a placé en confinement 165 millions de personnes. Avant la France, c'était l'Italie qui s'est mise en quarantaine, puis l'Espagne, l'Autriche, et peu après, quasiment... tous les pays en Europe et ensuite une bonne partie du monde. Au plus fort de la crise, la moitié de la population mondiale se trouve confinée. 3,5 milliards de personnes dans 80 pays. À Montmartre, en temps normal, même en mars, les rues sont envahies des touristes. Là, le quartier est inhabituellement calme. Cyril est confiné chez lui. Pendant la journée, il fait un peu de méditation, un peu de cuisine. Et le soir, il ouvre sa fenêtre pour se joindre aux applaudissements.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas, il y avait cette ambiance très, très petite. Il y avait tout le monde sur les réseaux, toutes les lumières allumées, les gens qui applaudissaient. Il y avait un truc un peu pesant. Mon bateau, il était aussi confiné depuis trois, quatre jours. Je n'avais pas forcément, au début, à se demander tout ce qui nous arrivait, l'envie de sortir l'instrument et de jouer. Et puis un soir, je me suis dit, tiens, allez, ça pourrait, les gens sont sur le balcon, on pourrait commencer à faire quelque chose. C'était un peu improvisé. Et ça s'est fait naturellement. Et puis j'ai ouvert ma boîte d'altouf. J'ai commencé à jouer du Bach. Il faisait bien froid à ce moment-là, quand on ouvrait les fenêtres pour se mettre sur le balcon, avec les doigts bien engourdis. En plus, j'ai vraiment pas, on dit les balcons, mais moi, c'est un balconnet. En plus, je suis au quatrième étage, c'est des étages assez hauts. Donc, à un moment, je me suis avancé, j'ai un peu cette sensation de vertige. Et donc, du coup, je suis resté avec un pied à moitié sur le balcon, un pied à moitié chez moi. Enfin, c'était très étonnant. C'est-à-dire, quand moi, je me mettais à jouer, je sentais vraiment l'écoute. On voit les gens dehors, sur leur balcon. avec les lumières de chaque appartement. Et en fait, j'ai un de mes meilleurs amis pianiste. On était ensemble au Conservatoire de Bordeaux, ensemble au CNSM de Paris. Et en fait, on se retrouve à habiter dans la même rue. Et donc, on a commencé à jouer un peu tous les soirs. On essayait de jouer des petites pièces pas trop compliquées où on pouvait essayer de s'entendre et essayer de jouer en même temps et être ensemble. Parce que lui-même, en laissant les fenêtres ouvertes, il a quand même le piano qui est au fond. alors que moi je pouvais m'avancer vraiment. Et en fait, avec l'effet d'écho dans la rue, on entendait extrêmement bien.

  • Speaker #2

    Ce que Cyril ne sait pas, c'est qu'il est loin d'être le seul à jouer à sa fenêtre tous les soirs. En ce mois de mars, l'Italie est le pays le plus touché par l'épidémie. Alors que les morts se chiffrent en milliers, les Italiens sortent sur les terrasses, toits, fenêtres et balcons et font de la musique pour lutter contre l'angoisse et l'isolement. Les quartiers entiers résonnent des mini-concerts improvisés entre voisins, des flash-mob familiaux ou des solos endiablés. Ces vidéos... captés par les téléphones portables, font le tour du web et inspirent d'autres guildes. Berlin, Budapest, Lille. Et les concerts à la fenêtre ne sont qu'une des manifestations multiples de cette nouvelle pandémie musicale. Les musiciens professionnels se mettent à proposer des concerts de leur lieu de confinement. D'autres détournent les mélodies existantes ou composent de nouvelles en soutien au personnel médical. Ce personnel médical qu'on voit aussi chanter, y compris en plein service dans les hôpitaux. Les médias mettent à disposition en streaming des heures et des heures de musique tout genre confondus. Les montages réunissent virtuellement les musiciens confinés chez eux. permettent de reconstituer chœurs et orchestres et attirent des millions de vues. Privés de contact physique, limités dans leurs mouvements, des milliers de personnes ressentent le besoin de vivre, à travers la musique, une expérience commune. Pour la petite histoire, quelques jours avant le début du confinement en France, nous avons fini de tourner le sixième épisode de La petite musique du cerveau. Il nous restait encore un podcast. Et le sujet s'est imposé de lui-même. J'ai décidé de décrypter cette impression que la musique à jouer pour beaucoup de gens a un rôle très important pendant cette crise. Retour à Paris, dans le 18e arrondissement. Dans un des appartements d'en face de chez Cyril, Elsa Bacl est derrière sa caméra. Elle est réalisatrice, confinée chez elle et depuis le premier soir, elle filme le quartier au moment des applaudissements.

  • Speaker #4

    Les deux premiers soirs, il n'y avait vraiment que les gens qui applaudissaient, un peu des cris, quelques casseroles, et puis un voisin, surtout au bout de la rue, qui mettait de la musique, aussi, bon là, enregistrée, qui diffusait avec des enceintes. Et c'est vrai que de filmer deux soirs d'affilée, je me suis dit, bon, il se passe des choses comme ça, étonnant, les fenêtres qui s'ouvrent, les fenêtres qui se ferment. Il y avait quelque chose d'assez joli, mais je me suis dit que j'allais très vite tourner en rond. Et j'ai hésité à filmer le troisième soir, et c'est là où, en refilmant un peu, Du coup, les mêmes choses que tout à coup, Cyril s'est mis à jouer à l'alto, donc presque en face de chez moi. Il y a eu vraiment quelque chose d'un coup, j'ai dévié ma caméra en plein milieu presque de son morceau, donc je n'avais pas réussi à attraper le début. On ne se connaissait pas du tout. Et tout à coup, d'avoir ce son d'alto magnifique, et il jouait avec un pianiste qui est du même côté que mon immeuble. Donc lui, je ne voyais pas, je n'ai pas le... Je n'ai pas l'image du pianiste, mais je l'entends, c'est hyper beau. Et le premier soir, ils ont joué tous les deux. C'est fort, il y a des lumières en plus hyper belles. Toutes ces images de fenêtres de gens qui écoutaient la musique, qui se disaient bonjour, au revoir. Et puis il a rejoué une fois d'après, et c'est là où on s'est mis d'ailleurs à discuter.

  • Speaker #1

    Même d'ailleurs, il était vraiment étonnant parce qu'il y a un moment où, une fois que les applaudissements étaient passés, une fois qu'on jouait, des fois on arrivait avec un verre de vin sur le balcon puis on discutait avec ses voisins. En ça, il y a des choses qui sont vraiment réfléchir, c'est-à-dire qu'il y a un lien qui se crée et qui ne se serait pas créé si tous les gens avaient continué dans leurs activités quotidiennes. Moi, je n'aurais peut-être pas échangé avec mes voisins d'en face en rentrant le soir d'une journée de répétition. Et là, en fait, on se parlait, on discutait.

  • Speaker #4

    Donc très rapidement, je lui ai dit que si ça ne l'embêtait pas aussi, que je le filme et que je lui enverrais les images. Parce que lui, il aurait peut-être envie de le partager avec sa famille qui est loin de lui, avec les voisins, avec d'autres gens. Et du coup, de balcon à balcon, on s'est échangé nos mails. Il m'a échangé les retours qu'il avait lui de son côté. Je lui ai dit que moi aussi, plein de gens me félicitaient et me demandaient de transmettre aux musiciens mes félicitations parce que c'était assez beau et touchant pour moi. beaucoup de gens. Il y a même des gens du fin fond de la Bretagne qui m'envoyaient des messages en disant j'ai pleuré devant ton fils, moi je suis seule au fond de ma Bretagne, personne ne se retrouve comme ça au balcon. On sentait que pour beaucoup de gens, c'était un moment aussi pour se remettre un peu avec la vie, avec les gens, de sortir de sa tanière. Donc c'était un moment assez étonnant.

  • Speaker #2

    Quelques arrondissements plus loin, toujours à Paris.

  • Speaker #0

    Vous savez que moi je me suis confinée une semaine avant les autres, parce que j'avais tous mes amis, même les amis comme moi, des gens qui ne sont pas particulièrement hypochondriaques, qui m'ont dit « mais Carla, tu n'as pas compris, dans une semaine vous êtes comme ça, comme nous, donc reste chez toi » .

  • Speaker #2

    Carla Bianchi est comédienne et humoriste d'origine italienne installée à Paris. Confinée dans un petit appartement du 11e arrondissement, Elle aussi se tourne vers la musique pour affronter l'angoisse du confinement.

  • Speaker #0

    Du coup, j'ai fait des Skype avec ma famille bien avant l'heure. Et ils me racontaient qu'ils faisaient les flash mob avec mes neveux, qu'ils allaient sur la terrasse à chanter. J'ai une amie aussi, artiste, comédienne, qui chante dans les rues de Turin. Et je la voyais, qui chantait depuis sa fenêtre à Turin. Mais ça m'a pris quand même cinq semaines, moi, avant de trouver le courage de le faire, moi aussi. Et au bout d'un mois, en fait, de confinement, Je me suis dit, bon, allez, après les applaudissements, je me lance et je fais une chanson avec la guitare. Et j'avais super peur. Et donc, j'ai chanté avec vraiment une émotion, mais comme si on était à l'Olympia avec 3000 personnes. J'étais vraiment très stressée, je tremblais et tout. Et en fait, depuis ma fenêtre, on est sur un espèce d'amphithéâtre naturel. On avait plein de fenêtres un peu loin, on avait des gens en bas et tout. On voyait qu'il y avait des gens quand même qui applaudissaient. Et du coup, ça s'est bien passé. Je pense que les gens qui étaient là ce jour-là, ils ont applaudi, ils ont dit bravo, merci et tout. Et moi, personnellement, ça m'a fait un bien fou parce que j'avais un manque d'être en connexion avec les gens incroyables. Et donc, le lendemain, je me suis dit que je vais continuer. Et du coup, le lendemain, j'ai chanté à capella.

  • Speaker #2

    Pendant un mois, Carla chante tous les soirs une autre chanson de sa fenêtre. Pour les voisins, mais aussi pour tous ceux qu'elle aime et qui sont restés en Italie.

  • Speaker #0

    C'était très touchant d'avoir même les gens au loin qui étaient là tous les soirs. C'était un vrai lien. Par exemple, le 25 avril, c'est le jour de la libération en Italie. Moi, je suis italienne. Et donc, on a chanté Bella Ciao. Et là, c'était très beau, Bella Ciao, parce que maintenant, tout le monde la connaît un peu, cette chanson. Et du coup, tous les voisins chantaient. On a fait quelque chose tous ensemble. Après, dans le chat avec ma famille, avec ma mère, avec mon père, mes sœurs, je m'enregistrais et je leur envoyais. Effectivement, c'était une façon comme si on était à la fenêtre ensemble, en fait.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce que disent les neurosciences de cette nouvelle pandémie musicale ? Plusieurs études se sont penchées sur le rôle que la musique a joué pendant le confinement. L'une d'elles est actuellement en cours de finalisation à l'Institut des neurosciences de l'Université McGill de Montréal. Dirigée par le neuroscientifique Robert Zator, en collaboration avec trois collègues de New York, de Barcelone, d'Israël et d'Allemagne, elle consistait à proposer à 1200 personnes situées dans le monde entier un questionnaire de 40 activités à classer par l'ordre de l'importance en période de confinement. Lecture, film, écriture, cuisine, conversation avec des amis, exercice physique, drogue, sexe, prière ou méditation. Les chercheurs ont pris soin de ne pas suggérer la musique comme étant le sujet de l'étude. Robert Zator.

  • Speaker #5

    Le résultat principal, c'est que la musique a été choisie comme numéro 1 par 15% de la population, par rapport à 14% parler avec les amis ou la famille, 12,7% l'exercice, 10,9% la cuisine, 7,8% pour les films ou les documentaires. Et puis après ça, les chiffres sont très petits. Plus on a été affecté par le virus, plus l'écoute de la musique a augmenté. Parce que pendant les 1000 personnes, il y a des gens qui ont été très frappés par le virus. Ils ont perdu leur poche, ils ont perdu leur travail, des choses comme ça. Et alors notre hypothèse c'est que la musique permet aux gens de ressentir un certain... plaisir ou d'activer leur système de récompense dans le cerveau. Cela a un effet sur les émotions beaucoup plus important que les autres activités.

  • Speaker #2

    Contrairement à ce que l'on a pu observer dans les médias et sur les réseaux sociaux, selon les résultats de l'étude, la pratique musicale en groupe n'est pas le choix le plus fréquent.

  • Speaker #5

    Mon impression, c'est que l'aspect social joue un rôle. mais ce n'est pas le rôle principal parce qu'il y a beaucoup de personnes qui ont dit « Non, je n'ai pas eu l'occasion d'écouter ou de jouer de la musique avec d'autres personnes. J'étais tout seul et je n'avais pas de balcon ou j'avais un balcon, mais il n'y a personne qui sortait en même temps. Il y a toutes sortes de situations. En revanche, presque tout le monde a dit « Oui, j'ai écouté de la musique plus souvent chez moi. » pendant le confinement que d'habitude et cela m'a beaucoup aidé. Nous avons l'impression que les gens choisissaient d'écouter de la musique familière plus souvent que de la nouvelle musique, pour leur donner un peu de sentiment de confort. Donc la musique de l'enfance, la musique favori des parents, ou aussi de la ville ou du pays où j'ai grandi. Quand je parle d'émotions, il y a aussi la façon dont on arrive aux émotions. Et des fois, c'est par rapport à la mémoire. Si on pense aux parents, même aux grands-parents, quand on était petit, normalement c'est une période heureuse de la vie. Et s'il y avait une certaine musique qui nous fait penser à ces endroits, à ces personnes, à ces époques, tout cela donne un sentiment de reconfort qui était très important pendant la pire période de la crise.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce qu'on en retient ? Deux fonctions principales de la musique en période de crise, son impact sur les émotions et son rôle de lien social. Emmanuel Bigan est chercheur à l'Université de Bourgogne spécialisé dans les relations entre la musique et le cerveau. Il y a quelques années, il a dirigé un ouvrage collectif intitulé « Les bienfaits de la musique sur le cerveau » . Je lui ai posé la question de savoir pourquoi on s'est si massivement tourné vers la musique et comment elle agit sur notre cerveau.

  • Speaker #3

    Prochain ouvrage qui va sortir sur la symphonie neuronale qu'on a écrit avec Barbara Pimane, on a développé cette idée qu'on est biologiquement dépendant de la musique. On a un besoin absolu de la musique, notre cerveau et notre vie psychologique a un besoin de la musique parce que ça répond à des besoins fondamentaux de connexion avec les autres. L'histoire même musicale pourrait commencer comme ça, de la nécessité que l'humain a d'être connecté avec les autres humains, à commencer par le tout jeune bébé et même peut-être le fœtus. Et là, on s'est retrouvé dans une situation tout à fait proche. Les gens ne pouvaient pas se voir, et encore moins se toucher. Donc, il y avait des tas de moyens de communication qui étaient perdus, et il ne restait que le son qui traverse les distances. Et donc, c'est un besoin de mise en relation sociale par le son qui s'est exprimé. Alors, lorsque l'on se synchronise avec quelqu'un, que ce soit par le mouvement, il n'y a pas que la musique, bien sûr, on change la relation. d'empathie au sens de la relation sociale qu'on a avec lui et la personne nous paraît beaucoup plus sympathique, on lui fait confiance et donc on entre dans une relation de collaboration. C'est évident que lorsqu'on est en détresse, on a absolument besoin de sentir qu'une collaboration avec d'autres est possible. Quand je dis que c'est absolument besoin, vraiment, c'est vraiment au sens fort, c'est au même titre qu'un bébé a absolument besoin de l'affection de ses proches, que ce soit ses parents ou des substituts parentaux, bien sûr. Désert, c'est vital. Ce besoin d'attachement, évidemment, il est présent, je l'entends, mais il reste jusqu'à la fin de la vie. Donc, évidemment, quand tout va bien, et c'est dans la plupart des cas, on n'a pas besoin de faire ça. Mais dès le moment où la situation extérieure nous secoue un tout petit peu, comme c'était le cas, alors on a besoin absolument de retrouver ce sentiment d'attachement. La musique est un super moyen pour faire cela. Tout le monde se met au même rythme, eh bien, on s'attache les uns aux autres comme cela. qui était... original dans la situation actuelle, c'est qu'on a un peu oublié toutes ces fonctions fondamentales de la musique. On l'a un peu oublié parce qu'on est dans une société où on consomme de la musique. On la pratique peu et on l'écoute parfois pas vraiment. Ce qui est intéressant, c'est que quand la vie ébranle un petit peu nos habitudes d'enfant gâté, j'aime bien dire cela, c'est vrai, on retombe vers des comportements qui soient sur des fondamentaux en quelque sorte de notre existence. Et la musique en fait partie, c'est ce qu'on a vu. quasiment immédiatement se manifester chez nous. Donc ça, c'était très impressionnant. La musique est un pot à pot sonore, donc une caresse, et ça vous enveloppe complètement, parce que le son, il rentre par les oreilles, mais on le perçoit aussi globalement dans le corps. Il y a tout un ensemble de neurotransmetteurs et d'hormones qui sont associés à notre état psychologique. Il y a des moments où il y a des troubles, on manque d'énergie, on est agressif, on a du stress. le succès. C'est du cortisol, une hormone qui est associée à cela. On peut modifier cette biochimie du cerveau par la musique, et d'ailleurs on le fait assez naturellement. On va essayer d'écouter les morceaux de musique qui vont modifier notre état psychologique, nos humeurs, comme on dit. Donc on peut vraiment revitaliser, reprendre de l'énergie, reprendre courage, reprendre confiance dans la vie grâce à cela. Donc c'est sûr que lorsque l'on est dans des situations un peu stressantes, comme celles qu'on avait eues, Merci. recours à la musique et une super médecine non-invasive, si vous voulez.

  • Speaker #2

    La musique, un besoin vital. Voici en résumé le fil rouge du podcast La petite musique du cerveau. Merci d'avoir écouté ce premier épisode et à bientôt.

Chapters

  • Introduction à l'épisode et contexte du confinement

    00:07

  • L'impact du confinement sur la vie quotidienne

    00:20

  • Cyril Bouffiesse et son expérience musicale

    00:27

  • La musique et l'isolement en Italie

    05:07

  • Les neurosciences et le rôle de la musique pendant la crise

    13:13

Description

Ou comment la musique est devenue une arme de résistance massive contre le stress et l’anxiété provoqués par le confinement.
Reportage à Paris avec Cyril Boufiesse, altiste de l’Orchestre national de France, Elsa Bacle, réalisatrice, Carla Bianchi, comédienne et humoriste, et une mise en contexte par les neuroscientifiques Robert Zatorre de l’Université McGill à Montréal et Emmanuel Bigand de l’Université de Bourgogne.

Les extraits sonores sont tirés du film Les Balcons #1, réalisé par Elsa Bacle, avec l’aimable autorisation des artistes.

Pour en savoir plus : Les bienfaits de la musique sur le cerveau, sous la direction d’Emmanuel Bigand, Editions Belin


Un podcast de Sacem Université et France Musique - 2021


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Sacem Université présente la petite musique du cerveau.

  • Speaker #1

    C'est vrai qu'en début de confinement, on était tous inquiets, on ne savait pas, enfin tout le monde s'est confiné extrêmement vite. On sentait qu'il y avait une anxiété un peu palpable, on sent qu'il y a une énergie particulière.

  • Speaker #2

    Cyril Bouffiès est altiste à l'Orchestre National de France. Il se trouve chez lui, dans le 18e arrondissement parisien. lorsque le 16 mars dernier, Emmanuel Macron décrète le début du confinement en France.

  • Speaker #1

    Dès demain midi et pour 15 jours au moins, nos déplacements seront très fortement réduits. Cela signifie que les regroupements extérieurs, les réunions familiales ou amicales ne seront plus permises. Se promener, retrouver ses amis dans le parc, dans la rue. ne sera plus possible. Il s'agit de limiter au maximum ces contacts au-delà du foyer.

  • Speaker #2

    En ce mois de mars, la vague de la Covid-19 déferle sur la France. Le confinement devient une réalité, difficile à imaginer encore une semaine plus tôt. La vie est en suspens, les rues désertent. Nos déplacements sont limités au strict minimum. Assignés à résidence, nous apprenons à organiser une nouvelle vie en huis clos. et sortons tous les soirs à 20h sur nos fenêtres pour applaudir en soutien à tous ceux et celles qui luttent contre l'épidémie en première ligne. Une épidémie qui sévit depuis plusieurs mois déjà et est en pleine expansion. Dès janvier, la Chine a placé en confinement 165 millions de personnes. Avant la France, c'était l'Italie qui s'est mise en quarantaine, puis l'Espagne, l'Autriche, et peu après, quasiment... tous les pays en Europe et ensuite une bonne partie du monde. Au plus fort de la crise, la moitié de la population mondiale se trouve confinée. 3,5 milliards de personnes dans 80 pays. À Montmartre, en temps normal, même en mars, les rues sont envahies des touristes. Là, le quartier est inhabituellement calme. Cyril est confiné chez lui. Pendant la journée, il fait un peu de méditation, un peu de cuisine. Et le soir, il ouvre sa fenêtre pour se joindre aux applaudissements.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas, il y avait cette ambiance très, très petite. Il y avait tout le monde sur les réseaux, toutes les lumières allumées, les gens qui applaudissaient. Il y avait un truc un peu pesant. Mon bateau, il était aussi confiné depuis trois, quatre jours. Je n'avais pas forcément, au début, à se demander tout ce qui nous arrivait, l'envie de sortir l'instrument et de jouer. Et puis un soir, je me suis dit, tiens, allez, ça pourrait, les gens sont sur le balcon, on pourrait commencer à faire quelque chose. C'était un peu improvisé. Et ça s'est fait naturellement. Et puis j'ai ouvert ma boîte d'altouf. J'ai commencé à jouer du Bach. Il faisait bien froid à ce moment-là, quand on ouvrait les fenêtres pour se mettre sur le balcon, avec les doigts bien engourdis. En plus, j'ai vraiment pas, on dit les balcons, mais moi, c'est un balconnet. En plus, je suis au quatrième étage, c'est des étages assez hauts. Donc, à un moment, je me suis avancé, j'ai un peu cette sensation de vertige. Et donc, du coup, je suis resté avec un pied à moitié sur le balcon, un pied à moitié chez moi. Enfin, c'était très étonnant. C'est-à-dire, quand moi, je me mettais à jouer, je sentais vraiment l'écoute. On voit les gens dehors, sur leur balcon. avec les lumières de chaque appartement. Et en fait, j'ai un de mes meilleurs amis pianiste. On était ensemble au Conservatoire de Bordeaux, ensemble au CNSM de Paris. Et en fait, on se retrouve à habiter dans la même rue. Et donc, on a commencé à jouer un peu tous les soirs. On essayait de jouer des petites pièces pas trop compliquées où on pouvait essayer de s'entendre et essayer de jouer en même temps et être ensemble. Parce que lui-même, en laissant les fenêtres ouvertes, il a quand même le piano qui est au fond. alors que moi je pouvais m'avancer vraiment. Et en fait, avec l'effet d'écho dans la rue, on entendait extrêmement bien.

  • Speaker #2

    Ce que Cyril ne sait pas, c'est qu'il est loin d'être le seul à jouer à sa fenêtre tous les soirs. En ce mois de mars, l'Italie est le pays le plus touché par l'épidémie. Alors que les morts se chiffrent en milliers, les Italiens sortent sur les terrasses, toits, fenêtres et balcons et font de la musique pour lutter contre l'angoisse et l'isolement. Les quartiers entiers résonnent des mini-concerts improvisés entre voisins, des flash-mob familiaux ou des solos endiablés. Ces vidéos... captés par les téléphones portables, font le tour du web et inspirent d'autres guildes. Berlin, Budapest, Lille. Et les concerts à la fenêtre ne sont qu'une des manifestations multiples de cette nouvelle pandémie musicale. Les musiciens professionnels se mettent à proposer des concerts de leur lieu de confinement. D'autres détournent les mélodies existantes ou composent de nouvelles en soutien au personnel médical. Ce personnel médical qu'on voit aussi chanter, y compris en plein service dans les hôpitaux. Les médias mettent à disposition en streaming des heures et des heures de musique tout genre confondus. Les montages réunissent virtuellement les musiciens confinés chez eux. permettent de reconstituer chœurs et orchestres et attirent des millions de vues. Privés de contact physique, limités dans leurs mouvements, des milliers de personnes ressentent le besoin de vivre, à travers la musique, une expérience commune. Pour la petite histoire, quelques jours avant le début du confinement en France, nous avons fini de tourner le sixième épisode de La petite musique du cerveau. Il nous restait encore un podcast. Et le sujet s'est imposé de lui-même. J'ai décidé de décrypter cette impression que la musique à jouer pour beaucoup de gens a un rôle très important pendant cette crise. Retour à Paris, dans le 18e arrondissement. Dans un des appartements d'en face de chez Cyril, Elsa Bacl est derrière sa caméra. Elle est réalisatrice, confinée chez elle et depuis le premier soir, elle filme le quartier au moment des applaudissements.

  • Speaker #4

    Les deux premiers soirs, il n'y avait vraiment que les gens qui applaudissaient, un peu des cris, quelques casseroles, et puis un voisin, surtout au bout de la rue, qui mettait de la musique, aussi, bon là, enregistrée, qui diffusait avec des enceintes. Et c'est vrai que de filmer deux soirs d'affilée, je me suis dit, bon, il se passe des choses comme ça, étonnant, les fenêtres qui s'ouvrent, les fenêtres qui se ferment. Il y avait quelque chose d'assez joli, mais je me suis dit que j'allais très vite tourner en rond. Et j'ai hésité à filmer le troisième soir, et c'est là où, en refilmant un peu, Du coup, les mêmes choses que tout à coup, Cyril s'est mis à jouer à l'alto, donc presque en face de chez moi. Il y a eu vraiment quelque chose d'un coup, j'ai dévié ma caméra en plein milieu presque de son morceau, donc je n'avais pas réussi à attraper le début. On ne se connaissait pas du tout. Et tout à coup, d'avoir ce son d'alto magnifique, et il jouait avec un pianiste qui est du même côté que mon immeuble. Donc lui, je ne voyais pas, je n'ai pas le... Je n'ai pas l'image du pianiste, mais je l'entends, c'est hyper beau. Et le premier soir, ils ont joué tous les deux. C'est fort, il y a des lumières en plus hyper belles. Toutes ces images de fenêtres de gens qui écoutaient la musique, qui se disaient bonjour, au revoir. Et puis il a rejoué une fois d'après, et c'est là où on s'est mis d'ailleurs à discuter.

  • Speaker #1

    Même d'ailleurs, il était vraiment étonnant parce qu'il y a un moment où, une fois que les applaudissements étaient passés, une fois qu'on jouait, des fois on arrivait avec un verre de vin sur le balcon puis on discutait avec ses voisins. En ça, il y a des choses qui sont vraiment réfléchir, c'est-à-dire qu'il y a un lien qui se crée et qui ne se serait pas créé si tous les gens avaient continué dans leurs activités quotidiennes. Moi, je n'aurais peut-être pas échangé avec mes voisins d'en face en rentrant le soir d'une journée de répétition. Et là, en fait, on se parlait, on discutait.

  • Speaker #4

    Donc très rapidement, je lui ai dit que si ça ne l'embêtait pas aussi, que je le filme et que je lui enverrais les images. Parce que lui, il aurait peut-être envie de le partager avec sa famille qui est loin de lui, avec les voisins, avec d'autres gens. Et du coup, de balcon à balcon, on s'est échangé nos mails. Il m'a échangé les retours qu'il avait lui de son côté. Je lui ai dit que moi aussi, plein de gens me félicitaient et me demandaient de transmettre aux musiciens mes félicitations parce que c'était assez beau et touchant pour moi. beaucoup de gens. Il y a même des gens du fin fond de la Bretagne qui m'envoyaient des messages en disant j'ai pleuré devant ton fils, moi je suis seule au fond de ma Bretagne, personne ne se retrouve comme ça au balcon. On sentait que pour beaucoup de gens, c'était un moment aussi pour se remettre un peu avec la vie, avec les gens, de sortir de sa tanière. Donc c'était un moment assez étonnant.

  • Speaker #2

    Quelques arrondissements plus loin, toujours à Paris.

  • Speaker #0

    Vous savez que moi je me suis confinée une semaine avant les autres, parce que j'avais tous mes amis, même les amis comme moi, des gens qui ne sont pas particulièrement hypochondriaques, qui m'ont dit « mais Carla, tu n'as pas compris, dans une semaine vous êtes comme ça, comme nous, donc reste chez toi » .

  • Speaker #2

    Carla Bianchi est comédienne et humoriste d'origine italienne installée à Paris. Confinée dans un petit appartement du 11e arrondissement, Elle aussi se tourne vers la musique pour affronter l'angoisse du confinement.

  • Speaker #0

    Du coup, j'ai fait des Skype avec ma famille bien avant l'heure. Et ils me racontaient qu'ils faisaient les flash mob avec mes neveux, qu'ils allaient sur la terrasse à chanter. J'ai une amie aussi, artiste, comédienne, qui chante dans les rues de Turin. Et je la voyais, qui chantait depuis sa fenêtre à Turin. Mais ça m'a pris quand même cinq semaines, moi, avant de trouver le courage de le faire, moi aussi. Et au bout d'un mois, en fait, de confinement, Je me suis dit, bon, allez, après les applaudissements, je me lance et je fais une chanson avec la guitare. Et j'avais super peur. Et donc, j'ai chanté avec vraiment une émotion, mais comme si on était à l'Olympia avec 3000 personnes. J'étais vraiment très stressée, je tremblais et tout. Et en fait, depuis ma fenêtre, on est sur un espèce d'amphithéâtre naturel. On avait plein de fenêtres un peu loin, on avait des gens en bas et tout. On voyait qu'il y avait des gens quand même qui applaudissaient. Et du coup, ça s'est bien passé. Je pense que les gens qui étaient là ce jour-là, ils ont applaudi, ils ont dit bravo, merci et tout. Et moi, personnellement, ça m'a fait un bien fou parce que j'avais un manque d'être en connexion avec les gens incroyables. Et donc, le lendemain, je me suis dit que je vais continuer. Et du coup, le lendemain, j'ai chanté à capella.

  • Speaker #2

    Pendant un mois, Carla chante tous les soirs une autre chanson de sa fenêtre. Pour les voisins, mais aussi pour tous ceux qu'elle aime et qui sont restés en Italie.

  • Speaker #0

    C'était très touchant d'avoir même les gens au loin qui étaient là tous les soirs. C'était un vrai lien. Par exemple, le 25 avril, c'est le jour de la libération en Italie. Moi, je suis italienne. Et donc, on a chanté Bella Ciao. Et là, c'était très beau, Bella Ciao, parce que maintenant, tout le monde la connaît un peu, cette chanson. Et du coup, tous les voisins chantaient. On a fait quelque chose tous ensemble. Après, dans le chat avec ma famille, avec ma mère, avec mon père, mes sœurs, je m'enregistrais et je leur envoyais. Effectivement, c'était une façon comme si on était à la fenêtre ensemble, en fait.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce que disent les neurosciences de cette nouvelle pandémie musicale ? Plusieurs études se sont penchées sur le rôle que la musique a joué pendant le confinement. L'une d'elles est actuellement en cours de finalisation à l'Institut des neurosciences de l'Université McGill de Montréal. Dirigée par le neuroscientifique Robert Zator, en collaboration avec trois collègues de New York, de Barcelone, d'Israël et d'Allemagne, elle consistait à proposer à 1200 personnes situées dans le monde entier un questionnaire de 40 activités à classer par l'ordre de l'importance en période de confinement. Lecture, film, écriture, cuisine, conversation avec des amis, exercice physique, drogue, sexe, prière ou méditation. Les chercheurs ont pris soin de ne pas suggérer la musique comme étant le sujet de l'étude. Robert Zator.

  • Speaker #5

    Le résultat principal, c'est que la musique a été choisie comme numéro 1 par 15% de la population, par rapport à 14% parler avec les amis ou la famille, 12,7% l'exercice, 10,9% la cuisine, 7,8% pour les films ou les documentaires. Et puis après ça, les chiffres sont très petits. Plus on a été affecté par le virus, plus l'écoute de la musique a augmenté. Parce que pendant les 1000 personnes, il y a des gens qui ont été très frappés par le virus. Ils ont perdu leur poche, ils ont perdu leur travail, des choses comme ça. Et alors notre hypothèse c'est que la musique permet aux gens de ressentir un certain... plaisir ou d'activer leur système de récompense dans le cerveau. Cela a un effet sur les émotions beaucoup plus important que les autres activités.

  • Speaker #2

    Contrairement à ce que l'on a pu observer dans les médias et sur les réseaux sociaux, selon les résultats de l'étude, la pratique musicale en groupe n'est pas le choix le plus fréquent.

  • Speaker #5

    Mon impression, c'est que l'aspect social joue un rôle. mais ce n'est pas le rôle principal parce qu'il y a beaucoup de personnes qui ont dit « Non, je n'ai pas eu l'occasion d'écouter ou de jouer de la musique avec d'autres personnes. J'étais tout seul et je n'avais pas de balcon ou j'avais un balcon, mais il n'y a personne qui sortait en même temps. Il y a toutes sortes de situations. En revanche, presque tout le monde a dit « Oui, j'ai écouté de la musique plus souvent chez moi. » pendant le confinement que d'habitude et cela m'a beaucoup aidé. Nous avons l'impression que les gens choisissaient d'écouter de la musique familière plus souvent que de la nouvelle musique, pour leur donner un peu de sentiment de confort. Donc la musique de l'enfance, la musique favori des parents, ou aussi de la ville ou du pays où j'ai grandi. Quand je parle d'émotions, il y a aussi la façon dont on arrive aux émotions. Et des fois, c'est par rapport à la mémoire. Si on pense aux parents, même aux grands-parents, quand on était petit, normalement c'est une période heureuse de la vie. Et s'il y avait une certaine musique qui nous fait penser à ces endroits, à ces personnes, à ces époques, tout cela donne un sentiment de reconfort qui était très important pendant la pire période de la crise.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce qu'on en retient ? Deux fonctions principales de la musique en période de crise, son impact sur les émotions et son rôle de lien social. Emmanuel Bigan est chercheur à l'Université de Bourgogne spécialisé dans les relations entre la musique et le cerveau. Il y a quelques années, il a dirigé un ouvrage collectif intitulé « Les bienfaits de la musique sur le cerveau » . Je lui ai posé la question de savoir pourquoi on s'est si massivement tourné vers la musique et comment elle agit sur notre cerveau.

  • Speaker #3

    Prochain ouvrage qui va sortir sur la symphonie neuronale qu'on a écrit avec Barbara Pimane, on a développé cette idée qu'on est biologiquement dépendant de la musique. On a un besoin absolu de la musique, notre cerveau et notre vie psychologique a un besoin de la musique parce que ça répond à des besoins fondamentaux de connexion avec les autres. L'histoire même musicale pourrait commencer comme ça, de la nécessité que l'humain a d'être connecté avec les autres humains, à commencer par le tout jeune bébé et même peut-être le fœtus. Et là, on s'est retrouvé dans une situation tout à fait proche. Les gens ne pouvaient pas se voir, et encore moins se toucher. Donc, il y avait des tas de moyens de communication qui étaient perdus, et il ne restait que le son qui traverse les distances. Et donc, c'est un besoin de mise en relation sociale par le son qui s'est exprimé. Alors, lorsque l'on se synchronise avec quelqu'un, que ce soit par le mouvement, il n'y a pas que la musique, bien sûr, on change la relation. d'empathie au sens de la relation sociale qu'on a avec lui et la personne nous paraît beaucoup plus sympathique, on lui fait confiance et donc on entre dans une relation de collaboration. C'est évident que lorsqu'on est en détresse, on a absolument besoin de sentir qu'une collaboration avec d'autres est possible. Quand je dis que c'est absolument besoin, vraiment, c'est vraiment au sens fort, c'est au même titre qu'un bébé a absolument besoin de l'affection de ses proches, que ce soit ses parents ou des substituts parentaux, bien sûr. Désert, c'est vital. Ce besoin d'attachement, évidemment, il est présent, je l'entends, mais il reste jusqu'à la fin de la vie. Donc, évidemment, quand tout va bien, et c'est dans la plupart des cas, on n'a pas besoin de faire ça. Mais dès le moment où la situation extérieure nous secoue un tout petit peu, comme c'était le cas, alors on a besoin absolument de retrouver ce sentiment d'attachement. La musique est un super moyen pour faire cela. Tout le monde se met au même rythme, eh bien, on s'attache les uns aux autres comme cela. qui était... original dans la situation actuelle, c'est qu'on a un peu oublié toutes ces fonctions fondamentales de la musique. On l'a un peu oublié parce qu'on est dans une société où on consomme de la musique. On la pratique peu et on l'écoute parfois pas vraiment. Ce qui est intéressant, c'est que quand la vie ébranle un petit peu nos habitudes d'enfant gâté, j'aime bien dire cela, c'est vrai, on retombe vers des comportements qui soient sur des fondamentaux en quelque sorte de notre existence. Et la musique en fait partie, c'est ce qu'on a vu. quasiment immédiatement se manifester chez nous. Donc ça, c'était très impressionnant. La musique est un pot à pot sonore, donc une caresse, et ça vous enveloppe complètement, parce que le son, il rentre par les oreilles, mais on le perçoit aussi globalement dans le corps. Il y a tout un ensemble de neurotransmetteurs et d'hormones qui sont associés à notre état psychologique. Il y a des moments où il y a des troubles, on manque d'énergie, on est agressif, on a du stress. le succès. C'est du cortisol, une hormone qui est associée à cela. On peut modifier cette biochimie du cerveau par la musique, et d'ailleurs on le fait assez naturellement. On va essayer d'écouter les morceaux de musique qui vont modifier notre état psychologique, nos humeurs, comme on dit. Donc on peut vraiment revitaliser, reprendre de l'énergie, reprendre courage, reprendre confiance dans la vie grâce à cela. Donc c'est sûr que lorsque l'on est dans des situations un peu stressantes, comme celles qu'on avait eues, Merci. recours à la musique et une super médecine non-invasive, si vous voulez.

  • Speaker #2

    La musique, un besoin vital. Voici en résumé le fil rouge du podcast La petite musique du cerveau. Merci d'avoir écouté ce premier épisode et à bientôt.

Chapters

  • Introduction à l'épisode et contexte du confinement

    00:07

  • L'impact du confinement sur la vie quotidienne

    00:20

  • Cyril Bouffiesse et son expérience musicale

    00:27

  • La musique et l'isolement en Italie

    05:07

  • Les neurosciences et le rôle de la musique pendant la crise

    13:13

Share

Embed

You may also like

Description

Ou comment la musique est devenue une arme de résistance massive contre le stress et l’anxiété provoqués par le confinement.
Reportage à Paris avec Cyril Boufiesse, altiste de l’Orchestre national de France, Elsa Bacle, réalisatrice, Carla Bianchi, comédienne et humoriste, et une mise en contexte par les neuroscientifiques Robert Zatorre de l’Université McGill à Montréal et Emmanuel Bigand de l’Université de Bourgogne.

Les extraits sonores sont tirés du film Les Balcons #1, réalisé par Elsa Bacle, avec l’aimable autorisation des artistes.

Pour en savoir plus : Les bienfaits de la musique sur le cerveau, sous la direction d’Emmanuel Bigand, Editions Belin


Un podcast de Sacem Université et France Musique - 2021


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Sacem Université présente la petite musique du cerveau.

  • Speaker #1

    C'est vrai qu'en début de confinement, on était tous inquiets, on ne savait pas, enfin tout le monde s'est confiné extrêmement vite. On sentait qu'il y avait une anxiété un peu palpable, on sent qu'il y a une énergie particulière.

  • Speaker #2

    Cyril Bouffiès est altiste à l'Orchestre National de France. Il se trouve chez lui, dans le 18e arrondissement parisien. lorsque le 16 mars dernier, Emmanuel Macron décrète le début du confinement en France.

  • Speaker #1

    Dès demain midi et pour 15 jours au moins, nos déplacements seront très fortement réduits. Cela signifie que les regroupements extérieurs, les réunions familiales ou amicales ne seront plus permises. Se promener, retrouver ses amis dans le parc, dans la rue. ne sera plus possible. Il s'agit de limiter au maximum ces contacts au-delà du foyer.

  • Speaker #2

    En ce mois de mars, la vague de la Covid-19 déferle sur la France. Le confinement devient une réalité, difficile à imaginer encore une semaine plus tôt. La vie est en suspens, les rues désertent. Nos déplacements sont limités au strict minimum. Assignés à résidence, nous apprenons à organiser une nouvelle vie en huis clos. et sortons tous les soirs à 20h sur nos fenêtres pour applaudir en soutien à tous ceux et celles qui luttent contre l'épidémie en première ligne. Une épidémie qui sévit depuis plusieurs mois déjà et est en pleine expansion. Dès janvier, la Chine a placé en confinement 165 millions de personnes. Avant la France, c'était l'Italie qui s'est mise en quarantaine, puis l'Espagne, l'Autriche, et peu après, quasiment... tous les pays en Europe et ensuite une bonne partie du monde. Au plus fort de la crise, la moitié de la population mondiale se trouve confinée. 3,5 milliards de personnes dans 80 pays. À Montmartre, en temps normal, même en mars, les rues sont envahies des touristes. Là, le quartier est inhabituellement calme. Cyril est confiné chez lui. Pendant la journée, il fait un peu de méditation, un peu de cuisine. Et le soir, il ouvre sa fenêtre pour se joindre aux applaudissements.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas, il y avait cette ambiance très, très petite. Il y avait tout le monde sur les réseaux, toutes les lumières allumées, les gens qui applaudissaient. Il y avait un truc un peu pesant. Mon bateau, il était aussi confiné depuis trois, quatre jours. Je n'avais pas forcément, au début, à se demander tout ce qui nous arrivait, l'envie de sortir l'instrument et de jouer. Et puis un soir, je me suis dit, tiens, allez, ça pourrait, les gens sont sur le balcon, on pourrait commencer à faire quelque chose. C'était un peu improvisé. Et ça s'est fait naturellement. Et puis j'ai ouvert ma boîte d'altouf. J'ai commencé à jouer du Bach. Il faisait bien froid à ce moment-là, quand on ouvrait les fenêtres pour se mettre sur le balcon, avec les doigts bien engourdis. En plus, j'ai vraiment pas, on dit les balcons, mais moi, c'est un balconnet. En plus, je suis au quatrième étage, c'est des étages assez hauts. Donc, à un moment, je me suis avancé, j'ai un peu cette sensation de vertige. Et donc, du coup, je suis resté avec un pied à moitié sur le balcon, un pied à moitié chez moi. Enfin, c'était très étonnant. C'est-à-dire, quand moi, je me mettais à jouer, je sentais vraiment l'écoute. On voit les gens dehors, sur leur balcon. avec les lumières de chaque appartement. Et en fait, j'ai un de mes meilleurs amis pianiste. On était ensemble au Conservatoire de Bordeaux, ensemble au CNSM de Paris. Et en fait, on se retrouve à habiter dans la même rue. Et donc, on a commencé à jouer un peu tous les soirs. On essayait de jouer des petites pièces pas trop compliquées où on pouvait essayer de s'entendre et essayer de jouer en même temps et être ensemble. Parce que lui-même, en laissant les fenêtres ouvertes, il a quand même le piano qui est au fond. alors que moi je pouvais m'avancer vraiment. Et en fait, avec l'effet d'écho dans la rue, on entendait extrêmement bien.

  • Speaker #2

    Ce que Cyril ne sait pas, c'est qu'il est loin d'être le seul à jouer à sa fenêtre tous les soirs. En ce mois de mars, l'Italie est le pays le plus touché par l'épidémie. Alors que les morts se chiffrent en milliers, les Italiens sortent sur les terrasses, toits, fenêtres et balcons et font de la musique pour lutter contre l'angoisse et l'isolement. Les quartiers entiers résonnent des mini-concerts improvisés entre voisins, des flash-mob familiaux ou des solos endiablés. Ces vidéos... captés par les téléphones portables, font le tour du web et inspirent d'autres guildes. Berlin, Budapest, Lille. Et les concerts à la fenêtre ne sont qu'une des manifestations multiples de cette nouvelle pandémie musicale. Les musiciens professionnels se mettent à proposer des concerts de leur lieu de confinement. D'autres détournent les mélodies existantes ou composent de nouvelles en soutien au personnel médical. Ce personnel médical qu'on voit aussi chanter, y compris en plein service dans les hôpitaux. Les médias mettent à disposition en streaming des heures et des heures de musique tout genre confondus. Les montages réunissent virtuellement les musiciens confinés chez eux. permettent de reconstituer chœurs et orchestres et attirent des millions de vues. Privés de contact physique, limités dans leurs mouvements, des milliers de personnes ressentent le besoin de vivre, à travers la musique, une expérience commune. Pour la petite histoire, quelques jours avant le début du confinement en France, nous avons fini de tourner le sixième épisode de La petite musique du cerveau. Il nous restait encore un podcast. Et le sujet s'est imposé de lui-même. J'ai décidé de décrypter cette impression que la musique à jouer pour beaucoup de gens a un rôle très important pendant cette crise. Retour à Paris, dans le 18e arrondissement. Dans un des appartements d'en face de chez Cyril, Elsa Bacl est derrière sa caméra. Elle est réalisatrice, confinée chez elle et depuis le premier soir, elle filme le quartier au moment des applaudissements.

  • Speaker #4

    Les deux premiers soirs, il n'y avait vraiment que les gens qui applaudissaient, un peu des cris, quelques casseroles, et puis un voisin, surtout au bout de la rue, qui mettait de la musique, aussi, bon là, enregistrée, qui diffusait avec des enceintes. Et c'est vrai que de filmer deux soirs d'affilée, je me suis dit, bon, il se passe des choses comme ça, étonnant, les fenêtres qui s'ouvrent, les fenêtres qui se ferment. Il y avait quelque chose d'assez joli, mais je me suis dit que j'allais très vite tourner en rond. Et j'ai hésité à filmer le troisième soir, et c'est là où, en refilmant un peu, Du coup, les mêmes choses que tout à coup, Cyril s'est mis à jouer à l'alto, donc presque en face de chez moi. Il y a eu vraiment quelque chose d'un coup, j'ai dévié ma caméra en plein milieu presque de son morceau, donc je n'avais pas réussi à attraper le début. On ne se connaissait pas du tout. Et tout à coup, d'avoir ce son d'alto magnifique, et il jouait avec un pianiste qui est du même côté que mon immeuble. Donc lui, je ne voyais pas, je n'ai pas le... Je n'ai pas l'image du pianiste, mais je l'entends, c'est hyper beau. Et le premier soir, ils ont joué tous les deux. C'est fort, il y a des lumières en plus hyper belles. Toutes ces images de fenêtres de gens qui écoutaient la musique, qui se disaient bonjour, au revoir. Et puis il a rejoué une fois d'après, et c'est là où on s'est mis d'ailleurs à discuter.

  • Speaker #1

    Même d'ailleurs, il était vraiment étonnant parce qu'il y a un moment où, une fois que les applaudissements étaient passés, une fois qu'on jouait, des fois on arrivait avec un verre de vin sur le balcon puis on discutait avec ses voisins. En ça, il y a des choses qui sont vraiment réfléchir, c'est-à-dire qu'il y a un lien qui se crée et qui ne se serait pas créé si tous les gens avaient continué dans leurs activités quotidiennes. Moi, je n'aurais peut-être pas échangé avec mes voisins d'en face en rentrant le soir d'une journée de répétition. Et là, en fait, on se parlait, on discutait.

  • Speaker #4

    Donc très rapidement, je lui ai dit que si ça ne l'embêtait pas aussi, que je le filme et que je lui enverrais les images. Parce que lui, il aurait peut-être envie de le partager avec sa famille qui est loin de lui, avec les voisins, avec d'autres gens. Et du coup, de balcon à balcon, on s'est échangé nos mails. Il m'a échangé les retours qu'il avait lui de son côté. Je lui ai dit que moi aussi, plein de gens me félicitaient et me demandaient de transmettre aux musiciens mes félicitations parce que c'était assez beau et touchant pour moi. beaucoup de gens. Il y a même des gens du fin fond de la Bretagne qui m'envoyaient des messages en disant j'ai pleuré devant ton fils, moi je suis seule au fond de ma Bretagne, personne ne se retrouve comme ça au balcon. On sentait que pour beaucoup de gens, c'était un moment aussi pour se remettre un peu avec la vie, avec les gens, de sortir de sa tanière. Donc c'était un moment assez étonnant.

  • Speaker #2

    Quelques arrondissements plus loin, toujours à Paris.

  • Speaker #0

    Vous savez que moi je me suis confinée une semaine avant les autres, parce que j'avais tous mes amis, même les amis comme moi, des gens qui ne sont pas particulièrement hypochondriaques, qui m'ont dit « mais Carla, tu n'as pas compris, dans une semaine vous êtes comme ça, comme nous, donc reste chez toi » .

  • Speaker #2

    Carla Bianchi est comédienne et humoriste d'origine italienne installée à Paris. Confinée dans un petit appartement du 11e arrondissement, Elle aussi se tourne vers la musique pour affronter l'angoisse du confinement.

  • Speaker #0

    Du coup, j'ai fait des Skype avec ma famille bien avant l'heure. Et ils me racontaient qu'ils faisaient les flash mob avec mes neveux, qu'ils allaient sur la terrasse à chanter. J'ai une amie aussi, artiste, comédienne, qui chante dans les rues de Turin. Et je la voyais, qui chantait depuis sa fenêtre à Turin. Mais ça m'a pris quand même cinq semaines, moi, avant de trouver le courage de le faire, moi aussi. Et au bout d'un mois, en fait, de confinement, Je me suis dit, bon, allez, après les applaudissements, je me lance et je fais une chanson avec la guitare. Et j'avais super peur. Et donc, j'ai chanté avec vraiment une émotion, mais comme si on était à l'Olympia avec 3000 personnes. J'étais vraiment très stressée, je tremblais et tout. Et en fait, depuis ma fenêtre, on est sur un espèce d'amphithéâtre naturel. On avait plein de fenêtres un peu loin, on avait des gens en bas et tout. On voyait qu'il y avait des gens quand même qui applaudissaient. Et du coup, ça s'est bien passé. Je pense que les gens qui étaient là ce jour-là, ils ont applaudi, ils ont dit bravo, merci et tout. Et moi, personnellement, ça m'a fait un bien fou parce que j'avais un manque d'être en connexion avec les gens incroyables. Et donc, le lendemain, je me suis dit que je vais continuer. Et du coup, le lendemain, j'ai chanté à capella.

  • Speaker #2

    Pendant un mois, Carla chante tous les soirs une autre chanson de sa fenêtre. Pour les voisins, mais aussi pour tous ceux qu'elle aime et qui sont restés en Italie.

  • Speaker #0

    C'était très touchant d'avoir même les gens au loin qui étaient là tous les soirs. C'était un vrai lien. Par exemple, le 25 avril, c'est le jour de la libération en Italie. Moi, je suis italienne. Et donc, on a chanté Bella Ciao. Et là, c'était très beau, Bella Ciao, parce que maintenant, tout le monde la connaît un peu, cette chanson. Et du coup, tous les voisins chantaient. On a fait quelque chose tous ensemble. Après, dans le chat avec ma famille, avec ma mère, avec mon père, mes sœurs, je m'enregistrais et je leur envoyais. Effectivement, c'était une façon comme si on était à la fenêtre ensemble, en fait.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce que disent les neurosciences de cette nouvelle pandémie musicale ? Plusieurs études se sont penchées sur le rôle que la musique a joué pendant le confinement. L'une d'elles est actuellement en cours de finalisation à l'Institut des neurosciences de l'Université McGill de Montréal. Dirigée par le neuroscientifique Robert Zator, en collaboration avec trois collègues de New York, de Barcelone, d'Israël et d'Allemagne, elle consistait à proposer à 1200 personnes situées dans le monde entier un questionnaire de 40 activités à classer par l'ordre de l'importance en période de confinement. Lecture, film, écriture, cuisine, conversation avec des amis, exercice physique, drogue, sexe, prière ou méditation. Les chercheurs ont pris soin de ne pas suggérer la musique comme étant le sujet de l'étude. Robert Zator.

  • Speaker #5

    Le résultat principal, c'est que la musique a été choisie comme numéro 1 par 15% de la population, par rapport à 14% parler avec les amis ou la famille, 12,7% l'exercice, 10,9% la cuisine, 7,8% pour les films ou les documentaires. Et puis après ça, les chiffres sont très petits. Plus on a été affecté par le virus, plus l'écoute de la musique a augmenté. Parce que pendant les 1000 personnes, il y a des gens qui ont été très frappés par le virus. Ils ont perdu leur poche, ils ont perdu leur travail, des choses comme ça. Et alors notre hypothèse c'est que la musique permet aux gens de ressentir un certain... plaisir ou d'activer leur système de récompense dans le cerveau. Cela a un effet sur les émotions beaucoup plus important que les autres activités.

  • Speaker #2

    Contrairement à ce que l'on a pu observer dans les médias et sur les réseaux sociaux, selon les résultats de l'étude, la pratique musicale en groupe n'est pas le choix le plus fréquent.

  • Speaker #5

    Mon impression, c'est que l'aspect social joue un rôle. mais ce n'est pas le rôle principal parce qu'il y a beaucoup de personnes qui ont dit « Non, je n'ai pas eu l'occasion d'écouter ou de jouer de la musique avec d'autres personnes. J'étais tout seul et je n'avais pas de balcon ou j'avais un balcon, mais il n'y a personne qui sortait en même temps. Il y a toutes sortes de situations. En revanche, presque tout le monde a dit « Oui, j'ai écouté de la musique plus souvent chez moi. » pendant le confinement que d'habitude et cela m'a beaucoup aidé. Nous avons l'impression que les gens choisissaient d'écouter de la musique familière plus souvent que de la nouvelle musique, pour leur donner un peu de sentiment de confort. Donc la musique de l'enfance, la musique favori des parents, ou aussi de la ville ou du pays où j'ai grandi. Quand je parle d'émotions, il y a aussi la façon dont on arrive aux émotions. Et des fois, c'est par rapport à la mémoire. Si on pense aux parents, même aux grands-parents, quand on était petit, normalement c'est une période heureuse de la vie. Et s'il y avait une certaine musique qui nous fait penser à ces endroits, à ces personnes, à ces époques, tout cela donne un sentiment de reconfort qui était très important pendant la pire période de la crise.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce qu'on en retient ? Deux fonctions principales de la musique en période de crise, son impact sur les émotions et son rôle de lien social. Emmanuel Bigan est chercheur à l'Université de Bourgogne spécialisé dans les relations entre la musique et le cerveau. Il y a quelques années, il a dirigé un ouvrage collectif intitulé « Les bienfaits de la musique sur le cerveau » . Je lui ai posé la question de savoir pourquoi on s'est si massivement tourné vers la musique et comment elle agit sur notre cerveau.

  • Speaker #3

    Prochain ouvrage qui va sortir sur la symphonie neuronale qu'on a écrit avec Barbara Pimane, on a développé cette idée qu'on est biologiquement dépendant de la musique. On a un besoin absolu de la musique, notre cerveau et notre vie psychologique a un besoin de la musique parce que ça répond à des besoins fondamentaux de connexion avec les autres. L'histoire même musicale pourrait commencer comme ça, de la nécessité que l'humain a d'être connecté avec les autres humains, à commencer par le tout jeune bébé et même peut-être le fœtus. Et là, on s'est retrouvé dans une situation tout à fait proche. Les gens ne pouvaient pas se voir, et encore moins se toucher. Donc, il y avait des tas de moyens de communication qui étaient perdus, et il ne restait que le son qui traverse les distances. Et donc, c'est un besoin de mise en relation sociale par le son qui s'est exprimé. Alors, lorsque l'on se synchronise avec quelqu'un, que ce soit par le mouvement, il n'y a pas que la musique, bien sûr, on change la relation. d'empathie au sens de la relation sociale qu'on a avec lui et la personne nous paraît beaucoup plus sympathique, on lui fait confiance et donc on entre dans une relation de collaboration. C'est évident que lorsqu'on est en détresse, on a absolument besoin de sentir qu'une collaboration avec d'autres est possible. Quand je dis que c'est absolument besoin, vraiment, c'est vraiment au sens fort, c'est au même titre qu'un bébé a absolument besoin de l'affection de ses proches, que ce soit ses parents ou des substituts parentaux, bien sûr. Désert, c'est vital. Ce besoin d'attachement, évidemment, il est présent, je l'entends, mais il reste jusqu'à la fin de la vie. Donc, évidemment, quand tout va bien, et c'est dans la plupart des cas, on n'a pas besoin de faire ça. Mais dès le moment où la situation extérieure nous secoue un tout petit peu, comme c'était le cas, alors on a besoin absolument de retrouver ce sentiment d'attachement. La musique est un super moyen pour faire cela. Tout le monde se met au même rythme, eh bien, on s'attache les uns aux autres comme cela. qui était... original dans la situation actuelle, c'est qu'on a un peu oublié toutes ces fonctions fondamentales de la musique. On l'a un peu oublié parce qu'on est dans une société où on consomme de la musique. On la pratique peu et on l'écoute parfois pas vraiment. Ce qui est intéressant, c'est que quand la vie ébranle un petit peu nos habitudes d'enfant gâté, j'aime bien dire cela, c'est vrai, on retombe vers des comportements qui soient sur des fondamentaux en quelque sorte de notre existence. Et la musique en fait partie, c'est ce qu'on a vu. quasiment immédiatement se manifester chez nous. Donc ça, c'était très impressionnant. La musique est un pot à pot sonore, donc une caresse, et ça vous enveloppe complètement, parce que le son, il rentre par les oreilles, mais on le perçoit aussi globalement dans le corps. Il y a tout un ensemble de neurotransmetteurs et d'hormones qui sont associés à notre état psychologique. Il y a des moments où il y a des troubles, on manque d'énergie, on est agressif, on a du stress. le succès. C'est du cortisol, une hormone qui est associée à cela. On peut modifier cette biochimie du cerveau par la musique, et d'ailleurs on le fait assez naturellement. On va essayer d'écouter les morceaux de musique qui vont modifier notre état psychologique, nos humeurs, comme on dit. Donc on peut vraiment revitaliser, reprendre de l'énergie, reprendre courage, reprendre confiance dans la vie grâce à cela. Donc c'est sûr que lorsque l'on est dans des situations un peu stressantes, comme celles qu'on avait eues, Merci. recours à la musique et une super médecine non-invasive, si vous voulez.

  • Speaker #2

    La musique, un besoin vital. Voici en résumé le fil rouge du podcast La petite musique du cerveau. Merci d'avoir écouté ce premier épisode et à bientôt.

Chapters

  • Introduction à l'épisode et contexte du confinement

    00:07

  • L'impact du confinement sur la vie quotidienne

    00:20

  • Cyril Bouffiesse et son expérience musicale

    00:27

  • La musique et l'isolement en Italie

    05:07

  • Les neurosciences et le rôle de la musique pendant la crise

    13:13

Description

Ou comment la musique est devenue une arme de résistance massive contre le stress et l’anxiété provoqués par le confinement.
Reportage à Paris avec Cyril Boufiesse, altiste de l’Orchestre national de France, Elsa Bacle, réalisatrice, Carla Bianchi, comédienne et humoriste, et une mise en contexte par les neuroscientifiques Robert Zatorre de l’Université McGill à Montréal et Emmanuel Bigand de l’Université de Bourgogne.

Les extraits sonores sont tirés du film Les Balcons #1, réalisé par Elsa Bacle, avec l’aimable autorisation des artistes.

Pour en savoir plus : Les bienfaits de la musique sur le cerveau, sous la direction d’Emmanuel Bigand, Editions Belin


Un podcast de Sacem Université et France Musique - 2021


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Sacem Université présente la petite musique du cerveau.

  • Speaker #1

    C'est vrai qu'en début de confinement, on était tous inquiets, on ne savait pas, enfin tout le monde s'est confiné extrêmement vite. On sentait qu'il y avait une anxiété un peu palpable, on sent qu'il y a une énergie particulière.

  • Speaker #2

    Cyril Bouffiès est altiste à l'Orchestre National de France. Il se trouve chez lui, dans le 18e arrondissement parisien. lorsque le 16 mars dernier, Emmanuel Macron décrète le début du confinement en France.

  • Speaker #1

    Dès demain midi et pour 15 jours au moins, nos déplacements seront très fortement réduits. Cela signifie que les regroupements extérieurs, les réunions familiales ou amicales ne seront plus permises. Se promener, retrouver ses amis dans le parc, dans la rue. ne sera plus possible. Il s'agit de limiter au maximum ces contacts au-delà du foyer.

  • Speaker #2

    En ce mois de mars, la vague de la Covid-19 déferle sur la France. Le confinement devient une réalité, difficile à imaginer encore une semaine plus tôt. La vie est en suspens, les rues désertent. Nos déplacements sont limités au strict minimum. Assignés à résidence, nous apprenons à organiser une nouvelle vie en huis clos. et sortons tous les soirs à 20h sur nos fenêtres pour applaudir en soutien à tous ceux et celles qui luttent contre l'épidémie en première ligne. Une épidémie qui sévit depuis plusieurs mois déjà et est en pleine expansion. Dès janvier, la Chine a placé en confinement 165 millions de personnes. Avant la France, c'était l'Italie qui s'est mise en quarantaine, puis l'Espagne, l'Autriche, et peu après, quasiment... tous les pays en Europe et ensuite une bonne partie du monde. Au plus fort de la crise, la moitié de la population mondiale se trouve confinée. 3,5 milliards de personnes dans 80 pays. À Montmartre, en temps normal, même en mars, les rues sont envahies des touristes. Là, le quartier est inhabituellement calme. Cyril est confiné chez lui. Pendant la journée, il fait un peu de méditation, un peu de cuisine. Et le soir, il ouvre sa fenêtre pour se joindre aux applaudissements.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas, il y avait cette ambiance très, très petite. Il y avait tout le monde sur les réseaux, toutes les lumières allumées, les gens qui applaudissaient. Il y avait un truc un peu pesant. Mon bateau, il était aussi confiné depuis trois, quatre jours. Je n'avais pas forcément, au début, à se demander tout ce qui nous arrivait, l'envie de sortir l'instrument et de jouer. Et puis un soir, je me suis dit, tiens, allez, ça pourrait, les gens sont sur le balcon, on pourrait commencer à faire quelque chose. C'était un peu improvisé. Et ça s'est fait naturellement. Et puis j'ai ouvert ma boîte d'altouf. J'ai commencé à jouer du Bach. Il faisait bien froid à ce moment-là, quand on ouvrait les fenêtres pour se mettre sur le balcon, avec les doigts bien engourdis. En plus, j'ai vraiment pas, on dit les balcons, mais moi, c'est un balconnet. En plus, je suis au quatrième étage, c'est des étages assez hauts. Donc, à un moment, je me suis avancé, j'ai un peu cette sensation de vertige. Et donc, du coup, je suis resté avec un pied à moitié sur le balcon, un pied à moitié chez moi. Enfin, c'était très étonnant. C'est-à-dire, quand moi, je me mettais à jouer, je sentais vraiment l'écoute. On voit les gens dehors, sur leur balcon. avec les lumières de chaque appartement. Et en fait, j'ai un de mes meilleurs amis pianiste. On était ensemble au Conservatoire de Bordeaux, ensemble au CNSM de Paris. Et en fait, on se retrouve à habiter dans la même rue. Et donc, on a commencé à jouer un peu tous les soirs. On essayait de jouer des petites pièces pas trop compliquées où on pouvait essayer de s'entendre et essayer de jouer en même temps et être ensemble. Parce que lui-même, en laissant les fenêtres ouvertes, il a quand même le piano qui est au fond. alors que moi je pouvais m'avancer vraiment. Et en fait, avec l'effet d'écho dans la rue, on entendait extrêmement bien.

  • Speaker #2

    Ce que Cyril ne sait pas, c'est qu'il est loin d'être le seul à jouer à sa fenêtre tous les soirs. En ce mois de mars, l'Italie est le pays le plus touché par l'épidémie. Alors que les morts se chiffrent en milliers, les Italiens sortent sur les terrasses, toits, fenêtres et balcons et font de la musique pour lutter contre l'angoisse et l'isolement. Les quartiers entiers résonnent des mini-concerts improvisés entre voisins, des flash-mob familiaux ou des solos endiablés. Ces vidéos... captés par les téléphones portables, font le tour du web et inspirent d'autres guildes. Berlin, Budapest, Lille. Et les concerts à la fenêtre ne sont qu'une des manifestations multiples de cette nouvelle pandémie musicale. Les musiciens professionnels se mettent à proposer des concerts de leur lieu de confinement. D'autres détournent les mélodies existantes ou composent de nouvelles en soutien au personnel médical. Ce personnel médical qu'on voit aussi chanter, y compris en plein service dans les hôpitaux. Les médias mettent à disposition en streaming des heures et des heures de musique tout genre confondus. Les montages réunissent virtuellement les musiciens confinés chez eux. permettent de reconstituer chœurs et orchestres et attirent des millions de vues. Privés de contact physique, limités dans leurs mouvements, des milliers de personnes ressentent le besoin de vivre, à travers la musique, une expérience commune. Pour la petite histoire, quelques jours avant le début du confinement en France, nous avons fini de tourner le sixième épisode de La petite musique du cerveau. Il nous restait encore un podcast. Et le sujet s'est imposé de lui-même. J'ai décidé de décrypter cette impression que la musique à jouer pour beaucoup de gens a un rôle très important pendant cette crise. Retour à Paris, dans le 18e arrondissement. Dans un des appartements d'en face de chez Cyril, Elsa Bacl est derrière sa caméra. Elle est réalisatrice, confinée chez elle et depuis le premier soir, elle filme le quartier au moment des applaudissements.

  • Speaker #4

    Les deux premiers soirs, il n'y avait vraiment que les gens qui applaudissaient, un peu des cris, quelques casseroles, et puis un voisin, surtout au bout de la rue, qui mettait de la musique, aussi, bon là, enregistrée, qui diffusait avec des enceintes. Et c'est vrai que de filmer deux soirs d'affilée, je me suis dit, bon, il se passe des choses comme ça, étonnant, les fenêtres qui s'ouvrent, les fenêtres qui se ferment. Il y avait quelque chose d'assez joli, mais je me suis dit que j'allais très vite tourner en rond. Et j'ai hésité à filmer le troisième soir, et c'est là où, en refilmant un peu, Du coup, les mêmes choses que tout à coup, Cyril s'est mis à jouer à l'alto, donc presque en face de chez moi. Il y a eu vraiment quelque chose d'un coup, j'ai dévié ma caméra en plein milieu presque de son morceau, donc je n'avais pas réussi à attraper le début. On ne se connaissait pas du tout. Et tout à coup, d'avoir ce son d'alto magnifique, et il jouait avec un pianiste qui est du même côté que mon immeuble. Donc lui, je ne voyais pas, je n'ai pas le... Je n'ai pas l'image du pianiste, mais je l'entends, c'est hyper beau. Et le premier soir, ils ont joué tous les deux. C'est fort, il y a des lumières en plus hyper belles. Toutes ces images de fenêtres de gens qui écoutaient la musique, qui se disaient bonjour, au revoir. Et puis il a rejoué une fois d'après, et c'est là où on s'est mis d'ailleurs à discuter.

  • Speaker #1

    Même d'ailleurs, il était vraiment étonnant parce qu'il y a un moment où, une fois que les applaudissements étaient passés, une fois qu'on jouait, des fois on arrivait avec un verre de vin sur le balcon puis on discutait avec ses voisins. En ça, il y a des choses qui sont vraiment réfléchir, c'est-à-dire qu'il y a un lien qui se crée et qui ne se serait pas créé si tous les gens avaient continué dans leurs activités quotidiennes. Moi, je n'aurais peut-être pas échangé avec mes voisins d'en face en rentrant le soir d'une journée de répétition. Et là, en fait, on se parlait, on discutait.

  • Speaker #4

    Donc très rapidement, je lui ai dit que si ça ne l'embêtait pas aussi, que je le filme et que je lui enverrais les images. Parce que lui, il aurait peut-être envie de le partager avec sa famille qui est loin de lui, avec les voisins, avec d'autres gens. Et du coup, de balcon à balcon, on s'est échangé nos mails. Il m'a échangé les retours qu'il avait lui de son côté. Je lui ai dit que moi aussi, plein de gens me félicitaient et me demandaient de transmettre aux musiciens mes félicitations parce que c'était assez beau et touchant pour moi. beaucoup de gens. Il y a même des gens du fin fond de la Bretagne qui m'envoyaient des messages en disant j'ai pleuré devant ton fils, moi je suis seule au fond de ma Bretagne, personne ne se retrouve comme ça au balcon. On sentait que pour beaucoup de gens, c'était un moment aussi pour se remettre un peu avec la vie, avec les gens, de sortir de sa tanière. Donc c'était un moment assez étonnant.

  • Speaker #2

    Quelques arrondissements plus loin, toujours à Paris.

  • Speaker #0

    Vous savez que moi je me suis confinée une semaine avant les autres, parce que j'avais tous mes amis, même les amis comme moi, des gens qui ne sont pas particulièrement hypochondriaques, qui m'ont dit « mais Carla, tu n'as pas compris, dans une semaine vous êtes comme ça, comme nous, donc reste chez toi » .

  • Speaker #2

    Carla Bianchi est comédienne et humoriste d'origine italienne installée à Paris. Confinée dans un petit appartement du 11e arrondissement, Elle aussi se tourne vers la musique pour affronter l'angoisse du confinement.

  • Speaker #0

    Du coup, j'ai fait des Skype avec ma famille bien avant l'heure. Et ils me racontaient qu'ils faisaient les flash mob avec mes neveux, qu'ils allaient sur la terrasse à chanter. J'ai une amie aussi, artiste, comédienne, qui chante dans les rues de Turin. Et je la voyais, qui chantait depuis sa fenêtre à Turin. Mais ça m'a pris quand même cinq semaines, moi, avant de trouver le courage de le faire, moi aussi. Et au bout d'un mois, en fait, de confinement, Je me suis dit, bon, allez, après les applaudissements, je me lance et je fais une chanson avec la guitare. Et j'avais super peur. Et donc, j'ai chanté avec vraiment une émotion, mais comme si on était à l'Olympia avec 3000 personnes. J'étais vraiment très stressée, je tremblais et tout. Et en fait, depuis ma fenêtre, on est sur un espèce d'amphithéâtre naturel. On avait plein de fenêtres un peu loin, on avait des gens en bas et tout. On voyait qu'il y avait des gens quand même qui applaudissaient. Et du coup, ça s'est bien passé. Je pense que les gens qui étaient là ce jour-là, ils ont applaudi, ils ont dit bravo, merci et tout. Et moi, personnellement, ça m'a fait un bien fou parce que j'avais un manque d'être en connexion avec les gens incroyables. Et donc, le lendemain, je me suis dit que je vais continuer. Et du coup, le lendemain, j'ai chanté à capella.

  • Speaker #2

    Pendant un mois, Carla chante tous les soirs une autre chanson de sa fenêtre. Pour les voisins, mais aussi pour tous ceux qu'elle aime et qui sont restés en Italie.

  • Speaker #0

    C'était très touchant d'avoir même les gens au loin qui étaient là tous les soirs. C'était un vrai lien. Par exemple, le 25 avril, c'est le jour de la libération en Italie. Moi, je suis italienne. Et donc, on a chanté Bella Ciao. Et là, c'était très beau, Bella Ciao, parce que maintenant, tout le monde la connaît un peu, cette chanson. Et du coup, tous les voisins chantaient. On a fait quelque chose tous ensemble. Après, dans le chat avec ma famille, avec ma mère, avec mon père, mes sœurs, je m'enregistrais et je leur envoyais. Effectivement, c'était une façon comme si on était à la fenêtre ensemble, en fait.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce que disent les neurosciences de cette nouvelle pandémie musicale ? Plusieurs études se sont penchées sur le rôle que la musique a joué pendant le confinement. L'une d'elles est actuellement en cours de finalisation à l'Institut des neurosciences de l'Université McGill de Montréal. Dirigée par le neuroscientifique Robert Zator, en collaboration avec trois collègues de New York, de Barcelone, d'Israël et d'Allemagne, elle consistait à proposer à 1200 personnes situées dans le monde entier un questionnaire de 40 activités à classer par l'ordre de l'importance en période de confinement. Lecture, film, écriture, cuisine, conversation avec des amis, exercice physique, drogue, sexe, prière ou méditation. Les chercheurs ont pris soin de ne pas suggérer la musique comme étant le sujet de l'étude. Robert Zator.

  • Speaker #5

    Le résultat principal, c'est que la musique a été choisie comme numéro 1 par 15% de la population, par rapport à 14% parler avec les amis ou la famille, 12,7% l'exercice, 10,9% la cuisine, 7,8% pour les films ou les documentaires. Et puis après ça, les chiffres sont très petits. Plus on a été affecté par le virus, plus l'écoute de la musique a augmenté. Parce que pendant les 1000 personnes, il y a des gens qui ont été très frappés par le virus. Ils ont perdu leur poche, ils ont perdu leur travail, des choses comme ça. Et alors notre hypothèse c'est que la musique permet aux gens de ressentir un certain... plaisir ou d'activer leur système de récompense dans le cerveau. Cela a un effet sur les émotions beaucoup plus important que les autres activités.

  • Speaker #2

    Contrairement à ce que l'on a pu observer dans les médias et sur les réseaux sociaux, selon les résultats de l'étude, la pratique musicale en groupe n'est pas le choix le plus fréquent.

  • Speaker #5

    Mon impression, c'est que l'aspect social joue un rôle. mais ce n'est pas le rôle principal parce qu'il y a beaucoup de personnes qui ont dit « Non, je n'ai pas eu l'occasion d'écouter ou de jouer de la musique avec d'autres personnes. J'étais tout seul et je n'avais pas de balcon ou j'avais un balcon, mais il n'y a personne qui sortait en même temps. Il y a toutes sortes de situations. En revanche, presque tout le monde a dit « Oui, j'ai écouté de la musique plus souvent chez moi. » pendant le confinement que d'habitude et cela m'a beaucoup aidé. Nous avons l'impression que les gens choisissaient d'écouter de la musique familière plus souvent que de la nouvelle musique, pour leur donner un peu de sentiment de confort. Donc la musique de l'enfance, la musique favori des parents, ou aussi de la ville ou du pays où j'ai grandi. Quand je parle d'émotions, il y a aussi la façon dont on arrive aux émotions. Et des fois, c'est par rapport à la mémoire. Si on pense aux parents, même aux grands-parents, quand on était petit, normalement c'est une période heureuse de la vie. Et s'il y avait une certaine musique qui nous fait penser à ces endroits, à ces personnes, à ces époques, tout cela donne un sentiment de reconfort qui était très important pendant la pire période de la crise.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce qu'on en retient ? Deux fonctions principales de la musique en période de crise, son impact sur les émotions et son rôle de lien social. Emmanuel Bigan est chercheur à l'Université de Bourgogne spécialisé dans les relations entre la musique et le cerveau. Il y a quelques années, il a dirigé un ouvrage collectif intitulé « Les bienfaits de la musique sur le cerveau » . Je lui ai posé la question de savoir pourquoi on s'est si massivement tourné vers la musique et comment elle agit sur notre cerveau.

  • Speaker #3

    Prochain ouvrage qui va sortir sur la symphonie neuronale qu'on a écrit avec Barbara Pimane, on a développé cette idée qu'on est biologiquement dépendant de la musique. On a un besoin absolu de la musique, notre cerveau et notre vie psychologique a un besoin de la musique parce que ça répond à des besoins fondamentaux de connexion avec les autres. L'histoire même musicale pourrait commencer comme ça, de la nécessité que l'humain a d'être connecté avec les autres humains, à commencer par le tout jeune bébé et même peut-être le fœtus. Et là, on s'est retrouvé dans une situation tout à fait proche. Les gens ne pouvaient pas se voir, et encore moins se toucher. Donc, il y avait des tas de moyens de communication qui étaient perdus, et il ne restait que le son qui traverse les distances. Et donc, c'est un besoin de mise en relation sociale par le son qui s'est exprimé. Alors, lorsque l'on se synchronise avec quelqu'un, que ce soit par le mouvement, il n'y a pas que la musique, bien sûr, on change la relation. d'empathie au sens de la relation sociale qu'on a avec lui et la personne nous paraît beaucoup plus sympathique, on lui fait confiance et donc on entre dans une relation de collaboration. C'est évident que lorsqu'on est en détresse, on a absolument besoin de sentir qu'une collaboration avec d'autres est possible. Quand je dis que c'est absolument besoin, vraiment, c'est vraiment au sens fort, c'est au même titre qu'un bébé a absolument besoin de l'affection de ses proches, que ce soit ses parents ou des substituts parentaux, bien sûr. Désert, c'est vital. Ce besoin d'attachement, évidemment, il est présent, je l'entends, mais il reste jusqu'à la fin de la vie. Donc, évidemment, quand tout va bien, et c'est dans la plupart des cas, on n'a pas besoin de faire ça. Mais dès le moment où la situation extérieure nous secoue un tout petit peu, comme c'était le cas, alors on a besoin absolument de retrouver ce sentiment d'attachement. La musique est un super moyen pour faire cela. Tout le monde se met au même rythme, eh bien, on s'attache les uns aux autres comme cela. qui était... original dans la situation actuelle, c'est qu'on a un peu oublié toutes ces fonctions fondamentales de la musique. On l'a un peu oublié parce qu'on est dans une société où on consomme de la musique. On la pratique peu et on l'écoute parfois pas vraiment. Ce qui est intéressant, c'est que quand la vie ébranle un petit peu nos habitudes d'enfant gâté, j'aime bien dire cela, c'est vrai, on retombe vers des comportements qui soient sur des fondamentaux en quelque sorte de notre existence. Et la musique en fait partie, c'est ce qu'on a vu. quasiment immédiatement se manifester chez nous. Donc ça, c'était très impressionnant. La musique est un pot à pot sonore, donc une caresse, et ça vous enveloppe complètement, parce que le son, il rentre par les oreilles, mais on le perçoit aussi globalement dans le corps. Il y a tout un ensemble de neurotransmetteurs et d'hormones qui sont associés à notre état psychologique. Il y a des moments où il y a des troubles, on manque d'énergie, on est agressif, on a du stress. le succès. C'est du cortisol, une hormone qui est associée à cela. On peut modifier cette biochimie du cerveau par la musique, et d'ailleurs on le fait assez naturellement. On va essayer d'écouter les morceaux de musique qui vont modifier notre état psychologique, nos humeurs, comme on dit. Donc on peut vraiment revitaliser, reprendre de l'énergie, reprendre courage, reprendre confiance dans la vie grâce à cela. Donc c'est sûr que lorsque l'on est dans des situations un peu stressantes, comme celles qu'on avait eues, Merci. recours à la musique et une super médecine non-invasive, si vous voulez.

  • Speaker #2

    La musique, un besoin vital. Voici en résumé le fil rouge du podcast La petite musique du cerveau. Merci d'avoir écouté ce premier épisode et à bientôt.

Chapters

  • Introduction à l'épisode et contexte du confinement

    00:07

  • L'impact du confinement sur la vie quotidienne

    00:20

  • Cyril Bouffiesse et son expérience musicale

    00:27

  • La musique et l'isolement en Italie

    05:07

  • Les neurosciences et le rôle de la musique pendant la crise

    13:13

Share

Embed

You may also like