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John Scala – Un invincible amour – Partie 1 cover
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La vie est belle, essaie-la !

John Scala – Un invincible amour – Partie 1

John Scala – Un invincible amour – Partie 1

26min |27/12/2024
Play
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John Scala – Un invincible amour – Partie 1

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Description

John Scala, est un homme heureux. Il a pourtant perdu l’usage de ses jambes, de ses bras et de la parole en moins de 24 mois. Son secret ? Un invincible amour et une équipe de choc.

Aux côtés de Solène, sa femme et "guerrière amoureuse", comme il aime l’appeler, John nous livre un témoignage poignant et inspirant sur la force des liens humains face aux défis de la vie.


Ne manquez aucun nouvel épisode de La vie est belle, essaie-la ! en vous abonnant dès maintenant sur votre plateforme de podcasts préférée et retrouvez un nouvel épisode un samedi sur deux.


Nous remercions chaleureusement toutes les personnes qui ont participé à cette première saison : personnes malades, aidants, proches, professionnels de santé.


Un immense merci également à la Fondation d'entreprise IRCEM pour son précieux soutien, ainsi qu'à l’Agence CosaVostra pour la réalisation du visuel du podcast.


Ce podcast de l'ARLSA a été réalisé par Natacha Sels, la post-production est de Bertrand Chaumeton.

 

Suivez l’ARSLA sur Instagram, Facebook, LinkedIn, X et YouTube  et retrouvez plus d’information sur notre site internet.


⭐️ Si ce podcast vous plaît, n'hésitez pas à le partager à vos proches en copiant le lien. C’est la meilleure façon de nous aider à le faire connaître au plus grand nombre. Vous pouvez aussi nous laisser des étoiles et des commentaires, c’est le meilleur moyen de nous aider. Vous pouvez également soutenir l’ARSLA en faisant un don sur https://don.arsla.org/.

 

Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Natacha Sels

    La vie est belle, essaie-la ! , le podcast de l'ARSLA, qui met en lumière des personnes confrontées à la SLA et des professionnels engagés.

  • John Scala

    Il faut être courageux, il faut aller vers les autres. Si dans ma situation j'y arrive, c'est que tout est possible.

  • Natacha Sels

    John Scala, un invincible amour, partie 1. Malgré son nom qui sonne comme celui d'une star à paillettes, John Scala était un homme sans histoire, puisqu'il était heureux. Jusqu'au jour où un événement bouleversa son existence. Il y a un an et demi, en septembre 2022 exactement, le diagnostic pressentier a été confirmé. Une SLA est venue visiter son corps. À cette annonce, John pleure 24 heures durant. Pour le sortir de ce désespoir, sa femme Solène a le réflexe d'appeler à la rescousse Olivier, son ami, son frère. C'est le premier maillon d'une expérience de vie où la force du partage et le collectif agit comme une formidable source de bonheur. Il est onze heures, quand je frappe à la porte de l'appartement, lovée dans un petit hameau des alentours de Marseille, d'un commun accord avec John, nous avons prévu de prendre notre temps. Cette maladie n'en donne pas beaucoup, alors il est bon de le prendre. Bonjour, enchantée Natacha, merci beaucoup. Solène est une femme belle, grande, blonde et décontractée. Elle porte un t-shirt et une jupe longue, des lunettes rondes surmontées de chaque côté d'un triangle qui fait penser à des oreilles de chat. Elle a une énergie peu commune.

  • Solène Scala

    Je disais avec John qu'on a compris qu'il avait la maladie de Charcot. On s'est tout de suite dit, on ne va pas commencer à tomber dans les pourquoi. Pourquoi nous ? Pourquoi lui ? Pourquoi ? C'est injuste. On va se poser. La seule question qu'il faut se poser, c'est comment faire pour rajouter de la vie au jour. Ok, c'est comme ça. Comment on fait pour avancer, mettre un pied devant l'autre et profiter, et que la vie soit la plus belle possible. Je pense que c'est aussi une de nos forces de ne jamais tomber dans la colère et dans l'injustice du pourquoi.

  • Natacha Sels

    Face à la maladie, chacun réagit à sa façon. Solène, Jocelyne, infirmière et amie, et Patricia en parlent autour d'un café dans la cuisine.

  • Jocelyne

    Quand tu te retrouves devant un diagnostic aussi terrible, soit tu fais de ta vie un enfer tous les jours, soit tu fais que la vie elle est belle, parce que t'as pas le choix. Tu es dans une dimension qui ne te donne pas le choix. Nous, la maladie de Charcot, on l'a jamais vue comme elle est là. Moi, elle me terrasse quand je le vois marcher, mais dès que je le vois sourire, elle me terrasse plus. Enfin, je me dis, on est... On est là, donc là on partage les bons moments, et bien on prend les bons moments. Quand il faut pleurer, on pleure. Quand on doit rire, on rit. Et si on rit quand on pleure, on rit quand on pleure, on s'en fout. Mais on prend.

  • Solène Scala

    Là, comme je disais, pendant 20 ans, j'ai eu peur de la maladie de Charcot. Pendant mes études, elle m'avait traumatisée, et que même moi, je me l'étais trouvée alors que c'était la maladie de Lyme. Maintenant, en fait, j'ai plus peur de la maladie, parce que, ok, on la vit à la maison. mais surtout qu'en fait la maladie de Charcot pour moi elle a le sourire de John, elle a le sourire d'Olivier Goy, elle a le sourire de Ludovic elle a le sourire de ces hommes qui aiment la vie en fait et qui sont des battants en fait ils aiment, ils vivent ils sont vivants quoi et en fait voilà cette maladie pour moi maintenant je vois le sourire de John en fait et c'est ça que parce que John je l'ai toujours dit c'est parce que c'est mon mari Mais c'est une des plus belles personnes que j'ai été amenée à rencontrer. C'est pas parce qu'il est malade, c'est la gentillesse même, c'est la bonté même. Et d'ailleurs, je pense que le tsunami qu'il a levé, quand les gens, que ce soit à son travail, que ce soit partout en fait, à l'annonce de la maladie, c'est parce que les gens aiment John. Je n'ai jamais connu quelqu'un qui n'aimait pas John. Jamais.

  • Karine

    Dans le bureau de John, Karine, Ami. et bras droits, me livre son vécu. Il nous a donné une leçon de vie à tous, parce que j'aurais pu déprimer, alors j'ai pleuré, parce que ça a été dur, mais en fait, c'est lui qui m'a aidée à accepter sa maladie. C'est quand même énorme. C'est énorme. Et c'est ce qu'il a fait avec tous autour de nous. Dans sa chambre, où un petit chat Moné-Kineko rythme le temps avec sa patte, Gabin se présente et ne dit pas autre chose.

  • Gabin

    Je m'appelle Gabin. Je suis en grande section. Je fais du rugby, de la piscine et du judo. Et j'ai des cheveux blond vénitiens et des yeux bleus. Est-ce que tu pourrais me décrire ton papa ? Oui.Il a les cheveux poivre-sel. Il a une barbe et des yeux bleus.

  • Natacha Sels

    Et tu te souviens quel âge tu avais quand il est tombé malade ?

  • Gabin

    Oui, 4 ans. Et qu'est-ce que tu t'es dit à ce moment-là ? Je m'ai dit... Je m'ai... Je m'ai dit... que... Il allait faire beaucoup moins de choses avec moi et ça serait beaucoup trop pas juste et voilà.Et maintenant, tu te dis quoi ? Je me dis qu'il m'aime et qu'il peut encore faire des choses avec moi.

  • Natacha Sels

    Voilà. Le secret de John, c'est l'amour. L'amour qu'il est capable d'offrir. Je l'entends me dire, cela va peut-être te sembler bateau. Mais il n'en est rien. Cet amour est le fruit d'un parcours, notamment d'une enfance difficile, surmontée grâce à l'amitié. Et maintenant, la maladie joue comme un révélateur de ce qui est déjà là. Il est temps de monter dans l'antre de John, au dernier étage. C'est ton bureau,

  • John Scala

    John ? Oui. C'est mon espace de travail et de créativité.

  • Natacha Sels

    De créativité. John, c'est la première fois que je le rencontre en chair et en os. Mais nous avons déjà une histoire. En 2022, je l'ai rencontré dans un atelier d'écriture qui préparait au concours de nouvelles organisé par l'ARSLA. J'ai aussi prêté ma voix à deux de ses textes, car il commençait à perdre la sienne. Aujourd'hui, John utilise depuis peu une tablette oculaire. Il s'exprime aussi sans passer par le filtre de la machine. Mais nous avions convenu que j'enverrais quelques questions en amont, afin qu'il puisse y répondre tranquillement. Nous sommes maintenant tous les deux devant sa tablette, et tandis qu'il utilise sa pupille, je vois apparaître peu à peu une phrase sur la modalité de notre entretien.

  • John Scala

    Je te dis la réponse et tu dois trouver la question.

  • Natacha Sels

    D'accord, on fait comme ça. Alors là, je te regarde en train de vraiment manipuler ton ordinateur juste avec les yeux.

  • John Scala

    Oui. au lieu de prendre une minute, j'en prends dix. Et si je n'avais pas cet outil, je serais un peu... uniquement spectateur. Si j'étais entièrement prisonnier de mon corps, sans pouvoir m'exprimer j'aurais le sentiment de n'être qu'une charge.

  • Natacha Sels

    T'aurais l'impression de n'être qu'une charge.

  • John Scala

    Imagine-toi allongé sur un lit sans pouvoir exprimer la moindre émotion. Tu n'as pas cet outil-là. tu te dis, autant mourir. Cette maladie, elle permet de se rendre compte de l'énorme avantage de la communication.

  • Natacha Sels

    Soudain, le logiciel se déverrouille et la voix synthétique de John se fait entendre.

  • John Scala

    Mon histoire, c'est assez banal, tu sais. J'ai 46 ans, je suis marié. J'ai deux enfants, une fille de 16 ans, Elsa d'une première union, et un fils de 6 ans, Gabin, que j'ai eu avec ma femme, Solène. Ma vie est assez simple, elle est saine, pas de cigarettes, du sport, des petits accros le week-end. J'ai un job plutôt sympa, des amis super et un appart que j'adore, au calme, dans un petit hameau marseillais où l'on entend chanter les cigalettes l'été. Voilà, j'aime beaucoup rire et jouer, en famille et entre amis, et cette vie simple me rend heureux.

  • Natacha Sels

    Alors je crois que la question était... Raconte-moi un peu ton histoire, John. Eh bien, voilà. Donc, en fait, on dit que les gens heureux n'ont pas d'histoire. C'est ce que tu es en train de me raconter.

  • John Scala

    C'est très joli comme phrase. Je ne connaissais pas.

  • Natacha Sels

    L'expression ? Oui, on dit ça. Les gens heureux n'ont pas d'histoire. Et puis, il se passe un catachrisme, ou pas encore tout à fait. D'abord des petites choses.

  • John Scala

    C'est une mauvaise limonade, comment on dit à Marseille. En fait, début 2022, j'ai commencé à sentir ma voix changer, devenir plus nasale. Tu sais, j'ai écrit une nouvelle qui raconte de façon fantasque comment ça s'est passé. Bref, ce sont plusieurs petits simples. qui sont apparus sans réellement m'iuiéter. Mais le principal c'était une fatigue chronique que je ne m'expliquais pas. J'ai la chance d'avoir une femme infirmière qui imagine toujours le pire. Faut dire que sur ce coup-là, elle a tapé dans le mille. Du coup, après toute une batterie d'examens qui montraient que j'étais en parfaite santé, Les médecins ont conclu à la maladie de Charcot.

  • Natacha Sels

    Je me souviens bien de la nouvelle, parce que notre histoire a un peu commencé comme ça. C'est-à-dire que tu es venue aux ateliers du concours de nouvelles de l'ARSLA, et tu as écrit cette nouvelle incroyable qui comparait tous tes symptômes de la maladie de Charcot à des symptômes que pouvait avoir une femme enceinte, mais neuf mois plus tard, tu as couché d'un Charcot et pas d'un bébé. C'était une nouvelle assez incroyable qui a eu son petit succès. Et du coup, comment t'as réagi à cette histoire-là ? C'était quand même énorme.

  • John Scala

    Quand tu apprends que tu es à Charcot, c'est comme si tu te retrouvais dans un procès dans lequel tu te demandes ce que tu fais là, et un juge t'annonce que tu es condamné à mort. Bref. Un immense sentiment d'injustice qui baladait comme un château de cartes. Tu pleures de façon incontrôlable alors que tu as toujours eu l'impression de contrôler ta vie. Et le pire, ce n'était pas tellement de savoir que j'allais mourir dans les trois ans dans un corps qui deviendrait ma prison. Le pire c'était de me dire que j'allais devoir abandonner ma femme, ma fille est mon fils de 6 ans.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce qui t'a permis de dépasser ça ?

  • John Scala

    La solution est d'abord venue de la femme qui au lieu de s'effondrer avec moi, s'est tout de suite mise dans une posture de derrière. En fait, elle ne m'a pas laissé respirer. Elle a fait venir des amis, son associée infirmière, une soeur. Et de tous ces échanges, j'ai retenu deux phrases, tu as le choix de pleurer chaque jour jusqu'à la fin, ou bien de vivre chaque jour avant la fin. Et la deuxième, arrête de regarder en arrière car tu ne seras plus jamais le même. Arrête de regarder en avant car tu sais que tu vas mourir dans des conditions cruelles. Vie au présent. En fonction de tes capacités du jour, tu te sentiras plus léger. Ces deux conseils m'ont appris une vraie philosophie de vie.

  • Natacha Sels

    Comment tout à coup, du jour au lendemain, on arrive à être dans le moment présent ? Comment tu es arrivé à faire ça ?

  • John Scala

    C'est venu assez naturellement.

  • Natacha Sels

    Ah, ça t'est venu naturellement ? Quelle chaleur !

  • John Scala

    En fait, c'est marrant, mais j'ai toujours eu envie de me lancer dans un projet personnel.

  • Natacha Sels

    Alors tu as toujours eu envie de te lancer dans un projet personnel ?

  • John Scala

    Et je n'ai jamais réussi à trouver la bonne idée. Ah, hélas ! Elle s'est offerte à moi.

  • Natacha Sels

    Alors ton projet personnel, comment tu l'appellerais ?

  • John Scala

    Je l'appellerais remettre l'humanité au centre des priorités. Mon double combat c'est de faire connaître cette maladie et de récolter des fonds pour la recherche pour que plus personne n'ait à vivre cette condamnation à mort. Et puis aussi, sachant que j'allais mourir rapidement, j'avais envie... de transmettre une forme de philosophie à mes enfants.

  • Natacha Sels

    Oui, communiquer, transmettre une philosophie à tes enfants. C'est quoi la chose la plus importante que tu veux transmettre à tes enfants ? Tu vas l'écrire, d'accord. Là, je te vois écrire avec tes yeux, et le texte apparaître peu à peu. La machine qui choisit des lettres, puis des mots.

  • John Scala

    J'ai envie de leur dire qu'il faut être courageux, qu'il faut aller vers les autres, qu'il faut oser voir montrer que si dans ma situation j'y arrive, c'est que tout est possible. C'est mon héritage psychologique, surtout pour mon fils, que je ne verrais pas grandir.

  • Natacha Sels

    Est-ce que tu as quelque chose à leur dire ? Comment on dépasse les moments quand on est un peu triste ? Parce qu'il doit y avoir des moments quand même où on est triste et c'est dur. Quelles sont tes ressources à toi pour dépasser ça ? Du coup, ça peut être un héritage aussi.

  • John Scala

    Déjà il ne faut pas hésiter à pleurer pour lâcher prise et après parler avec ses proches pour se remobiliser.

  • Natacha Sels

    C'est une belle autorisation.

  • John Scala

    En fait la maladie tombe au pied du mur d'une question qu'on devrait tous se poser. Qu'est-ce qui te rend heureux ? Pour moi c'est tout simplement continuer la vie que je mène. J'ai répondu à cette question au début de la maladie en disant, voir un spitz face à la mer avec ma femme, jouer au ballon avec mon fils, regarder The Voice avec ma fille commenter, voir un match de foot avec mes potes, aller au ciné et aussi aller travailler. Aujourd'hui, après un an et demi de maladie, mes réponses n'ont presque pas changé. Voir un demi-sprit dans un verre adapté face à la mer avec ma femme. Jouer à traiter mon fils qui fait du roller avec mon fauteuil roulant électrique. Regarder The Boys avec ma fille et commenter les prestations avec ma tablette oculaire. Voir un match de foot avec mes potes. Aller au ciné.

  • Natacha Sels

    Les adaptations. Les adaptations avec... Les pertes que la maladie impose au corps, en fait. Dans quel délai sont apparus les symptômes et comment la maladie change la relation à soi ?

  • John Scala

    Les symptômes ont débuté dans ma zone bulbaire, on va dire, à la bouche, pour faire simple. Question vitesse de propagation, je pense être en catégorie olympique. Six mois j'ai perdu 90% de l'usage de mes bras et de mes mains. Six mois après je perdais 90% de mes jambes. Et là encore six mois plus tard je ne parle quasiment plus et j'ai beaucoup de mal à avaler. Et là on vient de me poser une gastrostomie. C'est un tuyau qui sort de mon ventre et par lequel on peut me nourrir grâce à un accès direct à l'estomac. J'aime bien dire que j'ai la fibre maintenant en montrant le tuyau de 20 cm qui sort de mon abdomen. Pour ma part, je suis dans l'acceptation puisque je n'ai pas le choix et j'aime bien m'en amuser même si c'est terriblement frustrant parfois.

  • Natacha Sels

    Est-ce que tu lui donnes un nom à la maladie ? Tu l'appelles d'une certaine façon, toi ? Tu lui as donné un nom ou tu la nommes pas ?

  • John Scala

    Non, elle fait partie de moi. Elle n'a pas de nom. Au début, je parlais à mon corps en lui demandant pourquoi il s'infligeait ça.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce qui t'a répondu ?

  • John Scala

    Pas grand chose. Alors, j'ai arrêté de le questionner.

  • Natacha Sels

    Est-ce que finalement... Avec ce genre de maladie, on apprend à s'aimer mieux. Tu vois, j'ai l'impression qu'on est dans une société avec beaucoup de critères. Il faut être mince, fort, sportif, etc. Et puis du coup, on se pousse, on veut être ressemblé à l'image qu'on attend de nous. Et peut-être que finalement, ça aide à dire, comme je suis, je suis aimable.

  • John Scala

    En fait, je n'ai jamais eu de problème avec le regard des autres. Enfin, ce n'est pas vrai. Quand j'étais petit, j'en ai souffert.

  • Natacha Sels

    du regard des autres.

  • Solène Scala

    Il avait les dents cassées.

  • John Scala

    J'avais les dents cassées, des grosses lunettes. Des cheveux plats. Je n'étais pas vraiment un prince charmant. Mais en fait, j'ai rencontré un super ami.

  • Natacha Sels

    C'est Olivier.

  • John Scala

    Et comme on était pareil, j'ai la idée, elle m'a accepté.

  • Natacha Sels

    Et du coup, en fait, tu as appris à t'accepter il y a déjà très très longtemps, grâce à cet ami.

  • Solène Scala

    En fait, avec Olivier, ils ont rencontré l'amour inconditionnel. Ces deux âmes sœurs qui se sont sauvées l'un l'autre, et se sont apportées ce dont l'autre avait besoin. Et ils ne peuvent pas vivre l'un sans l'autre. Pourtant, ils s'habitent loin, mais ils se sont sauvés tous les deux. Et il y a une connexion qui est particulière. Je pense que... tous les deux se sont appris à s'aimer.

  • John Scala

    Aujourd'hui, c'est le matin, pas le regard des autres, parce que dans toute dérision, on est sur place.

  • Natacha Sels

    C'est fort, parce que ce n'est pas évident. J'entendais Olivier, justement, Olivier Goy, cette fois-ci, qui disait que c'est dur parce que le regard de la société fasse aussi l'intérieur à ce qu'on voit à l'extérieur.

  • John Scala

    C'est marrant, les gens peuvent permettre des choses en pensant que je suis bête. Et après, je me marre en le racontant à ma femme. Et ma femme les rappelle et leur crie dessus.

  • Solène Scala

    Depuis le diagnostic, en fait, on n'a fait rentrer que de l'amour. Parce que l'amour gagne toujours sur tout. Et moi, mon rôle d'aidante, c'est ce que j'ai essayé au maximum. Même quand il doit être loin de moi, par exemple à l'hôpital ou quoi, que je ne veux pas être H24, qu'il soit toujours entouré de gens. Qu'il y ait toujours ce vaisseau d'amour autour de lui. pour que les choses se passent plus sereinement.

  • Natacha Sels

    John, j'avais envie de te demander si tu devais dire quelques mots pour décrire ta femme, tu dirais quoi ?

  • John Scala

    C'est vache. C'est ma guerrière amoureuse.

  • Natacha Sels

    Oh, ta guerrière amoureuse, qu'est-ce que c'est beau ! Dans le prochain épisode, vous retrouverez John Scala, Un invincible amour, partie 2. Restez à l'écoute de notre podcast La vie est belle, essaie la (SLA) et abonnez-vous sur votre plateforme préférée.

Description

John Scala, est un homme heureux. Il a pourtant perdu l’usage de ses jambes, de ses bras et de la parole en moins de 24 mois. Son secret ? Un invincible amour et une équipe de choc.

Aux côtés de Solène, sa femme et "guerrière amoureuse", comme il aime l’appeler, John nous livre un témoignage poignant et inspirant sur la force des liens humains face aux défis de la vie.


Ne manquez aucun nouvel épisode de La vie est belle, essaie-la ! en vous abonnant dès maintenant sur votre plateforme de podcasts préférée et retrouvez un nouvel épisode un samedi sur deux.


Nous remercions chaleureusement toutes les personnes qui ont participé à cette première saison : personnes malades, aidants, proches, professionnels de santé.


Un immense merci également à la Fondation d'entreprise IRCEM pour son précieux soutien, ainsi qu'à l’Agence CosaVostra pour la réalisation du visuel du podcast.


Ce podcast de l'ARLSA a été réalisé par Natacha Sels, la post-production est de Bertrand Chaumeton.

 

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⭐️ Si ce podcast vous plaît, n'hésitez pas à le partager à vos proches en copiant le lien. C’est la meilleure façon de nous aider à le faire connaître au plus grand nombre. Vous pouvez aussi nous laisser des étoiles et des commentaires, c’est le meilleur moyen de nous aider. Vous pouvez également soutenir l’ARSLA en faisant un don sur https://don.arsla.org/.

 

Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Natacha Sels

    La vie est belle, essaie-la ! , le podcast de l'ARSLA, qui met en lumière des personnes confrontées à la SLA et des professionnels engagés.

  • John Scala

    Il faut être courageux, il faut aller vers les autres. Si dans ma situation j'y arrive, c'est que tout est possible.

  • Natacha Sels

    John Scala, un invincible amour, partie 1. Malgré son nom qui sonne comme celui d'une star à paillettes, John Scala était un homme sans histoire, puisqu'il était heureux. Jusqu'au jour où un événement bouleversa son existence. Il y a un an et demi, en septembre 2022 exactement, le diagnostic pressentier a été confirmé. Une SLA est venue visiter son corps. À cette annonce, John pleure 24 heures durant. Pour le sortir de ce désespoir, sa femme Solène a le réflexe d'appeler à la rescousse Olivier, son ami, son frère. C'est le premier maillon d'une expérience de vie où la force du partage et le collectif agit comme une formidable source de bonheur. Il est onze heures, quand je frappe à la porte de l'appartement, lovée dans un petit hameau des alentours de Marseille, d'un commun accord avec John, nous avons prévu de prendre notre temps. Cette maladie n'en donne pas beaucoup, alors il est bon de le prendre. Bonjour, enchantée Natacha, merci beaucoup. Solène est une femme belle, grande, blonde et décontractée. Elle porte un t-shirt et une jupe longue, des lunettes rondes surmontées de chaque côté d'un triangle qui fait penser à des oreilles de chat. Elle a une énergie peu commune.

  • Solène Scala

    Je disais avec John qu'on a compris qu'il avait la maladie de Charcot. On s'est tout de suite dit, on ne va pas commencer à tomber dans les pourquoi. Pourquoi nous ? Pourquoi lui ? Pourquoi ? C'est injuste. On va se poser. La seule question qu'il faut se poser, c'est comment faire pour rajouter de la vie au jour. Ok, c'est comme ça. Comment on fait pour avancer, mettre un pied devant l'autre et profiter, et que la vie soit la plus belle possible. Je pense que c'est aussi une de nos forces de ne jamais tomber dans la colère et dans l'injustice du pourquoi.

  • Natacha Sels

    Face à la maladie, chacun réagit à sa façon. Solène, Jocelyne, infirmière et amie, et Patricia en parlent autour d'un café dans la cuisine.

  • Jocelyne

    Quand tu te retrouves devant un diagnostic aussi terrible, soit tu fais de ta vie un enfer tous les jours, soit tu fais que la vie elle est belle, parce que t'as pas le choix. Tu es dans une dimension qui ne te donne pas le choix. Nous, la maladie de Charcot, on l'a jamais vue comme elle est là. Moi, elle me terrasse quand je le vois marcher, mais dès que je le vois sourire, elle me terrasse plus. Enfin, je me dis, on est... On est là, donc là on partage les bons moments, et bien on prend les bons moments. Quand il faut pleurer, on pleure. Quand on doit rire, on rit. Et si on rit quand on pleure, on rit quand on pleure, on s'en fout. Mais on prend.

  • Solène Scala

    Là, comme je disais, pendant 20 ans, j'ai eu peur de la maladie de Charcot. Pendant mes études, elle m'avait traumatisée, et que même moi, je me l'étais trouvée alors que c'était la maladie de Lyme. Maintenant, en fait, j'ai plus peur de la maladie, parce que, ok, on la vit à la maison. mais surtout qu'en fait la maladie de Charcot pour moi elle a le sourire de John, elle a le sourire d'Olivier Goy, elle a le sourire de Ludovic elle a le sourire de ces hommes qui aiment la vie en fait et qui sont des battants en fait ils aiment, ils vivent ils sont vivants quoi et en fait voilà cette maladie pour moi maintenant je vois le sourire de John en fait et c'est ça que parce que John je l'ai toujours dit c'est parce que c'est mon mari Mais c'est une des plus belles personnes que j'ai été amenée à rencontrer. C'est pas parce qu'il est malade, c'est la gentillesse même, c'est la bonté même. Et d'ailleurs, je pense que le tsunami qu'il a levé, quand les gens, que ce soit à son travail, que ce soit partout en fait, à l'annonce de la maladie, c'est parce que les gens aiment John. Je n'ai jamais connu quelqu'un qui n'aimait pas John. Jamais.

  • Karine

    Dans le bureau de John, Karine, Ami. et bras droits, me livre son vécu. Il nous a donné une leçon de vie à tous, parce que j'aurais pu déprimer, alors j'ai pleuré, parce que ça a été dur, mais en fait, c'est lui qui m'a aidée à accepter sa maladie. C'est quand même énorme. C'est énorme. Et c'est ce qu'il a fait avec tous autour de nous. Dans sa chambre, où un petit chat Moné-Kineko rythme le temps avec sa patte, Gabin se présente et ne dit pas autre chose.

  • Gabin

    Je m'appelle Gabin. Je suis en grande section. Je fais du rugby, de la piscine et du judo. Et j'ai des cheveux blond vénitiens et des yeux bleus. Est-ce que tu pourrais me décrire ton papa ? Oui.Il a les cheveux poivre-sel. Il a une barbe et des yeux bleus.

  • Natacha Sels

    Et tu te souviens quel âge tu avais quand il est tombé malade ?

  • Gabin

    Oui, 4 ans. Et qu'est-ce que tu t'es dit à ce moment-là ? Je m'ai dit... Je m'ai... Je m'ai dit... que... Il allait faire beaucoup moins de choses avec moi et ça serait beaucoup trop pas juste et voilà.Et maintenant, tu te dis quoi ? Je me dis qu'il m'aime et qu'il peut encore faire des choses avec moi.

  • Natacha Sels

    Voilà. Le secret de John, c'est l'amour. L'amour qu'il est capable d'offrir. Je l'entends me dire, cela va peut-être te sembler bateau. Mais il n'en est rien. Cet amour est le fruit d'un parcours, notamment d'une enfance difficile, surmontée grâce à l'amitié. Et maintenant, la maladie joue comme un révélateur de ce qui est déjà là. Il est temps de monter dans l'antre de John, au dernier étage. C'est ton bureau,

  • John Scala

    John ? Oui. C'est mon espace de travail et de créativité.

  • Natacha Sels

    De créativité. John, c'est la première fois que je le rencontre en chair et en os. Mais nous avons déjà une histoire. En 2022, je l'ai rencontré dans un atelier d'écriture qui préparait au concours de nouvelles organisé par l'ARSLA. J'ai aussi prêté ma voix à deux de ses textes, car il commençait à perdre la sienne. Aujourd'hui, John utilise depuis peu une tablette oculaire. Il s'exprime aussi sans passer par le filtre de la machine. Mais nous avions convenu que j'enverrais quelques questions en amont, afin qu'il puisse y répondre tranquillement. Nous sommes maintenant tous les deux devant sa tablette, et tandis qu'il utilise sa pupille, je vois apparaître peu à peu une phrase sur la modalité de notre entretien.

  • John Scala

    Je te dis la réponse et tu dois trouver la question.

  • Natacha Sels

    D'accord, on fait comme ça. Alors là, je te regarde en train de vraiment manipuler ton ordinateur juste avec les yeux.

  • John Scala

    Oui. au lieu de prendre une minute, j'en prends dix. Et si je n'avais pas cet outil, je serais un peu... uniquement spectateur. Si j'étais entièrement prisonnier de mon corps, sans pouvoir m'exprimer j'aurais le sentiment de n'être qu'une charge.

  • Natacha Sels

    T'aurais l'impression de n'être qu'une charge.

  • John Scala

    Imagine-toi allongé sur un lit sans pouvoir exprimer la moindre émotion. Tu n'as pas cet outil-là. tu te dis, autant mourir. Cette maladie, elle permet de se rendre compte de l'énorme avantage de la communication.

  • Natacha Sels

    Soudain, le logiciel se déverrouille et la voix synthétique de John se fait entendre.

  • John Scala

    Mon histoire, c'est assez banal, tu sais. J'ai 46 ans, je suis marié. J'ai deux enfants, une fille de 16 ans, Elsa d'une première union, et un fils de 6 ans, Gabin, que j'ai eu avec ma femme, Solène. Ma vie est assez simple, elle est saine, pas de cigarettes, du sport, des petits accros le week-end. J'ai un job plutôt sympa, des amis super et un appart que j'adore, au calme, dans un petit hameau marseillais où l'on entend chanter les cigalettes l'été. Voilà, j'aime beaucoup rire et jouer, en famille et entre amis, et cette vie simple me rend heureux.

  • Natacha Sels

    Alors je crois que la question était... Raconte-moi un peu ton histoire, John. Eh bien, voilà. Donc, en fait, on dit que les gens heureux n'ont pas d'histoire. C'est ce que tu es en train de me raconter.

  • John Scala

    C'est très joli comme phrase. Je ne connaissais pas.

  • Natacha Sels

    L'expression ? Oui, on dit ça. Les gens heureux n'ont pas d'histoire. Et puis, il se passe un catachrisme, ou pas encore tout à fait. D'abord des petites choses.

  • John Scala

    C'est une mauvaise limonade, comment on dit à Marseille. En fait, début 2022, j'ai commencé à sentir ma voix changer, devenir plus nasale. Tu sais, j'ai écrit une nouvelle qui raconte de façon fantasque comment ça s'est passé. Bref, ce sont plusieurs petits simples. qui sont apparus sans réellement m'iuiéter. Mais le principal c'était une fatigue chronique que je ne m'expliquais pas. J'ai la chance d'avoir une femme infirmière qui imagine toujours le pire. Faut dire que sur ce coup-là, elle a tapé dans le mille. Du coup, après toute une batterie d'examens qui montraient que j'étais en parfaite santé, Les médecins ont conclu à la maladie de Charcot.

  • Natacha Sels

    Je me souviens bien de la nouvelle, parce que notre histoire a un peu commencé comme ça. C'est-à-dire que tu es venue aux ateliers du concours de nouvelles de l'ARSLA, et tu as écrit cette nouvelle incroyable qui comparait tous tes symptômes de la maladie de Charcot à des symptômes que pouvait avoir une femme enceinte, mais neuf mois plus tard, tu as couché d'un Charcot et pas d'un bébé. C'était une nouvelle assez incroyable qui a eu son petit succès. Et du coup, comment t'as réagi à cette histoire-là ? C'était quand même énorme.

  • John Scala

    Quand tu apprends que tu es à Charcot, c'est comme si tu te retrouvais dans un procès dans lequel tu te demandes ce que tu fais là, et un juge t'annonce que tu es condamné à mort. Bref. Un immense sentiment d'injustice qui baladait comme un château de cartes. Tu pleures de façon incontrôlable alors que tu as toujours eu l'impression de contrôler ta vie. Et le pire, ce n'était pas tellement de savoir que j'allais mourir dans les trois ans dans un corps qui deviendrait ma prison. Le pire c'était de me dire que j'allais devoir abandonner ma femme, ma fille est mon fils de 6 ans.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce qui t'a permis de dépasser ça ?

  • John Scala

    La solution est d'abord venue de la femme qui au lieu de s'effondrer avec moi, s'est tout de suite mise dans une posture de derrière. En fait, elle ne m'a pas laissé respirer. Elle a fait venir des amis, son associée infirmière, une soeur. Et de tous ces échanges, j'ai retenu deux phrases, tu as le choix de pleurer chaque jour jusqu'à la fin, ou bien de vivre chaque jour avant la fin. Et la deuxième, arrête de regarder en arrière car tu ne seras plus jamais le même. Arrête de regarder en avant car tu sais que tu vas mourir dans des conditions cruelles. Vie au présent. En fonction de tes capacités du jour, tu te sentiras plus léger. Ces deux conseils m'ont appris une vraie philosophie de vie.

  • Natacha Sels

    Comment tout à coup, du jour au lendemain, on arrive à être dans le moment présent ? Comment tu es arrivé à faire ça ?

  • John Scala

    C'est venu assez naturellement.

  • Natacha Sels

    Ah, ça t'est venu naturellement ? Quelle chaleur !

  • John Scala

    En fait, c'est marrant, mais j'ai toujours eu envie de me lancer dans un projet personnel.

  • Natacha Sels

    Alors tu as toujours eu envie de te lancer dans un projet personnel ?

  • John Scala

    Et je n'ai jamais réussi à trouver la bonne idée. Ah, hélas ! Elle s'est offerte à moi.

  • Natacha Sels

    Alors ton projet personnel, comment tu l'appellerais ?

  • John Scala

    Je l'appellerais remettre l'humanité au centre des priorités. Mon double combat c'est de faire connaître cette maladie et de récolter des fonds pour la recherche pour que plus personne n'ait à vivre cette condamnation à mort. Et puis aussi, sachant que j'allais mourir rapidement, j'avais envie... de transmettre une forme de philosophie à mes enfants.

  • Natacha Sels

    Oui, communiquer, transmettre une philosophie à tes enfants. C'est quoi la chose la plus importante que tu veux transmettre à tes enfants ? Tu vas l'écrire, d'accord. Là, je te vois écrire avec tes yeux, et le texte apparaître peu à peu. La machine qui choisit des lettres, puis des mots.

  • John Scala

    J'ai envie de leur dire qu'il faut être courageux, qu'il faut aller vers les autres, qu'il faut oser voir montrer que si dans ma situation j'y arrive, c'est que tout est possible. C'est mon héritage psychologique, surtout pour mon fils, que je ne verrais pas grandir.

  • Natacha Sels

    Est-ce que tu as quelque chose à leur dire ? Comment on dépasse les moments quand on est un peu triste ? Parce qu'il doit y avoir des moments quand même où on est triste et c'est dur. Quelles sont tes ressources à toi pour dépasser ça ? Du coup, ça peut être un héritage aussi.

  • John Scala

    Déjà il ne faut pas hésiter à pleurer pour lâcher prise et après parler avec ses proches pour se remobiliser.

  • Natacha Sels

    C'est une belle autorisation.

  • John Scala

    En fait la maladie tombe au pied du mur d'une question qu'on devrait tous se poser. Qu'est-ce qui te rend heureux ? Pour moi c'est tout simplement continuer la vie que je mène. J'ai répondu à cette question au début de la maladie en disant, voir un spitz face à la mer avec ma femme, jouer au ballon avec mon fils, regarder The Voice avec ma fille commenter, voir un match de foot avec mes potes, aller au ciné et aussi aller travailler. Aujourd'hui, après un an et demi de maladie, mes réponses n'ont presque pas changé. Voir un demi-sprit dans un verre adapté face à la mer avec ma femme. Jouer à traiter mon fils qui fait du roller avec mon fauteuil roulant électrique. Regarder The Boys avec ma fille et commenter les prestations avec ma tablette oculaire. Voir un match de foot avec mes potes. Aller au ciné.

  • Natacha Sels

    Les adaptations. Les adaptations avec... Les pertes que la maladie impose au corps, en fait. Dans quel délai sont apparus les symptômes et comment la maladie change la relation à soi ?

  • John Scala

    Les symptômes ont débuté dans ma zone bulbaire, on va dire, à la bouche, pour faire simple. Question vitesse de propagation, je pense être en catégorie olympique. Six mois j'ai perdu 90% de l'usage de mes bras et de mes mains. Six mois après je perdais 90% de mes jambes. Et là encore six mois plus tard je ne parle quasiment plus et j'ai beaucoup de mal à avaler. Et là on vient de me poser une gastrostomie. C'est un tuyau qui sort de mon ventre et par lequel on peut me nourrir grâce à un accès direct à l'estomac. J'aime bien dire que j'ai la fibre maintenant en montrant le tuyau de 20 cm qui sort de mon abdomen. Pour ma part, je suis dans l'acceptation puisque je n'ai pas le choix et j'aime bien m'en amuser même si c'est terriblement frustrant parfois.

  • Natacha Sels

    Est-ce que tu lui donnes un nom à la maladie ? Tu l'appelles d'une certaine façon, toi ? Tu lui as donné un nom ou tu la nommes pas ?

  • John Scala

    Non, elle fait partie de moi. Elle n'a pas de nom. Au début, je parlais à mon corps en lui demandant pourquoi il s'infligeait ça.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce qui t'a répondu ?

  • John Scala

    Pas grand chose. Alors, j'ai arrêté de le questionner.

  • Natacha Sels

    Est-ce que finalement... Avec ce genre de maladie, on apprend à s'aimer mieux. Tu vois, j'ai l'impression qu'on est dans une société avec beaucoup de critères. Il faut être mince, fort, sportif, etc. Et puis du coup, on se pousse, on veut être ressemblé à l'image qu'on attend de nous. Et peut-être que finalement, ça aide à dire, comme je suis, je suis aimable.

  • John Scala

    En fait, je n'ai jamais eu de problème avec le regard des autres. Enfin, ce n'est pas vrai. Quand j'étais petit, j'en ai souffert.

  • Natacha Sels

    du regard des autres.

  • Solène Scala

    Il avait les dents cassées.

  • John Scala

    J'avais les dents cassées, des grosses lunettes. Des cheveux plats. Je n'étais pas vraiment un prince charmant. Mais en fait, j'ai rencontré un super ami.

  • Natacha Sels

    C'est Olivier.

  • John Scala

    Et comme on était pareil, j'ai la idée, elle m'a accepté.

  • Natacha Sels

    Et du coup, en fait, tu as appris à t'accepter il y a déjà très très longtemps, grâce à cet ami.

  • Solène Scala

    En fait, avec Olivier, ils ont rencontré l'amour inconditionnel. Ces deux âmes sœurs qui se sont sauvées l'un l'autre, et se sont apportées ce dont l'autre avait besoin. Et ils ne peuvent pas vivre l'un sans l'autre. Pourtant, ils s'habitent loin, mais ils se sont sauvés tous les deux. Et il y a une connexion qui est particulière. Je pense que... tous les deux se sont appris à s'aimer.

  • John Scala

    Aujourd'hui, c'est le matin, pas le regard des autres, parce que dans toute dérision, on est sur place.

  • Natacha Sels

    C'est fort, parce que ce n'est pas évident. J'entendais Olivier, justement, Olivier Goy, cette fois-ci, qui disait que c'est dur parce que le regard de la société fasse aussi l'intérieur à ce qu'on voit à l'extérieur.

  • John Scala

    C'est marrant, les gens peuvent permettre des choses en pensant que je suis bête. Et après, je me marre en le racontant à ma femme. Et ma femme les rappelle et leur crie dessus.

  • Solène Scala

    Depuis le diagnostic, en fait, on n'a fait rentrer que de l'amour. Parce que l'amour gagne toujours sur tout. Et moi, mon rôle d'aidante, c'est ce que j'ai essayé au maximum. Même quand il doit être loin de moi, par exemple à l'hôpital ou quoi, que je ne veux pas être H24, qu'il soit toujours entouré de gens. Qu'il y ait toujours ce vaisseau d'amour autour de lui. pour que les choses se passent plus sereinement.

  • Natacha Sels

    John, j'avais envie de te demander si tu devais dire quelques mots pour décrire ta femme, tu dirais quoi ?

  • John Scala

    C'est vache. C'est ma guerrière amoureuse.

  • Natacha Sels

    Oh, ta guerrière amoureuse, qu'est-ce que c'est beau ! Dans le prochain épisode, vous retrouverez John Scala, Un invincible amour, partie 2. Restez à l'écoute de notre podcast La vie est belle, essaie la (SLA) et abonnez-vous sur votre plateforme préférée.

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Description

John Scala, est un homme heureux. Il a pourtant perdu l’usage de ses jambes, de ses bras et de la parole en moins de 24 mois. Son secret ? Un invincible amour et une équipe de choc.

Aux côtés de Solène, sa femme et "guerrière amoureuse", comme il aime l’appeler, John nous livre un témoignage poignant et inspirant sur la force des liens humains face aux défis de la vie.


Ne manquez aucun nouvel épisode de La vie est belle, essaie-la ! en vous abonnant dès maintenant sur votre plateforme de podcasts préférée et retrouvez un nouvel épisode un samedi sur deux.


Nous remercions chaleureusement toutes les personnes qui ont participé à cette première saison : personnes malades, aidants, proches, professionnels de santé.


Un immense merci également à la Fondation d'entreprise IRCEM pour son précieux soutien, ainsi qu'à l’Agence CosaVostra pour la réalisation du visuel du podcast.


Ce podcast de l'ARLSA a été réalisé par Natacha Sels, la post-production est de Bertrand Chaumeton.

 

Suivez l’ARSLA sur Instagram, Facebook, LinkedIn, X et YouTube  et retrouvez plus d’information sur notre site internet.


⭐️ Si ce podcast vous plaît, n'hésitez pas à le partager à vos proches en copiant le lien. C’est la meilleure façon de nous aider à le faire connaître au plus grand nombre. Vous pouvez aussi nous laisser des étoiles et des commentaires, c’est le meilleur moyen de nous aider. Vous pouvez également soutenir l’ARSLA en faisant un don sur https://don.arsla.org/.

 

Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Natacha Sels

    La vie est belle, essaie-la ! , le podcast de l'ARSLA, qui met en lumière des personnes confrontées à la SLA et des professionnels engagés.

  • John Scala

    Il faut être courageux, il faut aller vers les autres. Si dans ma situation j'y arrive, c'est que tout est possible.

  • Natacha Sels

    John Scala, un invincible amour, partie 1. Malgré son nom qui sonne comme celui d'une star à paillettes, John Scala était un homme sans histoire, puisqu'il était heureux. Jusqu'au jour où un événement bouleversa son existence. Il y a un an et demi, en septembre 2022 exactement, le diagnostic pressentier a été confirmé. Une SLA est venue visiter son corps. À cette annonce, John pleure 24 heures durant. Pour le sortir de ce désespoir, sa femme Solène a le réflexe d'appeler à la rescousse Olivier, son ami, son frère. C'est le premier maillon d'une expérience de vie où la force du partage et le collectif agit comme une formidable source de bonheur. Il est onze heures, quand je frappe à la porte de l'appartement, lovée dans un petit hameau des alentours de Marseille, d'un commun accord avec John, nous avons prévu de prendre notre temps. Cette maladie n'en donne pas beaucoup, alors il est bon de le prendre. Bonjour, enchantée Natacha, merci beaucoup. Solène est une femme belle, grande, blonde et décontractée. Elle porte un t-shirt et une jupe longue, des lunettes rondes surmontées de chaque côté d'un triangle qui fait penser à des oreilles de chat. Elle a une énergie peu commune.

  • Solène Scala

    Je disais avec John qu'on a compris qu'il avait la maladie de Charcot. On s'est tout de suite dit, on ne va pas commencer à tomber dans les pourquoi. Pourquoi nous ? Pourquoi lui ? Pourquoi ? C'est injuste. On va se poser. La seule question qu'il faut se poser, c'est comment faire pour rajouter de la vie au jour. Ok, c'est comme ça. Comment on fait pour avancer, mettre un pied devant l'autre et profiter, et que la vie soit la plus belle possible. Je pense que c'est aussi une de nos forces de ne jamais tomber dans la colère et dans l'injustice du pourquoi.

  • Natacha Sels

    Face à la maladie, chacun réagit à sa façon. Solène, Jocelyne, infirmière et amie, et Patricia en parlent autour d'un café dans la cuisine.

  • Jocelyne

    Quand tu te retrouves devant un diagnostic aussi terrible, soit tu fais de ta vie un enfer tous les jours, soit tu fais que la vie elle est belle, parce que t'as pas le choix. Tu es dans une dimension qui ne te donne pas le choix. Nous, la maladie de Charcot, on l'a jamais vue comme elle est là. Moi, elle me terrasse quand je le vois marcher, mais dès que je le vois sourire, elle me terrasse plus. Enfin, je me dis, on est... On est là, donc là on partage les bons moments, et bien on prend les bons moments. Quand il faut pleurer, on pleure. Quand on doit rire, on rit. Et si on rit quand on pleure, on rit quand on pleure, on s'en fout. Mais on prend.

  • Solène Scala

    Là, comme je disais, pendant 20 ans, j'ai eu peur de la maladie de Charcot. Pendant mes études, elle m'avait traumatisée, et que même moi, je me l'étais trouvée alors que c'était la maladie de Lyme. Maintenant, en fait, j'ai plus peur de la maladie, parce que, ok, on la vit à la maison. mais surtout qu'en fait la maladie de Charcot pour moi elle a le sourire de John, elle a le sourire d'Olivier Goy, elle a le sourire de Ludovic elle a le sourire de ces hommes qui aiment la vie en fait et qui sont des battants en fait ils aiment, ils vivent ils sont vivants quoi et en fait voilà cette maladie pour moi maintenant je vois le sourire de John en fait et c'est ça que parce que John je l'ai toujours dit c'est parce que c'est mon mari Mais c'est une des plus belles personnes que j'ai été amenée à rencontrer. C'est pas parce qu'il est malade, c'est la gentillesse même, c'est la bonté même. Et d'ailleurs, je pense que le tsunami qu'il a levé, quand les gens, que ce soit à son travail, que ce soit partout en fait, à l'annonce de la maladie, c'est parce que les gens aiment John. Je n'ai jamais connu quelqu'un qui n'aimait pas John. Jamais.

  • Karine

    Dans le bureau de John, Karine, Ami. et bras droits, me livre son vécu. Il nous a donné une leçon de vie à tous, parce que j'aurais pu déprimer, alors j'ai pleuré, parce que ça a été dur, mais en fait, c'est lui qui m'a aidée à accepter sa maladie. C'est quand même énorme. C'est énorme. Et c'est ce qu'il a fait avec tous autour de nous. Dans sa chambre, où un petit chat Moné-Kineko rythme le temps avec sa patte, Gabin se présente et ne dit pas autre chose.

  • Gabin

    Je m'appelle Gabin. Je suis en grande section. Je fais du rugby, de la piscine et du judo. Et j'ai des cheveux blond vénitiens et des yeux bleus. Est-ce que tu pourrais me décrire ton papa ? Oui.Il a les cheveux poivre-sel. Il a une barbe et des yeux bleus.

  • Natacha Sels

    Et tu te souviens quel âge tu avais quand il est tombé malade ?

  • Gabin

    Oui, 4 ans. Et qu'est-ce que tu t'es dit à ce moment-là ? Je m'ai dit... Je m'ai... Je m'ai dit... que... Il allait faire beaucoup moins de choses avec moi et ça serait beaucoup trop pas juste et voilà.Et maintenant, tu te dis quoi ? Je me dis qu'il m'aime et qu'il peut encore faire des choses avec moi.

  • Natacha Sels

    Voilà. Le secret de John, c'est l'amour. L'amour qu'il est capable d'offrir. Je l'entends me dire, cela va peut-être te sembler bateau. Mais il n'en est rien. Cet amour est le fruit d'un parcours, notamment d'une enfance difficile, surmontée grâce à l'amitié. Et maintenant, la maladie joue comme un révélateur de ce qui est déjà là. Il est temps de monter dans l'antre de John, au dernier étage. C'est ton bureau,

  • John Scala

    John ? Oui. C'est mon espace de travail et de créativité.

  • Natacha Sels

    De créativité. John, c'est la première fois que je le rencontre en chair et en os. Mais nous avons déjà une histoire. En 2022, je l'ai rencontré dans un atelier d'écriture qui préparait au concours de nouvelles organisé par l'ARSLA. J'ai aussi prêté ma voix à deux de ses textes, car il commençait à perdre la sienne. Aujourd'hui, John utilise depuis peu une tablette oculaire. Il s'exprime aussi sans passer par le filtre de la machine. Mais nous avions convenu que j'enverrais quelques questions en amont, afin qu'il puisse y répondre tranquillement. Nous sommes maintenant tous les deux devant sa tablette, et tandis qu'il utilise sa pupille, je vois apparaître peu à peu une phrase sur la modalité de notre entretien.

  • John Scala

    Je te dis la réponse et tu dois trouver la question.

  • Natacha Sels

    D'accord, on fait comme ça. Alors là, je te regarde en train de vraiment manipuler ton ordinateur juste avec les yeux.

  • John Scala

    Oui. au lieu de prendre une minute, j'en prends dix. Et si je n'avais pas cet outil, je serais un peu... uniquement spectateur. Si j'étais entièrement prisonnier de mon corps, sans pouvoir m'exprimer j'aurais le sentiment de n'être qu'une charge.

  • Natacha Sels

    T'aurais l'impression de n'être qu'une charge.

  • John Scala

    Imagine-toi allongé sur un lit sans pouvoir exprimer la moindre émotion. Tu n'as pas cet outil-là. tu te dis, autant mourir. Cette maladie, elle permet de se rendre compte de l'énorme avantage de la communication.

  • Natacha Sels

    Soudain, le logiciel se déverrouille et la voix synthétique de John se fait entendre.

  • John Scala

    Mon histoire, c'est assez banal, tu sais. J'ai 46 ans, je suis marié. J'ai deux enfants, une fille de 16 ans, Elsa d'une première union, et un fils de 6 ans, Gabin, que j'ai eu avec ma femme, Solène. Ma vie est assez simple, elle est saine, pas de cigarettes, du sport, des petits accros le week-end. J'ai un job plutôt sympa, des amis super et un appart que j'adore, au calme, dans un petit hameau marseillais où l'on entend chanter les cigalettes l'été. Voilà, j'aime beaucoup rire et jouer, en famille et entre amis, et cette vie simple me rend heureux.

  • Natacha Sels

    Alors je crois que la question était... Raconte-moi un peu ton histoire, John. Eh bien, voilà. Donc, en fait, on dit que les gens heureux n'ont pas d'histoire. C'est ce que tu es en train de me raconter.

  • John Scala

    C'est très joli comme phrase. Je ne connaissais pas.

  • Natacha Sels

    L'expression ? Oui, on dit ça. Les gens heureux n'ont pas d'histoire. Et puis, il se passe un catachrisme, ou pas encore tout à fait. D'abord des petites choses.

  • John Scala

    C'est une mauvaise limonade, comment on dit à Marseille. En fait, début 2022, j'ai commencé à sentir ma voix changer, devenir plus nasale. Tu sais, j'ai écrit une nouvelle qui raconte de façon fantasque comment ça s'est passé. Bref, ce sont plusieurs petits simples. qui sont apparus sans réellement m'iuiéter. Mais le principal c'était une fatigue chronique que je ne m'expliquais pas. J'ai la chance d'avoir une femme infirmière qui imagine toujours le pire. Faut dire que sur ce coup-là, elle a tapé dans le mille. Du coup, après toute une batterie d'examens qui montraient que j'étais en parfaite santé, Les médecins ont conclu à la maladie de Charcot.

  • Natacha Sels

    Je me souviens bien de la nouvelle, parce que notre histoire a un peu commencé comme ça. C'est-à-dire que tu es venue aux ateliers du concours de nouvelles de l'ARSLA, et tu as écrit cette nouvelle incroyable qui comparait tous tes symptômes de la maladie de Charcot à des symptômes que pouvait avoir une femme enceinte, mais neuf mois plus tard, tu as couché d'un Charcot et pas d'un bébé. C'était une nouvelle assez incroyable qui a eu son petit succès. Et du coup, comment t'as réagi à cette histoire-là ? C'était quand même énorme.

  • John Scala

    Quand tu apprends que tu es à Charcot, c'est comme si tu te retrouvais dans un procès dans lequel tu te demandes ce que tu fais là, et un juge t'annonce que tu es condamné à mort. Bref. Un immense sentiment d'injustice qui baladait comme un château de cartes. Tu pleures de façon incontrôlable alors que tu as toujours eu l'impression de contrôler ta vie. Et le pire, ce n'était pas tellement de savoir que j'allais mourir dans les trois ans dans un corps qui deviendrait ma prison. Le pire c'était de me dire que j'allais devoir abandonner ma femme, ma fille est mon fils de 6 ans.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce qui t'a permis de dépasser ça ?

  • John Scala

    La solution est d'abord venue de la femme qui au lieu de s'effondrer avec moi, s'est tout de suite mise dans une posture de derrière. En fait, elle ne m'a pas laissé respirer. Elle a fait venir des amis, son associée infirmière, une soeur. Et de tous ces échanges, j'ai retenu deux phrases, tu as le choix de pleurer chaque jour jusqu'à la fin, ou bien de vivre chaque jour avant la fin. Et la deuxième, arrête de regarder en arrière car tu ne seras plus jamais le même. Arrête de regarder en avant car tu sais que tu vas mourir dans des conditions cruelles. Vie au présent. En fonction de tes capacités du jour, tu te sentiras plus léger. Ces deux conseils m'ont appris une vraie philosophie de vie.

  • Natacha Sels

    Comment tout à coup, du jour au lendemain, on arrive à être dans le moment présent ? Comment tu es arrivé à faire ça ?

  • John Scala

    C'est venu assez naturellement.

  • Natacha Sels

    Ah, ça t'est venu naturellement ? Quelle chaleur !

  • John Scala

    En fait, c'est marrant, mais j'ai toujours eu envie de me lancer dans un projet personnel.

  • Natacha Sels

    Alors tu as toujours eu envie de te lancer dans un projet personnel ?

  • John Scala

    Et je n'ai jamais réussi à trouver la bonne idée. Ah, hélas ! Elle s'est offerte à moi.

  • Natacha Sels

    Alors ton projet personnel, comment tu l'appellerais ?

  • John Scala

    Je l'appellerais remettre l'humanité au centre des priorités. Mon double combat c'est de faire connaître cette maladie et de récolter des fonds pour la recherche pour que plus personne n'ait à vivre cette condamnation à mort. Et puis aussi, sachant que j'allais mourir rapidement, j'avais envie... de transmettre une forme de philosophie à mes enfants.

  • Natacha Sels

    Oui, communiquer, transmettre une philosophie à tes enfants. C'est quoi la chose la plus importante que tu veux transmettre à tes enfants ? Tu vas l'écrire, d'accord. Là, je te vois écrire avec tes yeux, et le texte apparaître peu à peu. La machine qui choisit des lettres, puis des mots.

  • John Scala

    J'ai envie de leur dire qu'il faut être courageux, qu'il faut aller vers les autres, qu'il faut oser voir montrer que si dans ma situation j'y arrive, c'est que tout est possible. C'est mon héritage psychologique, surtout pour mon fils, que je ne verrais pas grandir.

  • Natacha Sels

    Est-ce que tu as quelque chose à leur dire ? Comment on dépasse les moments quand on est un peu triste ? Parce qu'il doit y avoir des moments quand même où on est triste et c'est dur. Quelles sont tes ressources à toi pour dépasser ça ? Du coup, ça peut être un héritage aussi.

  • John Scala

    Déjà il ne faut pas hésiter à pleurer pour lâcher prise et après parler avec ses proches pour se remobiliser.

  • Natacha Sels

    C'est une belle autorisation.

  • John Scala

    En fait la maladie tombe au pied du mur d'une question qu'on devrait tous se poser. Qu'est-ce qui te rend heureux ? Pour moi c'est tout simplement continuer la vie que je mène. J'ai répondu à cette question au début de la maladie en disant, voir un spitz face à la mer avec ma femme, jouer au ballon avec mon fils, regarder The Voice avec ma fille commenter, voir un match de foot avec mes potes, aller au ciné et aussi aller travailler. Aujourd'hui, après un an et demi de maladie, mes réponses n'ont presque pas changé. Voir un demi-sprit dans un verre adapté face à la mer avec ma femme. Jouer à traiter mon fils qui fait du roller avec mon fauteuil roulant électrique. Regarder The Boys avec ma fille et commenter les prestations avec ma tablette oculaire. Voir un match de foot avec mes potes. Aller au ciné.

  • Natacha Sels

    Les adaptations. Les adaptations avec... Les pertes que la maladie impose au corps, en fait. Dans quel délai sont apparus les symptômes et comment la maladie change la relation à soi ?

  • John Scala

    Les symptômes ont débuté dans ma zone bulbaire, on va dire, à la bouche, pour faire simple. Question vitesse de propagation, je pense être en catégorie olympique. Six mois j'ai perdu 90% de l'usage de mes bras et de mes mains. Six mois après je perdais 90% de mes jambes. Et là encore six mois plus tard je ne parle quasiment plus et j'ai beaucoup de mal à avaler. Et là on vient de me poser une gastrostomie. C'est un tuyau qui sort de mon ventre et par lequel on peut me nourrir grâce à un accès direct à l'estomac. J'aime bien dire que j'ai la fibre maintenant en montrant le tuyau de 20 cm qui sort de mon abdomen. Pour ma part, je suis dans l'acceptation puisque je n'ai pas le choix et j'aime bien m'en amuser même si c'est terriblement frustrant parfois.

  • Natacha Sels

    Est-ce que tu lui donnes un nom à la maladie ? Tu l'appelles d'une certaine façon, toi ? Tu lui as donné un nom ou tu la nommes pas ?

  • John Scala

    Non, elle fait partie de moi. Elle n'a pas de nom. Au début, je parlais à mon corps en lui demandant pourquoi il s'infligeait ça.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce qui t'a répondu ?

  • John Scala

    Pas grand chose. Alors, j'ai arrêté de le questionner.

  • Natacha Sels

    Est-ce que finalement... Avec ce genre de maladie, on apprend à s'aimer mieux. Tu vois, j'ai l'impression qu'on est dans une société avec beaucoup de critères. Il faut être mince, fort, sportif, etc. Et puis du coup, on se pousse, on veut être ressemblé à l'image qu'on attend de nous. Et peut-être que finalement, ça aide à dire, comme je suis, je suis aimable.

  • John Scala

    En fait, je n'ai jamais eu de problème avec le regard des autres. Enfin, ce n'est pas vrai. Quand j'étais petit, j'en ai souffert.

  • Natacha Sels

    du regard des autres.

  • Solène Scala

    Il avait les dents cassées.

  • John Scala

    J'avais les dents cassées, des grosses lunettes. Des cheveux plats. Je n'étais pas vraiment un prince charmant. Mais en fait, j'ai rencontré un super ami.

  • Natacha Sels

    C'est Olivier.

  • John Scala

    Et comme on était pareil, j'ai la idée, elle m'a accepté.

  • Natacha Sels

    Et du coup, en fait, tu as appris à t'accepter il y a déjà très très longtemps, grâce à cet ami.

  • Solène Scala

    En fait, avec Olivier, ils ont rencontré l'amour inconditionnel. Ces deux âmes sœurs qui se sont sauvées l'un l'autre, et se sont apportées ce dont l'autre avait besoin. Et ils ne peuvent pas vivre l'un sans l'autre. Pourtant, ils s'habitent loin, mais ils se sont sauvés tous les deux. Et il y a une connexion qui est particulière. Je pense que... tous les deux se sont appris à s'aimer.

  • John Scala

    Aujourd'hui, c'est le matin, pas le regard des autres, parce que dans toute dérision, on est sur place.

  • Natacha Sels

    C'est fort, parce que ce n'est pas évident. J'entendais Olivier, justement, Olivier Goy, cette fois-ci, qui disait que c'est dur parce que le regard de la société fasse aussi l'intérieur à ce qu'on voit à l'extérieur.

  • John Scala

    C'est marrant, les gens peuvent permettre des choses en pensant que je suis bête. Et après, je me marre en le racontant à ma femme. Et ma femme les rappelle et leur crie dessus.

  • Solène Scala

    Depuis le diagnostic, en fait, on n'a fait rentrer que de l'amour. Parce que l'amour gagne toujours sur tout. Et moi, mon rôle d'aidante, c'est ce que j'ai essayé au maximum. Même quand il doit être loin de moi, par exemple à l'hôpital ou quoi, que je ne veux pas être H24, qu'il soit toujours entouré de gens. Qu'il y ait toujours ce vaisseau d'amour autour de lui. pour que les choses se passent plus sereinement.

  • Natacha Sels

    John, j'avais envie de te demander si tu devais dire quelques mots pour décrire ta femme, tu dirais quoi ?

  • John Scala

    C'est vache. C'est ma guerrière amoureuse.

  • Natacha Sels

    Oh, ta guerrière amoureuse, qu'est-ce que c'est beau ! Dans le prochain épisode, vous retrouverez John Scala, Un invincible amour, partie 2. Restez à l'écoute de notre podcast La vie est belle, essaie la (SLA) et abonnez-vous sur votre plateforme préférée.

Description

John Scala, est un homme heureux. Il a pourtant perdu l’usage de ses jambes, de ses bras et de la parole en moins de 24 mois. Son secret ? Un invincible amour et une équipe de choc.

Aux côtés de Solène, sa femme et "guerrière amoureuse", comme il aime l’appeler, John nous livre un témoignage poignant et inspirant sur la force des liens humains face aux défis de la vie.


Ne manquez aucun nouvel épisode de La vie est belle, essaie-la ! en vous abonnant dès maintenant sur votre plateforme de podcasts préférée et retrouvez un nouvel épisode un samedi sur deux.


Nous remercions chaleureusement toutes les personnes qui ont participé à cette première saison : personnes malades, aidants, proches, professionnels de santé.


Un immense merci également à la Fondation d'entreprise IRCEM pour son précieux soutien, ainsi qu'à l’Agence CosaVostra pour la réalisation du visuel du podcast.


Ce podcast de l'ARLSA a été réalisé par Natacha Sels, la post-production est de Bertrand Chaumeton.

 

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Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Natacha Sels

    La vie est belle, essaie-la ! , le podcast de l'ARSLA, qui met en lumière des personnes confrontées à la SLA et des professionnels engagés.

  • John Scala

    Il faut être courageux, il faut aller vers les autres. Si dans ma situation j'y arrive, c'est que tout est possible.

  • Natacha Sels

    John Scala, un invincible amour, partie 1. Malgré son nom qui sonne comme celui d'une star à paillettes, John Scala était un homme sans histoire, puisqu'il était heureux. Jusqu'au jour où un événement bouleversa son existence. Il y a un an et demi, en septembre 2022 exactement, le diagnostic pressentier a été confirmé. Une SLA est venue visiter son corps. À cette annonce, John pleure 24 heures durant. Pour le sortir de ce désespoir, sa femme Solène a le réflexe d'appeler à la rescousse Olivier, son ami, son frère. C'est le premier maillon d'une expérience de vie où la force du partage et le collectif agit comme une formidable source de bonheur. Il est onze heures, quand je frappe à la porte de l'appartement, lovée dans un petit hameau des alentours de Marseille, d'un commun accord avec John, nous avons prévu de prendre notre temps. Cette maladie n'en donne pas beaucoup, alors il est bon de le prendre. Bonjour, enchantée Natacha, merci beaucoup. Solène est une femme belle, grande, blonde et décontractée. Elle porte un t-shirt et une jupe longue, des lunettes rondes surmontées de chaque côté d'un triangle qui fait penser à des oreilles de chat. Elle a une énergie peu commune.

  • Solène Scala

    Je disais avec John qu'on a compris qu'il avait la maladie de Charcot. On s'est tout de suite dit, on ne va pas commencer à tomber dans les pourquoi. Pourquoi nous ? Pourquoi lui ? Pourquoi ? C'est injuste. On va se poser. La seule question qu'il faut se poser, c'est comment faire pour rajouter de la vie au jour. Ok, c'est comme ça. Comment on fait pour avancer, mettre un pied devant l'autre et profiter, et que la vie soit la plus belle possible. Je pense que c'est aussi une de nos forces de ne jamais tomber dans la colère et dans l'injustice du pourquoi.

  • Natacha Sels

    Face à la maladie, chacun réagit à sa façon. Solène, Jocelyne, infirmière et amie, et Patricia en parlent autour d'un café dans la cuisine.

  • Jocelyne

    Quand tu te retrouves devant un diagnostic aussi terrible, soit tu fais de ta vie un enfer tous les jours, soit tu fais que la vie elle est belle, parce que t'as pas le choix. Tu es dans une dimension qui ne te donne pas le choix. Nous, la maladie de Charcot, on l'a jamais vue comme elle est là. Moi, elle me terrasse quand je le vois marcher, mais dès que je le vois sourire, elle me terrasse plus. Enfin, je me dis, on est... On est là, donc là on partage les bons moments, et bien on prend les bons moments. Quand il faut pleurer, on pleure. Quand on doit rire, on rit. Et si on rit quand on pleure, on rit quand on pleure, on s'en fout. Mais on prend.

  • Solène Scala

    Là, comme je disais, pendant 20 ans, j'ai eu peur de la maladie de Charcot. Pendant mes études, elle m'avait traumatisée, et que même moi, je me l'étais trouvée alors que c'était la maladie de Lyme. Maintenant, en fait, j'ai plus peur de la maladie, parce que, ok, on la vit à la maison. mais surtout qu'en fait la maladie de Charcot pour moi elle a le sourire de John, elle a le sourire d'Olivier Goy, elle a le sourire de Ludovic elle a le sourire de ces hommes qui aiment la vie en fait et qui sont des battants en fait ils aiment, ils vivent ils sont vivants quoi et en fait voilà cette maladie pour moi maintenant je vois le sourire de John en fait et c'est ça que parce que John je l'ai toujours dit c'est parce que c'est mon mari Mais c'est une des plus belles personnes que j'ai été amenée à rencontrer. C'est pas parce qu'il est malade, c'est la gentillesse même, c'est la bonté même. Et d'ailleurs, je pense que le tsunami qu'il a levé, quand les gens, que ce soit à son travail, que ce soit partout en fait, à l'annonce de la maladie, c'est parce que les gens aiment John. Je n'ai jamais connu quelqu'un qui n'aimait pas John. Jamais.

  • Karine

    Dans le bureau de John, Karine, Ami. et bras droits, me livre son vécu. Il nous a donné une leçon de vie à tous, parce que j'aurais pu déprimer, alors j'ai pleuré, parce que ça a été dur, mais en fait, c'est lui qui m'a aidée à accepter sa maladie. C'est quand même énorme. C'est énorme. Et c'est ce qu'il a fait avec tous autour de nous. Dans sa chambre, où un petit chat Moné-Kineko rythme le temps avec sa patte, Gabin se présente et ne dit pas autre chose.

  • Gabin

    Je m'appelle Gabin. Je suis en grande section. Je fais du rugby, de la piscine et du judo. Et j'ai des cheveux blond vénitiens et des yeux bleus. Est-ce que tu pourrais me décrire ton papa ? Oui.Il a les cheveux poivre-sel. Il a une barbe et des yeux bleus.

  • Natacha Sels

    Et tu te souviens quel âge tu avais quand il est tombé malade ?

  • Gabin

    Oui, 4 ans. Et qu'est-ce que tu t'es dit à ce moment-là ? Je m'ai dit... Je m'ai... Je m'ai dit... que... Il allait faire beaucoup moins de choses avec moi et ça serait beaucoup trop pas juste et voilà.Et maintenant, tu te dis quoi ? Je me dis qu'il m'aime et qu'il peut encore faire des choses avec moi.

  • Natacha Sels

    Voilà. Le secret de John, c'est l'amour. L'amour qu'il est capable d'offrir. Je l'entends me dire, cela va peut-être te sembler bateau. Mais il n'en est rien. Cet amour est le fruit d'un parcours, notamment d'une enfance difficile, surmontée grâce à l'amitié. Et maintenant, la maladie joue comme un révélateur de ce qui est déjà là. Il est temps de monter dans l'antre de John, au dernier étage. C'est ton bureau,

  • John Scala

    John ? Oui. C'est mon espace de travail et de créativité.

  • Natacha Sels

    De créativité. John, c'est la première fois que je le rencontre en chair et en os. Mais nous avons déjà une histoire. En 2022, je l'ai rencontré dans un atelier d'écriture qui préparait au concours de nouvelles organisé par l'ARSLA. J'ai aussi prêté ma voix à deux de ses textes, car il commençait à perdre la sienne. Aujourd'hui, John utilise depuis peu une tablette oculaire. Il s'exprime aussi sans passer par le filtre de la machine. Mais nous avions convenu que j'enverrais quelques questions en amont, afin qu'il puisse y répondre tranquillement. Nous sommes maintenant tous les deux devant sa tablette, et tandis qu'il utilise sa pupille, je vois apparaître peu à peu une phrase sur la modalité de notre entretien.

  • John Scala

    Je te dis la réponse et tu dois trouver la question.

  • Natacha Sels

    D'accord, on fait comme ça. Alors là, je te regarde en train de vraiment manipuler ton ordinateur juste avec les yeux.

  • John Scala

    Oui. au lieu de prendre une minute, j'en prends dix. Et si je n'avais pas cet outil, je serais un peu... uniquement spectateur. Si j'étais entièrement prisonnier de mon corps, sans pouvoir m'exprimer j'aurais le sentiment de n'être qu'une charge.

  • Natacha Sels

    T'aurais l'impression de n'être qu'une charge.

  • John Scala

    Imagine-toi allongé sur un lit sans pouvoir exprimer la moindre émotion. Tu n'as pas cet outil-là. tu te dis, autant mourir. Cette maladie, elle permet de se rendre compte de l'énorme avantage de la communication.

  • Natacha Sels

    Soudain, le logiciel se déverrouille et la voix synthétique de John se fait entendre.

  • John Scala

    Mon histoire, c'est assez banal, tu sais. J'ai 46 ans, je suis marié. J'ai deux enfants, une fille de 16 ans, Elsa d'une première union, et un fils de 6 ans, Gabin, que j'ai eu avec ma femme, Solène. Ma vie est assez simple, elle est saine, pas de cigarettes, du sport, des petits accros le week-end. J'ai un job plutôt sympa, des amis super et un appart que j'adore, au calme, dans un petit hameau marseillais où l'on entend chanter les cigalettes l'été. Voilà, j'aime beaucoup rire et jouer, en famille et entre amis, et cette vie simple me rend heureux.

  • Natacha Sels

    Alors je crois que la question était... Raconte-moi un peu ton histoire, John. Eh bien, voilà. Donc, en fait, on dit que les gens heureux n'ont pas d'histoire. C'est ce que tu es en train de me raconter.

  • John Scala

    C'est très joli comme phrase. Je ne connaissais pas.

  • Natacha Sels

    L'expression ? Oui, on dit ça. Les gens heureux n'ont pas d'histoire. Et puis, il se passe un catachrisme, ou pas encore tout à fait. D'abord des petites choses.

  • John Scala

    C'est une mauvaise limonade, comment on dit à Marseille. En fait, début 2022, j'ai commencé à sentir ma voix changer, devenir plus nasale. Tu sais, j'ai écrit une nouvelle qui raconte de façon fantasque comment ça s'est passé. Bref, ce sont plusieurs petits simples. qui sont apparus sans réellement m'iuiéter. Mais le principal c'était une fatigue chronique que je ne m'expliquais pas. J'ai la chance d'avoir une femme infirmière qui imagine toujours le pire. Faut dire que sur ce coup-là, elle a tapé dans le mille. Du coup, après toute une batterie d'examens qui montraient que j'étais en parfaite santé, Les médecins ont conclu à la maladie de Charcot.

  • Natacha Sels

    Je me souviens bien de la nouvelle, parce que notre histoire a un peu commencé comme ça. C'est-à-dire que tu es venue aux ateliers du concours de nouvelles de l'ARSLA, et tu as écrit cette nouvelle incroyable qui comparait tous tes symptômes de la maladie de Charcot à des symptômes que pouvait avoir une femme enceinte, mais neuf mois plus tard, tu as couché d'un Charcot et pas d'un bébé. C'était une nouvelle assez incroyable qui a eu son petit succès. Et du coup, comment t'as réagi à cette histoire-là ? C'était quand même énorme.

  • John Scala

    Quand tu apprends que tu es à Charcot, c'est comme si tu te retrouvais dans un procès dans lequel tu te demandes ce que tu fais là, et un juge t'annonce que tu es condamné à mort. Bref. Un immense sentiment d'injustice qui baladait comme un château de cartes. Tu pleures de façon incontrôlable alors que tu as toujours eu l'impression de contrôler ta vie. Et le pire, ce n'était pas tellement de savoir que j'allais mourir dans les trois ans dans un corps qui deviendrait ma prison. Le pire c'était de me dire que j'allais devoir abandonner ma femme, ma fille est mon fils de 6 ans.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce qui t'a permis de dépasser ça ?

  • John Scala

    La solution est d'abord venue de la femme qui au lieu de s'effondrer avec moi, s'est tout de suite mise dans une posture de derrière. En fait, elle ne m'a pas laissé respirer. Elle a fait venir des amis, son associée infirmière, une soeur. Et de tous ces échanges, j'ai retenu deux phrases, tu as le choix de pleurer chaque jour jusqu'à la fin, ou bien de vivre chaque jour avant la fin. Et la deuxième, arrête de regarder en arrière car tu ne seras plus jamais le même. Arrête de regarder en avant car tu sais que tu vas mourir dans des conditions cruelles. Vie au présent. En fonction de tes capacités du jour, tu te sentiras plus léger. Ces deux conseils m'ont appris une vraie philosophie de vie.

  • Natacha Sels

    Comment tout à coup, du jour au lendemain, on arrive à être dans le moment présent ? Comment tu es arrivé à faire ça ?

  • John Scala

    C'est venu assez naturellement.

  • Natacha Sels

    Ah, ça t'est venu naturellement ? Quelle chaleur !

  • John Scala

    En fait, c'est marrant, mais j'ai toujours eu envie de me lancer dans un projet personnel.

  • Natacha Sels

    Alors tu as toujours eu envie de te lancer dans un projet personnel ?

  • John Scala

    Et je n'ai jamais réussi à trouver la bonne idée. Ah, hélas ! Elle s'est offerte à moi.

  • Natacha Sels

    Alors ton projet personnel, comment tu l'appellerais ?

  • John Scala

    Je l'appellerais remettre l'humanité au centre des priorités. Mon double combat c'est de faire connaître cette maladie et de récolter des fonds pour la recherche pour que plus personne n'ait à vivre cette condamnation à mort. Et puis aussi, sachant que j'allais mourir rapidement, j'avais envie... de transmettre une forme de philosophie à mes enfants.

  • Natacha Sels

    Oui, communiquer, transmettre une philosophie à tes enfants. C'est quoi la chose la plus importante que tu veux transmettre à tes enfants ? Tu vas l'écrire, d'accord. Là, je te vois écrire avec tes yeux, et le texte apparaître peu à peu. La machine qui choisit des lettres, puis des mots.

  • John Scala

    J'ai envie de leur dire qu'il faut être courageux, qu'il faut aller vers les autres, qu'il faut oser voir montrer que si dans ma situation j'y arrive, c'est que tout est possible. C'est mon héritage psychologique, surtout pour mon fils, que je ne verrais pas grandir.

  • Natacha Sels

    Est-ce que tu as quelque chose à leur dire ? Comment on dépasse les moments quand on est un peu triste ? Parce qu'il doit y avoir des moments quand même où on est triste et c'est dur. Quelles sont tes ressources à toi pour dépasser ça ? Du coup, ça peut être un héritage aussi.

  • John Scala

    Déjà il ne faut pas hésiter à pleurer pour lâcher prise et après parler avec ses proches pour se remobiliser.

  • Natacha Sels

    C'est une belle autorisation.

  • John Scala

    En fait la maladie tombe au pied du mur d'une question qu'on devrait tous se poser. Qu'est-ce qui te rend heureux ? Pour moi c'est tout simplement continuer la vie que je mène. J'ai répondu à cette question au début de la maladie en disant, voir un spitz face à la mer avec ma femme, jouer au ballon avec mon fils, regarder The Voice avec ma fille commenter, voir un match de foot avec mes potes, aller au ciné et aussi aller travailler. Aujourd'hui, après un an et demi de maladie, mes réponses n'ont presque pas changé. Voir un demi-sprit dans un verre adapté face à la mer avec ma femme. Jouer à traiter mon fils qui fait du roller avec mon fauteuil roulant électrique. Regarder The Boys avec ma fille et commenter les prestations avec ma tablette oculaire. Voir un match de foot avec mes potes. Aller au ciné.

  • Natacha Sels

    Les adaptations. Les adaptations avec... Les pertes que la maladie impose au corps, en fait. Dans quel délai sont apparus les symptômes et comment la maladie change la relation à soi ?

  • John Scala

    Les symptômes ont débuté dans ma zone bulbaire, on va dire, à la bouche, pour faire simple. Question vitesse de propagation, je pense être en catégorie olympique. Six mois j'ai perdu 90% de l'usage de mes bras et de mes mains. Six mois après je perdais 90% de mes jambes. Et là encore six mois plus tard je ne parle quasiment plus et j'ai beaucoup de mal à avaler. Et là on vient de me poser une gastrostomie. C'est un tuyau qui sort de mon ventre et par lequel on peut me nourrir grâce à un accès direct à l'estomac. J'aime bien dire que j'ai la fibre maintenant en montrant le tuyau de 20 cm qui sort de mon abdomen. Pour ma part, je suis dans l'acceptation puisque je n'ai pas le choix et j'aime bien m'en amuser même si c'est terriblement frustrant parfois.

  • Natacha Sels

    Est-ce que tu lui donnes un nom à la maladie ? Tu l'appelles d'une certaine façon, toi ? Tu lui as donné un nom ou tu la nommes pas ?

  • John Scala

    Non, elle fait partie de moi. Elle n'a pas de nom. Au début, je parlais à mon corps en lui demandant pourquoi il s'infligeait ça.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce qui t'a répondu ?

  • John Scala

    Pas grand chose. Alors, j'ai arrêté de le questionner.

  • Natacha Sels

    Est-ce que finalement... Avec ce genre de maladie, on apprend à s'aimer mieux. Tu vois, j'ai l'impression qu'on est dans une société avec beaucoup de critères. Il faut être mince, fort, sportif, etc. Et puis du coup, on se pousse, on veut être ressemblé à l'image qu'on attend de nous. Et peut-être que finalement, ça aide à dire, comme je suis, je suis aimable.

  • John Scala

    En fait, je n'ai jamais eu de problème avec le regard des autres. Enfin, ce n'est pas vrai. Quand j'étais petit, j'en ai souffert.

  • Natacha Sels

    du regard des autres.

  • Solène Scala

    Il avait les dents cassées.

  • John Scala

    J'avais les dents cassées, des grosses lunettes. Des cheveux plats. Je n'étais pas vraiment un prince charmant. Mais en fait, j'ai rencontré un super ami.

  • Natacha Sels

    C'est Olivier.

  • John Scala

    Et comme on était pareil, j'ai la idée, elle m'a accepté.

  • Natacha Sels

    Et du coup, en fait, tu as appris à t'accepter il y a déjà très très longtemps, grâce à cet ami.

  • Solène Scala

    En fait, avec Olivier, ils ont rencontré l'amour inconditionnel. Ces deux âmes sœurs qui se sont sauvées l'un l'autre, et se sont apportées ce dont l'autre avait besoin. Et ils ne peuvent pas vivre l'un sans l'autre. Pourtant, ils s'habitent loin, mais ils se sont sauvés tous les deux. Et il y a une connexion qui est particulière. Je pense que... tous les deux se sont appris à s'aimer.

  • John Scala

    Aujourd'hui, c'est le matin, pas le regard des autres, parce que dans toute dérision, on est sur place.

  • Natacha Sels

    C'est fort, parce que ce n'est pas évident. J'entendais Olivier, justement, Olivier Goy, cette fois-ci, qui disait que c'est dur parce que le regard de la société fasse aussi l'intérieur à ce qu'on voit à l'extérieur.

  • John Scala

    C'est marrant, les gens peuvent permettre des choses en pensant que je suis bête. Et après, je me marre en le racontant à ma femme. Et ma femme les rappelle et leur crie dessus.

  • Solène Scala

    Depuis le diagnostic, en fait, on n'a fait rentrer que de l'amour. Parce que l'amour gagne toujours sur tout. Et moi, mon rôle d'aidante, c'est ce que j'ai essayé au maximum. Même quand il doit être loin de moi, par exemple à l'hôpital ou quoi, que je ne veux pas être H24, qu'il soit toujours entouré de gens. Qu'il y ait toujours ce vaisseau d'amour autour de lui. pour que les choses se passent plus sereinement.

  • Natacha Sels

    John, j'avais envie de te demander si tu devais dire quelques mots pour décrire ta femme, tu dirais quoi ?

  • John Scala

    C'est vache. C'est ma guerrière amoureuse.

  • Natacha Sels

    Oh, ta guerrière amoureuse, qu'est-ce que c'est beau ! Dans le prochain épisode, vous retrouverez John Scala, Un invincible amour, partie 2. Restez à l'écoute de notre podcast La vie est belle, essaie la (SLA) et abonnez-vous sur votre plateforme préférée.

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