- Natacha Sels
La vie est belle, essaie-la ! Le podcast de l'ARSLA, qui met en lumière des personnes confrontées à la SLA et des professionnels engagés. Lydie Garrabos, ma famille formidable, partie 2. Dans ce second épisode, je retrouve Lydie qui me parle de sa journée type. Mais chez les Garrabos, personne ne s'endort sur ses habitudes. Et on aime relever de nouveaux défis. Il sera donc question d'un festival techno, d'un documentaire tourné par un ostéopathe passionné et son acolyte, du rôle de l'aidant, des clés du bonheur, et aussi parfois de l'envie d'en finir quand l'épreuve semble trop lourde à porter. Tout cela est accepté sans déni, comme les réalités d'une épreuve qui devient belle d'être vécue dans un véritable esprit de solidarité.
- Lydie Garrabos
Le matin petit déj au lit avec Xavier. Ensuite je dors un peu. Si mon auxiliaire de vie est là je me réveille vers 11h, puis m' installe au salon avec mon précieux Toby. Je déjeune devant le journal ensuite je regarde mon émission préférée, puis je joue, ou je lis ou j'écris ou je regarde une série. Puis, c'est le retour des amours. Je dîne souvent après la famille, c'est plus facile pour moi. Ensuite, tout dépend si on est en semaine. On regarde une émission avec Xavier. Le week-end, on peut jouer à un jeu ou regarder un film en famille.
- Natacha Sels
Donc, le matin, petit dej au lit avec Xavier, si on n'avait pas bien compris. Et donc, ton auxiliaire de vie, elle revient à 11h.
- Lydie Garrabos
Je me réveille à 11h quand Xavier m'a recouché après le petit déjeuner.
- Natacha Sels
D'accord. Est-ce que tu arrives à bien dormir la nuit ?
- Lydie Garrabos
Oui, il n'y a pas de problème avec ça. Je réveille pour que Xavier me change de position, c'est tout.
- Natacha Sels
D'accord. Tu restes à peu près combien de temps couché, combien de temps assise ?
- Lydie Garrabos
Je dirais 10h couchée.
- Natacha Sels
Et ici, c'est ton fauteuil préféré. C'est ton fauteuil à toi, spécial. Oui, c'est ça.
- Lydie Garrabos
Je suis aussi souvent dans le lit avec Toby tranquille.
- Natacha Sels
Pour qu'il n'y ait aucune ambiguïté, Toby, c'est ton ordinateur supersonique qui te permet d'écrire des mails, de t'occuper de tout ce qui a à faire administrativement, de faire les courses en fonction des menus que tu as prévus, de regarder des films aussi.
- Lydie Garrabos
Je contrôle la télé, donc je peux regarder les films directement.
- Natacha Sels
Il y a un film que tu as particulièrement aimé ces derniers temps ?
- Lydie Garrabos
Je suis très série. Policière ou thriller avec des morts et beaucoup de sang. J'adore ça.
- Natacha Sels
Qu'est-ce qui t'aide dans la vie de tous les jours ?
- Lydie Garrabos
Voir mes enfants grandir et s'épanouir pleinement. Ils sont ma force. Xavier est un homme formidable et je tiens grâce à ma famille formidable.
- Natacha Sels
Est-ce que tu peux me parler un peu de tes enfants ? Comment ils sont avec toi pour te soutenir ?
- Lydie Garrabos
William le fait souvent par écrit car il est hyper-sensible, Lucie extériorise beaucoup plus, Maxine ne parle pas de la maladie car elle m'a très peu vu valide.
- Natacha Sels
Elle avait 5 ans, c'est ça ? Et du coup, elle est dans quelque chose de naturel en fait. Elle a quel âge ? 13 ans maintenant, c'est ça ? Maxine, juste rentrée de l'école, vient raconter sa journée à sa maman.
- Maxine
On a payé le repas pour les malgaches et nous on a mangé le leur pour se rendre compte de la situation. Et comme ça on a apporté de l'argent pour qu'ils puissent construire des écoles à Madagascar avec mon collège.
- Natacha Sels
C'était quoi le leur de repas ?
- Maxine
C'était du riz, de la sauce tomate et une pomme.
- Natacha Sels
Il y en a qui ont fait la gueule ?
- Maxine
En vrai, moi, ça ne m'a pas spécialement dérangée parce que tant que c'est pour aider les autres, moi, je suis d'accord. Après, c'était avec un peu de sauce tomate dessus. Ce n'était pas non plus la mort. On avait le droit de reprendre. J'ai ma maman qui est atteinte de la maladie de la SLA. Je ne sais plus exactement ce que c'est le nom parce qu'il est très compliqué. Tout le temps à la maison, mais on essaye de faire souvent des sorties ou d'inviter des personnes à la maison pour qu'il y ait de la vie et pour pas qu'elles se sentent toujours toutes seules.
- Xavier Garrabos
Une vie ? De P A. Il vit de Patachon. Ah bah oui, c'est ça. Et je pense que là aussi, côté positif des choses, je pense qu'on en fait plus et plus de trucs un peu un peu foufou. Je vais dire grâce à la maladie. En tout cas, le fait qu'il y ait la maladie et le handicap, je crois qu'on s'autorise peut-être plus de trucs ou on se fait peut-être plus de choses. Non, peut-être pas fait.
- Lydie Garrabos
J'étais heureuse avant la SLA et aujourd'hui, je l'assume autrement, tout simplement.
- Natacha Sels
Être heureuse, ça veut dire quoi pour toi ?
- Lydie Garrabos
Aller au restaurant, aller en festival électro en famille, partir en vacances.
- Natacha Sels
Je me souviens de cette photo que tu m'avais montrée à distance, où avec tes enfants, tu étais allée à un festival, enfin un concert électro, et les enfants et Xavier portaient le fauteuil, et tu étais comme prise dans la foule, comme une star. C'était il y a longtemps, ça ?
- Lydie Garrabos
On y va tous les ans. C'est de la drum and bass, ça tabasse fort.
- Natacha Sels
Drum and bass, et ça tabasse.
- Xavier Garrabos
Donc, la tu vois Lydie au dessus de la foulle en fauteuil. Voilà, tu la vois derrière. On va la voir après.
- Natacha Sels
Ah, excellent.
- Xavier Garrabos
C'est notre fiston que tu aperçois devant, à portée de fauteuil. Voilà, et moi, je suis à droite.
- Natacha Sels
Et tout le monde vous aide en fait.
- Xavier Garrabos
Ah bah oui, là tu as une telle ambiance que tu peux avoir une scène qui est bondée, tu y vas avec le fauteuil, tu rouleras mieux qu'en plein métro parisien à 18h, c'est-à-dire que les gens se poussent les uns les autres pour faire vraiment une vraie ouverture. t'as une marée humaine mais qui s'ouvre au fur et à mesure devant toi et t'as une bienveillance t'as vraiment c'est vraiment une ambiance super et tout le monde t'aide pour lever le fauteuil si tu les écoutes le fauteuil il est en l'air pendant tout le set du DJ donc c'est un moment où physiquement moi je suis plus c'est vraiment c'est super
- Natacha Sels
Est-ce qu'il y a des choses qui qui te paraissent dérisoires aujourd'hui et auxquelles les gens s'accrochent peut-être.
- Lydie Garrabos
Les soucis que se créent les gens me font rire. Je n'ai pas d'exemple précis. L'amour de ma famille est essentiel. Le reste est tellement futile pour moi.
- Natacha Sels
Ce que j'observe depuis tout à l'heure, c'est la grande complicité que tu as avec Xavier. Tu as quelque chose que tu peux dire là-dessus ?
- Lydie Garrabos
Depuis toujours, nous sommes une équipe. Ce que l'on parle de tout même quand c'est compliqué. Par exemple, nous avons eu des coups de canif dans le contrat, mais on a toujours communiqué pour se relever ensemble. J'ai toujours su que c'était l'homme de ma vie dès le début.
- Natacha Sels
Qu'est-ce qui t'a plu chez lui ? Moi, je vois apparaître la phrase au fur et à mesure, donc je rigole déjà. Son humour, ses fesses, ses beaux yeux bleus pétillants de vie et d'amour des autres. Quelle belle déclaration. j'ai déjà posé la question à Lydie je ne te dirai pas ce qu'elle a dit mais depuis tout à l'heure j'observe votre grande complicité tu aurais envie d'en dire quelque chose ?
- Xavier Garrabos
Je pense qu'on a développé quelque chose de plus. On était déjà assez complices sur pas mal de sujets, de thématiques. Et avec Lydie, on a toujours parlé de tout. Je crois que je peux dire vraiment de tout. Tous les deux, ça a peut-être été une des forces de notre couple. Même quand les choses n'allaient pas forcément bien, comme dans tout couple. Ça va faire 30 ans bientôt qu'on est ensemble, donc forcément, il y a eu des hauts et des bas. Mais c'est vrai que depuis que Lydie ne peut plus s'exprimer, en tout cas, de la manière dont elle le voudrait, Je pense qu'on a développé effectivement aussi toute une complicité à travers le regard, à travers des attitudes qui font qu'on se comprend ou qu'on arrive effectivement à échanger, que ce soit une demande, un sentiment, une sensation. C'est vrai qu'on a, je pense qu'on a développé ça de façon intuitive par rapport à l'état des choses. Je pense que... L'être humain s'adapte à toute situation et que la force de l'être humain, c'est de pouvoir trouver des solutions là où on pense qu'il n'y en a pas finalement. Et de pouvoir se dire, voilà, je ne peux pas communiquer, mais je vais à travers mon regard te faire comprendre que j'ai soif, que ça ne va pas, que j'ai du mal à respirer, que je suis en perte d'autonomie. Et je pense que ce sont des choses qui sont complètement impalpables. qui arrivent avec le temps, mais qui se mettent en place de façon naturelle. Je n'ai pas de mots pour l'expliquer, puisque c'est vraiment quelque chose qu'on peut constater et dont je me rends compte, comme tu m'en parles, mais pour laquelle je n'ai pas forcément d'explication. On ne s'est pas dit un jour, tiens, on va développer quelque chose pour compenser.
- Natacha Sels
Tu parles de regard, quand même.
- Xavier Garrabos
Oui, c'est principalement... Je dirais, c'est au niveau du visage, c'est à la fois le regard et l'attitude du visage, que ce soit au niveau même de la bouche ou même du sourire ou pas, d'ailleurs. Je vois quand Lydie est en colère, je vois quand Lydie râle ou quand elle me dit qu'elle est d'accord alors qu'elle n'est pas d'accord. Tout ça, je le comprends bien, mais je le voyais déjà avant. Mais effectivement, il y a tout ce côté attitude. Le regard est une grande partie, mais il y a toute la partie, effectivement, expression faciale.
- Natacha Sels
Là, elle rit de t'entendre. Alors c'est quoi Dany ? C'est qui ?
- Xavier Garrabos
Dany, c'est le caméraman qui s'occupe du futur reportage qui est en train d'être tourné sur Lady, la famille, sur l'approche de la maladie et la résilience. Et qui viendra sûrement faire quelques prises de vue aujourd'hui, parce que l'idée c'est qu'il puisse aussi faire pas mal de prises de vue sur le quotidien.
- Dany
Je m'appelle Dany, Dany Louzon, je suis réalisateur et producteur.Et puis là, du coup, je passe pas mal de temps cette année avec Lydie et Xavier.
- Natacha Sels
Donc tu nous as pris pendant qu'on était en train de discuter avec Lydie et Xavier ?
- Dany
Oui, c'est pour avoir des images d'illustration pour le documentaire, justement. Ça permet de montrer ce moment-là dans la vie de Lydie, qui est quand même vraiment très cool. Quelqu'un qui fait un podcast pour... Pour elle ou même la famille Garrabos, c'est trop bien.
- Mickaël
Mickaël Culus, je suis ostéopathe depuis plus de 10 ans et je suis aussi coach thérapeutique. J'ai été touché par la dévotion de Xavier et de sa famille pour cette épreuve, qui est quand même une grosse épreuve. J'ai eu la chance après de rencontrer Elodie. Et j'ai été très touché par sa force de caractère et cette capacité à pouvoir résister et lutter contre la maladie. J'ai trouvé ça formidable. Donc, j'ai essayé de comprendre ce qui se jouait derrière. D'où l'objet du documentaire.
- Natacha Sels
Tu peux m'en dire plus ?
- Mickaël
Alors, en fait, à la base... Quand j'ai rencontré Xavier et sa famille, tout de suite, je me suis dit, il y a quelque chose qui... Il y a un secret, un secret bien gardé. Je sentais qu'il y avait quelque chose et comme je suis quelqu'un de très curieux, et qui aime creuser les choses et donner du sens à ce qui se passe pour les gens, je me suis dit, il y a quelque chose à faire. Donc j'ai proposé le projet à Xavier et Lydie. Et en fait, c'était vraiment réussir à donner certaines clés à d'autres personnes ou familles ou accompagnants qui seraient dans la même situation et qui pourraient être inspirés par leur histoire. Donc c'est ça l'idée en fait derrière, c'est que ce qui nous arrive a forcément un sens et si en plus ils peuvent être partagés au plus grand nombre, tant mieux, ça peut aider.
- Natacha Sels
Quand tu dis un sens, d'ailleurs Xavier qui est près de nous, tu vas peut-être pouvoir répondre, est-ce que vous avez donné un sens à cette histoire-là pour vous, à ce qui vous est arrivé ?
- Xavier Garrabos
Donné de sens particulier, c'est-à-dire qu'on n'a pas recherché, je pense, au quotidien, à lui donner un sens, mais c'est vrai qu'à se poser la question, on peut trouver derrière ça le côté solidarité, le côté entraide, effectivement, au niveau de la famille. C'est vrai que c'est le fait de traverser à la fois une épreuve de vie, mais qui, néanmoins, est une belle épreuve de vie. C'est-à-dire qu'elle est à la tout ce qui est compliqué, difficile par rapport à la maladie ou au handicap. Mais c'est vrai que ce parcours nous a tous fait grandir et nous fait tous grandir et nous fait découvrir des ressources qu'on n'aurait peut-être pas imaginé avoir et nous fait voir nos proches sous un oeil différent, avec un oeil différent. Moi, voir mes enfants aider leur maman, je trouve ça magique. C'est des choses auxquelles ils ne sont pas préparés et auxquelles on n'a pas à être préparé. Ce n'est pas la logique des choses. Le sens que je donnerais à tout ça, c'est se rendre compte de quoi on peut être capable pour l'autre. C'est vraiment l'élément que je retiendrais.
- Natacha Sels
La femme que tu as découvert en Lydie est différente de celle que tu connaissais déjà, avec cette situation, cette épreuve ou cette expérience de vie ?
- Xavier Garrabos
Alors là, elle me dit non avec sa tête pour pas que je dise trop de choses. Mais non, je suis d'accord avec toi, effectivement, Lydie, parce que... Pour moi, c'est la même Lydie qu'on en parlait ce matin tous les deux. Pour moi, je ne m'occupe pas d'une malade, je ne m'occupe pas d'une personne handicapée. Je m'occupe de ma femme, je m'occupe de Lydie. Pour moi, Lydie, c'est une personne à part entière. Ce n'est pas quelqu'un qu'on doit caler derrière un statut ou un état. Pour moi, c'est la même personne. Et dans les faits, effectivement, elle a les mêmes qualités, les mêmes éléments et les mêmes travers, comme on a tous, qu'elle avait auparavant, mais je pense qu'elle a su les mettre à bon escient. Et en fait, aujourd'hui, on retrouve les mêmes choses, les mêmes caractéristiques. Alors, elles sont amenées différemment puisqu'aujourd'hui, elle ne peut plus être dynamique physiquement, mais elle l'est à travers tellement de choses qu'elle entreprend. On en parlait tout à l'heure, que ce soit l'écriture, que ce soit effectivement les dessins, etc. Donc, elle a ce côté dynamique. qui n'est plus dans le physique, mais qui est dans toutes les actions qu'elle entreprend néanmoins, y compris au quotidien. Elle aide ses enfants, elle nous aide au quotidien, elle fait elle-même les courses, etc. Donc, elle gère énormément de choses, certes de façon numérique, grâce à son capteur oculaire, mais elle a ce dynamisme et elle a cette volonté qui est toujours là de se battre au quotidien. Elle est têtue, elle a du caractère et elle en sourit.
- Natacha Sels
On va le dire, elle est en train de se marrer dans son fauteuil.
- Xavier Garrabos
C'est un super côté, finalement, ce côté têtu. C'est comment elle tient tête à la maladie aujourd'hui, comment elle me tient tête au quotidien aussi, comme elle l'a toujours fait. Mais ça, c'est génial, parce que c'est là où je me dis qu'on avance et on tient le cap, parce que finalement, elle ne se laisse pas totalement bouffer par la maladie. Elle continue à avoir son caractère, voir son sale caractère de temps en temps. Et ça, c'est de la vraie vie.
- Natacha Sels
Alors, est-ce qu'il a déjà un petit peu dévoilé le secret, d'après toi ?
- Mickaël
Effectivement, le fait de garder... à l'esprit que c'est un être humain à part entière, comme les autres. Je pense que c'est aussi un des secrets. C'est de garder quand même cette idée d'être dans cette forme de normalité, malgré tout. Le fait que Lydie est une ancienne sportive de haut niveau, je pense que ça a développé aussi sa capacité.
- Natacha Sels
Elle ne m'avait pas tout dit.
- Mickaël
Ah, la coquine, elle cache des choses. Oui, sportive de haut niveau. Donc, je pense que le mental... Elle a un mental fort, en plus du physique aussi.
- Natacha Sels
Alors elle faisait quoi comme sport ?
- Mickaël
La gymnastique, oui. Donc je pense que ça a permis aussi à son corps d'avoir cette résilience de récupération, et aussi la force mentale. Donc je pense que déjà, de par ce principe là, ça en fait une survivante qui est bien plus équipée entre guillemets que des personnes qui vont être un peu plus sédentaires ou qui n'auraient pas vécu ce même parcours de vie. Et ensuite ce qu'on a trouvé, c'est vraiment cet environnement favorable avec des projets. Quand la maladie a débuté, Lydie était encore à la tête de projets pour la ville notamment. qui a fait que, mine de rien, ça stimule. Parce que là, on est vraiment vers un combat vers la vie. On a peut-être tendance, quand on est au creux de la vague, parce que c'est des vagues que l'on vit, nous, déjà dans nos vies, mais à ce niveau-là, c'est encore pire. Et donc, du coup, si on n'a pas cet environnement bienveillant, d'amour, ainsi que le soutien d'une famille, plus les projets, je pense qu'on a plus facilement tendance à glisser et à se laisser aller. Je pense que c'est ce tout là qui a fait qu'aujourd'hui l'IDI déjoue tous les pronostics On a quand même une stagnation de la maladie et des symptômes depuis un long moment donc c'est vrai que ça pose des questions C'est pour ça que je suis très touché aussi, parce que je fonctionne pareil. Je ne travaille pas avec le drame. Je préfère y voir vraiment ce qui est lumineux. Je préfère vraiment y voir ce qu'il y a derrière, en fait, les enjeux, l'évolution. Pour moi, on est venu quand même expérimenter cette incarnation terrestre avec nos corps de souffrance. Il y en a qui souffrent un peu plus que d'autres, mais on se rejoint tous sur cette humanité. Et c'est toujours des occasions pour nous d'aller explorer d'autres facettes de nous-mêmes. qu'on ne peut pas explorer si on ne vit pas des aventures comme la maladie, la souffrance ou la dépression ou d'autres choses.
- Natacha Sels
Omniprésent pour sa famille, Xavier revendiquait dans le premier épisode le statut d'aimant plus que d'aidant. J'ai envie d'en savoir plus sur lui et sur cette posture délicate qui conjugue la position de mari et d'aidant principal.
- Xavier Garrabos
Je suis un papa et mari de bientôt 50 ans. Moi, je suis né en région parisienne. Je suis responsable commercial chez Orange. Et j'ai la chance de pouvoir effectivement télétravailler trois jours par semaine et donc d'être présent pour Lydie en même temps. entre guillemets, son aidant, comme je le suis au quotidien et la nuit également. Que dire de plus me concernant ? Dès qu'on parle de moi et que ça devient plus personnel, c'est tout de suite beaucoup plus compliqué.
- Natacha Sels
Alors en même temps, la sensation que tu donnes, c'est d'être... l'axe, le roc sur lequel on peut se reposer en tout cas comme ça de mon oeil extérieur mais alors sur qui peut s'appuyer le roc ?
- Xavier Garrabos
C'est une excellente question déjà je n'ai pas l'impression de mon point de vue, d'être un rock, etc. Alors, ce n'est pas de la fausse humilité, mais c'est simplement que je ne me rends pas compte ou pas forcément compte de la place ou de l'importance que je peux avoir. J'essaye, moi, de simplement jouer mon rôle de la meilleure des manières et d'être présent pour les miens, parce que c'est ma meute, parce que c'est mon équipe, c'est ma famille, c'est ma vie. Donc, moi, je suis là pour eux comme ils sont là pour moi. Et c'est touchant de voir. l'image que je peux donner de rock, etc. Alors j'essaie de l'être au mieux, mais le rock, de temps en temps, il s'effrite, il a des sentiments, il a besoin de souffler, il a besoin de tout ça, et c'est vrai que, de ce point de vue-là, c'est toujours assez compliqué de prendre du temps pour soi, parce que quand on s'investit pour les autres, et encore plus dans une situation comme celle-ci, on est tourné vers les autres, et on réfléchit pas à soi. Mais c'est... Ça peut devenir un problème. Aujourd'hui, effectivement, j'ai près de 9 ans de recul sur la situation depuis l'arrivée de la maladie de Lydie. Et j'ai pris conscience au fur et à mesure du temps que pour pouvoir prendre soin des autres, il fallait aussi que je prenne d'abord soin de moi. Donc j'ai pris, après... 2, 3, 4 ans à passer à m'occuper de Lydie et des enfants au minimum. J'ai commencé à prendre le temps de faire une légère introspection, si je puis dire, dans le but de reprendre un petit peu de soin de moi, de prendre du temps pour... pour moi, que ce soit à travers le sport principalement.
- Natacha Sels
J'entends que tu fais du sport, mais comment est-il possible, puisque tu as une responsabilité forte ici dans la maison, de prendre du temps pour toi ? Comment tu fais ?
- Xavier Garrabos
L'idée, c'est de se dire, soit quelqu'un est à la maison et peut avoir un œil ou une oreille sur Lydie, soit effectivement, je vais m'accorder un petit peu de temps, mais je garde toujours. On a racheté un babyphone, un émetteur-récepteur qui permet de toujours avoir une oreille et de pouvoir aller faire du sport. On a une salle de sport et qu'on s'est monté dans la petite dépendance à côté de la maison, ce qui permet d'être à la fois à côté de Lydie en cas de besoin, mais d'avoir du temps pour moi et de pouvoir m'interrompre si toutefois il y avait besoin.
- Natacha Sels
Donc, tu peux... tu ne prends jamais un jour complet, ça, ce n'est pas dans les possibilités. Je vois le regard qui s'échange entre vous.
- Xavier Garrabos
On a Lydie qui me regarde du coin de l'œil avec un petit sourire en coin qui veut dire tu vois, depuis le temps que je te le dis, et là, c'est Natacha qui te le dit, est-ce que là, tu vas répondre comme tu me réponds d'habitude ? Alors oui, je vais être, je vais garder ma ligne de conduite. Je n'ai pas encore passé cette étape. J'arrive, j'ai pris conscience de m'occuper de moi, que ce soit, on en parlait tout à l'heure, que ce soit dans la reprise en main et remise en forme de perte de kilos, de prise de sport, etc. Pour me sentir mieux, et ça c'est extrêmement important, et je conseille toute personne qui doit... doit intervenir auprès de quelqu'un de sa famille ou tous les aidants, quels qu'ils soient au sens large du terme, de prendre avant tout soin d'eux. C'est pas de l'égoïsme. On prend du temps à s'en rendre compte, donc si ça peut en aider certains, autant le dire aujourd'hui. Mais j'ai pas pas passé le cap de me dire j'ai envie de prendre une journée deux journées trois jours etc et je vais te prendre un exemple simple l'idée d'un point me disais tu es fatigué et c'est h te réveille la nuit bla bla bla il fait tu devrais prendre on devrait prendre un moment de répit moi je vais je passais à l'hôpital ou dans une structure pendant deux trois jours et toi tu peux souffler un petit peu mais jamais de la vie enfin là je te le dis comme je le pense alors ce serait peut-être très bien mais je peux pas mettre l'idée pendant trois jours comme je mettrais mon ami animal au chenil. C'est même pas envisageable dans ma tête. Pour moi, je vois ça comme un abandon de dire je vais placer Lily dans un endroit pendant 3-4 jours pour moi, m'occuper de moi. Aujourd'hui, non, je ne suis pas capable de ça.
- Natacha Sels
Tu trouves les ressources pour cette force, en fait.
- Xavier Garrabos
Cette énergie et les ressources, je les trouve à la fois dans la volonté de Lydie, c'est-à-dire que moi, je vois au quotidien Lydie qui se bat face à cette maladie, qui, depuis bientôt 9 ans, je vois la force qu'elle y met, je vois la volonté qu'elle y met. Je vois mes enfants qui contribuent aussi au quotidien et qui se battent aussi au quotidien pour aider leur maman à leur manière et pour mettre de la joie, de la vie, de la bonne humeur dans la maison. Et ça aide énormément Lydie. Tout ça, c'est du carburant. Tout ça, c'est... Ce sont effectivement des éléments qui m'aident. Et puis, j'ai la chance d'être bien entouré. J'ai la chance d'avoir autour de moi des gens à qui je peux me confier, à qui je peux parler, des gens inspirants, des gens...
- Natacha Sels
Quelles sont ces personnes qui t'inspirent, justement ?
- Xavier Garrabos
Les gens qui m'aident dans le cadre professionnel, principalement. C'est souvent, effectivement, les seuls moments où je quitte la maison, c'est-à-dire le lundi et le mardi, lorsque je suis physiquement au bureau, où je vais pouvoir, effectivement, avoir une soupape. pour souffler, de ne pas être en charge d'eux.
- Natacha Sels
Mickaël est passé là tout à l'heure et c'est aussi quelqu'un avec qui tu te sens bien ou en tout cas qui t'aide comme ostéopathe.
- Xavier Garrabos
Exactement. Mickaël fait partie de ces personnes sur qui je sais que je peux compter. Il m'apporte aussi une oreille attentive. Il va m'aider et travailler aussi bien sur le physique que sur le mental. Et c'est quelque chose qui, là aussi, me permet de pouvoir souffler, décompresser et... Avoir un moment, entre guillemets, à moi.
- Natacha Sels
Là, tout à l'heure, nous avons parlé du fait qu'il y a des moments où Lydie avait envie d'aller à Bruxelles, puisque là-bas, on a l'opportunité, en tout cas, de dire à un moment, stop. Qu'est-ce que ça te fait, à toi ?
- Xavier Garrabos
C'est un sujet compliqué, qu'on a déjà souvent abordé avec Lydie. Forcément, en tant que mari et papa, J'ai du mal à entendre ça et j'ai du mal à l'accepter mais je le comprends. Je le comprends aisément parce que je vois Lydie se battre au quotidien, je vois Lydie être... enfermée dans son corps. Oui, elle peut naviguer sur Internet, elle peut commander la télé, la musique, elle peut aller sur Internet et faire mille choses. Mais il y a un moment, si on nous disait « Assieds-toi dans le canapé, prends ton téléphone, tu peux te connecter et faire tout ce que tu veux, mais par contre, tu bougeras plus jamais, tu pourras plus parler, tu pourras pas prendre tes enfants dans les bras, tu pourras pas les embrasser comme t'as envie » , je pense qu'on ferait un petit peu la tête. Et encore, je suis très mesuré dans mes propos. Je fais en sorte, et les enfants font en sorte aussi dans ces moments-là, de trouver quelques arguments des fois pas forcément les bons, mais en tout cas, on essaie de trouver les arguments pour essayer de la faire changer d'avis ou en tout cas, la ramener un peu vers notre point de vue à nous. On n'est malgré tout pas dans le déni. C'est important aussi comme message, c'est de se dire que oui, on fait tout pour le combat, on fait tout pour tenir et pour aider Lydia à tenir, mais on n'est vraiment pas du tout dans le déni par rapport à cette maladie et par rapport à l'issue. plus que probable, de cette maladie. Maintenant, à quel terme et dans quelles conditions ? Ça, effectivement, ça reste une inconnue. Tant que les conditions de cette maladie permettent à Lydie d'avoir un confort de vie ou un certain confort de vie, ou ce qu'elle ressent être un confort suffisant de vie, on fera tout pour qu'elle puisse se battre, effectivement.
- Natacha Sels
Pourquoi as-tu accepté de faire cette interview ? Est-ce qu'il y a un message que tu aimerais faire passer ?
- Lydie Garrabos
Je veux dire qu'il faut avoir des objectifs, des projets pour vivre, être heureux, mais autrement. Ne rien s'interdire. Vivez avec ce que la vie vous donne. Je n'ai pas de leçons à donner, mais pour vivre, il faut accepter ce que l'on est.
- Natacha Sels
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