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Nicolas Beretti – La voix de l’action – Partie 1 cover
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La vie est belle, essaie-la !

Nicolas Beretti – La voix de l’action – Partie 1

Nicolas Beretti – La voix de l’action – Partie 1

26min |04/04/2025
Play
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26min |04/04/2025
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Description

Entrepreneur passionné, sportif et engagé pour la planète, Nicolas a toujours vécu dans une quête du "toujours plus"— jusqu'à ce que le diagnostic de la maladie vienne redéfinir ses priorités.


Plutôt que de subir, il choisit d’agir, épaulé par Sabrina, sa femme, et met toute son énergie au service du combat contre la maladie avec force et intelligence.


Car, comme il le dit si bien, ce qui compte, ce n’est pas le temps qu’il nous reste, mais ce que l’on en fait.


Ne manquez aucun nouvel épisode de La vie est belle, essaie-la ! Abonnez-vous dès maintenant sur votre plateforme d'écoute préférée et découvrez un nouvel épisode un samedi sur deux.


Nous remercions chaleureusement toutes les personnes qui ont participé à cette deuxième saison : personnes malades, aidants, proches, chercheurs et professionnels de santé.


Ce podcast de l'ARLSA a été réalisé par Natacha Sels, la post-production est de Bertrand Chaumeton.

 

Suivez l’ARSLA sur Instagram, Facebook, LinkedIn, X et YouTube  et retrouvez plus d’information sur notre site internet.


⭐️ Si ce podcast vous plaît, n'hésitez pas à le partager à vos proches en copiant le lien. C’est la meilleure façon de nous aider à le faire connaître au plus grand nombre. Vous pouvez aussi nous laisser des étoiles et des commentaires, c’est le meilleur moyen de nous aider. Vous pouvez également soutenir l’ARSLA en faisant un don sur https://don.arsla.org/.

 

Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Natacha Sels

    La vie est belle, essaie-la ! L e podcast de l'ARSLA, qui met en lumière des personnes confrontées à la SLA et des professionnels engagés.

  • Nicolas Beretti

    Peu importe le temps qui me reste, mon devoir c'est d'en faire quelque chose d'utile pour le monde.

  • Natacha Sels

    Nicolas Beretti, la voix de l'action, partie 1. Nicolas Beretti et son épouse Sabrina habitent sur les hauteurs de Garches. Un appartement calme dont les grandes baies vitrées plongent dans le ciel bleu du jour. Au loin, la Défense et la Tour Eiffel. Autour de la grande table en bois, je découvre un Nicolas inclassable et touchant qui n'a de cesse dans la vie de réaliser les rêves imaginés par un cerveau créatif plus plus. Tête et corps bien fait, il est fan de sport, de montagne, d'amitié, de la douce Sabrina et œuvre pour préserver notre planète et son climat. La vie est belle quand soudain tombe le verdict du naissella. Le monde s'écroule, un temps, puis la vie reprend, avec peu à peu des objectifs qui se réalignent pour cette équipe profondément soudée que forment Nicolas et Sabrina. Bonjour ! Sabrina ?

  • Sabrina Beretti

    Bonjour !

  • Natacha Sels

    Oui, enchantée !

  • Nicolas Beretti

    Hello !

  • Natacha Sels

    Salut Nicolas !

  • Sabrina Beretti

    Est-ce que tu me prends un café ?

  • Natacha Sels

    Ah oui, volontiers, merci. Un petit court.

  • Sabrina Beretti

    Allez, voilà. Je suis la femme de Nicolas. J'ai bientôt 33 ans. Et Nicolas avait son entreprise en face de mon association. Donc voilà, ça s'est fait comme ça. Même si au début, je l'avais trouvé particulièrement insupportable. Mais on s'était apprivoisés et on ne s'est plus lâchés.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce qui t'a attirée chez lui ?

  • Sabrina Beretti

    L'énergie qu'il a dans la vie, en fait, je pense. Son charisme, la personne qu'il est, il prend beaucoup de place, mais justement, il l'emmène avec lui. Il m'a emmenée, je pense que je me suis fait avoir, comme beaucoup.

  • Natacha Sels

    Donc, charismatique, c'est bien ça.

  • Sabrina Beretti

    Oui, le charisme, les choses, c'est une des premières choses qu'on voit, mais du coup, il a un visage qu'on n'oublie pas, des grands yeux bleus. On n'est pas d'accord sur la couleur, mais en tout cas, il a un regard qui est assez présent. Et effectivement, avant la maladie, il était très solide physiquement. Là, il est toujours solide, mais d'une autre manière. Il est quand même grand, mince, il a beaucoup de chance sur la génétique là-dessus. Même en mangeant là, hyper gras, il garde une stature physique assez importante.

  • Natacha Sels

    De Nicolas, j'avais écouté une conférence. Il y évoque une image qui me marque. Toutes nos expériences, aussi diverses soient-elles, se poseraient comme autant de points sur la feuille de notre vie pour finir par dessiner une figure. Je lui demandais donc quelle forme avait pris son existence. Avant l'annonce du diagnostic, ce 23 janvier 2023.

  • Nicolas Beretti

    Oula ! Une course, elle avait la forme d'une course vers le toujours plus. Plus d'activités, plus de chiffres d'affaires, plus d'arbres plantés, plus de boîtes créées. plus de sport, plus de challenges sportifs aussi, plus de défis de sport extrême ou autre. Et ça, c'est avant. Et maintenant, c'est d'autres défis. Et les points que je dois relier, ce n'est pas moi qui les ai choisis maintenant. Mais tant que j'ai à faire, si j'arrive à faire une forme qui ressemble à une protéine qui défonce la SLA, tant mieux.

  • Natacha Sels

    Oui, justement, en janvier 2023, il se passe un événement. Comment, si tu devais le dessiner, tu le dessinerais comment ? Ou comment tu l'appelles, cet événement ?

  • Nicolas Beretti

    Bonne question. Un coup de poing dans le ventre. que j'ai pas eu le temps de trop digérer parce que deux heures après je devais faire une conférence pour Saint-Gobain où Sabrina m'a emmené en voiture parce que j'étais KO par la nouvelle et... Le fait de faire cette conférence sur le climat m'a transcendé en me disant qu'il y avait plus important que moi et ma maladie. Et il y a un combat pour l'écologie qui est beaucoup plus important et qui, à mon avis, est lié à la maladie puisqu'il n'y a que des humains malades sur une terre malade. Ça a été affreux, chaos et puis action. Il m'a fallu une journée et demie, deux jours de vraiment pas bien à me dire que c'est un cauchemar, comme tout le monde je pense, pourquoi moi, machin. Et ensuite, je ne sais pas ce qui s'est mis en route, mais je me suis dit que... La recherche avance et le fait d'imaginer des centaines de chercheurs dans le monde qui se lèvent tous les jours pour aller trouver un traitement, je me dis qu'ils vont finir par trouver un truc. Et peut-être c'est faux, peut-être c'est vrai, mais je n'ai rien à perdre à partir du principe que c'est vrai.

  • Natacha Sels

    Sabrina, installée avec nous autour de la grande table, parle aussi de son vécu à l'annonce de la SLA.

  • Sabrina Beretti

    On avait des doutes. Alors moi, j'ai été vraiment beaucoup dans le déni dans la phase du diagnostic. Jusqu'à fin décembre, en janvier, ça a été le coup pré-final, on va dire. Mais c'est plusieurs mois d'attente, plusieurs mois d'aller-retour. On donne un peu d'espoir, on ne sait pas trop. De mon côté, pour Nicolas, ça a été très violent. Moi, il y a eu une forme de « bon, maintenant, on sait » . Parce que le balotage... Pour moi, elle était très dure à vivre, en fait, de ne pas vraiment savoir, d'avoir aucune case, d'avoir aucun parcours, aucun combat identifié, en fait. C'était assez délicat. Donc, le 23 janvier, ça a été vraiment... Maintenant, on va pouvoir passer à l'action.

  • Natacha Sels

    Parce que ça avait commencé comment ?

  • Sabrina Beretti

    Ça a commencé en septembre. C'était la fin d'un été où Nicolas avait fait le GR20, donc la grande randonnée en Corse assez intense physiquement. Les premiers symptômes sont arrivés d'abord avec des sensations dans les jambes qu'on a minimisées parce que le retour du GR20, on se dit que c'est une fatigue. presque peut-être normal. Et c'est quand les fasciculations ont commencé, peut-être un mois, un mois et demi plus tard, qu'en tout cas pour Nico, c'est devenu une évidence que c'était un peu plus grave. Moi, je faisais un peu l'autruche à ce moment-là. Mais on a fait pas mal d'allers-retours entre Marseille et Paris au début pour essayer d'accélérer, avoir des rendez-vous plus rapides. Le premier neurologue qu'on a vu... à poser le mot, mais ça pouvait être encore plein de choses, donc on se raccroche, on se met à espérer que ce soit Guillain-Barré, que ce soit une sclérose en plaques classique. Je ne dis pas du tout ça pour minimiser ceux qui vivent ça, mais c'est vrai que quand il y a ça dans la balance, quand il y a la SLA dans la balance, on se raccroche à tout autre espoir.

  • Natacha Sels

    Et qu'est-ce que tu t'es dit quand le diagnostic est tombé ?

  • Sabrina Beretti

    Au début, on ne connaît pas la maladie, donc c'est vrai que c'est vraiment très dur. Tout nous paraît inconcevable, donc c'est difficile d'imaginer qu'on va vivre ça, ou même que Nicolas est touché par ça, on n'arrive pas à l'appréhender, du coup on est un peu plus catastrophiste presque. Au début, moi j'étais plutôt à imaginer le pire, et puis finalement on se rend compte que ça ne va pas être ça le quotidien, et qu'il va y avoir de la place pour autre chose, mais au début on se dit ça y est c'est fini. Il y a un côté un peu absolu. Et pourtant, on a un super neurologue à la pitié salpétrière qui a eu, je pense, la manière de nous l'annoncer la plus douce possible en nous expliquant bien que le spectre est très large et qu'il y a mille et une façons. Il nous a bien guidés là-dedans. Ses mots résonnent encore, je pense, aujourd'hui.

  • Natacha Sels

    Quels sont ses mots ?

  • Sabrina Beretti

    Que la SLA, c'est une très grande famille. Qu'il y a... pléthore de manières de la voir s'exprimer dans nos vies et que il y a la moyenne, et on sait très bien que la moyenne c'est des écarts-types très larges. Vous allez passer par la phase où vous imaginez forcément être du côté le plus extrême, alors que la réalité va être tout autre. Il nous l'avait dit, mais forcément quand il y a d'abord un vrai coup de massue, et après les mots reviennent.

  • Natacha Sels

    Combien il a fallu de temps pour atterrir, on va dire ça comme ça, je ne sais pas si c'est le bon terme.

  • Sabrina Beretti

    Je ne sais pas trop dire. C'est sûr que les premières semaines, premiers mois, c'est un vrai moment de flottement. Plusieurs mois, c'est sûr. Mais il y a un coup de massue qu'on vit, et qu'on vit aussi à travers le regard de nos proches, qui eux, ne connaissent pas plus que nous la maladie, donc ils projettent beaucoup de choses. On a parfois un regard un peu de pitié, enfin en tout cas, par bienveillance, nous... entretiennent le côté grave de ce qu'on vit, on va dire. Et puis ça se normalise pour tout le monde, je pense, quelques mois, je pense, avant que ça retombe un peu.

  • Natacha Sels

    Oui, et puis surtout, la vie ne change pas du jour au lendemain.

  • Sabrina Beretti

    Non, ce n'est pas le cas. En plus, au début, la maladie est encore assez discrète. On ne se rend pas compte. Dans les premières phases, j'ai plutôt l'impression qu'on s'est raccrochés à la vie qu'on avait. Comme un peu des remparts pour pas trop s'effondrer, on va dire. Je dirais pas qu'on a pris de grosses décisions au départ.

  • Natacha Sels

    La décision de changer d'appartement, c'est venu quand ?

  • Sabrina Beretti

    En fait, les chutes s'intensifient, parfois spectaculaires, et là, on voit vite que l'appartement qu'on a... va poser problème.

  • Nicolas Beretti

    On a déménagé à Garches pour un appartement de plein pied parce qu'on était en duplex avant et j'ai déjà fini une fois la tête en bas au pied de l'escalier sous le radiateur. On s'est dit que ça suffisait et par ailleurs, l'appartement est un peu plus grand ici et donc on peut recevoir nos amis et la famille qui peuvent venir aider Sabrina. à m'aider, les aidants des aidants. Et donc, il y a une chambre en plus, une salle de bain en plus. Donc, c'est plus pratique. Et comme je passe beaucoup de temps ici, un appartement plus grand et plus calme est moins dur à vivre.

  • Natacha Sels

    Alors, Sabrina, c'est ton épouse. Est-ce que tu peux me parler d'elle ?

  • Nicolas Beretti

    Je suis assez mauvais avec ça, mais pour la faire très simple, on s'est mariés il y a un an et demi. Ça fait bientôt huit ans qu'on est ensemble. Mon père l'appelle Sainte Sabrina. Et il a raison. Je pense que c'est la plus belle chose qui a pu m'arriver. On est tellement différents qu'elle m'emmène sur des territoires que je ne connais pas. Et notamment la vie à deux, le mariage, l'engagement, tout ça, qui sont des choses qui étaient pour moi des gros mots, presque. Et pour faire simple, la vie avec Sabrina est bien mieux que la vie sans Sabrina. Donc tant qu'elle me supporte, tant mieux. C'est un très bel être humain avec qui on s'est connecté il y a huit ans et depuis on ne peut pas faire autrement qu'avancer ensemble et je suis bien désolé qu'elles doivent se taper d'être une aidante c'est pas prévu comme ça mais elle le fait à merveille en fait on est une équipe Quand il y en a un qui lâche, l'autre tient. On n'a jamais lâché à deux. Donc on a cet équilibre de faire attention l'un à l'autre.

  • Natacha Sels

    Comment ça fait quand ça arrive à quelqu'un qui est... Ça touche quelqu'un qui est très proche de nous ? Qu'est-ce qu'on se dit ? Qu'est-ce qu'on pense ?

  • Sabrina Beretti

    C'est vraiment très douloureux, au contraire, parce qu'il y a l'impuissance. Je pense que tous les aidants qui vivent ce que je vis seraient d'accord, mais... On préférait que ça nous arrive en fait. Au moins... Ah pardon, ça m'émeut. Voilà. Mais là, il y a le sentiment qu'on ne peut pas décharger. C'est justement très violent d'être spectateur. Donc ça a des gros impacts sur notre vie à nous, mais on est quand même externe. Enfin voilà, c'est très ambivalent parce que c'est un chamboulement total et en même temps une impuissance absolue. Mais c'est sûr que ça n'a rien à voir avec ce que peut vivre un malade dans sa chair, dans son corps au quotidien. Nous, on peut juste vraiment soutenir comme on peut.

  • Natacha Sels

    Toi, au niveau des symptômes, comment ça a bougé depuis janvier 2023 ?

  • Nicolas Beretti

    Au début, c'était très lent. Ma jambe droite me gênait un peu. Je n'arrivais plus à faire de taekwondo ou de foot. Mais au quotidien, ça a épuisé la main droite, elle commençait à faiblir. Et là, je trouve que depuis 6 mois, ça va plus vite. Et la diction, depuis 2 mois, commence à être touchée. J'ai du mal à parler, à marcher. J'ai un déambulateur depuis une semaine que je n'ose pas sortir dans la rue. On essaie de faire attention à l'alimentation, l'apport en gras, en légumes, en fruits, et puis le reste, on improvise.

  • Natacha Sels

    Comment tu vis ces mouvements ou ces évolutions ?

  • Nicolas Beretti

    Dur de répondre bien. C'est pas la vie que j'avais imaginée, d'autant plus que pour ceux qui me connaissent, j'ai toujours été hyperactif. très dans le défi physique. Chute libre, plongée, saut à l'elastique, arts martiaux, moto, tout ça. Et donc, une vie dans laquelle je ne peux plus faire de ça, c'est pour l'instant, pour moi, une vie très ennuyeuse. Et donc, il y a des moments de désespoir. Et là encore, une des façons de... Relativiser, c'est d'imaginer qu'il y a eu avant ma petite personne 100 milliards d'humains sur Terre, dont pour la très grande majorité, la vie a été souffrance, peur et mort très jeune. Et donc, moi je suis arrivé à 40 ans, là. Cette année, par rapport à la majorité des humains, c'est mieux. Donc, est-ce que je dois me plaindre à l'échelle cosmique ? Non. Est-ce que je dois profiter du temps qui reste pour faire un truc utile ? Oui. Mon espoir, c'est bien sûr qu'on trouve quelque chose. Et si on ne trouve rien, mon souhait, ce serait de laisser une trace inspirante. Est-ce que j'aurai la force ? On verra.

  • Natacha Sels

    J'avais été impressionnée. Je suis passionnée par le fait que, toujours dans ce TEDx, tu avais raconté que le décès de ta maman à l'âge de 17 ans t'avait fait prendre conscience qu'on avait tous un temps limité, imparti, et que le stock de temps qui nous était attribué était inconnu. Est-ce que cette prise de conscience-là, quand tu étais si jeune, t'aide aujourd'hui ?

  • Nicolas Beretti

    Alors, dans ce TEDx, je pense que j'ai dit des choses vraies qu'à l'époque, j'étais incapable de processer réellement. Ma partie théorique a parlé et ma partie émotionnelle a compris après. Donc... Oui, pour une part, et non, pour une autre. J'ai toujours eu l'impression d'être immortel et jeune éternellement. Et jusqu'à la SLA, j'avais un corps qui marchait plutôt bien. Et donc, ça me renforçait dans ma croyance. Mais j'ai aussi toujours dit que je ne voulais pas vieillir. Et c'est quelque chose... ironique c'est que s'il ya un scénariste de la vie il me prend un peu trop au mot je trouve récemment un mois avant les symptômes j'avais fait refait le GR20 avec des potes et c'est tellement bien, d'ailleurs je leur passe le cou, Florian, Guillaume et Thomas, on s'est tellement marrés que j'avais dit que je ne le referais plus, tellement il était parfait. Un mois après, premier symptôme. Pareil, j'aurais aimé que ça reste une façon de parler, plutôt qu'on me prenne au mot. Pareil pour vieillir, maintenant, je vois toute la valeur de pouvoir vieillir. Et je rêve d'une chose, bien sûr, c'est vieillir tranquillement avec Sabrina, mais aussi avec mon meilleur pote Tom, pour pouvoir... être assis sur un banc et dire du mal aux gens et être de vieux insupportables. Et ce serait hyper drôle. Donc, j'espère avoir ce luxe. Mais pour l'instant, c'est très peu probable. Voilà.

  • Natacha Sels

    Alors, je ne sais pas si on t'a déjà dit un truc comme ça. Genre, si la vie te sert ce plat-là, c'est que tu es capable de l'assumer et d'en faire quelque chose. Je ne sais pas si toi, tu crois à ce genre de jeu.

  • Nicolas Beretti

    Alors... La première fois que j'ai entendu, c'est une personne qui est dans la pièce et qui m'a dit ça. Et effectivement, c'est quand, 15 ans après le décès de ma mère, j'ai enfin fait le deuil d'un coup. Et ça m'est venu dans la tronche très violemment, du jour au lendemain. Et ça m'a dit que si ça arrivait à ce moment-là, c'est que j'avais enfin la force de l'encaisser et de le traiter. Et donc, je me suis dit, pareil, là, et la blague un peu égocentrique, mais on aime bien donner du sens, nous, les humains, c'est que peut-être que si cette maladie me tombe dessus, c'est que je dois aider à trouver un traitement. Et donc, ouais, le plat est très indigeste, mais... J'ai un gros appétit et je ne compte pas la laisser gagner. Et je dis ça avec à la fois beaucoup de naïveté et aussi beaucoup de certitude. Je ne peux pas accepter.

  • Natacha Sels

    Tu as quand même un certain talent pour sortir les individus et les entreprises de leur vision limitante de la vie. Est-ce que ce talent te permet peut-être d'avoir un coup d'avance ?

  • Nicolas Beretti

    Dur à dire. J'ai quand même dit à tout le monde que l'iPad ne marcherait pas. Donc un coup d'avance, je ne sais pas. Mais j'ai toujours aimé trouver comment démontrer aux gens l'absurdité d'une situation et une voie possible de solution. Et à coup de schéma, à coup d'allégorie, de métaphore ou d'histoire, c'est un truc que j'ai toujours aimé faire. Mais ce que je ne voulais pas se produit, c'est-à-dire que la SLA prend de plus en plus de place et d'énergie, et du coup se bat sur tous les fronts ça devient difficile parce que j'ai aussi des boîtes à faire tourner à côté.

  • Natacha Sels

    Tu continues à tout faire là pour le moment ?

  • Nicolas Beretti

    Oui mais au ralenti et mon équipe m'aide beaucoup. Mais évidemment la question de la suite là devient prégnante. Je ne vais pas pouvoir porter mes boîtes seul encore longtemps, c'est sûr. Tel que je le fantasme, le combat du jour c'est la SLA, une fois que c'est fait, je reviens au climat. C'est un peu mon fantasme évidemment mais si je ne me raconte pas une histoire pareille se lever le matin c'est impossible.

  • Natacha Sels

    Les jours où c'est plus dur de se lever, où il y a des coups de mou dans quoi tu puisses quelles sont tes ressources pour les dépasser ces moments là ?

  • Nicolas Beretti

    Toujours prendre un recul monstrueux, j'ai toujours été passionné par l'astronomie et la physique et c'est deux choses qui me rassurent parce qu'une loi physique elle est intemporel, le cosmos quasiment, et se remettre à notre place. Quand on réfléchit à l'échelle d'une galaxie ou d'un amas de galaxies, on se dit qu'on vive 40 ans, 60 ans ou 30 ans, en fait c'est pareil. La deuxième chose qui m'aide beaucoup, c'est quand je pense à ces millions de pauvres soldats qui sont morts à 20 ans, qui n'ont rien demandé. Et je me dis, c'est une autre guerre que je mène, mais si je meurs au combat, c'est comme eux. Et puis au final, on va tous au même endroit. Donc si je prends un peu d'avance, ce n'est pas si grave. Mais bon, c'est pas miraculeux comme moyen de se lever. En fait, ce que je veux, c'est mettre mes gants de boxe, aller sur un ring et avec l'aide d'une équipe médicale, mettre la maladie KO.

  • Natacha Sels

    Oui, donc clairement pour toi, au niveau de cette maladie, c'est un combat, pas une acceptation. Non.

  • Nicolas Beretti

    Sabrina essaye de me faire pencher vers l'acceptation, ce n'est pas mon moteur. Si j'accepte, j'arrête de me battre. Peu après le diagnostic, je m'étais écrit une phrase que j'ai gardée à laquelle j'essayais de me plier. C'est peu importe le temps qui me reste, mon devoir, c'est d'en faire quelque chose d'utile pour le monde.

  • Natacha Sels

    Dans le prochain épisode, Nicolas Beretti, la voix de l'action. Partie 2. Vous découvrirez comment Nicolas met en œuvre ce projet. Restez à l'écoute de notre podcast et abonnez-vous sur votre plateforme préférée.

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Entrepreneur passionné, sportif et engagé pour la planète, Nicolas a toujours vécu dans une quête du "toujours plus"— jusqu'à ce que le diagnostic de la maladie vienne redéfinir ses priorités.


Plutôt que de subir, il choisit d’agir, épaulé par Sabrina, sa femme, et met toute son énergie au service du combat contre la maladie avec force et intelligence.


Car, comme il le dit si bien, ce qui compte, ce n’est pas le temps qu’il nous reste, mais ce que l’on en fait.


Ne manquez aucun nouvel épisode de La vie est belle, essaie-la ! Abonnez-vous dès maintenant sur votre plateforme d'écoute préférée et découvrez un nouvel épisode un samedi sur deux.


Nous remercions chaleureusement toutes les personnes qui ont participé à cette deuxième saison : personnes malades, aidants, proches, chercheurs et professionnels de santé.


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Bonne écoute !


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Transcription

  • Natacha Sels

    La vie est belle, essaie-la ! L e podcast de l'ARSLA, qui met en lumière des personnes confrontées à la SLA et des professionnels engagés.

  • Nicolas Beretti

    Peu importe le temps qui me reste, mon devoir c'est d'en faire quelque chose d'utile pour le monde.

  • Natacha Sels

    Nicolas Beretti, la voix de l'action, partie 1. Nicolas Beretti et son épouse Sabrina habitent sur les hauteurs de Garches. Un appartement calme dont les grandes baies vitrées plongent dans le ciel bleu du jour. Au loin, la Défense et la Tour Eiffel. Autour de la grande table en bois, je découvre un Nicolas inclassable et touchant qui n'a de cesse dans la vie de réaliser les rêves imaginés par un cerveau créatif plus plus. Tête et corps bien fait, il est fan de sport, de montagne, d'amitié, de la douce Sabrina et œuvre pour préserver notre planète et son climat. La vie est belle quand soudain tombe le verdict du naissella. Le monde s'écroule, un temps, puis la vie reprend, avec peu à peu des objectifs qui se réalignent pour cette équipe profondément soudée que forment Nicolas et Sabrina. Bonjour ! Sabrina ?

  • Sabrina Beretti

    Bonjour !

  • Natacha Sels

    Oui, enchantée !

  • Nicolas Beretti

    Hello !

  • Natacha Sels

    Salut Nicolas !

  • Sabrina Beretti

    Est-ce que tu me prends un café ?

  • Natacha Sels

    Ah oui, volontiers, merci. Un petit court.

  • Sabrina Beretti

    Allez, voilà. Je suis la femme de Nicolas. J'ai bientôt 33 ans. Et Nicolas avait son entreprise en face de mon association. Donc voilà, ça s'est fait comme ça. Même si au début, je l'avais trouvé particulièrement insupportable. Mais on s'était apprivoisés et on ne s'est plus lâchés.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce qui t'a attirée chez lui ?

  • Sabrina Beretti

    L'énergie qu'il a dans la vie, en fait, je pense. Son charisme, la personne qu'il est, il prend beaucoup de place, mais justement, il l'emmène avec lui. Il m'a emmenée, je pense que je me suis fait avoir, comme beaucoup.

  • Natacha Sels

    Donc, charismatique, c'est bien ça.

  • Sabrina Beretti

    Oui, le charisme, les choses, c'est une des premières choses qu'on voit, mais du coup, il a un visage qu'on n'oublie pas, des grands yeux bleus. On n'est pas d'accord sur la couleur, mais en tout cas, il a un regard qui est assez présent. Et effectivement, avant la maladie, il était très solide physiquement. Là, il est toujours solide, mais d'une autre manière. Il est quand même grand, mince, il a beaucoup de chance sur la génétique là-dessus. Même en mangeant là, hyper gras, il garde une stature physique assez importante.

  • Natacha Sels

    De Nicolas, j'avais écouté une conférence. Il y évoque une image qui me marque. Toutes nos expériences, aussi diverses soient-elles, se poseraient comme autant de points sur la feuille de notre vie pour finir par dessiner une figure. Je lui demandais donc quelle forme avait pris son existence. Avant l'annonce du diagnostic, ce 23 janvier 2023.

  • Nicolas Beretti

    Oula ! Une course, elle avait la forme d'une course vers le toujours plus. Plus d'activités, plus de chiffres d'affaires, plus d'arbres plantés, plus de boîtes créées. plus de sport, plus de challenges sportifs aussi, plus de défis de sport extrême ou autre. Et ça, c'est avant. Et maintenant, c'est d'autres défis. Et les points que je dois relier, ce n'est pas moi qui les ai choisis maintenant. Mais tant que j'ai à faire, si j'arrive à faire une forme qui ressemble à une protéine qui défonce la SLA, tant mieux.

  • Natacha Sels

    Oui, justement, en janvier 2023, il se passe un événement. Comment, si tu devais le dessiner, tu le dessinerais comment ? Ou comment tu l'appelles, cet événement ?

  • Nicolas Beretti

    Bonne question. Un coup de poing dans le ventre. que j'ai pas eu le temps de trop digérer parce que deux heures après je devais faire une conférence pour Saint-Gobain où Sabrina m'a emmené en voiture parce que j'étais KO par la nouvelle et... Le fait de faire cette conférence sur le climat m'a transcendé en me disant qu'il y avait plus important que moi et ma maladie. Et il y a un combat pour l'écologie qui est beaucoup plus important et qui, à mon avis, est lié à la maladie puisqu'il n'y a que des humains malades sur une terre malade. Ça a été affreux, chaos et puis action. Il m'a fallu une journée et demie, deux jours de vraiment pas bien à me dire que c'est un cauchemar, comme tout le monde je pense, pourquoi moi, machin. Et ensuite, je ne sais pas ce qui s'est mis en route, mais je me suis dit que... La recherche avance et le fait d'imaginer des centaines de chercheurs dans le monde qui se lèvent tous les jours pour aller trouver un traitement, je me dis qu'ils vont finir par trouver un truc. Et peut-être c'est faux, peut-être c'est vrai, mais je n'ai rien à perdre à partir du principe que c'est vrai.

  • Natacha Sels

    Sabrina, installée avec nous autour de la grande table, parle aussi de son vécu à l'annonce de la SLA.

  • Sabrina Beretti

    On avait des doutes. Alors moi, j'ai été vraiment beaucoup dans le déni dans la phase du diagnostic. Jusqu'à fin décembre, en janvier, ça a été le coup pré-final, on va dire. Mais c'est plusieurs mois d'attente, plusieurs mois d'aller-retour. On donne un peu d'espoir, on ne sait pas trop. De mon côté, pour Nicolas, ça a été très violent. Moi, il y a eu une forme de « bon, maintenant, on sait » . Parce que le balotage... Pour moi, elle était très dure à vivre, en fait, de ne pas vraiment savoir, d'avoir aucune case, d'avoir aucun parcours, aucun combat identifié, en fait. C'était assez délicat. Donc, le 23 janvier, ça a été vraiment... Maintenant, on va pouvoir passer à l'action.

  • Natacha Sels

    Parce que ça avait commencé comment ?

  • Sabrina Beretti

    Ça a commencé en septembre. C'était la fin d'un été où Nicolas avait fait le GR20, donc la grande randonnée en Corse assez intense physiquement. Les premiers symptômes sont arrivés d'abord avec des sensations dans les jambes qu'on a minimisées parce que le retour du GR20, on se dit que c'est une fatigue. presque peut-être normal. Et c'est quand les fasciculations ont commencé, peut-être un mois, un mois et demi plus tard, qu'en tout cas pour Nico, c'est devenu une évidence que c'était un peu plus grave. Moi, je faisais un peu l'autruche à ce moment-là. Mais on a fait pas mal d'allers-retours entre Marseille et Paris au début pour essayer d'accélérer, avoir des rendez-vous plus rapides. Le premier neurologue qu'on a vu... à poser le mot, mais ça pouvait être encore plein de choses, donc on se raccroche, on se met à espérer que ce soit Guillain-Barré, que ce soit une sclérose en plaques classique. Je ne dis pas du tout ça pour minimiser ceux qui vivent ça, mais c'est vrai que quand il y a ça dans la balance, quand il y a la SLA dans la balance, on se raccroche à tout autre espoir.

  • Natacha Sels

    Et qu'est-ce que tu t'es dit quand le diagnostic est tombé ?

  • Sabrina Beretti

    Au début, on ne connaît pas la maladie, donc c'est vrai que c'est vraiment très dur. Tout nous paraît inconcevable, donc c'est difficile d'imaginer qu'on va vivre ça, ou même que Nicolas est touché par ça, on n'arrive pas à l'appréhender, du coup on est un peu plus catastrophiste presque. Au début, moi j'étais plutôt à imaginer le pire, et puis finalement on se rend compte que ça ne va pas être ça le quotidien, et qu'il va y avoir de la place pour autre chose, mais au début on se dit ça y est c'est fini. Il y a un côté un peu absolu. Et pourtant, on a un super neurologue à la pitié salpétrière qui a eu, je pense, la manière de nous l'annoncer la plus douce possible en nous expliquant bien que le spectre est très large et qu'il y a mille et une façons. Il nous a bien guidés là-dedans. Ses mots résonnent encore, je pense, aujourd'hui.

  • Natacha Sels

    Quels sont ses mots ?

  • Sabrina Beretti

    Que la SLA, c'est une très grande famille. Qu'il y a... pléthore de manières de la voir s'exprimer dans nos vies et que il y a la moyenne, et on sait très bien que la moyenne c'est des écarts-types très larges. Vous allez passer par la phase où vous imaginez forcément être du côté le plus extrême, alors que la réalité va être tout autre. Il nous l'avait dit, mais forcément quand il y a d'abord un vrai coup de massue, et après les mots reviennent.

  • Natacha Sels

    Combien il a fallu de temps pour atterrir, on va dire ça comme ça, je ne sais pas si c'est le bon terme.

  • Sabrina Beretti

    Je ne sais pas trop dire. C'est sûr que les premières semaines, premiers mois, c'est un vrai moment de flottement. Plusieurs mois, c'est sûr. Mais il y a un coup de massue qu'on vit, et qu'on vit aussi à travers le regard de nos proches, qui eux, ne connaissent pas plus que nous la maladie, donc ils projettent beaucoup de choses. On a parfois un regard un peu de pitié, enfin en tout cas, par bienveillance, nous... entretiennent le côté grave de ce qu'on vit, on va dire. Et puis ça se normalise pour tout le monde, je pense, quelques mois, je pense, avant que ça retombe un peu.

  • Natacha Sels

    Oui, et puis surtout, la vie ne change pas du jour au lendemain.

  • Sabrina Beretti

    Non, ce n'est pas le cas. En plus, au début, la maladie est encore assez discrète. On ne se rend pas compte. Dans les premières phases, j'ai plutôt l'impression qu'on s'est raccrochés à la vie qu'on avait. Comme un peu des remparts pour pas trop s'effondrer, on va dire. Je dirais pas qu'on a pris de grosses décisions au départ.

  • Natacha Sels

    La décision de changer d'appartement, c'est venu quand ?

  • Sabrina Beretti

    En fait, les chutes s'intensifient, parfois spectaculaires, et là, on voit vite que l'appartement qu'on a... va poser problème.

  • Nicolas Beretti

    On a déménagé à Garches pour un appartement de plein pied parce qu'on était en duplex avant et j'ai déjà fini une fois la tête en bas au pied de l'escalier sous le radiateur. On s'est dit que ça suffisait et par ailleurs, l'appartement est un peu plus grand ici et donc on peut recevoir nos amis et la famille qui peuvent venir aider Sabrina. à m'aider, les aidants des aidants. Et donc, il y a une chambre en plus, une salle de bain en plus. Donc, c'est plus pratique. Et comme je passe beaucoup de temps ici, un appartement plus grand et plus calme est moins dur à vivre.

  • Natacha Sels

    Alors, Sabrina, c'est ton épouse. Est-ce que tu peux me parler d'elle ?

  • Nicolas Beretti

    Je suis assez mauvais avec ça, mais pour la faire très simple, on s'est mariés il y a un an et demi. Ça fait bientôt huit ans qu'on est ensemble. Mon père l'appelle Sainte Sabrina. Et il a raison. Je pense que c'est la plus belle chose qui a pu m'arriver. On est tellement différents qu'elle m'emmène sur des territoires que je ne connais pas. Et notamment la vie à deux, le mariage, l'engagement, tout ça, qui sont des choses qui étaient pour moi des gros mots, presque. Et pour faire simple, la vie avec Sabrina est bien mieux que la vie sans Sabrina. Donc tant qu'elle me supporte, tant mieux. C'est un très bel être humain avec qui on s'est connecté il y a huit ans et depuis on ne peut pas faire autrement qu'avancer ensemble et je suis bien désolé qu'elles doivent se taper d'être une aidante c'est pas prévu comme ça mais elle le fait à merveille en fait on est une équipe Quand il y en a un qui lâche, l'autre tient. On n'a jamais lâché à deux. Donc on a cet équilibre de faire attention l'un à l'autre.

  • Natacha Sels

    Comment ça fait quand ça arrive à quelqu'un qui est... Ça touche quelqu'un qui est très proche de nous ? Qu'est-ce qu'on se dit ? Qu'est-ce qu'on pense ?

  • Sabrina Beretti

    C'est vraiment très douloureux, au contraire, parce qu'il y a l'impuissance. Je pense que tous les aidants qui vivent ce que je vis seraient d'accord, mais... On préférait que ça nous arrive en fait. Au moins... Ah pardon, ça m'émeut. Voilà. Mais là, il y a le sentiment qu'on ne peut pas décharger. C'est justement très violent d'être spectateur. Donc ça a des gros impacts sur notre vie à nous, mais on est quand même externe. Enfin voilà, c'est très ambivalent parce que c'est un chamboulement total et en même temps une impuissance absolue. Mais c'est sûr que ça n'a rien à voir avec ce que peut vivre un malade dans sa chair, dans son corps au quotidien. Nous, on peut juste vraiment soutenir comme on peut.

  • Natacha Sels

    Toi, au niveau des symptômes, comment ça a bougé depuis janvier 2023 ?

  • Nicolas Beretti

    Au début, c'était très lent. Ma jambe droite me gênait un peu. Je n'arrivais plus à faire de taekwondo ou de foot. Mais au quotidien, ça a épuisé la main droite, elle commençait à faiblir. Et là, je trouve que depuis 6 mois, ça va plus vite. Et la diction, depuis 2 mois, commence à être touchée. J'ai du mal à parler, à marcher. J'ai un déambulateur depuis une semaine que je n'ose pas sortir dans la rue. On essaie de faire attention à l'alimentation, l'apport en gras, en légumes, en fruits, et puis le reste, on improvise.

  • Natacha Sels

    Comment tu vis ces mouvements ou ces évolutions ?

  • Nicolas Beretti

    Dur de répondre bien. C'est pas la vie que j'avais imaginée, d'autant plus que pour ceux qui me connaissent, j'ai toujours été hyperactif. très dans le défi physique. Chute libre, plongée, saut à l'elastique, arts martiaux, moto, tout ça. Et donc, une vie dans laquelle je ne peux plus faire de ça, c'est pour l'instant, pour moi, une vie très ennuyeuse. Et donc, il y a des moments de désespoir. Et là encore, une des façons de... Relativiser, c'est d'imaginer qu'il y a eu avant ma petite personne 100 milliards d'humains sur Terre, dont pour la très grande majorité, la vie a été souffrance, peur et mort très jeune. Et donc, moi je suis arrivé à 40 ans, là. Cette année, par rapport à la majorité des humains, c'est mieux. Donc, est-ce que je dois me plaindre à l'échelle cosmique ? Non. Est-ce que je dois profiter du temps qui reste pour faire un truc utile ? Oui. Mon espoir, c'est bien sûr qu'on trouve quelque chose. Et si on ne trouve rien, mon souhait, ce serait de laisser une trace inspirante. Est-ce que j'aurai la force ? On verra.

  • Natacha Sels

    J'avais été impressionnée. Je suis passionnée par le fait que, toujours dans ce TEDx, tu avais raconté que le décès de ta maman à l'âge de 17 ans t'avait fait prendre conscience qu'on avait tous un temps limité, imparti, et que le stock de temps qui nous était attribué était inconnu. Est-ce que cette prise de conscience-là, quand tu étais si jeune, t'aide aujourd'hui ?

  • Nicolas Beretti

    Alors, dans ce TEDx, je pense que j'ai dit des choses vraies qu'à l'époque, j'étais incapable de processer réellement. Ma partie théorique a parlé et ma partie émotionnelle a compris après. Donc... Oui, pour une part, et non, pour une autre. J'ai toujours eu l'impression d'être immortel et jeune éternellement. Et jusqu'à la SLA, j'avais un corps qui marchait plutôt bien. Et donc, ça me renforçait dans ma croyance. Mais j'ai aussi toujours dit que je ne voulais pas vieillir. Et c'est quelque chose... ironique c'est que s'il ya un scénariste de la vie il me prend un peu trop au mot je trouve récemment un mois avant les symptômes j'avais fait refait le GR20 avec des potes et c'est tellement bien, d'ailleurs je leur passe le cou, Florian, Guillaume et Thomas, on s'est tellement marrés que j'avais dit que je ne le referais plus, tellement il était parfait. Un mois après, premier symptôme. Pareil, j'aurais aimé que ça reste une façon de parler, plutôt qu'on me prenne au mot. Pareil pour vieillir, maintenant, je vois toute la valeur de pouvoir vieillir. Et je rêve d'une chose, bien sûr, c'est vieillir tranquillement avec Sabrina, mais aussi avec mon meilleur pote Tom, pour pouvoir... être assis sur un banc et dire du mal aux gens et être de vieux insupportables. Et ce serait hyper drôle. Donc, j'espère avoir ce luxe. Mais pour l'instant, c'est très peu probable. Voilà.

  • Natacha Sels

    Alors, je ne sais pas si on t'a déjà dit un truc comme ça. Genre, si la vie te sert ce plat-là, c'est que tu es capable de l'assumer et d'en faire quelque chose. Je ne sais pas si toi, tu crois à ce genre de jeu.

  • Nicolas Beretti

    Alors... La première fois que j'ai entendu, c'est une personne qui est dans la pièce et qui m'a dit ça. Et effectivement, c'est quand, 15 ans après le décès de ma mère, j'ai enfin fait le deuil d'un coup. Et ça m'est venu dans la tronche très violemment, du jour au lendemain. Et ça m'a dit que si ça arrivait à ce moment-là, c'est que j'avais enfin la force de l'encaisser et de le traiter. Et donc, je me suis dit, pareil, là, et la blague un peu égocentrique, mais on aime bien donner du sens, nous, les humains, c'est que peut-être que si cette maladie me tombe dessus, c'est que je dois aider à trouver un traitement. Et donc, ouais, le plat est très indigeste, mais... J'ai un gros appétit et je ne compte pas la laisser gagner. Et je dis ça avec à la fois beaucoup de naïveté et aussi beaucoup de certitude. Je ne peux pas accepter.

  • Natacha Sels

    Tu as quand même un certain talent pour sortir les individus et les entreprises de leur vision limitante de la vie. Est-ce que ce talent te permet peut-être d'avoir un coup d'avance ?

  • Nicolas Beretti

    Dur à dire. J'ai quand même dit à tout le monde que l'iPad ne marcherait pas. Donc un coup d'avance, je ne sais pas. Mais j'ai toujours aimé trouver comment démontrer aux gens l'absurdité d'une situation et une voie possible de solution. Et à coup de schéma, à coup d'allégorie, de métaphore ou d'histoire, c'est un truc que j'ai toujours aimé faire. Mais ce que je ne voulais pas se produit, c'est-à-dire que la SLA prend de plus en plus de place et d'énergie, et du coup se bat sur tous les fronts ça devient difficile parce que j'ai aussi des boîtes à faire tourner à côté.

  • Natacha Sels

    Tu continues à tout faire là pour le moment ?

  • Nicolas Beretti

    Oui mais au ralenti et mon équipe m'aide beaucoup. Mais évidemment la question de la suite là devient prégnante. Je ne vais pas pouvoir porter mes boîtes seul encore longtemps, c'est sûr. Tel que je le fantasme, le combat du jour c'est la SLA, une fois que c'est fait, je reviens au climat. C'est un peu mon fantasme évidemment mais si je ne me raconte pas une histoire pareille se lever le matin c'est impossible.

  • Natacha Sels

    Les jours où c'est plus dur de se lever, où il y a des coups de mou dans quoi tu puisses quelles sont tes ressources pour les dépasser ces moments là ?

  • Nicolas Beretti

    Toujours prendre un recul monstrueux, j'ai toujours été passionné par l'astronomie et la physique et c'est deux choses qui me rassurent parce qu'une loi physique elle est intemporel, le cosmos quasiment, et se remettre à notre place. Quand on réfléchit à l'échelle d'une galaxie ou d'un amas de galaxies, on se dit qu'on vive 40 ans, 60 ans ou 30 ans, en fait c'est pareil. La deuxième chose qui m'aide beaucoup, c'est quand je pense à ces millions de pauvres soldats qui sont morts à 20 ans, qui n'ont rien demandé. Et je me dis, c'est une autre guerre que je mène, mais si je meurs au combat, c'est comme eux. Et puis au final, on va tous au même endroit. Donc si je prends un peu d'avance, ce n'est pas si grave. Mais bon, c'est pas miraculeux comme moyen de se lever. En fait, ce que je veux, c'est mettre mes gants de boxe, aller sur un ring et avec l'aide d'une équipe médicale, mettre la maladie KO.

  • Natacha Sels

    Oui, donc clairement pour toi, au niveau de cette maladie, c'est un combat, pas une acceptation. Non.

  • Nicolas Beretti

    Sabrina essaye de me faire pencher vers l'acceptation, ce n'est pas mon moteur. Si j'accepte, j'arrête de me battre. Peu après le diagnostic, je m'étais écrit une phrase que j'ai gardée à laquelle j'essayais de me plier. C'est peu importe le temps qui me reste, mon devoir, c'est d'en faire quelque chose d'utile pour le monde.

  • Natacha Sels

    Dans le prochain épisode, Nicolas Beretti, la voix de l'action. Partie 2. Vous découvrirez comment Nicolas met en œuvre ce projet. Restez à l'écoute de notre podcast et abonnez-vous sur votre plateforme préférée.

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Description

Entrepreneur passionné, sportif et engagé pour la planète, Nicolas a toujours vécu dans une quête du "toujours plus"— jusqu'à ce que le diagnostic de la maladie vienne redéfinir ses priorités.


Plutôt que de subir, il choisit d’agir, épaulé par Sabrina, sa femme, et met toute son énergie au service du combat contre la maladie avec force et intelligence.


Car, comme il le dit si bien, ce qui compte, ce n’est pas le temps qu’il nous reste, mais ce que l’on en fait.


Ne manquez aucun nouvel épisode de La vie est belle, essaie-la ! Abonnez-vous dès maintenant sur votre plateforme d'écoute préférée et découvrez un nouvel épisode un samedi sur deux.


Nous remercions chaleureusement toutes les personnes qui ont participé à cette deuxième saison : personnes malades, aidants, proches, chercheurs et professionnels de santé.


Ce podcast de l'ARLSA a été réalisé par Natacha Sels, la post-production est de Bertrand Chaumeton.

 

Suivez l’ARSLA sur Instagram, Facebook, LinkedIn, X et YouTube  et retrouvez plus d’information sur notre site internet.


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Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Natacha Sels

    La vie est belle, essaie-la ! L e podcast de l'ARSLA, qui met en lumière des personnes confrontées à la SLA et des professionnels engagés.

  • Nicolas Beretti

    Peu importe le temps qui me reste, mon devoir c'est d'en faire quelque chose d'utile pour le monde.

  • Natacha Sels

    Nicolas Beretti, la voix de l'action, partie 1. Nicolas Beretti et son épouse Sabrina habitent sur les hauteurs de Garches. Un appartement calme dont les grandes baies vitrées plongent dans le ciel bleu du jour. Au loin, la Défense et la Tour Eiffel. Autour de la grande table en bois, je découvre un Nicolas inclassable et touchant qui n'a de cesse dans la vie de réaliser les rêves imaginés par un cerveau créatif plus plus. Tête et corps bien fait, il est fan de sport, de montagne, d'amitié, de la douce Sabrina et œuvre pour préserver notre planète et son climat. La vie est belle quand soudain tombe le verdict du naissella. Le monde s'écroule, un temps, puis la vie reprend, avec peu à peu des objectifs qui se réalignent pour cette équipe profondément soudée que forment Nicolas et Sabrina. Bonjour ! Sabrina ?

  • Sabrina Beretti

    Bonjour !

  • Natacha Sels

    Oui, enchantée !

  • Nicolas Beretti

    Hello !

  • Natacha Sels

    Salut Nicolas !

  • Sabrina Beretti

    Est-ce que tu me prends un café ?

  • Natacha Sels

    Ah oui, volontiers, merci. Un petit court.

  • Sabrina Beretti

    Allez, voilà. Je suis la femme de Nicolas. J'ai bientôt 33 ans. Et Nicolas avait son entreprise en face de mon association. Donc voilà, ça s'est fait comme ça. Même si au début, je l'avais trouvé particulièrement insupportable. Mais on s'était apprivoisés et on ne s'est plus lâchés.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce qui t'a attirée chez lui ?

  • Sabrina Beretti

    L'énergie qu'il a dans la vie, en fait, je pense. Son charisme, la personne qu'il est, il prend beaucoup de place, mais justement, il l'emmène avec lui. Il m'a emmenée, je pense que je me suis fait avoir, comme beaucoup.

  • Natacha Sels

    Donc, charismatique, c'est bien ça.

  • Sabrina Beretti

    Oui, le charisme, les choses, c'est une des premières choses qu'on voit, mais du coup, il a un visage qu'on n'oublie pas, des grands yeux bleus. On n'est pas d'accord sur la couleur, mais en tout cas, il a un regard qui est assez présent. Et effectivement, avant la maladie, il était très solide physiquement. Là, il est toujours solide, mais d'une autre manière. Il est quand même grand, mince, il a beaucoup de chance sur la génétique là-dessus. Même en mangeant là, hyper gras, il garde une stature physique assez importante.

  • Natacha Sels

    De Nicolas, j'avais écouté une conférence. Il y évoque une image qui me marque. Toutes nos expériences, aussi diverses soient-elles, se poseraient comme autant de points sur la feuille de notre vie pour finir par dessiner une figure. Je lui demandais donc quelle forme avait pris son existence. Avant l'annonce du diagnostic, ce 23 janvier 2023.

  • Nicolas Beretti

    Oula ! Une course, elle avait la forme d'une course vers le toujours plus. Plus d'activités, plus de chiffres d'affaires, plus d'arbres plantés, plus de boîtes créées. plus de sport, plus de challenges sportifs aussi, plus de défis de sport extrême ou autre. Et ça, c'est avant. Et maintenant, c'est d'autres défis. Et les points que je dois relier, ce n'est pas moi qui les ai choisis maintenant. Mais tant que j'ai à faire, si j'arrive à faire une forme qui ressemble à une protéine qui défonce la SLA, tant mieux.

  • Natacha Sels

    Oui, justement, en janvier 2023, il se passe un événement. Comment, si tu devais le dessiner, tu le dessinerais comment ? Ou comment tu l'appelles, cet événement ?

  • Nicolas Beretti

    Bonne question. Un coup de poing dans le ventre. que j'ai pas eu le temps de trop digérer parce que deux heures après je devais faire une conférence pour Saint-Gobain où Sabrina m'a emmené en voiture parce que j'étais KO par la nouvelle et... Le fait de faire cette conférence sur le climat m'a transcendé en me disant qu'il y avait plus important que moi et ma maladie. Et il y a un combat pour l'écologie qui est beaucoup plus important et qui, à mon avis, est lié à la maladie puisqu'il n'y a que des humains malades sur une terre malade. Ça a été affreux, chaos et puis action. Il m'a fallu une journée et demie, deux jours de vraiment pas bien à me dire que c'est un cauchemar, comme tout le monde je pense, pourquoi moi, machin. Et ensuite, je ne sais pas ce qui s'est mis en route, mais je me suis dit que... La recherche avance et le fait d'imaginer des centaines de chercheurs dans le monde qui se lèvent tous les jours pour aller trouver un traitement, je me dis qu'ils vont finir par trouver un truc. Et peut-être c'est faux, peut-être c'est vrai, mais je n'ai rien à perdre à partir du principe que c'est vrai.

  • Natacha Sels

    Sabrina, installée avec nous autour de la grande table, parle aussi de son vécu à l'annonce de la SLA.

  • Sabrina Beretti

    On avait des doutes. Alors moi, j'ai été vraiment beaucoup dans le déni dans la phase du diagnostic. Jusqu'à fin décembre, en janvier, ça a été le coup pré-final, on va dire. Mais c'est plusieurs mois d'attente, plusieurs mois d'aller-retour. On donne un peu d'espoir, on ne sait pas trop. De mon côté, pour Nicolas, ça a été très violent. Moi, il y a eu une forme de « bon, maintenant, on sait » . Parce que le balotage... Pour moi, elle était très dure à vivre, en fait, de ne pas vraiment savoir, d'avoir aucune case, d'avoir aucun parcours, aucun combat identifié, en fait. C'était assez délicat. Donc, le 23 janvier, ça a été vraiment... Maintenant, on va pouvoir passer à l'action.

  • Natacha Sels

    Parce que ça avait commencé comment ?

  • Sabrina Beretti

    Ça a commencé en septembre. C'était la fin d'un été où Nicolas avait fait le GR20, donc la grande randonnée en Corse assez intense physiquement. Les premiers symptômes sont arrivés d'abord avec des sensations dans les jambes qu'on a minimisées parce que le retour du GR20, on se dit que c'est une fatigue. presque peut-être normal. Et c'est quand les fasciculations ont commencé, peut-être un mois, un mois et demi plus tard, qu'en tout cas pour Nico, c'est devenu une évidence que c'était un peu plus grave. Moi, je faisais un peu l'autruche à ce moment-là. Mais on a fait pas mal d'allers-retours entre Marseille et Paris au début pour essayer d'accélérer, avoir des rendez-vous plus rapides. Le premier neurologue qu'on a vu... à poser le mot, mais ça pouvait être encore plein de choses, donc on se raccroche, on se met à espérer que ce soit Guillain-Barré, que ce soit une sclérose en plaques classique. Je ne dis pas du tout ça pour minimiser ceux qui vivent ça, mais c'est vrai que quand il y a ça dans la balance, quand il y a la SLA dans la balance, on se raccroche à tout autre espoir.

  • Natacha Sels

    Et qu'est-ce que tu t'es dit quand le diagnostic est tombé ?

  • Sabrina Beretti

    Au début, on ne connaît pas la maladie, donc c'est vrai que c'est vraiment très dur. Tout nous paraît inconcevable, donc c'est difficile d'imaginer qu'on va vivre ça, ou même que Nicolas est touché par ça, on n'arrive pas à l'appréhender, du coup on est un peu plus catastrophiste presque. Au début, moi j'étais plutôt à imaginer le pire, et puis finalement on se rend compte que ça ne va pas être ça le quotidien, et qu'il va y avoir de la place pour autre chose, mais au début on se dit ça y est c'est fini. Il y a un côté un peu absolu. Et pourtant, on a un super neurologue à la pitié salpétrière qui a eu, je pense, la manière de nous l'annoncer la plus douce possible en nous expliquant bien que le spectre est très large et qu'il y a mille et une façons. Il nous a bien guidés là-dedans. Ses mots résonnent encore, je pense, aujourd'hui.

  • Natacha Sels

    Quels sont ses mots ?

  • Sabrina Beretti

    Que la SLA, c'est une très grande famille. Qu'il y a... pléthore de manières de la voir s'exprimer dans nos vies et que il y a la moyenne, et on sait très bien que la moyenne c'est des écarts-types très larges. Vous allez passer par la phase où vous imaginez forcément être du côté le plus extrême, alors que la réalité va être tout autre. Il nous l'avait dit, mais forcément quand il y a d'abord un vrai coup de massue, et après les mots reviennent.

  • Natacha Sels

    Combien il a fallu de temps pour atterrir, on va dire ça comme ça, je ne sais pas si c'est le bon terme.

  • Sabrina Beretti

    Je ne sais pas trop dire. C'est sûr que les premières semaines, premiers mois, c'est un vrai moment de flottement. Plusieurs mois, c'est sûr. Mais il y a un coup de massue qu'on vit, et qu'on vit aussi à travers le regard de nos proches, qui eux, ne connaissent pas plus que nous la maladie, donc ils projettent beaucoup de choses. On a parfois un regard un peu de pitié, enfin en tout cas, par bienveillance, nous... entretiennent le côté grave de ce qu'on vit, on va dire. Et puis ça se normalise pour tout le monde, je pense, quelques mois, je pense, avant que ça retombe un peu.

  • Natacha Sels

    Oui, et puis surtout, la vie ne change pas du jour au lendemain.

  • Sabrina Beretti

    Non, ce n'est pas le cas. En plus, au début, la maladie est encore assez discrète. On ne se rend pas compte. Dans les premières phases, j'ai plutôt l'impression qu'on s'est raccrochés à la vie qu'on avait. Comme un peu des remparts pour pas trop s'effondrer, on va dire. Je dirais pas qu'on a pris de grosses décisions au départ.

  • Natacha Sels

    La décision de changer d'appartement, c'est venu quand ?

  • Sabrina Beretti

    En fait, les chutes s'intensifient, parfois spectaculaires, et là, on voit vite que l'appartement qu'on a... va poser problème.

  • Nicolas Beretti

    On a déménagé à Garches pour un appartement de plein pied parce qu'on était en duplex avant et j'ai déjà fini une fois la tête en bas au pied de l'escalier sous le radiateur. On s'est dit que ça suffisait et par ailleurs, l'appartement est un peu plus grand ici et donc on peut recevoir nos amis et la famille qui peuvent venir aider Sabrina. à m'aider, les aidants des aidants. Et donc, il y a une chambre en plus, une salle de bain en plus. Donc, c'est plus pratique. Et comme je passe beaucoup de temps ici, un appartement plus grand et plus calme est moins dur à vivre.

  • Natacha Sels

    Alors, Sabrina, c'est ton épouse. Est-ce que tu peux me parler d'elle ?

  • Nicolas Beretti

    Je suis assez mauvais avec ça, mais pour la faire très simple, on s'est mariés il y a un an et demi. Ça fait bientôt huit ans qu'on est ensemble. Mon père l'appelle Sainte Sabrina. Et il a raison. Je pense que c'est la plus belle chose qui a pu m'arriver. On est tellement différents qu'elle m'emmène sur des territoires que je ne connais pas. Et notamment la vie à deux, le mariage, l'engagement, tout ça, qui sont des choses qui étaient pour moi des gros mots, presque. Et pour faire simple, la vie avec Sabrina est bien mieux que la vie sans Sabrina. Donc tant qu'elle me supporte, tant mieux. C'est un très bel être humain avec qui on s'est connecté il y a huit ans et depuis on ne peut pas faire autrement qu'avancer ensemble et je suis bien désolé qu'elles doivent se taper d'être une aidante c'est pas prévu comme ça mais elle le fait à merveille en fait on est une équipe Quand il y en a un qui lâche, l'autre tient. On n'a jamais lâché à deux. Donc on a cet équilibre de faire attention l'un à l'autre.

  • Natacha Sels

    Comment ça fait quand ça arrive à quelqu'un qui est... Ça touche quelqu'un qui est très proche de nous ? Qu'est-ce qu'on se dit ? Qu'est-ce qu'on pense ?

  • Sabrina Beretti

    C'est vraiment très douloureux, au contraire, parce qu'il y a l'impuissance. Je pense que tous les aidants qui vivent ce que je vis seraient d'accord, mais... On préférait que ça nous arrive en fait. Au moins... Ah pardon, ça m'émeut. Voilà. Mais là, il y a le sentiment qu'on ne peut pas décharger. C'est justement très violent d'être spectateur. Donc ça a des gros impacts sur notre vie à nous, mais on est quand même externe. Enfin voilà, c'est très ambivalent parce que c'est un chamboulement total et en même temps une impuissance absolue. Mais c'est sûr que ça n'a rien à voir avec ce que peut vivre un malade dans sa chair, dans son corps au quotidien. Nous, on peut juste vraiment soutenir comme on peut.

  • Natacha Sels

    Toi, au niveau des symptômes, comment ça a bougé depuis janvier 2023 ?

  • Nicolas Beretti

    Au début, c'était très lent. Ma jambe droite me gênait un peu. Je n'arrivais plus à faire de taekwondo ou de foot. Mais au quotidien, ça a épuisé la main droite, elle commençait à faiblir. Et là, je trouve que depuis 6 mois, ça va plus vite. Et la diction, depuis 2 mois, commence à être touchée. J'ai du mal à parler, à marcher. J'ai un déambulateur depuis une semaine que je n'ose pas sortir dans la rue. On essaie de faire attention à l'alimentation, l'apport en gras, en légumes, en fruits, et puis le reste, on improvise.

  • Natacha Sels

    Comment tu vis ces mouvements ou ces évolutions ?

  • Nicolas Beretti

    Dur de répondre bien. C'est pas la vie que j'avais imaginée, d'autant plus que pour ceux qui me connaissent, j'ai toujours été hyperactif. très dans le défi physique. Chute libre, plongée, saut à l'elastique, arts martiaux, moto, tout ça. Et donc, une vie dans laquelle je ne peux plus faire de ça, c'est pour l'instant, pour moi, une vie très ennuyeuse. Et donc, il y a des moments de désespoir. Et là encore, une des façons de... Relativiser, c'est d'imaginer qu'il y a eu avant ma petite personne 100 milliards d'humains sur Terre, dont pour la très grande majorité, la vie a été souffrance, peur et mort très jeune. Et donc, moi je suis arrivé à 40 ans, là. Cette année, par rapport à la majorité des humains, c'est mieux. Donc, est-ce que je dois me plaindre à l'échelle cosmique ? Non. Est-ce que je dois profiter du temps qui reste pour faire un truc utile ? Oui. Mon espoir, c'est bien sûr qu'on trouve quelque chose. Et si on ne trouve rien, mon souhait, ce serait de laisser une trace inspirante. Est-ce que j'aurai la force ? On verra.

  • Natacha Sels

    J'avais été impressionnée. Je suis passionnée par le fait que, toujours dans ce TEDx, tu avais raconté que le décès de ta maman à l'âge de 17 ans t'avait fait prendre conscience qu'on avait tous un temps limité, imparti, et que le stock de temps qui nous était attribué était inconnu. Est-ce que cette prise de conscience-là, quand tu étais si jeune, t'aide aujourd'hui ?

  • Nicolas Beretti

    Alors, dans ce TEDx, je pense que j'ai dit des choses vraies qu'à l'époque, j'étais incapable de processer réellement. Ma partie théorique a parlé et ma partie émotionnelle a compris après. Donc... Oui, pour une part, et non, pour une autre. J'ai toujours eu l'impression d'être immortel et jeune éternellement. Et jusqu'à la SLA, j'avais un corps qui marchait plutôt bien. Et donc, ça me renforçait dans ma croyance. Mais j'ai aussi toujours dit que je ne voulais pas vieillir. Et c'est quelque chose... ironique c'est que s'il ya un scénariste de la vie il me prend un peu trop au mot je trouve récemment un mois avant les symptômes j'avais fait refait le GR20 avec des potes et c'est tellement bien, d'ailleurs je leur passe le cou, Florian, Guillaume et Thomas, on s'est tellement marrés que j'avais dit que je ne le referais plus, tellement il était parfait. Un mois après, premier symptôme. Pareil, j'aurais aimé que ça reste une façon de parler, plutôt qu'on me prenne au mot. Pareil pour vieillir, maintenant, je vois toute la valeur de pouvoir vieillir. Et je rêve d'une chose, bien sûr, c'est vieillir tranquillement avec Sabrina, mais aussi avec mon meilleur pote Tom, pour pouvoir... être assis sur un banc et dire du mal aux gens et être de vieux insupportables. Et ce serait hyper drôle. Donc, j'espère avoir ce luxe. Mais pour l'instant, c'est très peu probable. Voilà.

  • Natacha Sels

    Alors, je ne sais pas si on t'a déjà dit un truc comme ça. Genre, si la vie te sert ce plat-là, c'est que tu es capable de l'assumer et d'en faire quelque chose. Je ne sais pas si toi, tu crois à ce genre de jeu.

  • Nicolas Beretti

    Alors... La première fois que j'ai entendu, c'est une personne qui est dans la pièce et qui m'a dit ça. Et effectivement, c'est quand, 15 ans après le décès de ma mère, j'ai enfin fait le deuil d'un coup. Et ça m'est venu dans la tronche très violemment, du jour au lendemain. Et ça m'a dit que si ça arrivait à ce moment-là, c'est que j'avais enfin la force de l'encaisser et de le traiter. Et donc, je me suis dit, pareil, là, et la blague un peu égocentrique, mais on aime bien donner du sens, nous, les humains, c'est que peut-être que si cette maladie me tombe dessus, c'est que je dois aider à trouver un traitement. Et donc, ouais, le plat est très indigeste, mais... J'ai un gros appétit et je ne compte pas la laisser gagner. Et je dis ça avec à la fois beaucoup de naïveté et aussi beaucoup de certitude. Je ne peux pas accepter.

  • Natacha Sels

    Tu as quand même un certain talent pour sortir les individus et les entreprises de leur vision limitante de la vie. Est-ce que ce talent te permet peut-être d'avoir un coup d'avance ?

  • Nicolas Beretti

    Dur à dire. J'ai quand même dit à tout le monde que l'iPad ne marcherait pas. Donc un coup d'avance, je ne sais pas. Mais j'ai toujours aimé trouver comment démontrer aux gens l'absurdité d'une situation et une voie possible de solution. Et à coup de schéma, à coup d'allégorie, de métaphore ou d'histoire, c'est un truc que j'ai toujours aimé faire. Mais ce que je ne voulais pas se produit, c'est-à-dire que la SLA prend de plus en plus de place et d'énergie, et du coup se bat sur tous les fronts ça devient difficile parce que j'ai aussi des boîtes à faire tourner à côté.

  • Natacha Sels

    Tu continues à tout faire là pour le moment ?

  • Nicolas Beretti

    Oui mais au ralenti et mon équipe m'aide beaucoup. Mais évidemment la question de la suite là devient prégnante. Je ne vais pas pouvoir porter mes boîtes seul encore longtemps, c'est sûr. Tel que je le fantasme, le combat du jour c'est la SLA, une fois que c'est fait, je reviens au climat. C'est un peu mon fantasme évidemment mais si je ne me raconte pas une histoire pareille se lever le matin c'est impossible.

  • Natacha Sels

    Les jours où c'est plus dur de se lever, où il y a des coups de mou dans quoi tu puisses quelles sont tes ressources pour les dépasser ces moments là ?

  • Nicolas Beretti

    Toujours prendre un recul monstrueux, j'ai toujours été passionné par l'astronomie et la physique et c'est deux choses qui me rassurent parce qu'une loi physique elle est intemporel, le cosmos quasiment, et se remettre à notre place. Quand on réfléchit à l'échelle d'une galaxie ou d'un amas de galaxies, on se dit qu'on vive 40 ans, 60 ans ou 30 ans, en fait c'est pareil. La deuxième chose qui m'aide beaucoup, c'est quand je pense à ces millions de pauvres soldats qui sont morts à 20 ans, qui n'ont rien demandé. Et je me dis, c'est une autre guerre que je mène, mais si je meurs au combat, c'est comme eux. Et puis au final, on va tous au même endroit. Donc si je prends un peu d'avance, ce n'est pas si grave. Mais bon, c'est pas miraculeux comme moyen de se lever. En fait, ce que je veux, c'est mettre mes gants de boxe, aller sur un ring et avec l'aide d'une équipe médicale, mettre la maladie KO.

  • Natacha Sels

    Oui, donc clairement pour toi, au niveau de cette maladie, c'est un combat, pas une acceptation. Non.

  • Nicolas Beretti

    Sabrina essaye de me faire pencher vers l'acceptation, ce n'est pas mon moteur. Si j'accepte, j'arrête de me battre. Peu après le diagnostic, je m'étais écrit une phrase que j'ai gardée à laquelle j'essayais de me plier. C'est peu importe le temps qui me reste, mon devoir, c'est d'en faire quelque chose d'utile pour le monde.

  • Natacha Sels

    Dans le prochain épisode, Nicolas Beretti, la voix de l'action. Partie 2. Vous découvrirez comment Nicolas met en œuvre ce projet. Restez à l'écoute de notre podcast et abonnez-vous sur votre plateforme préférée.

Description

Entrepreneur passionné, sportif et engagé pour la planète, Nicolas a toujours vécu dans une quête du "toujours plus"— jusqu'à ce que le diagnostic de la maladie vienne redéfinir ses priorités.


Plutôt que de subir, il choisit d’agir, épaulé par Sabrina, sa femme, et met toute son énergie au service du combat contre la maladie avec force et intelligence.


Car, comme il le dit si bien, ce qui compte, ce n’est pas le temps qu’il nous reste, mais ce que l’on en fait.


Ne manquez aucun nouvel épisode de La vie est belle, essaie-la ! Abonnez-vous dès maintenant sur votre plateforme d'écoute préférée et découvrez un nouvel épisode un samedi sur deux.


Nous remercions chaleureusement toutes les personnes qui ont participé à cette deuxième saison : personnes malades, aidants, proches, chercheurs et professionnels de santé.


Ce podcast de l'ARLSA a été réalisé par Natacha Sels, la post-production est de Bertrand Chaumeton.

 

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Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Natacha Sels

    La vie est belle, essaie-la ! L e podcast de l'ARSLA, qui met en lumière des personnes confrontées à la SLA et des professionnels engagés.

  • Nicolas Beretti

    Peu importe le temps qui me reste, mon devoir c'est d'en faire quelque chose d'utile pour le monde.

  • Natacha Sels

    Nicolas Beretti, la voix de l'action, partie 1. Nicolas Beretti et son épouse Sabrina habitent sur les hauteurs de Garches. Un appartement calme dont les grandes baies vitrées plongent dans le ciel bleu du jour. Au loin, la Défense et la Tour Eiffel. Autour de la grande table en bois, je découvre un Nicolas inclassable et touchant qui n'a de cesse dans la vie de réaliser les rêves imaginés par un cerveau créatif plus plus. Tête et corps bien fait, il est fan de sport, de montagne, d'amitié, de la douce Sabrina et œuvre pour préserver notre planète et son climat. La vie est belle quand soudain tombe le verdict du naissella. Le monde s'écroule, un temps, puis la vie reprend, avec peu à peu des objectifs qui se réalignent pour cette équipe profondément soudée que forment Nicolas et Sabrina. Bonjour ! Sabrina ?

  • Sabrina Beretti

    Bonjour !

  • Natacha Sels

    Oui, enchantée !

  • Nicolas Beretti

    Hello !

  • Natacha Sels

    Salut Nicolas !

  • Sabrina Beretti

    Est-ce que tu me prends un café ?

  • Natacha Sels

    Ah oui, volontiers, merci. Un petit court.

  • Sabrina Beretti

    Allez, voilà. Je suis la femme de Nicolas. J'ai bientôt 33 ans. Et Nicolas avait son entreprise en face de mon association. Donc voilà, ça s'est fait comme ça. Même si au début, je l'avais trouvé particulièrement insupportable. Mais on s'était apprivoisés et on ne s'est plus lâchés.

  • Natacha Sels

    Qu'est-ce qui t'a attirée chez lui ?

  • Sabrina Beretti

    L'énergie qu'il a dans la vie, en fait, je pense. Son charisme, la personne qu'il est, il prend beaucoup de place, mais justement, il l'emmène avec lui. Il m'a emmenée, je pense que je me suis fait avoir, comme beaucoup.

  • Natacha Sels

    Donc, charismatique, c'est bien ça.

  • Sabrina Beretti

    Oui, le charisme, les choses, c'est une des premières choses qu'on voit, mais du coup, il a un visage qu'on n'oublie pas, des grands yeux bleus. On n'est pas d'accord sur la couleur, mais en tout cas, il a un regard qui est assez présent. Et effectivement, avant la maladie, il était très solide physiquement. Là, il est toujours solide, mais d'une autre manière. Il est quand même grand, mince, il a beaucoup de chance sur la génétique là-dessus. Même en mangeant là, hyper gras, il garde une stature physique assez importante.

  • Natacha Sels

    De Nicolas, j'avais écouté une conférence. Il y évoque une image qui me marque. Toutes nos expériences, aussi diverses soient-elles, se poseraient comme autant de points sur la feuille de notre vie pour finir par dessiner une figure. Je lui demandais donc quelle forme avait pris son existence. Avant l'annonce du diagnostic, ce 23 janvier 2023.

  • Nicolas Beretti

    Oula ! Une course, elle avait la forme d'une course vers le toujours plus. Plus d'activités, plus de chiffres d'affaires, plus d'arbres plantés, plus de boîtes créées. plus de sport, plus de challenges sportifs aussi, plus de défis de sport extrême ou autre. Et ça, c'est avant. Et maintenant, c'est d'autres défis. Et les points que je dois relier, ce n'est pas moi qui les ai choisis maintenant. Mais tant que j'ai à faire, si j'arrive à faire une forme qui ressemble à une protéine qui défonce la SLA, tant mieux.

  • Natacha Sels

    Oui, justement, en janvier 2023, il se passe un événement. Comment, si tu devais le dessiner, tu le dessinerais comment ? Ou comment tu l'appelles, cet événement ?

  • Nicolas Beretti

    Bonne question. Un coup de poing dans le ventre. que j'ai pas eu le temps de trop digérer parce que deux heures après je devais faire une conférence pour Saint-Gobain où Sabrina m'a emmené en voiture parce que j'étais KO par la nouvelle et... Le fait de faire cette conférence sur le climat m'a transcendé en me disant qu'il y avait plus important que moi et ma maladie. Et il y a un combat pour l'écologie qui est beaucoup plus important et qui, à mon avis, est lié à la maladie puisqu'il n'y a que des humains malades sur une terre malade. Ça a été affreux, chaos et puis action. Il m'a fallu une journée et demie, deux jours de vraiment pas bien à me dire que c'est un cauchemar, comme tout le monde je pense, pourquoi moi, machin. Et ensuite, je ne sais pas ce qui s'est mis en route, mais je me suis dit que... La recherche avance et le fait d'imaginer des centaines de chercheurs dans le monde qui se lèvent tous les jours pour aller trouver un traitement, je me dis qu'ils vont finir par trouver un truc. Et peut-être c'est faux, peut-être c'est vrai, mais je n'ai rien à perdre à partir du principe que c'est vrai.

  • Natacha Sels

    Sabrina, installée avec nous autour de la grande table, parle aussi de son vécu à l'annonce de la SLA.

  • Sabrina Beretti

    On avait des doutes. Alors moi, j'ai été vraiment beaucoup dans le déni dans la phase du diagnostic. Jusqu'à fin décembre, en janvier, ça a été le coup pré-final, on va dire. Mais c'est plusieurs mois d'attente, plusieurs mois d'aller-retour. On donne un peu d'espoir, on ne sait pas trop. De mon côté, pour Nicolas, ça a été très violent. Moi, il y a eu une forme de « bon, maintenant, on sait » . Parce que le balotage... Pour moi, elle était très dure à vivre, en fait, de ne pas vraiment savoir, d'avoir aucune case, d'avoir aucun parcours, aucun combat identifié, en fait. C'était assez délicat. Donc, le 23 janvier, ça a été vraiment... Maintenant, on va pouvoir passer à l'action.

  • Natacha Sels

    Parce que ça avait commencé comment ?

  • Sabrina Beretti

    Ça a commencé en septembre. C'était la fin d'un été où Nicolas avait fait le GR20, donc la grande randonnée en Corse assez intense physiquement. Les premiers symptômes sont arrivés d'abord avec des sensations dans les jambes qu'on a minimisées parce que le retour du GR20, on se dit que c'est une fatigue. presque peut-être normal. Et c'est quand les fasciculations ont commencé, peut-être un mois, un mois et demi plus tard, qu'en tout cas pour Nico, c'est devenu une évidence que c'était un peu plus grave. Moi, je faisais un peu l'autruche à ce moment-là. Mais on a fait pas mal d'allers-retours entre Marseille et Paris au début pour essayer d'accélérer, avoir des rendez-vous plus rapides. Le premier neurologue qu'on a vu... à poser le mot, mais ça pouvait être encore plein de choses, donc on se raccroche, on se met à espérer que ce soit Guillain-Barré, que ce soit une sclérose en plaques classique. Je ne dis pas du tout ça pour minimiser ceux qui vivent ça, mais c'est vrai que quand il y a ça dans la balance, quand il y a la SLA dans la balance, on se raccroche à tout autre espoir.

  • Natacha Sels

    Et qu'est-ce que tu t'es dit quand le diagnostic est tombé ?

  • Sabrina Beretti

    Au début, on ne connaît pas la maladie, donc c'est vrai que c'est vraiment très dur. Tout nous paraît inconcevable, donc c'est difficile d'imaginer qu'on va vivre ça, ou même que Nicolas est touché par ça, on n'arrive pas à l'appréhender, du coup on est un peu plus catastrophiste presque. Au début, moi j'étais plutôt à imaginer le pire, et puis finalement on se rend compte que ça ne va pas être ça le quotidien, et qu'il va y avoir de la place pour autre chose, mais au début on se dit ça y est c'est fini. Il y a un côté un peu absolu. Et pourtant, on a un super neurologue à la pitié salpétrière qui a eu, je pense, la manière de nous l'annoncer la plus douce possible en nous expliquant bien que le spectre est très large et qu'il y a mille et une façons. Il nous a bien guidés là-dedans. Ses mots résonnent encore, je pense, aujourd'hui.

  • Natacha Sels

    Quels sont ses mots ?

  • Sabrina Beretti

    Que la SLA, c'est une très grande famille. Qu'il y a... pléthore de manières de la voir s'exprimer dans nos vies et que il y a la moyenne, et on sait très bien que la moyenne c'est des écarts-types très larges. Vous allez passer par la phase où vous imaginez forcément être du côté le plus extrême, alors que la réalité va être tout autre. Il nous l'avait dit, mais forcément quand il y a d'abord un vrai coup de massue, et après les mots reviennent.

  • Natacha Sels

    Combien il a fallu de temps pour atterrir, on va dire ça comme ça, je ne sais pas si c'est le bon terme.

  • Sabrina Beretti

    Je ne sais pas trop dire. C'est sûr que les premières semaines, premiers mois, c'est un vrai moment de flottement. Plusieurs mois, c'est sûr. Mais il y a un coup de massue qu'on vit, et qu'on vit aussi à travers le regard de nos proches, qui eux, ne connaissent pas plus que nous la maladie, donc ils projettent beaucoup de choses. On a parfois un regard un peu de pitié, enfin en tout cas, par bienveillance, nous... entretiennent le côté grave de ce qu'on vit, on va dire. Et puis ça se normalise pour tout le monde, je pense, quelques mois, je pense, avant que ça retombe un peu.

  • Natacha Sels

    Oui, et puis surtout, la vie ne change pas du jour au lendemain.

  • Sabrina Beretti

    Non, ce n'est pas le cas. En plus, au début, la maladie est encore assez discrète. On ne se rend pas compte. Dans les premières phases, j'ai plutôt l'impression qu'on s'est raccrochés à la vie qu'on avait. Comme un peu des remparts pour pas trop s'effondrer, on va dire. Je dirais pas qu'on a pris de grosses décisions au départ.

  • Natacha Sels

    La décision de changer d'appartement, c'est venu quand ?

  • Sabrina Beretti

    En fait, les chutes s'intensifient, parfois spectaculaires, et là, on voit vite que l'appartement qu'on a... va poser problème.

  • Nicolas Beretti

    On a déménagé à Garches pour un appartement de plein pied parce qu'on était en duplex avant et j'ai déjà fini une fois la tête en bas au pied de l'escalier sous le radiateur. On s'est dit que ça suffisait et par ailleurs, l'appartement est un peu plus grand ici et donc on peut recevoir nos amis et la famille qui peuvent venir aider Sabrina. à m'aider, les aidants des aidants. Et donc, il y a une chambre en plus, une salle de bain en plus. Donc, c'est plus pratique. Et comme je passe beaucoup de temps ici, un appartement plus grand et plus calme est moins dur à vivre.

  • Natacha Sels

    Alors, Sabrina, c'est ton épouse. Est-ce que tu peux me parler d'elle ?

  • Nicolas Beretti

    Je suis assez mauvais avec ça, mais pour la faire très simple, on s'est mariés il y a un an et demi. Ça fait bientôt huit ans qu'on est ensemble. Mon père l'appelle Sainte Sabrina. Et il a raison. Je pense que c'est la plus belle chose qui a pu m'arriver. On est tellement différents qu'elle m'emmène sur des territoires que je ne connais pas. Et notamment la vie à deux, le mariage, l'engagement, tout ça, qui sont des choses qui étaient pour moi des gros mots, presque. Et pour faire simple, la vie avec Sabrina est bien mieux que la vie sans Sabrina. Donc tant qu'elle me supporte, tant mieux. C'est un très bel être humain avec qui on s'est connecté il y a huit ans et depuis on ne peut pas faire autrement qu'avancer ensemble et je suis bien désolé qu'elles doivent se taper d'être une aidante c'est pas prévu comme ça mais elle le fait à merveille en fait on est une équipe Quand il y en a un qui lâche, l'autre tient. On n'a jamais lâché à deux. Donc on a cet équilibre de faire attention l'un à l'autre.

  • Natacha Sels

    Comment ça fait quand ça arrive à quelqu'un qui est... Ça touche quelqu'un qui est très proche de nous ? Qu'est-ce qu'on se dit ? Qu'est-ce qu'on pense ?

  • Sabrina Beretti

    C'est vraiment très douloureux, au contraire, parce qu'il y a l'impuissance. Je pense que tous les aidants qui vivent ce que je vis seraient d'accord, mais... On préférait que ça nous arrive en fait. Au moins... Ah pardon, ça m'émeut. Voilà. Mais là, il y a le sentiment qu'on ne peut pas décharger. C'est justement très violent d'être spectateur. Donc ça a des gros impacts sur notre vie à nous, mais on est quand même externe. Enfin voilà, c'est très ambivalent parce que c'est un chamboulement total et en même temps une impuissance absolue. Mais c'est sûr que ça n'a rien à voir avec ce que peut vivre un malade dans sa chair, dans son corps au quotidien. Nous, on peut juste vraiment soutenir comme on peut.

  • Natacha Sels

    Toi, au niveau des symptômes, comment ça a bougé depuis janvier 2023 ?

  • Nicolas Beretti

    Au début, c'était très lent. Ma jambe droite me gênait un peu. Je n'arrivais plus à faire de taekwondo ou de foot. Mais au quotidien, ça a épuisé la main droite, elle commençait à faiblir. Et là, je trouve que depuis 6 mois, ça va plus vite. Et la diction, depuis 2 mois, commence à être touchée. J'ai du mal à parler, à marcher. J'ai un déambulateur depuis une semaine que je n'ose pas sortir dans la rue. On essaie de faire attention à l'alimentation, l'apport en gras, en légumes, en fruits, et puis le reste, on improvise.

  • Natacha Sels

    Comment tu vis ces mouvements ou ces évolutions ?

  • Nicolas Beretti

    Dur de répondre bien. C'est pas la vie que j'avais imaginée, d'autant plus que pour ceux qui me connaissent, j'ai toujours été hyperactif. très dans le défi physique. Chute libre, plongée, saut à l'elastique, arts martiaux, moto, tout ça. Et donc, une vie dans laquelle je ne peux plus faire de ça, c'est pour l'instant, pour moi, une vie très ennuyeuse. Et donc, il y a des moments de désespoir. Et là encore, une des façons de... Relativiser, c'est d'imaginer qu'il y a eu avant ma petite personne 100 milliards d'humains sur Terre, dont pour la très grande majorité, la vie a été souffrance, peur et mort très jeune. Et donc, moi je suis arrivé à 40 ans, là. Cette année, par rapport à la majorité des humains, c'est mieux. Donc, est-ce que je dois me plaindre à l'échelle cosmique ? Non. Est-ce que je dois profiter du temps qui reste pour faire un truc utile ? Oui. Mon espoir, c'est bien sûr qu'on trouve quelque chose. Et si on ne trouve rien, mon souhait, ce serait de laisser une trace inspirante. Est-ce que j'aurai la force ? On verra.

  • Natacha Sels

    J'avais été impressionnée. Je suis passionnée par le fait que, toujours dans ce TEDx, tu avais raconté que le décès de ta maman à l'âge de 17 ans t'avait fait prendre conscience qu'on avait tous un temps limité, imparti, et que le stock de temps qui nous était attribué était inconnu. Est-ce que cette prise de conscience-là, quand tu étais si jeune, t'aide aujourd'hui ?

  • Nicolas Beretti

    Alors, dans ce TEDx, je pense que j'ai dit des choses vraies qu'à l'époque, j'étais incapable de processer réellement. Ma partie théorique a parlé et ma partie émotionnelle a compris après. Donc... Oui, pour une part, et non, pour une autre. J'ai toujours eu l'impression d'être immortel et jeune éternellement. Et jusqu'à la SLA, j'avais un corps qui marchait plutôt bien. Et donc, ça me renforçait dans ma croyance. Mais j'ai aussi toujours dit que je ne voulais pas vieillir. Et c'est quelque chose... ironique c'est que s'il ya un scénariste de la vie il me prend un peu trop au mot je trouve récemment un mois avant les symptômes j'avais fait refait le GR20 avec des potes et c'est tellement bien, d'ailleurs je leur passe le cou, Florian, Guillaume et Thomas, on s'est tellement marrés que j'avais dit que je ne le referais plus, tellement il était parfait. Un mois après, premier symptôme. Pareil, j'aurais aimé que ça reste une façon de parler, plutôt qu'on me prenne au mot. Pareil pour vieillir, maintenant, je vois toute la valeur de pouvoir vieillir. Et je rêve d'une chose, bien sûr, c'est vieillir tranquillement avec Sabrina, mais aussi avec mon meilleur pote Tom, pour pouvoir... être assis sur un banc et dire du mal aux gens et être de vieux insupportables. Et ce serait hyper drôle. Donc, j'espère avoir ce luxe. Mais pour l'instant, c'est très peu probable. Voilà.

  • Natacha Sels

    Alors, je ne sais pas si on t'a déjà dit un truc comme ça. Genre, si la vie te sert ce plat-là, c'est que tu es capable de l'assumer et d'en faire quelque chose. Je ne sais pas si toi, tu crois à ce genre de jeu.

  • Nicolas Beretti

    Alors... La première fois que j'ai entendu, c'est une personne qui est dans la pièce et qui m'a dit ça. Et effectivement, c'est quand, 15 ans après le décès de ma mère, j'ai enfin fait le deuil d'un coup. Et ça m'est venu dans la tronche très violemment, du jour au lendemain. Et ça m'a dit que si ça arrivait à ce moment-là, c'est que j'avais enfin la force de l'encaisser et de le traiter. Et donc, je me suis dit, pareil, là, et la blague un peu égocentrique, mais on aime bien donner du sens, nous, les humains, c'est que peut-être que si cette maladie me tombe dessus, c'est que je dois aider à trouver un traitement. Et donc, ouais, le plat est très indigeste, mais... J'ai un gros appétit et je ne compte pas la laisser gagner. Et je dis ça avec à la fois beaucoup de naïveté et aussi beaucoup de certitude. Je ne peux pas accepter.

  • Natacha Sels

    Tu as quand même un certain talent pour sortir les individus et les entreprises de leur vision limitante de la vie. Est-ce que ce talent te permet peut-être d'avoir un coup d'avance ?

  • Nicolas Beretti

    Dur à dire. J'ai quand même dit à tout le monde que l'iPad ne marcherait pas. Donc un coup d'avance, je ne sais pas. Mais j'ai toujours aimé trouver comment démontrer aux gens l'absurdité d'une situation et une voie possible de solution. Et à coup de schéma, à coup d'allégorie, de métaphore ou d'histoire, c'est un truc que j'ai toujours aimé faire. Mais ce que je ne voulais pas se produit, c'est-à-dire que la SLA prend de plus en plus de place et d'énergie, et du coup se bat sur tous les fronts ça devient difficile parce que j'ai aussi des boîtes à faire tourner à côté.

  • Natacha Sels

    Tu continues à tout faire là pour le moment ?

  • Nicolas Beretti

    Oui mais au ralenti et mon équipe m'aide beaucoup. Mais évidemment la question de la suite là devient prégnante. Je ne vais pas pouvoir porter mes boîtes seul encore longtemps, c'est sûr. Tel que je le fantasme, le combat du jour c'est la SLA, une fois que c'est fait, je reviens au climat. C'est un peu mon fantasme évidemment mais si je ne me raconte pas une histoire pareille se lever le matin c'est impossible.

  • Natacha Sels

    Les jours où c'est plus dur de se lever, où il y a des coups de mou dans quoi tu puisses quelles sont tes ressources pour les dépasser ces moments là ?

  • Nicolas Beretti

    Toujours prendre un recul monstrueux, j'ai toujours été passionné par l'astronomie et la physique et c'est deux choses qui me rassurent parce qu'une loi physique elle est intemporel, le cosmos quasiment, et se remettre à notre place. Quand on réfléchit à l'échelle d'une galaxie ou d'un amas de galaxies, on se dit qu'on vive 40 ans, 60 ans ou 30 ans, en fait c'est pareil. La deuxième chose qui m'aide beaucoup, c'est quand je pense à ces millions de pauvres soldats qui sont morts à 20 ans, qui n'ont rien demandé. Et je me dis, c'est une autre guerre que je mène, mais si je meurs au combat, c'est comme eux. Et puis au final, on va tous au même endroit. Donc si je prends un peu d'avance, ce n'est pas si grave. Mais bon, c'est pas miraculeux comme moyen de se lever. En fait, ce que je veux, c'est mettre mes gants de boxe, aller sur un ring et avec l'aide d'une équipe médicale, mettre la maladie KO.

  • Natacha Sels

    Oui, donc clairement pour toi, au niveau de cette maladie, c'est un combat, pas une acceptation. Non.

  • Nicolas Beretti

    Sabrina essaye de me faire pencher vers l'acceptation, ce n'est pas mon moteur. Si j'accepte, j'arrête de me battre. Peu après le diagnostic, je m'étais écrit une phrase que j'ai gardée à laquelle j'essayais de me plier. C'est peu importe le temps qui me reste, mon devoir, c'est d'en faire quelque chose d'utile pour le monde.

  • Natacha Sels

    Dans le prochain épisode, Nicolas Beretti, la voix de l'action. Partie 2. Vous découvrirez comment Nicolas met en œuvre ce projet. Restez à l'écoute de notre podcast et abonnez-vous sur votre plateforme préférée.

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