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Lait'Change #12 - Le Camembert de Normandie AOP avec David Aubrée de la Fromagerie Réo

Lait'Change #12 - Le Camembert de Normandie AOP avec David Aubrée de la Fromagerie Réo

31min |17/02/2025
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Description

Dans ce nouvel épisode, Romain Le Gal, un des meilleurs ouvriers de France fromager, échange avec David Aubrée, directeur de la Fromagerie Réo à Lessay dans la Manche (50).

Fils d’agriculteurs qui possédaient des vaches de race normande à Coutances, David se passionne très rapidement pour les technologies fromagères et étudie à l’ENIL (Écoles Nationales d'Industries Laitières) de Saint-Lô Thère et Poligny. Après des expériences dans différentes structures avec une appétence marquée pour le camembert, il retourne finalement à Lessay et prend la direction de la Fromagerie Réo en 2016.

David Aubrée est également très engagé dans la filière, il est Président de l'Association de Gestion des Organismes de Défense et de Gestion (ODG) Laitiers Normands basée à Caen. Cette association soutient les quatre fromages d’Appellation d’Origine Protégée, le Camembert de Normandie, le Neufchâtel, le Pont L’Evêque et le Livarot. Elle défend les acteurs de ces différents terroirs et recettes en proposant des améliorations en recherche et développement.


Lait’Change, le podcast qui donne la parole aux actrices et acteurs de la filière laitière et fromagère. Romain LE GAL, Meilleur Ouvrier de France Fromager 2023 fait le tour des régions de France pour nous faire découvrir des fromages AOP, des coopératives et rencontrer des passionnées de fromages pour en apprendre plus sur leurs histoires. Ces garants du patrimoine et de leurs métiers font la richesse de notre pays et notre culture. Produit par France Frais, le distributeur, tout proche de vous.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Romain LE GAL

    Bienvenue sur Lait'Change, le podcast qui donne la parole aux actrices et aux acteurs de la filière laitière et fromagère. Je suis Romain LE GAL et ce matin je vous retrouve en Normandie. Pour rentrer dans le sujet, je vous propose une citation de Léon-Paul Fargue qui décrit merveilleusement bien le fromage dont nous allons parler aujourd'hui : "Le camembert, ce fromage qui fleure les pieds du bon Dieu". On va donc parler de camembert, mais plus particulièrement du Camembert de Normandie AOP. Je me trouve au cœur du bocage normand, dans la Manche, à la Fromagerie Réo, pour partager ce moment avec David Aubray. Bonjour David ! Bonjour ! Comment ça va David aujourd'hui ?

  • David Aubrée

    Ça va et toi Romain ?

  • Romain LE GAL

    Très bien, je suis très heureux d'être à la Fromagerie Réo. David, partager un moment avec toi depuis le temps qu'on se connaît maintenant quasiment presque une dizaine d'années, incroyable ! David, est-ce que tu pourrais te présenter en quelques mots ? Oui, oui. Pour ceux qui ne te connaissent pas.

  • David Aubrée

    Avec plaisir. David Aubray, j'ai 50 ans. Je suis fils d'agriculteur. Mes parents élevaient des vaches normandes pas très loin de Lessay, à Coutances, à 20 minutes de Lessay. Et marié, deux enfants qui sont dans le même métier que moi. J'ai réussi à leur céder ma passion fromagère.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, toi, ton parcours, t'as toujours voulu... Tes parents faisaient du fromage ou c'était uniquement des producteurs laitiers ? Enfin, uniquement, je dis uniquement, pas au terme péjoratif, où tu as toujours voulu faire du fromage ?

  • David Aubrée

    Alors, oui, l'histoire est assez simple. Moi, mes parents étaient producteurs de lait et n'ont pas eu des grandes sommes d'argent avec le lait. Le lait a toujours été un métier assez difficile dans la culture. Et donc, mes parents ont... On n'a pas souhaité que je reprenne la ferme comme certains parents agriculteurs qui, de père en fils, la ferme était cédée. Et moi je me suis orienté dans l'agroalimentaire laitier, en faisant mon bac à Saint-Lô Thère à côté de Coutances, donc une école d'industrie laitière. Et j'ai fait mon BTS ensuite dans une autre école d'industrie laitière, à Poligny dans le Jura, où là-bas, j'ai eu un super prof qui s'appelle Bernard Mietton, qui est décédé malheureusement, et qui m'a vraiment cédé la passion du fromage.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, revenir en Normandie, tu as produit d'autres fromages avant de revenir en Normandie ?

  • David Aubrée

    Non, en fait, j'ai fabriqué principalement du Camembert de Normandie depuis le début de ma carrière. J'ai travaillé, juste après mon BTS, juste deux mois à la ferme de Viltin, à Jouy-en-Josas, pour remplacer un fromager qui travaillait à la ferme. Ensuite, j'ai travaillé deux ans dans le Maine-et-Loire. La première entreprise qui m'a proposé un poste où j'ai évolué de la préparation du lait jusqu'à la recherche et développement, mais en camembert industriel, non AOP.

  • Romain LE GAL

    Donc déjà, le mot camembert, mais on verra la différence entre le camembert tout à l'heure et le Camembert de Normandie.

  • David Aubrée

    Tout à fait. Et ensuite, j'ai commencé vraiment ma carrière normande dans l'AOP à la coopérative d'Isigny-Sainte-Mère. Ensuite, j'ai travaillé chez Graindorge pour les quatre fromages normands, donc le camembert de Normandie en premier lieu, le Livarot, le Pont-L'Evèque et le Neufchâtel. Et depuis 2016, j'ai rejoint la coopérative des Maîtres Laitiers du Cotentin pour diriger la fromagerie Réo, qui elle fabrique du Camembert de Normandie, mais aussi du beurre de baratte, du fromage blanc et de la crème normande.

  • Romain LE GAL

    Donc là, tout est fait sur ce site ?

  • David Aubrée

    Tout est fait à Lessay, oui, sur le site. On collecte à peu près une quarantaine de producteurs de lait.

  • Romain LE GAL

    D'accord. Autour de la fromagerie ?

  • David Aubrée

    Oui, on est à 30 km autour de la fromagerie. Donc vraiment, les chauffeurs laitiers n'ont pas beaucoup de kilomètres pour ramener le lait.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, si tu devais donner quelques chiffres sur la fromagerie Réo, pour que les gens s'imaginent, c'est quoi ?

  • David Aubrée

    Rapidement, c'est vrai qu'il y a des personnes qui pensent que Réo est tout petit, d'autres qui pensent que c'est très grand. Oui. Donc c'est une entreprise de 100 salariés, 100 personnes. On collecte à peu près 23 millions de litres de lait, donc ça fait entre 60 et 70 000 litres de lait par jour. Donc on va dire 3 grosses citernes. Et donc on fait un chiffre d'affaires quand même de 25 millions. Donc c'est pas une petite entreprise.

  • Romain LE GAL

    Et la particularité, c'est qu'ici, le camembert, on verra tout à l'heure, il est 100%.

  • David Aubrée

    Mouler à la louche, à la main.

  • Romain LE GAL

    Mais ça, on reviendra sur le Camembert de Normandie AOP tout à l'heure. Et puis à côté de ça, à côté de la fromagerie Réo, tu es aussi impliqué dans la vie de la filière. Tu as aussi des mandats, comme on dit.

  • David Aubrée

    Oui, c'est ça. Donc depuis plusieurs années, je succède à différentes présidences au niveau de l'appellation d'origine protégée. Donc j'ai démarré assez haut puisque j'étais président des... de l'association des 4 fromages AOP de Normandie. Donc en fait à Caen il y a une association qui gère avec les producteurs de lait et les transformateurs, donc les fabricants de fromage, les fromagers, on gère une association qui est le regroupement de 4 associations. En fait dans tous les fromages AOP et toutes les AOP en général, que ce soit des AOP laitières ou... vinicole ou d'autres, il y a toujours à la base une association qui va défendre l'appellation d'origine, défendre nos terroirs, défendre les recettes, aussi faire attention qu'il n'y ait pas de copies. Et on va aussi, selon les associations, essayer de faire de la recherche. Trouver des choses pour améliorer le quotidien et la renommée du produit.

  • Romain LE GAL

    Donc du coup, tu as eu la présidence des 4 AOP. Et maintenant, tu as relâché...

  • David Aubrée

    Voilà, j'ai relâché les 3 autres AOP pour m'occuper de l'AOP Camembert de Normandie.

  • Romain LE GAL

    Ça tombe bien, c'est du fromage sur lequel on va échanger aujourd'hui. Donc, merci monsieur le président du coup.

  • David Aubrée

    De rien.

  • Romain LE GAL

    Si tu devais finalement nous parler de l'histoire, parce que c'est un peu une folle histoire cette histoire du camembert, elle ne remonte pas à aujourd'hui ni à hier, comment tu pourrais nous expliquer cette histoire ?

  • David Aubrée

    Alors l'histoire, il y en a toujours des histoires un peu farfelues dans les fromages.

  • Romain LE GAL

    Un peu contes et légendes parfois.

  • David Aubrée

    Et donc là l'histoire du camembert de Normandie, il a été probablement, certainement créé par Marie Harel. qui était sur la commune de Camembert et qui a recueilli un curé réfractaire pendant la Révolution française. Et donc ce curé venait de la zone du Brie de Meaux-Brie de Melun, et dans les moules à Livarot, lui a appris à faire, on va dire, une pâte molle à croûte fleurie à l'époque, qui était beaucoup plus colorée que notre Camembert blanc actuel.

  • Romain LE GAL

    Ça ressemblait que quand tu dis colorée, donc là on est dans les années

  • David Aubrée

    1791. C'est ça. Pour être précis.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, si tu dis coloré, c'était quoi coloré ?

  • David Aubrée

    Je pense que le camembert ressemblait plus à un livarot qu'à un camembert.

  • Romain LE GAL

    Tu le voyais plus orangé ? Très orangé. J'étais tombé sur une nature morte, enfin pas une nature morte, mais une vieille peinture, où ils le mettaient, ça faisait gris, orangé, bleuté. Et donc après ?

  • David Aubrée

    Après, ce camembert-là, il a vécu tranquillement sa petite vie. Mais il a eu de la chance d'avoir connu un ingénieur qui a créé sa boîte, M. Riedel. Et cette boîte en peuplier, elle a pu transporter cette pâte molle, parce qu'un camembert, imaginez, avant qu'il y ait les frigos et les camions frigos dans nos campagnes. Le camembert subissait les températures extérieures. Et donc, il faut vous imaginer que le camembert s'affinait très vite et coulait très vite. Donc cette boîte en bois a pu permettre au fromage le transport jusqu'à Paris en carriole, par exemple.

  • Romain LE GAL

    Et puis après, il y a eu un tournant pour le camembert, un peu grâce à une autre région.

  • David Aubrée

    C'est-à-dire ?

  • Romain LE GAL

    Dans la région de Meaux, on a réussi à isoler le pénicillium dans les années 1900. Ça, ça a été un... un tournant pour le camembert ?

  • David Aubrée

    Pour toutes les pâtes molles à croûtes fleuries, tout à fait. Le fait de pouvoir ensemencer le pénicillium sur le fromage, les fromages, forcément, ont été beaucoup mieux maîtrisés au niveau aspect croûte.

  • Romain LE GAL

    Et après, début 1900, on continuait de consommer beaucoup de camembert ?

  • David Aubrée

    Alors, oui, il était consommé, il a été, on va dire, mis en avant par plusieurs rois, par plusieurs gouverneurs.

  • Romain LE GAL

    aussi pendant la guerre. Il me semble qu'il était...

  • David Aubrée

    Ce que j'allais y venir, c'est que pendant les deux guerres mondiales, comme il était assez transportable dans les boîtes en bois, il était distribué à nos soldats via leur ration.

  • Romain LE GAL

    On voit même des vieilles étiquettes de camembert avec des poilus dessus.

  • David Aubrée

    Ah oui, tout à fait. Il faut regarder un petit peu sur Internet ou au musée du camembert à Vimoutiers. Il y a vraiment de nombreuses étiquettes qui... qui font, on va dire, un petit clin d'œil à la guerre. C'est des étiquettes qui étaient faites pour la guerre, et qui étaient un peu plus pour remonter le moral des soldats. Parce que c'était assez joyeux, alors que les soldats n'étaient pas dans la joie.

  • Romain LE GAL

    Et puis, après, on a voulu protéger le camembert.

  • David Aubrée

    Oui. Il y a eu différentes étapes, je vais peut-être la brûler, mais le camembert a été reconnu en 1983 sous l'AOC, l'appellation d'origine contrôlée, qui s'est durcie ou qui a été repris en main par l'Europe, où il est devenu AOP, donc là c'était en 1996. Oui, en 1996, c'est ça. On va dire qu'avant ces années-là, le camembert s'est fait connaître grâce à la pasteurisation, puisque à l'heure d'aujourd'hui, on fabrique dix fois plus de camemberts non AOP, qu'on appelle le camembert industriel. A peu près 60 000 tonnes de camembert pasteurisé fabriqué en France, alors qu'il n'y a que 6 000 tonnes de camembert AOP, donc camembert de Normandie au lait cru, qui est fabriqué en France.

  • Romain LE GAL

    Donc la pasteurisation, c'est venu dans quelles années ?

  • David Aubrée

    C'est l'après-guerre, où la pasteurisation a démarré, et vraiment dans les années entre 1960 et 1975, où la pasteurisation est devenue quelque chose... de très standardisés dans de nombreuses entreprises, et qui ont permis à la France de vendre beaucoup de produits pasteurisés, en France, mais surtout à l'export.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, maintenant, si on revient sur le camembert de Normandie AOP, comment tu pourrais le décrire ? Déjà, à quoi il ressemble ? Oui,

  • David Aubrée

    alors... Contrairement au camembert industriel, le camembert AOP va être un petit peu ondulé. On dit qu'il a une légère peau de crapaud. Donc ça c'est le fait qu'il soit moulé à la louche à la main. Il est beaucoup moins cylindrique qu'un camembert normal. Et donc comme il est moulé à la louche, on va avoir aussi pour les spécialistes qui ont coupé le camembert, on va deviner les louches lorsqu'il est assez jeune. Ce camembert, il a une technique quand même assez particulière, puisque le moulage est très particulier. On va mouler à la louche un cahier qui est très mou. Il faut s'imaginer un fromage blanc humide. Et on va piocher la louche dedans, et superposer ces cinq louches au fur et à mesure. pendant une matinée entière. On va mettre une matinée entière à mouler le camembert. Et le fait de mouler de cette manière, on a un fromage qui est très lactique. Donc il est beaucoup moins... Il est plus acide au début, quand il est jeune. Et il va s'affiner et donner beaucoup plus de goût à un camembert industriel sur lequel on recherche moins de goût aussi. L'industriel, lui, il veut que le camembert pasteurisé plaise à tout le monde, donc il va être un petit peu consensuel, léger goût de crème, léger goût de beurre, que nos camemberts AOP vont plus se rapprocher de l'animal, on va avoir quelque chose avec un caractère beaucoup plus fort. Comme d'autres fromages AOP, c'est comme si on comparait aussi un Comté et un Emmental.

  • Romain LE GAL

    Donc du coup, là tu disais, mais le camembert, il n'est pas forcément moulé à la main ?

  • David Aubrée

    Alors non, après,

  • Romain LE GAL

    il est moulé à la louche.

  • David Aubrée

    Il est moulé à la louche. avec des robots chez des confrères ou des concurrents, ça dépend comment on voit les choses. Et donc ce moulage robotisé va reproduire le geste de l'Homme, mais forcément avec un petit peu moins de rêve, un peu moins de personnel, parce que pour moi l'appellation d'origine protégée, elle conserve la tradition et elle doit aussi, si c'est pas trop difficile, conserver l'emploi. Si on a décidé de protéger un produit, c'est pour qu'il reste local et qu'on conserve les emplois aussi et la tradition.

  • Romain LE GAL

    Donc là, tu as déjà commencé à rentrer dans la fabrication, mais si on revient un petit peu en avant, le camembert de Normandie AOP sera forcément lait cru ? Oui,

  • David Aubrée

    on a un cahier des charges qui est très complexe, qui démarre à la production laitière, c'est-à-dire que nos producteurs de lait ont principalement des races normandes dans leur troupeau. En

  • Romain LE GAL

    Europe, c'est minimum...

  • David Aubrée

    C'est minimum 50% de races normandes. Et chez Réo, on va être à 100% d'ici deux ans. On est à 90% déjà, maintenant. Et ces producteurs de lait qui aiment la race normande sont obligés de faire pâturer leur vache dans les champs pendant 6 mois. Mais ça c'est le minimum. Ça c'est le minimum. Nous, dans la Manche, on a énormément de chances d'être auprès de la mer. Donc on a un climat qui est humide, mais qui est tempéré. C'est-à-dire que...

  • Romain LE GAL

    10 degrés toute l'année.

  • David Aubrée

    Oh non... Tu exagères, même s'il y a le réchauffement de la planète, il fait presque 20 degrés chez nous. Donc non, non, mais c'est vrai que le fait d'être à 5 km de la mer, la neige reste très peu de temps, c'est quelques heures depuis quelques années. Et le gel est là aussi rarement. Par contre l'été c'est pareil, il ne fait pas très très chaud non. on n'est pas envahis de touristes. Donc les vaches peuvent brouter de l'herbe comme cette année en 2024. On a commencé à les mettre dans les champs au mois de mars et vont finir en mois de novembre parce que là on a de l'eau depuis tous les mois. On peut subir quelquefois une petite sécheresse. qui n'a rien à voir avec le sud de la France. Mais on a vraiment un climat tempéré qui est fait pour les vaches normandes, les vaches laitières.

  • Romain LE GAL

    Donc vraiment une zone qui est faite pour la production du lait de toute façon. Voilà,

  • David Aubrée

    on a régulièrement... Il fait toujours beau entre deux ailleurs chez nous. Donc on a régulièrement de l'eau qui fait pousser de l'herbe bien grasse. On a la chance d'avoir cette race de vaches qui non seulement produit beaucoup de lait, mais qui est aussi viandarde.

  • Romain LE GAL

    Une race mixte.

  • David Aubrée

    Une race mixte qui... qui peut très bien nous fournir du bon lait pendant quelques années et finir en côte de bœuf sur le barbecue.

  • Romain LE GAL

    Sans aucun souci.

  • David Aubrée

    Voilà.

  • Romain LE GAL

    Après, du coup, là, on a parlé du moulage du camembert. Une fois que ce camembert, il est moulé.

  • David Aubrée

    Oui, le fromage va subir un affinage très court. C'est une pâte molle. Donc, on est sur quelques semaines d'affinage au total. Ce n'est pas un comté qui va avoir 18-24 mois. Le camembert est salé le lendemain de la fabrication. On va saler le camembert à J+1, comme on appelle ça.

  • Romain LE GAL

    Uniquement au sel sec ?

  • David Aubrée

    Voilà, ça fait partie aussi du cahier des charges. C'est du salage à sec au sel fin. Un sel qui est même mesuré au micron, puisque le sel doit mesurer entre 200 et 400 microns de diamètre. Donc vous voyez, c'est vraiment un sel très fin. Donc ce camembert est salé le lendemain du moulage, et il va subir un affinage de 14 jours avant d'être emballé. Donc c'est vraiment deux semaines, vous pouvez vous imaginer un fromage qui est tout jaune au début et qui va devenir tout blanc en 13 jours.

  • Romain LE GAL

    Avec finalement ce pénicillium.

  • David Aubrée

    Donc ce pénicillium et ce géotrichome,

  • Romain LE GAL

    c'est toujours les deux touches. Donc si on prend, parce qu'à chaque fois, le penicillium camemberti,

  • David Aubrée

    qu'on peut appeler aussi penicillium glaucum il y a différents alors j'ai perdu le nom mais comme dit mes collègues de l'université de Caen les professeurs qui sont spécialisés dans tout ce qui est moisissure, levure et bactéries en fait les noms changent au fur et à mesure des siècles, de même des dizaines d'années je veux dire parce que moi quand j'ai fait des études c'était euh Penicillium candidum ou Penicillium camemberti. Mais alors maintenant, il y a énormément de noms qui sont en fonction. On a l'impression que c'est les preuves de latin qui sont au plaisir.

  • Romain LE GAL

    Et donc du coup, sur le camembert, Pénicillium camemberti et

  • David Aubrée

    Geotrichum. Alors Geotrichum candidum, c'est ce que j'ai appris à l'école. C'est deux moisissures qui se complètent.

  • Romain LE GAL

    Est-ce que le geotrichome, si tu devais donner une différence entre les deux ?

  • David Aubrée

    Alors le geotrichome, c'est ce que vous allez voir sur les fromages de chèvre qui ondulent. Souvent,

  • Romain LE GAL

    on appelle ça... Une flore plus rase finalement. Voilà,

  • David Aubrée

    et puis c'est une moisissure qui est un peu grasse. Quand on appuie dessus, le fromage glisse. Alors que le penicillium, c'est vraiment la moisissure très blanche qui va venir croûter le fromage.

  • Romain LE GAL

    Et vraiment couvrir. Oui,

  • David Aubrée

    couvrir vraiment de blanc de blanc le camembert.

  • Romain LE GAL

    Et donc du coup... emballé 14 jours après ?

  • David Aubrée

    On emballe le camembert au 14ème jour en général. Il peut être emballé entre le 13ème et le 16ème jour, selon le choix du fromager. Et ensuite, il va subir au minimum une dernière semaine d'affinage avant d'être vendu au consommateur. Dans le cas des charges, on doit vendre le camembert à partir du 22ème jour. On n'a pas le droit de le vendre avant. Il peut expédier quelques jours avant, mais le commercial, le vendeur doit le vendre à partir du 22ème jour. Et en général, on lui donne 4 semaines d'affinage après l'emballage. C'est-à-dire qu'au 22ème jour, on dit que c'est l'affinage numéro 1. Une semaine après, c'est l'affinage numéro 2. Encore une semaine après, numéro 3. Alors du coup, il faut vous imaginer, à chaque affinage, il y a le cœur crayeux qui diminue d'un quart.

  • Romain LE GAL

    D'accord, donc c'est là où on parle quart affiné, demi-affiné... Et jusqu'au 3 quart affiné et affiné. Donc si c'est affiné... 100% de crème, plus de cœur crayeux.

  • David Aubrée

    C'est 100% que tout.

  • Romain LE GAL

    Un quart raffiné, c'est...

  • David Aubrée

    Un léger fil blanc.

  • Romain LE GAL

    Un quart raffiné, c'est trois quarts de crayeux, un quart de crème.

  • David Aubrée

    Oui, c'est ça.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, ça vous permet de la comprendre comment ça s'affine de l'extérieur vers l'intérieur.

  • David Aubrée

    Exactement. En fait, les moisissures... que j'ai cité tout à l'heure, le penicillium et le geotrichome, en fait, ils produisent des enzymes qui vont venir affiner le fromage, tout simplement.

  • Romain LE GAL

    Consommer, finalement. Voilà,

  • David Aubrée

    ça va consommer les protéines du fromage et le crayeux, la craie, le plâtre, va se transformer en onctueux.

  • Romain LE GAL

    On n'a pas forcément parlé, mais au début, quand on a parlé du lait, on peut reconnaître aussi les camemberts à leur terroir. Oui. puisque la zone d'appellation couvre quoi comme départements ?

  • David Aubrée

    Alors la zone d'appellation du Camembert, elle couvre les trois départements bas normands, historiquement, donc la Manche, le Calvados, l'Orne et quelques départements de l'Eure. Pratiquement la même zone d'appellation que le Pont L'Evêque, le Pont L'Evêque est un tout petit peu plus grand, il y a un peu plus de départements de l'Eure voilà donc pour ces deux AOP qui partagent vraiment la même zone géographique. Et en apparté, on a deux autres appellations normandes qui sont autour de Livarot pour Livarot et autour de Neufchâtel pour Neufchâtel.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, le lien, parce que à la fromagerie Réo, vous faites du coup du camembert de Normandie AOP, mais vous faites aussi du beurre et de la crème. C'est quoi le lien dans l'histoire entre ces trois produits ?

  • David Aubrée

    C'est une très bonne question. En fait, quand on fabrique du camembert, on a un lait de race normande qui est trop riche. Puisque notre camembert doit faire à peu près 22% de matière grasse sur le produit fini. Et comme le lait est pratiquement un tiers trop riche en matière grasse, on va toujours enlever de la crème du lait pour fabriquer le camembert. Et avec cette crème, soit on fait du beurre, soit on fait de la crème normande. Et souvent dans les ateliers de fabrication de camembert, on cherche toujours... à produire d'autres produits pour se diversifier. Et chez Réo, on fabrique du fromage blanc depuis les années 2000.

  • Romain LE GAL

    Ce camembert AOP de Normandie, sa filière sur ce tiroir, c'est quoi le volume qui est produit ? Il y a combien d'intervenants ? Comment c'est structuré ?

  • David Aubrée

    Alors, on est dans l'AOP Camembert de Normandie, on est une quinzaine de transformateurs. Il y a des fermiers et des transformateurs avec des entreprises, avec de nombreux salariés comme chez Réo. Il y a une petite dizaine de fermiers, parce que ça change beaucoup. Si l'émission repasse dans deux ans...

  • Romain LE GAL

    C'est vrai qu'on a une évolution de fermiers.

  • David Aubrée

    Moi, quand j'ai démarré chez Graindorge, il y avait un seul fermier, c'était Durand, c'était l'historique. Et au fur et à mesure des années... plusieurs producteurs laitiers qui se sont ont pris le goût d'essayer de faire du camembert de Normandie et c'est vrai que maintenant on arrive à une petite dizaine donc on est très heureux dans la filière le dernier en date c'est David Cahorel en date de l'épisode voilà exactement et donc il y a à peu près au total un peu plus de 400 producteurs de lait qui sont dans le cahier des charges camembert de Normandie

  • Romain LE GAL

    Et il y a combien de volumes ?

  • David Aubrée

    C'est 6 000 tonnes de camembert de Normandie pour 60 000 tonnes de camembert industriel. Donc il y a quand même 10 fois moins de camembert AOP que de camembert autre.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, on lit beaucoup dans la presse des choses autour du camembert ? Oui. Là, il ne faut pas longtemps, David y démarre vite.

  • David Aubrée

    Là, en fait, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, je suis pour la défense de l'appellation d'origine. Et donc c'est vrai qu'au sein du Camembert de Normandie, on se bat depuis quelques années pour protéger ce terme Normandie, que tout le monde veut obtenir, tout le monde veut l'utiliser, surtout pour l'exportation. Parce que quand vous vendez un fromage normand aux Etats-Unis, tout de suite la Normandie c'est le débarquement et leurs aïeuls quand ils sont revenus aux Etats-Unis, qu'est-ce que les produits normands c'était bon. En France, on a le savoir-faire de la nourriture, le savoir-faire du bien manger. Et dans ce savoir-faire, on a vraiment le camembert, la baguette, le béret. C'est trois images de la Normandie qui sont très importantes pour les touristes et pour les consommateurs, ceux qui sont exigeants avec la nourriture. Le camembert de Normandie, c'est lui qui est reconnu pendant la guerre. C'est pendant la guerre. 14-18 et surtout 39-45 où les Américains ont débarqué, c'est ce camembert-là qu'ils ont dégusté. Et maintenant il y a certains industriels, depuis de nombreuses années, qui utilisent le terme Normandie, donc sous la dénomination fabriquée en Normandie, qu'ils ont utilisé pendant des années avec l'autorisation de l'AOP, mais il a fallu qu'on fasse quand même un choix pour que l'usurpation s'arrête. Et ce choix a été proposé il y a plusieurs années en camembert fabriqué en Normandie pour faire une grande AOP et ça ne s'est pas fait. Et comme ça ne s'est pas fait, maintenant on demande que le mot Normandie soit réservé qu'à l'appellation d'origine. Et en fait on a plusieurs transformateurs qui ont arrêté d'utiliser ce terme fabriqué en Normandie. Pour ne pas le nommer, la marque Président, gérée par Lactalis, garde ce terme fabriqué en Normandie sur son camembert. Et donc là, on est un petit peu en attente de décision de justice finale pour qu'il soit dans l'obligation d'enlever ce terme-là.

  • Romain LE GAL

    Et il y a aussi la deuxième bataille sur le lait cru ?

  • David Aubrée

    Oui, cette bataille du lait cru, là, on est fortement aidé par l'INAO, l'Institut National des Appellations d'Origine, qui eux sont vraiment le garde du corps du lait cru. L'INAO veut vraiment garder le lait cru dans tous nos fromages AOP, même s'il y en a une partie qui est pasteurisée.

  • Romain LE GAL

    Mais aujourd'hui en camembert, il y a 100% du lait cru.

  • David Aubrée

    100% du camembert AOP est au lait cru, contrairement aux trois autres AOP qui peuvent être au lait cru, mais aussi au lait pasteurisé. Mais le Camembert de Normandie doit rester au lait cru, donc c'est aussi cette différence qui est importante par rapport au camembert industriel.

  • Romain LE GAL

    Comment tu vois, toi, du coup, l'évolution du lait cru dans les futures années ? Tu vois qu'il y a maintenant quand même un peu de recul sur la filière ?

  • David Aubrée

    On va dire que ce n'est pas facile de répondre, parce qu'on est sous un étau qui est un petit peu le lait cru et les dangers du lait cru, malgré qu'on est en train de mettre en avant la biodiversité des fromages au lait cru, qui est très importante pour notre microbisme. On a tous dans nos intestins un microbiote, c'est un mélange énorme de différentes bactéries qui nous maintient en bonne santé. Et ça, on est en train de prouver via différents chercheurs que tous ces fromages au lait cru nous font du bien à notre corps et maintiennent notre corps en bonne santé. Malgré tout, il arrive quelquefois que ce lait cru peut être contaminé par de listéria, par des salmenelles. ou par des STAAC, mais c'est très très rare par rapport au tonnage qui est fabriqué dans toutes les AOP. Donc c'est pour ça qu'il faut mettre en avant ce savoir-faire, il faut mettre en avant ces produits qui sont sains, grâce à cette multitude microbiologique, parce que dans le camembert, on a parlé de moisissures, mais il y a aussi beaucoup de levures, il y a énormément de différentes bactéries, il y a beaucoup de bactéries lactiques, qui sont des fois utilisées par des industriels, comme le bifidus actif, c'est vraiment quelques souches, mais il y en a très peu, alors que dans un camembert au lait cru...

  • Romain LE GAL

    Bel arnaque marketing.

  • David Aubrée

    Voilà, oui. Mais c'est vrai que ça a été utilisé et ça a très bien marché. Les gens ont compris ça. Par contre, ils ne savent pas forcément que dans tous les fromages lait cru, il y a une biodiversité qui est beaucoup plus grande et large.

  • Romain LE GAL

    Et aujourd'hui, on voit une tendance à la déconsommation des pâtes molles. Comment toi tu vois ça ? Comment nous, filière, on peut accompagner à refaire consommer les pâtes molles ?

  • David Aubrée

    Alors je pense qu'on a une chance, c'est que le consommateur français aime beaucoup les produits locaux, et aussi les produits fermentés, donc il y a des nouvelles générations qui... qui veulent vraiment soutenir nos filières comme ça. Après, la pâte molle, on va dire que des fois, elle va être trop goûtue ou pas assez. C'est un fromage qui change du goût beaucoup plus que toutes les pâtes pressées cuites, comme le Comté, l'Abondance, l'Emmental grand cru, ces pâtes dures, elles ont souvent un goût intéressant et qui reste souvent le même. C'est facile à conserver aussi, même si les fromages prennent un coup de chaud, comme je dis moi. Un camembert qui va passer plusieurs fois entre la table et le frigo, il ne subit pas le même stress qu'une pâte pressée cuite comme le comté.

  • Romain LE GAL

    David, pour terminer, j'aurais une dernière question. C'est quoi ta pizza préférée ?

  • David Aubrée

    Ma pizza préférée ? Moi, je ne suis vraiment pas pizza à la sauce tomate. Je suis un normand.

  • Romain LE GAL

    Donc, de la crème. De la crème.

  • David Aubrée

    De la crème. Et puis, malgré tout, quatre fromages, pourquoi pas. Mais j'aime bien aussi les champignons et un peu de tomate quand même.

  • Romain LE GAL

    Un peu de fantaisie.

  • David Aubrée

    Voilà.

  • Romain LE GAL

    Merci beaucoup, David. Merci de nous avoir accueillis aujourd'hui à la Fromagerie Réo.

  • David Aubrée

    Avec plaisir.

  • Romain LE GAL

    Merci à vous de nous avoir écoutés. J'espère que cet épisode vous a plu. N'hésitez pas à le partager et à nous remonter vos commentaires. Je vous dis à très bientôt pour un nouvel épisode de Lait'change. Au revoir.

Description

Dans ce nouvel épisode, Romain Le Gal, un des meilleurs ouvriers de France fromager, échange avec David Aubrée, directeur de la Fromagerie Réo à Lessay dans la Manche (50).

Fils d’agriculteurs qui possédaient des vaches de race normande à Coutances, David se passionne très rapidement pour les technologies fromagères et étudie à l’ENIL (Écoles Nationales d'Industries Laitières) de Saint-Lô Thère et Poligny. Après des expériences dans différentes structures avec une appétence marquée pour le camembert, il retourne finalement à Lessay et prend la direction de la Fromagerie Réo en 2016.

David Aubrée est également très engagé dans la filière, il est Président de l'Association de Gestion des Organismes de Défense et de Gestion (ODG) Laitiers Normands basée à Caen. Cette association soutient les quatre fromages d’Appellation d’Origine Protégée, le Camembert de Normandie, le Neufchâtel, le Pont L’Evêque et le Livarot. Elle défend les acteurs de ces différents terroirs et recettes en proposant des améliorations en recherche et développement.


Lait’Change, le podcast qui donne la parole aux actrices et acteurs de la filière laitière et fromagère. Romain LE GAL, Meilleur Ouvrier de France Fromager 2023 fait le tour des régions de France pour nous faire découvrir des fromages AOP, des coopératives et rencontrer des passionnées de fromages pour en apprendre plus sur leurs histoires. Ces garants du patrimoine et de leurs métiers font la richesse de notre pays et notre culture. Produit par France Frais, le distributeur, tout proche de vous.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Romain LE GAL

    Bienvenue sur Lait'Change, le podcast qui donne la parole aux actrices et aux acteurs de la filière laitière et fromagère. Je suis Romain LE GAL et ce matin je vous retrouve en Normandie. Pour rentrer dans le sujet, je vous propose une citation de Léon-Paul Fargue qui décrit merveilleusement bien le fromage dont nous allons parler aujourd'hui : "Le camembert, ce fromage qui fleure les pieds du bon Dieu". On va donc parler de camembert, mais plus particulièrement du Camembert de Normandie AOP. Je me trouve au cœur du bocage normand, dans la Manche, à la Fromagerie Réo, pour partager ce moment avec David Aubray. Bonjour David ! Bonjour ! Comment ça va David aujourd'hui ?

  • David Aubrée

    Ça va et toi Romain ?

  • Romain LE GAL

    Très bien, je suis très heureux d'être à la Fromagerie Réo. David, partager un moment avec toi depuis le temps qu'on se connaît maintenant quasiment presque une dizaine d'années, incroyable ! David, est-ce que tu pourrais te présenter en quelques mots ? Oui, oui. Pour ceux qui ne te connaissent pas.

  • David Aubrée

    Avec plaisir. David Aubray, j'ai 50 ans. Je suis fils d'agriculteur. Mes parents élevaient des vaches normandes pas très loin de Lessay, à Coutances, à 20 minutes de Lessay. Et marié, deux enfants qui sont dans le même métier que moi. J'ai réussi à leur céder ma passion fromagère.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, toi, ton parcours, t'as toujours voulu... Tes parents faisaient du fromage ou c'était uniquement des producteurs laitiers ? Enfin, uniquement, je dis uniquement, pas au terme péjoratif, où tu as toujours voulu faire du fromage ?

  • David Aubrée

    Alors, oui, l'histoire est assez simple. Moi, mes parents étaient producteurs de lait et n'ont pas eu des grandes sommes d'argent avec le lait. Le lait a toujours été un métier assez difficile dans la culture. Et donc, mes parents ont... On n'a pas souhaité que je reprenne la ferme comme certains parents agriculteurs qui, de père en fils, la ferme était cédée. Et moi je me suis orienté dans l'agroalimentaire laitier, en faisant mon bac à Saint-Lô Thère à côté de Coutances, donc une école d'industrie laitière. Et j'ai fait mon BTS ensuite dans une autre école d'industrie laitière, à Poligny dans le Jura, où là-bas, j'ai eu un super prof qui s'appelle Bernard Mietton, qui est décédé malheureusement, et qui m'a vraiment cédé la passion du fromage.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, revenir en Normandie, tu as produit d'autres fromages avant de revenir en Normandie ?

  • David Aubrée

    Non, en fait, j'ai fabriqué principalement du Camembert de Normandie depuis le début de ma carrière. J'ai travaillé, juste après mon BTS, juste deux mois à la ferme de Viltin, à Jouy-en-Josas, pour remplacer un fromager qui travaillait à la ferme. Ensuite, j'ai travaillé deux ans dans le Maine-et-Loire. La première entreprise qui m'a proposé un poste où j'ai évolué de la préparation du lait jusqu'à la recherche et développement, mais en camembert industriel, non AOP.

  • Romain LE GAL

    Donc déjà, le mot camembert, mais on verra la différence entre le camembert tout à l'heure et le Camembert de Normandie.

  • David Aubrée

    Tout à fait. Et ensuite, j'ai commencé vraiment ma carrière normande dans l'AOP à la coopérative d'Isigny-Sainte-Mère. Ensuite, j'ai travaillé chez Graindorge pour les quatre fromages normands, donc le camembert de Normandie en premier lieu, le Livarot, le Pont-L'Evèque et le Neufchâtel. Et depuis 2016, j'ai rejoint la coopérative des Maîtres Laitiers du Cotentin pour diriger la fromagerie Réo, qui elle fabrique du Camembert de Normandie, mais aussi du beurre de baratte, du fromage blanc et de la crème normande.

  • Romain LE GAL

    Donc là, tout est fait sur ce site ?

  • David Aubrée

    Tout est fait à Lessay, oui, sur le site. On collecte à peu près une quarantaine de producteurs de lait.

  • Romain LE GAL

    D'accord. Autour de la fromagerie ?

  • David Aubrée

    Oui, on est à 30 km autour de la fromagerie. Donc vraiment, les chauffeurs laitiers n'ont pas beaucoup de kilomètres pour ramener le lait.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, si tu devais donner quelques chiffres sur la fromagerie Réo, pour que les gens s'imaginent, c'est quoi ?

  • David Aubrée

    Rapidement, c'est vrai qu'il y a des personnes qui pensent que Réo est tout petit, d'autres qui pensent que c'est très grand. Oui. Donc c'est une entreprise de 100 salariés, 100 personnes. On collecte à peu près 23 millions de litres de lait, donc ça fait entre 60 et 70 000 litres de lait par jour. Donc on va dire 3 grosses citernes. Et donc on fait un chiffre d'affaires quand même de 25 millions. Donc c'est pas une petite entreprise.

  • Romain LE GAL

    Et la particularité, c'est qu'ici, le camembert, on verra tout à l'heure, il est 100%.

  • David Aubrée

    Mouler à la louche, à la main.

  • Romain LE GAL

    Mais ça, on reviendra sur le Camembert de Normandie AOP tout à l'heure. Et puis à côté de ça, à côté de la fromagerie Réo, tu es aussi impliqué dans la vie de la filière. Tu as aussi des mandats, comme on dit.

  • David Aubrée

    Oui, c'est ça. Donc depuis plusieurs années, je succède à différentes présidences au niveau de l'appellation d'origine protégée. Donc j'ai démarré assez haut puisque j'étais président des... de l'association des 4 fromages AOP de Normandie. Donc en fait à Caen il y a une association qui gère avec les producteurs de lait et les transformateurs, donc les fabricants de fromage, les fromagers, on gère une association qui est le regroupement de 4 associations. En fait dans tous les fromages AOP et toutes les AOP en général, que ce soit des AOP laitières ou... vinicole ou d'autres, il y a toujours à la base une association qui va défendre l'appellation d'origine, défendre nos terroirs, défendre les recettes, aussi faire attention qu'il n'y ait pas de copies. Et on va aussi, selon les associations, essayer de faire de la recherche. Trouver des choses pour améliorer le quotidien et la renommée du produit.

  • Romain LE GAL

    Donc du coup, tu as eu la présidence des 4 AOP. Et maintenant, tu as relâché...

  • David Aubrée

    Voilà, j'ai relâché les 3 autres AOP pour m'occuper de l'AOP Camembert de Normandie.

  • Romain LE GAL

    Ça tombe bien, c'est du fromage sur lequel on va échanger aujourd'hui. Donc, merci monsieur le président du coup.

  • David Aubrée

    De rien.

  • Romain LE GAL

    Si tu devais finalement nous parler de l'histoire, parce que c'est un peu une folle histoire cette histoire du camembert, elle ne remonte pas à aujourd'hui ni à hier, comment tu pourrais nous expliquer cette histoire ?

  • David Aubrée

    Alors l'histoire, il y en a toujours des histoires un peu farfelues dans les fromages.

  • Romain LE GAL

    Un peu contes et légendes parfois.

  • David Aubrée

    Et donc là l'histoire du camembert de Normandie, il a été probablement, certainement créé par Marie Harel. qui était sur la commune de Camembert et qui a recueilli un curé réfractaire pendant la Révolution française. Et donc ce curé venait de la zone du Brie de Meaux-Brie de Melun, et dans les moules à Livarot, lui a appris à faire, on va dire, une pâte molle à croûte fleurie à l'époque, qui était beaucoup plus colorée que notre Camembert blanc actuel.

  • Romain LE GAL

    Ça ressemblait que quand tu dis colorée, donc là on est dans les années

  • David Aubrée

    1791. C'est ça. Pour être précis.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, si tu dis coloré, c'était quoi coloré ?

  • David Aubrée

    Je pense que le camembert ressemblait plus à un livarot qu'à un camembert.

  • Romain LE GAL

    Tu le voyais plus orangé ? Très orangé. J'étais tombé sur une nature morte, enfin pas une nature morte, mais une vieille peinture, où ils le mettaient, ça faisait gris, orangé, bleuté. Et donc après ?

  • David Aubrée

    Après, ce camembert-là, il a vécu tranquillement sa petite vie. Mais il a eu de la chance d'avoir connu un ingénieur qui a créé sa boîte, M. Riedel. Et cette boîte en peuplier, elle a pu transporter cette pâte molle, parce qu'un camembert, imaginez, avant qu'il y ait les frigos et les camions frigos dans nos campagnes. Le camembert subissait les températures extérieures. Et donc, il faut vous imaginer que le camembert s'affinait très vite et coulait très vite. Donc cette boîte en bois a pu permettre au fromage le transport jusqu'à Paris en carriole, par exemple.

  • Romain LE GAL

    Et puis après, il y a eu un tournant pour le camembert, un peu grâce à une autre région.

  • David Aubrée

    C'est-à-dire ?

  • Romain LE GAL

    Dans la région de Meaux, on a réussi à isoler le pénicillium dans les années 1900. Ça, ça a été un... un tournant pour le camembert ?

  • David Aubrée

    Pour toutes les pâtes molles à croûtes fleuries, tout à fait. Le fait de pouvoir ensemencer le pénicillium sur le fromage, les fromages, forcément, ont été beaucoup mieux maîtrisés au niveau aspect croûte.

  • Romain LE GAL

    Et après, début 1900, on continuait de consommer beaucoup de camembert ?

  • David Aubrée

    Alors, oui, il était consommé, il a été, on va dire, mis en avant par plusieurs rois, par plusieurs gouverneurs.

  • Romain LE GAL

    aussi pendant la guerre. Il me semble qu'il était...

  • David Aubrée

    Ce que j'allais y venir, c'est que pendant les deux guerres mondiales, comme il était assez transportable dans les boîtes en bois, il était distribué à nos soldats via leur ration.

  • Romain LE GAL

    On voit même des vieilles étiquettes de camembert avec des poilus dessus.

  • David Aubrée

    Ah oui, tout à fait. Il faut regarder un petit peu sur Internet ou au musée du camembert à Vimoutiers. Il y a vraiment de nombreuses étiquettes qui... qui font, on va dire, un petit clin d'œil à la guerre. C'est des étiquettes qui étaient faites pour la guerre, et qui étaient un peu plus pour remonter le moral des soldats. Parce que c'était assez joyeux, alors que les soldats n'étaient pas dans la joie.

  • Romain LE GAL

    Et puis, après, on a voulu protéger le camembert.

  • David Aubrée

    Oui. Il y a eu différentes étapes, je vais peut-être la brûler, mais le camembert a été reconnu en 1983 sous l'AOC, l'appellation d'origine contrôlée, qui s'est durcie ou qui a été repris en main par l'Europe, où il est devenu AOP, donc là c'était en 1996. Oui, en 1996, c'est ça. On va dire qu'avant ces années-là, le camembert s'est fait connaître grâce à la pasteurisation, puisque à l'heure d'aujourd'hui, on fabrique dix fois plus de camemberts non AOP, qu'on appelle le camembert industriel. A peu près 60 000 tonnes de camembert pasteurisé fabriqué en France, alors qu'il n'y a que 6 000 tonnes de camembert AOP, donc camembert de Normandie au lait cru, qui est fabriqué en France.

  • Romain LE GAL

    Donc la pasteurisation, c'est venu dans quelles années ?

  • David Aubrée

    C'est l'après-guerre, où la pasteurisation a démarré, et vraiment dans les années entre 1960 et 1975, où la pasteurisation est devenue quelque chose... de très standardisés dans de nombreuses entreprises, et qui ont permis à la France de vendre beaucoup de produits pasteurisés, en France, mais surtout à l'export.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, maintenant, si on revient sur le camembert de Normandie AOP, comment tu pourrais le décrire ? Déjà, à quoi il ressemble ? Oui,

  • David Aubrée

    alors... Contrairement au camembert industriel, le camembert AOP va être un petit peu ondulé. On dit qu'il a une légère peau de crapaud. Donc ça c'est le fait qu'il soit moulé à la louche à la main. Il est beaucoup moins cylindrique qu'un camembert normal. Et donc comme il est moulé à la louche, on va avoir aussi pour les spécialistes qui ont coupé le camembert, on va deviner les louches lorsqu'il est assez jeune. Ce camembert, il a une technique quand même assez particulière, puisque le moulage est très particulier. On va mouler à la louche un cahier qui est très mou. Il faut s'imaginer un fromage blanc humide. Et on va piocher la louche dedans, et superposer ces cinq louches au fur et à mesure. pendant une matinée entière. On va mettre une matinée entière à mouler le camembert. Et le fait de mouler de cette manière, on a un fromage qui est très lactique. Donc il est beaucoup moins... Il est plus acide au début, quand il est jeune. Et il va s'affiner et donner beaucoup plus de goût à un camembert industriel sur lequel on recherche moins de goût aussi. L'industriel, lui, il veut que le camembert pasteurisé plaise à tout le monde, donc il va être un petit peu consensuel, léger goût de crème, léger goût de beurre, que nos camemberts AOP vont plus se rapprocher de l'animal, on va avoir quelque chose avec un caractère beaucoup plus fort. Comme d'autres fromages AOP, c'est comme si on comparait aussi un Comté et un Emmental.

  • Romain LE GAL

    Donc du coup, là tu disais, mais le camembert, il n'est pas forcément moulé à la main ?

  • David Aubrée

    Alors non, après,

  • Romain LE GAL

    il est moulé à la louche.

  • David Aubrée

    Il est moulé à la louche. avec des robots chez des confrères ou des concurrents, ça dépend comment on voit les choses. Et donc ce moulage robotisé va reproduire le geste de l'Homme, mais forcément avec un petit peu moins de rêve, un peu moins de personnel, parce que pour moi l'appellation d'origine protégée, elle conserve la tradition et elle doit aussi, si c'est pas trop difficile, conserver l'emploi. Si on a décidé de protéger un produit, c'est pour qu'il reste local et qu'on conserve les emplois aussi et la tradition.

  • Romain LE GAL

    Donc là, tu as déjà commencé à rentrer dans la fabrication, mais si on revient un petit peu en avant, le camembert de Normandie AOP sera forcément lait cru ? Oui,

  • David Aubrée

    on a un cahier des charges qui est très complexe, qui démarre à la production laitière, c'est-à-dire que nos producteurs de lait ont principalement des races normandes dans leur troupeau. En

  • Romain LE GAL

    Europe, c'est minimum...

  • David Aubrée

    C'est minimum 50% de races normandes. Et chez Réo, on va être à 100% d'ici deux ans. On est à 90% déjà, maintenant. Et ces producteurs de lait qui aiment la race normande sont obligés de faire pâturer leur vache dans les champs pendant 6 mois. Mais ça c'est le minimum. Ça c'est le minimum. Nous, dans la Manche, on a énormément de chances d'être auprès de la mer. Donc on a un climat qui est humide, mais qui est tempéré. C'est-à-dire que...

  • Romain LE GAL

    10 degrés toute l'année.

  • David Aubrée

    Oh non... Tu exagères, même s'il y a le réchauffement de la planète, il fait presque 20 degrés chez nous. Donc non, non, mais c'est vrai que le fait d'être à 5 km de la mer, la neige reste très peu de temps, c'est quelques heures depuis quelques années. Et le gel est là aussi rarement. Par contre l'été c'est pareil, il ne fait pas très très chaud non. on n'est pas envahis de touristes. Donc les vaches peuvent brouter de l'herbe comme cette année en 2024. On a commencé à les mettre dans les champs au mois de mars et vont finir en mois de novembre parce que là on a de l'eau depuis tous les mois. On peut subir quelquefois une petite sécheresse. qui n'a rien à voir avec le sud de la France. Mais on a vraiment un climat tempéré qui est fait pour les vaches normandes, les vaches laitières.

  • Romain LE GAL

    Donc vraiment une zone qui est faite pour la production du lait de toute façon. Voilà,

  • David Aubrée

    on a régulièrement... Il fait toujours beau entre deux ailleurs chez nous. Donc on a régulièrement de l'eau qui fait pousser de l'herbe bien grasse. On a la chance d'avoir cette race de vaches qui non seulement produit beaucoup de lait, mais qui est aussi viandarde.

  • Romain LE GAL

    Une race mixte.

  • David Aubrée

    Une race mixte qui... qui peut très bien nous fournir du bon lait pendant quelques années et finir en côte de bœuf sur le barbecue.

  • Romain LE GAL

    Sans aucun souci.

  • David Aubrée

    Voilà.

  • Romain LE GAL

    Après, du coup, là, on a parlé du moulage du camembert. Une fois que ce camembert, il est moulé.

  • David Aubrée

    Oui, le fromage va subir un affinage très court. C'est une pâte molle. Donc, on est sur quelques semaines d'affinage au total. Ce n'est pas un comté qui va avoir 18-24 mois. Le camembert est salé le lendemain de la fabrication. On va saler le camembert à J+1, comme on appelle ça.

  • Romain LE GAL

    Uniquement au sel sec ?

  • David Aubrée

    Voilà, ça fait partie aussi du cahier des charges. C'est du salage à sec au sel fin. Un sel qui est même mesuré au micron, puisque le sel doit mesurer entre 200 et 400 microns de diamètre. Donc vous voyez, c'est vraiment un sel très fin. Donc ce camembert est salé le lendemain du moulage, et il va subir un affinage de 14 jours avant d'être emballé. Donc c'est vraiment deux semaines, vous pouvez vous imaginer un fromage qui est tout jaune au début et qui va devenir tout blanc en 13 jours.

  • Romain LE GAL

    Avec finalement ce pénicillium.

  • David Aubrée

    Donc ce pénicillium et ce géotrichome,

  • Romain LE GAL

    c'est toujours les deux touches. Donc si on prend, parce qu'à chaque fois, le penicillium camemberti,

  • David Aubrée

    qu'on peut appeler aussi penicillium glaucum il y a différents alors j'ai perdu le nom mais comme dit mes collègues de l'université de Caen les professeurs qui sont spécialisés dans tout ce qui est moisissure, levure et bactéries en fait les noms changent au fur et à mesure des siècles, de même des dizaines d'années je veux dire parce que moi quand j'ai fait des études c'était euh Penicillium candidum ou Penicillium camemberti. Mais alors maintenant, il y a énormément de noms qui sont en fonction. On a l'impression que c'est les preuves de latin qui sont au plaisir.

  • Romain LE GAL

    Et donc du coup, sur le camembert, Pénicillium camemberti et

  • David Aubrée

    Geotrichum. Alors Geotrichum candidum, c'est ce que j'ai appris à l'école. C'est deux moisissures qui se complètent.

  • Romain LE GAL

    Est-ce que le geotrichome, si tu devais donner une différence entre les deux ?

  • David Aubrée

    Alors le geotrichome, c'est ce que vous allez voir sur les fromages de chèvre qui ondulent. Souvent,

  • Romain LE GAL

    on appelle ça... Une flore plus rase finalement. Voilà,

  • David Aubrée

    et puis c'est une moisissure qui est un peu grasse. Quand on appuie dessus, le fromage glisse. Alors que le penicillium, c'est vraiment la moisissure très blanche qui va venir croûter le fromage.

  • Romain LE GAL

    Et vraiment couvrir. Oui,

  • David Aubrée

    couvrir vraiment de blanc de blanc le camembert.

  • Romain LE GAL

    Et donc du coup... emballé 14 jours après ?

  • David Aubrée

    On emballe le camembert au 14ème jour en général. Il peut être emballé entre le 13ème et le 16ème jour, selon le choix du fromager. Et ensuite, il va subir au minimum une dernière semaine d'affinage avant d'être vendu au consommateur. Dans le cas des charges, on doit vendre le camembert à partir du 22ème jour. On n'a pas le droit de le vendre avant. Il peut expédier quelques jours avant, mais le commercial, le vendeur doit le vendre à partir du 22ème jour. Et en général, on lui donne 4 semaines d'affinage après l'emballage. C'est-à-dire qu'au 22ème jour, on dit que c'est l'affinage numéro 1. Une semaine après, c'est l'affinage numéro 2. Encore une semaine après, numéro 3. Alors du coup, il faut vous imaginer, à chaque affinage, il y a le cœur crayeux qui diminue d'un quart.

  • Romain LE GAL

    D'accord, donc c'est là où on parle quart affiné, demi-affiné... Et jusqu'au 3 quart affiné et affiné. Donc si c'est affiné... 100% de crème, plus de cœur crayeux.

  • David Aubrée

    C'est 100% que tout.

  • Romain LE GAL

    Un quart raffiné, c'est...

  • David Aubrée

    Un léger fil blanc.

  • Romain LE GAL

    Un quart raffiné, c'est trois quarts de crayeux, un quart de crème.

  • David Aubrée

    Oui, c'est ça.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, ça vous permet de la comprendre comment ça s'affine de l'extérieur vers l'intérieur.

  • David Aubrée

    Exactement. En fait, les moisissures... que j'ai cité tout à l'heure, le penicillium et le geotrichome, en fait, ils produisent des enzymes qui vont venir affiner le fromage, tout simplement.

  • Romain LE GAL

    Consommer, finalement. Voilà,

  • David Aubrée

    ça va consommer les protéines du fromage et le crayeux, la craie, le plâtre, va se transformer en onctueux.

  • Romain LE GAL

    On n'a pas forcément parlé, mais au début, quand on a parlé du lait, on peut reconnaître aussi les camemberts à leur terroir. Oui. puisque la zone d'appellation couvre quoi comme départements ?

  • David Aubrée

    Alors la zone d'appellation du Camembert, elle couvre les trois départements bas normands, historiquement, donc la Manche, le Calvados, l'Orne et quelques départements de l'Eure. Pratiquement la même zone d'appellation que le Pont L'Evêque, le Pont L'Evêque est un tout petit peu plus grand, il y a un peu plus de départements de l'Eure voilà donc pour ces deux AOP qui partagent vraiment la même zone géographique. Et en apparté, on a deux autres appellations normandes qui sont autour de Livarot pour Livarot et autour de Neufchâtel pour Neufchâtel.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, le lien, parce que à la fromagerie Réo, vous faites du coup du camembert de Normandie AOP, mais vous faites aussi du beurre et de la crème. C'est quoi le lien dans l'histoire entre ces trois produits ?

  • David Aubrée

    C'est une très bonne question. En fait, quand on fabrique du camembert, on a un lait de race normande qui est trop riche. Puisque notre camembert doit faire à peu près 22% de matière grasse sur le produit fini. Et comme le lait est pratiquement un tiers trop riche en matière grasse, on va toujours enlever de la crème du lait pour fabriquer le camembert. Et avec cette crème, soit on fait du beurre, soit on fait de la crème normande. Et souvent dans les ateliers de fabrication de camembert, on cherche toujours... à produire d'autres produits pour se diversifier. Et chez Réo, on fabrique du fromage blanc depuis les années 2000.

  • Romain LE GAL

    Ce camembert AOP de Normandie, sa filière sur ce tiroir, c'est quoi le volume qui est produit ? Il y a combien d'intervenants ? Comment c'est structuré ?

  • David Aubrée

    Alors, on est dans l'AOP Camembert de Normandie, on est une quinzaine de transformateurs. Il y a des fermiers et des transformateurs avec des entreprises, avec de nombreux salariés comme chez Réo. Il y a une petite dizaine de fermiers, parce que ça change beaucoup. Si l'émission repasse dans deux ans...

  • Romain LE GAL

    C'est vrai qu'on a une évolution de fermiers.

  • David Aubrée

    Moi, quand j'ai démarré chez Graindorge, il y avait un seul fermier, c'était Durand, c'était l'historique. Et au fur et à mesure des années... plusieurs producteurs laitiers qui se sont ont pris le goût d'essayer de faire du camembert de Normandie et c'est vrai que maintenant on arrive à une petite dizaine donc on est très heureux dans la filière le dernier en date c'est David Cahorel en date de l'épisode voilà exactement et donc il y a à peu près au total un peu plus de 400 producteurs de lait qui sont dans le cahier des charges camembert de Normandie

  • Romain LE GAL

    Et il y a combien de volumes ?

  • David Aubrée

    C'est 6 000 tonnes de camembert de Normandie pour 60 000 tonnes de camembert industriel. Donc il y a quand même 10 fois moins de camembert AOP que de camembert autre.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, on lit beaucoup dans la presse des choses autour du camembert ? Oui. Là, il ne faut pas longtemps, David y démarre vite.

  • David Aubrée

    Là, en fait, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, je suis pour la défense de l'appellation d'origine. Et donc c'est vrai qu'au sein du Camembert de Normandie, on se bat depuis quelques années pour protéger ce terme Normandie, que tout le monde veut obtenir, tout le monde veut l'utiliser, surtout pour l'exportation. Parce que quand vous vendez un fromage normand aux Etats-Unis, tout de suite la Normandie c'est le débarquement et leurs aïeuls quand ils sont revenus aux Etats-Unis, qu'est-ce que les produits normands c'était bon. En France, on a le savoir-faire de la nourriture, le savoir-faire du bien manger. Et dans ce savoir-faire, on a vraiment le camembert, la baguette, le béret. C'est trois images de la Normandie qui sont très importantes pour les touristes et pour les consommateurs, ceux qui sont exigeants avec la nourriture. Le camembert de Normandie, c'est lui qui est reconnu pendant la guerre. C'est pendant la guerre. 14-18 et surtout 39-45 où les Américains ont débarqué, c'est ce camembert-là qu'ils ont dégusté. Et maintenant il y a certains industriels, depuis de nombreuses années, qui utilisent le terme Normandie, donc sous la dénomination fabriquée en Normandie, qu'ils ont utilisé pendant des années avec l'autorisation de l'AOP, mais il a fallu qu'on fasse quand même un choix pour que l'usurpation s'arrête. Et ce choix a été proposé il y a plusieurs années en camembert fabriqué en Normandie pour faire une grande AOP et ça ne s'est pas fait. Et comme ça ne s'est pas fait, maintenant on demande que le mot Normandie soit réservé qu'à l'appellation d'origine. Et en fait on a plusieurs transformateurs qui ont arrêté d'utiliser ce terme fabriqué en Normandie. Pour ne pas le nommer, la marque Président, gérée par Lactalis, garde ce terme fabriqué en Normandie sur son camembert. Et donc là, on est un petit peu en attente de décision de justice finale pour qu'il soit dans l'obligation d'enlever ce terme-là.

  • Romain LE GAL

    Et il y a aussi la deuxième bataille sur le lait cru ?

  • David Aubrée

    Oui, cette bataille du lait cru, là, on est fortement aidé par l'INAO, l'Institut National des Appellations d'Origine, qui eux sont vraiment le garde du corps du lait cru. L'INAO veut vraiment garder le lait cru dans tous nos fromages AOP, même s'il y en a une partie qui est pasteurisée.

  • Romain LE GAL

    Mais aujourd'hui en camembert, il y a 100% du lait cru.

  • David Aubrée

    100% du camembert AOP est au lait cru, contrairement aux trois autres AOP qui peuvent être au lait cru, mais aussi au lait pasteurisé. Mais le Camembert de Normandie doit rester au lait cru, donc c'est aussi cette différence qui est importante par rapport au camembert industriel.

  • Romain LE GAL

    Comment tu vois, toi, du coup, l'évolution du lait cru dans les futures années ? Tu vois qu'il y a maintenant quand même un peu de recul sur la filière ?

  • David Aubrée

    On va dire que ce n'est pas facile de répondre, parce qu'on est sous un étau qui est un petit peu le lait cru et les dangers du lait cru, malgré qu'on est en train de mettre en avant la biodiversité des fromages au lait cru, qui est très importante pour notre microbisme. On a tous dans nos intestins un microbiote, c'est un mélange énorme de différentes bactéries qui nous maintient en bonne santé. Et ça, on est en train de prouver via différents chercheurs que tous ces fromages au lait cru nous font du bien à notre corps et maintiennent notre corps en bonne santé. Malgré tout, il arrive quelquefois que ce lait cru peut être contaminé par de listéria, par des salmenelles. ou par des STAAC, mais c'est très très rare par rapport au tonnage qui est fabriqué dans toutes les AOP. Donc c'est pour ça qu'il faut mettre en avant ce savoir-faire, il faut mettre en avant ces produits qui sont sains, grâce à cette multitude microbiologique, parce que dans le camembert, on a parlé de moisissures, mais il y a aussi beaucoup de levures, il y a énormément de différentes bactéries, il y a beaucoup de bactéries lactiques, qui sont des fois utilisées par des industriels, comme le bifidus actif, c'est vraiment quelques souches, mais il y en a très peu, alors que dans un camembert au lait cru...

  • Romain LE GAL

    Bel arnaque marketing.

  • David Aubrée

    Voilà, oui. Mais c'est vrai que ça a été utilisé et ça a très bien marché. Les gens ont compris ça. Par contre, ils ne savent pas forcément que dans tous les fromages lait cru, il y a une biodiversité qui est beaucoup plus grande et large.

  • Romain LE GAL

    Et aujourd'hui, on voit une tendance à la déconsommation des pâtes molles. Comment toi tu vois ça ? Comment nous, filière, on peut accompagner à refaire consommer les pâtes molles ?

  • David Aubrée

    Alors je pense qu'on a une chance, c'est que le consommateur français aime beaucoup les produits locaux, et aussi les produits fermentés, donc il y a des nouvelles générations qui... qui veulent vraiment soutenir nos filières comme ça. Après, la pâte molle, on va dire que des fois, elle va être trop goûtue ou pas assez. C'est un fromage qui change du goût beaucoup plus que toutes les pâtes pressées cuites, comme le Comté, l'Abondance, l'Emmental grand cru, ces pâtes dures, elles ont souvent un goût intéressant et qui reste souvent le même. C'est facile à conserver aussi, même si les fromages prennent un coup de chaud, comme je dis moi. Un camembert qui va passer plusieurs fois entre la table et le frigo, il ne subit pas le même stress qu'une pâte pressée cuite comme le comté.

  • Romain LE GAL

    David, pour terminer, j'aurais une dernière question. C'est quoi ta pizza préférée ?

  • David Aubrée

    Ma pizza préférée ? Moi, je ne suis vraiment pas pizza à la sauce tomate. Je suis un normand.

  • Romain LE GAL

    Donc, de la crème. De la crème.

  • David Aubrée

    De la crème. Et puis, malgré tout, quatre fromages, pourquoi pas. Mais j'aime bien aussi les champignons et un peu de tomate quand même.

  • Romain LE GAL

    Un peu de fantaisie.

  • David Aubrée

    Voilà.

  • Romain LE GAL

    Merci beaucoup, David. Merci de nous avoir accueillis aujourd'hui à la Fromagerie Réo.

  • David Aubrée

    Avec plaisir.

  • Romain LE GAL

    Merci à vous de nous avoir écoutés. J'espère que cet épisode vous a plu. N'hésitez pas à le partager et à nous remonter vos commentaires. Je vous dis à très bientôt pour un nouvel épisode de Lait'change. Au revoir.

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Description

Dans ce nouvel épisode, Romain Le Gal, un des meilleurs ouvriers de France fromager, échange avec David Aubrée, directeur de la Fromagerie Réo à Lessay dans la Manche (50).

Fils d’agriculteurs qui possédaient des vaches de race normande à Coutances, David se passionne très rapidement pour les technologies fromagères et étudie à l’ENIL (Écoles Nationales d'Industries Laitières) de Saint-Lô Thère et Poligny. Après des expériences dans différentes structures avec une appétence marquée pour le camembert, il retourne finalement à Lessay et prend la direction de la Fromagerie Réo en 2016.

David Aubrée est également très engagé dans la filière, il est Président de l'Association de Gestion des Organismes de Défense et de Gestion (ODG) Laitiers Normands basée à Caen. Cette association soutient les quatre fromages d’Appellation d’Origine Protégée, le Camembert de Normandie, le Neufchâtel, le Pont L’Evêque et le Livarot. Elle défend les acteurs de ces différents terroirs et recettes en proposant des améliorations en recherche et développement.


Lait’Change, le podcast qui donne la parole aux actrices et acteurs de la filière laitière et fromagère. Romain LE GAL, Meilleur Ouvrier de France Fromager 2023 fait le tour des régions de France pour nous faire découvrir des fromages AOP, des coopératives et rencontrer des passionnées de fromages pour en apprendre plus sur leurs histoires. Ces garants du patrimoine et de leurs métiers font la richesse de notre pays et notre culture. Produit par France Frais, le distributeur, tout proche de vous.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Romain LE GAL

    Bienvenue sur Lait'Change, le podcast qui donne la parole aux actrices et aux acteurs de la filière laitière et fromagère. Je suis Romain LE GAL et ce matin je vous retrouve en Normandie. Pour rentrer dans le sujet, je vous propose une citation de Léon-Paul Fargue qui décrit merveilleusement bien le fromage dont nous allons parler aujourd'hui : "Le camembert, ce fromage qui fleure les pieds du bon Dieu". On va donc parler de camembert, mais plus particulièrement du Camembert de Normandie AOP. Je me trouve au cœur du bocage normand, dans la Manche, à la Fromagerie Réo, pour partager ce moment avec David Aubray. Bonjour David ! Bonjour ! Comment ça va David aujourd'hui ?

  • David Aubrée

    Ça va et toi Romain ?

  • Romain LE GAL

    Très bien, je suis très heureux d'être à la Fromagerie Réo. David, partager un moment avec toi depuis le temps qu'on se connaît maintenant quasiment presque une dizaine d'années, incroyable ! David, est-ce que tu pourrais te présenter en quelques mots ? Oui, oui. Pour ceux qui ne te connaissent pas.

  • David Aubrée

    Avec plaisir. David Aubray, j'ai 50 ans. Je suis fils d'agriculteur. Mes parents élevaient des vaches normandes pas très loin de Lessay, à Coutances, à 20 minutes de Lessay. Et marié, deux enfants qui sont dans le même métier que moi. J'ai réussi à leur céder ma passion fromagère.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, toi, ton parcours, t'as toujours voulu... Tes parents faisaient du fromage ou c'était uniquement des producteurs laitiers ? Enfin, uniquement, je dis uniquement, pas au terme péjoratif, où tu as toujours voulu faire du fromage ?

  • David Aubrée

    Alors, oui, l'histoire est assez simple. Moi, mes parents étaient producteurs de lait et n'ont pas eu des grandes sommes d'argent avec le lait. Le lait a toujours été un métier assez difficile dans la culture. Et donc, mes parents ont... On n'a pas souhaité que je reprenne la ferme comme certains parents agriculteurs qui, de père en fils, la ferme était cédée. Et moi je me suis orienté dans l'agroalimentaire laitier, en faisant mon bac à Saint-Lô Thère à côté de Coutances, donc une école d'industrie laitière. Et j'ai fait mon BTS ensuite dans une autre école d'industrie laitière, à Poligny dans le Jura, où là-bas, j'ai eu un super prof qui s'appelle Bernard Mietton, qui est décédé malheureusement, et qui m'a vraiment cédé la passion du fromage.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, revenir en Normandie, tu as produit d'autres fromages avant de revenir en Normandie ?

  • David Aubrée

    Non, en fait, j'ai fabriqué principalement du Camembert de Normandie depuis le début de ma carrière. J'ai travaillé, juste après mon BTS, juste deux mois à la ferme de Viltin, à Jouy-en-Josas, pour remplacer un fromager qui travaillait à la ferme. Ensuite, j'ai travaillé deux ans dans le Maine-et-Loire. La première entreprise qui m'a proposé un poste où j'ai évolué de la préparation du lait jusqu'à la recherche et développement, mais en camembert industriel, non AOP.

  • Romain LE GAL

    Donc déjà, le mot camembert, mais on verra la différence entre le camembert tout à l'heure et le Camembert de Normandie.

  • David Aubrée

    Tout à fait. Et ensuite, j'ai commencé vraiment ma carrière normande dans l'AOP à la coopérative d'Isigny-Sainte-Mère. Ensuite, j'ai travaillé chez Graindorge pour les quatre fromages normands, donc le camembert de Normandie en premier lieu, le Livarot, le Pont-L'Evèque et le Neufchâtel. Et depuis 2016, j'ai rejoint la coopérative des Maîtres Laitiers du Cotentin pour diriger la fromagerie Réo, qui elle fabrique du Camembert de Normandie, mais aussi du beurre de baratte, du fromage blanc et de la crème normande.

  • Romain LE GAL

    Donc là, tout est fait sur ce site ?

  • David Aubrée

    Tout est fait à Lessay, oui, sur le site. On collecte à peu près une quarantaine de producteurs de lait.

  • Romain LE GAL

    D'accord. Autour de la fromagerie ?

  • David Aubrée

    Oui, on est à 30 km autour de la fromagerie. Donc vraiment, les chauffeurs laitiers n'ont pas beaucoup de kilomètres pour ramener le lait.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, si tu devais donner quelques chiffres sur la fromagerie Réo, pour que les gens s'imaginent, c'est quoi ?

  • David Aubrée

    Rapidement, c'est vrai qu'il y a des personnes qui pensent que Réo est tout petit, d'autres qui pensent que c'est très grand. Oui. Donc c'est une entreprise de 100 salariés, 100 personnes. On collecte à peu près 23 millions de litres de lait, donc ça fait entre 60 et 70 000 litres de lait par jour. Donc on va dire 3 grosses citernes. Et donc on fait un chiffre d'affaires quand même de 25 millions. Donc c'est pas une petite entreprise.

  • Romain LE GAL

    Et la particularité, c'est qu'ici, le camembert, on verra tout à l'heure, il est 100%.

  • David Aubrée

    Mouler à la louche, à la main.

  • Romain LE GAL

    Mais ça, on reviendra sur le Camembert de Normandie AOP tout à l'heure. Et puis à côté de ça, à côté de la fromagerie Réo, tu es aussi impliqué dans la vie de la filière. Tu as aussi des mandats, comme on dit.

  • David Aubrée

    Oui, c'est ça. Donc depuis plusieurs années, je succède à différentes présidences au niveau de l'appellation d'origine protégée. Donc j'ai démarré assez haut puisque j'étais président des... de l'association des 4 fromages AOP de Normandie. Donc en fait à Caen il y a une association qui gère avec les producteurs de lait et les transformateurs, donc les fabricants de fromage, les fromagers, on gère une association qui est le regroupement de 4 associations. En fait dans tous les fromages AOP et toutes les AOP en général, que ce soit des AOP laitières ou... vinicole ou d'autres, il y a toujours à la base une association qui va défendre l'appellation d'origine, défendre nos terroirs, défendre les recettes, aussi faire attention qu'il n'y ait pas de copies. Et on va aussi, selon les associations, essayer de faire de la recherche. Trouver des choses pour améliorer le quotidien et la renommée du produit.

  • Romain LE GAL

    Donc du coup, tu as eu la présidence des 4 AOP. Et maintenant, tu as relâché...

  • David Aubrée

    Voilà, j'ai relâché les 3 autres AOP pour m'occuper de l'AOP Camembert de Normandie.

  • Romain LE GAL

    Ça tombe bien, c'est du fromage sur lequel on va échanger aujourd'hui. Donc, merci monsieur le président du coup.

  • David Aubrée

    De rien.

  • Romain LE GAL

    Si tu devais finalement nous parler de l'histoire, parce que c'est un peu une folle histoire cette histoire du camembert, elle ne remonte pas à aujourd'hui ni à hier, comment tu pourrais nous expliquer cette histoire ?

  • David Aubrée

    Alors l'histoire, il y en a toujours des histoires un peu farfelues dans les fromages.

  • Romain LE GAL

    Un peu contes et légendes parfois.

  • David Aubrée

    Et donc là l'histoire du camembert de Normandie, il a été probablement, certainement créé par Marie Harel. qui était sur la commune de Camembert et qui a recueilli un curé réfractaire pendant la Révolution française. Et donc ce curé venait de la zone du Brie de Meaux-Brie de Melun, et dans les moules à Livarot, lui a appris à faire, on va dire, une pâte molle à croûte fleurie à l'époque, qui était beaucoup plus colorée que notre Camembert blanc actuel.

  • Romain LE GAL

    Ça ressemblait que quand tu dis colorée, donc là on est dans les années

  • David Aubrée

    1791. C'est ça. Pour être précis.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, si tu dis coloré, c'était quoi coloré ?

  • David Aubrée

    Je pense que le camembert ressemblait plus à un livarot qu'à un camembert.

  • Romain LE GAL

    Tu le voyais plus orangé ? Très orangé. J'étais tombé sur une nature morte, enfin pas une nature morte, mais une vieille peinture, où ils le mettaient, ça faisait gris, orangé, bleuté. Et donc après ?

  • David Aubrée

    Après, ce camembert-là, il a vécu tranquillement sa petite vie. Mais il a eu de la chance d'avoir connu un ingénieur qui a créé sa boîte, M. Riedel. Et cette boîte en peuplier, elle a pu transporter cette pâte molle, parce qu'un camembert, imaginez, avant qu'il y ait les frigos et les camions frigos dans nos campagnes. Le camembert subissait les températures extérieures. Et donc, il faut vous imaginer que le camembert s'affinait très vite et coulait très vite. Donc cette boîte en bois a pu permettre au fromage le transport jusqu'à Paris en carriole, par exemple.

  • Romain LE GAL

    Et puis après, il y a eu un tournant pour le camembert, un peu grâce à une autre région.

  • David Aubrée

    C'est-à-dire ?

  • Romain LE GAL

    Dans la région de Meaux, on a réussi à isoler le pénicillium dans les années 1900. Ça, ça a été un... un tournant pour le camembert ?

  • David Aubrée

    Pour toutes les pâtes molles à croûtes fleuries, tout à fait. Le fait de pouvoir ensemencer le pénicillium sur le fromage, les fromages, forcément, ont été beaucoup mieux maîtrisés au niveau aspect croûte.

  • Romain LE GAL

    Et après, début 1900, on continuait de consommer beaucoup de camembert ?

  • David Aubrée

    Alors, oui, il était consommé, il a été, on va dire, mis en avant par plusieurs rois, par plusieurs gouverneurs.

  • Romain LE GAL

    aussi pendant la guerre. Il me semble qu'il était...

  • David Aubrée

    Ce que j'allais y venir, c'est que pendant les deux guerres mondiales, comme il était assez transportable dans les boîtes en bois, il était distribué à nos soldats via leur ration.

  • Romain LE GAL

    On voit même des vieilles étiquettes de camembert avec des poilus dessus.

  • David Aubrée

    Ah oui, tout à fait. Il faut regarder un petit peu sur Internet ou au musée du camembert à Vimoutiers. Il y a vraiment de nombreuses étiquettes qui... qui font, on va dire, un petit clin d'œil à la guerre. C'est des étiquettes qui étaient faites pour la guerre, et qui étaient un peu plus pour remonter le moral des soldats. Parce que c'était assez joyeux, alors que les soldats n'étaient pas dans la joie.

  • Romain LE GAL

    Et puis, après, on a voulu protéger le camembert.

  • David Aubrée

    Oui. Il y a eu différentes étapes, je vais peut-être la brûler, mais le camembert a été reconnu en 1983 sous l'AOC, l'appellation d'origine contrôlée, qui s'est durcie ou qui a été repris en main par l'Europe, où il est devenu AOP, donc là c'était en 1996. Oui, en 1996, c'est ça. On va dire qu'avant ces années-là, le camembert s'est fait connaître grâce à la pasteurisation, puisque à l'heure d'aujourd'hui, on fabrique dix fois plus de camemberts non AOP, qu'on appelle le camembert industriel. A peu près 60 000 tonnes de camembert pasteurisé fabriqué en France, alors qu'il n'y a que 6 000 tonnes de camembert AOP, donc camembert de Normandie au lait cru, qui est fabriqué en France.

  • Romain LE GAL

    Donc la pasteurisation, c'est venu dans quelles années ?

  • David Aubrée

    C'est l'après-guerre, où la pasteurisation a démarré, et vraiment dans les années entre 1960 et 1975, où la pasteurisation est devenue quelque chose... de très standardisés dans de nombreuses entreprises, et qui ont permis à la France de vendre beaucoup de produits pasteurisés, en France, mais surtout à l'export.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, maintenant, si on revient sur le camembert de Normandie AOP, comment tu pourrais le décrire ? Déjà, à quoi il ressemble ? Oui,

  • David Aubrée

    alors... Contrairement au camembert industriel, le camembert AOP va être un petit peu ondulé. On dit qu'il a une légère peau de crapaud. Donc ça c'est le fait qu'il soit moulé à la louche à la main. Il est beaucoup moins cylindrique qu'un camembert normal. Et donc comme il est moulé à la louche, on va avoir aussi pour les spécialistes qui ont coupé le camembert, on va deviner les louches lorsqu'il est assez jeune. Ce camembert, il a une technique quand même assez particulière, puisque le moulage est très particulier. On va mouler à la louche un cahier qui est très mou. Il faut s'imaginer un fromage blanc humide. Et on va piocher la louche dedans, et superposer ces cinq louches au fur et à mesure. pendant une matinée entière. On va mettre une matinée entière à mouler le camembert. Et le fait de mouler de cette manière, on a un fromage qui est très lactique. Donc il est beaucoup moins... Il est plus acide au début, quand il est jeune. Et il va s'affiner et donner beaucoup plus de goût à un camembert industriel sur lequel on recherche moins de goût aussi. L'industriel, lui, il veut que le camembert pasteurisé plaise à tout le monde, donc il va être un petit peu consensuel, léger goût de crème, léger goût de beurre, que nos camemberts AOP vont plus se rapprocher de l'animal, on va avoir quelque chose avec un caractère beaucoup plus fort. Comme d'autres fromages AOP, c'est comme si on comparait aussi un Comté et un Emmental.

  • Romain LE GAL

    Donc du coup, là tu disais, mais le camembert, il n'est pas forcément moulé à la main ?

  • David Aubrée

    Alors non, après,

  • Romain LE GAL

    il est moulé à la louche.

  • David Aubrée

    Il est moulé à la louche. avec des robots chez des confrères ou des concurrents, ça dépend comment on voit les choses. Et donc ce moulage robotisé va reproduire le geste de l'Homme, mais forcément avec un petit peu moins de rêve, un peu moins de personnel, parce que pour moi l'appellation d'origine protégée, elle conserve la tradition et elle doit aussi, si c'est pas trop difficile, conserver l'emploi. Si on a décidé de protéger un produit, c'est pour qu'il reste local et qu'on conserve les emplois aussi et la tradition.

  • Romain LE GAL

    Donc là, tu as déjà commencé à rentrer dans la fabrication, mais si on revient un petit peu en avant, le camembert de Normandie AOP sera forcément lait cru ? Oui,

  • David Aubrée

    on a un cahier des charges qui est très complexe, qui démarre à la production laitière, c'est-à-dire que nos producteurs de lait ont principalement des races normandes dans leur troupeau. En

  • Romain LE GAL

    Europe, c'est minimum...

  • David Aubrée

    C'est minimum 50% de races normandes. Et chez Réo, on va être à 100% d'ici deux ans. On est à 90% déjà, maintenant. Et ces producteurs de lait qui aiment la race normande sont obligés de faire pâturer leur vache dans les champs pendant 6 mois. Mais ça c'est le minimum. Ça c'est le minimum. Nous, dans la Manche, on a énormément de chances d'être auprès de la mer. Donc on a un climat qui est humide, mais qui est tempéré. C'est-à-dire que...

  • Romain LE GAL

    10 degrés toute l'année.

  • David Aubrée

    Oh non... Tu exagères, même s'il y a le réchauffement de la planète, il fait presque 20 degrés chez nous. Donc non, non, mais c'est vrai que le fait d'être à 5 km de la mer, la neige reste très peu de temps, c'est quelques heures depuis quelques années. Et le gel est là aussi rarement. Par contre l'été c'est pareil, il ne fait pas très très chaud non. on n'est pas envahis de touristes. Donc les vaches peuvent brouter de l'herbe comme cette année en 2024. On a commencé à les mettre dans les champs au mois de mars et vont finir en mois de novembre parce que là on a de l'eau depuis tous les mois. On peut subir quelquefois une petite sécheresse. qui n'a rien à voir avec le sud de la France. Mais on a vraiment un climat tempéré qui est fait pour les vaches normandes, les vaches laitières.

  • Romain LE GAL

    Donc vraiment une zone qui est faite pour la production du lait de toute façon. Voilà,

  • David Aubrée

    on a régulièrement... Il fait toujours beau entre deux ailleurs chez nous. Donc on a régulièrement de l'eau qui fait pousser de l'herbe bien grasse. On a la chance d'avoir cette race de vaches qui non seulement produit beaucoup de lait, mais qui est aussi viandarde.

  • Romain LE GAL

    Une race mixte.

  • David Aubrée

    Une race mixte qui... qui peut très bien nous fournir du bon lait pendant quelques années et finir en côte de bœuf sur le barbecue.

  • Romain LE GAL

    Sans aucun souci.

  • David Aubrée

    Voilà.

  • Romain LE GAL

    Après, du coup, là, on a parlé du moulage du camembert. Une fois que ce camembert, il est moulé.

  • David Aubrée

    Oui, le fromage va subir un affinage très court. C'est une pâte molle. Donc, on est sur quelques semaines d'affinage au total. Ce n'est pas un comté qui va avoir 18-24 mois. Le camembert est salé le lendemain de la fabrication. On va saler le camembert à J+1, comme on appelle ça.

  • Romain LE GAL

    Uniquement au sel sec ?

  • David Aubrée

    Voilà, ça fait partie aussi du cahier des charges. C'est du salage à sec au sel fin. Un sel qui est même mesuré au micron, puisque le sel doit mesurer entre 200 et 400 microns de diamètre. Donc vous voyez, c'est vraiment un sel très fin. Donc ce camembert est salé le lendemain du moulage, et il va subir un affinage de 14 jours avant d'être emballé. Donc c'est vraiment deux semaines, vous pouvez vous imaginer un fromage qui est tout jaune au début et qui va devenir tout blanc en 13 jours.

  • Romain LE GAL

    Avec finalement ce pénicillium.

  • David Aubrée

    Donc ce pénicillium et ce géotrichome,

  • Romain LE GAL

    c'est toujours les deux touches. Donc si on prend, parce qu'à chaque fois, le penicillium camemberti,

  • David Aubrée

    qu'on peut appeler aussi penicillium glaucum il y a différents alors j'ai perdu le nom mais comme dit mes collègues de l'université de Caen les professeurs qui sont spécialisés dans tout ce qui est moisissure, levure et bactéries en fait les noms changent au fur et à mesure des siècles, de même des dizaines d'années je veux dire parce que moi quand j'ai fait des études c'était euh Penicillium candidum ou Penicillium camemberti. Mais alors maintenant, il y a énormément de noms qui sont en fonction. On a l'impression que c'est les preuves de latin qui sont au plaisir.

  • Romain LE GAL

    Et donc du coup, sur le camembert, Pénicillium camemberti et

  • David Aubrée

    Geotrichum. Alors Geotrichum candidum, c'est ce que j'ai appris à l'école. C'est deux moisissures qui se complètent.

  • Romain LE GAL

    Est-ce que le geotrichome, si tu devais donner une différence entre les deux ?

  • David Aubrée

    Alors le geotrichome, c'est ce que vous allez voir sur les fromages de chèvre qui ondulent. Souvent,

  • Romain LE GAL

    on appelle ça... Une flore plus rase finalement. Voilà,

  • David Aubrée

    et puis c'est une moisissure qui est un peu grasse. Quand on appuie dessus, le fromage glisse. Alors que le penicillium, c'est vraiment la moisissure très blanche qui va venir croûter le fromage.

  • Romain LE GAL

    Et vraiment couvrir. Oui,

  • David Aubrée

    couvrir vraiment de blanc de blanc le camembert.

  • Romain LE GAL

    Et donc du coup... emballé 14 jours après ?

  • David Aubrée

    On emballe le camembert au 14ème jour en général. Il peut être emballé entre le 13ème et le 16ème jour, selon le choix du fromager. Et ensuite, il va subir au minimum une dernière semaine d'affinage avant d'être vendu au consommateur. Dans le cas des charges, on doit vendre le camembert à partir du 22ème jour. On n'a pas le droit de le vendre avant. Il peut expédier quelques jours avant, mais le commercial, le vendeur doit le vendre à partir du 22ème jour. Et en général, on lui donne 4 semaines d'affinage après l'emballage. C'est-à-dire qu'au 22ème jour, on dit que c'est l'affinage numéro 1. Une semaine après, c'est l'affinage numéro 2. Encore une semaine après, numéro 3. Alors du coup, il faut vous imaginer, à chaque affinage, il y a le cœur crayeux qui diminue d'un quart.

  • Romain LE GAL

    D'accord, donc c'est là où on parle quart affiné, demi-affiné... Et jusqu'au 3 quart affiné et affiné. Donc si c'est affiné... 100% de crème, plus de cœur crayeux.

  • David Aubrée

    C'est 100% que tout.

  • Romain LE GAL

    Un quart raffiné, c'est...

  • David Aubrée

    Un léger fil blanc.

  • Romain LE GAL

    Un quart raffiné, c'est trois quarts de crayeux, un quart de crème.

  • David Aubrée

    Oui, c'est ça.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, ça vous permet de la comprendre comment ça s'affine de l'extérieur vers l'intérieur.

  • David Aubrée

    Exactement. En fait, les moisissures... que j'ai cité tout à l'heure, le penicillium et le geotrichome, en fait, ils produisent des enzymes qui vont venir affiner le fromage, tout simplement.

  • Romain LE GAL

    Consommer, finalement. Voilà,

  • David Aubrée

    ça va consommer les protéines du fromage et le crayeux, la craie, le plâtre, va se transformer en onctueux.

  • Romain LE GAL

    On n'a pas forcément parlé, mais au début, quand on a parlé du lait, on peut reconnaître aussi les camemberts à leur terroir. Oui. puisque la zone d'appellation couvre quoi comme départements ?

  • David Aubrée

    Alors la zone d'appellation du Camembert, elle couvre les trois départements bas normands, historiquement, donc la Manche, le Calvados, l'Orne et quelques départements de l'Eure. Pratiquement la même zone d'appellation que le Pont L'Evêque, le Pont L'Evêque est un tout petit peu plus grand, il y a un peu plus de départements de l'Eure voilà donc pour ces deux AOP qui partagent vraiment la même zone géographique. Et en apparté, on a deux autres appellations normandes qui sont autour de Livarot pour Livarot et autour de Neufchâtel pour Neufchâtel.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, le lien, parce que à la fromagerie Réo, vous faites du coup du camembert de Normandie AOP, mais vous faites aussi du beurre et de la crème. C'est quoi le lien dans l'histoire entre ces trois produits ?

  • David Aubrée

    C'est une très bonne question. En fait, quand on fabrique du camembert, on a un lait de race normande qui est trop riche. Puisque notre camembert doit faire à peu près 22% de matière grasse sur le produit fini. Et comme le lait est pratiquement un tiers trop riche en matière grasse, on va toujours enlever de la crème du lait pour fabriquer le camembert. Et avec cette crème, soit on fait du beurre, soit on fait de la crème normande. Et souvent dans les ateliers de fabrication de camembert, on cherche toujours... à produire d'autres produits pour se diversifier. Et chez Réo, on fabrique du fromage blanc depuis les années 2000.

  • Romain LE GAL

    Ce camembert AOP de Normandie, sa filière sur ce tiroir, c'est quoi le volume qui est produit ? Il y a combien d'intervenants ? Comment c'est structuré ?

  • David Aubrée

    Alors, on est dans l'AOP Camembert de Normandie, on est une quinzaine de transformateurs. Il y a des fermiers et des transformateurs avec des entreprises, avec de nombreux salariés comme chez Réo. Il y a une petite dizaine de fermiers, parce que ça change beaucoup. Si l'émission repasse dans deux ans...

  • Romain LE GAL

    C'est vrai qu'on a une évolution de fermiers.

  • David Aubrée

    Moi, quand j'ai démarré chez Graindorge, il y avait un seul fermier, c'était Durand, c'était l'historique. Et au fur et à mesure des années... plusieurs producteurs laitiers qui se sont ont pris le goût d'essayer de faire du camembert de Normandie et c'est vrai que maintenant on arrive à une petite dizaine donc on est très heureux dans la filière le dernier en date c'est David Cahorel en date de l'épisode voilà exactement et donc il y a à peu près au total un peu plus de 400 producteurs de lait qui sont dans le cahier des charges camembert de Normandie

  • Romain LE GAL

    Et il y a combien de volumes ?

  • David Aubrée

    C'est 6 000 tonnes de camembert de Normandie pour 60 000 tonnes de camembert industriel. Donc il y a quand même 10 fois moins de camembert AOP que de camembert autre.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, on lit beaucoup dans la presse des choses autour du camembert ? Oui. Là, il ne faut pas longtemps, David y démarre vite.

  • David Aubrée

    Là, en fait, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, je suis pour la défense de l'appellation d'origine. Et donc c'est vrai qu'au sein du Camembert de Normandie, on se bat depuis quelques années pour protéger ce terme Normandie, que tout le monde veut obtenir, tout le monde veut l'utiliser, surtout pour l'exportation. Parce que quand vous vendez un fromage normand aux Etats-Unis, tout de suite la Normandie c'est le débarquement et leurs aïeuls quand ils sont revenus aux Etats-Unis, qu'est-ce que les produits normands c'était bon. En France, on a le savoir-faire de la nourriture, le savoir-faire du bien manger. Et dans ce savoir-faire, on a vraiment le camembert, la baguette, le béret. C'est trois images de la Normandie qui sont très importantes pour les touristes et pour les consommateurs, ceux qui sont exigeants avec la nourriture. Le camembert de Normandie, c'est lui qui est reconnu pendant la guerre. C'est pendant la guerre. 14-18 et surtout 39-45 où les Américains ont débarqué, c'est ce camembert-là qu'ils ont dégusté. Et maintenant il y a certains industriels, depuis de nombreuses années, qui utilisent le terme Normandie, donc sous la dénomination fabriquée en Normandie, qu'ils ont utilisé pendant des années avec l'autorisation de l'AOP, mais il a fallu qu'on fasse quand même un choix pour que l'usurpation s'arrête. Et ce choix a été proposé il y a plusieurs années en camembert fabriqué en Normandie pour faire une grande AOP et ça ne s'est pas fait. Et comme ça ne s'est pas fait, maintenant on demande que le mot Normandie soit réservé qu'à l'appellation d'origine. Et en fait on a plusieurs transformateurs qui ont arrêté d'utiliser ce terme fabriqué en Normandie. Pour ne pas le nommer, la marque Président, gérée par Lactalis, garde ce terme fabriqué en Normandie sur son camembert. Et donc là, on est un petit peu en attente de décision de justice finale pour qu'il soit dans l'obligation d'enlever ce terme-là.

  • Romain LE GAL

    Et il y a aussi la deuxième bataille sur le lait cru ?

  • David Aubrée

    Oui, cette bataille du lait cru, là, on est fortement aidé par l'INAO, l'Institut National des Appellations d'Origine, qui eux sont vraiment le garde du corps du lait cru. L'INAO veut vraiment garder le lait cru dans tous nos fromages AOP, même s'il y en a une partie qui est pasteurisée.

  • Romain LE GAL

    Mais aujourd'hui en camembert, il y a 100% du lait cru.

  • David Aubrée

    100% du camembert AOP est au lait cru, contrairement aux trois autres AOP qui peuvent être au lait cru, mais aussi au lait pasteurisé. Mais le Camembert de Normandie doit rester au lait cru, donc c'est aussi cette différence qui est importante par rapport au camembert industriel.

  • Romain LE GAL

    Comment tu vois, toi, du coup, l'évolution du lait cru dans les futures années ? Tu vois qu'il y a maintenant quand même un peu de recul sur la filière ?

  • David Aubrée

    On va dire que ce n'est pas facile de répondre, parce qu'on est sous un étau qui est un petit peu le lait cru et les dangers du lait cru, malgré qu'on est en train de mettre en avant la biodiversité des fromages au lait cru, qui est très importante pour notre microbisme. On a tous dans nos intestins un microbiote, c'est un mélange énorme de différentes bactéries qui nous maintient en bonne santé. Et ça, on est en train de prouver via différents chercheurs que tous ces fromages au lait cru nous font du bien à notre corps et maintiennent notre corps en bonne santé. Malgré tout, il arrive quelquefois que ce lait cru peut être contaminé par de listéria, par des salmenelles. ou par des STAAC, mais c'est très très rare par rapport au tonnage qui est fabriqué dans toutes les AOP. Donc c'est pour ça qu'il faut mettre en avant ce savoir-faire, il faut mettre en avant ces produits qui sont sains, grâce à cette multitude microbiologique, parce que dans le camembert, on a parlé de moisissures, mais il y a aussi beaucoup de levures, il y a énormément de différentes bactéries, il y a beaucoup de bactéries lactiques, qui sont des fois utilisées par des industriels, comme le bifidus actif, c'est vraiment quelques souches, mais il y en a très peu, alors que dans un camembert au lait cru...

  • Romain LE GAL

    Bel arnaque marketing.

  • David Aubrée

    Voilà, oui. Mais c'est vrai que ça a été utilisé et ça a très bien marché. Les gens ont compris ça. Par contre, ils ne savent pas forcément que dans tous les fromages lait cru, il y a une biodiversité qui est beaucoup plus grande et large.

  • Romain LE GAL

    Et aujourd'hui, on voit une tendance à la déconsommation des pâtes molles. Comment toi tu vois ça ? Comment nous, filière, on peut accompagner à refaire consommer les pâtes molles ?

  • David Aubrée

    Alors je pense qu'on a une chance, c'est que le consommateur français aime beaucoup les produits locaux, et aussi les produits fermentés, donc il y a des nouvelles générations qui... qui veulent vraiment soutenir nos filières comme ça. Après, la pâte molle, on va dire que des fois, elle va être trop goûtue ou pas assez. C'est un fromage qui change du goût beaucoup plus que toutes les pâtes pressées cuites, comme le Comté, l'Abondance, l'Emmental grand cru, ces pâtes dures, elles ont souvent un goût intéressant et qui reste souvent le même. C'est facile à conserver aussi, même si les fromages prennent un coup de chaud, comme je dis moi. Un camembert qui va passer plusieurs fois entre la table et le frigo, il ne subit pas le même stress qu'une pâte pressée cuite comme le comté.

  • Romain LE GAL

    David, pour terminer, j'aurais une dernière question. C'est quoi ta pizza préférée ?

  • David Aubrée

    Ma pizza préférée ? Moi, je ne suis vraiment pas pizza à la sauce tomate. Je suis un normand.

  • Romain LE GAL

    Donc, de la crème. De la crème.

  • David Aubrée

    De la crème. Et puis, malgré tout, quatre fromages, pourquoi pas. Mais j'aime bien aussi les champignons et un peu de tomate quand même.

  • Romain LE GAL

    Un peu de fantaisie.

  • David Aubrée

    Voilà.

  • Romain LE GAL

    Merci beaucoup, David. Merci de nous avoir accueillis aujourd'hui à la Fromagerie Réo.

  • David Aubrée

    Avec plaisir.

  • Romain LE GAL

    Merci à vous de nous avoir écoutés. J'espère que cet épisode vous a plu. N'hésitez pas à le partager et à nous remonter vos commentaires. Je vous dis à très bientôt pour un nouvel épisode de Lait'change. Au revoir.

Description

Dans ce nouvel épisode, Romain Le Gal, un des meilleurs ouvriers de France fromager, échange avec David Aubrée, directeur de la Fromagerie Réo à Lessay dans la Manche (50).

Fils d’agriculteurs qui possédaient des vaches de race normande à Coutances, David se passionne très rapidement pour les technologies fromagères et étudie à l’ENIL (Écoles Nationales d'Industries Laitières) de Saint-Lô Thère et Poligny. Après des expériences dans différentes structures avec une appétence marquée pour le camembert, il retourne finalement à Lessay et prend la direction de la Fromagerie Réo en 2016.

David Aubrée est également très engagé dans la filière, il est Président de l'Association de Gestion des Organismes de Défense et de Gestion (ODG) Laitiers Normands basée à Caen. Cette association soutient les quatre fromages d’Appellation d’Origine Protégée, le Camembert de Normandie, le Neufchâtel, le Pont L’Evêque et le Livarot. Elle défend les acteurs de ces différents terroirs et recettes en proposant des améliorations en recherche et développement.


Lait’Change, le podcast qui donne la parole aux actrices et acteurs de la filière laitière et fromagère. Romain LE GAL, Meilleur Ouvrier de France Fromager 2023 fait le tour des régions de France pour nous faire découvrir des fromages AOP, des coopératives et rencontrer des passionnées de fromages pour en apprendre plus sur leurs histoires. Ces garants du patrimoine et de leurs métiers font la richesse de notre pays et notre culture. Produit par France Frais, le distributeur, tout proche de vous.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Romain LE GAL

    Bienvenue sur Lait'Change, le podcast qui donne la parole aux actrices et aux acteurs de la filière laitière et fromagère. Je suis Romain LE GAL et ce matin je vous retrouve en Normandie. Pour rentrer dans le sujet, je vous propose une citation de Léon-Paul Fargue qui décrit merveilleusement bien le fromage dont nous allons parler aujourd'hui : "Le camembert, ce fromage qui fleure les pieds du bon Dieu". On va donc parler de camembert, mais plus particulièrement du Camembert de Normandie AOP. Je me trouve au cœur du bocage normand, dans la Manche, à la Fromagerie Réo, pour partager ce moment avec David Aubray. Bonjour David ! Bonjour ! Comment ça va David aujourd'hui ?

  • David Aubrée

    Ça va et toi Romain ?

  • Romain LE GAL

    Très bien, je suis très heureux d'être à la Fromagerie Réo. David, partager un moment avec toi depuis le temps qu'on se connaît maintenant quasiment presque une dizaine d'années, incroyable ! David, est-ce que tu pourrais te présenter en quelques mots ? Oui, oui. Pour ceux qui ne te connaissent pas.

  • David Aubrée

    Avec plaisir. David Aubray, j'ai 50 ans. Je suis fils d'agriculteur. Mes parents élevaient des vaches normandes pas très loin de Lessay, à Coutances, à 20 minutes de Lessay. Et marié, deux enfants qui sont dans le même métier que moi. J'ai réussi à leur céder ma passion fromagère.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, toi, ton parcours, t'as toujours voulu... Tes parents faisaient du fromage ou c'était uniquement des producteurs laitiers ? Enfin, uniquement, je dis uniquement, pas au terme péjoratif, où tu as toujours voulu faire du fromage ?

  • David Aubrée

    Alors, oui, l'histoire est assez simple. Moi, mes parents étaient producteurs de lait et n'ont pas eu des grandes sommes d'argent avec le lait. Le lait a toujours été un métier assez difficile dans la culture. Et donc, mes parents ont... On n'a pas souhaité que je reprenne la ferme comme certains parents agriculteurs qui, de père en fils, la ferme était cédée. Et moi je me suis orienté dans l'agroalimentaire laitier, en faisant mon bac à Saint-Lô Thère à côté de Coutances, donc une école d'industrie laitière. Et j'ai fait mon BTS ensuite dans une autre école d'industrie laitière, à Poligny dans le Jura, où là-bas, j'ai eu un super prof qui s'appelle Bernard Mietton, qui est décédé malheureusement, et qui m'a vraiment cédé la passion du fromage.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, revenir en Normandie, tu as produit d'autres fromages avant de revenir en Normandie ?

  • David Aubrée

    Non, en fait, j'ai fabriqué principalement du Camembert de Normandie depuis le début de ma carrière. J'ai travaillé, juste après mon BTS, juste deux mois à la ferme de Viltin, à Jouy-en-Josas, pour remplacer un fromager qui travaillait à la ferme. Ensuite, j'ai travaillé deux ans dans le Maine-et-Loire. La première entreprise qui m'a proposé un poste où j'ai évolué de la préparation du lait jusqu'à la recherche et développement, mais en camembert industriel, non AOP.

  • Romain LE GAL

    Donc déjà, le mot camembert, mais on verra la différence entre le camembert tout à l'heure et le Camembert de Normandie.

  • David Aubrée

    Tout à fait. Et ensuite, j'ai commencé vraiment ma carrière normande dans l'AOP à la coopérative d'Isigny-Sainte-Mère. Ensuite, j'ai travaillé chez Graindorge pour les quatre fromages normands, donc le camembert de Normandie en premier lieu, le Livarot, le Pont-L'Evèque et le Neufchâtel. Et depuis 2016, j'ai rejoint la coopérative des Maîtres Laitiers du Cotentin pour diriger la fromagerie Réo, qui elle fabrique du Camembert de Normandie, mais aussi du beurre de baratte, du fromage blanc et de la crème normande.

  • Romain LE GAL

    Donc là, tout est fait sur ce site ?

  • David Aubrée

    Tout est fait à Lessay, oui, sur le site. On collecte à peu près une quarantaine de producteurs de lait.

  • Romain LE GAL

    D'accord. Autour de la fromagerie ?

  • David Aubrée

    Oui, on est à 30 km autour de la fromagerie. Donc vraiment, les chauffeurs laitiers n'ont pas beaucoup de kilomètres pour ramener le lait.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, si tu devais donner quelques chiffres sur la fromagerie Réo, pour que les gens s'imaginent, c'est quoi ?

  • David Aubrée

    Rapidement, c'est vrai qu'il y a des personnes qui pensent que Réo est tout petit, d'autres qui pensent que c'est très grand. Oui. Donc c'est une entreprise de 100 salariés, 100 personnes. On collecte à peu près 23 millions de litres de lait, donc ça fait entre 60 et 70 000 litres de lait par jour. Donc on va dire 3 grosses citernes. Et donc on fait un chiffre d'affaires quand même de 25 millions. Donc c'est pas une petite entreprise.

  • Romain LE GAL

    Et la particularité, c'est qu'ici, le camembert, on verra tout à l'heure, il est 100%.

  • David Aubrée

    Mouler à la louche, à la main.

  • Romain LE GAL

    Mais ça, on reviendra sur le Camembert de Normandie AOP tout à l'heure. Et puis à côté de ça, à côté de la fromagerie Réo, tu es aussi impliqué dans la vie de la filière. Tu as aussi des mandats, comme on dit.

  • David Aubrée

    Oui, c'est ça. Donc depuis plusieurs années, je succède à différentes présidences au niveau de l'appellation d'origine protégée. Donc j'ai démarré assez haut puisque j'étais président des... de l'association des 4 fromages AOP de Normandie. Donc en fait à Caen il y a une association qui gère avec les producteurs de lait et les transformateurs, donc les fabricants de fromage, les fromagers, on gère une association qui est le regroupement de 4 associations. En fait dans tous les fromages AOP et toutes les AOP en général, que ce soit des AOP laitières ou... vinicole ou d'autres, il y a toujours à la base une association qui va défendre l'appellation d'origine, défendre nos terroirs, défendre les recettes, aussi faire attention qu'il n'y ait pas de copies. Et on va aussi, selon les associations, essayer de faire de la recherche. Trouver des choses pour améliorer le quotidien et la renommée du produit.

  • Romain LE GAL

    Donc du coup, tu as eu la présidence des 4 AOP. Et maintenant, tu as relâché...

  • David Aubrée

    Voilà, j'ai relâché les 3 autres AOP pour m'occuper de l'AOP Camembert de Normandie.

  • Romain LE GAL

    Ça tombe bien, c'est du fromage sur lequel on va échanger aujourd'hui. Donc, merci monsieur le président du coup.

  • David Aubrée

    De rien.

  • Romain LE GAL

    Si tu devais finalement nous parler de l'histoire, parce que c'est un peu une folle histoire cette histoire du camembert, elle ne remonte pas à aujourd'hui ni à hier, comment tu pourrais nous expliquer cette histoire ?

  • David Aubrée

    Alors l'histoire, il y en a toujours des histoires un peu farfelues dans les fromages.

  • Romain LE GAL

    Un peu contes et légendes parfois.

  • David Aubrée

    Et donc là l'histoire du camembert de Normandie, il a été probablement, certainement créé par Marie Harel. qui était sur la commune de Camembert et qui a recueilli un curé réfractaire pendant la Révolution française. Et donc ce curé venait de la zone du Brie de Meaux-Brie de Melun, et dans les moules à Livarot, lui a appris à faire, on va dire, une pâte molle à croûte fleurie à l'époque, qui était beaucoup plus colorée que notre Camembert blanc actuel.

  • Romain LE GAL

    Ça ressemblait que quand tu dis colorée, donc là on est dans les années

  • David Aubrée

    1791. C'est ça. Pour être précis.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, si tu dis coloré, c'était quoi coloré ?

  • David Aubrée

    Je pense que le camembert ressemblait plus à un livarot qu'à un camembert.

  • Romain LE GAL

    Tu le voyais plus orangé ? Très orangé. J'étais tombé sur une nature morte, enfin pas une nature morte, mais une vieille peinture, où ils le mettaient, ça faisait gris, orangé, bleuté. Et donc après ?

  • David Aubrée

    Après, ce camembert-là, il a vécu tranquillement sa petite vie. Mais il a eu de la chance d'avoir connu un ingénieur qui a créé sa boîte, M. Riedel. Et cette boîte en peuplier, elle a pu transporter cette pâte molle, parce qu'un camembert, imaginez, avant qu'il y ait les frigos et les camions frigos dans nos campagnes. Le camembert subissait les températures extérieures. Et donc, il faut vous imaginer que le camembert s'affinait très vite et coulait très vite. Donc cette boîte en bois a pu permettre au fromage le transport jusqu'à Paris en carriole, par exemple.

  • Romain LE GAL

    Et puis après, il y a eu un tournant pour le camembert, un peu grâce à une autre région.

  • David Aubrée

    C'est-à-dire ?

  • Romain LE GAL

    Dans la région de Meaux, on a réussi à isoler le pénicillium dans les années 1900. Ça, ça a été un... un tournant pour le camembert ?

  • David Aubrée

    Pour toutes les pâtes molles à croûtes fleuries, tout à fait. Le fait de pouvoir ensemencer le pénicillium sur le fromage, les fromages, forcément, ont été beaucoup mieux maîtrisés au niveau aspect croûte.

  • Romain LE GAL

    Et après, début 1900, on continuait de consommer beaucoup de camembert ?

  • David Aubrée

    Alors, oui, il était consommé, il a été, on va dire, mis en avant par plusieurs rois, par plusieurs gouverneurs.

  • Romain LE GAL

    aussi pendant la guerre. Il me semble qu'il était...

  • David Aubrée

    Ce que j'allais y venir, c'est que pendant les deux guerres mondiales, comme il était assez transportable dans les boîtes en bois, il était distribué à nos soldats via leur ration.

  • Romain LE GAL

    On voit même des vieilles étiquettes de camembert avec des poilus dessus.

  • David Aubrée

    Ah oui, tout à fait. Il faut regarder un petit peu sur Internet ou au musée du camembert à Vimoutiers. Il y a vraiment de nombreuses étiquettes qui... qui font, on va dire, un petit clin d'œil à la guerre. C'est des étiquettes qui étaient faites pour la guerre, et qui étaient un peu plus pour remonter le moral des soldats. Parce que c'était assez joyeux, alors que les soldats n'étaient pas dans la joie.

  • Romain LE GAL

    Et puis, après, on a voulu protéger le camembert.

  • David Aubrée

    Oui. Il y a eu différentes étapes, je vais peut-être la brûler, mais le camembert a été reconnu en 1983 sous l'AOC, l'appellation d'origine contrôlée, qui s'est durcie ou qui a été repris en main par l'Europe, où il est devenu AOP, donc là c'était en 1996. Oui, en 1996, c'est ça. On va dire qu'avant ces années-là, le camembert s'est fait connaître grâce à la pasteurisation, puisque à l'heure d'aujourd'hui, on fabrique dix fois plus de camemberts non AOP, qu'on appelle le camembert industriel. A peu près 60 000 tonnes de camembert pasteurisé fabriqué en France, alors qu'il n'y a que 6 000 tonnes de camembert AOP, donc camembert de Normandie au lait cru, qui est fabriqué en France.

  • Romain LE GAL

    Donc la pasteurisation, c'est venu dans quelles années ?

  • David Aubrée

    C'est l'après-guerre, où la pasteurisation a démarré, et vraiment dans les années entre 1960 et 1975, où la pasteurisation est devenue quelque chose... de très standardisés dans de nombreuses entreprises, et qui ont permis à la France de vendre beaucoup de produits pasteurisés, en France, mais surtout à l'export.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, maintenant, si on revient sur le camembert de Normandie AOP, comment tu pourrais le décrire ? Déjà, à quoi il ressemble ? Oui,

  • David Aubrée

    alors... Contrairement au camembert industriel, le camembert AOP va être un petit peu ondulé. On dit qu'il a une légère peau de crapaud. Donc ça c'est le fait qu'il soit moulé à la louche à la main. Il est beaucoup moins cylindrique qu'un camembert normal. Et donc comme il est moulé à la louche, on va avoir aussi pour les spécialistes qui ont coupé le camembert, on va deviner les louches lorsqu'il est assez jeune. Ce camembert, il a une technique quand même assez particulière, puisque le moulage est très particulier. On va mouler à la louche un cahier qui est très mou. Il faut s'imaginer un fromage blanc humide. Et on va piocher la louche dedans, et superposer ces cinq louches au fur et à mesure. pendant une matinée entière. On va mettre une matinée entière à mouler le camembert. Et le fait de mouler de cette manière, on a un fromage qui est très lactique. Donc il est beaucoup moins... Il est plus acide au début, quand il est jeune. Et il va s'affiner et donner beaucoup plus de goût à un camembert industriel sur lequel on recherche moins de goût aussi. L'industriel, lui, il veut que le camembert pasteurisé plaise à tout le monde, donc il va être un petit peu consensuel, léger goût de crème, léger goût de beurre, que nos camemberts AOP vont plus se rapprocher de l'animal, on va avoir quelque chose avec un caractère beaucoup plus fort. Comme d'autres fromages AOP, c'est comme si on comparait aussi un Comté et un Emmental.

  • Romain LE GAL

    Donc du coup, là tu disais, mais le camembert, il n'est pas forcément moulé à la main ?

  • David Aubrée

    Alors non, après,

  • Romain LE GAL

    il est moulé à la louche.

  • David Aubrée

    Il est moulé à la louche. avec des robots chez des confrères ou des concurrents, ça dépend comment on voit les choses. Et donc ce moulage robotisé va reproduire le geste de l'Homme, mais forcément avec un petit peu moins de rêve, un peu moins de personnel, parce que pour moi l'appellation d'origine protégée, elle conserve la tradition et elle doit aussi, si c'est pas trop difficile, conserver l'emploi. Si on a décidé de protéger un produit, c'est pour qu'il reste local et qu'on conserve les emplois aussi et la tradition.

  • Romain LE GAL

    Donc là, tu as déjà commencé à rentrer dans la fabrication, mais si on revient un petit peu en avant, le camembert de Normandie AOP sera forcément lait cru ? Oui,

  • David Aubrée

    on a un cahier des charges qui est très complexe, qui démarre à la production laitière, c'est-à-dire que nos producteurs de lait ont principalement des races normandes dans leur troupeau. En

  • Romain LE GAL

    Europe, c'est minimum...

  • David Aubrée

    C'est minimum 50% de races normandes. Et chez Réo, on va être à 100% d'ici deux ans. On est à 90% déjà, maintenant. Et ces producteurs de lait qui aiment la race normande sont obligés de faire pâturer leur vache dans les champs pendant 6 mois. Mais ça c'est le minimum. Ça c'est le minimum. Nous, dans la Manche, on a énormément de chances d'être auprès de la mer. Donc on a un climat qui est humide, mais qui est tempéré. C'est-à-dire que...

  • Romain LE GAL

    10 degrés toute l'année.

  • David Aubrée

    Oh non... Tu exagères, même s'il y a le réchauffement de la planète, il fait presque 20 degrés chez nous. Donc non, non, mais c'est vrai que le fait d'être à 5 km de la mer, la neige reste très peu de temps, c'est quelques heures depuis quelques années. Et le gel est là aussi rarement. Par contre l'été c'est pareil, il ne fait pas très très chaud non. on n'est pas envahis de touristes. Donc les vaches peuvent brouter de l'herbe comme cette année en 2024. On a commencé à les mettre dans les champs au mois de mars et vont finir en mois de novembre parce que là on a de l'eau depuis tous les mois. On peut subir quelquefois une petite sécheresse. qui n'a rien à voir avec le sud de la France. Mais on a vraiment un climat tempéré qui est fait pour les vaches normandes, les vaches laitières.

  • Romain LE GAL

    Donc vraiment une zone qui est faite pour la production du lait de toute façon. Voilà,

  • David Aubrée

    on a régulièrement... Il fait toujours beau entre deux ailleurs chez nous. Donc on a régulièrement de l'eau qui fait pousser de l'herbe bien grasse. On a la chance d'avoir cette race de vaches qui non seulement produit beaucoup de lait, mais qui est aussi viandarde.

  • Romain LE GAL

    Une race mixte.

  • David Aubrée

    Une race mixte qui... qui peut très bien nous fournir du bon lait pendant quelques années et finir en côte de bœuf sur le barbecue.

  • Romain LE GAL

    Sans aucun souci.

  • David Aubrée

    Voilà.

  • Romain LE GAL

    Après, du coup, là, on a parlé du moulage du camembert. Une fois que ce camembert, il est moulé.

  • David Aubrée

    Oui, le fromage va subir un affinage très court. C'est une pâte molle. Donc, on est sur quelques semaines d'affinage au total. Ce n'est pas un comté qui va avoir 18-24 mois. Le camembert est salé le lendemain de la fabrication. On va saler le camembert à J+1, comme on appelle ça.

  • Romain LE GAL

    Uniquement au sel sec ?

  • David Aubrée

    Voilà, ça fait partie aussi du cahier des charges. C'est du salage à sec au sel fin. Un sel qui est même mesuré au micron, puisque le sel doit mesurer entre 200 et 400 microns de diamètre. Donc vous voyez, c'est vraiment un sel très fin. Donc ce camembert est salé le lendemain du moulage, et il va subir un affinage de 14 jours avant d'être emballé. Donc c'est vraiment deux semaines, vous pouvez vous imaginer un fromage qui est tout jaune au début et qui va devenir tout blanc en 13 jours.

  • Romain LE GAL

    Avec finalement ce pénicillium.

  • David Aubrée

    Donc ce pénicillium et ce géotrichome,

  • Romain LE GAL

    c'est toujours les deux touches. Donc si on prend, parce qu'à chaque fois, le penicillium camemberti,

  • David Aubrée

    qu'on peut appeler aussi penicillium glaucum il y a différents alors j'ai perdu le nom mais comme dit mes collègues de l'université de Caen les professeurs qui sont spécialisés dans tout ce qui est moisissure, levure et bactéries en fait les noms changent au fur et à mesure des siècles, de même des dizaines d'années je veux dire parce que moi quand j'ai fait des études c'était euh Penicillium candidum ou Penicillium camemberti. Mais alors maintenant, il y a énormément de noms qui sont en fonction. On a l'impression que c'est les preuves de latin qui sont au plaisir.

  • Romain LE GAL

    Et donc du coup, sur le camembert, Pénicillium camemberti et

  • David Aubrée

    Geotrichum. Alors Geotrichum candidum, c'est ce que j'ai appris à l'école. C'est deux moisissures qui se complètent.

  • Romain LE GAL

    Est-ce que le geotrichome, si tu devais donner une différence entre les deux ?

  • David Aubrée

    Alors le geotrichome, c'est ce que vous allez voir sur les fromages de chèvre qui ondulent. Souvent,

  • Romain LE GAL

    on appelle ça... Une flore plus rase finalement. Voilà,

  • David Aubrée

    et puis c'est une moisissure qui est un peu grasse. Quand on appuie dessus, le fromage glisse. Alors que le penicillium, c'est vraiment la moisissure très blanche qui va venir croûter le fromage.

  • Romain LE GAL

    Et vraiment couvrir. Oui,

  • David Aubrée

    couvrir vraiment de blanc de blanc le camembert.

  • Romain LE GAL

    Et donc du coup... emballé 14 jours après ?

  • David Aubrée

    On emballe le camembert au 14ème jour en général. Il peut être emballé entre le 13ème et le 16ème jour, selon le choix du fromager. Et ensuite, il va subir au minimum une dernière semaine d'affinage avant d'être vendu au consommateur. Dans le cas des charges, on doit vendre le camembert à partir du 22ème jour. On n'a pas le droit de le vendre avant. Il peut expédier quelques jours avant, mais le commercial, le vendeur doit le vendre à partir du 22ème jour. Et en général, on lui donne 4 semaines d'affinage après l'emballage. C'est-à-dire qu'au 22ème jour, on dit que c'est l'affinage numéro 1. Une semaine après, c'est l'affinage numéro 2. Encore une semaine après, numéro 3. Alors du coup, il faut vous imaginer, à chaque affinage, il y a le cœur crayeux qui diminue d'un quart.

  • Romain LE GAL

    D'accord, donc c'est là où on parle quart affiné, demi-affiné... Et jusqu'au 3 quart affiné et affiné. Donc si c'est affiné... 100% de crème, plus de cœur crayeux.

  • David Aubrée

    C'est 100% que tout.

  • Romain LE GAL

    Un quart raffiné, c'est...

  • David Aubrée

    Un léger fil blanc.

  • Romain LE GAL

    Un quart raffiné, c'est trois quarts de crayeux, un quart de crème.

  • David Aubrée

    Oui, c'est ça.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, ça vous permet de la comprendre comment ça s'affine de l'extérieur vers l'intérieur.

  • David Aubrée

    Exactement. En fait, les moisissures... que j'ai cité tout à l'heure, le penicillium et le geotrichome, en fait, ils produisent des enzymes qui vont venir affiner le fromage, tout simplement.

  • Romain LE GAL

    Consommer, finalement. Voilà,

  • David Aubrée

    ça va consommer les protéines du fromage et le crayeux, la craie, le plâtre, va se transformer en onctueux.

  • Romain LE GAL

    On n'a pas forcément parlé, mais au début, quand on a parlé du lait, on peut reconnaître aussi les camemberts à leur terroir. Oui. puisque la zone d'appellation couvre quoi comme départements ?

  • David Aubrée

    Alors la zone d'appellation du Camembert, elle couvre les trois départements bas normands, historiquement, donc la Manche, le Calvados, l'Orne et quelques départements de l'Eure. Pratiquement la même zone d'appellation que le Pont L'Evêque, le Pont L'Evêque est un tout petit peu plus grand, il y a un peu plus de départements de l'Eure voilà donc pour ces deux AOP qui partagent vraiment la même zone géographique. Et en apparté, on a deux autres appellations normandes qui sont autour de Livarot pour Livarot et autour de Neufchâtel pour Neufchâtel.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, le lien, parce que à la fromagerie Réo, vous faites du coup du camembert de Normandie AOP, mais vous faites aussi du beurre et de la crème. C'est quoi le lien dans l'histoire entre ces trois produits ?

  • David Aubrée

    C'est une très bonne question. En fait, quand on fabrique du camembert, on a un lait de race normande qui est trop riche. Puisque notre camembert doit faire à peu près 22% de matière grasse sur le produit fini. Et comme le lait est pratiquement un tiers trop riche en matière grasse, on va toujours enlever de la crème du lait pour fabriquer le camembert. Et avec cette crème, soit on fait du beurre, soit on fait de la crème normande. Et souvent dans les ateliers de fabrication de camembert, on cherche toujours... à produire d'autres produits pour se diversifier. Et chez Réo, on fabrique du fromage blanc depuis les années 2000.

  • Romain LE GAL

    Ce camembert AOP de Normandie, sa filière sur ce tiroir, c'est quoi le volume qui est produit ? Il y a combien d'intervenants ? Comment c'est structuré ?

  • David Aubrée

    Alors, on est dans l'AOP Camembert de Normandie, on est une quinzaine de transformateurs. Il y a des fermiers et des transformateurs avec des entreprises, avec de nombreux salariés comme chez Réo. Il y a une petite dizaine de fermiers, parce que ça change beaucoup. Si l'émission repasse dans deux ans...

  • Romain LE GAL

    C'est vrai qu'on a une évolution de fermiers.

  • David Aubrée

    Moi, quand j'ai démarré chez Graindorge, il y avait un seul fermier, c'était Durand, c'était l'historique. Et au fur et à mesure des années... plusieurs producteurs laitiers qui se sont ont pris le goût d'essayer de faire du camembert de Normandie et c'est vrai que maintenant on arrive à une petite dizaine donc on est très heureux dans la filière le dernier en date c'est David Cahorel en date de l'épisode voilà exactement et donc il y a à peu près au total un peu plus de 400 producteurs de lait qui sont dans le cahier des charges camembert de Normandie

  • Romain LE GAL

    Et il y a combien de volumes ?

  • David Aubrée

    C'est 6 000 tonnes de camembert de Normandie pour 60 000 tonnes de camembert industriel. Donc il y a quand même 10 fois moins de camembert AOP que de camembert autre.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, on lit beaucoup dans la presse des choses autour du camembert ? Oui. Là, il ne faut pas longtemps, David y démarre vite.

  • David Aubrée

    Là, en fait, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, je suis pour la défense de l'appellation d'origine. Et donc c'est vrai qu'au sein du Camembert de Normandie, on se bat depuis quelques années pour protéger ce terme Normandie, que tout le monde veut obtenir, tout le monde veut l'utiliser, surtout pour l'exportation. Parce que quand vous vendez un fromage normand aux Etats-Unis, tout de suite la Normandie c'est le débarquement et leurs aïeuls quand ils sont revenus aux Etats-Unis, qu'est-ce que les produits normands c'était bon. En France, on a le savoir-faire de la nourriture, le savoir-faire du bien manger. Et dans ce savoir-faire, on a vraiment le camembert, la baguette, le béret. C'est trois images de la Normandie qui sont très importantes pour les touristes et pour les consommateurs, ceux qui sont exigeants avec la nourriture. Le camembert de Normandie, c'est lui qui est reconnu pendant la guerre. C'est pendant la guerre. 14-18 et surtout 39-45 où les Américains ont débarqué, c'est ce camembert-là qu'ils ont dégusté. Et maintenant il y a certains industriels, depuis de nombreuses années, qui utilisent le terme Normandie, donc sous la dénomination fabriquée en Normandie, qu'ils ont utilisé pendant des années avec l'autorisation de l'AOP, mais il a fallu qu'on fasse quand même un choix pour que l'usurpation s'arrête. Et ce choix a été proposé il y a plusieurs années en camembert fabriqué en Normandie pour faire une grande AOP et ça ne s'est pas fait. Et comme ça ne s'est pas fait, maintenant on demande que le mot Normandie soit réservé qu'à l'appellation d'origine. Et en fait on a plusieurs transformateurs qui ont arrêté d'utiliser ce terme fabriqué en Normandie. Pour ne pas le nommer, la marque Président, gérée par Lactalis, garde ce terme fabriqué en Normandie sur son camembert. Et donc là, on est un petit peu en attente de décision de justice finale pour qu'il soit dans l'obligation d'enlever ce terme-là.

  • Romain LE GAL

    Et il y a aussi la deuxième bataille sur le lait cru ?

  • David Aubrée

    Oui, cette bataille du lait cru, là, on est fortement aidé par l'INAO, l'Institut National des Appellations d'Origine, qui eux sont vraiment le garde du corps du lait cru. L'INAO veut vraiment garder le lait cru dans tous nos fromages AOP, même s'il y en a une partie qui est pasteurisée.

  • Romain LE GAL

    Mais aujourd'hui en camembert, il y a 100% du lait cru.

  • David Aubrée

    100% du camembert AOP est au lait cru, contrairement aux trois autres AOP qui peuvent être au lait cru, mais aussi au lait pasteurisé. Mais le Camembert de Normandie doit rester au lait cru, donc c'est aussi cette différence qui est importante par rapport au camembert industriel.

  • Romain LE GAL

    Comment tu vois, toi, du coup, l'évolution du lait cru dans les futures années ? Tu vois qu'il y a maintenant quand même un peu de recul sur la filière ?

  • David Aubrée

    On va dire que ce n'est pas facile de répondre, parce qu'on est sous un étau qui est un petit peu le lait cru et les dangers du lait cru, malgré qu'on est en train de mettre en avant la biodiversité des fromages au lait cru, qui est très importante pour notre microbisme. On a tous dans nos intestins un microbiote, c'est un mélange énorme de différentes bactéries qui nous maintient en bonne santé. Et ça, on est en train de prouver via différents chercheurs que tous ces fromages au lait cru nous font du bien à notre corps et maintiennent notre corps en bonne santé. Malgré tout, il arrive quelquefois que ce lait cru peut être contaminé par de listéria, par des salmenelles. ou par des STAAC, mais c'est très très rare par rapport au tonnage qui est fabriqué dans toutes les AOP. Donc c'est pour ça qu'il faut mettre en avant ce savoir-faire, il faut mettre en avant ces produits qui sont sains, grâce à cette multitude microbiologique, parce que dans le camembert, on a parlé de moisissures, mais il y a aussi beaucoup de levures, il y a énormément de différentes bactéries, il y a beaucoup de bactéries lactiques, qui sont des fois utilisées par des industriels, comme le bifidus actif, c'est vraiment quelques souches, mais il y en a très peu, alors que dans un camembert au lait cru...

  • Romain LE GAL

    Bel arnaque marketing.

  • David Aubrée

    Voilà, oui. Mais c'est vrai que ça a été utilisé et ça a très bien marché. Les gens ont compris ça. Par contre, ils ne savent pas forcément que dans tous les fromages lait cru, il y a une biodiversité qui est beaucoup plus grande et large.

  • Romain LE GAL

    Et aujourd'hui, on voit une tendance à la déconsommation des pâtes molles. Comment toi tu vois ça ? Comment nous, filière, on peut accompagner à refaire consommer les pâtes molles ?

  • David Aubrée

    Alors je pense qu'on a une chance, c'est que le consommateur français aime beaucoup les produits locaux, et aussi les produits fermentés, donc il y a des nouvelles générations qui... qui veulent vraiment soutenir nos filières comme ça. Après, la pâte molle, on va dire que des fois, elle va être trop goûtue ou pas assez. C'est un fromage qui change du goût beaucoup plus que toutes les pâtes pressées cuites, comme le Comté, l'Abondance, l'Emmental grand cru, ces pâtes dures, elles ont souvent un goût intéressant et qui reste souvent le même. C'est facile à conserver aussi, même si les fromages prennent un coup de chaud, comme je dis moi. Un camembert qui va passer plusieurs fois entre la table et le frigo, il ne subit pas le même stress qu'une pâte pressée cuite comme le comté.

  • Romain LE GAL

    David, pour terminer, j'aurais une dernière question. C'est quoi ta pizza préférée ?

  • David Aubrée

    Ma pizza préférée ? Moi, je ne suis vraiment pas pizza à la sauce tomate. Je suis un normand.

  • Romain LE GAL

    Donc, de la crème. De la crème.

  • David Aubrée

    De la crème. Et puis, malgré tout, quatre fromages, pourquoi pas. Mais j'aime bien aussi les champignons et un peu de tomate quand même.

  • Romain LE GAL

    Un peu de fantaisie.

  • David Aubrée

    Voilà.

  • Romain LE GAL

    Merci beaucoup, David. Merci de nous avoir accueillis aujourd'hui à la Fromagerie Réo.

  • David Aubrée

    Avec plaisir.

  • Romain LE GAL

    Merci à vous de nous avoir écoutés. J'espère que cet épisode vous a plu. N'hésitez pas à le partager et à nous remonter vos commentaires. Je vous dis à très bientôt pour un nouvel épisode de Lait'change. Au revoir.

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