- Romain LE GAL
Bienvenue sur Lait'Change, le podcast qui donne la parole aux actrices et aux acteurs de la filière laitière et fromagère. Je suis Romain Le Gal et ce matin, je vous retrouve dans le Haut-Rhin pour parler d'un fromage AOP. C'est le Munster. Pour échanger sur ce beau fromage, je me trouve à Beblenheim, sur la route des vins d'Alsace, avec Anne Lang, à la maison Fischer, affineur de cette célèbre croûte lavée. Mais pas que. Bonjour Anne.
- Anne LANG
Bonjour Romain.
- Romain LE GAL
Comment ça va Anne ce matin ?
- Anne LANG
Bien et toi ?
- Romain LE GAL
Ben écoute... Très très bien, je suis très content d'être avec toi parce que c'est ce qu'on disait avant l'interview, ça fait bientôt une décennie qu'on se connaît.
- Anne LANG
Le temps passe vite.
- Romain LE GAL
Le temps passe très très très vite. Anne, est-ce que tu peux te présenter en quelques mots ?
- Anne LANG
Alors moi c'est Anne, j'ai 34 ans et je suis située en plein sur la route des Vins à côté du très célèbre Riquewihr, un village viticole, Beblenheim. Et on est affineur de Munster depuis bientôt 100 ans. L'entreprise a été créée par mon arrière-arrière-grand-père en 1926. Depuis, les générations se succèdent et le savoir-faire se succède.
- Romain LE GAL
Et du coup, en 1926, il faisait... Lui, il n'était pas au départ dans le fromage.
- Anne LANG
Pas du tout. Alors, mon arrière-arrière-grand-père était restaurateur dans le village. Et voilà, en tant que restaurateur, il était... hyper ouvert à la cuisine et aux spécialités culinaires. Et les clients venaient de Colmar. Donc Colmar s'est situé à peu près à 10 kilomètres de Beblenheim. Les clients venaient à pied et ils voulaient consommer du fromage. Et lui, bon commerçant dans l'âme, il s'est dit, les clients veulent du fromage, je vais leur trouver du fromage. Et c'est comme ça qu'il a commencé à démarcher des producteurs fermiers dans la région. Et c'est comme ça que l'affinage a démarré à Beblenheim. Donc c'était un petit peu fait... au fond d'une cuisine au démarrage. Et deux ans après, il a acheté les locaux actuels de la maison Fischer à un négociant en vin à Beblenheim. Donc un bâtiment qui a été construit avec les pierres du château de Zellemberg, le village juste à côté du nôtre. Et il a suivi l'activité comme ça.
- Romain LE GAL
Et du coup, toi, Anne, comment t'es arrivée à reprendre l'entreprise ? Parce que du coup, 34 ans, ça fait déjà... Ouais. Tu as déjà travaillé ? Avant, tu travaillais ?
- Anne LANG
Alors en fait, l'histoire s'est un peu faite comme ça. J'ai toujours eu un an d'avancée à l'école et je voulais suivre mes études après le bac et j'avais pas 18 ans, j'avais pas le permis et je voulais faire un BTS en management des unités commerciales mais je trouvais pas de patron parce que pas 18 ans et pas de permis. Donc à l'époque, mon père m'a dit, bah écoute, tu vas pas rester un an sans rien faire donc tu vas venir bosser avec nous. Et en fait, ça s'est fait comme ça, tout simplement. Ça a démarré entre guillemets par dépit. Et en fait, je ne changerais pour rien au monde l'orientation que ma vie a prise au départ.
- Romain LE GAL
D'accord. Et donc aujourd'hui, tu as repris la suite de tes parents.
- Anne LANG
C'est ça. Alors dans l'histoire familiale, qui a été un peu compliquée. Moi, je suis arrivée en 2007 dans l'entreprise. En 2009, mon père est tombé malade. Tu le sais, il a eu une leucémie et ça a été très, très vite. Je voulais poursuivre mes études dans le vin et le commerce avec une licence. Et en fin de compte, suite au décès brutal, j'ai dit à ma mère, je ne vais pas te laisser seule dans l'entreprise et puis je vais venir t'aider. Et du coup, l'histoire s'est faite comme ça. D'abord pour renforcer le soutien auprès de ma mère, qui au final n'était pas du tout dans la famille en fin de compte. C'est-à-dire, il... L'histoire s'est écrite comme ça, au fur et à mesure du temps.
- Romain LE GAL
Et donc, après, tu as repris et puis ton conjoint a rejoint la peinture ?
- Anne LANG
Oui, tout à fait. En 2010, Cyril, mon mari, qui était dans la mécanique auto, n'a carrément rien à voir, voulait changer d'orientation. Ça ne lui plaisait plus les mains dans le cambouis et nous, on cherchait un homme à tout faire. Il est rentré comme ça, en faisant des livraisons, en allant en prod, à la maintenance et il s'est pris de passion pour l'affinage des fromages. Donc lui, il a la partie opérationnelle tous les jours et moi, sur la partie administrative, commerciale. Et en fait, on forme un super binôme tous les deux.
- Romain LE GAL
Et du coup, vous affinez pas que du Munster ?
- Anne LANG
Non. Alors, dans l'histoire de la société, au départ, on était uniquement affineur de Munster. Au fur et à mesure, on a décliné des spécialités à base de Munster. Et par la force des choses, on a ouvert nos compétences à d'autres technologies fromagères que le Munster. Donc on affine des pâtes pressées non cuites, des petites pâtes. tomates, des barcasses, des raclettes. Donc on devient vraiment affineur spécialisé dans le Munster à la base mais on ouvre nos compétences à l'affinage d'autres types de fromageuses.
- Romain LE GAL
Alors si on devait parler, parce qu'aujourd'hui on est là ensemble pour parler de munster, si on devait parler de munster, comment déjà tu qualifierais ce fromage si tu devais le décrire à quelqu'un qui ne connaît pas du tout ce fromage ?
- Anne LANG
J'ai envie de dire et de reprendre une expression qu'on utilise beaucoup au niveau du syndicat du munster. C'est un fromage qui est élégant et subtil. Subtil et étonnant en fin de compte. Il est hyper puissant à l'odeur. On ne va pas se mentir, c'est un fromage qui sent. Mais en bouche, il est hyper doux et un bon munster. Il ne doit pas dégommer le palais. C'est vraiment un fromage qui est très subtil.
- Romain LE GAL
Et du coup, il ressemble à quoi ce fromage ?
- Anne LANG
Alors, c'est un fromage de forme... Rondes, tout simplement, avec différentes tailles possibles. Les fromages vont de 125 grammes à 1,2 kg. Et au niveau des diamètres, ils vont de 8 cm à 19 cm de diamètre. On a différents formats autorisés dans l'appellation. Et la croûte va du blanc ivoire au rouge orangé.
- Romain LE GAL
D'accord, et avec vraiment cette odeur spécifique ?
- Anne LANG
Avec l'odeur spécifique qui peut légèrement être ammoniaquée, mais sans vraiment... Aller à l'ammoniaque à l'excès.
- Romain LE GAL
Et en plus de ça, cette technologie, c'est dû à son histoire, à ce fromage-là. Tu peux nous raconter un petit peu cette histoire ? Parce que c'est un vieux, vieux fromage.
- Anne LANG
C'est effectivement un vieux fromage. On estime le début de l'histoire du munster au XIIe siècle par une communauté de moines bénédictins qui voulaient nourrir leur communauté, qui ont lancé la fabrication de ce fromage-là. Dans une zone qui est très vaste, le mot « munster » a un peu double signification ici. Soit on utilise le mot « munster » pour faire parler de la ville de Munster, soit « munster » , ceci est un mot dérivé de « monastère » et les moines en fin de compte. A savoir que le « munster » , il a deux noms. On peut dire soit « munster » , soit « munster Géromé » .
- Romain LE GAL
Quoi du coup ?
- Anne LANG
Géromé, c'est un dérivé de la ville Gérardmer, et c'était l'abréviation de la ville Gérardmer. La zone d'appellation, elle englobe en gros tout le massif Vosgien, donc partie Vosges, tout le piémont alsacien, le territoire de Belfort, une partie de la Haute-Saône, la Meurthe-et-Moselle et la Moselle. Donc vraiment concentré autour du massif Vosgien.
- Romain LE GAL
Mais il n'y a pas, sur la zone d'appellation, il n'y a pas que du massif ?
- Anne LANG
Non, il n'y a pas que du massif, non.
- Romain LE GAL
Comment ça se fait ? Parce que moi, il me semble que justement, c'était que l'hiver, il y avait des gens qui redescendaient avec leur bête. Et du coup, dans l'appellation...
- Anne LANG
On parle carrément de transhumance en fin de compte, avec en été des producteurs qui montent sur les chaumes vosgiennes et qui redescendent.
- Romain LE GAL
On appelle ça les hautes chaumes.
- Anne LANG
Les hautes chaumes vosgiennes, voilà, avec un système de transhumance. Oui, en hiver, enfin même avant l'hiver, à partir du mois d'octobre. certains producteurs redescendaient en plaine pour passer l'hiver en plaine et au mois de mai, au beau jour, ils remontaient sur les chômes avec des fromageries doublées, en fin de compte, un atelier en hauteur, en montagne et un atelier plus bas dans la vallée.
- Romain LE GAL
Aujourd'hui, il n'y a plus cette transhumance ? Si,
- Anne LANG
il y a encore des producteurs qui pratiquent la transhumance, qui montent sur les hautes chaumes et qui ont, en fin de compte, deux ateliers de transfo, un en montagne et un en plus bas dans la vallée. Des producteurs qui sont très bien organisés et d'autres qui ont des ateliers de traite mobile. Il y en a même qui n'ont pas d'électricité et qui fonctionnent avec des groupes. Enfin, on a vraiment une grosse diversité de façons de produire dans la zone.
- Romain LE GAL
Et ce fromage, du coup, si tu peux nous raconter un peu rapidement comment il est produit ?
- Anne LANG
Alors, au niveau de la fabrication d'un munster, du coup, on collecte le lait ou en exploitation fermière, on procède à la traite des vaches. le lait est ensuite soit conservé selon la provenance et la typologie d'atelier de fabrication, soit il est emprésuré au bout de 26 heures pour une production fermière, soit il est emprésuré au bout de la 36ème heure maximum si c'est une fabrication au lait cru, sachant que le lait est collecté...
- Romain LE GAL
Et en fermier, c'est obligatoirement du lait cru.
- Anne LANG
Fermier, voilà, obligatoirement du lait cru.
- Romain LE GAL
Et des charges ? fermier, lait cru en munster, il n'y a pas de doute.
- Anne LANG
On ne peut pas faire du lait pasteurisé sur une production fermière en munster. Voilà, le lait est emprésuré. On a un temps de prise d'environ 20-25 minutes. Par après, on découpe le caillé, on moule le fromage.
- Romain LE GAL
Donc c'est un temps de prise quand même hyper rapide.
- Anne LANG
C'est un temps de prise plutôt rapide. C'est ça, je veux dire,
- Romain LE GAL
pour ceux qui nous écoutent et qui n'ont pas le passage de l'état liquide de... L'état solide est assez rapide ?
- Anne LANG
Oui, tout à fait. C'est un des plus rapides dans la techno fromage. Après, il est découpé. Ensuite, on moule, soit à la main, soit avec des répartiteurs. C'est pareil en fonction de l'organisation des ateliers de fabrication. Ensuite, on a l'égouttage des fromages. Une fois que le fromage est égoutté, on va le démouler. Une fois qu'il est démoulé, il va passer entre un et deux jours dans des hâloirs, en fin de compte, pour que l'excès d'humidité et le petit lait ressortent. Après cette étape-là, on va saler les fromages. Et après le salage, on va démarrer l'étape d'affiner.
- Romain LE GAL
Donc c'est à ce moment-là qu'on parle d'un fromage en blanc.
- Anne LANG
En blanc, exactement.
- Romain LE GAL
Et ça te permet de passer à la suite à ton métier d'affineur. Alors comment tu t'expliquerais, c'est quoi pour toi le métier d'affineur ?
- Anne LANG
On est là pour apporter tout son caractère au munster. Parce qu'un munster blanc, déjà, on ne l'appelle pas un munster parce que ce n'est pas le cas. Il a besoin d'avoir un certain nombre de jours d'affinage pour avoir l'appellation. Et notre métier, c'est de... Alors, au préalable, il faut qu'on ait un fromage de bonne qualité. Ça, il faut le baptiser. Voilà. C'est hyper important. Si la fabrication est loupée, on n'arrivera à rien à faire du fromage. Donc, c'est vraiment... C'est les maillons d'une chaîne, en fin de compte. Il faut un bon fromage de base et il faut un bon affineur pour avoir un fromage...
- Romain LE GAL
Et c'est ce qu'on disait quand on préparait l'interview, c'est vraiment le moindre paramètre qui change en production, en affinage...
- Anne LANG
A des impacts imaginables. Voilà, c'est ça.
- Romain LE GAL
Catastrophique. Et du coup, comment on affine un munster ? C'est quoi l'affinage du munster ?
- Anne LANG
L'affinage du munster, c'est déjà... de prendre en considération la provenance du fromage. Un fromage laitier ou un fromage fermier ne va pas avoir les mêmes besoins en affinage. Il y a des fromages qui sont plus fragiles que d'autres. Ensuite, on est là pour surveiller l'hygrométrie de la cave. Chez nous, elle est d'environ 95%. La température des caves d'affinage est importante également. Selon les saisons, on se situe entre 12 et 15°C. On peut aller jusqu'à 16°C, mais on est vraiment, nous, plutôt sur des températures maximum situées à 15°C. Et le fait d'affiner un fromage, c'est de lui apporter de l'eau. Donc en fait, dans le munster, on a un ferment qu'on rajoute. Donc ça s'appelle le ferment, familièrement le ferment du rouge, le Brevibacterium linens.
- Romain LE GAL
Il est aussi présent naturellement dans le lait, ce ferment ? Ou pas. Ou pas ?
- Anne LANG
Il y a des laits qui sont plus pauvres et le ferment, il va falloir le rajouter. Ça, ça dépend vraiment de la provenance du lait. C'est tous ces paramètres-là. Donc c'est la température, c'est l'hygrométrie et le fait de frotter les fromages. Il y a une action mécanique. Et si le fromage n'est pas frotté, il ne se passera rien. Donc typiquement, chez nous, on n'a pas de règles. On est vraiment à l'écoute du fromage. S'il a besoin d'être frotté deux fois la semaine, il sera frotté deux fois la semaine. S'il a besoin d'un frottage en plus, il sera frotté une fois en plus. S'il a besoin uniquement d'être retourné, il sera uniquement retourné. On est vraiment là pour s'adapter aux besoins du fromage.
- Romain LE GAL
Et du coup, ces soins, c'est pour avoir quoi à la fin ?
- Anne LANG
Pour arriver au goût typique du munster, le goût et l'aspect qu'on retrouve dans le cahier des charges du munster.
- Romain LE GAL
Et le munster est affiné combien de temps minimum ?
- Anne LANG
Alors il y a deux catégories, il y a la catégorie des petits fromages, donc sur la première catégorie on va affiner les fromages 14 jours minimum, attention c'est un minimum. Chez nous on est plutôt sur des affinages un peu plus longs. Et après la deuxième catégorie...
- Romain LE GAL
Ça ne veut pas dire grand-chose.
- Anne LANG
On rajoute en général une bonne semaine d'affinage sur l'affinage des produits. Et la deuxième catégorie, on est sur 21 jours minimum d'affinage, sachant que là également, on pousse l'affinage un peu plus loin. À mon sens, un fromage à 21 jours, il est un peu jeune.
- Romain LE GAL
Donc là, c'est pareil, vous rajoutez une semaine, 15 jours ?
- Anne LANG
On peut aller jusqu'à 6 à 7 semaines d'affinage sur un munster fermier affiné sur planche.
- Romain LE GAL
Donc vraiment affiné sur planche.
- Anne LANG
Voilà. On a deux types d'affinage. On a un affinage plutôt classique sur des claies en inox. Et à côté de ça, on a un affinage sur planche qui nous permet de prolonger l'affinage et d'avoir un échange entre le fromage et la planche. La planche va absorber l'excès d'humidité du fromage et quand le fromage va devenir un peu plus sec, la planche va lui rendre l'humidité dont il a besoin. On va avoir des fromages vraiment hyper bien affinés à notre goût qui vont avoir un petit côté cool en sous-croûte. Et c'est ce qu'on va rechercher sur ce type de produit.
- Romain LE GAL
Et du coup, toi, tu es toujours baignée dans le munster ?
- Anne LANG
Oui, oui, oui, oui. À l'époque, on avait des piles de cartons. Et avec ma petite sœur, on allait manger les croûtes de fromage perchées sur les cartons pendant que ma grand-mère travaillait. Oui, donc voilà, j'y suis depuis toute petite.
- Romain LE GAL
Est-ce que tu as vu des évolutions dans les goûts du munster ? Oui. Toi, ce que tu te rappelles de ton enfance ?
- Anne LANG
Oui, alors il y a eu pour moi une évolution sur l'attente du client. Alors en fonction des régions, on a des consommateurs qui vont préférer un munster avec un cœur lactique. Alors à savoir que l'appellation demande un cœur lactique.
- Romain LE GAL
Un cœur lactique avec la caractéristique un peu acide ?
- Anne LANG
Voilà, c'est ça. On appelle ça un cœur crayeux, similaire à de la craie. Donc ça c'est vraiment ce que le cahier des charges demande, c'est une obligation. Nous, on a des clients qui vont apprécier un fromage qui est bien affiné. Et du coup, on est d'accord, le cœur y est présent. Mais en fonction du stade d'affinage et d'avancée de l'affinage du fromage, le cœur va commencer à disparaître. Et nous, les attentes de nos clients, c'est plutôt ça. Et on n'y était pas à l'époque. Là, c'est vraiment pour moi des tendances qui changent. Et on va sur des fromages un peu plus souples que ce qu'il y avait auparavant.
- Romain LE GAL
Et est-ce que tu vois déjà, toi, en région, des consommations sur l'affinage différentes en fonction du bassin de consommation, du fait du côté de Munster et du côté de Jérôme ? Est-ce qu'il y a des différences ?
- Anne LANG
Dans la zone, pour moi, ils sont plus habitués à consommer un Munster crayeux, c'est-à-dire avec un cœur bien présent. Et côté Aurinois, vraiment dans le bassin de consommation autour de chez nous, il ne faut pas leur parler d'un fromage avec un cœur crayeux. C'est un Munster bien affiné, avec une croûte qui coule et un cœur bien présent. coulant sous croûte, c'est vraiment ce que les gens préfèrent de notre côté.
- Romain LE GAL
Et du coup, au niveau de cette filière, c'est quoi la filière Munster ? Il y a combien de Munster, de tonnages qui sont faits par an ?
- Anne LANG
On peut parler de 6000 tonnes, approximativement, sur le marché du Munster.
- Romain LE GAL
Et en fermier, par rapport à ça ?
- Anne LANG
On se situe aux alentours de 15% en production fermière. Le reste est... passe par des transformateurs laitiers. A savoir que nous, on travaille avec les deux. On a des producteurs fermiers qui nous livrent directement et on travaille avec des laiteries également qui nous livrent. Donc on a le double statut. En fait, on est affineur de fromage fermier et affineur de fromage laitier.
- Romain LE GAL
Et du coup, dans cette position d'affineur, vous êtes dépendant des matières premières. Qu'est-ce que vous mettez en place avec vos producteurs pour, entre guillemets, arriver à obtenir le meilleur fromage à la fin ?
- Anne LANG
Alors, avec nos producteurs fermiers, on a déjà une sélection des producteurs avec qui on travaille. Il faut que la matière première convienne à nos caves. On peut avoir une super matière première, mais si elle ne se comporte pas correctement en cave, ce n'est pas la peine de poursuivre, en fin de compte. Et après, au-delà de ça, une fois que les essais sont concluants, on met en place un cahier des charges avec le producteur, on l'accompagne, on communique régulièrement avec lui s'il y a des défauts, quels défauts il faut corriger, et si on peut... On peut les corriger. C'est vraiment un échange constant avec les producteurs. En cas de défaut, bien évidemment, on les informe des défauts qu'on rencontre pour pouvoir modifier des paramètres en fabrication si possible.
- Romain LE GAL
C'est vous qui les ramassez ou qui...
- Anne LANG
Ça dépend des producteurs. Soit ils viennent livrer en caisse, soit on va chercher les fromages directement chez le producteur. Et du coup, ça, minimum une fois par semaine, plus si nécessaire en fonction des volumes fabriqués.
- Romain LE GAL
Du coup, ça permet d'avoir vraiment cet échange régulier.
- Anne LANG
Voilà,
- Romain LE GAL
c'est ça,
- Anne LANG
un échange constant avec les producteurs.
- Romain LE GAL
Et aujourd'hui, tu la vois comment, l'évolution de la filière ? Comment tu vois ce qui va arriver ? Comment tu sens le truc ?
- Anne LANG
Alors moi, j'imagine la filière se diriger plutôt sur des productions laitières, tout simplement parce qu'il y a une complexité du métier de producteur fermier. avec des contraintes de travail qui sont fortes. Je vois plutôt des fermiers se regrouper en plus grosses fermes et le système de laiterie se maintenir. Mais les productions fermières, pour moi, si on ne modifie pas le système, ça tend à diminuer.
- Romain LE GAL
D'accord. Dans la région, compliquées les reprises de fermes. Il n'y a pas forcément de candidats. Oui, tout à fait.
- Anne LANG
On est sur des... comment dire ? Les exploitants agricoles actuellement sont plutôt cinquantenaires et au-delà, et on voit assez peu de reprises par des jeunes.
- Romain LE GAL
Il faut motiver, parler du fromage et du munster fermier pour soutenir la filière. Il y a des... toi, tu as aussi un rôle au niveau de l'organisme du munster, tu es présente en commission. Est-ce qu'il y a des choses qui vont arriver ? Oui. Des réouvertures de cahiers des charges ?
- Anne LANG
Potentiellement, oui. Rien n'est acté à ce sujet.
- Romain LE GAL
Vous échangez régulièrement ? Oui,
- Anne LANG
tout à fait. Oui, ça risque d'arriver la réouverture du cahier des charges.
- Romain LE GAL
Sur quel terme ?
- Anne LANG
Alors, notamment sur les critères de durabilité des appellations. Il va falloir prendre en compte le changement climatique, notamment sur l'autonomie fourragère pour l'alimentation des vaches. Donc, actuellement, c'est 70% d'autonomie pour l'exploitation agricole. Donc, il faut qu'elle... qu'elle utilise 70% de ce qu'elle produit, en fin de compte, et 95% de l'alimentation doit venir de la zone d'appellation. Avec les années de sécheresse qu'on a rencontrées, il y a eu des achats de fourrage au-delà, et du coup, il y a des dérogations qui ont été accordées. Et ces dérogations, il va falloir les mettre dans le dur des cahiers des charges.
- Romain LE GAL
Les dérogations sont tous les ans, ça ne sert plus des dérogations.
- Anne LANG
Il n'y a pas de sens de fonctionner avec des dérogations.
- Romain LE GAL
Sachant que le cahier des charges avait déjà évolué il y a quelques années. Oui,
- Anne LANG
tout à fait. Il a été...
- Romain LE GAL
qui était sur la race des vaches ? Oui,
- Anne LANG
alors il n'y avait pas de race définie dans le cahier des charges jusqu'en 2018. Et depuis 2018, on a quatre races qui sont autorisées, enfin même obligatoires. On a la Prim'Holstein, on a la Simmental, on a la Montbéliarde et on a la Vosgienne. Et au-delà de ces quatre races, on ne peut pas prétendre à l'appellation munster.
- Romain LE GAL
Et ce munster ? On le voit aussi souvent avec du cumin. Pourquoi le cumin ?
- Anne LANG
Alors le cumin, c'est une plante qui pousse dans la zone et c'est le seul ingrédient qui avait... Le cumin des prés ? Carvi ou cumin des prés, il y a deux appellations. Alors ça n'a rien à voir avec le cumin oriental qu'on met dans les plats un peu exotiques. Non, c'est vraiment une plante qui pousse sur la zone et qui a toute sa légitimité dans le fromage. Et du coup, c'est vraiment le seul ingrédient qui est utilisé. Et d'ailleurs, au niveau des appellations françaises, c'est une des seules AOP qui autorise des ingrédients dans le fromage. D'accord.
- Romain LE GAL
Un ingrédient dans le fromage. Et tu trouves que ça apporte quelque chose au fromage ?
- Anne LANG
Oui, pour moi, on le sent vraiment. Alors, personnellement, je déteste le cumin ailleurs que dans le munster et dans le munster. Je trouve que ça apporte un caractère plus digeste, en fait, au fromage.
- Romain LE GAL
D'accord. Donc, t'aimes le cumin ? Que dans le munster.
- Anne LANG
Exactement, ne me parle pas de cumin en dehors du munster, mais dans le munster ça passe, sans problème.
- Romain LE GAL
Et du coup, aujourd'hui, par rapport à cette problématique de manque de matière, comment vous accompagnez vos producteurs ? Comment vous faites pour essayer que demain il y ait encore de la matière ?
- Anne LANG
On leur explique qu'une filière a besoin de ses producteurs pour tenir et pour se maintenir dans l'avenir. Donc en fait, on les accompagne. Je ne sais même pas dire comment, en fin de compte, c'est un soutien en permanence, leur montrer qu'on est là, qu'on les entend, qu'on entend les problématiques, que s'il y a des problématiques de revalorisation du prix du lait, on ne les abandonne pas. C'est vraiment montrer qu'on est là et qu'on a besoin les uns des autres pour perpétuer une filière, en fin de compte.
- Romain LE GAL
Anne, j'aurais une dernière question avant de terminer. C'est quoi ta pizza préférée ?
- Anne LANG
Une calzone à l'aubergine et à la mozzarella, tout simplement.
- Romain LE GAL
D'accord. Pas de doute sur ta pizza préférée. Il n'y a vraiment aucune hésitation. Non,
- Anne LANG
il n'y a pas de pizza sans aubergines et sans mozza.
- Romain LE GAL
Merci beaucoup, Anne, pour cet échange.
- Anne LANG
Avec plaisir.
- Romain LE GAL
J'espère que cet épisode vous a plu. N'hésitez pas à laisser vos commentaires et à partager. On se retrouve bientôt pour un nouvel épisode. Salut, Anne.
- Anne LANG
Salut, Romain.