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Lait'Change #11 - Le Neufchatel AOP avec Sandra FOUQUE

Lait'Change #11 - Le Neufchatel AOP avec Sandra FOUQUE

29min |03/02/2025
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Lait'Change #11 - Le Neufchatel AOP avec Sandra FOUQUE

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Description

En plein Pays de Bray, là où la pluie ne s’arrête jamais, Romain Le Gal, l'un des meilleurs ouvriers de France classe fromagère, se rend au GAEC FOUQUE à la rencontre de Sandra Fouque, productrice de Neufchâtel fermier.

Aux commandes de la ferme avec son mari Frédéric depuis 21 ans, les deux associés se répartissent le travail entre l’élevage de vaches de race Normande et la production fromagère avec l'aide de cinq salariés. L’exploitation est composée de 180 ha dont 60 pâturages pour les 300 bêtes et produit 1 000 000 litres de lait dont 50% est transformé en Neufchâtel.

Le Neufchâtel est un fromage d’appellation d’origine protégée. Il est très reconnaissable par sa forme en cœur mais en réalité, on peut le retrouver sous cinq autres formes moins populaires en dehors de la Normandie. Bonde de 100g, double bonde de 200g, briquette et carré de 100g chacun, cœur de 200g et gros cœur (ou triple cœur) de 600g sont les six formes autorisées dans le cahier des charges et en fonction de l’affinage souhaité, vous pouvez retrouver des fromages assez différents.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Romain LE GAL

    Bienvenue sur Lait'Change, le podcast qui donne la parole aux actrices et aux acteurs de la filière laitière et fromagère. Je suis Romain Le Gal et ce matin j'ai pris la route pour la Seine-Maritime. Vous vous en doutez, j'y ai trouvé un peu de pluie. Je me suis arrêté à côté de Neuchâtel-en-Bray, chez des personnes que j'ai rencontrées il y a quelques mois, des producteurs de Neufchâtel fermier. Je me suis arrêté au Gaec Fouque et je suis actuellement avec Sandra. Bonjour Sandra.

  • Sandra FOUQUE

    Bonjour Romain.

  • Romain LE GAL

    Bon ben merci de nous accueillir sur la ferme aujourd'hui. Sandra, peux-tu te présenter en quelques mots ?

  • Sandra FOUQUE

    Je m'appelle Sandra Fouque, j'ai 45 ans et je suis productrice de Neufchâtel depuis 21 ans.

  • Romain LE GAL

    Donc tu produis d'une Neufchâtel toute seule sur la ferme ?

  • Sandra FOUQUE

    Non, on est avec nos salariés, enfin on est deux associés avec mon mari. Et on a cinq salariés, deux à la fromagerie avec moi et trois sur la partie élevage.

  • Romain LE GAL

    Et du coup la ferme, c'était la ferme de tes parents ?

  • Sandra FOUQUE

    C'était la ferme de mes beaux-parents.

  • Romain LE GAL

    De tes beaux-parents ? Oui,

  • Sandra FOUQUE

    qui sont arrivés... Et il y a, c'est une bonne question, environ 45 ans, je pense.

  • Romain LE GAL

    Il y a un moment, du coup.

  • Sandra FOUQUE

    Il y a un moment, qui venait, eux, du Vexin.

  • Romain LE GAL

    D'accord.

  • Sandra FOUQUE

    Et mon beau-père voulait absolument faire de l'élevage de race Normande. Donc, pour lui, ça a été évident de faire de la race normande en Normandie. Voilà comment ils sont arrivés par ici.

  • Romain LE GAL

    Comment ils sont arrivés dans le pays de Bray ?

  • Sandra FOUQUE

    Le Pays de Bray...

  • Romain LE GAL

    Tout à l'heure, tu me disais, quand on a préparé l'interview, le Pays de Bray...

  • Sandra FOUQUE

    Le Pays de Bray, c'est... C'est le Pays de Brin. On n'appelle plus ça comme ça. Le Pays de Bray, c'est le Pays de Bray. Mais étymologiquement parlant, si on peut dire, ça veut dire le Pays de Brin. Connoté pas très positif, quand tu faisais allusion à la pluie, je pense que c'est ça. Pays de Bray, parce que très vallonné, boueux, gadou. etc. et qui n'est pas si éloigné de la réalité.

  • Romain LE GAL

    Et toi...

  • Sandra FOUQUE

    tu es arrivée... Il y a 21 ans pour la production du fromage, en fait.

  • Romain LE GAL

    Et tu t'es dit, bon, j'arrive sur la ferme et je vais faire du Neufchâtel avec toi.

  • Sandra FOUQUE

    Mais... Assez vite, mais non, ça ne s'est pas passé aussi vite. Mais moi, j'étais encore en études, des études commerciales qui ne me plaisaient pas du tout. Après un bac littéraire, donc rien d'agricole dans mon parcours. Et puis, j'ai dit... Comme le commerce ne me plaisait pas et que je ne resterais pas dedans, on y a vu un signe. J'ai tout appris sur le tas.

  • Romain LE GAL

    Quand tu es arrivée, il y avait déjà du fromage ?

  • Sandra FOUQUE

    Il n'y avait pas de production de fromage. C'était juste de l'élevage du lait, la production de lait et les cultures.

  • Romain LE GAL

    Ton mari, à l'époque, était associé ?

  • Sandra FOUQUE

    Il était... Je ne sais plus. Pas encore, peut-être. Ils venaient de s'installer, peut-être. Je ne sais plus exactement. On cherchait une activité pour pouvoir faire vivre deux couples sur cette exploitation, qui ne le permettait pas avec la situation, avec mes beaux-parents. Juste si on était restés dans l'état actuel des choses, on ne pouvait pas se dégager de revenus. Donc, étant dans le pays de Bray, dans la zone géographique du Neufchâtel, on s'est dit pourquoi pas faire du fromage. Ça s'est passé comme ça.

  • Romain LE GAL

    Et toi, t'aimais bien le fromage ?

  • Sandra FOUQUE

    Et moi, j'adore le fromage,

  • Romain LE GAL

    donc pourquoi pas. Finalement, c'est bien tombé. Et donc, le Neufchâtel, puisque c'est l'appellation d'origine protégée. En plus, vous faisiez déjà de la Normande.

  • Sandra FOUQUE

    Déjà de la Normande. Par contre, il a fallu investir directement dans des nouveaux locaux avant de savoir si on allait réussir à faire du fromage. Ça, c'était le côté un peu insouciant.

  • Romain LE GAL

    T'avais pas été un petit peu produire chez des producteurs à côté ?

  • Sandra FOUQUE

    Parce que moi, comme je n'avais aucun niveau agricole, il a fallu que je fasse un petit stage.

  • Romain LE GAL

    Est-ce que tu pourrais expliquer ça pour ceux qui ne le savent pas, au niveau du niveau agricole ?

  • Sandra FOUQUE

    En fait, avoir un niveau agricole sert uniquement à des aides pour financer les installations, avoir des prêts bonifiés, etc. Donc c'est uniquement à ça que ça sert. Mais quand on a zéro niveau agricole, ça permet quand même aussi de comprendre quelques termes techniques. Ce n'est pas tout à fait inutile quand même, ça ne sert pas, pas que aller voir les banques. Et puis...

  • Romain LE GAL

    Donc là, tu as été faire des stages dans des exploitations ?

  • Sandra FOUQUE

    J'ai fait, je ne sais plus, trois mois chez un producteur de Neufchâtel pour savoir quand même de quoi on parlait.

  • Romain LE GAL

    Donc là, tu étais sur la ferme et dans la fromagerie ou uniquement ?

  • Sandra FOUQUE

    Uniquement fromagerie.

  • Romain LE GAL

    Uniquement fromagerie.

  • Sandra FOUQUE

    Fromagerie traite, mais vraiment surtout pour fromagerie. On est tombé sur des gens adorables qui nous ont montré comment ils travaillaient. Et puis, on a gardé ce qu'on voulait garder. Et puis... On n'a pas gardé ce qu'on ne voulait pas garder, puis après on s'est lancé chez nous.

  • Romain LE GAL

    D'accord, directement après le stage ?

  • Sandra FOUQUE

    Quelques mois après, parce que franchement, c'était il y a quelques années. Alors, je n'ai plus la chronologie exacte.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, vous avez eu des soucis au démarrage ou tout s'est passé comme sur le plan ?

  • Sandra FOUQUE

    Pas de soucis, non, non, plutôt pas de soucis. On a tout de suite commencé à fabriquer des très, très petits volumes.

  • Romain LE GAL

    D'accord.

  • Sandra FOUQUE

    Évidemment.

  • Romain LE GAL

    Vous aviez combien de vaches à l'époque ?

  • Sandra FOUQUE

    Il devait y avoir une soixante... Centaines de vaches, 70 vaches peut-être.

  • Romain LE GAL

    Donc au début, petit volume.

  • Sandra FOUQUE

    On gardait 100 litres, 200 litres de lait.

  • Romain LE GAL

    C'était des petites productions que vous vendiez en direct sur la ferme ?

  • Sandra FOUQUE

    On faisait des marchés, quelques marchés. On a commencé en mai-juin, quelque chose comme ça.

  • Romain LE GAL

    Il y avait des marchés sur Neufchâtel ?

  • Sandra FOUQUE

    Des marchés, des petits marchés ponctuels d'été, des choses comme ça. Et puis, on a eu la chance de trouver un client assez rapidement qui nous a fait augmenter les volumes. Et c'est parti assez vite, en fait. Et il y avait juste quelqu'un qui ne nous suivait pas, c'était le comptable, qui n'était pas du tout chaud sur cette idée de transformation. Donc, on a fait des études de comptable, forcément. Et l'idée, c'était que ça devenait rentable si on transformait 70 000 litres de lait au bout de trois ans.

  • Romain LE GAL

    D'accord. Et vous l'avez atteint en combien de temps ?

  • Sandra FOUQUE

    On a dû faire 50 000 la première année.

  • Romain LE GAL

    Donc finalement, le challenge allait être vite rempli.

  • Sandra FOUQUE

    Donc le comptable s'est détendu.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, après, vous avez agrandi la fromagerie ? Ou comment ça s'est passé ?

  • Sandra FOUQUE

    On a agrandi au bout de dix ans, en fait.

  • Romain LE GAL

    Vous avez saturé le premier outil ?

  • Sandra FOUQUE

    Tout à fait. C'était quand même compliqué parce qu'on avait des petits tanks. Un tank de 400 litres de mémoire et un tank de 700 ou quelque chose comme ça. Moi, j'ai eu deux enfants quand même en cours de route. Donc, couler au seau, se pencher dans les tanks, etc. C'était compliqué.

  • Romain LE GAL

    Couler au seau, pour toi, ça veut dire ?

  • Sandra FOUQUE

    Ça veut dire prendre le caillé qui est dans le tank pour le verser dans les sacs pour que ça s'égoutte.

  • Romain LE GAL

    Ok, mais on reviendra sur comment on fait du neufchâtel juste après. Donc, vous avez agrandi la fromagerie. C'était donc dix ans après. Et maintenant, au niveau de l'exploitation, vous avez combien de vaches laitières ?

  • Sandra FOUQUE

    Alors aujourd'hui, on a 140 vaches laitières.

  • Romain LE GAL

    D'accord. À la traite ?

  • Sandra FOUQUE

    À la traite, oui, à la traite. Oui,

  • Romain LE GAL

    mais c'est toujours...

  • Sandra FOUQUE

    Oui, 140 vaches laitières à traire, mais après, il y a à peu près 250-300 bêtes

  • Romain LE GAL

    Vous faites à peu près un million de litres de lait. C'est ça. Et vous transformez ...

  • Sandra FOUQUE

    À peu près la moitié.

  • Romain LE GAL

    À peu près la moitié, d'accord. Et au niveau des races, vous êtes en...

  • Sandra FOUQUE

    Quasi exclusivement normande. Il y a quelques...

  • Romain LE GAL

    Oui, de toute façon, pour faire du Neufchâtel, il faut au minimum 60% de vaches normandes. Donc en étant quasiment à 100%, on est dans les clous. Et du coup, la production de Neufchâtel maintenant, comment on fait, Sandra, un bon neuf châtel ?

  • Sandra FOUQUE

    On fait du bon neuf châtel avec du bon lait.

  • Romain LE GAL

    Déjà un bon Neufchâtel fermier.

  • Sandra FOUQUE

    Oui, du Neufchâtel fermier.

  • Romain LE GAL

    Donc ça veut dire que le lait provient de ta ferme et que tu vas transformer le fromage sur ta ferme.

  • Sandra FOUQUE

    C'est le lait uniquement de la ferme. Des vaches qui sont élevées sur la ferme et le lait de la ferme. Il n'y a pas d'achat de lait à côté. Donc au niveau de la production, il y a déjà 48 heures entre le moment où on garde le lait et le moment où le fromage est moulé.

  • Romain LE GAL

    D'accord.

  • Sandra FOUQUE

    Donc à peu près 24 heures de caillage, on va dire.

  • Romain LE GAL

    D'accord, donc c'est un fromage qu'on va appeler dans...

  • Sandra FOUQUE

    Un caillé lactique.

  • Romain LE GAL

    Un caillé lactique dans les technologies.

  • Sandra FOUQUE

    Ouais, pâte molle à croûte fleurie, exactement.

  • Romain LE GAL

    Donc du coup, 24 heures de temps de prise.

  • Sandra FOUQUE

    24 heures de... caillage et puis après on peut découper 12h, donc 12h d'égouttage et 12h de pressage pour schématiser.

  • Romain LE GAL

    Si je reprends pour les gens qui nous écoutent, donc je prends mon lait que je laisse maturer et cailler pendant 24h, après tu as utilisé le mot, je vais le couler. Autrement dit, le décaillage, on décaille, ça va dans des grands sacs, dans des filets de pêche. Ça c'est une vraie particularité d'une Neufchâtel. Vous avez une phase d'égouttage, une première phase d'égouttage ?

  • Sandra FOUQUE

    Qui dure environ 12 heures. Schématisé, ça fait à peu près ça. Ça s'égoutte, on va dire, toute la journée. Et après, ça presse toute la nuit.

  • Romain LE GAL

    Ça presse toute la nuit.

  • Sandra FOUQUE

    Donc, 48 heures entre la traite et la phase de fabrication.

  • Romain LE GAL

    OK. Donc, une fois que c'est pressé ?

  • Sandra FOUQUE

    Après, on a des sacs où on a des espèces de petites galettes de pâtes, si vous voulez.

  • Romain LE GAL

    De pâtes, oui.

  • Sandra FOUQUE

    Et donc, après, le jour de la fabrication, on intègre 2% de sel environ. Oui.

  • Romain LE GAL

    Malaxé. C'est une étape de malaxage.

  • Sandra FOUQUE

    Pétrin de boulanger ou de charcutier. Donc 2%.

  • Romain LE GAL

    Et le pénicillium, du coup, pour que ça soit une...

  • Sandra FOUQUE

    Pour moi, tout est ajouté au moment de la traite. À la fin de la traite, j'ensemence mon lait.

  • Romain LE GAL

    D'accord.

  • Sandra FOUQUE

    J'ajoute le pénicillium.

  • Romain LE GAL

    Il y en a, il me semble, qui rajoutent aussi des ferments à ce moment-là, dans le pétrissage ?

  • Sandra FOUQUE

    Ah, dans le pétrissage, je ne sais pas.

  • Romain LE GAL

    Vous avez chacun un peu toutes vos recettes.

  • Sandra FOUQUE

    Quand ça marche, en fait, on ne change rien. Tant que ça marche.

  • Romain LE GAL

    Touche de la peau de singe. Donc, tu as malaxé.

  • Sandra FOUQUE

    On a une belle pâte homogène, en fait. Et puis après, c'est moulé.

  • Romain LE GAL

    C'est moulé avec ?

  • Sandra FOUQUE

    Moulé à la mouleuse, maintenant. Je l'ai fait pendant... 15 ans, 12, 13 ans, 15 ans, je ne sais pas exactement, à la main.

  • Romain LE GAL

    Donc à la main, qu'est-ce que tu appelles à la main pour les gens qui n'ont jamais vu ?

  • Sandra FOUQUE

    Alors à la main, on faisait des petites boules de pâtes, style pâte à modeler, où on moulait les fromages un à un dans un emporte-pièce en inox. Et un à un, on faisait les fromages.

  • Romain LE GAL

    Donc emporte-pièce en inox, avec quelle forme ?

  • Sandra FOUQUE

    En cœur,

  • Romain LE GAL

    bien sûr. En cœur, bien sûr. Pas que, on dirait.

  • Sandra FOUQUE

    Mais essentiellement en cœur , et pas que, parce que le cœur est une des formes de l'AOP. Il y en a six.

  • Romain LE GAL

    Six. Alors, si on les nomme, il y a le cœur.

  • Sandra FOUQUE

    Il y a le cœur. Il y a le...

  • Romain LE GAL

    Qui fait à peu près 200 grammes.

  • Sandra FOUQUE

    C'est ça, à peu près.

  • Romain LE GAL

    Il fait 200 grammes, effectivement.

  • Sandra FOUQUE

    Le cœur, la bonde qui fait 100 grammes, qui est un cylindre, en fait. La double bonde, 200 grammes.

  • Romain LE GAL

    200 grammes.

  • Sandra FOUQUE

    Comme son nom l'indique. La briquette qui fait 100 grammes. le carré qui fait également 100 grammes, je crois, le triple cœur.

  • Romain LE GAL

    Dans le cahier des charges, moi, je lis le gros cœur. Ça, c'est un point de...

  • Sandra FOUQUE

    Triple, mais c'est évident, puisque ça fait 600 grammes, ça fait trois fois 200. C'est assez logique.

  • Romain LE GAL

    C'est plutôt là...

  • Sandra FOUQUE

    Est-ce que là, j'en ai six ?

  • Romain LE GAL

    Alors, oui, il me semble que tu en as six, mais il y en a qui aimeraient bien inclure un septième. Il y a des fois, il y a... Il y a un petit débat sur le mini-cœur, mais pour le moment, il n'est pas encore Neufchâtel.

  • Sandra FOUQUE

    Effectivement, c'est une forme qui plaît beaucoup, que tous les producteurs, à mon avis, doivent faire aujourd'hui, mais qu'on n'a pas le droit d'appeler Neufchâtel. Contrairement à d'autres formes qui ne sont plus du tout exploitées, je pense au carré ou à la bonde, par exemple,

  • Romain LE GAL

    qui font toujours partie... Peut-être un petit peu dans votre région et encore ?

  • Sandra FOUQUE

    Moi, je n'en crois pas.

  • Romain LE GAL

    Même pas du tout ? Non.

  • Sandra FOUQUE

    Très honnêtement.

  • Romain LE GAL

    Portée disparue.

  • Sandra FOUQUE

    Portée disparue, nous cherchons le carré. Donc non, effectivement, l'idée, ce serait de supprimer une de ces formes non utilisées, non exploitées, et puis à la place d'intégrer le mini-cœur qui plaît au plus grand nombre.

  • Romain LE GAL

    Donc là, on a moulé, donc aujourd'hui avec une mouleuse.

  • Sandra FOUQUE

    Aujourd'hui avec une mouleuse, elle a machiné.

  • Romain LE GAL

    Un genre de trémie où la pâte est poussée dans une forme, et puis cette forme est coupée.

  • Sandra FOUQUE

    Voilà.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, après ?

  • Sandra FOUQUE

    Posé sur des grilles.

  • Romain LE GAL

    Des grilles.

  • Sandra FOUQUE

    Voilà, des grilles d'affinage et puis emmené en cave.

  • Romain LE GAL

    Donc à partir du moment jour de fabrication, il faut combien de temps pour sortir un Neufchâtel AOP ?

  • Sandra FOUQUE

    Il faut dix jours.

  • Romain LE GAL

    Dix jours, comptez jour de fabrication. Oui,

  • Sandra FOUQUE

    avant ce n'est pas du Neufchâtel.

  • Romain LE GAL

    Avant ce n'est pas du Neufchâtel, c'est juste un cœur.

  • Sandra FOUQUE

    C'est juste un cœur.

  • Romain LE GAL

    C'est un cœur de Normandie. Et pas du Neufchâtel AOP de Normandie.

  • Sandra FOUQUE

    Alors tu dis Neufchâtel.

  • Romain LE GAL

    Neufchâtel.

  • Sandra FOUQUE

    C'est du Neufchâtel.

  • Romain LE GAL

    On prononce forcément le F ?

  • Sandra FOUQUE

    Forcément, je ne sais pas. Je pense que oui. D'accord. Parce que Neufchâtel, ça existe et c'est en Suisse.

  • Romain LE GAL

    D'accord. Mais j'ai toujours dit Neufchâtel. Maintenant, je vais avoir le doute. Je vais bloquer. C'est comme le débat entre un époisse et une époisse. Moi, c'est un époisse. Et la norme, normalement, c'est un époisse. Mais effectivement...

  • Sandra FOUQUE

    Parce qu'il y a des gens qui disent une époisse.

  • Romain LE GAL

    Eh oui, il y en a. Ah bon ? Eh bien oui. Mais donc, le Neufchâtel. Je penserai à toi à chaque fois que je prononce ce magnifique F. Donc là, 10 jours d'affinage, minimum ?

  • Sandra FOUQUE

    Minimum, après.

  • Romain LE GAL

    Après, je crois que vous avez un affinage qui est un peu particulier.

  • Sandra FOUQUE

    ça peut aller très très loin, ça peut aller 2 mois, 3 mois, sur les gros cœurs, ça peut être plus.

  • Romain LE GAL

    On n'y est pas encore allé aujourd'hui, mais on y retournera après. Je sais, j'ai souvenir que quand on arrive dans la cave où les neufchâtels sont très très affinés...

  • Sandra FOUQUE

    C'est très ammoniaqué.

  • Romain LE GAL

    On pleure rapidement. On pleure rapidement. C'est-à-dire qu'on a les larmes qui montent assez rapidement. Et c'est vrai que c'est une des typicités du Neufchâtel. En consommation régionale, il y en a qui le mangent.

  • Sandra FOUQUE

    C'est très local. C'est très local. Mais oui, c'est comme ça qu'on...

  • Romain LE GAL

    Il me semble d'ailleurs que Frédéric, ton mari... Ah, il ne l'a eu que ça. C'est un vrai. En même temps, c'est un vrai. Il a toujours vécu là.

  • Sandra FOUQUE

    Oui, il a toujours vécu là. Donc,

  • Romain LE GAL

    c'est un vrai du terroir. D'accord. Et donc, vos Neufchâtel, ensuite, sont commercialisés après 10 jours. Donc, vous passez une phase d'emballage ?

  • Sandra FOUQUE

    Oui, alors soit emballés, soit vendus nus, parce que parfois, ils sont vendus nus pour des épiceries, pour les marchés aussi, les vendeurs de marchés. Donc oui, il y a une petite phase d'emballage.

  • Romain LE GAL

    Et vous faites un autre fromage de mes souvenirs ? Qui est un énorme cœur.

  • Sandra FOUQUE

    Ah bah oui, c'est la même pâte.

  • Romain LE GAL

    C'est la même pâte, alors c'est finalement l'énorme cœur de Massy.

  • Sandra FOUQUE

    Voilà. Nous, on avait imaginé des noms, mais on ne l'a jamais validé. Donc les gens nous commandent un très gros cœur.

  • Romain LE GAL

    Un très gros cœur, c'est même un très très gros cœur. Donc il fait combien de kilos celui-là ?

  • Sandra FOUQUE

    Alors nous, ceux qu'on fait font à peu près 5 kilos. mais je sais qu'au syndicat du Neufchâtel, ils ont un moule qui est disponible et je pense que ça peut aller jusqu'à 12-13 kilos quand il est bien...

  • Romain LE GAL

    C'est quand même une belle bête.

  • Sandra FOUQUE

    C'est une belle bête. Il faut être un certain nombre à table.

  • Romain LE GAL

    Aujourd'hui, au niveau de la filière Neuchâtel, je me rappelle avoir lu que c'était environ 1700 tonnes. Vous êtes encore combien d'acteurs à produire du Neufchâtel ?

  • Sandra FOUQUE

    Alors là, on est une vingtaine. Je pense aujourd'hui, 22-23 producteurs, tout confondu fermier et non fermier et industriel.

  • Romain LE GAL

    Et quand tu as commencé, est-ce que tu te rappelles à peu près ?

  • Sandra FOUQUE

    Pour moi, c'était plutôt une trentaine. D'accord.

  • Romain LE GAL

    Et en fermier, il me semble que c'est à peu près 25% des Neufchâtels qui sont fermiers aujourd'hui. Je me semble avoir lu sur les derniers chiffres, c'est ce que j'ai lu, environ 25% des Neufchâtels sont fermiers. et quand c'est fermier, c'est forcément lait cru.

  • Sandra FOUQUE

    Quand c'est fermier, c'est lait cru, c'est produit sur l'exploitation avec le lait de l'exploitation.

  • Romain LE GAL

    Il y a aussi d'autres règles sur le lait, des règles sur l'alimentation, le fondement des forages. C'est minimum combien de temps à l'herbe ? C'est la moitié de la vie. C'est six mois de pâturage. D'ailleurs, on n'en a pas parlé, vous avez combien d'hectares ? comment vous fonctionnez ?

  • Sandra FOUQUE

    Il y a 180 hectares en totalité et on a une soixantaine d'hectares de pâtures accolées à la stabulation. Les vaches sont dehors le plus possible très rapidement dans l'année. Cette année est assez particulière à cause de la pluie, mais elles sortent généralement fin février.

  • Romain LE GAL

    Parce que normalement, pas toute l'année en Normandie ? en Haute-Normandie ?

  • Sandra FOUQUE

    C'est très vert, ça reste très vert très longtemps, mais là c'est vrai qu'on est, comme une bonne partie du nord de la France, on est quand même...

  • Romain LE GAL

    On manque pas trop d'eau.

  • Sandra FOUQUE

    On manque pas d'eau, voilà, et non plus aujourd'hui, mais on manque pas d'eau, c'est vrai. Il y a aussi du maïs, il y a du blé, etc., qui servent aussi à l'alimentation.

  • Romain LE GAL

    Vous êtes autonome ou pas en alimentation ?

  • Sandra FOUQUE

    Non, on n'est pas autonome.

  • Romain LE GAL

    C'est un projet, ça, pour l'avenir ?

  • Sandra FOUQUE

    Oui, c'est pas un projet, parce que ça nécessiterait énormément d'investissements en... Je pense que l'idéal, c'est un système séchage en grange, en fait, où là, ça permet d'être autonome. Je pense que les investissements sont tellement énormes que... Je dis ça parce que Frédéric y a pensé à un moment, ce séchage en grange, je pense qu'il aurait adoré ce système-là, mais il faut avaler un investissement pareil.

  • Romain LE GAL

    Le Neufchâtel, on dit que c'est un très, très vieux fromage.

  • Sandra FOUQUE

    Très, très vieux fromage. C'est peut-être... pas la première production, comme tu disais tout à l'heure,

  • Romain LE GAL

    c'est la troisième appellation d'origine de Normandie. Donc, si on répète, si on rappelle les premières, c'est en numéro 1 le Camembert AOP de Normandie. Le deuxième, c'est le Pont-L'Evêque. Puisqu'il faut sauver le soldat Livarot. Pourquoi je dis le soldat Livarot ? Parce qu'il y a 5 galons comme un colonel. D'accord. Donc ça, c'est la plus petite. Et effectivement, le Neufchâtel arrive en troisième position avec environ 1700 tonnes, un petit peu moins de 1700 tonnes de Neufchâtel produit.

  • Sandra FOUQUE

    Donc il est troisième là, mais il est numéro un en chronologie, on va dire, parce que c'est le plus vieux de Neufchâtel.

  • Romain LE GAL

    Et pourquoi tu dis le plus vieux du coup ?

  • Sandra FOUQUE

    Parce que les premières traces remontent au Moyen-Âge. 1200 ou je ne sais pas, je n'ai pas la date exacte.

  • Romain LE GAL

    Et c'est pourquoi du coup le Neufchâtel, il sera en cœur historiquement ? Ah, la fameuse histoire. Bah oui, attention, minute, comptez les gens. Minute,

  • Sandra FOUQUE

    comptez les gens, absolument. Ça date de la guerre de Cent Ans, je suis arrivée, où les soldats anglais étaient venus combattre en France. Et à la fin de la guerre, quand ils sont repartis dans leur pays... Évidemment, ils avaient rencontré de merveilleuses petites Normandes, probablement, et elles se sont mises à fabriquer du fromage en forme de cœur pour prouver leur amour aux soldats anglais quand ils sont repartis chez eux.

  • Romain LE GAL

    Pour toi, c'est quoi les enjeux demain ?

  • Sandra FOUQUE

    Les enjeux ?

  • Romain LE GAL

    Les enjeux de manière générale sur la filière Neuchâtel, comment tu vois l'avenir ?

  • Sandra FOUQUE

    J'ai déjà 45 ans, donc je me dis, nous, ça va aller. On a une production qui est plutôt tendance à la hausse, mais aussi parce qu'il y a des producteurs qui arrêtent, il y a des producteurs qui ont l'âge de la retraite avec pas de repreneurs, des gens qui arrêtent parce qu'ils n'y trouvent pas leur compte. Donc effectivement, aujourd'hui, on a du travail. Mais à très longue échelle, à plus long terme, Je ne sais pas ce que ça va donner. Parce que ce n'est même pas la filière Neufchâtel.

  • Romain LE GAL

    C'est l'agriculture en général. Qui n'attire pas,

  • Sandra FOUQUE

    qui n'attire plus beaucoup de monde.

  • Romain LE GAL

    Et toi, dans tes deux enfants, il y en a un des deux qui se prédestinerait ?

  • Sandra FOUQUE

    Alors pourquoi un des deux ? Ça pourrait être les deux.

  • Romain LE GAL

    Oui, un et où ? Ou pas ?

  • Sandra FOUQUE

    En fait, ils sont attachés à la ferme. Ils aiment bien. Je pense qu'ils sont contents d'avoir grandi à la ferme. Mais faire ce métier-là... Clairement, je ne pense pas que ce soit leur projet. Et pour la même raison que la majorité des jeunes aujourd'hui, très peu de reconnaissance, très peu de revenus, en tout cas un revenu qui n'est pas à hauteur du travail fourni. Et puis, ce qui est dur dans le métier, c'est qu'il n'y a jamais d'arrêt. Notre vie est notre métier. Il n'y a pas de scission entre la vie privée et la vie perso.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, comment vous le gérez ? Parce que finalement, la maison est quasiment à côté de la ferme, voire collée à la ferme.

  • Sandra FOUQUE

    C'est ça. Quand on rentre à la maison, on parle encore boulot et c'est que boulot. C'est une vie particulière.

  • Romain LE GAL

    Vous arrivez de temps en temps quand même à couper un petit peu ?

  • Sandra FOUQUE

    Quand on dort.

  • Romain LE GAL

    Quand on dort.

  • Sandra FOUQUE

    C'est vraiment l'aspect très difficile du métier d'agriculteur.

  • Romain LE GAL

    Surtout quand il y a un élevage électrique, c'est 7 jours sur 7.

  • Sandra FOUQUE

    Je suis d'accord. Agriculteur et éleveur, il faut vraiment...

  • Romain LE GAL

    Au niveau de la répartition, toi, tu es fromagerie, fromagerie.

  • Sandra FOUQUE

    Fromagerie, compta.

  • Romain LE GAL

    Compta, oui. Et Frédéric s'occupe plus de l'élevage et culture. Et du coup, tu produis tous les jours de la semaine ?

  • Sandra FOUQUE

    Alors, on se garde le dimanche. Mais si on veut travailler le lundi, il faut quand même travailler le dimanche. On ne moule pas le dimanche. Et sinon, ça dépend. Parfois, c'est du lundi au samedi, du lundi au vendredi, du mardi au vendredi. Ça dépend, on s'adapte en fonction des commandes, en fonction de la demande.

  • Romain LE GAL

    Ce n'est vraiment pas un rythme facile. Et c'est vrai que c'est aujourd'hui pour ça qu'on voit aussi des GAEC arriver pour justement arriver à se donner des week-ends.

  • Sandra FOUQUE

    Oui, ça c'est un bon système. Mais quand le GAEC est un couple...

  • Romain LE GAL

    C'est plus compliqué. Vous ne faites pas un week-end sur deux, garde partagé avec l'exploitation.

  • Sandra FOUQUE

    On a eu un associé, mais aujourd'hui on n'est plus que tous les deux.

  • Romain LE GAL

    Vous n'êtes plus que tous les deux, l'association ce n'était pas forcément très...

  • Sandra FOUQUE

    L'association, c'est comme un mariage, c'est compliqué. Parfois il y a des divorces. Donc là, en l'occurrence, il y a eu un divorce. Et effectivement, il a fallu continuer à supporter à deux ce qui devait être supporté à trois. Donc voilà, ce n'est pas toujours simple.

  • Romain LE GAL

    C'est vraiment un des enjeux et défis de l'agriculture demain, c'est de trouver des nouvelles vocations.

  • Sandra FOUQUE

    Mais même pour les salariés. Nous, aujourd'hui, on a une équipe qui tourne très bien. Mais trouver des salariés en milieu agricole, c'est aussi très, très compliqué. Parce que c'est notamment en élevage laitier, parce que les traites... C'est tous les jours de la semaine qu'on se marie, que la grand-mère soit morte ou que ce soit Noël ou le baptême du petit dernier. Il faut traire, de toute façon. Donc ça, pour les jeunes générations, c'est compliqué à comprendre. Je pense que c'est ce qui ne plaît pas du tout à mes enfants. Non, c'est ce qui est très compliqué. Il ne faut pas se mentir.

  • Romain LE GAL

    Aujourd'hui, c'est une vie dure, la vie d'agriculteur, d'agricultrice. Oui. Effectivement. Et ça s'organise comment ? Une journée type pour Frédéric ou pour toi ?

  • Sandra FOUQUE

    Alors, une journée type. Déjà, on se lève très tôt. Tous les jours, à 5h moins le quart, on est debout. Et à 5h10 environ, on est à la fromagerie. Après, c'est une partition qui est bien rodée. On a chacun nos tâches. Frédéric m'aide pendant une petite demi-heure le matin parce qu'il a des plus gros bras que moi et que je ne peux pas décharger les presses toute seule.

  • Romain LE GAL

    Il faut rappeler que la fromagerie, c'est quand même aussi des métiers physiques.

  • Sandra FOUQUE

    C'est un peu physique, absolument.

  • Romain LE GAL

    Pas de salle de sport.

  • Sandra FOUQUE

    Si, pourtant, j'y vais quand même.

  • Romain LE GAL

    Tu y vas quand même ? Oui. C'est bien aussi.

  • Sandra FOUQUE

    Donc, il m'aide à décharger les sacs, en fait. Il décharge les sacs tout seul. Et puis après, on... Donc, on décaille le lait de la veille parce que c'est toujours, on finit une étape pour en commencer une autre. C'est assez logique de vider le tank avant de le remplir avec la traite qui arrive. Donc, après, Frédéric, lui, va à la traite. Du coup, moi, je reste à la fromagerie où on est en fabrication jusqu'à peu près 8h30, 9h. Ensuite, on a trois quarts d'heure de nettoyage. Et puis après, c'est de la préparation de commandes jusqu'à midi, heure où on coule le deuxième tank de la veille au soir. Et puis, quand on n'a pas fini, on revient l'après-midi pour finaliser les commandes et aussi faire les livraisons.

  • Romain LE GAL

    D'accord. Et puis,

  • Sandra FOUQUE

    la fin d'après-midi est vite arrivée. Les enfants, les miens sont grands, mais j'en ai quand même encore un au lycée, donc il faut aller le chercher. Après, j'enchaîne avec mon deuxième métier de femme d'intérieur.

  • Romain LE GAL

    Oui, ben... La vie continue à côté de la ferme.

  • Sandra FOUQUE

    Une journée entre autres. Après, il y a également la compta, s'occuper des salariés, faire les plannings, etc. Et Frédéric, lui, il est plutôt sur de la pleine, entretien du matériel, puis la traite qui repart le soir.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, aujourd'hui, c'est quoi qui te plaît dans ton métier ?

  • Sandra FOUQUE

    C'est quoi qui me plaît dans mon métier ? C'est la satisfaction, sans doute, de suivre de A à Z, de produire un lait qui est sur la ferme et d'en sortir un produit fini. On a la boucle bouclée, en fait.

  • Romain LE GAL

    De la fourche à la fourchette, finalement. Ça fait un peu cliché de dire ça, mais c'est un peu ça.

  • Sandra FOUQUE

    Je pense que c'est la satisfaction de tout agriculteur qui fait de la transfo.

  • Romain LE GAL

    Et aujourd'hui pour toi, c'est quoi un bon Neufchâtel ?

  • Sandra FOUQUE

    C'est un Neufchâtel Fouque,

  • Romain LE GAL

    évidemment. Ah, évidemment. Mais si on parle du produit en tant que tel, toi tu manges que des cœurs ou tu manges d'autres formats ?

  • Sandra FOUQUE

    Alors moi, mon format préféré, c'est la double bonde.

  • Romain LE GAL

    D'accord, pourquoi ?

  • Sandra FOUQUE

    Je trouve que ça s'affine bien. Je ne sais pas pourquoi. Après, c'est vraiment des affaires de goût. Mais mon format préféré, c'est la double bonde. C'est... Ouais.

  • Romain LE GAL

    Et sur quel affinage ?

  • Sandra FOUQUE

    Il faut un mois et demi, deux mois quand même.

  • Romain LE GAL

    Ah oui, il faut déjà qu'il y ait un crémeux.

  • Sandra FOUQUE

    Crémeux à souhait.

  • Romain LE GAL

    J'ai une dernière question avant de te laisser, Sandra. C'est quoi ta pizza préférée ?

  • Sandra FOUQUE

    C'est ma pizza préférée. C'est bizarre parce que c'est encore avec moi. J'adore la quatre fromage, bizarrement.

  • Romain LE GAL

    Et pourquoi pas ?

  • Sandra FOUQUE

    Parce que du fromage, je vis dedans. Alors, je ne suis pas obligée d'en mettre encore dans les pizzas. Mais oui, j'aime beaucoup la quatre fromage.

  • Romain LE GAL

    Non, parce que c'est une question qui est quand même intéressante, puisque la pizza, c'est finalement... On est le premier pays consommateur de pizza à égalité avec les États-Unis. Et on a tous une pizza préférée. Et on a tous, peut-être ou pas, quelque chose contre la pizza hawaïenne, mais on en reparlera peut-être dans un prochain épisode. Je te remercie, Sandra, du temps qu'on a partagé ensemble. Et puis, on va aller déguster un bon bout de... De Clausou ? Ah oui, j'ai ramené une petite planche, effectivement, avec du Clausou. J'ai fait découvrir à Sandra le Clausou de nos amis de chez Fromagerie Fédou et également de la bonne Tomme de Savoie fermière et un Neufchâtel, un Valençay fermier. Je n'ai pas ramené trop de fromages de Normandie puisque je pense que tu en vois suffisamment. Je les connais bien. Tu les connais bien. Puis, je n'allais pas ramener un Neufchâtel Fouque. Non.

  • Sandra FOUQUE

    Ça aurait été ballot.

  • Romain LE GAL

    Je vous remercie de nous avoir écoutés jusqu'au bout. J'espère que cet épisode vous a plu. N'hésitez pas à nous faire des commentaires et vos retours et à partager ce podcast. Je vous dis à bientôt pour un nouvel épisode.

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • Présentation de la ferme FOUQUE

    00:32

  • Parcours : du commerce à la ferme

    02:02

  • Début de la production de Neufchâtel AOP

    02:38

  • La fromagerie aujourd'hui

    06:26

  • Comment fait-on un Neufchâtel AOP ?

    07:47

  • les différentes formes du Neufchâtel AOP

    10:48

  • Neuchatel ou Neufchâtel ?

    13:01

  • Fabrication du Neufchâtel (suite)

    13:39

  • L'ENORME COEUR - un Très Gros cœur de Fromage

    14:52

  • La filière du Neufchâtel

    15:37

  • Fonctionnement sur la ferme

    16:48

  • Les productions de fromage AOP

    18:09

  • L'histoire du Neufchâtel

    19:12

  • Les enjeux de demain

    19:47

  • Les difficultés de renouvellement dans le métier

    20:58

  • Equilibre vie pro / perso

    21:22

  • Organisation d'une journée de travail

    24:01

  • Les PLUS du métier

    26:10

  • C'est quoi un bon Neufchâtel ?

    26:49

  • La dernière question

    27:25

  • Conclusion

    27:59

Description

En plein Pays de Bray, là où la pluie ne s’arrête jamais, Romain Le Gal, l'un des meilleurs ouvriers de France classe fromagère, se rend au GAEC FOUQUE à la rencontre de Sandra Fouque, productrice de Neufchâtel fermier.

Aux commandes de la ferme avec son mari Frédéric depuis 21 ans, les deux associés se répartissent le travail entre l’élevage de vaches de race Normande et la production fromagère avec l'aide de cinq salariés. L’exploitation est composée de 180 ha dont 60 pâturages pour les 300 bêtes et produit 1 000 000 litres de lait dont 50% est transformé en Neufchâtel.

Le Neufchâtel est un fromage d’appellation d’origine protégée. Il est très reconnaissable par sa forme en cœur mais en réalité, on peut le retrouver sous cinq autres formes moins populaires en dehors de la Normandie. Bonde de 100g, double bonde de 200g, briquette et carré de 100g chacun, cœur de 200g et gros cœur (ou triple cœur) de 600g sont les six formes autorisées dans le cahier des charges et en fonction de l’affinage souhaité, vous pouvez retrouver des fromages assez différents.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Romain LE GAL

    Bienvenue sur Lait'Change, le podcast qui donne la parole aux actrices et aux acteurs de la filière laitière et fromagère. Je suis Romain Le Gal et ce matin j'ai pris la route pour la Seine-Maritime. Vous vous en doutez, j'y ai trouvé un peu de pluie. Je me suis arrêté à côté de Neuchâtel-en-Bray, chez des personnes que j'ai rencontrées il y a quelques mois, des producteurs de Neufchâtel fermier. Je me suis arrêté au Gaec Fouque et je suis actuellement avec Sandra. Bonjour Sandra.

  • Sandra FOUQUE

    Bonjour Romain.

  • Romain LE GAL

    Bon ben merci de nous accueillir sur la ferme aujourd'hui. Sandra, peux-tu te présenter en quelques mots ?

  • Sandra FOUQUE

    Je m'appelle Sandra Fouque, j'ai 45 ans et je suis productrice de Neufchâtel depuis 21 ans.

  • Romain LE GAL

    Donc tu produis d'une Neufchâtel toute seule sur la ferme ?

  • Sandra FOUQUE

    Non, on est avec nos salariés, enfin on est deux associés avec mon mari. Et on a cinq salariés, deux à la fromagerie avec moi et trois sur la partie élevage.

  • Romain LE GAL

    Et du coup la ferme, c'était la ferme de tes parents ?

  • Sandra FOUQUE

    C'était la ferme de mes beaux-parents.

  • Romain LE GAL

    De tes beaux-parents ? Oui,

  • Sandra FOUQUE

    qui sont arrivés... Et il y a, c'est une bonne question, environ 45 ans, je pense.

  • Romain LE GAL

    Il y a un moment, du coup.

  • Sandra FOUQUE

    Il y a un moment, qui venait, eux, du Vexin.

  • Romain LE GAL

    D'accord.

  • Sandra FOUQUE

    Et mon beau-père voulait absolument faire de l'élevage de race Normande. Donc, pour lui, ça a été évident de faire de la race normande en Normandie. Voilà comment ils sont arrivés par ici.

  • Romain LE GAL

    Comment ils sont arrivés dans le pays de Bray ?

  • Sandra FOUQUE

    Le Pays de Bray...

  • Romain LE GAL

    Tout à l'heure, tu me disais, quand on a préparé l'interview, le Pays de Bray...

  • Sandra FOUQUE

    Le Pays de Bray, c'est... C'est le Pays de Brin. On n'appelle plus ça comme ça. Le Pays de Bray, c'est le Pays de Bray. Mais étymologiquement parlant, si on peut dire, ça veut dire le Pays de Brin. Connoté pas très positif, quand tu faisais allusion à la pluie, je pense que c'est ça. Pays de Bray, parce que très vallonné, boueux, gadou. etc. et qui n'est pas si éloigné de la réalité.

  • Romain LE GAL

    Et toi...

  • Sandra FOUQUE

    tu es arrivée... Il y a 21 ans pour la production du fromage, en fait.

  • Romain LE GAL

    Et tu t'es dit, bon, j'arrive sur la ferme et je vais faire du Neufchâtel avec toi.

  • Sandra FOUQUE

    Mais... Assez vite, mais non, ça ne s'est pas passé aussi vite. Mais moi, j'étais encore en études, des études commerciales qui ne me plaisaient pas du tout. Après un bac littéraire, donc rien d'agricole dans mon parcours. Et puis, j'ai dit... Comme le commerce ne me plaisait pas et que je ne resterais pas dedans, on y a vu un signe. J'ai tout appris sur le tas.

  • Romain LE GAL

    Quand tu es arrivée, il y avait déjà du fromage ?

  • Sandra FOUQUE

    Il n'y avait pas de production de fromage. C'était juste de l'élevage du lait, la production de lait et les cultures.

  • Romain LE GAL

    Ton mari, à l'époque, était associé ?

  • Sandra FOUQUE

    Il était... Je ne sais plus. Pas encore, peut-être. Ils venaient de s'installer, peut-être. Je ne sais plus exactement. On cherchait une activité pour pouvoir faire vivre deux couples sur cette exploitation, qui ne le permettait pas avec la situation, avec mes beaux-parents. Juste si on était restés dans l'état actuel des choses, on ne pouvait pas se dégager de revenus. Donc, étant dans le pays de Bray, dans la zone géographique du Neufchâtel, on s'est dit pourquoi pas faire du fromage. Ça s'est passé comme ça.

  • Romain LE GAL

    Et toi, t'aimais bien le fromage ?

  • Sandra FOUQUE

    Et moi, j'adore le fromage,

  • Romain LE GAL

    donc pourquoi pas. Finalement, c'est bien tombé. Et donc, le Neufchâtel, puisque c'est l'appellation d'origine protégée. En plus, vous faisiez déjà de la Normande.

  • Sandra FOUQUE

    Déjà de la Normande. Par contre, il a fallu investir directement dans des nouveaux locaux avant de savoir si on allait réussir à faire du fromage. Ça, c'était le côté un peu insouciant.

  • Romain LE GAL

    T'avais pas été un petit peu produire chez des producteurs à côté ?

  • Sandra FOUQUE

    Parce que moi, comme je n'avais aucun niveau agricole, il a fallu que je fasse un petit stage.

  • Romain LE GAL

    Est-ce que tu pourrais expliquer ça pour ceux qui ne le savent pas, au niveau du niveau agricole ?

  • Sandra FOUQUE

    En fait, avoir un niveau agricole sert uniquement à des aides pour financer les installations, avoir des prêts bonifiés, etc. Donc c'est uniquement à ça que ça sert. Mais quand on a zéro niveau agricole, ça permet quand même aussi de comprendre quelques termes techniques. Ce n'est pas tout à fait inutile quand même, ça ne sert pas, pas que aller voir les banques. Et puis...

  • Romain LE GAL

    Donc là, tu as été faire des stages dans des exploitations ?

  • Sandra FOUQUE

    J'ai fait, je ne sais plus, trois mois chez un producteur de Neufchâtel pour savoir quand même de quoi on parlait.

  • Romain LE GAL

    Donc là, tu étais sur la ferme et dans la fromagerie ou uniquement ?

  • Sandra FOUQUE

    Uniquement fromagerie.

  • Romain LE GAL

    Uniquement fromagerie.

  • Sandra FOUQUE

    Fromagerie traite, mais vraiment surtout pour fromagerie. On est tombé sur des gens adorables qui nous ont montré comment ils travaillaient. Et puis, on a gardé ce qu'on voulait garder. Et puis... On n'a pas gardé ce qu'on ne voulait pas garder, puis après on s'est lancé chez nous.

  • Romain LE GAL

    D'accord, directement après le stage ?

  • Sandra FOUQUE

    Quelques mois après, parce que franchement, c'était il y a quelques années. Alors, je n'ai plus la chronologie exacte.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, vous avez eu des soucis au démarrage ou tout s'est passé comme sur le plan ?

  • Sandra FOUQUE

    Pas de soucis, non, non, plutôt pas de soucis. On a tout de suite commencé à fabriquer des très, très petits volumes.

  • Romain LE GAL

    D'accord.

  • Sandra FOUQUE

    Évidemment.

  • Romain LE GAL

    Vous aviez combien de vaches à l'époque ?

  • Sandra FOUQUE

    Il devait y avoir une soixante... Centaines de vaches, 70 vaches peut-être.

  • Romain LE GAL

    Donc au début, petit volume.

  • Sandra FOUQUE

    On gardait 100 litres, 200 litres de lait.

  • Romain LE GAL

    C'était des petites productions que vous vendiez en direct sur la ferme ?

  • Sandra FOUQUE

    On faisait des marchés, quelques marchés. On a commencé en mai-juin, quelque chose comme ça.

  • Romain LE GAL

    Il y avait des marchés sur Neufchâtel ?

  • Sandra FOUQUE

    Des marchés, des petits marchés ponctuels d'été, des choses comme ça. Et puis, on a eu la chance de trouver un client assez rapidement qui nous a fait augmenter les volumes. Et c'est parti assez vite, en fait. Et il y avait juste quelqu'un qui ne nous suivait pas, c'était le comptable, qui n'était pas du tout chaud sur cette idée de transformation. Donc, on a fait des études de comptable, forcément. Et l'idée, c'était que ça devenait rentable si on transformait 70 000 litres de lait au bout de trois ans.

  • Romain LE GAL

    D'accord. Et vous l'avez atteint en combien de temps ?

  • Sandra FOUQUE

    On a dû faire 50 000 la première année.

  • Romain LE GAL

    Donc finalement, le challenge allait être vite rempli.

  • Sandra FOUQUE

    Donc le comptable s'est détendu.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, après, vous avez agrandi la fromagerie ? Ou comment ça s'est passé ?

  • Sandra FOUQUE

    On a agrandi au bout de dix ans, en fait.

  • Romain LE GAL

    Vous avez saturé le premier outil ?

  • Sandra FOUQUE

    Tout à fait. C'était quand même compliqué parce qu'on avait des petits tanks. Un tank de 400 litres de mémoire et un tank de 700 ou quelque chose comme ça. Moi, j'ai eu deux enfants quand même en cours de route. Donc, couler au seau, se pencher dans les tanks, etc. C'était compliqué.

  • Romain LE GAL

    Couler au seau, pour toi, ça veut dire ?

  • Sandra FOUQUE

    Ça veut dire prendre le caillé qui est dans le tank pour le verser dans les sacs pour que ça s'égoutte.

  • Romain LE GAL

    Ok, mais on reviendra sur comment on fait du neufchâtel juste après. Donc, vous avez agrandi la fromagerie. C'était donc dix ans après. Et maintenant, au niveau de l'exploitation, vous avez combien de vaches laitières ?

  • Sandra FOUQUE

    Alors aujourd'hui, on a 140 vaches laitières.

  • Romain LE GAL

    D'accord. À la traite ?

  • Sandra FOUQUE

    À la traite, oui, à la traite. Oui,

  • Romain LE GAL

    mais c'est toujours...

  • Sandra FOUQUE

    Oui, 140 vaches laitières à traire, mais après, il y a à peu près 250-300 bêtes

  • Romain LE GAL

    Vous faites à peu près un million de litres de lait. C'est ça. Et vous transformez ...

  • Sandra FOUQUE

    À peu près la moitié.

  • Romain LE GAL

    À peu près la moitié, d'accord. Et au niveau des races, vous êtes en...

  • Sandra FOUQUE

    Quasi exclusivement normande. Il y a quelques...

  • Romain LE GAL

    Oui, de toute façon, pour faire du Neufchâtel, il faut au minimum 60% de vaches normandes. Donc en étant quasiment à 100%, on est dans les clous. Et du coup, la production de Neufchâtel maintenant, comment on fait, Sandra, un bon neuf châtel ?

  • Sandra FOUQUE

    On fait du bon neuf châtel avec du bon lait.

  • Romain LE GAL

    Déjà un bon Neufchâtel fermier.

  • Sandra FOUQUE

    Oui, du Neufchâtel fermier.

  • Romain LE GAL

    Donc ça veut dire que le lait provient de ta ferme et que tu vas transformer le fromage sur ta ferme.

  • Sandra FOUQUE

    C'est le lait uniquement de la ferme. Des vaches qui sont élevées sur la ferme et le lait de la ferme. Il n'y a pas d'achat de lait à côté. Donc au niveau de la production, il y a déjà 48 heures entre le moment où on garde le lait et le moment où le fromage est moulé.

  • Romain LE GAL

    D'accord.

  • Sandra FOUQUE

    Donc à peu près 24 heures de caillage, on va dire.

  • Romain LE GAL

    D'accord, donc c'est un fromage qu'on va appeler dans...

  • Sandra FOUQUE

    Un caillé lactique.

  • Romain LE GAL

    Un caillé lactique dans les technologies.

  • Sandra FOUQUE

    Ouais, pâte molle à croûte fleurie, exactement.

  • Romain LE GAL

    Donc du coup, 24 heures de temps de prise.

  • Sandra FOUQUE

    24 heures de... caillage et puis après on peut découper 12h, donc 12h d'égouttage et 12h de pressage pour schématiser.

  • Romain LE GAL

    Si je reprends pour les gens qui nous écoutent, donc je prends mon lait que je laisse maturer et cailler pendant 24h, après tu as utilisé le mot, je vais le couler. Autrement dit, le décaillage, on décaille, ça va dans des grands sacs, dans des filets de pêche. Ça c'est une vraie particularité d'une Neufchâtel. Vous avez une phase d'égouttage, une première phase d'égouttage ?

  • Sandra FOUQUE

    Qui dure environ 12 heures. Schématisé, ça fait à peu près ça. Ça s'égoutte, on va dire, toute la journée. Et après, ça presse toute la nuit.

  • Romain LE GAL

    Ça presse toute la nuit.

  • Sandra FOUQUE

    Donc, 48 heures entre la traite et la phase de fabrication.

  • Romain LE GAL

    OK. Donc, une fois que c'est pressé ?

  • Sandra FOUQUE

    Après, on a des sacs où on a des espèces de petites galettes de pâtes, si vous voulez.

  • Romain LE GAL

    De pâtes, oui.

  • Sandra FOUQUE

    Et donc, après, le jour de la fabrication, on intègre 2% de sel environ. Oui.

  • Romain LE GAL

    Malaxé. C'est une étape de malaxage.

  • Sandra FOUQUE

    Pétrin de boulanger ou de charcutier. Donc 2%.

  • Romain LE GAL

    Et le pénicillium, du coup, pour que ça soit une...

  • Sandra FOUQUE

    Pour moi, tout est ajouté au moment de la traite. À la fin de la traite, j'ensemence mon lait.

  • Romain LE GAL

    D'accord.

  • Sandra FOUQUE

    J'ajoute le pénicillium.

  • Romain LE GAL

    Il y en a, il me semble, qui rajoutent aussi des ferments à ce moment-là, dans le pétrissage ?

  • Sandra FOUQUE

    Ah, dans le pétrissage, je ne sais pas.

  • Romain LE GAL

    Vous avez chacun un peu toutes vos recettes.

  • Sandra FOUQUE

    Quand ça marche, en fait, on ne change rien. Tant que ça marche.

  • Romain LE GAL

    Touche de la peau de singe. Donc, tu as malaxé.

  • Sandra FOUQUE

    On a une belle pâte homogène, en fait. Et puis après, c'est moulé.

  • Romain LE GAL

    C'est moulé avec ?

  • Sandra FOUQUE

    Moulé à la mouleuse, maintenant. Je l'ai fait pendant... 15 ans, 12, 13 ans, 15 ans, je ne sais pas exactement, à la main.

  • Romain LE GAL

    Donc à la main, qu'est-ce que tu appelles à la main pour les gens qui n'ont jamais vu ?

  • Sandra FOUQUE

    Alors à la main, on faisait des petites boules de pâtes, style pâte à modeler, où on moulait les fromages un à un dans un emporte-pièce en inox. Et un à un, on faisait les fromages.

  • Romain LE GAL

    Donc emporte-pièce en inox, avec quelle forme ?

  • Sandra FOUQUE

    En cœur,

  • Romain LE GAL

    bien sûr. En cœur, bien sûr. Pas que, on dirait.

  • Sandra FOUQUE

    Mais essentiellement en cœur , et pas que, parce que le cœur est une des formes de l'AOP. Il y en a six.

  • Romain LE GAL

    Six. Alors, si on les nomme, il y a le cœur.

  • Sandra FOUQUE

    Il y a le cœur. Il y a le...

  • Romain LE GAL

    Qui fait à peu près 200 grammes.

  • Sandra FOUQUE

    C'est ça, à peu près.

  • Romain LE GAL

    Il fait 200 grammes, effectivement.

  • Sandra FOUQUE

    Le cœur, la bonde qui fait 100 grammes, qui est un cylindre, en fait. La double bonde, 200 grammes.

  • Romain LE GAL

    200 grammes.

  • Sandra FOUQUE

    Comme son nom l'indique. La briquette qui fait 100 grammes. le carré qui fait également 100 grammes, je crois, le triple cœur.

  • Romain LE GAL

    Dans le cahier des charges, moi, je lis le gros cœur. Ça, c'est un point de...

  • Sandra FOUQUE

    Triple, mais c'est évident, puisque ça fait 600 grammes, ça fait trois fois 200. C'est assez logique.

  • Romain LE GAL

    C'est plutôt là...

  • Sandra FOUQUE

    Est-ce que là, j'en ai six ?

  • Romain LE GAL

    Alors, oui, il me semble que tu en as six, mais il y en a qui aimeraient bien inclure un septième. Il y a des fois, il y a... Il y a un petit débat sur le mini-cœur, mais pour le moment, il n'est pas encore Neufchâtel.

  • Sandra FOUQUE

    Effectivement, c'est une forme qui plaît beaucoup, que tous les producteurs, à mon avis, doivent faire aujourd'hui, mais qu'on n'a pas le droit d'appeler Neufchâtel. Contrairement à d'autres formes qui ne sont plus du tout exploitées, je pense au carré ou à la bonde, par exemple,

  • Romain LE GAL

    qui font toujours partie... Peut-être un petit peu dans votre région et encore ?

  • Sandra FOUQUE

    Moi, je n'en crois pas.

  • Romain LE GAL

    Même pas du tout ? Non.

  • Sandra FOUQUE

    Très honnêtement.

  • Romain LE GAL

    Portée disparue.

  • Sandra FOUQUE

    Portée disparue, nous cherchons le carré. Donc non, effectivement, l'idée, ce serait de supprimer une de ces formes non utilisées, non exploitées, et puis à la place d'intégrer le mini-cœur qui plaît au plus grand nombre.

  • Romain LE GAL

    Donc là, on a moulé, donc aujourd'hui avec une mouleuse.

  • Sandra FOUQUE

    Aujourd'hui avec une mouleuse, elle a machiné.

  • Romain LE GAL

    Un genre de trémie où la pâte est poussée dans une forme, et puis cette forme est coupée.

  • Sandra FOUQUE

    Voilà.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, après ?

  • Sandra FOUQUE

    Posé sur des grilles.

  • Romain LE GAL

    Des grilles.

  • Sandra FOUQUE

    Voilà, des grilles d'affinage et puis emmené en cave.

  • Romain LE GAL

    Donc à partir du moment jour de fabrication, il faut combien de temps pour sortir un Neufchâtel AOP ?

  • Sandra FOUQUE

    Il faut dix jours.

  • Romain LE GAL

    Dix jours, comptez jour de fabrication. Oui,

  • Sandra FOUQUE

    avant ce n'est pas du Neufchâtel.

  • Romain LE GAL

    Avant ce n'est pas du Neufchâtel, c'est juste un cœur.

  • Sandra FOUQUE

    C'est juste un cœur.

  • Romain LE GAL

    C'est un cœur de Normandie. Et pas du Neufchâtel AOP de Normandie.

  • Sandra FOUQUE

    Alors tu dis Neufchâtel.

  • Romain LE GAL

    Neufchâtel.

  • Sandra FOUQUE

    C'est du Neufchâtel.

  • Romain LE GAL

    On prononce forcément le F ?

  • Sandra FOUQUE

    Forcément, je ne sais pas. Je pense que oui. D'accord. Parce que Neufchâtel, ça existe et c'est en Suisse.

  • Romain LE GAL

    D'accord. Mais j'ai toujours dit Neufchâtel. Maintenant, je vais avoir le doute. Je vais bloquer. C'est comme le débat entre un époisse et une époisse. Moi, c'est un époisse. Et la norme, normalement, c'est un époisse. Mais effectivement...

  • Sandra FOUQUE

    Parce qu'il y a des gens qui disent une époisse.

  • Romain LE GAL

    Eh oui, il y en a. Ah bon ? Eh bien oui. Mais donc, le Neufchâtel. Je penserai à toi à chaque fois que je prononce ce magnifique F. Donc là, 10 jours d'affinage, minimum ?

  • Sandra FOUQUE

    Minimum, après.

  • Romain LE GAL

    Après, je crois que vous avez un affinage qui est un peu particulier.

  • Sandra FOUQUE

    ça peut aller très très loin, ça peut aller 2 mois, 3 mois, sur les gros cœurs, ça peut être plus.

  • Romain LE GAL

    On n'y est pas encore allé aujourd'hui, mais on y retournera après. Je sais, j'ai souvenir que quand on arrive dans la cave où les neufchâtels sont très très affinés...

  • Sandra FOUQUE

    C'est très ammoniaqué.

  • Romain LE GAL

    On pleure rapidement. On pleure rapidement. C'est-à-dire qu'on a les larmes qui montent assez rapidement. Et c'est vrai que c'est une des typicités du Neufchâtel. En consommation régionale, il y en a qui le mangent.

  • Sandra FOUQUE

    C'est très local. C'est très local. Mais oui, c'est comme ça qu'on...

  • Romain LE GAL

    Il me semble d'ailleurs que Frédéric, ton mari... Ah, il ne l'a eu que ça. C'est un vrai. En même temps, c'est un vrai. Il a toujours vécu là.

  • Sandra FOUQUE

    Oui, il a toujours vécu là. Donc,

  • Romain LE GAL

    c'est un vrai du terroir. D'accord. Et donc, vos Neufchâtel, ensuite, sont commercialisés après 10 jours. Donc, vous passez une phase d'emballage ?

  • Sandra FOUQUE

    Oui, alors soit emballés, soit vendus nus, parce que parfois, ils sont vendus nus pour des épiceries, pour les marchés aussi, les vendeurs de marchés. Donc oui, il y a une petite phase d'emballage.

  • Romain LE GAL

    Et vous faites un autre fromage de mes souvenirs ? Qui est un énorme cœur.

  • Sandra FOUQUE

    Ah bah oui, c'est la même pâte.

  • Romain LE GAL

    C'est la même pâte, alors c'est finalement l'énorme cœur de Massy.

  • Sandra FOUQUE

    Voilà. Nous, on avait imaginé des noms, mais on ne l'a jamais validé. Donc les gens nous commandent un très gros cœur.

  • Romain LE GAL

    Un très gros cœur, c'est même un très très gros cœur. Donc il fait combien de kilos celui-là ?

  • Sandra FOUQUE

    Alors nous, ceux qu'on fait font à peu près 5 kilos. mais je sais qu'au syndicat du Neufchâtel, ils ont un moule qui est disponible et je pense que ça peut aller jusqu'à 12-13 kilos quand il est bien...

  • Romain LE GAL

    C'est quand même une belle bête.

  • Sandra FOUQUE

    C'est une belle bête. Il faut être un certain nombre à table.

  • Romain LE GAL

    Aujourd'hui, au niveau de la filière Neuchâtel, je me rappelle avoir lu que c'était environ 1700 tonnes. Vous êtes encore combien d'acteurs à produire du Neufchâtel ?

  • Sandra FOUQUE

    Alors là, on est une vingtaine. Je pense aujourd'hui, 22-23 producteurs, tout confondu fermier et non fermier et industriel.

  • Romain LE GAL

    Et quand tu as commencé, est-ce que tu te rappelles à peu près ?

  • Sandra FOUQUE

    Pour moi, c'était plutôt une trentaine. D'accord.

  • Romain LE GAL

    Et en fermier, il me semble que c'est à peu près 25% des Neufchâtels qui sont fermiers aujourd'hui. Je me semble avoir lu sur les derniers chiffres, c'est ce que j'ai lu, environ 25% des Neufchâtels sont fermiers. et quand c'est fermier, c'est forcément lait cru.

  • Sandra FOUQUE

    Quand c'est fermier, c'est lait cru, c'est produit sur l'exploitation avec le lait de l'exploitation.

  • Romain LE GAL

    Il y a aussi d'autres règles sur le lait, des règles sur l'alimentation, le fondement des forages. C'est minimum combien de temps à l'herbe ? C'est la moitié de la vie. C'est six mois de pâturage. D'ailleurs, on n'en a pas parlé, vous avez combien d'hectares ? comment vous fonctionnez ?

  • Sandra FOUQUE

    Il y a 180 hectares en totalité et on a une soixantaine d'hectares de pâtures accolées à la stabulation. Les vaches sont dehors le plus possible très rapidement dans l'année. Cette année est assez particulière à cause de la pluie, mais elles sortent généralement fin février.

  • Romain LE GAL

    Parce que normalement, pas toute l'année en Normandie ? en Haute-Normandie ?

  • Sandra FOUQUE

    C'est très vert, ça reste très vert très longtemps, mais là c'est vrai qu'on est, comme une bonne partie du nord de la France, on est quand même...

  • Romain LE GAL

    On manque pas trop d'eau.

  • Sandra FOUQUE

    On manque pas d'eau, voilà, et non plus aujourd'hui, mais on manque pas d'eau, c'est vrai. Il y a aussi du maïs, il y a du blé, etc., qui servent aussi à l'alimentation.

  • Romain LE GAL

    Vous êtes autonome ou pas en alimentation ?

  • Sandra FOUQUE

    Non, on n'est pas autonome.

  • Romain LE GAL

    C'est un projet, ça, pour l'avenir ?

  • Sandra FOUQUE

    Oui, c'est pas un projet, parce que ça nécessiterait énormément d'investissements en... Je pense que l'idéal, c'est un système séchage en grange, en fait, où là, ça permet d'être autonome. Je pense que les investissements sont tellement énormes que... Je dis ça parce que Frédéric y a pensé à un moment, ce séchage en grange, je pense qu'il aurait adoré ce système-là, mais il faut avaler un investissement pareil.

  • Romain LE GAL

    Le Neufchâtel, on dit que c'est un très, très vieux fromage.

  • Sandra FOUQUE

    Très, très vieux fromage. C'est peut-être... pas la première production, comme tu disais tout à l'heure,

  • Romain LE GAL

    c'est la troisième appellation d'origine de Normandie. Donc, si on répète, si on rappelle les premières, c'est en numéro 1 le Camembert AOP de Normandie. Le deuxième, c'est le Pont-L'Evêque. Puisqu'il faut sauver le soldat Livarot. Pourquoi je dis le soldat Livarot ? Parce qu'il y a 5 galons comme un colonel. D'accord. Donc ça, c'est la plus petite. Et effectivement, le Neufchâtel arrive en troisième position avec environ 1700 tonnes, un petit peu moins de 1700 tonnes de Neufchâtel produit.

  • Sandra FOUQUE

    Donc il est troisième là, mais il est numéro un en chronologie, on va dire, parce que c'est le plus vieux de Neufchâtel.

  • Romain LE GAL

    Et pourquoi tu dis le plus vieux du coup ?

  • Sandra FOUQUE

    Parce que les premières traces remontent au Moyen-Âge. 1200 ou je ne sais pas, je n'ai pas la date exacte.

  • Romain LE GAL

    Et c'est pourquoi du coup le Neufchâtel, il sera en cœur historiquement ? Ah, la fameuse histoire. Bah oui, attention, minute, comptez les gens. Minute,

  • Sandra FOUQUE

    comptez les gens, absolument. Ça date de la guerre de Cent Ans, je suis arrivée, où les soldats anglais étaient venus combattre en France. Et à la fin de la guerre, quand ils sont repartis dans leur pays... Évidemment, ils avaient rencontré de merveilleuses petites Normandes, probablement, et elles se sont mises à fabriquer du fromage en forme de cœur pour prouver leur amour aux soldats anglais quand ils sont repartis chez eux.

  • Romain LE GAL

    Pour toi, c'est quoi les enjeux demain ?

  • Sandra FOUQUE

    Les enjeux ?

  • Romain LE GAL

    Les enjeux de manière générale sur la filière Neuchâtel, comment tu vois l'avenir ?

  • Sandra FOUQUE

    J'ai déjà 45 ans, donc je me dis, nous, ça va aller. On a une production qui est plutôt tendance à la hausse, mais aussi parce qu'il y a des producteurs qui arrêtent, il y a des producteurs qui ont l'âge de la retraite avec pas de repreneurs, des gens qui arrêtent parce qu'ils n'y trouvent pas leur compte. Donc effectivement, aujourd'hui, on a du travail. Mais à très longue échelle, à plus long terme, Je ne sais pas ce que ça va donner. Parce que ce n'est même pas la filière Neufchâtel.

  • Romain LE GAL

    C'est l'agriculture en général. Qui n'attire pas,

  • Sandra FOUQUE

    qui n'attire plus beaucoup de monde.

  • Romain LE GAL

    Et toi, dans tes deux enfants, il y en a un des deux qui se prédestinerait ?

  • Sandra FOUQUE

    Alors pourquoi un des deux ? Ça pourrait être les deux.

  • Romain LE GAL

    Oui, un et où ? Ou pas ?

  • Sandra FOUQUE

    En fait, ils sont attachés à la ferme. Ils aiment bien. Je pense qu'ils sont contents d'avoir grandi à la ferme. Mais faire ce métier-là... Clairement, je ne pense pas que ce soit leur projet. Et pour la même raison que la majorité des jeunes aujourd'hui, très peu de reconnaissance, très peu de revenus, en tout cas un revenu qui n'est pas à hauteur du travail fourni. Et puis, ce qui est dur dans le métier, c'est qu'il n'y a jamais d'arrêt. Notre vie est notre métier. Il n'y a pas de scission entre la vie privée et la vie perso.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, comment vous le gérez ? Parce que finalement, la maison est quasiment à côté de la ferme, voire collée à la ferme.

  • Sandra FOUQUE

    C'est ça. Quand on rentre à la maison, on parle encore boulot et c'est que boulot. C'est une vie particulière.

  • Romain LE GAL

    Vous arrivez de temps en temps quand même à couper un petit peu ?

  • Sandra FOUQUE

    Quand on dort.

  • Romain LE GAL

    Quand on dort.

  • Sandra FOUQUE

    C'est vraiment l'aspect très difficile du métier d'agriculteur.

  • Romain LE GAL

    Surtout quand il y a un élevage électrique, c'est 7 jours sur 7.

  • Sandra FOUQUE

    Je suis d'accord. Agriculteur et éleveur, il faut vraiment...

  • Romain LE GAL

    Au niveau de la répartition, toi, tu es fromagerie, fromagerie.

  • Sandra FOUQUE

    Fromagerie, compta.

  • Romain LE GAL

    Compta, oui. Et Frédéric s'occupe plus de l'élevage et culture. Et du coup, tu produis tous les jours de la semaine ?

  • Sandra FOUQUE

    Alors, on se garde le dimanche. Mais si on veut travailler le lundi, il faut quand même travailler le dimanche. On ne moule pas le dimanche. Et sinon, ça dépend. Parfois, c'est du lundi au samedi, du lundi au vendredi, du mardi au vendredi. Ça dépend, on s'adapte en fonction des commandes, en fonction de la demande.

  • Romain LE GAL

    Ce n'est vraiment pas un rythme facile. Et c'est vrai que c'est aujourd'hui pour ça qu'on voit aussi des GAEC arriver pour justement arriver à se donner des week-ends.

  • Sandra FOUQUE

    Oui, ça c'est un bon système. Mais quand le GAEC est un couple...

  • Romain LE GAL

    C'est plus compliqué. Vous ne faites pas un week-end sur deux, garde partagé avec l'exploitation.

  • Sandra FOUQUE

    On a eu un associé, mais aujourd'hui on n'est plus que tous les deux.

  • Romain LE GAL

    Vous n'êtes plus que tous les deux, l'association ce n'était pas forcément très...

  • Sandra FOUQUE

    L'association, c'est comme un mariage, c'est compliqué. Parfois il y a des divorces. Donc là, en l'occurrence, il y a eu un divorce. Et effectivement, il a fallu continuer à supporter à deux ce qui devait être supporté à trois. Donc voilà, ce n'est pas toujours simple.

  • Romain LE GAL

    C'est vraiment un des enjeux et défis de l'agriculture demain, c'est de trouver des nouvelles vocations.

  • Sandra FOUQUE

    Mais même pour les salariés. Nous, aujourd'hui, on a une équipe qui tourne très bien. Mais trouver des salariés en milieu agricole, c'est aussi très, très compliqué. Parce que c'est notamment en élevage laitier, parce que les traites... C'est tous les jours de la semaine qu'on se marie, que la grand-mère soit morte ou que ce soit Noël ou le baptême du petit dernier. Il faut traire, de toute façon. Donc ça, pour les jeunes générations, c'est compliqué à comprendre. Je pense que c'est ce qui ne plaît pas du tout à mes enfants. Non, c'est ce qui est très compliqué. Il ne faut pas se mentir.

  • Romain LE GAL

    Aujourd'hui, c'est une vie dure, la vie d'agriculteur, d'agricultrice. Oui. Effectivement. Et ça s'organise comment ? Une journée type pour Frédéric ou pour toi ?

  • Sandra FOUQUE

    Alors, une journée type. Déjà, on se lève très tôt. Tous les jours, à 5h moins le quart, on est debout. Et à 5h10 environ, on est à la fromagerie. Après, c'est une partition qui est bien rodée. On a chacun nos tâches. Frédéric m'aide pendant une petite demi-heure le matin parce qu'il a des plus gros bras que moi et que je ne peux pas décharger les presses toute seule.

  • Romain LE GAL

    Il faut rappeler que la fromagerie, c'est quand même aussi des métiers physiques.

  • Sandra FOUQUE

    C'est un peu physique, absolument.

  • Romain LE GAL

    Pas de salle de sport.

  • Sandra FOUQUE

    Si, pourtant, j'y vais quand même.

  • Romain LE GAL

    Tu y vas quand même ? Oui. C'est bien aussi.

  • Sandra FOUQUE

    Donc, il m'aide à décharger les sacs, en fait. Il décharge les sacs tout seul. Et puis après, on... Donc, on décaille le lait de la veille parce que c'est toujours, on finit une étape pour en commencer une autre. C'est assez logique de vider le tank avant de le remplir avec la traite qui arrive. Donc, après, Frédéric, lui, va à la traite. Du coup, moi, je reste à la fromagerie où on est en fabrication jusqu'à peu près 8h30, 9h. Ensuite, on a trois quarts d'heure de nettoyage. Et puis après, c'est de la préparation de commandes jusqu'à midi, heure où on coule le deuxième tank de la veille au soir. Et puis, quand on n'a pas fini, on revient l'après-midi pour finaliser les commandes et aussi faire les livraisons.

  • Romain LE GAL

    D'accord. Et puis,

  • Sandra FOUQUE

    la fin d'après-midi est vite arrivée. Les enfants, les miens sont grands, mais j'en ai quand même encore un au lycée, donc il faut aller le chercher. Après, j'enchaîne avec mon deuxième métier de femme d'intérieur.

  • Romain LE GAL

    Oui, ben... La vie continue à côté de la ferme.

  • Sandra FOUQUE

    Une journée entre autres. Après, il y a également la compta, s'occuper des salariés, faire les plannings, etc. Et Frédéric, lui, il est plutôt sur de la pleine, entretien du matériel, puis la traite qui repart le soir.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, aujourd'hui, c'est quoi qui te plaît dans ton métier ?

  • Sandra FOUQUE

    C'est quoi qui me plaît dans mon métier ? C'est la satisfaction, sans doute, de suivre de A à Z, de produire un lait qui est sur la ferme et d'en sortir un produit fini. On a la boucle bouclée, en fait.

  • Romain LE GAL

    De la fourche à la fourchette, finalement. Ça fait un peu cliché de dire ça, mais c'est un peu ça.

  • Sandra FOUQUE

    Je pense que c'est la satisfaction de tout agriculteur qui fait de la transfo.

  • Romain LE GAL

    Et aujourd'hui pour toi, c'est quoi un bon Neufchâtel ?

  • Sandra FOUQUE

    C'est un Neufchâtel Fouque,

  • Romain LE GAL

    évidemment. Ah, évidemment. Mais si on parle du produit en tant que tel, toi tu manges que des cœurs ou tu manges d'autres formats ?

  • Sandra FOUQUE

    Alors moi, mon format préféré, c'est la double bonde.

  • Romain LE GAL

    D'accord, pourquoi ?

  • Sandra FOUQUE

    Je trouve que ça s'affine bien. Je ne sais pas pourquoi. Après, c'est vraiment des affaires de goût. Mais mon format préféré, c'est la double bonde. C'est... Ouais.

  • Romain LE GAL

    Et sur quel affinage ?

  • Sandra FOUQUE

    Il faut un mois et demi, deux mois quand même.

  • Romain LE GAL

    Ah oui, il faut déjà qu'il y ait un crémeux.

  • Sandra FOUQUE

    Crémeux à souhait.

  • Romain LE GAL

    J'ai une dernière question avant de te laisser, Sandra. C'est quoi ta pizza préférée ?

  • Sandra FOUQUE

    C'est ma pizza préférée. C'est bizarre parce que c'est encore avec moi. J'adore la quatre fromage, bizarrement.

  • Romain LE GAL

    Et pourquoi pas ?

  • Sandra FOUQUE

    Parce que du fromage, je vis dedans. Alors, je ne suis pas obligée d'en mettre encore dans les pizzas. Mais oui, j'aime beaucoup la quatre fromage.

  • Romain LE GAL

    Non, parce que c'est une question qui est quand même intéressante, puisque la pizza, c'est finalement... On est le premier pays consommateur de pizza à égalité avec les États-Unis. Et on a tous une pizza préférée. Et on a tous, peut-être ou pas, quelque chose contre la pizza hawaïenne, mais on en reparlera peut-être dans un prochain épisode. Je te remercie, Sandra, du temps qu'on a partagé ensemble. Et puis, on va aller déguster un bon bout de... De Clausou ? Ah oui, j'ai ramené une petite planche, effectivement, avec du Clausou. J'ai fait découvrir à Sandra le Clausou de nos amis de chez Fromagerie Fédou et également de la bonne Tomme de Savoie fermière et un Neufchâtel, un Valençay fermier. Je n'ai pas ramené trop de fromages de Normandie puisque je pense que tu en vois suffisamment. Je les connais bien. Tu les connais bien. Puis, je n'allais pas ramener un Neufchâtel Fouque. Non.

  • Sandra FOUQUE

    Ça aurait été ballot.

  • Romain LE GAL

    Je vous remercie de nous avoir écoutés jusqu'au bout. J'espère que cet épisode vous a plu. N'hésitez pas à nous faire des commentaires et vos retours et à partager ce podcast. Je vous dis à bientôt pour un nouvel épisode.

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • Présentation de la ferme FOUQUE

    00:32

  • Parcours : du commerce à la ferme

    02:02

  • Début de la production de Neufchâtel AOP

    02:38

  • La fromagerie aujourd'hui

    06:26

  • Comment fait-on un Neufchâtel AOP ?

    07:47

  • les différentes formes du Neufchâtel AOP

    10:48

  • Neuchatel ou Neufchâtel ?

    13:01

  • Fabrication du Neufchâtel (suite)

    13:39

  • L'ENORME COEUR - un Très Gros cœur de Fromage

    14:52

  • La filière du Neufchâtel

    15:37

  • Fonctionnement sur la ferme

    16:48

  • Les productions de fromage AOP

    18:09

  • L'histoire du Neufchâtel

    19:12

  • Les enjeux de demain

    19:47

  • Les difficultés de renouvellement dans le métier

    20:58

  • Equilibre vie pro / perso

    21:22

  • Organisation d'une journée de travail

    24:01

  • Les PLUS du métier

    26:10

  • C'est quoi un bon Neufchâtel ?

    26:49

  • La dernière question

    27:25

  • Conclusion

    27:59

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Description

En plein Pays de Bray, là où la pluie ne s’arrête jamais, Romain Le Gal, l'un des meilleurs ouvriers de France classe fromagère, se rend au GAEC FOUQUE à la rencontre de Sandra Fouque, productrice de Neufchâtel fermier.

Aux commandes de la ferme avec son mari Frédéric depuis 21 ans, les deux associés se répartissent le travail entre l’élevage de vaches de race Normande et la production fromagère avec l'aide de cinq salariés. L’exploitation est composée de 180 ha dont 60 pâturages pour les 300 bêtes et produit 1 000 000 litres de lait dont 50% est transformé en Neufchâtel.

Le Neufchâtel est un fromage d’appellation d’origine protégée. Il est très reconnaissable par sa forme en cœur mais en réalité, on peut le retrouver sous cinq autres formes moins populaires en dehors de la Normandie. Bonde de 100g, double bonde de 200g, briquette et carré de 100g chacun, cœur de 200g et gros cœur (ou triple cœur) de 600g sont les six formes autorisées dans le cahier des charges et en fonction de l’affinage souhaité, vous pouvez retrouver des fromages assez différents.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Romain LE GAL

    Bienvenue sur Lait'Change, le podcast qui donne la parole aux actrices et aux acteurs de la filière laitière et fromagère. Je suis Romain Le Gal et ce matin j'ai pris la route pour la Seine-Maritime. Vous vous en doutez, j'y ai trouvé un peu de pluie. Je me suis arrêté à côté de Neuchâtel-en-Bray, chez des personnes que j'ai rencontrées il y a quelques mois, des producteurs de Neufchâtel fermier. Je me suis arrêté au Gaec Fouque et je suis actuellement avec Sandra. Bonjour Sandra.

  • Sandra FOUQUE

    Bonjour Romain.

  • Romain LE GAL

    Bon ben merci de nous accueillir sur la ferme aujourd'hui. Sandra, peux-tu te présenter en quelques mots ?

  • Sandra FOUQUE

    Je m'appelle Sandra Fouque, j'ai 45 ans et je suis productrice de Neufchâtel depuis 21 ans.

  • Romain LE GAL

    Donc tu produis d'une Neufchâtel toute seule sur la ferme ?

  • Sandra FOUQUE

    Non, on est avec nos salariés, enfin on est deux associés avec mon mari. Et on a cinq salariés, deux à la fromagerie avec moi et trois sur la partie élevage.

  • Romain LE GAL

    Et du coup la ferme, c'était la ferme de tes parents ?

  • Sandra FOUQUE

    C'était la ferme de mes beaux-parents.

  • Romain LE GAL

    De tes beaux-parents ? Oui,

  • Sandra FOUQUE

    qui sont arrivés... Et il y a, c'est une bonne question, environ 45 ans, je pense.

  • Romain LE GAL

    Il y a un moment, du coup.

  • Sandra FOUQUE

    Il y a un moment, qui venait, eux, du Vexin.

  • Romain LE GAL

    D'accord.

  • Sandra FOUQUE

    Et mon beau-père voulait absolument faire de l'élevage de race Normande. Donc, pour lui, ça a été évident de faire de la race normande en Normandie. Voilà comment ils sont arrivés par ici.

  • Romain LE GAL

    Comment ils sont arrivés dans le pays de Bray ?

  • Sandra FOUQUE

    Le Pays de Bray...

  • Romain LE GAL

    Tout à l'heure, tu me disais, quand on a préparé l'interview, le Pays de Bray...

  • Sandra FOUQUE

    Le Pays de Bray, c'est... C'est le Pays de Brin. On n'appelle plus ça comme ça. Le Pays de Bray, c'est le Pays de Bray. Mais étymologiquement parlant, si on peut dire, ça veut dire le Pays de Brin. Connoté pas très positif, quand tu faisais allusion à la pluie, je pense que c'est ça. Pays de Bray, parce que très vallonné, boueux, gadou. etc. et qui n'est pas si éloigné de la réalité.

  • Romain LE GAL

    Et toi...

  • Sandra FOUQUE

    tu es arrivée... Il y a 21 ans pour la production du fromage, en fait.

  • Romain LE GAL

    Et tu t'es dit, bon, j'arrive sur la ferme et je vais faire du Neufchâtel avec toi.

  • Sandra FOUQUE

    Mais... Assez vite, mais non, ça ne s'est pas passé aussi vite. Mais moi, j'étais encore en études, des études commerciales qui ne me plaisaient pas du tout. Après un bac littéraire, donc rien d'agricole dans mon parcours. Et puis, j'ai dit... Comme le commerce ne me plaisait pas et que je ne resterais pas dedans, on y a vu un signe. J'ai tout appris sur le tas.

  • Romain LE GAL

    Quand tu es arrivée, il y avait déjà du fromage ?

  • Sandra FOUQUE

    Il n'y avait pas de production de fromage. C'était juste de l'élevage du lait, la production de lait et les cultures.

  • Romain LE GAL

    Ton mari, à l'époque, était associé ?

  • Sandra FOUQUE

    Il était... Je ne sais plus. Pas encore, peut-être. Ils venaient de s'installer, peut-être. Je ne sais plus exactement. On cherchait une activité pour pouvoir faire vivre deux couples sur cette exploitation, qui ne le permettait pas avec la situation, avec mes beaux-parents. Juste si on était restés dans l'état actuel des choses, on ne pouvait pas se dégager de revenus. Donc, étant dans le pays de Bray, dans la zone géographique du Neufchâtel, on s'est dit pourquoi pas faire du fromage. Ça s'est passé comme ça.

  • Romain LE GAL

    Et toi, t'aimais bien le fromage ?

  • Sandra FOUQUE

    Et moi, j'adore le fromage,

  • Romain LE GAL

    donc pourquoi pas. Finalement, c'est bien tombé. Et donc, le Neufchâtel, puisque c'est l'appellation d'origine protégée. En plus, vous faisiez déjà de la Normande.

  • Sandra FOUQUE

    Déjà de la Normande. Par contre, il a fallu investir directement dans des nouveaux locaux avant de savoir si on allait réussir à faire du fromage. Ça, c'était le côté un peu insouciant.

  • Romain LE GAL

    T'avais pas été un petit peu produire chez des producteurs à côté ?

  • Sandra FOUQUE

    Parce que moi, comme je n'avais aucun niveau agricole, il a fallu que je fasse un petit stage.

  • Romain LE GAL

    Est-ce que tu pourrais expliquer ça pour ceux qui ne le savent pas, au niveau du niveau agricole ?

  • Sandra FOUQUE

    En fait, avoir un niveau agricole sert uniquement à des aides pour financer les installations, avoir des prêts bonifiés, etc. Donc c'est uniquement à ça que ça sert. Mais quand on a zéro niveau agricole, ça permet quand même aussi de comprendre quelques termes techniques. Ce n'est pas tout à fait inutile quand même, ça ne sert pas, pas que aller voir les banques. Et puis...

  • Romain LE GAL

    Donc là, tu as été faire des stages dans des exploitations ?

  • Sandra FOUQUE

    J'ai fait, je ne sais plus, trois mois chez un producteur de Neufchâtel pour savoir quand même de quoi on parlait.

  • Romain LE GAL

    Donc là, tu étais sur la ferme et dans la fromagerie ou uniquement ?

  • Sandra FOUQUE

    Uniquement fromagerie.

  • Romain LE GAL

    Uniquement fromagerie.

  • Sandra FOUQUE

    Fromagerie traite, mais vraiment surtout pour fromagerie. On est tombé sur des gens adorables qui nous ont montré comment ils travaillaient. Et puis, on a gardé ce qu'on voulait garder. Et puis... On n'a pas gardé ce qu'on ne voulait pas garder, puis après on s'est lancé chez nous.

  • Romain LE GAL

    D'accord, directement après le stage ?

  • Sandra FOUQUE

    Quelques mois après, parce que franchement, c'était il y a quelques années. Alors, je n'ai plus la chronologie exacte.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, vous avez eu des soucis au démarrage ou tout s'est passé comme sur le plan ?

  • Sandra FOUQUE

    Pas de soucis, non, non, plutôt pas de soucis. On a tout de suite commencé à fabriquer des très, très petits volumes.

  • Romain LE GAL

    D'accord.

  • Sandra FOUQUE

    Évidemment.

  • Romain LE GAL

    Vous aviez combien de vaches à l'époque ?

  • Sandra FOUQUE

    Il devait y avoir une soixante... Centaines de vaches, 70 vaches peut-être.

  • Romain LE GAL

    Donc au début, petit volume.

  • Sandra FOUQUE

    On gardait 100 litres, 200 litres de lait.

  • Romain LE GAL

    C'était des petites productions que vous vendiez en direct sur la ferme ?

  • Sandra FOUQUE

    On faisait des marchés, quelques marchés. On a commencé en mai-juin, quelque chose comme ça.

  • Romain LE GAL

    Il y avait des marchés sur Neufchâtel ?

  • Sandra FOUQUE

    Des marchés, des petits marchés ponctuels d'été, des choses comme ça. Et puis, on a eu la chance de trouver un client assez rapidement qui nous a fait augmenter les volumes. Et c'est parti assez vite, en fait. Et il y avait juste quelqu'un qui ne nous suivait pas, c'était le comptable, qui n'était pas du tout chaud sur cette idée de transformation. Donc, on a fait des études de comptable, forcément. Et l'idée, c'était que ça devenait rentable si on transformait 70 000 litres de lait au bout de trois ans.

  • Romain LE GAL

    D'accord. Et vous l'avez atteint en combien de temps ?

  • Sandra FOUQUE

    On a dû faire 50 000 la première année.

  • Romain LE GAL

    Donc finalement, le challenge allait être vite rempli.

  • Sandra FOUQUE

    Donc le comptable s'est détendu.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, après, vous avez agrandi la fromagerie ? Ou comment ça s'est passé ?

  • Sandra FOUQUE

    On a agrandi au bout de dix ans, en fait.

  • Romain LE GAL

    Vous avez saturé le premier outil ?

  • Sandra FOUQUE

    Tout à fait. C'était quand même compliqué parce qu'on avait des petits tanks. Un tank de 400 litres de mémoire et un tank de 700 ou quelque chose comme ça. Moi, j'ai eu deux enfants quand même en cours de route. Donc, couler au seau, se pencher dans les tanks, etc. C'était compliqué.

  • Romain LE GAL

    Couler au seau, pour toi, ça veut dire ?

  • Sandra FOUQUE

    Ça veut dire prendre le caillé qui est dans le tank pour le verser dans les sacs pour que ça s'égoutte.

  • Romain LE GAL

    Ok, mais on reviendra sur comment on fait du neufchâtel juste après. Donc, vous avez agrandi la fromagerie. C'était donc dix ans après. Et maintenant, au niveau de l'exploitation, vous avez combien de vaches laitières ?

  • Sandra FOUQUE

    Alors aujourd'hui, on a 140 vaches laitières.

  • Romain LE GAL

    D'accord. À la traite ?

  • Sandra FOUQUE

    À la traite, oui, à la traite. Oui,

  • Romain LE GAL

    mais c'est toujours...

  • Sandra FOUQUE

    Oui, 140 vaches laitières à traire, mais après, il y a à peu près 250-300 bêtes

  • Romain LE GAL

    Vous faites à peu près un million de litres de lait. C'est ça. Et vous transformez ...

  • Sandra FOUQUE

    À peu près la moitié.

  • Romain LE GAL

    À peu près la moitié, d'accord. Et au niveau des races, vous êtes en...

  • Sandra FOUQUE

    Quasi exclusivement normande. Il y a quelques...

  • Romain LE GAL

    Oui, de toute façon, pour faire du Neufchâtel, il faut au minimum 60% de vaches normandes. Donc en étant quasiment à 100%, on est dans les clous. Et du coup, la production de Neufchâtel maintenant, comment on fait, Sandra, un bon neuf châtel ?

  • Sandra FOUQUE

    On fait du bon neuf châtel avec du bon lait.

  • Romain LE GAL

    Déjà un bon Neufchâtel fermier.

  • Sandra FOUQUE

    Oui, du Neufchâtel fermier.

  • Romain LE GAL

    Donc ça veut dire que le lait provient de ta ferme et que tu vas transformer le fromage sur ta ferme.

  • Sandra FOUQUE

    C'est le lait uniquement de la ferme. Des vaches qui sont élevées sur la ferme et le lait de la ferme. Il n'y a pas d'achat de lait à côté. Donc au niveau de la production, il y a déjà 48 heures entre le moment où on garde le lait et le moment où le fromage est moulé.

  • Romain LE GAL

    D'accord.

  • Sandra FOUQUE

    Donc à peu près 24 heures de caillage, on va dire.

  • Romain LE GAL

    D'accord, donc c'est un fromage qu'on va appeler dans...

  • Sandra FOUQUE

    Un caillé lactique.

  • Romain LE GAL

    Un caillé lactique dans les technologies.

  • Sandra FOUQUE

    Ouais, pâte molle à croûte fleurie, exactement.

  • Romain LE GAL

    Donc du coup, 24 heures de temps de prise.

  • Sandra FOUQUE

    24 heures de... caillage et puis après on peut découper 12h, donc 12h d'égouttage et 12h de pressage pour schématiser.

  • Romain LE GAL

    Si je reprends pour les gens qui nous écoutent, donc je prends mon lait que je laisse maturer et cailler pendant 24h, après tu as utilisé le mot, je vais le couler. Autrement dit, le décaillage, on décaille, ça va dans des grands sacs, dans des filets de pêche. Ça c'est une vraie particularité d'une Neufchâtel. Vous avez une phase d'égouttage, une première phase d'égouttage ?

  • Sandra FOUQUE

    Qui dure environ 12 heures. Schématisé, ça fait à peu près ça. Ça s'égoutte, on va dire, toute la journée. Et après, ça presse toute la nuit.

  • Romain LE GAL

    Ça presse toute la nuit.

  • Sandra FOUQUE

    Donc, 48 heures entre la traite et la phase de fabrication.

  • Romain LE GAL

    OK. Donc, une fois que c'est pressé ?

  • Sandra FOUQUE

    Après, on a des sacs où on a des espèces de petites galettes de pâtes, si vous voulez.

  • Romain LE GAL

    De pâtes, oui.

  • Sandra FOUQUE

    Et donc, après, le jour de la fabrication, on intègre 2% de sel environ. Oui.

  • Romain LE GAL

    Malaxé. C'est une étape de malaxage.

  • Sandra FOUQUE

    Pétrin de boulanger ou de charcutier. Donc 2%.

  • Romain LE GAL

    Et le pénicillium, du coup, pour que ça soit une...

  • Sandra FOUQUE

    Pour moi, tout est ajouté au moment de la traite. À la fin de la traite, j'ensemence mon lait.

  • Romain LE GAL

    D'accord.

  • Sandra FOUQUE

    J'ajoute le pénicillium.

  • Romain LE GAL

    Il y en a, il me semble, qui rajoutent aussi des ferments à ce moment-là, dans le pétrissage ?

  • Sandra FOUQUE

    Ah, dans le pétrissage, je ne sais pas.

  • Romain LE GAL

    Vous avez chacun un peu toutes vos recettes.

  • Sandra FOUQUE

    Quand ça marche, en fait, on ne change rien. Tant que ça marche.

  • Romain LE GAL

    Touche de la peau de singe. Donc, tu as malaxé.

  • Sandra FOUQUE

    On a une belle pâte homogène, en fait. Et puis après, c'est moulé.

  • Romain LE GAL

    C'est moulé avec ?

  • Sandra FOUQUE

    Moulé à la mouleuse, maintenant. Je l'ai fait pendant... 15 ans, 12, 13 ans, 15 ans, je ne sais pas exactement, à la main.

  • Romain LE GAL

    Donc à la main, qu'est-ce que tu appelles à la main pour les gens qui n'ont jamais vu ?

  • Sandra FOUQUE

    Alors à la main, on faisait des petites boules de pâtes, style pâte à modeler, où on moulait les fromages un à un dans un emporte-pièce en inox. Et un à un, on faisait les fromages.

  • Romain LE GAL

    Donc emporte-pièce en inox, avec quelle forme ?

  • Sandra FOUQUE

    En cœur,

  • Romain LE GAL

    bien sûr. En cœur, bien sûr. Pas que, on dirait.

  • Sandra FOUQUE

    Mais essentiellement en cœur , et pas que, parce que le cœur est une des formes de l'AOP. Il y en a six.

  • Romain LE GAL

    Six. Alors, si on les nomme, il y a le cœur.

  • Sandra FOUQUE

    Il y a le cœur. Il y a le...

  • Romain LE GAL

    Qui fait à peu près 200 grammes.

  • Sandra FOUQUE

    C'est ça, à peu près.

  • Romain LE GAL

    Il fait 200 grammes, effectivement.

  • Sandra FOUQUE

    Le cœur, la bonde qui fait 100 grammes, qui est un cylindre, en fait. La double bonde, 200 grammes.

  • Romain LE GAL

    200 grammes.

  • Sandra FOUQUE

    Comme son nom l'indique. La briquette qui fait 100 grammes. le carré qui fait également 100 grammes, je crois, le triple cœur.

  • Romain LE GAL

    Dans le cahier des charges, moi, je lis le gros cœur. Ça, c'est un point de...

  • Sandra FOUQUE

    Triple, mais c'est évident, puisque ça fait 600 grammes, ça fait trois fois 200. C'est assez logique.

  • Romain LE GAL

    C'est plutôt là...

  • Sandra FOUQUE

    Est-ce que là, j'en ai six ?

  • Romain LE GAL

    Alors, oui, il me semble que tu en as six, mais il y en a qui aimeraient bien inclure un septième. Il y a des fois, il y a... Il y a un petit débat sur le mini-cœur, mais pour le moment, il n'est pas encore Neufchâtel.

  • Sandra FOUQUE

    Effectivement, c'est une forme qui plaît beaucoup, que tous les producteurs, à mon avis, doivent faire aujourd'hui, mais qu'on n'a pas le droit d'appeler Neufchâtel. Contrairement à d'autres formes qui ne sont plus du tout exploitées, je pense au carré ou à la bonde, par exemple,

  • Romain LE GAL

    qui font toujours partie... Peut-être un petit peu dans votre région et encore ?

  • Sandra FOUQUE

    Moi, je n'en crois pas.

  • Romain LE GAL

    Même pas du tout ? Non.

  • Sandra FOUQUE

    Très honnêtement.

  • Romain LE GAL

    Portée disparue.

  • Sandra FOUQUE

    Portée disparue, nous cherchons le carré. Donc non, effectivement, l'idée, ce serait de supprimer une de ces formes non utilisées, non exploitées, et puis à la place d'intégrer le mini-cœur qui plaît au plus grand nombre.

  • Romain LE GAL

    Donc là, on a moulé, donc aujourd'hui avec une mouleuse.

  • Sandra FOUQUE

    Aujourd'hui avec une mouleuse, elle a machiné.

  • Romain LE GAL

    Un genre de trémie où la pâte est poussée dans une forme, et puis cette forme est coupée.

  • Sandra FOUQUE

    Voilà.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, après ?

  • Sandra FOUQUE

    Posé sur des grilles.

  • Romain LE GAL

    Des grilles.

  • Sandra FOUQUE

    Voilà, des grilles d'affinage et puis emmené en cave.

  • Romain LE GAL

    Donc à partir du moment jour de fabrication, il faut combien de temps pour sortir un Neufchâtel AOP ?

  • Sandra FOUQUE

    Il faut dix jours.

  • Romain LE GAL

    Dix jours, comptez jour de fabrication. Oui,

  • Sandra FOUQUE

    avant ce n'est pas du Neufchâtel.

  • Romain LE GAL

    Avant ce n'est pas du Neufchâtel, c'est juste un cœur.

  • Sandra FOUQUE

    C'est juste un cœur.

  • Romain LE GAL

    C'est un cœur de Normandie. Et pas du Neufchâtel AOP de Normandie.

  • Sandra FOUQUE

    Alors tu dis Neufchâtel.

  • Romain LE GAL

    Neufchâtel.

  • Sandra FOUQUE

    C'est du Neufchâtel.

  • Romain LE GAL

    On prononce forcément le F ?

  • Sandra FOUQUE

    Forcément, je ne sais pas. Je pense que oui. D'accord. Parce que Neufchâtel, ça existe et c'est en Suisse.

  • Romain LE GAL

    D'accord. Mais j'ai toujours dit Neufchâtel. Maintenant, je vais avoir le doute. Je vais bloquer. C'est comme le débat entre un époisse et une époisse. Moi, c'est un époisse. Et la norme, normalement, c'est un époisse. Mais effectivement...

  • Sandra FOUQUE

    Parce qu'il y a des gens qui disent une époisse.

  • Romain LE GAL

    Eh oui, il y en a. Ah bon ? Eh bien oui. Mais donc, le Neufchâtel. Je penserai à toi à chaque fois que je prononce ce magnifique F. Donc là, 10 jours d'affinage, minimum ?

  • Sandra FOUQUE

    Minimum, après.

  • Romain LE GAL

    Après, je crois que vous avez un affinage qui est un peu particulier.

  • Sandra FOUQUE

    ça peut aller très très loin, ça peut aller 2 mois, 3 mois, sur les gros cœurs, ça peut être plus.

  • Romain LE GAL

    On n'y est pas encore allé aujourd'hui, mais on y retournera après. Je sais, j'ai souvenir que quand on arrive dans la cave où les neufchâtels sont très très affinés...

  • Sandra FOUQUE

    C'est très ammoniaqué.

  • Romain LE GAL

    On pleure rapidement. On pleure rapidement. C'est-à-dire qu'on a les larmes qui montent assez rapidement. Et c'est vrai que c'est une des typicités du Neufchâtel. En consommation régionale, il y en a qui le mangent.

  • Sandra FOUQUE

    C'est très local. C'est très local. Mais oui, c'est comme ça qu'on...

  • Romain LE GAL

    Il me semble d'ailleurs que Frédéric, ton mari... Ah, il ne l'a eu que ça. C'est un vrai. En même temps, c'est un vrai. Il a toujours vécu là.

  • Sandra FOUQUE

    Oui, il a toujours vécu là. Donc,

  • Romain LE GAL

    c'est un vrai du terroir. D'accord. Et donc, vos Neufchâtel, ensuite, sont commercialisés après 10 jours. Donc, vous passez une phase d'emballage ?

  • Sandra FOUQUE

    Oui, alors soit emballés, soit vendus nus, parce que parfois, ils sont vendus nus pour des épiceries, pour les marchés aussi, les vendeurs de marchés. Donc oui, il y a une petite phase d'emballage.

  • Romain LE GAL

    Et vous faites un autre fromage de mes souvenirs ? Qui est un énorme cœur.

  • Sandra FOUQUE

    Ah bah oui, c'est la même pâte.

  • Romain LE GAL

    C'est la même pâte, alors c'est finalement l'énorme cœur de Massy.

  • Sandra FOUQUE

    Voilà. Nous, on avait imaginé des noms, mais on ne l'a jamais validé. Donc les gens nous commandent un très gros cœur.

  • Romain LE GAL

    Un très gros cœur, c'est même un très très gros cœur. Donc il fait combien de kilos celui-là ?

  • Sandra FOUQUE

    Alors nous, ceux qu'on fait font à peu près 5 kilos. mais je sais qu'au syndicat du Neufchâtel, ils ont un moule qui est disponible et je pense que ça peut aller jusqu'à 12-13 kilos quand il est bien...

  • Romain LE GAL

    C'est quand même une belle bête.

  • Sandra FOUQUE

    C'est une belle bête. Il faut être un certain nombre à table.

  • Romain LE GAL

    Aujourd'hui, au niveau de la filière Neuchâtel, je me rappelle avoir lu que c'était environ 1700 tonnes. Vous êtes encore combien d'acteurs à produire du Neufchâtel ?

  • Sandra FOUQUE

    Alors là, on est une vingtaine. Je pense aujourd'hui, 22-23 producteurs, tout confondu fermier et non fermier et industriel.

  • Romain LE GAL

    Et quand tu as commencé, est-ce que tu te rappelles à peu près ?

  • Sandra FOUQUE

    Pour moi, c'était plutôt une trentaine. D'accord.

  • Romain LE GAL

    Et en fermier, il me semble que c'est à peu près 25% des Neufchâtels qui sont fermiers aujourd'hui. Je me semble avoir lu sur les derniers chiffres, c'est ce que j'ai lu, environ 25% des Neufchâtels sont fermiers. et quand c'est fermier, c'est forcément lait cru.

  • Sandra FOUQUE

    Quand c'est fermier, c'est lait cru, c'est produit sur l'exploitation avec le lait de l'exploitation.

  • Romain LE GAL

    Il y a aussi d'autres règles sur le lait, des règles sur l'alimentation, le fondement des forages. C'est minimum combien de temps à l'herbe ? C'est la moitié de la vie. C'est six mois de pâturage. D'ailleurs, on n'en a pas parlé, vous avez combien d'hectares ? comment vous fonctionnez ?

  • Sandra FOUQUE

    Il y a 180 hectares en totalité et on a une soixantaine d'hectares de pâtures accolées à la stabulation. Les vaches sont dehors le plus possible très rapidement dans l'année. Cette année est assez particulière à cause de la pluie, mais elles sortent généralement fin février.

  • Romain LE GAL

    Parce que normalement, pas toute l'année en Normandie ? en Haute-Normandie ?

  • Sandra FOUQUE

    C'est très vert, ça reste très vert très longtemps, mais là c'est vrai qu'on est, comme une bonne partie du nord de la France, on est quand même...

  • Romain LE GAL

    On manque pas trop d'eau.

  • Sandra FOUQUE

    On manque pas d'eau, voilà, et non plus aujourd'hui, mais on manque pas d'eau, c'est vrai. Il y a aussi du maïs, il y a du blé, etc., qui servent aussi à l'alimentation.

  • Romain LE GAL

    Vous êtes autonome ou pas en alimentation ?

  • Sandra FOUQUE

    Non, on n'est pas autonome.

  • Romain LE GAL

    C'est un projet, ça, pour l'avenir ?

  • Sandra FOUQUE

    Oui, c'est pas un projet, parce que ça nécessiterait énormément d'investissements en... Je pense que l'idéal, c'est un système séchage en grange, en fait, où là, ça permet d'être autonome. Je pense que les investissements sont tellement énormes que... Je dis ça parce que Frédéric y a pensé à un moment, ce séchage en grange, je pense qu'il aurait adoré ce système-là, mais il faut avaler un investissement pareil.

  • Romain LE GAL

    Le Neufchâtel, on dit que c'est un très, très vieux fromage.

  • Sandra FOUQUE

    Très, très vieux fromage. C'est peut-être... pas la première production, comme tu disais tout à l'heure,

  • Romain LE GAL

    c'est la troisième appellation d'origine de Normandie. Donc, si on répète, si on rappelle les premières, c'est en numéro 1 le Camembert AOP de Normandie. Le deuxième, c'est le Pont-L'Evêque. Puisqu'il faut sauver le soldat Livarot. Pourquoi je dis le soldat Livarot ? Parce qu'il y a 5 galons comme un colonel. D'accord. Donc ça, c'est la plus petite. Et effectivement, le Neufchâtel arrive en troisième position avec environ 1700 tonnes, un petit peu moins de 1700 tonnes de Neufchâtel produit.

  • Sandra FOUQUE

    Donc il est troisième là, mais il est numéro un en chronologie, on va dire, parce que c'est le plus vieux de Neufchâtel.

  • Romain LE GAL

    Et pourquoi tu dis le plus vieux du coup ?

  • Sandra FOUQUE

    Parce que les premières traces remontent au Moyen-Âge. 1200 ou je ne sais pas, je n'ai pas la date exacte.

  • Romain LE GAL

    Et c'est pourquoi du coup le Neufchâtel, il sera en cœur historiquement ? Ah, la fameuse histoire. Bah oui, attention, minute, comptez les gens. Minute,

  • Sandra FOUQUE

    comptez les gens, absolument. Ça date de la guerre de Cent Ans, je suis arrivée, où les soldats anglais étaient venus combattre en France. Et à la fin de la guerre, quand ils sont repartis dans leur pays... Évidemment, ils avaient rencontré de merveilleuses petites Normandes, probablement, et elles se sont mises à fabriquer du fromage en forme de cœur pour prouver leur amour aux soldats anglais quand ils sont repartis chez eux.

  • Romain LE GAL

    Pour toi, c'est quoi les enjeux demain ?

  • Sandra FOUQUE

    Les enjeux ?

  • Romain LE GAL

    Les enjeux de manière générale sur la filière Neuchâtel, comment tu vois l'avenir ?

  • Sandra FOUQUE

    J'ai déjà 45 ans, donc je me dis, nous, ça va aller. On a une production qui est plutôt tendance à la hausse, mais aussi parce qu'il y a des producteurs qui arrêtent, il y a des producteurs qui ont l'âge de la retraite avec pas de repreneurs, des gens qui arrêtent parce qu'ils n'y trouvent pas leur compte. Donc effectivement, aujourd'hui, on a du travail. Mais à très longue échelle, à plus long terme, Je ne sais pas ce que ça va donner. Parce que ce n'est même pas la filière Neufchâtel.

  • Romain LE GAL

    C'est l'agriculture en général. Qui n'attire pas,

  • Sandra FOUQUE

    qui n'attire plus beaucoup de monde.

  • Romain LE GAL

    Et toi, dans tes deux enfants, il y en a un des deux qui se prédestinerait ?

  • Sandra FOUQUE

    Alors pourquoi un des deux ? Ça pourrait être les deux.

  • Romain LE GAL

    Oui, un et où ? Ou pas ?

  • Sandra FOUQUE

    En fait, ils sont attachés à la ferme. Ils aiment bien. Je pense qu'ils sont contents d'avoir grandi à la ferme. Mais faire ce métier-là... Clairement, je ne pense pas que ce soit leur projet. Et pour la même raison que la majorité des jeunes aujourd'hui, très peu de reconnaissance, très peu de revenus, en tout cas un revenu qui n'est pas à hauteur du travail fourni. Et puis, ce qui est dur dans le métier, c'est qu'il n'y a jamais d'arrêt. Notre vie est notre métier. Il n'y a pas de scission entre la vie privée et la vie perso.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, comment vous le gérez ? Parce que finalement, la maison est quasiment à côté de la ferme, voire collée à la ferme.

  • Sandra FOUQUE

    C'est ça. Quand on rentre à la maison, on parle encore boulot et c'est que boulot. C'est une vie particulière.

  • Romain LE GAL

    Vous arrivez de temps en temps quand même à couper un petit peu ?

  • Sandra FOUQUE

    Quand on dort.

  • Romain LE GAL

    Quand on dort.

  • Sandra FOUQUE

    C'est vraiment l'aspect très difficile du métier d'agriculteur.

  • Romain LE GAL

    Surtout quand il y a un élevage électrique, c'est 7 jours sur 7.

  • Sandra FOUQUE

    Je suis d'accord. Agriculteur et éleveur, il faut vraiment...

  • Romain LE GAL

    Au niveau de la répartition, toi, tu es fromagerie, fromagerie.

  • Sandra FOUQUE

    Fromagerie, compta.

  • Romain LE GAL

    Compta, oui. Et Frédéric s'occupe plus de l'élevage et culture. Et du coup, tu produis tous les jours de la semaine ?

  • Sandra FOUQUE

    Alors, on se garde le dimanche. Mais si on veut travailler le lundi, il faut quand même travailler le dimanche. On ne moule pas le dimanche. Et sinon, ça dépend. Parfois, c'est du lundi au samedi, du lundi au vendredi, du mardi au vendredi. Ça dépend, on s'adapte en fonction des commandes, en fonction de la demande.

  • Romain LE GAL

    Ce n'est vraiment pas un rythme facile. Et c'est vrai que c'est aujourd'hui pour ça qu'on voit aussi des GAEC arriver pour justement arriver à se donner des week-ends.

  • Sandra FOUQUE

    Oui, ça c'est un bon système. Mais quand le GAEC est un couple...

  • Romain LE GAL

    C'est plus compliqué. Vous ne faites pas un week-end sur deux, garde partagé avec l'exploitation.

  • Sandra FOUQUE

    On a eu un associé, mais aujourd'hui on n'est plus que tous les deux.

  • Romain LE GAL

    Vous n'êtes plus que tous les deux, l'association ce n'était pas forcément très...

  • Sandra FOUQUE

    L'association, c'est comme un mariage, c'est compliqué. Parfois il y a des divorces. Donc là, en l'occurrence, il y a eu un divorce. Et effectivement, il a fallu continuer à supporter à deux ce qui devait être supporté à trois. Donc voilà, ce n'est pas toujours simple.

  • Romain LE GAL

    C'est vraiment un des enjeux et défis de l'agriculture demain, c'est de trouver des nouvelles vocations.

  • Sandra FOUQUE

    Mais même pour les salariés. Nous, aujourd'hui, on a une équipe qui tourne très bien. Mais trouver des salariés en milieu agricole, c'est aussi très, très compliqué. Parce que c'est notamment en élevage laitier, parce que les traites... C'est tous les jours de la semaine qu'on se marie, que la grand-mère soit morte ou que ce soit Noël ou le baptême du petit dernier. Il faut traire, de toute façon. Donc ça, pour les jeunes générations, c'est compliqué à comprendre. Je pense que c'est ce qui ne plaît pas du tout à mes enfants. Non, c'est ce qui est très compliqué. Il ne faut pas se mentir.

  • Romain LE GAL

    Aujourd'hui, c'est une vie dure, la vie d'agriculteur, d'agricultrice. Oui. Effectivement. Et ça s'organise comment ? Une journée type pour Frédéric ou pour toi ?

  • Sandra FOUQUE

    Alors, une journée type. Déjà, on se lève très tôt. Tous les jours, à 5h moins le quart, on est debout. Et à 5h10 environ, on est à la fromagerie. Après, c'est une partition qui est bien rodée. On a chacun nos tâches. Frédéric m'aide pendant une petite demi-heure le matin parce qu'il a des plus gros bras que moi et que je ne peux pas décharger les presses toute seule.

  • Romain LE GAL

    Il faut rappeler que la fromagerie, c'est quand même aussi des métiers physiques.

  • Sandra FOUQUE

    C'est un peu physique, absolument.

  • Romain LE GAL

    Pas de salle de sport.

  • Sandra FOUQUE

    Si, pourtant, j'y vais quand même.

  • Romain LE GAL

    Tu y vas quand même ? Oui. C'est bien aussi.

  • Sandra FOUQUE

    Donc, il m'aide à décharger les sacs, en fait. Il décharge les sacs tout seul. Et puis après, on... Donc, on décaille le lait de la veille parce que c'est toujours, on finit une étape pour en commencer une autre. C'est assez logique de vider le tank avant de le remplir avec la traite qui arrive. Donc, après, Frédéric, lui, va à la traite. Du coup, moi, je reste à la fromagerie où on est en fabrication jusqu'à peu près 8h30, 9h. Ensuite, on a trois quarts d'heure de nettoyage. Et puis après, c'est de la préparation de commandes jusqu'à midi, heure où on coule le deuxième tank de la veille au soir. Et puis, quand on n'a pas fini, on revient l'après-midi pour finaliser les commandes et aussi faire les livraisons.

  • Romain LE GAL

    D'accord. Et puis,

  • Sandra FOUQUE

    la fin d'après-midi est vite arrivée. Les enfants, les miens sont grands, mais j'en ai quand même encore un au lycée, donc il faut aller le chercher. Après, j'enchaîne avec mon deuxième métier de femme d'intérieur.

  • Romain LE GAL

    Oui, ben... La vie continue à côté de la ferme.

  • Sandra FOUQUE

    Une journée entre autres. Après, il y a également la compta, s'occuper des salariés, faire les plannings, etc. Et Frédéric, lui, il est plutôt sur de la pleine, entretien du matériel, puis la traite qui repart le soir.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, aujourd'hui, c'est quoi qui te plaît dans ton métier ?

  • Sandra FOUQUE

    C'est quoi qui me plaît dans mon métier ? C'est la satisfaction, sans doute, de suivre de A à Z, de produire un lait qui est sur la ferme et d'en sortir un produit fini. On a la boucle bouclée, en fait.

  • Romain LE GAL

    De la fourche à la fourchette, finalement. Ça fait un peu cliché de dire ça, mais c'est un peu ça.

  • Sandra FOUQUE

    Je pense que c'est la satisfaction de tout agriculteur qui fait de la transfo.

  • Romain LE GAL

    Et aujourd'hui pour toi, c'est quoi un bon Neufchâtel ?

  • Sandra FOUQUE

    C'est un Neufchâtel Fouque,

  • Romain LE GAL

    évidemment. Ah, évidemment. Mais si on parle du produit en tant que tel, toi tu manges que des cœurs ou tu manges d'autres formats ?

  • Sandra FOUQUE

    Alors moi, mon format préféré, c'est la double bonde.

  • Romain LE GAL

    D'accord, pourquoi ?

  • Sandra FOUQUE

    Je trouve que ça s'affine bien. Je ne sais pas pourquoi. Après, c'est vraiment des affaires de goût. Mais mon format préféré, c'est la double bonde. C'est... Ouais.

  • Romain LE GAL

    Et sur quel affinage ?

  • Sandra FOUQUE

    Il faut un mois et demi, deux mois quand même.

  • Romain LE GAL

    Ah oui, il faut déjà qu'il y ait un crémeux.

  • Sandra FOUQUE

    Crémeux à souhait.

  • Romain LE GAL

    J'ai une dernière question avant de te laisser, Sandra. C'est quoi ta pizza préférée ?

  • Sandra FOUQUE

    C'est ma pizza préférée. C'est bizarre parce que c'est encore avec moi. J'adore la quatre fromage, bizarrement.

  • Romain LE GAL

    Et pourquoi pas ?

  • Sandra FOUQUE

    Parce que du fromage, je vis dedans. Alors, je ne suis pas obligée d'en mettre encore dans les pizzas. Mais oui, j'aime beaucoup la quatre fromage.

  • Romain LE GAL

    Non, parce que c'est une question qui est quand même intéressante, puisque la pizza, c'est finalement... On est le premier pays consommateur de pizza à égalité avec les États-Unis. Et on a tous une pizza préférée. Et on a tous, peut-être ou pas, quelque chose contre la pizza hawaïenne, mais on en reparlera peut-être dans un prochain épisode. Je te remercie, Sandra, du temps qu'on a partagé ensemble. Et puis, on va aller déguster un bon bout de... De Clausou ? Ah oui, j'ai ramené une petite planche, effectivement, avec du Clausou. J'ai fait découvrir à Sandra le Clausou de nos amis de chez Fromagerie Fédou et également de la bonne Tomme de Savoie fermière et un Neufchâtel, un Valençay fermier. Je n'ai pas ramené trop de fromages de Normandie puisque je pense que tu en vois suffisamment. Je les connais bien. Tu les connais bien. Puis, je n'allais pas ramener un Neufchâtel Fouque. Non.

  • Sandra FOUQUE

    Ça aurait été ballot.

  • Romain LE GAL

    Je vous remercie de nous avoir écoutés jusqu'au bout. J'espère que cet épisode vous a plu. N'hésitez pas à nous faire des commentaires et vos retours et à partager ce podcast. Je vous dis à bientôt pour un nouvel épisode.

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • Présentation de la ferme FOUQUE

    00:32

  • Parcours : du commerce à la ferme

    02:02

  • Début de la production de Neufchâtel AOP

    02:38

  • La fromagerie aujourd'hui

    06:26

  • Comment fait-on un Neufchâtel AOP ?

    07:47

  • les différentes formes du Neufchâtel AOP

    10:48

  • Neuchatel ou Neufchâtel ?

    13:01

  • Fabrication du Neufchâtel (suite)

    13:39

  • L'ENORME COEUR - un Très Gros cœur de Fromage

    14:52

  • La filière du Neufchâtel

    15:37

  • Fonctionnement sur la ferme

    16:48

  • Les productions de fromage AOP

    18:09

  • L'histoire du Neufchâtel

    19:12

  • Les enjeux de demain

    19:47

  • Les difficultés de renouvellement dans le métier

    20:58

  • Equilibre vie pro / perso

    21:22

  • Organisation d'une journée de travail

    24:01

  • Les PLUS du métier

    26:10

  • C'est quoi un bon Neufchâtel ?

    26:49

  • La dernière question

    27:25

  • Conclusion

    27:59

Description

En plein Pays de Bray, là où la pluie ne s’arrête jamais, Romain Le Gal, l'un des meilleurs ouvriers de France classe fromagère, se rend au GAEC FOUQUE à la rencontre de Sandra Fouque, productrice de Neufchâtel fermier.

Aux commandes de la ferme avec son mari Frédéric depuis 21 ans, les deux associés se répartissent le travail entre l’élevage de vaches de race Normande et la production fromagère avec l'aide de cinq salariés. L’exploitation est composée de 180 ha dont 60 pâturages pour les 300 bêtes et produit 1 000 000 litres de lait dont 50% est transformé en Neufchâtel.

Le Neufchâtel est un fromage d’appellation d’origine protégée. Il est très reconnaissable par sa forme en cœur mais en réalité, on peut le retrouver sous cinq autres formes moins populaires en dehors de la Normandie. Bonde de 100g, double bonde de 200g, briquette et carré de 100g chacun, cœur de 200g et gros cœur (ou triple cœur) de 600g sont les six formes autorisées dans le cahier des charges et en fonction de l’affinage souhaité, vous pouvez retrouver des fromages assez différents.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Romain LE GAL

    Bienvenue sur Lait'Change, le podcast qui donne la parole aux actrices et aux acteurs de la filière laitière et fromagère. Je suis Romain Le Gal et ce matin j'ai pris la route pour la Seine-Maritime. Vous vous en doutez, j'y ai trouvé un peu de pluie. Je me suis arrêté à côté de Neuchâtel-en-Bray, chez des personnes que j'ai rencontrées il y a quelques mois, des producteurs de Neufchâtel fermier. Je me suis arrêté au Gaec Fouque et je suis actuellement avec Sandra. Bonjour Sandra.

  • Sandra FOUQUE

    Bonjour Romain.

  • Romain LE GAL

    Bon ben merci de nous accueillir sur la ferme aujourd'hui. Sandra, peux-tu te présenter en quelques mots ?

  • Sandra FOUQUE

    Je m'appelle Sandra Fouque, j'ai 45 ans et je suis productrice de Neufchâtel depuis 21 ans.

  • Romain LE GAL

    Donc tu produis d'une Neufchâtel toute seule sur la ferme ?

  • Sandra FOUQUE

    Non, on est avec nos salariés, enfin on est deux associés avec mon mari. Et on a cinq salariés, deux à la fromagerie avec moi et trois sur la partie élevage.

  • Romain LE GAL

    Et du coup la ferme, c'était la ferme de tes parents ?

  • Sandra FOUQUE

    C'était la ferme de mes beaux-parents.

  • Romain LE GAL

    De tes beaux-parents ? Oui,

  • Sandra FOUQUE

    qui sont arrivés... Et il y a, c'est une bonne question, environ 45 ans, je pense.

  • Romain LE GAL

    Il y a un moment, du coup.

  • Sandra FOUQUE

    Il y a un moment, qui venait, eux, du Vexin.

  • Romain LE GAL

    D'accord.

  • Sandra FOUQUE

    Et mon beau-père voulait absolument faire de l'élevage de race Normande. Donc, pour lui, ça a été évident de faire de la race normande en Normandie. Voilà comment ils sont arrivés par ici.

  • Romain LE GAL

    Comment ils sont arrivés dans le pays de Bray ?

  • Sandra FOUQUE

    Le Pays de Bray...

  • Romain LE GAL

    Tout à l'heure, tu me disais, quand on a préparé l'interview, le Pays de Bray...

  • Sandra FOUQUE

    Le Pays de Bray, c'est... C'est le Pays de Brin. On n'appelle plus ça comme ça. Le Pays de Bray, c'est le Pays de Bray. Mais étymologiquement parlant, si on peut dire, ça veut dire le Pays de Brin. Connoté pas très positif, quand tu faisais allusion à la pluie, je pense que c'est ça. Pays de Bray, parce que très vallonné, boueux, gadou. etc. et qui n'est pas si éloigné de la réalité.

  • Romain LE GAL

    Et toi...

  • Sandra FOUQUE

    tu es arrivée... Il y a 21 ans pour la production du fromage, en fait.

  • Romain LE GAL

    Et tu t'es dit, bon, j'arrive sur la ferme et je vais faire du Neufchâtel avec toi.

  • Sandra FOUQUE

    Mais... Assez vite, mais non, ça ne s'est pas passé aussi vite. Mais moi, j'étais encore en études, des études commerciales qui ne me plaisaient pas du tout. Après un bac littéraire, donc rien d'agricole dans mon parcours. Et puis, j'ai dit... Comme le commerce ne me plaisait pas et que je ne resterais pas dedans, on y a vu un signe. J'ai tout appris sur le tas.

  • Romain LE GAL

    Quand tu es arrivée, il y avait déjà du fromage ?

  • Sandra FOUQUE

    Il n'y avait pas de production de fromage. C'était juste de l'élevage du lait, la production de lait et les cultures.

  • Romain LE GAL

    Ton mari, à l'époque, était associé ?

  • Sandra FOUQUE

    Il était... Je ne sais plus. Pas encore, peut-être. Ils venaient de s'installer, peut-être. Je ne sais plus exactement. On cherchait une activité pour pouvoir faire vivre deux couples sur cette exploitation, qui ne le permettait pas avec la situation, avec mes beaux-parents. Juste si on était restés dans l'état actuel des choses, on ne pouvait pas se dégager de revenus. Donc, étant dans le pays de Bray, dans la zone géographique du Neufchâtel, on s'est dit pourquoi pas faire du fromage. Ça s'est passé comme ça.

  • Romain LE GAL

    Et toi, t'aimais bien le fromage ?

  • Sandra FOUQUE

    Et moi, j'adore le fromage,

  • Romain LE GAL

    donc pourquoi pas. Finalement, c'est bien tombé. Et donc, le Neufchâtel, puisque c'est l'appellation d'origine protégée. En plus, vous faisiez déjà de la Normande.

  • Sandra FOUQUE

    Déjà de la Normande. Par contre, il a fallu investir directement dans des nouveaux locaux avant de savoir si on allait réussir à faire du fromage. Ça, c'était le côté un peu insouciant.

  • Romain LE GAL

    T'avais pas été un petit peu produire chez des producteurs à côté ?

  • Sandra FOUQUE

    Parce que moi, comme je n'avais aucun niveau agricole, il a fallu que je fasse un petit stage.

  • Romain LE GAL

    Est-ce que tu pourrais expliquer ça pour ceux qui ne le savent pas, au niveau du niveau agricole ?

  • Sandra FOUQUE

    En fait, avoir un niveau agricole sert uniquement à des aides pour financer les installations, avoir des prêts bonifiés, etc. Donc c'est uniquement à ça que ça sert. Mais quand on a zéro niveau agricole, ça permet quand même aussi de comprendre quelques termes techniques. Ce n'est pas tout à fait inutile quand même, ça ne sert pas, pas que aller voir les banques. Et puis...

  • Romain LE GAL

    Donc là, tu as été faire des stages dans des exploitations ?

  • Sandra FOUQUE

    J'ai fait, je ne sais plus, trois mois chez un producteur de Neufchâtel pour savoir quand même de quoi on parlait.

  • Romain LE GAL

    Donc là, tu étais sur la ferme et dans la fromagerie ou uniquement ?

  • Sandra FOUQUE

    Uniquement fromagerie.

  • Romain LE GAL

    Uniquement fromagerie.

  • Sandra FOUQUE

    Fromagerie traite, mais vraiment surtout pour fromagerie. On est tombé sur des gens adorables qui nous ont montré comment ils travaillaient. Et puis, on a gardé ce qu'on voulait garder. Et puis... On n'a pas gardé ce qu'on ne voulait pas garder, puis après on s'est lancé chez nous.

  • Romain LE GAL

    D'accord, directement après le stage ?

  • Sandra FOUQUE

    Quelques mois après, parce que franchement, c'était il y a quelques années. Alors, je n'ai plus la chronologie exacte.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, vous avez eu des soucis au démarrage ou tout s'est passé comme sur le plan ?

  • Sandra FOUQUE

    Pas de soucis, non, non, plutôt pas de soucis. On a tout de suite commencé à fabriquer des très, très petits volumes.

  • Romain LE GAL

    D'accord.

  • Sandra FOUQUE

    Évidemment.

  • Romain LE GAL

    Vous aviez combien de vaches à l'époque ?

  • Sandra FOUQUE

    Il devait y avoir une soixante... Centaines de vaches, 70 vaches peut-être.

  • Romain LE GAL

    Donc au début, petit volume.

  • Sandra FOUQUE

    On gardait 100 litres, 200 litres de lait.

  • Romain LE GAL

    C'était des petites productions que vous vendiez en direct sur la ferme ?

  • Sandra FOUQUE

    On faisait des marchés, quelques marchés. On a commencé en mai-juin, quelque chose comme ça.

  • Romain LE GAL

    Il y avait des marchés sur Neufchâtel ?

  • Sandra FOUQUE

    Des marchés, des petits marchés ponctuels d'été, des choses comme ça. Et puis, on a eu la chance de trouver un client assez rapidement qui nous a fait augmenter les volumes. Et c'est parti assez vite, en fait. Et il y avait juste quelqu'un qui ne nous suivait pas, c'était le comptable, qui n'était pas du tout chaud sur cette idée de transformation. Donc, on a fait des études de comptable, forcément. Et l'idée, c'était que ça devenait rentable si on transformait 70 000 litres de lait au bout de trois ans.

  • Romain LE GAL

    D'accord. Et vous l'avez atteint en combien de temps ?

  • Sandra FOUQUE

    On a dû faire 50 000 la première année.

  • Romain LE GAL

    Donc finalement, le challenge allait être vite rempli.

  • Sandra FOUQUE

    Donc le comptable s'est détendu.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, après, vous avez agrandi la fromagerie ? Ou comment ça s'est passé ?

  • Sandra FOUQUE

    On a agrandi au bout de dix ans, en fait.

  • Romain LE GAL

    Vous avez saturé le premier outil ?

  • Sandra FOUQUE

    Tout à fait. C'était quand même compliqué parce qu'on avait des petits tanks. Un tank de 400 litres de mémoire et un tank de 700 ou quelque chose comme ça. Moi, j'ai eu deux enfants quand même en cours de route. Donc, couler au seau, se pencher dans les tanks, etc. C'était compliqué.

  • Romain LE GAL

    Couler au seau, pour toi, ça veut dire ?

  • Sandra FOUQUE

    Ça veut dire prendre le caillé qui est dans le tank pour le verser dans les sacs pour que ça s'égoutte.

  • Romain LE GAL

    Ok, mais on reviendra sur comment on fait du neufchâtel juste après. Donc, vous avez agrandi la fromagerie. C'était donc dix ans après. Et maintenant, au niveau de l'exploitation, vous avez combien de vaches laitières ?

  • Sandra FOUQUE

    Alors aujourd'hui, on a 140 vaches laitières.

  • Romain LE GAL

    D'accord. À la traite ?

  • Sandra FOUQUE

    À la traite, oui, à la traite. Oui,

  • Romain LE GAL

    mais c'est toujours...

  • Sandra FOUQUE

    Oui, 140 vaches laitières à traire, mais après, il y a à peu près 250-300 bêtes

  • Romain LE GAL

    Vous faites à peu près un million de litres de lait. C'est ça. Et vous transformez ...

  • Sandra FOUQUE

    À peu près la moitié.

  • Romain LE GAL

    À peu près la moitié, d'accord. Et au niveau des races, vous êtes en...

  • Sandra FOUQUE

    Quasi exclusivement normande. Il y a quelques...

  • Romain LE GAL

    Oui, de toute façon, pour faire du Neufchâtel, il faut au minimum 60% de vaches normandes. Donc en étant quasiment à 100%, on est dans les clous. Et du coup, la production de Neufchâtel maintenant, comment on fait, Sandra, un bon neuf châtel ?

  • Sandra FOUQUE

    On fait du bon neuf châtel avec du bon lait.

  • Romain LE GAL

    Déjà un bon Neufchâtel fermier.

  • Sandra FOUQUE

    Oui, du Neufchâtel fermier.

  • Romain LE GAL

    Donc ça veut dire que le lait provient de ta ferme et que tu vas transformer le fromage sur ta ferme.

  • Sandra FOUQUE

    C'est le lait uniquement de la ferme. Des vaches qui sont élevées sur la ferme et le lait de la ferme. Il n'y a pas d'achat de lait à côté. Donc au niveau de la production, il y a déjà 48 heures entre le moment où on garde le lait et le moment où le fromage est moulé.

  • Romain LE GAL

    D'accord.

  • Sandra FOUQUE

    Donc à peu près 24 heures de caillage, on va dire.

  • Romain LE GAL

    D'accord, donc c'est un fromage qu'on va appeler dans...

  • Sandra FOUQUE

    Un caillé lactique.

  • Romain LE GAL

    Un caillé lactique dans les technologies.

  • Sandra FOUQUE

    Ouais, pâte molle à croûte fleurie, exactement.

  • Romain LE GAL

    Donc du coup, 24 heures de temps de prise.

  • Sandra FOUQUE

    24 heures de... caillage et puis après on peut découper 12h, donc 12h d'égouttage et 12h de pressage pour schématiser.

  • Romain LE GAL

    Si je reprends pour les gens qui nous écoutent, donc je prends mon lait que je laisse maturer et cailler pendant 24h, après tu as utilisé le mot, je vais le couler. Autrement dit, le décaillage, on décaille, ça va dans des grands sacs, dans des filets de pêche. Ça c'est une vraie particularité d'une Neufchâtel. Vous avez une phase d'égouttage, une première phase d'égouttage ?

  • Sandra FOUQUE

    Qui dure environ 12 heures. Schématisé, ça fait à peu près ça. Ça s'égoutte, on va dire, toute la journée. Et après, ça presse toute la nuit.

  • Romain LE GAL

    Ça presse toute la nuit.

  • Sandra FOUQUE

    Donc, 48 heures entre la traite et la phase de fabrication.

  • Romain LE GAL

    OK. Donc, une fois que c'est pressé ?

  • Sandra FOUQUE

    Après, on a des sacs où on a des espèces de petites galettes de pâtes, si vous voulez.

  • Romain LE GAL

    De pâtes, oui.

  • Sandra FOUQUE

    Et donc, après, le jour de la fabrication, on intègre 2% de sel environ. Oui.

  • Romain LE GAL

    Malaxé. C'est une étape de malaxage.

  • Sandra FOUQUE

    Pétrin de boulanger ou de charcutier. Donc 2%.

  • Romain LE GAL

    Et le pénicillium, du coup, pour que ça soit une...

  • Sandra FOUQUE

    Pour moi, tout est ajouté au moment de la traite. À la fin de la traite, j'ensemence mon lait.

  • Romain LE GAL

    D'accord.

  • Sandra FOUQUE

    J'ajoute le pénicillium.

  • Romain LE GAL

    Il y en a, il me semble, qui rajoutent aussi des ferments à ce moment-là, dans le pétrissage ?

  • Sandra FOUQUE

    Ah, dans le pétrissage, je ne sais pas.

  • Romain LE GAL

    Vous avez chacun un peu toutes vos recettes.

  • Sandra FOUQUE

    Quand ça marche, en fait, on ne change rien. Tant que ça marche.

  • Romain LE GAL

    Touche de la peau de singe. Donc, tu as malaxé.

  • Sandra FOUQUE

    On a une belle pâte homogène, en fait. Et puis après, c'est moulé.

  • Romain LE GAL

    C'est moulé avec ?

  • Sandra FOUQUE

    Moulé à la mouleuse, maintenant. Je l'ai fait pendant... 15 ans, 12, 13 ans, 15 ans, je ne sais pas exactement, à la main.

  • Romain LE GAL

    Donc à la main, qu'est-ce que tu appelles à la main pour les gens qui n'ont jamais vu ?

  • Sandra FOUQUE

    Alors à la main, on faisait des petites boules de pâtes, style pâte à modeler, où on moulait les fromages un à un dans un emporte-pièce en inox. Et un à un, on faisait les fromages.

  • Romain LE GAL

    Donc emporte-pièce en inox, avec quelle forme ?

  • Sandra FOUQUE

    En cœur,

  • Romain LE GAL

    bien sûr. En cœur, bien sûr. Pas que, on dirait.

  • Sandra FOUQUE

    Mais essentiellement en cœur , et pas que, parce que le cœur est une des formes de l'AOP. Il y en a six.

  • Romain LE GAL

    Six. Alors, si on les nomme, il y a le cœur.

  • Sandra FOUQUE

    Il y a le cœur. Il y a le...

  • Romain LE GAL

    Qui fait à peu près 200 grammes.

  • Sandra FOUQUE

    C'est ça, à peu près.

  • Romain LE GAL

    Il fait 200 grammes, effectivement.

  • Sandra FOUQUE

    Le cœur, la bonde qui fait 100 grammes, qui est un cylindre, en fait. La double bonde, 200 grammes.

  • Romain LE GAL

    200 grammes.

  • Sandra FOUQUE

    Comme son nom l'indique. La briquette qui fait 100 grammes. le carré qui fait également 100 grammes, je crois, le triple cœur.

  • Romain LE GAL

    Dans le cahier des charges, moi, je lis le gros cœur. Ça, c'est un point de...

  • Sandra FOUQUE

    Triple, mais c'est évident, puisque ça fait 600 grammes, ça fait trois fois 200. C'est assez logique.

  • Romain LE GAL

    C'est plutôt là...

  • Sandra FOUQUE

    Est-ce que là, j'en ai six ?

  • Romain LE GAL

    Alors, oui, il me semble que tu en as six, mais il y en a qui aimeraient bien inclure un septième. Il y a des fois, il y a... Il y a un petit débat sur le mini-cœur, mais pour le moment, il n'est pas encore Neufchâtel.

  • Sandra FOUQUE

    Effectivement, c'est une forme qui plaît beaucoup, que tous les producteurs, à mon avis, doivent faire aujourd'hui, mais qu'on n'a pas le droit d'appeler Neufchâtel. Contrairement à d'autres formes qui ne sont plus du tout exploitées, je pense au carré ou à la bonde, par exemple,

  • Romain LE GAL

    qui font toujours partie... Peut-être un petit peu dans votre région et encore ?

  • Sandra FOUQUE

    Moi, je n'en crois pas.

  • Romain LE GAL

    Même pas du tout ? Non.

  • Sandra FOUQUE

    Très honnêtement.

  • Romain LE GAL

    Portée disparue.

  • Sandra FOUQUE

    Portée disparue, nous cherchons le carré. Donc non, effectivement, l'idée, ce serait de supprimer une de ces formes non utilisées, non exploitées, et puis à la place d'intégrer le mini-cœur qui plaît au plus grand nombre.

  • Romain LE GAL

    Donc là, on a moulé, donc aujourd'hui avec une mouleuse.

  • Sandra FOUQUE

    Aujourd'hui avec une mouleuse, elle a machiné.

  • Romain LE GAL

    Un genre de trémie où la pâte est poussée dans une forme, et puis cette forme est coupée.

  • Sandra FOUQUE

    Voilà.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, après ?

  • Sandra FOUQUE

    Posé sur des grilles.

  • Romain LE GAL

    Des grilles.

  • Sandra FOUQUE

    Voilà, des grilles d'affinage et puis emmené en cave.

  • Romain LE GAL

    Donc à partir du moment jour de fabrication, il faut combien de temps pour sortir un Neufchâtel AOP ?

  • Sandra FOUQUE

    Il faut dix jours.

  • Romain LE GAL

    Dix jours, comptez jour de fabrication. Oui,

  • Sandra FOUQUE

    avant ce n'est pas du Neufchâtel.

  • Romain LE GAL

    Avant ce n'est pas du Neufchâtel, c'est juste un cœur.

  • Sandra FOUQUE

    C'est juste un cœur.

  • Romain LE GAL

    C'est un cœur de Normandie. Et pas du Neufchâtel AOP de Normandie.

  • Sandra FOUQUE

    Alors tu dis Neufchâtel.

  • Romain LE GAL

    Neufchâtel.

  • Sandra FOUQUE

    C'est du Neufchâtel.

  • Romain LE GAL

    On prononce forcément le F ?

  • Sandra FOUQUE

    Forcément, je ne sais pas. Je pense que oui. D'accord. Parce que Neufchâtel, ça existe et c'est en Suisse.

  • Romain LE GAL

    D'accord. Mais j'ai toujours dit Neufchâtel. Maintenant, je vais avoir le doute. Je vais bloquer. C'est comme le débat entre un époisse et une époisse. Moi, c'est un époisse. Et la norme, normalement, c'est un époisse. Mais effectivement...

  • Sandra FOUQUE

    Parce qu'il y a des gens qui disent une époisse.

  • Romain LE GAL

    Eh oui, il y en a. Ah bon ? Eh bien oui. Mais donc, le Neufchâtel. Je penserai à toi à chaque fois que je prononce ce magnifique F. Donc là, 10 jours d'affinage, minimum ?

  • Sandra FOUQUE

    Minimum, après.

  • Romain LE GAL

    Après, je crois que vous avez un affinage qui est un peu particulier.

  • Sandra FOUQUE

    ça peut aller très très loin, ça peut aller 2 mois, 3 mois, sur les gros cœurs, ça peut être plus.

  • Romain LE GAL

    On n'y est pas encore allé aujourd'hui, mais on y retournera après. Je sais, j'ai souvenir que quand on arrive dans la cave où les neufchâtels sont très très affinés...

  • Sandra FOUQUE

    C'est très ammoniaqué.

  • Romain LE GAL

    On pleure rapidement. On pleure rapidement. C'est-à-dire qu'on a les larmes qui montent assez rapidement. Et c'est vrai que c'est une des typicités du Neufchâtel. En consommation régionale, il y en a qui le mangent.

  • Sandra FOUQUE

    C'est très local. C'est très local. Mais oui, c'est comme ça qu'on...

  • Romain LE GAL

    Il me semble d'ailleurs que Frédéric, ton mari... Ah, il ne l'a eu que ça. C'est un vrai. En même temps, c'est un vrai. Il a toujours vécu là.

  • Sandra FOUQUE

    Oui, il a toujours vécu là. Donc,

  • Romain LE GAL

    c'est un vrai du terroir. D'accord. Et donc, vos Neufchâtel, ensuite, sont commercialisés après 10 jours. Donc, vous passez une phase d'emballage ?

  • Sandra FOUQUE

    Oui, alors soit emballés, soit vendus nus, parce que parfois, ils sont vendus nus pour des épiceries, pour les marchés aussi, les vendeurs de marchés. Donc oui, il y a une petite phase d'emballage.

  • Romain LE GAL

    Et vous faites un autre fromage de mes souvenirs ? Qui est un énorme cœur.

  • Sandra FOUQUE

    Ah bah oui, c'est la même pâte.

  • Romain LE GAL

    C'est la même pâte, alors c'est finalement l'énorme cœur de Massy.

  • Sandra FOUQUE

    Voilà. Nous, on avait imaginé des noms, mais on ne l'a jamais validé. Donc les gens nous commandent un très gros cœur.

  • Romain LE GAL

    Un très gros cœur, c'est même un très très gros cœur. Donc il fait combien de kilos celui-là ?

  • Sandra FOUQUE

    Alors nous, ceux qu'on fait font à peu près 5 kilos. mais je sais qu'au syndicat du Neufchâtel, ils ont un moule qui est disponible et je pense que ça peut aller jusqu'à 12-13 kilos quand il est bien...

  • Romain LE GAL

    C'est quand même une belle bête.

  • Sandra FOUQUE

    C'est une belle bête. Il faut être un certain nombre à table.

  • Romain LE GAL

    Aujourd'hui, au niveau de la filière Neuchâtel, je me rappelle avoir lu que c'était environ 1700 tonnes. Vous êtes encore combien d'acteurs à produire du Neufchâtel ?

  • Sandra FOUQUE

    Alors là, on est une vingtaine. Je pense aujourd'hui, 22-23 producteurs, tout confondu fermier et non fermier et industriel.

  • Romain LE GAL

    Et quand tu as commencé, est-ce que tu te rappelles à peu près ?

  • Sandra FOUQUE

    Pour moi, c'était plutôt une trentaine. D'accord.

  • Romain LE GAL

    Et en fermier, il me semble que c'est à peu près 25% des Neufchâtels qui sont fermiers aujourd'hui. Je me semble avoir lu sur les derniers chiffres, c'est ce que j'ai lu, environ 25% des Neufchâtels sont fermiers. et quand c'est fermier, c'est forcément lait cru.

  • Sandra FOUQUE

    Quand c'est fermier, c'est lait cru, c'est produit sur l'exploitation avec le lait de l'exploitation.

  • Romain LE GAL

    Il y a aussi d'autres règles sur le lait, des règles sur l'alimentation, le fondement des forages. C'est minimum combien de temps à l'herbe ? C'est la moitié de la vie. C'est six mois de pâturage. D'ailleurs, on n'en a pas parlé, vous avez combien d'hectares ? comment vous fonctionnez ?

  • Sandra FOUQUE

    Il y a 180 hectares en totalité et on a une soixantaine d'hectares de pâtures accolées à la stabulation. Les vaches sont dehors le plus possible très rapidement dans l'année. Cette année est assez particulière à cause de la pluie, mais elles sortent généralement fin février.

  • Romain LE GAL

    Parce que normalement, pas toute l'année en Normandie ? en Haute-Normandie ?

  • Sandra FOUQUE

    C'est très vert, ça reste très vert très longtemps, mais là c'est vrai qu'on est, comme une bonne partie du nord de la France, on est quand même...

  • Romain LE GAL

    On manque pas trop d'eau.

  • Sandra FOUQUE

    On manque pas d'eau, voilà, et non plus aujourd'hui, mais on manque pas d'eau, c'est vrai. Il y a aussi du maïs, il y a du blé, etc., qui servent aussi à l'alimentation.

  • Romain LE GAL

    Vous êtes autonome ou pas en alimentation ?

  • Sandra FOUQUE

    Non, on n'est pas autonome.

  • Romain LE GAL

    C'est un projet, ça, pour l'avenir ?

  • Sandra FOUQUE

    Oui, c'est pas un projet, parce que ça nécessiterait énormément d'investissements en... Je pense que l'idéal, c'est un système séchage en grange, en fait, où là, ça permet d'être autonome. Je pense que les investissements sont tellement énormes que... Je dis ça parce que Frédéric y a pensé à un moment, ce séchage en grange, je pense qu'il aurait adoré ce système-là, mais il faut avaler un investissement pareil.

  • Romain LE GAL

    Le Neufchâtel, on dit que c'est un très, très vieux fromage.

  • Sandra FOUQUE

    Très, très vieux fromage. C'est peut-être... pas la première production, comme tu disais tout à l'heure,

  • Romain LE GAL

    c'est la troisième appellation d'origine de Normandie. Donc, si on répète, si on rappelle les premières, c'est en numéro 1 le Camembert AOP de Normandie. Le deuxième, c'est le Pont-L'Evêque. Puisqu'il faut sauver le soldat Livarot. Pourquoi je dis le soldat Livarot ? Parce qu'il y a 5 galons comme un colonel. D'accord. Donc ça, c'est la plus petite. Et effectivement, le Neufchâtel arrive en troisième position avec environ 1700 tonnes, un petit peu moins de 1700 tonnes de Neufchâtel produit.

  • Sandra FOUQUE

    Donc il est troisième là, mais il est numéro un en chronologie, on va dire, parce que c'est le plus vieux de Neufchâtel.

  • Romain LE GAL

    Et pourquoi tu dis le plus vieux du coup ?

  • Sandra FOUQUE

    Parce que les premières traces remontent au Moyen-Âge. 1200 ou je ne sais pas, je n'ai pas la date exacte.

  • Romain LE GAL

    Et c'est pourquoi du coup le Neufchâtel, il sera en cœur historiquement ? Ah, la fameuse histoire. Bah oui, attention, minute, comptez les gens. Minute,

  • Sandra FOUQUE

    comptez les gens, absolument. Ça date de la guerre de Cent Ans, je suis arrivée, où les soldats anglais étaient venus combattre en France. Et à la fin de la guerre, quand ils sont repartis dans leur pays... Évidemment, ils avaient rencontré de merveilleuses petites Normandes, probablement, et elles se sont mises à fabriquer du fromage en forme de cœur pour prouver leur amour aux soldats anglais quand ils sont repartis chez eux.

  • Romain LE GAL

    Pour toi, c'est quoi les enjeux demain ?

  • Sandra FOUQUE

    Les enjeux ?

  • Romain LE GAL

    Les enjeux de manière générale sur la filière Neuchâtel, comment tu vois l'avenir ?

  • Sandra FOUQUE

    J'ai déjà 45 ans, donc je me dis, nous, ça va aller. On a une production qui est plutôt tendance à la hausse, mais aussi parce qu'il y a des producteurs qui arrêtent, il y a des producteurs qui ont l'âge de la retraite avec pas de repreneurs, des gens qui arrêtent parce qu'ils n'y trouvent pas leur compte. Donc effectivement, aujourd'hui, on a du travail. Mais à très longue échelle, à plus long terme, Je ne sais pas ce que ça va donner. Parce que ce n'est même pas la filière Neufchâtel.

  • Romain LE GAL

    C'est l'agriculture en général. Qui n'attire pas,

  • Sandra FOUQUE

    qui n'attire plus beaucoup de monde.

  • Romain LE GAL

    Et toi, dans tes deux enfants, il y en a un des deux qui se prédestinerait ?

  • Sandra FOUQUE

    Alors pourquoi un des deux ? Ça pourrait être les deux.

  • Romain LE GAL

    Oui, un et où ? Ou pas ?

  • Sandra FOUQUE

    En fait, ils sont attachés à la ferme. Ils aiment bien. Je pense qu'ils sont contents d'avoir grandi à la ferme. Mais faire ce métier-là... Clairement, je ne pense pas que ce soit leur projet. Et pour la même raison que la majorité des jeunes aujourd'hui, très peu de reconnaissance, très peu de revenus, en tout cas un revenu qui n'est pas à hauteur du travail fourni. Et puis, ce qui est dur dans le métier, c'est qu'il n'y a jamais d'arrêt. Notre vie est notre métier. Il n'y a pas de scission entre la vie privée et la vie perso.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, comment vous le gérez ? Parce que finalement, la maison est quasiment à côté de la ferme, voire collée à la ferme.

  • Sandra FOUQUE

    C'est ça. Quand on rentre à la maison, on parle encore boulot et c'est que boulot. C'est une vie particulière.

  • Romain LE GAL

    Vous arrivez de temps en temps quand même à couper un petit peu ?

  • Sandra FOUQUE

    Quand on dort.

  • Romain LE GAL

    Quand on dort.

  • Sandra FOUQUE

    C'est vraiment l'aspect très difficile du métier d'agriculteur.

  • Romain LE GAL

    Surtout quand il y a un élevage électrique, c'est 7 jours sur 7.

  • Sandra FOUQUE

    Je suis d'accord. Agriculteur et éleveur, il faut vraiment...

  • Romain LE GAL

    Au niveau de la répartition, toi, tu es fromagerie, fromagerie.

  • Sandra FOUQUE

    Fromagerie, compta.

  • Romain LE GAL

    Compta, oui. Et Frédéric s'occupe plus de l'élevage et culture. Et du coup, tu produis tous les jours de la semaine ?

  • Sandra FOUQUE

    Alors, on se garde le dimanche. Mais si on veut travailler le lundi, il faut quand même travailler le dimanche. On ne moule pas le dimanche. Et sinon, ça dépend. Parfois, c'est du lundi au samedi, du lundi au vendredi, du mardi au vendredi. Ça dépend, on s'adapte en fonction des commandes, en fonction de la demande.

  • Romain LE GAL

    Ce n'est vraiment pas un rythme facile. Et c'est vrai que c'est aujourd'hui pour ça qu'on voit aussi des GAEC arriver pour justement arriver à se donner des week-ends.

  • Sandra FOUQUE

    Oui, ça c'est un bon système. Mais quand le GAEC est un couple...

  • Romain LE GAL

    C'est plus compliqué. Vous ne faites pas un week-end sur deux, garde partagé avec l'exploitation.

  • Sandra FOUQUE

    On a eu un associé, mais aujourd'hui on n'est plus que tous les deux.

  • Romain LE GAL

    Vous n'êtes plus que tous les deux, l'association ce n'était pas forcément très...

  • Sandra FOUQUE

    L'association, c'est comme un mariage, c'est compliqué. Parfois il y a des divorces. Donc là, en l'occurrence, il y a eu un divorce. Et effectivement, il a fallu continuer à supporter à deux ce qui devait être supporté à trois. Donc voilà, ce n'est pas toujours simple.

  • Romain LE GAL

    C'est vraiment un des enjeux et défis de l'agriculture demain, c'est de trouver des nouvelles vocations.

  • Sandra FOUQUE

    Mais même pour les salariés. Nous, aujourd'hui, on a une équipe qui tourne très bien. Mais trouver des salariés en milieu agricole, c'est aussi très, très compliqué. Parce que c'est notamment en élevage laitier, parce que les traites... C'est tous les jours de la semaine qu'on se marie, que la grand-mère soit morte ou que ce soit Noël ou le baptême du petit dernier. Il faut traire, de toute façon. Donc ça, pour les jeunes générations, c'est compliqué à comprendre. Je pense que c'est ce qui ne plaît pas du tout à mes enfants. Non, c'est ce qui est très compliqué. Il ne faut pas se mentir.

  • Romain LE GAL

    Aujourd'hui, c'est une vie dure, la vie d'agriculteur, d'agricultrice. Oui. Effectivement. Et ça s'organise comment ? Une journée type pour Frédéric ou pour toi ?

  • Sandra FOUQUE

    Alors, une journée type. Déjà, on se lève très tôt. Tous les jours, à 5h moins le quart, on est debout. Et à 5h10 environ, on est à la fromagerie. Après, c'est une partition qui est bien rodée. On a chacun nos tâches. Frédéric m'aide pendant une petite demi-heure le matin parce qu'il a des plus gros bras que moi et que je ne peux pas décharger les presses toute seule.

  • Romain LE GAL

    Il faut rappeler que la fromagerie, c'est quand même aussi des métiers physiques.

  • Sandra FOUQUE

    C'est un peu physique, absolument.

  • Romain LE GAL

    Pas de salle de sport.

  • Sandra FOUQUE

    Si, pourtant, j'y vais quand même.

  • Romain LE GAL

    Tu y vas quand même ? Oui. C'est bien aussi.

  • Sandra FOUQUE

    Donc, il m'aide à décharger les sacs, en fait. Il décharge les sacs tout seul. Et puis après, on... Donc, on décaille le lait de la veille parce que c'est toujours, on finit une étape pour en commencer une autre. C'est assez logique de vider le tank avant de le remplir avec la traite qui arrive. Donc, après, Frédéric, lui, va à la traite. Du coup, moi, je reste à la fromagerie où on est en fabrication jusqu'à peu près 8h30, 9h. Ensuite, on a trois quarts d'heure de nettoyage. Et puis après, c'est de la préparation de commandes jusqu'à midi, heure où on coule le deuxième tank de la veille au soir. Et puis, quand on n'a pas fini, on revient l'après-midi pour finaliser les commandes et aussi faire les livraisons.

  • Romain LE GAL

    D'accord. Et puis,

  • Sandra FOUQUE

    la fin d'après-midi est vite arrivée. Les enfants, les miens sont grands, mais j'en ai quand même encore un au lycée, donc il faut aller le chercher. Après, j'enchaîne avec mon deuxième métier de femme d'intérieur.

  • Romain LE GAL

    Oui, ben... La vie continue à côté de la ferme.

  • Sandra FOUQUE

    Une journée entre autres. Après, il y a également la compta, s'occuper des salariés, faire les plannings, etc. Et Frédéric, lui, il est plutôt sur de la pleine, entretien du matériel, puis la traite qui repart le soir.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, aujourd'hui, c'est quoi qui te plaît dans ton métier ?

  • Sandra FOUQUE

    C'est quoi qui me plaît dans mon métier ? C'est la satisfaction, sans doute, de suivre de A à Z, de produire un lait qui est sur la ferme et d'en sortir un produit fini. On a la boucle bouclée, en fait.

  • Romain LE GAL

    De la fourche à la fourchette, finalement. Ça fait un peu cliché de dire ça, mais c'est un peu ça.

  • Sandra FOUQUE

    Je pense que c'est la satisfaction de tout agriculteur qui fait de la transfo.

  • Romain LE GAL

    Et aujourd'hui pour toi, c'est quoi un bon Neufchâtel ?

  • Sandra FOUQUE

    C'est un Neufchâtel Fouque,

  • Romain LE GAL

    évidemment. Ah, évidemment. Mais si on parle du produit en tant que tel, toi tu manges que des cœurs ou tu manges d'autres formats ?

  • Sandra FOUQUE

    Alors moi, mon format préféré, c'est la double bonde.

  • Romain LE GAL

    D'accord, pourquoi ?

  • Sandra FOUQUE

    Je trouve que ça s'affine bien. Je ne sais pas pourquoi. Après, c'est vraiment des affaires de goût. Mais mon format préféré, c'est la double bonde. C'est... Ouais.

  • Romain LE GAL

    Et sur quel affinage ?

  • Sandra FOUQUE

    Il faut un mois et demi, deux mois quand même.

  • Romain LE GAL

    Ah oui, il faut déjà qu'il y ait un crémeux.

  • Sandra FOUQUE

    Crémeux à souhait.

  • Romain LE GAL

    J'ai une dernière question avant de te laisser, Sandra. C'est quoi ta pizza préférée ?

  • Sandra FOUQUE

    C'est ma pizza préférée. C'est bizarre parce que c'est encore avec moi. J'adore la quatre fromage, bizarrement.

  • Romain LE GAL

    Et pourquoi pas ?

  • Sandra FOUQUE

    Parce que du fromage, je vis dedans. Alors, je ne suis pas obligée d'en mettre encore dans les pizzas. Mais oui, j'aime beaucoup la quatre fromage.

  • Romain LE GAL

    Non, parce que c'est une question qui est quand même intéressante, puisque la pizza, c'est finalement... On est le premier pays consommateur de pizza à égalité avec les États-Unis. Et on a tous une pizza préférée. Et on a tous, peut-être ou pas, quelque chose contre la pizza hawaïenne, mais on en reparlera peut-être dans un prochain épisode. Je te remercie, Sandra, du temps qu'on a partagé ensemble. Et puis, on va aller déguster un bon bout de... De Clausou ? Ah oui, j'ai ramené une petite planche, effectivement, avec du Clausou. J'ai fait découvrir à Sandra le Clausou de nos amis de chez Fromagerie Fédou et également de la bonne Tomme de Savoie fermière et un Neufchâtel, un Valençay fermier. Je n'ai pas ramené trop de fromages de Normandie puisque je pense que tu en vois suffisamment. Je les connais bien. Tu les connais bien. Puis, je n'allais pas ramener un Neufchâtel Fouque. Non.

  • Sandra FOUQUE

    Ça aurait été ballot.

  • Romain LE GAL

    Je vous remercie de nous avoir écoutés jusqu'au bout. J'espère que cet épisode vous a plu. N'hésitez pas à nous faire des commentaires et vos retours et à partager ce podcast. Je vous dis à bientôt pour un nouvel épisode.

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • Présentation de la ferme FOUQUE

    00:32

  • Parcours : du commerce à la ferme

    02:02

  • Début de la production de Neufchâtel AOP

    02:38

  • La fromagerie aujourd'hui

    06:26

  • Comment fait-on un Neufchâtel AOP ?

    07:47

  • les différentes formes du Neufchâtel AOP

    10:48

  • Neuchatel ou Neufchâtel ?

    13:01

  • Fabrication du Neufchâtel (suite)

    13:39

  • L'ENORME COEUR - un Très Gros cœur de Fromage

    14:52

  • La filière du Neufchâtel

    15:37

  • Fonctionnement sur la ferme

    16:48

  • Les productions de fromage AOP

    18:09

  • L'histoire du Neufchâtel

    19:12

  • Les enjeux de demain

    19:47

  • Les difficultés de renouvellement dans le métier

    20:58

  • Equilibre vie pro / perso

    21:22

  • Organisation d'une journée de travail

    24:01

  • Les PLUS du métier

    26:10

  • C'est quoi un bon Neufchâtel ?

    26:49

  • La dernière question

    27:25

  • Conclusion

    27:59

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