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Lait'Change #16 - Le Laguiole AOP et la Tome fraîche de l'Aubrac IGP avec Yves SOULHOL

Lait'Change #16 - Le Laguiole AOP et la Tome fraîche de l'Aubrac IGP avec Yves SOULHOL

39min |14/04/2025
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Description

Pour cet épisode, Romain s'aventure sur les hauteurs de l'Aubrac, dans le petit village de Laguiole, à la rencontre de celles et ceux qui font vivre l'AOP Laguiole. C’est dans les locaux de la coopérative Jeune Montagne qu’il pose ses micros pour un nouvel échange au cœur du terroir. Dans ce cadre authentique, il s’entretient avec Yves SOULHOL, directeur générale de la Coopérative Jeune Montagne. Ensemble, ils nous plongent dans l’univers de ce fromage ancestral, dont la fabrication est intimement liée aux traditions de l’Estive et aux paysages de moyenne montagne.


Au fil de l’épisode, vous découvrirez l’histoire du Laguiole AOP. De sa presque disparition à sa renaissance grâce à une poignée de passionnés et notamment André Valadier. Les enjeux auxquels fait face la filière aujourd’hui, et l’importance de l’AOP comme outil de protection et de valorisation d’un patrimoine vivant. Yves nous dévoile aussi les secrets du goût du Laguiole, son affinage, et les particularités de son cahier des charges exigeant.


Entre héritage, modernité, et vision d’avenir, cet épisode est une plongée sensible et engagée dans un modèle agricole fondé sur la coopération, la fierté locale et la transmission.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Romain LE GAL

    Bienvenue sur Lait'Change, le podcast qui donne la parole aux actrices et aux acteurs de la filière laitière et fromagère. Je suis Romain LE GAL et aujourd'hui, bienvenue dans l'Aveyron, et plus précisément à Laguiole, une petite commune perchée sur le plateau de l'Aubrac, entre vastes pâturages et horizons infinis. Laguiole, dont le nom résonne comme une invitation à découvrir la France authentique, est bien plus qu'un village, c'est un véritable symbole d'artisanat, de gastronomie et de tradition. Et oui ! Le nom de ce village est l'éponyme d'un célèbre fromage AOP et celui d'un prestigieux couteau orné d'une abeille. Ce matin, nous avons rendez-vous à la coopérative fromagère Jeune Montagne. Dans ce nouvel épisode, on va parler de Laguiole AOP, de Tome Fraîche de l'Aubrac IGP, mais également du modèle unique de cette coopérative avec Yves Soulhol. Bonjour Yves, tout d'abord merci de nous accueillir ce matin.

  • Yves SOULHOL

    Bonjour, bonjour Romain et bienvenue sur le plateau, bienvenue à Laguiole.

  • Romain LE GAL

    Bon ce matin je suis arrivé un petit peu avec le brouillard. Eh oui. On est en hiver ici, il fait un peu froid, j'ai eu de la chance, j'ai pas eu de neige, mais le brouillard est là ça ne se lève pas, quand on regarde la vue ici, on voit pas très loin.

  • Yves SOULHOL

    Alors c'est dommage parce que quand c'est dégagé, on voit un beau pâturage qu'on appelle ici les estives, qui est très joli. Il faudra revenir, je suis sûr que j'espère qu'on va te donner envie et que tu reviendras dès que tu pourras.

  • Romain LE GAL

    Et pour commencer Yves, ce que je peux te proposer c'est, qui es-tu et aujourd'hui que fais-tu au sein de la coopérative Jeune Montagne ?

  • Yves SOULHOL

    Comme tu l'as dit, je m'appelle Yves Soulhol, je suis directeur général de la coopérative Jeune Montagne depuis 2018. J'ai préalablement travaillé dans le lait, les produits laitiers et j'ai aussi travaillé, c'était pas la même chose. J'étais tout jeune dans les produits financiers. Donc, le directeur général de la coopérative veille au bon fonctionnement de cette coopérative. Cette coopérative, c'est un outil qui a été créé dans les années 60. Je reviendrai sur son historique tout à l'heure. Nous développons cette année 39 millions d'euros de chiffre d'affaires avec 180 salariés environ. Nous produisons du Laguiole AOP, comme tu l'as indiqué tout à l'heure, de la tome fraîche de l'Aubrac. et des plats cuisinés identitaires de la région Aubrac, à savoir l'Aligot et la Truffade qui est auvergnate, mais on n'est pas très loin de l'Auvergne. Donc c'est à base de cette tomme fraîche d'Aubrac et de ce Laguiole que nous pouvons aussi produire ces plats cuisinés.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, cette coopérative, combien de personnes travaillent ici ? Alors,

  • Yves SOULHOL

    180 salariés travaillent ici, et par contre... Il y a au total 90 adhérents, 70 qui sont sur le plateau de l'Aubrac, 74 exactement, et une petite quinzaine sur le plateau du Carladès, qui est là aussi dans le nord de l'Aveyron, et qui, eux, produisent du lait pour le Cantal. Ici particulièrement, c'est du lait à l'AOP, Laguiole et IGP tome fraîche de l'Aubrac.

  • Romain LE GAL

    Et aujourd'hui, tu as commencé à l'évoquer, puisqu'on va parler de l'histoire du Laguiole, mais aussi l'histoire de la... coopérative puisque les deux sont un peu liés. D'où ça vient le Laguiole? C'est quoi son histoire à la base ?

  • Yves SOULHOL

    Le Laguiole aujourd'hui est un fromage à pâte pressée non cuite qui pèse 45 kilos et qui peut s'affiner jusqu'à 2 ans. On trouve des traces du Laguiole au Moyen-Âge et notamment les histoires relatent le fait que le plateau de l'Aubrac est un plateau qui a été ... Assénie, qui a été déboisé afin de créer les estives, les prairies, par des moines qui habitaient la région. Et avec les serfs ou les agriculteurs de l'époque, ils ont mis en place ce fromage qui permettait de conserver le lait produit l'été par les animaux pour être utilisé pour vivre l'hiver. Donc comme beaucoup de fromages, c'est la transformation du lait en fromage qui permet d'alimenter. les producteurs toute l'année. C'est l'origine de ce Laguiole. Ensuite, s'est développé sur l'estive un certain nombre de buron et de fermes qui ont produit...

  • Romain LE GAL

    Pour définir, c'est quoi un buron pour ceux qui nous écoutent et qui ne connaissent pas ?

  • Yves SOULHOL

    Alors, le buron, on en trouve, si tu te promènes, il y en a de très beaux qui ont été bien restaurés. C'est un corps de ferme en altitude, dans les prés, où on retrouve le logement des animaux. et où on retrouve une mini-laiterie qui permettait, après la traite, de monter les fromages et de les mettre à affiner. Ces fromages étant descendus dans la vallée ou étant descendus pour être vendus à la fin du pâturage, c'est-à-dire à la fin septembre. Les hivers étaient plus rigoureux qu'aujourd'hui et il fallait descendre à la fin septembre. On retrouve ces traditions dans des fêtes qui sont particulièrement connues. La Transhumance, par exemple, ici, rassemble plus de 3000 personnes tous les ans qui viennent voir les troupeaux qui montent à l'estive.

  • Romain LE GAL

    Donc qui montent au buron.

  • Yves SOULHOL

    Qui montent au buron, alors on va revenir dessus, qui montaient au buron et qui ensuite le fromage redescendait.

  • Romain LE GAL

    Il me semble d'ailleurs que les burons à la base étaient en terre et c'est au fil des siècles qu'ils sont devenus en pierre. Tu sembles avoir lu ça dans la littérature.

  • Yves SOULHOL

    Effectivement, c'était en terre et pierre au tout début. Ils étaient semi-enterrés. Plus généralement, on retrouve aujourd'hui des burons en pierre. pierre couverte en lauze, qui est une roche volcanique qui s'est découpée naturellement. Et donc, dans ce buron, comme je te l'ai expliqué, il y avait le troupeau, il y avait les gens qui s'occupaient du troupeau, le fameux buronnier, il y avait le fromager, qu'on appelait le cantalès. Alors pourquoi le cantalès ? Peut-être parce que certains amenaient la technique de production du fromage. Il y avait en gros quatre personnes qui vivaient sur le buron.

  • Romain LE GAL

    D'accord.

  • Yves SOULHOL

    Et si tu veux, petit à petit, dans la fin du 19e siècle, l'industrialisation passant par là a vu ces campagnes se vider de leur population. Et il faut savoir qu'à la fin du 19e siècle, on produisait à peu près le même volume de fromage qui est produit aujourd'hui. Entre-temps, il y a eu des évolutions.

  • Romain LE GAL

    Donc le volume qui est produit aujourd'hui,

  • Yves SOULHOL

    c'est ? Autour de 600 à 700 tonnes par an, selon l'année. Et donc ça, c'était produit dans des burons. Et la première guerre est passée par là. La deuxième, l'après-guerre, avec l'exode rural encore plus fort. Et donc, dans les années 60, fin des années 50, on retrouve trois burons en activité. Et la production de fromage de Laguiole était en quasi disparition.

  • Romain LE GAL

    D'accord. Tu as un chiffre à donner en termes de volume ?

  • Yves SOULHOL

    Je dirais qu'on est tombé à peu près à 25-30 tonnes.

  • Romain LE GAL

    Donc on passe de 700 tonnes à 25-30 tonnes. On est vraiment arrivé très bas dans la production et à quasi disparition.

  • Yves SOULHOL

    Complètement. Dans le même temps, il faut tout mettre en face. On sent que cette production va disparaître. Et dans le même temps arrivent les obligations de la PAC avec une industrialisation de l'activité fromage, une industrialisation de l'activité laitière. Et donc le plateau d'Aubrac avec ses burons n'est plus en mesure de rivaliser avec ce qui se crée partout, des grosses laiteries, des besoins de l'alimentation au niveau national. Et donc... il n'y a pas 36 solutions. Soit on laisse péricliter et ça disparaît, soit on dit, nous on croit à notre territoire, on croit à ce produit et on va le relancer. Et là, l'histoire du Laguiole recoupe l'histoire de Jeunes Montagnes. En 1960, un groupe de jeunes producteurs amené par André Valadier, qui a fait carrière dans le... le fromage, il a été président de l'INAO.

  • Romain LE GAL

    Effectivement, quand on parle de Laguiole et qu'on commence à s'intéresser au Laguiole, on tombe forcément sur le nom d'André Valadier.

  • Yves SOULHOL

    C'est obligatoire, parce que c'est avec ces jeunes agriculteurs, c'est eux qui disent, voilà, si on veut garder une filière laitière, il faut qu'on la prenne à notre compte. Les grands groupes ne seront pas intéressés pour venir chercher du lait sur le plateau. Nos races qui sont à l'époque l'Aubrac ne sont pas suffisamment productrices pour être en compétition avec les FFPN de l'époque qui sont devenues les Prim'Holstein.

  • Romain LE GAL

    On en parlera tout à l'heure peut-être un petit peu, mais effectivement, l'Aubrac pour la partie laitier a suivi un peu la périclitation du Laguiole. C'est qu'on a vu de moins en moins d'Aubrac dans les troupeaux pour les troupeaux laitiers.

  • Yves SOULHOL

    Les deux histoires sont très liées. C'est-à-dire que l'Aubrac était une race mixte. Ce n'était pas une race très productrice en lait, mais suffisamment pour nourrir un veau. Et ce n'était pas une race très productrice en viande, parce qu'elle avait une carrure, on va dire, qui était plutôt étroite, avec des arrière-mains qui étaient plutôt frêles et qui ne produisaient pas de viande. Donc, à ce moment-là... On retrouve de nouveau l'histoire de la coopérative. D'un côté, des gens qui disent, on est capable de faire du très bon fromage, mais on ne peut plus le faire dans les buron parce que c'est trop compliqué, il n'y en a plus assez. Donc, on va proposer à des agriculteurs de collecter leur lait, de le transformer en un seul endroit, en respectant un cahier des charges. Et c'est là qu'apparaît le cahier des charges en 1961 du Laguiole. Un cahier des charges exigeant qui respecte... les modes de fabrication, qui respectent le lait natif et on va faire, on va produire du Laguiole en plus grande quantité dans un seul endroit. C'est la naissance de Jeune Montagne.

  • Romain LE GAL

    La naissance de Jeune Montagne 1960 et le cahier des charges AOC 1961.

  • Yves SOULHOL

    Exactement. Exactement, tu as bien suivi. Donc, 5 jeunes agriculteurs, 5-6, pilotés par André Valadier. À ce moment-là, ils sont en discussion, ils se font aider par les mairies, ils se font aider par des collaborateurs, je ne peux pas citer tout le monde, mais de façon à être reconnus, et ils disent comment on va s'appeler. Et il y a une dame, deux têtes, c'est de la famille d'André Valadier, qui dit, ma foi, vous êtes jeune, vous êtes à la montagne, appelez-vous Jeune Montagne, et d'où la naissance de la marque et de la coopérative. Et là, ils s'organisent pour... faire du Laguiole de façon recentrée et pour le commercialiser.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, comment on fabrique du Laguiole ? C'est quoi les grandes étapes de fabrication du Laguiole ?

  • Yves SOULHOL

    Pour répondre à ta question, comment faire du Laguiole, il faut d'abord du lait. Il faut d'abord du bon lait. Pourquoi ? Parce qu'on ne fait pas le choix de faire un lait pasteurisé standardisé. On ne fait pas le choix de faire des fromages pasteurisés standardisés, qui étaient un peu... En Vogue, à l'époque, rappelons-nous, on est dans les années 60, la Pâques arrive, il faut nourrir, il faut alimenter une population qui croit énormément, une population qui s'urbanise, et donc il faut faire des fromages en grande quantité. Ce qui est choisi dans le Laguiole, c'est de garder la recette de base, donc un fromage au lait cru et entier. On ne va pas écrémer, comme ça pourrait être le cas dans quelques départements voisins, on part du lait entier. Quand on veut faire ça, on dit que si on ne peut pas standardiser soit en écrémant, soit en rajoutant de la matière protéique, il faut qu'on choisisse une race qui nous amène un lait régulier et à peu près équilibré, matière grasse, matière protéique. C'est la raison pour laquelle, en même temps que le cheptel Aubrac se spécialise en viande, les producteurs de la Jeune Montagne se disent qu'il faut qu'on trouve une race qui pourra remplacer l'Aubrac On est dans les années 65.

  • Romain LE GAL

    Et c'est là où arrive la simmentale.

  • Yves SOULHOL

    Ils choisissent la simmentale. Il y a deux particularités essentielles. La première, c'est d'avoir un bon équilibre en matière grasse et matière protéique dans leur lait. Et la deuxième particularité, c'est d'une vache de montagne qui a l'avantage de ne pas avoir une grosse variation de qualité du lait, que tu sois en ration sèche ou en ration à l'herbe. Et donc, ils vendent toutes leurs bêtes. C'est un travail assez important. Ils sont passés par... C'est facile à dire aujourd'hui quand je te le décris, mais à l'époque, il faut s'imaginer que tu vends les bêtes que tu avais, que tu vas les rechercher. Donc, ils achètent des troupeaux simmentales et avec ces troupeaux simmentales, ils vont produire du lait AOP Laguiole sur le plateau de l'Aubrac. Donc, ce lait AOP Laguiole, qui est répertorié aujourd'hui à l'INEO, l'Institut National des Appellations d'Origine, eh bien, il a un cahier des charges. Et ce cahier des charges, le choix, il est d'être très exigeant. Pourquoi ? On est en marge de la production de masse. On n'est pas taillé pour faire de la production de masse. Donc soit on fait quelque chose d'identitaire qui peut s'identifier et qui reste reconnu comme tel, soit on essaie d'aller dans la production de masse. Comme on n'arrive pas à y aller, on va rester sur l'aspect identitaire. Et donc on va avoir un cahier des charges très exigeant. Première chose, bien évidemment, comme c'est beaucoup le cas dans les AOP, il faut que le lait provienne de la zone.

  • Romain LE GAL

    Donc un terroir.

  • Yves SOULHOL

    Un terroir. Un plateau de l'Aubrac qui est en plus assez facile à délimiter. Au sud, il y a un fleuve qui s'appelle le Lot, un des plus beaux fleuves de France et du monde. Au nord, il y en a un qui est presque aussi joli, c'est la Truyère. Et à l'est, coule la vallée glaciaire. Certains te diraient aujourd'hui que coule l'autoroute, mais à l'époque, c'était une vallée glaciaire. Et donc, ça fait un plateau qui est assez facile à délimiter. qui aujourd'hui est sur le département administratif de l'Aveyron, de la Lozère et du Cantal. Et donc déjà le lait doit provenir de cette zone. Ensuite les animaux doivent être issus de deux races, la race Simmentale. ou la race Aubrac. On reviendra sur l'évolution de la race Aubrac tout à l'heure. Et enfin, parmi les points majeurs, l'alimentation. L'alimentation doit se faire avec des fourrages issus de la zone et avec des fourrages soit de l'herbe, soit du foin.

  • Romain LE GAL

    Pas d'aliments fermentés, pas d'ensilage, pas d'engrainages.

  • Yves SOULHOL

    Voilà. Donc ce sont les éléments majeurs. On pourrait ajouter à cela le fait qu'on limite la production par vache, de façon à ce qu'on n'ait pas une tendance. A l'époque, c'était... Aujourd'hui, on le comprend mieux. A l'époque, ça faisait envie de mettre du granulé, comme on disait, ou alors de mettre un silage de maïs avec un tourteau de soja pour faire beaucoup de volume. Et donc, ce n'est pas ça qui est choisi. Ce qui est choisi, c'est de faire du lait avec la nourriture du plateau. Les bêtes du plateau, la nourriture du plateau, les producteurs du plateau.

  • Romain LE GAL

    et t'as oublié aussi un élément c'est que les vaches doivent être minimum dehors 120 jours par an quand il fait beau c'est indiqué comme ça dans le cahier des charges minimum 120 jours par an oui quand il fait beau tout simplement parce qu'elle même si tu laisses la porte ouverte elle préfère l'herbe c'est pas très étonnant finalement et

  • Yves SOULHOL

    puis parce que la tradition est là dessus on faisait du lait l'été quand il y avait de l'herbe On arrive à en faire quand il y a du foin, mais on faisait quand il y avait de l'herbe. Donc voilà, en gros, l'origine du lait AOP Laguiole. Ensuite, ce lait est collecté tous les jours, il est transformé en fromage tous les jours. On est sur une pâte préssé non-cuite. Alors, sans être trop technique, on va y mettre des présures pour faire cailler le lait, des ferments pour le faire transformer en fromage. On va le monter en fourmes, des fourmes de 50 kg, qui feront à peu près 40.

  • Romain LE GAL

    Donc, les fourmes, avant de les monter, il y a quand même une autre particularité technologique de ce fromage, c'est que ça va être broyé et salé dans la masse. C'est ça. C'est vraiment une particularité de ce fromage.

  • Yves SOULHOL

    De ce fromage, de cette région aussi. Donc, effectivement, je te disais tout à l'heure qu'on faisait cailler le lait. Pour avoir un fromage de cette taille et pour qu'il vieillisse, il faut évacuer un maximum de sérum. On n'est pas sur des pâtes molles, donc il faut obtenir des extraits secs élevés, de façon à ce qu'on n'ait pas d'apparition d'humidité du fromage en vieillissant. Et donc pour faire ça, on le presse plusieurs fois après caillage, et ensuite on obtient une tomme qui est broyée de nouveau, qui est salée dans la masse comme tu l'as dit, et qui est ensuite de nouveau pressée dans les fourmes, ici on appelle ça les fourmes ou les moules comme tu voudras. et qui ensuite va être parti en cave, frotté régulièrement pour obtenir un affinage a souhait. Il y a trois types d'affinage dans le Laguiole. Il y a le Laguiole jeune, 4 mois minimum, c'est le cahier des charges qu'il exige. Ensuite, il y a le Laguiole qu'on appelle sélection, c'est un fromage qui va jusqu'à 12-14 mois. Et ensuite, il y a le fromage affinage long qui peut aller jusqu'à 18-2 ans. Au milieu de tout ça... existe un fromage qui est fait à partir du lait lorsque les animaux sont à l'herbe, qu'on appelle le grand Aubrac . Ce sont les fromages qui sont mis sur le marché aujourd'hui, qui permettent d'avoir une palette de goûts assez grande en fonction de ce que tu vas rechercher. Soit tu cherches un fromage un peu moins marqué en goût, mais tu vas quand même retrouver les goûts lactés, tu vas retrouver ce que la prairie a amené au lait, tu vas trouver un certain nombre de... d'identification par rapport à l'herbe. Et ça, différent selon l'affinage que tu auras choisi.

  • Romain LE GAL

    Si on revient, alors du coup, là tu nous as parlé de la production du Laguiole dans sa globalité. On pourrait aussi rajouter, effectivement, pour le reconnaître, l'empreinte avec justement le taureau. Alors pourquoi le taureau ?

  • Yves SOULHOL

    Pourquoi le taureau ? Effectivement, ce ne sont pas les taureaux qui donnent du lait. Ça, jusque-là, tout le monde le sait. Tout simplement parce que sur la place de... De Laguiole existe une très belle sculpture en bronze qui date du milieu du siècle précédent et qui fait apparaître un taureau Aubrac. Et donc on a fait l'emblème de notre fromage.

  • Romain LE GAL

    Et du coup on peut retrouver aussi une petite plaque blanche sur le Laguiole, une petite plaque en plastique blanche avec des indications dessus qui certifient bien que c'est du Laguiole.

  • Yves SOULHOL

    C'est ça.

  • Romain LE GAL

    Et c'est le moment aussi de parler peut-être un petit peu en amont. Donc le lait est emprésuré, il va y avoir le caillé, et on va décailler, passer par un bac de pré-pressage. C'est ça. Et derrière, avoir des pains qui vont nous donner finalement qu'on va mettre dans, ensuite qu'on va couper, qu'on va mettre dans des toiles et qu'on va presser plusieurs fois. Alors dans l'aïeul minimum cinq fois au niveau du cahier des charges. Et c'est là aussi où on va parler de la Tome Fraîche. Est-ce que tu peux nous expliquer un petit peu, parce que la Tome Fraîche, sa technologie, sa vie commence ici.

  • Yves SOULHOL

    On va partir du lait. Tu l'as très bien expliqué. Notre lait, il va jusqu'au caillé. Et avant d'être broyé, il va donner ce qu'on appelle globalement la tome. Cette tomme fraîche, elle va avoir deux...

  • Romain LE GAL

    Tome avec un M ou deux M ? Oui,

  • Yves SOULHOL

    une Tome avec un seul M. Puisque c'est la partie... C'est du lait caillé, la Tome. C'est assez régional. Ce n'est... pas comparable à une Tomme de Savoie avec deux M qui, elle, est un fromage qui a été affiné. La Tome fraîche n'a pas été affinée. Ce qu'il faut dire, c'est qu'elle provient du même lait, c'est-à-dire qu'elle a le même cahier des charges en matière de production de lait pour plusieurs raisons. Parce que et là, je reviens à Jeune Montagne. Une des réussites de Jeune Montagne, notamment ces dernières années, c'est de ne pas avoir de lait d'excédent. C'est-à-dire que pour réussir à Jeune Montagne, Il faut qu'on transforme tout notre lait. Si on est obligé de vendre du lait sur le marché européen, on perdra de l'argent parce qu'on le paye beaucoup plus cher que le marché européen. C'est normal parce que le cahier des charges est exigeant. Donc, c'est normal qu'on le paye plus cher. Mais du coup, ça veut dire qu'il faut tout le vendre. Et donc, ce qu'on a essayé de faire, c'est un cahier des charges identique. Parce que quand tu es producteur, que le laitier passe, s'il faut commencer à trier du lait, c'est impossible. Donc, on a un cahier des charges identique. Donc, je le répète, ni ensilage, ni enrubanage, les simmentales, pas plus de 6000 litres par vache.

  • Romain LE GAL

    Simentales et Aubrac ?

  • Yves SOULHOL

    Simentales et Aubrac, pas plus de 6000 litres par vache. Donc tout ça, c'est un cahier de charge identique jusqu'à la séparation de la Tome et du fromage. Le fromage, comme tu l'as dit, il est broyé, salé dans la masse et monté en moule.

  • Romain LE GAL

    Donc là, on part sur le Laguiole.

  • Yves SOULHOL

    On part sur le Laguiole. La Tome fraîche de l'Aubrac, ça va être un ingrédient. pour tous ceux qui aiment travailler à la maison, mais aussi pour le fameux produit originel et puis très marqué dans notre région, l'Aligot.

  • Romain LE GAL

    Alors l'Aligot, c'était et c'est encore un plat populaire ?

  • Yves SOULHOL

    C'était et c'est encore un plat populaire. Là aussi, l'Aligot on retrouve des traces dans les burons. où les gens qui travaillaient dans les burons, des fois, avaient un petit peu faim. Ils n'avaient pas le droit de prélever du fromage. Et donc, ils prélevaient de la Tome avant que le fromage soit affiné. Et ils le mélangeaient avec du pain, du pain sec. Et ils se sont aperçus qu'en le faisant chauffer, d'abord ça réchauffait. Ensuite, ça remplissait l'estomac. C'était bien nourrissant. Et petit à petit, ils ont pris cette habitude. Quand les pommes de terre sont arrivées, on a... On a essayé de mélanger ça avec la purée et ça a donné l'Aligot qu'on connaît aujourd'hui.

  • Romain LE GAL

    Et c'est quoi une bonne recette d'Aligot pour toi Yves ?

  • Yves SOULHOL

    Pour moi c'est un Aligot avec de la pomme de terre.

  • Romain LE GAL

    Tu as des proportions à donner à nos auditeurs ? Oui,

  • Yves SOULHOL

    aujourd'hui, bien sûr que selon les mamies du coin ça varie, mais on est plutôt sur 30 à 35% de Tomes. Et à peu près 65 à 70% de pommes de terre. Avec un peu de crème qui va être ajoutée. Et rien de plus. A la rigueur, un peu de sel et poivre, mais rien de plus. Certains ajoutent de l'ail. Sur l'Aligot originale, il y en avait très peu d'ail. Je me méfie des Alligots où il y a beaucoup trop d'ail. C'est souvent pour cacher autre chose. L'Aligot de l'Aubrac à Jeunes-Montagne, on décide de ne pas mettre d'ail. Si le consommateur veut en rajouter, il peut très bien le faire.

  • Romain LE GAL

    Est-ce que tu as un conseil à donner à ceux qui veulent arriver à faire un bon filant à l'Aligot ?

  • Yves SOULHOL

    J'en ai plusieurs, mais le principal conseil, c'est de ne pas se précipiter. Quand tu fais un Aligot, il faut un certain temps. La première chose, c'est que tes pommes de terre soient bien cuites, pas trop. Qu'elles restent un tout petit peu fermes, mais il ne faut pas qu'elles soient trop fermes parce qu'il ne faut pas qu'on retrouve la pomme de terre dans le produit final. La deuxième chose, c'est qu'il faut que la Tome ait le temps de bien se mélanger à la pomme de terre quand elle est chaude. Pour bien se mélanger, il faut que ça se mélange à une température de 70-80 degrés. Il ne s'agirait pas de faire bouillir une purée en disant ça va aller plus vite, ça sera plus vite fondu. c'est là qu'on va casser le fil. Donc les conseils c'est une Tome fraîche de l'Aubrac IGP une bonne pomme de terre, et du temps, et d'une température pas trop élevée, sans aucun ingrédient supplémentaire, bien sûr un peu de sel si on veut, mais l'origine c'est ça. Après, certains effectivement peuvent mettre de l'ail, et on peut aussi avoir des Aligots qui sont aromatisés. On mange de la montagne, on en travaille avec de la truffe, on en travaille avec du cèpe, mais le conseil que je peux te donner, c'est surtout... Ne pas trop monter en température, ne pas vouloir aller trop vite et rester là. Il ne s'agit pas d'un plat qu'on met dans un coin et qu'on revient chercher une heure après. Il faut rester là.

  • Romain LE GAL

    C'est un plat où il faut être à côté, mais prendre son temps de le faire.

  • Yves SOULHOL

    C'est ça. J'aime bien dire des fois qu'on n'a pas le geste sous la main, mais que l'Aligot, il faut le caresser un peu. C'est-à-dire que la spatule, elle va faire tourner l'Aligot de façon à répartir la Tome. Mais doucement, il ne s'agit pas de matraquer, on n'est pas au batteur. On fait les choses au rythme de l'évolution de la Tome et de la pomme de terre. Et si on respecte ce rythme-là, on aura un super Aligot.

  • Romain LE GAL

    Du coup, on a parlé du Laguiole, on a parlé de la Tome fraîche. Maintenant, je te propose de parler un petit peu de la filière, parce qu'il y a une particularité dans votre AOP. C'est que 100% des producteurs de lait ou de fromage de Laguiole sont adhérents à la coopérative. C'est ça. Et aujourd'hui, c'est quoi ce modèle unique ? Comment ça fonctionne ?

  • Yves SOULHOL

    Le principe, il est depuis la création, la mise en place de Jeune Montagne a démontré que le travail qui se faisait, il se faisait au profit des gens qui adhéraient. Et donc, l'adhérent ne se pose pas de question. Quand tu es adhérent à la coopérative depuis les années 60, tu es là pour en tirer les avantages et pour participer au développement. J'aime bien dire qu'il s'agit d'une communauté de destin. C'est-à-dire que si tu n'as pas de producteur, tu n'auras pas de coopérative. Et si tu n'as pas de fromager dans la coopérative, tu n'auras pas de producteur qui seront payés à 650, 680 euros les 1000 litres. Donc tout le monde comprend l'intérêt de travailler ensemble et d'évoluer ensemble. Après, ce qui est important, c'est que l'accompagnement des producteurs, bien sûr, il tient par son prix du lait, mais pas que. Dans la coopérative. on va organiser un service de remplacement qui permettra de prendre des congés, qui permettra de prendre un week-end, qui permettra de se faire remplacer par quelqu'un qui s'est traire si tu es malade. Et ça paraît tout simple, mais ce n'est pas très facile à faire. Et aujourd'hui, par exemple, si on a six salariés au service de remplacement, c'est parce que les gens aiment le métier. de la traite des vaches, mais se sentent sécurisés par une structure qui est derrière qui s'appelle le coopérative Jeune Montagne. Et c'est pareil pour le producteur. Le producteur, aujourd'hui, il peut avoir des journées de services de remplacement qui sont financées par la coopérative ou qui sont en partie financées par la coopérative. Donc tout ça, ça fait une filière. Quand tu es producteur fermier...

  • Romain LE GAL

    Donc aujourd'hui, il y en a combien des producteurs fermiers ?

  • Yves SOULHOL

    Quand tu es producteur fermier, le week-end, tu as... apprécier de ne pas avoir besoin de cailler le lait. Ou en période haute, tu vas apprécier de pouvoir envoyer tes excédents à la coopérative. Et la coopérative est d'accord avec ça. Pourquoi ? Parce que si tu n'aides pas ce producteur fermier, il va arriver un moment où il transformera quel que soit le débouché. Et il arrivera un moment où au bout de l'entonnoir, il sera obligé de vendre pour dégager ça. Et il n'arrivera pas à maintenir ses prix. Donc tout ça, c'est un fonctionnement en commun. qui crée une réelle filière. Je vais te donner un autre exemple qui va dans un autre sens. C'est que lorsqu'on va voir des crémiers parisiens, pour faire connaître notre Laguiole, qui n'est pas non plus le fromage le plus connu au monde, eh bien, ce sont des producteurs qui prennent leur dimanche, qui du coup sont remplacés par un service de remplacement. Ils prennent le week-end et ils vont pendant le week-end parler aux consommateurs du Laguiole. Donc voilà, pour moi, maintenant ça fait bientôt sept ans que j'y suis, ça me paraît assez naturel. C'est vrai que quand on vient de l'extérieur, on a du mal à le comprendre, mais... il y a deux choses dans nos slogans à Jeune Montagne. Le premier, c'est celui que je viens de te dire. C'est vraiment la communauté de destin. C'est-à-dire, les producteurs travaillent pour la coopérative, la coopérative travaille pour les producteurs.

  • Romain LE GAL

    C'est un cercle vertueux.

  • Yves SOULHOL

    C'est un cercle vertueux, qui s'applique aussi à tout l'environnement. Si Laguiole, aujourd'hui, s'il y a 110 000 visiteurs à la coopérative Jeune Montagne, tous les ans,

  • Romain LE GAL

    ils ne viennent pas qu'à la coopérative. Quand ils viennent à la coopérative, ils vont acheter quelques couteaux, ils vont faire un bon repas à midi, ils vont aller visiter cheminées sur les chemins de l'Aubrac, sur celui de Saint-Jacques-de-Compostelle, comme tu en connais certains. Donc voilà, c'est un tout. Pour l'instant, ça fonctionne et on va tout faire pour que ça fonctionne longtemps, puisque ça amène de la quiétude, ça amène au risque d'être exagéré, mais ça amène du bonheur quand même sur la zone.

  • Yves SOULHOL

    On échangeait tout à l'heure un peu en off, on en a un petit peu parlé au début de l'entretien. Aujourd'hui, vous accompagnez les producteurs à réintroduire de l'Aubrac dans leur troupeau. Comment vous faites aujourd'hui ? C'est quoi votre accompagnement ? Est-ce que tu peux nous donner des proportions sur le cheptel global, de combien pèsent encore aujourd'hui les vaches Aubrac ?

  • Romain LE GAL

    En gros, il faut retenir qu'on a 3 ou 4 vaches laitières Aubrac par troupeau, ce qui veut dire qu'on est de l'ordre de 5% à peu près. On aurait un objectif à 10%. Donc, ce qui se passe, c'est que depuis maintenant une quinzaine d'années, on relance la branche laitière de la race Aubrac. Tout à l'heure, je l'ai expliqué rapidement, race mixte. la plupart de la sélection s'est portée pour développer sa carcasse et sa viande et la branche laitière a été abandonnée. Depuis 15 ans, on a réussi à identifier quelques mères beaucoup plus productrices de lait. On a, via l'insémination, via la démultiplication par les embryons, trouvé quelques taureaux. Et petit à petit, on intègre cette race dans les cheptels. On réintègre cette race dans les cheptels. C'est pas... aussi évident que ça parce que de toute façon elle produit moins que la Simmentale. Bon, c'est une vache qui est très attachée à son veau, donc il faut vraiment qu'elle soit de bonnes conditions pour être sympa à la traite. Donc tout ça, ce sont des efforts que mènent les producteurs. S'ils le font, ce n'est pas un aspect économique. S'ils le font, c'est parce qu'ils ont envie. Ils ont envie de se dire, eh bien voilà.

  • Yves SOULHOL

    Il y a des défenseurs de cette race.

  • Romain LE GAL

    Il y a des défenseurs. Il y a des défenseurs, il y a des gens qui disent, bon, on a un cheptel de 50 vaches, on peut bien faire l'effort d'avoir 4 ou 5 vaches Aubrac au milieu. C'est vraiment identitaire. Voilà, c'est une Aubrac, on est sur le plateau de l'Aubrac. Ça fonctionne. Alors la coopérative accompagne aussi, puisqu'elle donne une subvention à peu près équivalente au manque à produire entre une Aubrac et une Simmentale. Pour aller vite, une très bonne Aubrac va faire 3000 litres de lait, une Simmentale de... On pourrait faire 10 000, mais chez nous, ça reste à 6 000, puisqu'on est limité à 6 000. Mais voilà, ça fait partie de la responsabilité sociétale de l'entreprise. Comme on le fait pour la flore, on va le faire pour la faune, et notamment pour la race Aubrac. On va essayer de conserver ce rameau laitier. Ça fait partie de nos responsabilités.

  • Yves SOULHOL

    Aujourd'hui, vous travaillez tous vos fromages au lait cru. Pour toi, est-ce que c'est une difficulté ? Tu le vois ? Comment dans l'avenir, aujourd'hui on est défenseur de notre biodiversité fromagère, comment tu vois ça dans l'avenir ?

  • Romain LE GAL

    Alors, ça c'est une excellente question. Ce n'est pas une question de piège, parce que de toute façon déjà à l'âge que j'ai, maintenant je considère que je peux presque dire tout ce que j'ai envie de dire. Le problème que nous avons globalement en France, c'est que nous évoluons vers de plus en plus de recherches de naturalité. Qu'on soit consommateur ou qu'on soit opinion publique, parce que quelquefois on peut avoir une opinion publique différente d'un consommateur. On peut dire moi j'aime du lait cru et ne jamais en acheter. Aujourd'hui sur le lait cru, moi je suis convaincu que comme tout produit, il y a une balance bénéfice-risque. Et je suis convaincu que la balance bénéfice pèse beaucoup plus lourd et donc elle est inclinée la balance que la balance risque. Le problème que nous avons, c'est qu'aujourd'hui, nous sommes en face de consommateurs, mais aussi de pouvoirs publics qui n'acceptent pas de prendre le moindre risque. Et donc, le risque que nous avons sur le lait cru, c'est que si on parle de lait cru, c'est parce qu'il doit y avoir des micro-organismes à l'intérieur, des bactéries.

  • Yves SOULHOL

    De la vie.

  • Romain LE GAL

    De la vie, qui sont positives. et qui sont naturelles. Depuis que l'homme existe, ça existe. Depuis que l'homme existe, son estomac a été étudié pour vivre avec. Malheureusement, de temps en temps, il y en a une ou deux qui sont un peu plus dangereuses et qui créent le risque. Tant qu'on n'aura pas déterminé si on veut se pencher vers les nombreux avantages du lait cru par rapport au moindre risque, on fera prendre des risques à la production au lait cru. Aujourd'hui c'est compliqué parce que la science permet d'analyser et d'approfondir les bactéries qui sont à l'intérieur de tous les produits alimentaires. Et du coup, pour le lait, on prend l'exemple des steaks, les sécrétions des Echirichia coli. qui peuvent être pathogènes. On ne l'a pas complètement prouvé sur le lait, mais ça peut être pathogène. C'est quelque chose qu'on a découvert il y a 20 ans et qui aujourd'hui nous pousse à détruire du produit, nous pousse à détruire du lait. Pour l'avenir, ce sera compliqué de concilier les deux. Et donc, je pense que les pouvoirs publics, s'ils souhaitent que le lait cru continue à apporter ses bénéfices, ont intérêt à se pencher sur la question, et notamment des scientifiques bien approfondis. Je voulais juste citer un chercheur de l'INRA d'Aurillac qui me précisait qu'aux USA, qu'on suit souvent avec 4 ou 5 ans de retard, ils sont à la recherche d'insémination de bactéries à l'intérieur des estomacs et des intestins. Parce qu'ils se sont aperçus qu'à force de tout aseptiser, les estomacs et les intestins ont perdu toute résistance. On est à l'aberration où on va ingérer des gélules ou des pilules chargées en bactéries.

  • Yves SOULHOL

    Alors qu'il suffirait de manger un morceau de fromage au lait cru.

  • Romain LE GAL

    Et de préférence du laguiole. Donc c'est ça qui, aujourd'hui, me fait peur. Mais ça me fait peur parce que, face à des pouvoirs publics qui font... qui accomplissent leur mission et leur rôle, on est complètement impuissant. Donc on a un travail à faire. Il y a un gros travail qui s'est fait sur la qualité des laits. Dans le dénombrement, dans le suivi de la listeria, dans le suivi des salmonelles, il y a un gros travail qui s'est fait, on a bien avancé. Mais il faut qu'on travaille en coopérant. Il ne faut pas qu'on travaille en s'affrontant sur le risque et sur le bénéfice. Et pour l'instant, je ne sent pas ça dans les orientations. Peut-être que dans nos pays d'Europe, et particulièrement en France, qui est quand même un des pays les plus porteurs en matière de diversité de fromage au lait cru, peut-être qu'on s'apercevra un jour qu'on peut suivre les Américains et du coup essayer de libérer un peu la production de lait cru. Je ne peux pas être plus explicite parce qu'à quelque part... J'ai besoin de vendre du fromage tous les jours. Tous nos fromages sont analysés pour être libérés. Donc, on ne fait pas n'importe quoi avec des fromages au lait cru. Donc, je veux rester prudent, mais je suis soucieux.

  • Yves SOULHOL

    Et j'aurais une dernière question pour terminer cet entretien, Yves. Oui. Vous verriez la tête de Yves. Il se dit, qu'est-ce qu'il va encore poser comme question ? Yves, quelle est ta pizza préférée ?

  • Romain LE GAL

    C'est une excellente question. C'est la pizza quatres fromages.

  • Yves SOULHOL

    Avec du Laguiole.

  • Romain LE GAL

    Du Laguiole.

  • Yves SOULHOL

    De la Tome fraîche.

  • Romain LE GAL

    De la Tome fraîche de l'Aubrac. Tu peux essayer d'y mettre un peu de buronnier, c'est pas mal. Allez, puis mets-y un peu de Cantal au lait cru de Thérondels.

  • Yves SOULHOL

    Une pizza pas du tout orientée.

  • Romain LE GAL

    Pas du tout.

  • Yves SOULHOL

    Pas du tout. Merci beaucoup Yves de nous avoir reçus aujourd'hui.

  • Romain LE GAL

    C'est toujours avec plaisir qu'on reçoit. J'ai oublié de te dire que ton premier slogan, c'est la communauté de destin. Le deuxième, c'est si tu ne me crois pas, viens me voir.

  • Yves SOULHOL

    Je suis venu.

  • Romain LE GAL

    Donc, tu es venu.

  • Yves SOULHOL

    J'ai vu qu'il ne faisait pas beau à Laguiole.

  • Romain LE GAL

    Non,

  • Yves SOULHOL

    on ne va pas rester là-dessus.

  • Romain LE GAL

    Il faudra revenir.

  • Yves SOULHOL

    On viendra remanger un Aligot. Merci beaucoup Yves de m'avoir reçu.

  • Romain LE GAL

    Avec plaisir.

  • Yves SOULHOL

    Merci à vous de nous avoir écouté jusqu'au bout. Si cet épisode vous a plu, n'hésitez pas à le partager ou à nous envoyer des messages ou à mettre 5 étoiles, par exemple, sur Spotify. Et je vous dis à bientôt pour un nouvel épisode de Lait'Change.

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • Présentation de Yves SOULHOL

    01:34

  • Présentation de la Coopérative Jeune Montagne

    02:07

  • Adhérent à la Coopérative

    02:55

  • Histoire du Laguiole AOP

    03:32

  • Qu'est ce qu'un Buron ?

    04:27

  • Histoire du Laguiole AOP (suite)

    06:32

  • Histoire de la Coopérative Jeune Montagne

    08:29

  • Les races laitières de l'Aubrac

    09:11

  • Les débuts de l'AOP Laguiole

    10:14

  • Origine du nom "Jeune Montagne"

    11:10

  • Comment est fabriqué le Laguiole AOP ?

    11:33

  • Introduction de la Simmentale

    12:37

  • Cahiers des charges de l'AOP Laguiole

    13:41

  • Les étapes de fabrication du Laguiole AOP

    16:33

  • Les trois types d'affinages du Laguiole AOP

    18:01

  • Pourquoi le symbole du taureau sur le Laguiole AOP ?

    19:04

  • Les étapes de fabrication du Laguiole AOP (suite)

    19:44

  • La Tome Fraîche de l'Aubrac IGP

    20:28

  • L'Aligot et son origine dans l'Aubrac

    22:28

  • Comment faire un bon Aligot ?

    23:12

  • La particularité de la Coopérative Jeune Montagne

    26:06

  • L'accompagnement des producteurs

    27:15

  • Préservation du patrimoine et de la Région

    29:32

  • Réintroduction de l'Aubrac

    30:10

  • La défense du Lait cru

    32:51

  • LA dernière question

    37:44

  • Conclusion

    38:19

Description

Pour cet épisode, Romain s'aventure sur les hauteurs de l'Aubrac, dans le petit village de Laguiole, à la rencontre de celles et ceux qui font vivre l'AOP Laguiole. C’est dans les locaux de la coopérative Jeune Montagne qu’il pose ses micros pour un nouvel échange au cœur du terroir. Dans ce cadre authentique, il s’entretient avec Yves SOULHOL, directeur générale de la Coopérative Jeune Montagne. Ensemble, ils nous plongent dans l’univers de ce fromage ancestral, dont la fabrication est intimement liée aux traditions de l’Estive et aux paysages de moyenne montagne.


Au fil de l’épisode, vous découvrirez l’histoire du Laguiole AOP. De sa presque disparition à sa renaissance grâce à une poignée de passionnés et notamment André Valadier. Les enjeux auxquels fait face la filière aujourd’hui, et l’importance de l’AOP comme outil de protection et de valorisation d’un patrimoine vivant. Yves nous dévoile aussi les secrets du goût du Laguiole, son affinage, et les particularités de son cahier des charges exigeant.


Entre héritage, modernité, et vision d’avenir, cet épisode est une plongée sensible et engagée dans un modèle agricole fondé sur la coopération, la fierté locale et la transmission.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Romain LE GAL

    Bienvenue sur Lait'Change, le podcast qui donne la parole aux actrices et aux acteurs de la filière laitière et fromagère. Je suis Romain LE GAL et aujourd'hui, bienvenue dans l'Aveyron, et plus précisément à Laguiole, une petite commune perchée sur le plateau de l'Aubrac, entre vastes pâturages et horizons infinis. Laguiole, dont le nom résonne comme une invitation à découvrir la France authentique, est bien plus qu'un village, c'est un véritable symbole d'artisanat, de gastronomie et de tradition. Et oui ! Le nom de ce village est l'éponyme d'un célèbre fromage AOP et celui d'un prestigieux couteau orné d'une abeille. Ce matin, nous avons rendez-vous à la coopérative fromagère Jeune Montagne. Dans ce nouvel épisode, on va parler de Laguiole AOP, de Tome Fraîche de l'Aubrac IGP, mais également du modèle unique de cette coopérative avec Yves Soulhol. Bonjour Yves, tout d'abord merci de nous accueillir ce matin.

  • Yves SOULHOL

    Bonjour, bonjour Romain et bienvenue sur le plateau, bienvenue à Laguiole.

  • Romain LE GAL

    Bon ce matin je suis arrivé un petit peu avec le brouillard. Eh oui. On est en hiver ici, il fait un peu froid, j'ai eu de la chance, j'ai pas eu de neige, mais le brouillard est là ça ne se lève pas, quand on regarde la vue ici, on voit pas très loin.

  • Yves SOULHOL

    Alors c'est dommage parce que quand c'est dégagé, on voit un beau pâturage qu'on appelle ici les estives, qui est très joli. Il faudra revenir, je suis sûr que j'espère qu'on va te donner envie et que tu reviendras dès que tu pourras.

  • Romain LE GAL

    Et pour commencer Yves, ce que je peux te proposer c'est, qui es-tu et aujourd'hui que fais-tu au sein de la coopérative Jeune Montagne ?

  • Yves SOULHOL

    Comme tu l'as dit, je m'appelle Yves Soulhol, je suis directeur général de la coopérative Jeune Montagne depuis 2018. J'ai préalablement travaillé dans le lait, les produits laitiers et j'ai aussi travaillé, c'était pas la même chose. J'étais tout jeune dans les produits financiers. Donc, le directeur général de la coopérative veille au bon fonctionnement de cette coopérative. Cette coopérative, c'est un outil qui a été créé dans les années 60. Je reviendrai sur son historique tout à l'heure. Nous développons cette année 39 millions d'euros de chiffre d'affaires avec 180 salariés environ. Nous produisons du Laguiole AOP, comme tu l'as indiqué tout à l'heure, de la tome fraîche de l'Aubrac. et des plats cuisinés identitaires de la région Aubrac, à savoir l'Aligot et la Truffade qui est auvergnate, mais on n'est pas très loin de l'Auvergne. Donc c'est à base de cette tomme fraîche d'Aubrac et de ce Laguiole que nous pouvons aussi produire ces plats cuisinés.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, cette coopérative, combien de personnes travaillent ici ? Alors,

  • Yves SOULHOL

    180 salariés travaillent ici, et par contre... Il y a au total 90 adhérents, 70 qui sont sur le plateau de l'Aubrac, 74 exactement, et une petite quinzaine sur le plateau du Carladès, qui est là aussi dans le nord de l'Aveyron, et qui, eux, produisent du lait pour le Cantal. Ici particulièrement, c'est du lait à l'AOP, Laguiole et IGP tome fraîche de l'Aubrac.

  • Romain LE GAL

    Et aujourd'hui, tu as commencé à l'évoquer, puisqu'on va parler de l'histoire du Laguiole, mais aussi l'histoire de la... coopérative puisque les deux sont un peu liés. D'où ça vient le Laguiole? C'est quoi son histoire à la base ?

  • Yves SOULHOL

    Le Laguiole aujourd'hui est un fromage à pâte pressée non cuite qui pèse 45 kilos et qui peut s'affiner jusqu'à 2 ans. On trouve des traces du Laguiole au Moyen-Âge et notamment les histoires relatent le fait que le plateau de l'Aubrac est un plateau qui a été ... Assénie, qui a été déboisé afin de créer les estives, les prairies, par des moines qui habitaient la région. Et avec les serfs ou les agriculteurs de l'époque, ils ont mis en place ce fromage qui permettait de conserver le lait produit l'été par les animaux pour être utilisé pour vivre l'hiver. Donc comme beaucoup de fromages, c'est la transformation du lait en fromage qui permet d'alimenter. les producteurs toute l'année. C'est l'origine de ce Laguiole. Ensuite, s'est développé sur l'estive un certain nombre de buron et de fermes qui ont produit...

  • Romain LE GAL

    Pour définir, c'est quoi un buron pour ceux qui nous écoutent et qui ne connaissent pas ?

  • Yves SOULHOL

    Alors, le buron, on en trouve, si tu te promènes, il y en a de très beaux qui ont été bien restaurés. C'est un corps de ferme en altitude, dans les prés, où on retrouve le logement des animaux. et où on retrouve une mini-laiterie qui permettait, après la traite, de monter les fromages et de les mettre à affiner. Ces fromages étant descendus dans la vallée ou étant descendus pour être vendus à la fin du pâturage, c'est-à-dire à la fin septembre. Les hivers étaient plus rigoureux qu'aujourd'hui et il fallait descendre à la fin septembre. On retrouve ces traditions dans des fêtes qui sont particulièrement connues. La Transhumance, par exemple, ici, rassemble plus de 3000 personnes tous les ans qui viennent voir les troupeaux qui montent à l'estive.

  • Romain LE GAL

    Donc qui montent au buron.

  • Yves SOULHOL

    Qui montent au buron, alors on va revenir dessus, qui montaient au buron et qui ensuite le fromage redescendait.

  • Romain LE GAL

    Il me semble d'ailleurs que les burons à la base étaient en terre et c'est au fil des siècles qu'ils sont devenus en pierre. Tu sembles avoir lu ça dans la littérature.

  • Yves SOULHOL

    Effectivement, c'était en terre et pierre au tout début. Ils étaient semi-enterrés. Plus généralement, on retrouve aujourd'hui des burons en pierre. pierre couverte en lauze, qui est une roche volcanique qui s'est découpée naturellement. Et donc, dans ce buron, comme je te l'ai expliqué, il y avait le troupeau, il y avait les gens qui s'occupaient du troupeau, le fameux buronnier, il y avait le fromager, qu'on appelait le cantalès. Alors pourquoi le cantalès ? Peut-être parce que certains amenaient la technique de production du fromage. Il y avait en gros quatre personnes qui vivaient sur le buron.

  • Romain LE GAL

    D'accord.

  • Yves SOULHOL

    Et si tu veux, petit à petit, dans la fin du 19e siècle, l'industrialisation passant par là a vu ces campagnes se vider de leur population. Et il faut savoir qu'à la fin du 19e siècle, on produisait à peu près le même volume de fromage qui est produit aujourd'hui. Entre-temps, il y a eu des évolutions.

  • Romain LE GAL

    Donc le volume qui est produit aujourd'hui,

  • Yves SOULHOL

    c'est ? Autour de 600 à 700 tonnes par an, selon l'année. Et donc ça, c'était produit dans des burons. Et la première guerre est passée par là. La deuxième, l'après-guerre, avec l'exode rural encore plus fort. Et donc, dans les années 60, fin des années 50, on retrouve trois burons en activité. Et la production de fromage de Laguiole était en quasi disparition.

  • Romain LE GAL

    D'accord. Tu as un chiffre à donner en termes de volume ?

  • Yves SOULHOL

    Je dirais qu'on est tombé à peu près à 25-30 tonnes.

  • Romain LE GAL

    Donc on passe de 700 tonnes à 25-30 tonnes. On est vraiment arrivé très bas dans la production et à quasi disparition.

  • Yves SOULHOL

    Complètement. Dans le même temps, il faut tout mettre en face. On sent que cette production va disparaître. Et dans le même temps arrivent les obligations de la PAC avec une industrialisation de l'activité fromage, une industrialisation de l'activité laitière. Et donc le plateau d'Aubrac avec ses burons n'est plus en mesure de rivaliser avec ce qui se crée partout, des grosses laiteries, des besoins de l'alimentation au niveau national. Et donc... il n'y a pas 36 solutions. Soit on laisse péricliter et ça disparaît, soit on dit, nous on croit à notre territoire, on croit à ce produit et on va le relancer. Et là, l'histoire du Laguiole recoupe l'histoire de Jeunes Montagnes. En 1960, un groupe de jeunes producteurs amené par André Valadier, qui a fait carrière dans le... le fromage, il a été président de l'INAO.

  • Romain LE GAL

    Effectivement, quand on parle de Laguiole et qu'on commence à s'intéresser au Laguiole, on tombe forcément sur le nom d'André Valadier.

  • Yves SOULHOL

    C'est obligatoire, parce que c'est avec ces jeunes agriculteurs, c'est eux qui disent, voilà, si on veut garder une filière laitière, il faut qu'on la prenne à notre compte. Les grands groupes ne seront pas intéressés pour venir chercher du lait sur le plateau. Nos races qui sont à l'époque l'Aubrac ne sont pas suffisamment productrices pour être en compétition avec les FFPN de l'époque qui sont devenues les Prim'Holstein.

  • Romain LE GAL

    On en parlera tout à l'heure peut-être un petit peu, mais effectivement, l'Aubrac pour la partie laitier a suivi un peu la périclitation du Laguiole. C'est qu'on a vu de moins en moins d'Aubrac dans les troupeaux pour les troupeaux laitiers.

  • Yves SOULHOL

    Les deux histoires sont très liées. C'est-à-dire que l'Aubrac était une race mixte. Ce n'était pas une race très productrice en lait, mais suffisamment pour nourrir un veau. Et ce n'était pas une race très productrice en viande, parce qu'elle avait une carrure, on va dire, qui était plutôt étroite, avec des arrière-mains qui étaient plutôt frêles et qui ne produisaient pas de viande. Donc, à ce moment-là... On retrouve de nouveau l'histoire de la coopérative. D'un côté, des gens qui disent, on est capable de faire du très bon fromage, mais on ne peut plus le faire dans les buron parce que c'est trop compliqué, il n'y en a plus assez. Donc, on va proposer à des agriculteurs de collecter leur lait, de le transformer en un seul endroit, en respectant un cahier des charges. Et c'est là qu'apparaît le cahier des charges en 1961 du Laguiole. Un cahier des charges exigeant qui respecte... les modes de fabrication, qui respectent le lait natif et on va faire, on va produire du Laguiole en plus grande quantité dans un seul endroit. C'est la naissance de Jeune Montagne.

  • Romain LE GAL

    La naissance de Jeune Montagne 1960 et le cahier des charges AOC 1961.

  • Yves SOULHOL

    Exactement. Exactement, tu as bien suivi. Donc, 5 jeunes agriculteurs, 5-6, pilotés par André Valadier. À ce moment-là, ils sont en discussion, ils se font aider par les mairies, ils se font aider par des collaborateurs, je ne peux pas citer tout le monde, mais de façon à être reconnus, et ils disent comment on va s'appeler. Et il y a une dame, deux têtes, c'est de la famille d'André Valadier, qui dit, ma foi, vous êtes jeune, vous êtes à la montagne, appelez-vous Jeune Montagne, et d'où la naissance de la marque et de la coopérative. Et là, ils s'organisent pour... faire du Laguiole de façon recentrée et pour le commercialiser.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, comment on fabrique du Laguiole ? C'est quoi les grandes étapes de fabrication du Laguiole ?

  • Yves SOULHOL

    Pour répondre à ta question, comment faire du Laguiole, il faut d'abord du lait. Il faut d'abord du bon lait. Pourquoi ? Parce qu'on ne fait pas le choix de faire un lait pasteurisé standardisé. On ne fait pas le choix de faire des fromages pasteurisés standardisés, qui étaient un peu... En Vogue, à l'époque, rappelons-nous, on est dans les années 60, la Pâques arrive, il faut nourrir, il faut alimenter une population qui croit énormément, une population qui s'urbanise, et donc il faut faire des fromages en grande quantité. Ce qui est choisi dans le Laguiole, c'est de garder la recette de base, donc un fromage au lait cru et entier. On ne va pas écrémer, comme ça pourrait être le cas dans quelques départements voisins, on part du lait entier. Quand on veut faire ça, on dit que si on ne peut pas standardiser soit en écrémant, soit en rajoutant de la matière protéique, il faut qu'on choisisse une race qui nous amène un lait régulier et à peu près équilibré, matière grasse, matière protéique. C'est la raison pour laquelle, en même temps que le cheptel Aubrac se spécialise en viande, les producteurs de la Jeune Montagne se disent qu'il faut qu'on trouve une race qui pourra remplacer l'Aubrac On est dans les années 65.

  • Romain LE GAL

    Et c'est là où arrive la simmentale.

  • Yves SOULHOL

    Ils choisissent la simmentale. Il y a deux particularités essentielles. La première, c'est d'avoir un bon équilibre en matière grasse et matière protéique dans leur lait. Et la deuxième particularité, c'est d'une vache de montagne qui a l'avantage de ne pas avoir une grosse variation de qualité du lait, que tu sois en ration sèche ou en ration à l'herbe. Et donc, ils vendent toutes leurs bêtes. C'est un travail assez important. Ils sont passés par... C'est facile à dire aujourd'hui quand je te le décris, mais à l'époque, il faut s'imaginer que tu vends les bêtes que tu avais, que tu vas les rechercher. Donc, ils achètent des troupeaux simmentales et avec ces troupeaux simmentales, ils vont produire du lait AOP Laguiole sur le plateau de l'Aubrac. Donc, ce lait AOP Laguiole, qui est répertorié aujourd'hui à l'INEO, l'Institut National des Appellations d'Origine, eh bien, il a un cahier des charges. Et ce cahier des charges, le choix, il est d'être très exigeant. Pourquoi ? On est en marge de la production de masse. On n'est pas taillé pour faire de la production de masse. Donc soit on fait quelque chose d'identitaire qui peut s'identifier et qui reste reconnu comme tel, soit on essaie d'aller dans la production de masse. Comme on n'arrive pas à y aller, on va rester sur l'aspect identitaire. Et donc on va avoir un cahier des charges très exigeant. Première chose, bien évidemment, comme c'est beaucoup le cas dans les AOP, il faut que le lait provienne de la zone.

  • Romain LE GAL

    Donc un terroir.

  • Yves SOULHOL

    Un terroir. Un plateau de l'Aubrac qui est en plus assez facile à délimiter. Au sud, il y a un fleuve qui s'appelle le Lot, un des plus beaux fleuves de France et du monde. Au nord, il y en a un qui est presque aussi joli, c'est la Truyère. Et à l'est, coule la vallée glaciaire. Certains te diraient aujourd'hui que coule l'autoroute, mais à l'époque, c'était une vallée glaciaire. Et donc, ça fait un plateau qui est assez facile à délimiter. qui aujourd'hui est sur le département administratif de l'Aveyron, de la Lozère et du Cantal. Et donc déjà le lait doit provenir de cette zone. Ensuite les animaux doivent être issus de deux races, la race Simmentale. ou la race Aubrac. On reviendra sur l'évolution de la race Aubrac tout à l'heure. Et enfin, parmi les points majeurs, l'alimentation. L'alimentation doit se faire avec des fourrages issus de la zone et avec des fourrages soit de l'herbe, soit du foin.

  • Romain LE GAL

    Pas d'aliments fermentés, pas d'ensilage, pas d'engrainages.

  • Yves SOULHOL

    Voilà. Donc ce sont les éléments majeurs. On pourrait ajouter à cela le fait qu'on limite la production par vache, de façon à ce qu'on n'ait pas une tendance. A l'époque, c'était... Aujourd'hui, on le comprend mieux. A l'époque, ça faisait envie de mettre du granulé, comme on disait, ou alors de mettre un silage de maïs avec un tourteau de soja pour faire beaucoup de volume. Et donc, ce n'est pas ça qui est choisi. Ce qui est choisi, c'est de faire du lait avec la nourriture du plateau. Les bêtes du plateau, la nourriture du plateau, les producteurs du plateau.

  • Romain LE GAL

    et t'as oublié aussi un élément c'est que les vaches doivent être minimum dehors 120 jours par an quand il fait beau c'est indiqué comme ça dans le cahier des charges minimum 120 jours par an oui quand il fait beau tout simplement parce qu'elle même si tu laisses la porte ouverte elle préfère l'herbe c'est pas très étonnant finalement et

  • Yves SOULHOL

    puis parce que la tradition est là dessus on faisait du lait l'été quand il y avait de l'herbe On arrive à en faire quand il y a du foin, mais on faisait quand il y avait de l'herbe. Donc voilà, en gros, l'origine du lait AOP Laguiole. Ensuite, ce lait est collecté tous les jours, il est transformé en fromage tous les jours. On est sur une pâte préssé non-cuite. Alors, sans être trop technique, on va y mettre des présures pour faire cailler le lait, des ferments pour le faire transformer en fromage. On va le monter en fourmes, des fourmes de 50 kg, qui feront à peu près 40.

  • Romain LE GAL

    Donc, les fourmes, avant de les monter, il y a quand même une autre particularité technologique de ce fromage, c'est que ça va être broyé et salé dans la masse. C'est ça. C'est vraiment une particularité de ce fromage.

  • Yves SOULHOL

    De ce fromage, de cette région aussi. Donc, effectivement, je te disais tout à l'heure qu'on faisait cailler le lait. Pour avoir un fromage de cette taille et pour qu'il vieillisse, il faut évacuer un maximum de sérum. On n'est pas sur des pâtes molles, donc il faut obtenir des extraits secs élevés, de façon à ce qu'on n'ait pas d'apparition d'humidité du fromage en vieillissant. Et donc pour faire ça, on le presse plusieurs fois après caillage, et ensuite on obtient une tomme qui est broyée de nouveau, qui est salée dans la masse comme tu l'as dit, et qui est ensuite de nouveau pressée dans les fourmes, ici on appelle ça les fourmes ou les moules comme tu voudras. et qui ensuite va être parti en cave, frotté régulièrement pour obtenir un affinage a souhait. Il y a trois types d'affinage dans le Laguiole. Il y a le Laguiole jeune, 4 mois minimum, c'est le cahier des charges qu'il exige. Ensuite, il y a le Laguiole qu'on appelle sélection, c'est un fromage qui va jusqu'à 12-14 mois. Et ensuite, il y a le fromage affinage long qui peut aller jusqu'à 18-2 ans. Au milieu de tout ça... existe un fromage qui est fait à partir du lait lorsque les animaux sont à l'herbe, qu'on appelle le grand Aubrac . Ce sont les fromages qui sont mis sur le marché aujourd'hui, qui permettent d'avoir une palette de goûts assez grande en fonction de ce que tu vas rechercher. Soit tu cherches un fromage un peu moins marqué en goût, mais tu vas quand même retrouver les goûts lactés, tu vas retrouver ce que la prairie a amené au lait, tu vas trouver un certain nombre de... d'identification par rapport à l'herbe. Et ça, différent selon l'affinage que tu auras choisi.

  • Romain LE GAL

    Si on revient, alors du coup, là tu nous as parlé de la production du Laguiole dans sa globalité. On pourrait aussi rajouter, effectivement, pour le reconnaître, l'empreinte avec justement le taureau. Alors pourquoi le taureau ?

  • Yves SOULHOL

    Pourquoi le taureau ? Effectivement, ce ne sont pas les taureaux qui donnent du lait. Ça, jusque-là, tout le monde le sait. Tout simplement parce que sur la place de... De Laguiole existe une très belle sculpture en bronze qui date du milieu du siècle précédent et qui fait apparaître un taureau Aubrac. Et donc on a fait l'emblème de notre fromage.

  • Romain LE GAL

    Et du coup on peut retrouver aussi une petite plaque blanche sur le Laguiole, une petite plaque en plastique blanche avec des indications dessus qui certifient bien que c'est du Laguiole.

  • Yves SOULHOL

    C'est ça.

  • Romain LE GAL

    Et c'est le moment aussi de parler peut-être un petit peu en amont. Donc le lait est emprésuré, il va y avoir le caillé, et on va décailler, passer par un bac de pré-pressage. C'est ça. Et derrière, avoir des pains qui vont nous donner finalement qu'on va mettre dans, ensuite qu'on va couper, qu'on va mettre dans des toiles et qu'on va presser plusieurs fois. Alors dans l'aïeul minimum cinq fois au niveau du cahier des charges. Et c'est là aussi où on va parler de la Tome Fraîche. Est-ce que tu peux nous expliquer un petit peu, parce que la Tome Fraîche, sa technologie, sa vie commence ici.

  • Yves SOULHOL

    On va partir du lait. Tu l'as très bien expliqué. Notre lait, il va jusqu'au caillé. Et avant d'être broyé, il va donner ce qu'on appelle globalement la tome. Cette tomme fraîche, elle va avoir deux...

  • Romain LE GAL

    Tome avec un M ou deux M ? Oui,

  • Yves SOULHOL

    une Tome avec un seul M. Puisque c'est la partie... C'est du lait caillé, la Tome. C'est assez régional. Ce n'est... pas comparable à une Tomme de Savoie avec deux M qui, elle, est un fromage qui a été affiné. La Tome fraîche n'a pas été affinée. Ce qu'il faut dire, c'est qu'elle provient du même lait, c'est-à-dire qu'elle a le même cahier des charges en matière de production de lait pour plusieurs raisons. Parce que et là, je reviens à Jeune Montagne. Une des réussites de Jeune Montagne, notamment ces dernières années, c'est de ne pas avoir de lait d'excédent. C'est-à-dire que pour réussir à Jeune Montagne, Il faut qu'on transforme tout notre lait. Si on est obligé de vendre du lait sur le marché européen, on perdra de l'argent parce qu'on le paye beaucoup plus cher que le marché européen. C'est normal parce que le cahier des charges est exigeant. Donc, c'est normal qu'on le paye plus cher. Mais du coup, ça veut dire qu'il faut tout le vendre. Et donc, ce qu'on a essayé de faire, c'est un cahier des charges identique. Parce que quand tu es producteur, que le laitier passe, s'il faut commencer à trier du lait, c'est impossible. Donc, on a un cahier des charges identique. Donc, je le répète, ni ensilage, ni enrubanage, les simmentales, pas plus de 6000 litres par vache.

  • Romain LE GAL

    Simentales et Aubrac ?

  • Yves SOULHOL

    Simentales et Aubrac, pas plus de 6000 litres par vache. Donc tout ça, c'est un cahier de charge identique jusqu'à la séparation de la Tome et du fromage. Le fromage, comme tu l'as dit, il est broyé, salé dans la masse et monté en moule.

  • Romain LE GAL

    Donc là, on part sur le Laguiole.

  • Yves SOULHOL

    On part sur le Laguiole. La Tome fraîche de l'Aubrac, ça va être un ingrédient. pour tous ceux qui aiment travailler à la maison, mais aussi pour le fameux produit originel et puis très marqué dans notre région, l'Aligot.

  • Romain LE GAL

    Alors l'Aligot, c'était et c'est encore un plat populaire ?

  • Yves SOULHOL

    C'était et c'est encore un plat populaire. Là aussi, l'Aligot on retrouve des traces dans les burons. où les gens qui travaillaient dans les burons, des fois, avaient un petit peu faim. Ils n'avaient pas le droit de prélever du fromage. Et donc, ils prélevaient de la Tome avant que le fromage soit affiné. Et ils le mélangeaient avec du pain, du pain sec. Et ils se sont aperçus qu'en le faisant chauffer, d'abord ça réchauffait. Ensuite, ça remplissait l'estomac. C'était bien nourrissant. Et petit à petit, ils ont pris cette habitude. Quand les pommes de terre sont arrivées, on a... On a essayé de mélanger ça avec la purée et ça a donné l'Aligot qu'on connaît aujourd'hui.

  • Romain LE GAL

    Et c'est quoi une bonne recette d'Aligot pour toi Yves ?

  • Yves SOULHOL

    Pour moi c'est un Aligot avec de la pomme de terre.

  • Romain LE GAL

    Tu as des proportions à donner à nos auditeurs ? Oui,

  • Yves SOULHOL

    aujourd'hui, bien sûr que selon les mamies du coin ça varie, mais on est plutôt sur 30 à 35% de Tomes. Et à peu près 65 à 70% de pommes de terre. Avec un peu de crème qui va être ajoutée. Et rien de plus. A la rigueur, un peu de sel et poivre, mais rien de plus. Certains ajoutent de l'ail. Sur l'Aligot originale, il y en avait très peu d'ail. Je me méfie des Alligots où il y a beaucoup trop d'ail. C'est souvent pour cacher autre chose. L'Aligot de l'Aubrac à Jeunes-Montagne, on décide de ne pas mettre d'ail. Si le consommateur veut en rajouter, il peut très bien le faire.

  • Romain LE GAL

    Est-ce que tu as un conseil à donner à ceux qui veulent arriver à faire un bon filant à l'Aligot ?

  • Yves SOULHOL

    J'en ai plusieurs, mais le principal conseil, c'est de ne pas se précipiter. Quand tu fais un Aligot, il faut un certain temps. La première chose, c'est que tes pommes de terre soient bien cuites, pas trop. Qu'elles restent un tout petit peu fermes, mais il ne faut pas qu'elles soient trop fermes parce qu'il ne faut pas qu'on retrouve la pomme de terre dans le produit final. La deuxième chose, c'est qu'il faut que la Tome ait le temps de bien se mélanger à la pomme de terre quand elle est chaude. Pour bien se mélanger, il faut que ça se mélange à une température de 70-80 degrés. Il ne s'agirait pas de faire bouillir une purée en disant ça va aller plus vite, ça sera plus vite fondu. c'est là qu'on va casser le fil. Donc les conseils c'est une Tome fraîche de l'Aubrac IGP une bonne pomme de terre, et du temps, et d'une température pas trop élevée, sans aucun ingrédient supplémentaire, bien sûr un peu de sel si on veut, mais l'origine c'est ça. Après, certains effectivement peuvent mettre de l'ail, et on peut aussi avoir des Aligots qui sont aromatisés. On mange de la montagne, on en travaille avec de la truffe, on en travaille avec du cèpe, mais le conseil que je peux te donner, c'est surtout... Ne pas trop monter en température, ne pas vouloir aller trop vite et rester là. Il ne s'agit pas d'un plat qu'on met dans un coin et qu'on revient chercher une heure après. Il faut rester là.

  • Romain LE GAL

    C'est un plat où il faut être à côté, mais prendre son temps de le faire.

  • Yves SOULHOL

    C'est ça. J'aime bien dire des fois qu'on n'a pas le geste sous la main, mais que l'Aligot, il faut le caresser un peu. C'est-à-dire que la spatule, elle va faire tourner l'Aligot de façon à répartir la Tome. Mais doucement, il ne s'agit pas de matraquer, on n'est pas au batteur. On fait les choses au rythme de l'évolution de la Tome et de la pomme de terre. Et si on respecte ce rythme-là, on aura un super Aligot.

  • Romain LE GAL

    Du coup, on a parlé du Laguiole, on a parlé de la Tome fraîche. Maintenant, je te propose de parler un petit peu de la filière, parce qu'il y a une particularité dans votre AOP. C'est que 100% des producteurs de lait ou de fromage de Laguiole sont adhérents à la coopérative. C'est ça. Et aujourd'hui, c'est quoi ce modèle unique ? Comment ça fonctionne ?

  • Yves SOULHOL

    Le principe, il est depuis la création, la mise en place de Jeune Montagne a démontré que le travail qui se faisait, il se faisait au profit des gens qui adhéraient. Et donc, l'adhérent ne se pose pas de question. Quand tu es adhérent à la coopérative depuis les années 60, tu es là pour en tirer les avantages et pour participer au développement. J'aime bien dire qu'il s'agit d'une communauté de destin. C'est-à-dire que si tu n'as pas de producteur, tu n'auras pas de coopérative. Et si tu n'as pas de fromager dans la coopérative, tu n'auras pas de producteur qui seront payés à 650, 680 euros les 1000 litres. Donc tout le monde comprend l'intérêt de travailler ensemble et d'évoluer ensemble. Après, ce qui est important, c'est que l'accompagnement des producteurs, bien sûr, il tient par son prix du lait, mais pas que. Dans la coopérative. on va organiser un service de remplacement qui permettra de prendre des congés, qui permettra de prendre un week-end, qui permettra de se faire remplacer par quelqu'un qui s'est traire si tu es malade. Et ça paraît tout simple, mais ce n'est pas très facile à faire. Et aujourd'hui, par exemple, si on a six salariés au service de remplacement, c'est parce que les gens aiment le métier. de la traite des vaches, mais se sentent sécurisés par une structure qui est derrière qui s'appelle le coopérative Jeune Montagne. Et c'est pareil pour le producteur. Le producteur, aujourd'hui, il peut avoir des journées de services de remplacement qui sont financées par la coopérative ou qui sont en partie financées par la coopérative. Donc tout ça, ça fait une filière. Quand tu es producteur fermier...

  • Romain LE GAL

    Donc aujourd'hui, il y en a combien des producteurs fermiers ?

  • Yves SOULHOL

    Quand tu es producteur fermier, le week-end, tu as... apprécier de ne pas avoir besoin de cailler le lait. Ou en période haute, tu vas apprécier de pouvoir envoyer tes excédents à la coopérative. Et la coopérative est d'accord avec ça. Pourquoi ? Parce que si tu n'aides pas ce producteur fermier, il va arriver un moment où il transformera quel que soit le débouché. Et il arrivera un moment où au bout de l'entonnoir, il sera obligé de vendre pour dégager ça. Et il n'arrivera pas à maintenir ses prix. Donc tout ça, c'est un fonctionnement en commun. qui crée une réelle filière. Je vais te donner un autre exemple qui va dans un autre sens. C'est que lorsqu'on va voir des crémiers parisiens, pour faire connaître notre Laguiole, qui n'est pas non plus le fromage le plus connu au monde, eh bien, ce sont des producteurs qui prennent leur dimanche, qui du coup sont remplacés par un service de remplacement. Ils prennent le week-end et ils vont pendant le week-end parler aux consommateurs du Laguiole. Donc voilà, pour moi, maintenant ça fait bientôt sept ans que j'y suis, ça me paraît assez naturel. C'est vrai que quand on vient de l'extérieur, on a du mal à le comprendre, mais... il y a deux choses dans nos slogans à Jeune Montagne. Le premier, c'est celui que je viens de te dire. C'est vraiment la communauté de destin. C'est-à-dire, les producteurs travaillent pour la coopérative, la coopérative travaille pour les producteurs.

  • Romain LE GAL

    C'est un cercle vertueux.

  • Yves SOULHOL

    C'est un cercle vertueux, qui s'applique aussi à tout l'environnement. Si Laguiole, aujourd'hui, s'il y a 110 000 visiteurs à la coopérative Jeune Montagne, tous les ans,

  • Romain LE GAL

    ils ne viennent pas qu'à la coopérative. Quand ils viennent à la coopérative, ils vont acheter quelques couteaux, ils vont faire un bon repas à midi, ils vont aller visiter cheminées sur les chemins de l'Aubrac, sur celui de Saint-Jacques-de-Compostelle, comme tu en connais certains. Donc voilà, c'est un tout. Pour l'instant, ça fonctionne et on va tout faire pour que ça fonctionne longtemps, puisque ça amène de la quiétude, ça amène au risque d'être exagéré, mais ça amène du bonheur quand même sur la zone.

  • Yves SOULHOL

    On échangeait tout à l'heure un peu en off, on en a un petit peu parlé au début de l'entretien. Aujourd'hui, vous accompagnez les producteurs à réintroduire de l'Aubrac dans leur troupeau. Comment vous faites aujourd'hui ? C'est quoi votre accompagnement ? Est-ce que tu peux nous donner des proportions sur le cheptel global, de combien pèsent encore aujourd'hui les vaches Aubrac ?

  • Romain LE GAL

    En gros, il faut retenir qu'on a 3 ou 4 vaches laitières Aubrac par troupeau, ce qui veut dire qu'on est de l'ordre de 5% à peu près. On aurait un objectif à 10%. Donc, ce qui se passe, c'est que depuis maintenant une quinzaine d'années, on relance la branche laitière de la race Aubrac. Tout à l'heure, je l'ai expliqué rapidement, race mixte. la plupart de la sélection s'est portée pour développer sa carcasse et sa viande et la branche laitière a été abandonnée. Depuis 15 ans, on a réussi à identifier quelques mères beaucoup plus productrices de lait. On a, via l'insémination, via la démultiplication par les embryons, trouvé quelques taureaux. Et petit à petit, on intègre cette race dans les cheptels. On réintègre cette race dans les cheptels. C'est pas... aussi évident que ça parce que de toute façon elle produit moins que la Simmentale. Bon, c'est une vache qui est très attachée à son veau, donc il faut vraiment qu'elle soit de bonnes conditions pour être sympa à la traite. Donc tout ça, ce sont des efforts que mènent les producteurs. S'ils le font, ce n'est pas un aspect économique. S'ils le font, c'est parce qu'ils ont envie. Ils ont envie de se dire, eh bien voilà.

  • Yves SOULHOL

    Il y a des défenseurs de cette race.

  • Romain LE GAL

    Il y a des défenseurs. Il y a des défenseurs, il y a des gens qui disent, bon, on a un cheptel de 50 vaches, on peut bien faire l'effort d'avoir 4 ou 5 vaches Aubrac au milieu. C'est vraiment identitaire. Voilà, c'est une Aubrac, on est sur le plateau de l'Aubrac. Ça fonctionne. Alors la coopérative accompagne aussi, puisqu'elle donne une subvention à peu près équivalente au manque à produire entre une Aubrac et une Simmentale. Pour aller vite, une très bonne Aubrac va faire 3000 litres de lait, une Simmentale de... On pourrait faire 10 000, mais chez nous, ça reste à 6 000, puisqu'on est limité à 6 000. Mais voilà, ça fait partie de la responsabilité sociétale de l'entreprise. Comme on le fait pour la flore, on va le faire pour la faune, et notamment pour la race Aubrac. On va essayer de conserver ce rameau laitier. Ça fait partie de nos responsabilités.

  • Yves SOULHOL

    Aujourd'hui, vous travaillez tous vos fromages au lait cru. Pour toi, est-ce que c'est une difficulté ? Tu le vois ? Comment dans l'avenir, aujourd'hui on est défenseur de notre biodiversité fromagère, comment tu vois ça dans l'avenir ?

  • Romain LE GAL

    Alors, ça c'est une excellente question. Ce n'est pas une question de piège, parce que de toute façon déjà à l'âge que j'ai, maintenant je considère que je peux presque dire tout ce que j'ai envie de dire. Le problème que nous avons globalement en France, c'est que nous évoluons vers de plus en plus de recherches de naturalité. Qu'on soit consommateur ou qu'on soit opinion publique, parce que quelquefois on peut avoir une opinion publique différente d'un consommateur. On peut dire moi j'aime du lait cru et ne jamais en acheter. Aujourd'hui sur le lait cru, moi je suis convaincu que comme tout produit, il y a une balance bénéfice-risque. Et je suis convaincu que la balance bénéfice pèse beaucoup plus lourd et donc elle est inclinée la balance que la balance risque. Le problème que nous avons, c'est qu'aujourd'hui, nous sommes en face de consommateurs, mais aussi de pouvoirs publics qui n'acceptent pas de prendre le moindre risque. Et donc, le risque que nous avons sur le lait cru, c'est que si on parle de lait cru, c'est parce qu'il doit y avoir des micro-organismes à l'intérieur, des bactéries.

  • Yves SOULHOL

    De la vie.

  • Romain LE GAL

    De la vie, qui sont positives. et qui sont naturelles. Depuis que l'homme existe, ça existe. Depuis que l'homme existe, son estomac a été étudié pour vivre avec. Malheureusement, de temps en temps, il y en a une ou deux qui sont un peu plus dangereuses et qui créent le risque. Tant qu'on n'aura pas déterminé si on veut se pencher vers les nombreux avantages du lait cru par rapport au moindre risque, on fera prendre des risques à la production au lait cru. Aujourd'hui c'est compliqué parce que la science permet d'analyser et d'approfondir les bactéries qui sont à l'intérieur de tous les produits alimentaires. Et du coup, pour le lait, on prend l'exemple des steaks, les sécrétions des Echirichia coli. qui peuvent être pathogènes. On ne l'a pas complètement prouvé sur le lait, mais ça peut être pathogène. C'est quelque chose qu'on a découvert il y a 20 ans et qui aujourd'hui nous pousse à détruire du produit, nous pousse à détruire du lait. Pour l'avenir, ce sera compliqué de concilier les deux. Et donc, je pense que les pouvoirs publics, s'ils souhaitent que le lait cru continue à apporter ses bénéfices, ont intérêt à se pencher sur la question, et notamment des scientifiques bien approfondis. Je voulais juste citer un chercheur de l'INRA d'Aurillac qui me précisait qu'aux USA, qu'on suit souvent avec 4 ou 5 ans de retard, ils sont à la recherche d'insémination de bactéries à l'intérieur des estomacs et des intestins. Parce qu'ils se sont aperçus qu'à force de tout aseptiser, les estomacs et les intestins ont perdu toute résistance. On est à l'aberration où on va ingérer des gélules ou des pilules chargées en bactéries.

  • Yves SOULHOL

    Alors qu'il suffirait de manger un morceau de fromage au lait cru.

  • Romain LE GAL

    Et de préférence du laguiole. Donc c'est ça qui, aujourd'hui, me fait peur. Mais ça me fait peur parce que, face à des pouvoirs publics qui font... qui accomplissent leur mission et leur rôle, on est complètement impuissant. Donc on a un travail à faire. Il y a un gros travail qui s'est fait sur la qualité des laits. Dans le dénombrement, dans le suivi de la listeria, dans le suivi des salmonelles, il y a un gros travail qui s'est fait, on a bien avancé. Mais il faut qu'on travaille en coopérant. Il ne faut pas qu'on travaille en s'affrontant sur le risque et sur le bénéfice. Et pour l'instant, je ne sent pas ça dans les orientations. Peut-être que dans nos pays d'Europe, et particulièrement en France, qui est quand même un des pays les plus porteurs en matière de diversité de fromage au lait cru, peut-être qu'on s'apercevra un jour qu'on peut suivre les Américains et du coup essayer de libérer un peu la production de lait cru. Je ne peux pas être plus explicite parce qu'à quelque part... J'ai besoin de vendre du fromage tous les jours. Tous nos fromages sont analysés pour être libérés. Donc, on ne fait pas n'importe quoi avec des fromages au lait cru. Donc, je veux rester prudent, mais je suis soucieux.

  • Yves SOULHOL

    Et j'aurais une dernière question pour terminer cet entretien, Yves. Oui. Vous verriez la tête de Yves. Il se dit, qu'est-ce qu'il va encore poser comme question ? Yves, quelle est ta pizza préférée ?

  • Romain LE GAL

    C'est une excellente question. C'est la pizza quatres fromages.

  • Yves SOULHOL

    Avec du Laguiole.

  • Romain LE GAL

    Du Laguiole.

  • Yves SOULHOL

    De la Tome fraîche.

  • Romain LE GAL

    De la Tome fraîche de l'Aubrac. Tu peux essayer d'y mettre un peu de buronnier, c'est pas mal. Allez, puis mets-y un peu de Cantal au lait cru de Thérondels.

  • Yves SOULHOL

    Une pizza pas du tout orientée.

  • Romain LE GAL

    Pas du tout.

  • Yves SOULHOL

    Pas du tout. Merci beaucoup Yves de nous avoir reçus aujourd'hui.

  • Romain LE GAL

    C'est toujours avec plaisir qu'on reçoit. J'ai oublié de te dire que ton premier slogan, c'est la communauté de destin. Le deuxième, c'est si tu ne me crois pas, viens me voir.

  • Yves SOULHOL

    Je suis venu.

  • Romain LE GAL

    Donc, tu es venu.

  • Yves SOULHOL

    J'ai vu qu'il ne faisait pas beau à Laguiole.

  • Romain LE GAL

    Non,

  • Yves SOULHOL

    on ne va pas rester là-dessus.

  • Romain LE GAL

    Il faudra revenir.

  • Yves SOULHOL

    On viendra remanger un Aligot. Merci beaucoup Yves de m'avoir reçu.

  • Romain LE GAL

    Avec plaisir.

  • Yves SOULHOL

    Merci à vous de nous avoir écouté jusqu'au bout. Si cet épisode vous a plu, n'hésitez pas à le partager ou à nous envoyer des messages ou à mettre 5 étoiles, par exemple, sur Spotify. Et je vous dis à bientôt pour un nouvel épisode de Lait'Change.

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • Présentation de Yves SOULHOL

    01:34

  • Présentation de la Coopérative Jeune Montagne

    02:07

  • Adhérent à la Coopérative

    02:55

  • Histoire du Laguiole AOP

    03:32

  • Qu'est ce qu'un Buron ?

    04:27

  • Histoire du Laguiole AOP (suite)

    06:32

  • Histoire de la Coopérative Jeune Montagne

    08:29

  • Les races laitières de l'Aubrac

    09:11

  • Les débuts de l'AOP Laguiole

    10:14

  • Origine du nom "Jeune Montagne"

    11:10

  • Comment est fabriqué le Laguiole AOP ?

    11:33

  • Introduction de la Simmentale

    12:37

  • Cahiers des charges de l'AOP Laguiole

    13:41

  • Les étapes de fabrication du Laguiole AOP

    16:33

  • Les trois types d'affinages du Laguiole AOP

    18:01

  • Pourquoi le symbole du taureau sur le Laguiole AOP ?

    19:04

  • Les étapes de fabrication du Laguiole AOP (suite)

    19:44

  • La Tome Fraîche de l'Aubrac IGP

    20:28

  • L'Aligot et son origine dans l'Aubrac

    22:28

  • Comment faire un bon Aligot ?

    23:12

  • La particularité de la Coopérative Jeune Montagne

    26:06

  • L'accompagnement des producteurs

    27:15

  • Préservation du patrimoine et de la Région

    29:32

  • Réintroduction de l'Aubrac

    30:10

  • La défense du Lait cru

    32:51

  • LA dernière question

    37:44

  • Conclusion

    38:19

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Pour cet épisode, Romain s'aventure sur les hauteurs de l'Aubrac, dans le petit village de Laguiole, à la rencontre de celles et ceux qui font vivre l'AOP Laguiole. C’est dans les locaux de la coopérative Jeune Montagne qu’il pose ses micros pour un nouvel échange au cœur du terroir. Dans ce cadre authentique, il s’entretient avec Yves SOULHOL, directeur générale de la Coopérative Jeune Montagne. Ensemble, ils nous plongent dans l’univers de ce fromage ancestral, dont la fabrication est intimement liée aux traditions de l’Estive et aux paysages de moyenne montagne.


Au fil de l’épisode, vous découvrirez l’histoire du Laguiole AOP. De sa presque disparition à sa renaissance grâce à une poignée de passionnés et notamment André Valadier. Les enjeux auxquels fait face la filière aujourd’hui, et l’importance de l’AOP comme outil de protection et de valorisation d’un patrimoine vivant. Yves nous dévoile aussi les secrets du goût du Laguiole, son affinage, et les particularités de son cahier des charges exigeant.


Entre héritage, modernité, et vision d’avenir, cet épisode est une plongée sensible et engagée dans un modèle agricole fondé sur la coopération, la fierté locale et la transmission.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Romain LE GAL

    Bienvenue sur Lait'Change, le podcast qui donne la parole aux actrices et aux acteurs de la filière laitière et fromagère. Je suis Romain LE GAL et aujourd'hui, bienvenue dans l'Aveyron, et plus précisément à Laguiole, une petite commune perchée sur le plateau de l'Aubrac, entre vastes pâturages et horizons infinis. Laguiole, dont le nom résonne comme une invitation à découvrir la France authentique, est bien plus qu'un village, c'est un véritable symbole d'artisanat, de gastronomie et de tradition. Et oui ! Le nom de ce village est l'éponyme d'un célèbre fromage AOP et celui d'un prestigieux couteau orné d'une abeille. Ce matin, nous avons rendez-vous à la coopérative fromagère Jeune Montagne. Dans ce nouvel épisode, on va parler de Laguiole AOP, de Tome Fraîche de l'Aubrac IGP, mais également du modèle unique de cette coopérative avec Yves Soulhol. Bonjour Yves, tout d'abord merci de nous accueillir ce matin.

  • Yves SOULHOL

    Bonjour, bonjour Romain et bienvenue sur le plateau, bienvenue à Laguiole.

  • Romain LE GAL

    Bon ce matin je suis arrivé un petit peu avec le brouillard. Eh oui. On est en hiver ici, il fait un peu froid, j'ai eu de la chance, j'ai pas eu de neige, mais le brouillard est là ça ne se lève pas, quand on regarde la vue ici, on voit pas très loin.

  • Yves SOULHOL

    Alors c'est dommage parce que quand c'est dégagé, on voit un beau pâturage qu'on appelle ici les estives, qui est très joli. Il faudra revenir, je suis sûr que j'espère qu'on va te donner envie et que tu reviendras dès que tu pourras.

  • Romain LE GAL

    Et pour commencer Yves, ce que je peux te proposer c'est, qui es-tu et aujourd'hui que fais-tu au sein de la coopérative Jeune Montagne ?

  • Yves SOULHOL

    Comme tu l'as dit, je m'appelle Yves Soulhol, je suis directeur général de la coopérative Jeune Montagne depuis 2018. J'ai préalablement travaillé dans le lait, les produits laitiers et j'ai aussi travaillé, c'était pas la même chose. J'étais tout jeune dans les produits financiers. Donc, le directeur général de la coopérative veille au bon fonctionnement de cette coopérative. Cette coopérative, c'est un outil qui a été créé dans les années 60. Je reviendrai sur son historique tout à l'heure. Nous développons cette année 39 millions d'euros de chiffre d'affaires avec 180 salariés environ. Nous produisons du Laguiole AOP, comme tu l'as indiqué tout à l'heure, de la tome fraîche de l'Aubrac. et des plats cuisinés identitaires de la région Aubrac, à savoir l'Aligot et la Truffade qui est auvergnate, mais on n'est pas très loin de l'Auvergne. Donc c'est à base de cette tomme fraîche d'Aubrac et de ce Laguiole que nous pouvons aussi produire ces plats cuisinés.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, cette coopérative, combien de personnes travaillent ici ? Alors,

  • Yves SOULHOL

    180 salariés travaillent ici, et par contre... Il y a au total 90 adhérents, 70 qui sont sur le plateau de l'Aubrac, 74 exactement, et une petite quinzaine sur le plateau du Carladès, qui est là aussi dans le nord de l'Aveyron, et qui, eux, produisent du lait pour le Cantal. Ici particulièrement, c'est du lait à l'AOP, Laguiole et IGP tome fraîche de l'Aubrac.

  • Romain LE GAL

    Et aujourd'hui, tu as commencé à l'évoquer, puisqu'on va parler de l'histoire du Laguiole, mais aussi l'histoire de la... coopérative puisque les deux sont un peu liés. D'où ça vient le Laguiole? C'est quoi son histoire à la base ?

  • Yves SOULHOL

    Le Laguiole aujourd'hui est un fromage à pâte pressée non cuite qui pèse 45 kilos et qui peut s'affiner jusqu'à 2 ans. On trouve des traces du Laguiole au Moyen-Âge et notamment les histoires relatent le fait que le plateau de l'Aubrac est un plateau qui a été ... Assénie, qui a été déboisé afin de créer les estives, les prairies, par des moines qui habitaient la région. Et avec les serfs ou les agriculteurs de l'époque, ils ont mis en place ce fromage qui permettait de conserver le lait produit l'été par les animaux pour être utilisé pour vivre l'hiver. Donc comme beaucoup de fromages, c'est la transformation du lait en fromage qui permet d'alimenter. les producteurs toute l'année. C'est l'origine de ce Laguiole. Ensuite, s'est développé sur l'estive un certain nombre de buron et de fermes qui ont produit...

  • Romain LE GAL

    Pour définir, c'est quoi un buron pour ceux qui nous écoutent et qui ne connaissent pas ?

  • Yves SOULHOL

    Alors, le buron, on en trouve, si tu te promènes, il y en a de très beaux qui ont été bien restaurés. C'est un corps de ferme en altitude, dans les prés, où on retrouve le logement des animaux. et où on retrouve une mini-laiterie qui permettait, après la traite, de monter les fromages et de les mettre à affiner. Ces fromages étant descendus dans la vallée ou étant descendus pour être vendus à la fin du pâturage, c'est-à-dire à la fin septembre. Les hivers étaient plus rigoureux qu'aujourd'hui et il fallait descendre à la fin septembre. On retrouve ces traditions dans des fêtes qui sont particulièrement connues. La Transhumance, par exemple, ici, rassemble plus de 3000 personnes tous les ans qui viennent voir les troupeaux qui montent à l'estive.

  • Romain LE GAL

    Donc qui montent au buron.

  • Yves SOULHOL

    Qui montent au buron, alors on va revenir dessus, qui montaient au buron et qui ensuite le fromage redescendait.

  • Romain LE GAL

    Il me semble d'ailleurs que les burons à la base étaient en terre et c'est au fil des siècles qu'ils sont devenus en pierre. Tu sembles avoir lu ça dans la littérature.

  • Yves SOULHOL

    Effectivement, c'était en terre et pierre au tout début. Ils étaient semi-enterrés. Plus généralement, on retrouve aujourd'hui des burons en pierre. pierre couverte en lauze, qui est une roche volcanique qui s'est découpée naturellement. Et donc, dans ce buron, comme je te l'ai expliqué, il y avait le troupeau, il y avait les gens qui s'occupaient du troupeau, le fameux buronnier, il y avait le fromager, qu'on appelait le cantalès. Alors pourquoi le cantalès ? Peut-être parce que certains amenaient la technique de production du fromage. Il y avait en gros quatre personnes qui vivaient sur le buron.

  • Romain LE GAL

    D'accord.

  • Yves SOULHOL

    Et si tu veux, petit à petit, dans la fin du 19e siècle, l'industrialisation passant par là a vu ces campagnes se vider de leur population. Et il faut savoir qu'à la fin du 19e siècle, on produisait à peu près le même volume de fromage qui est produit aujourd'hui. Entre-temps, il y a eu des évolutions.

  • Romain LE GAL

    Donc le volume qui est produit aujourd'hui,

  • Yves SOULHOL

    c'est ? Autour de 600 à 700 tonnes par an, selon l'année. Et donc ça, c'était produit dans des burons. Et la première guerre est passée par là. La deuxième, l'après-guerre, avec l'exode rural encore plus fort. Et donc, dans les années 60, fin des années 50, on retrouve trois burons en activité. Et la production de fromage de Laguiole était en quasi disparition.

  • Romain LE GAL

    D'accord. Tu as un chiffre à donner en termes de volume ?

  • Yves SOULHOL

    Je dirais qu'on est tombé à peu près à 25-30 tonnes.

  • Romain LE GAL

    Donc on passe de 700 tonnes à 25-30 tonnes. On est vraiment arrivé très bas dans la production et à quasi disparition.

  • Yves SOULHOL

    Complètement. Dans le même temps, il faut tout mettre en face. On sent que cette production va disparaître. Et dans le même temps arrivent les obligations de la PAC avec une industrialisation de l'activité fromage, une industrialisation de l'activité laitière. Et donc le plateau d'Aubrac avec ses burons n'est plus en mesure de rivaliser avec ce qui se crée partout, des grosses laiteries, des besoins de l'alimentation au niveau national. Et donc... il n'y a pas 36 solutions. Soit on laisse péricliter et ça disparaît, soit on dit, nous on croit à notre territoire, on croit à ce produit et on va le relancer. Et là, l'histoire du Laguiole recoupe l'histoire de Jeunes Montagnes. En 1960, un groupe de jeunes producteurs amené par André Valadier, qui a fait carrière dans le... le fromage, il a été président de l'INAO.

  • Romain LE GAL

    Effectivement, quand on parle de Laguiole et qu'on commence à s'intéresser au Laguiole, on tombe forcément sur le nom d'André Valadier.

  • Yves SOULHOL

    C'est obligatoire, parce que c'est avec ces jeunes agriculteurs, c'est eux qui disent, voilà, si on veut garder une filière laitière, il faut qu'on la prenne à notre compte. Les grands groupes ne seront pas intéressés pour venir chercher du lait sur le plateau. Nos races qui sont à l'époque l'Aubrac ne sont pas suffisamment productrices pour être en compétition avec les FFPN de l'époque qui sont devenues les Prim'Holstein.

  • Romain LE GAL

    On en parlera tout à l'heure peut-être un petit peu, mais effectivement, l'Aubrac pour la partie laitier a suivi un peu la périclitation du Laguiole. C'est qu'on a vu de moins en moins d'Aubrac dans les troupeaux pour les troupeaux laitiers.

  • Yves SOULHOL

    Les deux histoires sont très liées. C'est-à-dire que l'Aubrac était une race mixte. Ce n'était pas une race très productrice en lait, mais suffisamment pour nourrir un veau. Et ce n'était pas une race très productrice en viande, parce qu'elle avait une carrure, on va dire, qui était plutôt étroite, avec des arrière-mains qui étaient plutôt frêles et qui ne produisaient pas de viande. Donc, à ce moment-là... On retrouve de nouveau l'histoire de la coopérative. D'un côté, des gens qui disent, on est capable de faire du très bon fromage, mais on ne peut plus le faire dans les buron parce que c'est trop compliqué, il n'y en a plus assez. Donc, on va proposer à des agriculteurs de collecter leur lait, de le transformer en un seul endroit, en respectant un cahier des charges. Et c'est là qu'apparaît le cahier des charges en 1961 du Laguiole. Un cahier des charges exigeant qui respecte... les modes de fabrication, qui respectent le lait natif et on va faire, on va produire du Laguiole en plus grande quantité dans un seul endroit. C'est la naissance de Jeune Montagne.

  • Romain LE GAL

    La naissance de Jeune Montagne 1960 et le cahier des charges AOC 1961.

  • Yves SOULHOL

    Exactement. Exactement, tu as bien suivi. Donc, 5 jeunes agriculteurs, 5-6, pilotés par André Valadier. À ce moment-là, ils sont en discussion, ils se font aider par les mairies, ils se font aider par des collaborateurs, je ne peux pas citer tout le monde, mais de façon à être reconnus, et ils disent comment on va s'appeler. Et il y a une dame, deux têtes, c'est de la famille d'André Valadier, qui dit, ma foi, vous êtes jeune, vous êtes à la montagne, appelez-vous Jeune Montagne, et d'où la naissance de la marque et de la coopérative. Et là, ils s'organisent pour... faire du Laguiole de façon recentrée et pour le commercialiser.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, comment on fabrique du Laguiole ? C'est quoi les grandes étapes de fabrication du Laguiole ?

  • Yves SOULHOL

    Pour répondre à ta question, comment faire du Laguiole, il faut d'abord du lait. Il faut d'abord du bon lait. Pourquoi ? Parce qu'on ne fait pas le choix de faire un lait pasteurisé standardisé. On ne fait pas le choix de faire des fromages pasteurisés standardisés, qui étaient un peu... En Vogue, à l'époque, rappelons-nous, on est dans les années 60, la Pâques arrive, il faut nourrir, il faut alimenter une population qui croit énormément, une population qui s'urbanise, et donc il faut faire des fromages en grande quantité. Ce qui est choisi dans le Laguiole, c'est de garder la recette de base, donc un fromage au lait cru et entier. On ne va pas écrémer, comme ça pourrait être le cas dans quelques départements voisins, on part du lait entier. Quand on veut faire ça, on dit que si on ne peut pas standardiser soit en écrémant, soit en rajoutant de la matière protéique, il faut qu'on choisisse une race qui nous amène un lait régulier et à peu près équilibré, matière grasse, matière protéique. C'est la raison pour laquelle, en même temps que le cheptel Aubrac se spécialise en viande, les producteurs de la Jeune Montagne se disent qu'il faut qu'on trouve une race qui pourra remplacer l'Aubrac On est dans les années 65.

  • Romain LE GAL

    Et c'est là où arrive la simmentale.

  • Yves SOULHOL

    Ils choisissent la simmentale. Il y a deux particularités essentielles. La première, c'est d'avoir un bon équilibre en matière grasse et matière protéique dans leur lait. Et la deuxième particularité, c'est d'une vache de montagne qui a l'avantage de ne pas avoir une grosse variation de qualité du lait, que tu sois en ration sèche ou en ration à l'herbe. Et donc, ils vendent toutes leurs bêtes. C'est un travail assez important. Ils sont passés par... C'est facile à dire aujourd'hui quand je te le décris, mais à l'époque, il faut s'imaginer que tu vends les bêtes que tu avais, que tu vas les rechercher. Donc, ils achètent des troupeaux simmentales et avec ces troupeaux simmentales, ils vont produire du lait AOP Laguiole sur le plateau de l'Aubrac. Donc, ce lait AOP Laguiole, qui est répertorié aujourd'hui à l'INEO, l'Institut National des Appellations d'Origine, eh bien, il a un cahier des charges. Et ce cahier des charges, le choix, il est d'être très exigeant. Pourquoi ? On est en marge de la production de masse. On n'est pas taillé pour faire de la production de masse. Donc soit on fait quelque chose d'identitaire qui peut s'identifier et qui reste reconnu comme tel, soit on essaie d'aller dans la production de masse. Comme on n'arrive pas à y aller, on va rester sur l'aspect identitaire. Et donc on va avoir un cahier des charges très exigeant. Première chose, bien évidemment, comme c'est beaucoup le cas dans les AOP, il faut que le lait provienne de la zone.

  • Romain LE GAL

    Donc un terroir.

  • Yves SOULHOL

    Un terroir. Un plateau de l'Aubrac qui est en plus assez facile à délimiter. Au sud, il y a un fleuve qui s'appelle le Lot, un des plus beaux fleuves de France et du monde. Au nord, il y en a un qui est presque aussi joli, c'est la Truyère. Et à l'est, coule la vallée glaciaire. Certains te diraient aujourd'hui que coule l'autoroute, mais à l'époque, c'était une vallée glaciaire. Et donc, ça fait un plateau qui est assez facile à délimiter. qui aujourd'hui est sur le département administratif de l'Aveyron, de la Lozère et du Cantal. Et donc déjà le lait doit provenir de cette zone. Ensuite les animaux doivent être issus de deux races, la race Simmentale. ou la race Aubrac. On reviendra sur l'évolution de la race Aubrac tout à l'heure. Et enfin, parmi les points majeurs, l'alimentation. L'alimentation doit se faire avec des fourrages issus de la zone et avec des fourrages soit de l'herbe, soit du foin.

  • Romain LE GAL

    Pas d'aliments fermentés, pas d'ensilage, pas d'engrainages.

  • Yves SOULHOL

    Voilà. Donc ce sont les éléments majeurs. On pourrait ajouter à cela le fait qu'on limite la production par vache, de façon à ce qu'on n'ait pas une tendance. A l'époque, c'était... Aujourd'hui, on le comprend mieux. A l'époque, ça faisait envie de mettre du granulé, comme on disait, ou alors de mettre un silage de maïs avec un tourteau de soja pour faire beaucoup de volume. Et donc, ce n'est pas ça qui est choisi. Ce qui est choisi, c'est de faire du lait avec la nourriture du plateau. Les bêtes du plateau, la nourriture du plateau, les producteurs du plateau.

  • Romain LE GAL

    et t'as oublié aussi un élément c'est que les vaches doivent être minimum dehors 120 jours par an quand il fait beau c'est indiqué comme ça dans le cahier des charges minimum 120 jours par an oui quand il fait beau tout simplement parce qu'elle même si tu laisses la porte ouverte elle préfère l'herbe c'est pas très étonnant finalement et

  • Yves SOULHOL

    puis parce que la tradition est là dessus on faisait du lait l'été quand il y avait de l'herbe On arrive à en faire quand il y a du foin, mais on faisait quand il y avait de l'herbe. Donc voilà, en gros, l'origine du lait AOP Laguiole. Ensuite, ce lait est collecté tous les jours, il est transformé en fromage tous les jours. On est sur une pâte préssé non-cuite. Alors, sans être trop technique, on va y mettre des présures pour faire cailler le lait, des ferments pour le faire transformer en fromage. On va le monter en fourmes, des fourmes de 50 kg, qui feront à peu près 40.

  • Romain LE GAL

    Donc, les fourmes, avant de les monter, il y a quand même une autre particularité technologique de ce fromage, c'est que ça va être broyé et salé dans la masse. C'est ça. C'est vraiment une particularité de ce fromage.

  • Yves SOULHOL

    De ce fromage, de cette région aussi. Donc, effectivement, je te disais tout à l'heure qu'on faisait cailler le lait. Pour avoir un fromage de cette taille et pour qu'il vieillisse, il faut évacuer un maximum de sérum. On n'est pas sur des pâtes molles, donc il faut obtenir des extraits secs élevés, de façon à ce qu'on n'ait pas d'apparition d'humidité du fromage en vieillissant. Et donc pour faire ça, on le presse plusieurs fois après caillage, et ensuite on obtient une tomme qui est broyée de nouveau, qui est salée dans la masse comme tu l'as dit, et qui est ensuite de nouveau pressée dans les fourmes, ici on appelle ça les fourmes ou les moules comme tu voudras. et qui ensuite va être parti en cave, frotté régulièrement pour obtenir un affinage a souhait. Il y a trois types d'affinage dans le Laguiole. Il y a le Laguiole jeune, 4 mois minimum, c'est le cahier des charges qu'il exige. Ensuite, il y a le Laguiole qu'on appelle sélection, c'est un fromage qui va jusqu'à 12-14 mois. Et ensuite, il y a le fromage affinage long qui peut aller jusqu'à 18-2 ans. Au milieu de tout ça... existe un fromage qui est fait à partir du lait lorsque les animaux sont à l'herbe, qu'on appelle le grand Aubrac . Ce sont les fromages qui sont mis sur le marché aujourd'hui, qui permettent d'avoir une palette de goûts assez grande en fonction de ce que tu vas rechercher. Soit tu cherches un fromage un peu moins marqué en goût, mais tu vas quand même retrouver les goûts lactés, tu vas retrouver ce que la prairie a amené au lait, tu vas trouver un certain nombre de... d'identification par rapport à l'herbe. Et ça, différent selon l'affinage que tu auras choisi.

  • Romain LE GAL

    Si on revient, alors du coup, là tu nous as parlé de la production du Laguiole dans sa globalité. On pourrait aussi rajouter, effectivement, pour le reconnaître, l'empreinte avec justement le taureau. Alors pourquoi le taureau ?

  • Yves SOULHOL

    Pourquoi le taureau ? Effectivement, ce ne sont pas les taureaux qui donnent du lait. Ça, jusque-là, tout le monde le sait. Tout simplement parce que sur la place de... De Laguiole existe une très belle sculpture en bronze qui date du milieu du siècle précédent et qui fait apparaître un taureau Aubrac. Et donc on a fait l'emblème de notre fromage.

  • Romain LE GAL

    Et du coup on peut retrouver aussi une petite plaque blanche sur le Laguiole, une petite plaque en plastique blanche avec des indications dessus qui certifient bien que c'est du Laguiole.

  • Yves SOULHOL

    C'est ça.

  • Romain LE GAL

    Et c'est le moment aussi de parler peut-être un petit peu en amont. Donc le lait est emprésuré, il va y avoir le caillé, et on va décailler, passer par un bac de pré-pressage. C'est ça. Et derrière, avoir des pains qui vont nous donner finalement qu'on va mettre dans, ensuite qu'on va couper, qu'on va mettre dans des toiles et qu'on va presser plusieurs fois. Alors dans l'aïeul minimum cinq fois au niveau du cahier des charges. Et c'est là aussi où on va parler de la Tome Fraîche. Est-ce que tu peux nous expliquer un petit peu, parce que la Tome Fraîche, sa technologie, sa vie commence ici.

  • Yves SOULHOL

    On va partir du lait. Tu l'as très bien expliqué. Notre lait, il va jusqu'au caillé. Et avant d'être broyé, il va donner ce qu'on appelle globalement la tome. Cette tomme fraîche, elle va avoir deux...

  • Romain LE GAL

    Tome avec un M ou deux M ? Oui,

  • Yves SOULHOL

    une Tome avec un seul M. Puisque c'est la partie... C'est du lait caillé, la Tome. C'est assez régional. Ce n'est... pas comparable à une Tomme de Savoie avec deux M qui, elle, est un fromage qui a été affiné. La Tome fraîche n'a pas été affinée. Ce qu'il faut dire, c'est qu'elle provient du même lait, c'est-à-dire qu'elle a le même cahier des charges en matière de production de lait pour plusieurs raisons. Parce que et là, je reviens à Jeune Montagne. Une des réussites de Jeune Montagne, notamment ces dernières années, c'est de ne pas avoir de lait d'excédent. C'est-à-dire que pour réussir à Jeune Montagne, Il faut qu'on transforme tout notre lait. Si on est obligé de vendre du lait sur le marché européen, on perdra de l'argent parce qu'on le paye beaucoup plus cher que le marché européen. C'est normal parce que le cahier des charges est exigeant. Donc, c'est normal qu'on le paye plus cher. Mais du coup, ça veut dire qu'il faut tout le vendre. Et donc, ce qu'on a essayé de faire, c'est un cahier des charges identique. Parce que quand tu es producteur, que le laitier passe, s'il faut commencer à trier du lait, c'est impossible. Donc, on a un cahier des charges identique. Donc, je le répète, ni ensilage, ni enrubanage, les simmentales, pas plus de 6000 litres par vache.

  • Romain LE GAL

    Simentales et Aubrac ?

  • Yves SOULHOL

    Simentales et Aubrac, pas plus de 6000 litres par vache. Donc tout ça, c'est un cahier de charge identique jusqu'à la séparation de la Tome et du fromage. Le fromage, comme tu l'as dit, il est broyé, salé dans la masse et monté en moule.

  • Romain LE GAL

    Donc là, on part sur le Laguiole.

  • Yves SOULHOL

    On part sur le Laguiole. La Tome fraîche de l'Aubrac, ça va être un ingrédient. pour tous ceux qui aiment travailler à la maison, mais aussi pour le fameux produit originel et puis très marqué dans notre région, l'Aligot.

  • Romain LE GAL

    Alors l'Aligot, c'était et c'est encore un plat populaire ?

  • Yves SOULHOL

    C'était et c'est encore un plat populaire. Là aussi, l'Aligot on retrouve des traces dans les burons. où les gens qui travaillaient dans les burons, des fois, avaient un petit peu faim. Ils n'avaient pas le droit de prélever du fromage. Et donc, ils prélevaient de la Tome avant que le fromage soit affiné. Et ils le mélangeaient avec du pain, du pain sec. Et ils se sont aperçus qu'en le faisant chauffer, d'abord ça réchauffait. Ensuite, ça remplissait l'estomac. C'était bien nourrissant. Et petit à petit, ils ont pris cette habitude. Quand les pommes de terre sont arrivées, on a... On a essayé de mélanger ça avec la purée et ça a donné l'Aligot qu'on connaît aujourd'hui.

  • Romain LE GAL

    Et c'est quoi une bonne recette d'Aligot pour toi Yves ?

  • Yves SOULHOL

    Pour moi c'est un Aligot avec de la pomme de terre.

  • Romain LE GAL

    Tu as des proportions à donner à nos auditeurs ? Oui,

  • Yves SOULHOL

    aujourd'hui, bien sûr que selon les mamies du coin ça varie, mais on est plutôt sur 30 à 35% de Tomes. Et à peu près 65 à 70% de pommes de terre. Avec un peu de crème qui va être ajoutée. Et rien de plus. A la rigueur, un peu de sel et poivre, mais rien de plus. Certains ajoutent de l'ail. Sur l'Aligot originale, il y en avait très peu d'ail. Je me méfie des Alligots où il y a beaucoup trop d'ail. C'est souvent pour cacher autre chose. L'Aligot de l'Aubrac à Jeunes-Montagne, on décide de ne pas mettre d'ail. Si le consommateur veut en rajouter, il peut très bien le faire.

  • Romain LE GAL

    Est-ce que tu as un conseil à donner à ceux qui veulent arriver à faire un bon filant à l'Aligot ?

  • Yves SOULHOL

    J'en ai plusieurs, mais le principal conseil, c'est de ne pas se précipiter. Quand tu fais un Aligot, il faut un certain temps. La première chose, c'est que tes pommes de terre soient bien cuites, pas trop. Qu'elles restent un tout petit peu fermes, mais il ne faut pas qu'elles soient trop fermes parce qu'il ne faut pas qu'on retrouve la pomme de terre dans le produit final. La deuxième chose, c'est qu'il faut que la Tome ait le temps de bien se mélanger à la pomme de terre quand elle est chaude. Pour bien se mélanger, il faut que ça se mélange à une température de 70-80 degrés. Il ne s'agirait pas de faire bouillir une purée en disant ça va aller plus vite, ça sera plus vite fondu. c'est là qu'on va casser le fil. Donc les conseils c'est une Tome fraîche de l'Aubrac IGP une bonne pomme de terre, et du temps, et d'une température pas trop élevée, sans aucun ingrédient supplémentaire, bien sûr un peu de sel si on veut, mais l'origine c'est ça. Après, certains effectivement peuvent mettre de l'ail, et on peut aussi avoir des Aligots qui sont aromatisés. On mange de la montagne, on en travaille avec de la truffe, on en travaille avec du cèpe, mais le conseil que je peux te donner, c'est surtout... Ne pas trop monter en température, ne pas vouloir aller trop vite et rester là. Il ne s'agit pas d'un plat qu'on met dans un coin et qu'on revient chercher une heure après. Il faut rester là.

  • Romain LE GAL

    C'est un plat où il faut être à côté, mais prendre son temps de le faire.

  • Yves SOULHOL

    C'est ça. J'aime bien dire des fois qu'on n'a pas le geste sous la main, mais que l'Aligot, il faut le caresser un peu. C'est-à-dire que la spatule, elle va faire tourner l'Aligot de façon à répartir la Tome. Mais doucement, il ne s'agit pas de matraquer, on n'est pas au batteur. On fait les choses au rythme de l'évolution de la Tome et de la pomme de terre. Et si on respecte ce rythme-là, on aura un super Aligot.

  • Romain LE GAL

    Du coup, on a parlé du Laguiole, on a parlé de la Tome fraîche. Maintenant, je te propose de parler un petit peu de la filière, parce qu'il y a une particularité dans votre AOP. C'est que 100% des producteurs de lait ou de fromage de Laguiole sont adhérents à la coopérative. C'est ça. Et aujourd'hui, c'est quoi ce modèle unique ? Comment ça fonctionne ?

  • Yves SOULHOL

    Le principe, il est depuis la création, la mise en place de Jeune Montagne a démontré que le travail qui se faisait, il se faisait au profit des gens qui adhéraient. Et donc, l'adhérent ne se pose pas de question. Quand tu es adhérent à la coopérative depuis les années 60, tu es là pour en tirer les avantages et pour participer au développement. J'aime bien dire qu'il s'agit d'une communauté de destin. C'est-à-dire que si tu n'as pas de producteur, tu n'auras pas de coopérative. Et si tu n'as pas de fromager dans la coopérative, tu n'auras pas de producteur qui seront payés à 650, 680 euros les 1000 litres. Donc tout le monde comprend l'intérêt de travailler ensemble et d'évoluer ensemble. Après, ce qui est important, c'est que l'accompagnement des producteurs, bien sûr, il tient par son prix du lait, mais pas que. Dans la coopérative. on va organiser un service de remplacement qui permettra de prendre des congés, qui permettra de prendre un week-end, qui permettra de se faire remplacer par quelqu'un qui s'est traire si tu es malade. Et ça paraît tout simple, mais ce n'est pas très facile à faire. Et aujourd'hui, par exemple, si on a six salariés au service de remplacement, c'est parce que les gens aiment le métier. de la traite des vaches, mais se sentent sécurisés par une structure qui est derrière qui s'appelle le coopérative Jeune Montagne. Et c'est pareil pour le producteur. Le producteur, aujourd'hui, il peut avoir des journées de services de remplacement qui sont financées par la coopérative ou qui sont en partie financées par la coopérative. Donc tout ça, ça fait une filière. Quand tu es producteur fermier...

  • Romain LE GAL

    Donc aujourd'hui, il y en a combien des producteurs fermiers ?

  • Yves SOULHOL

    Quand tu es producteur fermier, le week-end, tu as... apprécier de ne pas avoir besoin de cailler le lait. Ou en période haute, tu vas apprécier de pouvoir envoyer tes excédents à la coopérative. Et la coopérative est d'accord avec ça. Pourquoi ? Parce que si tu n'aides pas ce producteur fermier, il va arriver un moment où il transformera quel que soit le débouché. Et il arrivera un moment où au bout de l'entonnoir, il sera obligé de vendre pour dégager ça. Et il n'arrivera pas à maintenir ses prix. Donc tout ça, c'est un fonctionnement en commun. qui crée une réelle filière. Je vais te donner un autre exemple qui va dans un autre sens. C'est que lorsqu'on va voir des crémiers parisiens, pour faire connaître notre Laguiole, qui n'est pas non plus le fromage le plus connu au monde, eh bien, ce sont des producteurs qui prennent leur dimanche, qui du coup sont remplacés par un service de remplacement. Ils prennent le week-end et ils vont pendant le week-end parler aux consommateurs du Laguiole. Donc voilà, pour moi, maintenant ça fait bientôt sept ans que j'y suis, ça me paraît assez naturel. C'est vrai que quand on vient de l'extérieur, on a du mal à le comprendre, mais... il y a deux choses dans nos slogans à Jeune Montagne. Le premier, c'est celui que je viens de te dire. C'est vraiment la communauté de destin. C'est-à-dire, les producteurs travaillent pour la coopérative, la coopérative travaille pour les producteurs.

  • Romain LE GAL

    C'est un cercle vertueux.

  • Yves SOULHOL

    C'est un cercle vertueux, qui s'applique aussi à tout l'environnement. Si Laguiole, aujourd'hui, s'il y a 110 000 visiteurs à la coopérative Jeune Montagne, tous les ans,

  • Romain LE GAL

    ils ne viennent pas qu'à la coopérative. Quand ils viennent à la coopérative, ils vont acheter quelques couteaux, ils vont faire un bon repas à midi, ils vont aller visiter cheminées sur les chemins de l'Aubrac, sur celui de Saint-Jacques-de-Compostelle, comme tu en connais certains. Donc voilà, c'est un tout. Pour l'instant, ça fonctionne et on va tout faire pour que ça fonctionne longtemps, puisque ça amène de la quiétude, ça amène au risque d'être exagéré, mais ça amène du bonheur quand même sur la zone.

  • Yves SOULHOL

    On échangeait tout à l'heure un peu en off, on en a un petit peu parlé au début de l'entretien. Aujourd'hui, vous accompagnez les producteurs à réintroduire de l'Aubrac dans leur troupeau. Comment vous faites aujourd'hui ? C'est quoi votre accompagnement ? Est-ce que tu peux nous donner des proportions sur le cheptel global, de combien pèsent encore aujourd'hui les vaches Aubrac ?

  • Romain LE GAL

    En gros, il faut retenir qu'on a 3 ou 4 vaches laitières Aubrac par troupeau, ce qui veut dire qu'on est de l'ordre de 5% à peu près. On aurait un objectif à 10%. Donc, ce qui se passe, c'est que depuis maintenant une quinzaine d'années, on relance la branche laitière de la race Aubrac. Tout à l'heure, je l'ai expliqué rapidement, race mixte. la plupart de la sélection s'est portée pour développer sa carcasse et sa viande et la branche laitière a été abandonnée. Depuis 15 ans, on a réussi à identifier quelques mères beaucoup plus productrices de lait. On a, via l'insémination, via la démultiplication par les embryons, trouvé quelques taureaux. Et petit à petit, on intègre cette race dans les cheptels. On réintègre cette race dans les cheptels. C'est pas... aussi évident que ça parce que de toute façon elle produit moins que la Simmentale. Bon, c'est une vache qui est très attachée à son veau, donc il faut vraiment qu'elle soit de bonnes conditions pour être sympa à la traite. Donc tout ça, ce sont des efforts que mènent les producteurs. S'ils le font, ce n'est pas un aspect économique. S'ils le font, c'est parce qu'ils ont envie. Ils ont envie de se dire, eh bien voilà.

  • Yves SOULHOL

    Il y a des défenseurs de cette race.

  • Romain LE GAL

    Il y a des défenseurs. Il y a des défenseurs, il y a des gens qui disent, bon, on a un cheptel de 50 vaches, on peut bien faire l'effort d'avoir 4 ou 5 vaches Aubrac au milieu. C'est vraiment identitaire. Voilà, c'est une Aubrac, on est sur le plateau de l'Aubrac. Ça fonctionne. Alors la coopérative accompagne aussi, puisqu'elle donne une subvention à peu près équivalente au manque à produire entre une Aubrac et une Simmentale. Pour aller vite, une très bonne Aubrac va faire 3000 litres de lait, une Simmentale de... On pourrait faire 10 000, mais chez nous, ça reste à 6 000, puisqu'on est limité à 6 000. Mais voilà, ça fait partie de la responsabilité sociétale de l'entreprise. Comme on le fait pour la flore, on va le faire pour la faune, et notamment pour la race Aubrac. On va essayer de conserver ce rameau laitier. Ça fait partie de nos responsabilités.

  • Yves SOULHOL

    Aujourd'hui, vous travaillez tous vos fromages au lait cru. Pour toi, est-ce que c'est une difficulté ? Tu le vois ? Comment dans l'avenir, aujourd'hui on est défenseur de notre biodiversité fromagère, comment tu vois ça dans l'avenir ?

  • Romain LE GAL

    Alors, ça c'est une excellente question. Ce n'est pas une question de piège, parce que de toute façon déjà à l'âge que j'ai, maintenant je considère que je peux presque dire tout ce que j'ai envie de dire. Le problème que nous avons globalement en France, c'est que nous évoluons vers de plus en plus de recherches de naturalité. Qu'on soit consommateur ou qu'on soit opinion publique, parce que quelquefois on peut avoir une opinion publique différente d'un consommateur. On peut dire moi j'aime du lait cru et ne jamais en acheter. Aujourd'hui sur le lait cru, moi je suis convaincu que comme tout produit, il y a une balance bénéfice-risque. Et je suis convaincu que la balance bénéfice pèse beaucoup plus lourd et donc elle est inclinée la balance que la balance risque. Le problème que nous avons, c'est qu'aujourd'hui, nous sommes en face de consommateurs, mais aussi de pouvoirs publics qui n'acceptent pas de prendre le moindre risque. Et donc, le risque que nous avons sur le lait cru, c'est que si on parle de lait cru, c'est parce qu'il doit y avoir des micro-organismes à l'intérieur, des bactéries.

  • Yves SOULHOL

    De la vie.

  • Romain LE GAL

    De la vie, qui sont positives. et qui sont naturelles. Depuis que l'homme existe, ça existe. Depuis que l'homme existe, son estomac a été étudié pour vivre avec. Malheureusement, de temps en temps, il y en a une ou deux qui sont un peu plus dangereuses et qui créent le risque. Tant qu'on n'aura pas déterminé si on veut se pencher vers les nombreux avantages du lait cru par rapport au moindre risque, on fera prendre des risques à la production au lait cru. Aujourd'hui c'est compliqué parce que la science permet d'analyser et d'approfondir les bactéries qui sont à l'intérieur de tous les produits alimentaires. Et du coup, pour le lait, on prend l'exemple des steaks, les sécrétions des Echirichia coli. qui peuvent être pathogènes. On ne l'a pas complètement prouvé sur le lait, mais ça peut être pathogène. C'est quelque chose qu'on a découvert il y a 20 ans et qui aujourd'hui nous pousse à détruire du produit, nous pousse à détruire du lait. Pour l'avenir, ce sera compliqué de concilier les deux. Et donc, je pense que les pouvoirs publics, s'ils souhaitent que le lait cru continue à apporter ses bénéfices, ont intérêt à se pencher sur la question, et notamment des scientifiques bien approfondis. Je voulais juste citer un chercheur de l'INRA d'Aurillac qui me précisait qu'aux USA, qu'on suit souvent avec 4 ou 5 ans de retard, ils sont à la recherche d'insémination de bactéries à l'intérieur des estomacs et des intestins. Parce qu'ils se sont aperçus qu'à force de tout aseptiser, les estomacs et les intestins ont perdu toute résistance. On est à l'aberration où on va ingérer des gélules ou des pilules chargées en bactéries.

  • Yves SOULHOL

    Alors qu'il suffirait de manger un morceau de fromage au lait cru.

  • Romain LE GAL

    Et de préférence du laguiole. Donc c'est ça qui, aujourd'hui, me fait peur. Mais ça me fait peur parce que, face à des pouvoirs publics qui font... qui accomplissent leur mission et leur rôle, on est complètement impuissant. Donc on a un travail à faire. Il y a un gros travail qui s'est fait sur la qualité des laits. Dans le dénombrement, dans le suivi de la listeria, dans le suivi des salmonelles, il y a un gros travail qui s'est fait, on a bien avancé. Mais il faut qu'on travaille en coopérant. Il ne faut pas qu'on travaille en s'affrontant sur le risque et sur le bénéfice. Et pour l'instant, je ne sent pas ça dans les orientations. Peut-être que dans nos pays d'Europe, et particulièrement en France, qui est quand même un des pays les plus porteurs en matière de diversité de fromage au lait cru, peut-être qu'on s'apercevra un jour qu'on peut suivre les Américains et du coup essayer de libérer un peu la production de lait cru. Je ne peux pas être plus explicite parce qu'à quelque part... J'ai besoin de vendre du fromage tous les jours. Tous nos fromages sont analysés pour être libérés. Donc, on ne fait pas n'importe quoi avec des fromages au lait cru. Donc, je veux rester prudent, mais je suis soucieux.

  • Yves SOULHOL

    Et j'aurais une dernière question pour terminer cet entretien, Yves. Oui. Vous verriez la tête de Yves. Il se dit, qu'est-ce qu'il va encore poser comme question ? Yves, quelle est ta pizza préférée ?

  • Romain LE GAL

    C'est une excellente question. C'est la pizza quatres fromages.

  • Yves SOULHOL

    Avec du Laguiole.

  • Romain LE GAL

    Du Laguiole.

  • Yves SOULHOL

    De la Tome fraîche.

  • Romain LE GAL

    De la Tome fraîche de l'Aubrac. Tu peux essayer d'y mettre un peu de buronnier, c'est pas mal. Allez, puis mets-y un peu de Cantal au lait cru de Thérondels.

  • Yves SOULHOL

    Une pizza pas du tout orientée.

  • Romain LE GAL

    Pas du tout.

  • Yves SOULHOL

    Pas du tout. Merci beaucoup Yves de nous avoir reçus aujourd'hui.

  • Romain LE GAL

    C'est toujours avec plaisir qu'on reçoit. J'ai oublié de te dire que ton premier slogan, c'est la communauté de destin. Le deuxième, c'est si tu ne me crois pas, viens me voir.

  • Yves SOULHOL

    Je suis venu.

  • Romain LE GAL

    Donc, tu es venu.

  • Yves SOULHOL

    J'ai vu qu'il ne faisait pas beau à Laguiole.

  • Romain LE GAL

    Non,

  • Yves SOULHOL

    on ne va pas rester là-dessus.

  • Romain LE GAL

    Il faudra revenir.

  • Yves SOULHOL

    On viendra remanger un Aligot. Merci beaucoup Yves de m'avoir reçu.

  • Romain LE GAL

    Avec plaisir.

  • Yves SOULHOL

    Merci à vous de nous avoir écouté jusqu'au bout. Si cet épisode vous a plu, n'hésitez pas à le partager ou à nous envoyer des messages ou à mettre 5 étoiles, par exemple, sur Spotify. Et je vous dis à bientôt pour un nouvel épisode de Lait'Change.

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • Présentation de Yves SOULHOL

    01:34

  • Présentation de la Coopérative Jeune Montagne

    02:07

  • Adhérent à la Coopérative

    02:55

  • Histoire du Laguiole AOP

    03:32

  • Qu'est ce qu'un Buron ?

    04:27

  • Histoire du Laguiole AOP (suite)

    06:32

  • Histoire de la Coopérative Jeune Montagne

    08:29

  • Les races laitières de l'Aubrac

    09:11

  • Les débuts de l'AOP Laguiole

    10:14

  • Origine du nom "Jeune Montagne"

    11:10

  • Comment est fabriqué le Laguiole AOP ?

    11:33

  • Introduction de la Simmentale

    12:37

  • Cahiers des charges de l'AOP Laguiole

    13:41

  • Les étapes de fabrication du Laguiole AOP

    16:33

  • Les trois types d'affinages du Laguiole AOP

    18:01

  • Pourquoi le symbole du taureau sur le Laguiole AOP ?

    19:04

  • Les étapes de fabrication du Laguiole AOP (suite)

    19:44

  • La Tome Fraîche de l'Aubrac IGP

    20:28

  • L'Aligot et son origine dans l'Aubrac

    22:28

  • Comment faire un bon Aligot ?

    23:12

  • La particularité de la Coopérative Jeune Montagne

    26:06

  • L'accompagnement des producteurs

    27:15

  • Préservation du patrimoine et de la Région

    29:32

  • Réintroduction de l'Aubrac

    30:10

  • La défense du Lait cru

    32:51

  • LA dernière question

    37:44

  • Conclusion

    38:19

Description

Pour cet épisode, Romain s'aventure sur les hauteurs de l'Aubrac, dans le petit village de Laguiole, à la rencontre de celles et ceux qui font vivre l'AOP Laguiole. C’est dans les locaux de la coopérative Jeune Montagne qu’il pose ses micros pour un nouvel échange au cœur du terroir. Dans ce cadre authentique, il s’entretient avec Yves SOULHOL, directeur générale de la Coopérative Jeune Montagne. Ensemble, ils nous plongent dans l’univers de ce fromage ancestral, dont la fabrication est intimement liée aux traditions de l’Estive et aux paysages de moyenne montagne.


Au fil de l’épisode, vous découvrirez l’histoire du Laguiole AOP. De sa presque disparition à sa renaissance grâce à une poignée de passionnés et notamment André Valadier. Les enjeux auxquels fait face la filière aujourd’hui, et l’importance de l’AOP comme outil de protection et de valorisation d’un patrimoine vivant. Yves nous dévoile aussi les secrets du goût du Laguiole, son affinage, et les particularités de son cahier des charges exigeant.


Entre héritage, modernité, et vision d’avenir, cet épisode est une plongée sensible et engagée dans un modèle agricole fondé sur la coopération, la fierté locale et la transmission.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Romain LE GAL

    Bienvenue sur Lait'Change, le podcast qui donne la parole aux actrices et aux acteurs de la filière laitière et fromagère. Je suis Romain LE GAL et aujourd'hui, bienvenue dans l'Aveyron, et plus précisément à Laguiole, une petite commune perchée sur le plateau de l'Aubrac, entre vastes pâturages et horizons infinis. Laguiole, dont le nom résonne comme une invitation à découvrir la France authentique, est bien plus qu'un village, c'est un véritable symbole d'artisanat, de gastronomie et de tradition. Et oui ! Le nom de ce village est l'éponyme d'un célèbre fromage AOP et celui d'un prestigieux couteau orné d'une abeille. Ce matin, nous avons rendez-vous à la coopérative fromagère Jeune Montagne. Dans ce nouvel épisode, on va parler de Laguiole AOP, de Tome Fraîche de l'Aubrac IGP, mais également du modèle unique de cette coopérative avec Yves Soulhol. Bonjour Yves, tout d'abord merci de nous accueillir ce matin.

  • Yves SOULHOL

    Bonjour, bonjour Romain et bienvenue sur le plateau, bienvenue à Laguiole.

  • Romain LE GAL

    Bon ce matin je suis arrivé un petit peu avec le brouillard. Eh oui. On est en hiver ici, il fait un peu froid, j'ai eu de la chance, j'ai pas eu de neige, mais le brouillard est là ça ne se lève pas, quand on regarde la vue ici, on voit pas très loin.

  • Yves SOULHOL

    Alors c'est dommage parce que quand c'est dégagé, on voit un beau pâturage qu'on appelle ici les estives, qui est très joli. Il faudra revenir, je suis sûr que j'espère qu'on va te donner envie et que tu reviendras dès que tu pourras.

  • Romain LE GAL

    Et pour commencer Yves, ce que je peux te proposer c'est, qui es-tu et aujourd'hui que fais-tu au sein de la coopérative Jeune Montagne ?

  • Yves SOULHOL

    Comme tu l'as dit, je m'appelle Yves Soulhol, je suis directeur général de la coopérative Jeune Montagne depuis 2018. J'ai préalablement travaillé dans le lait, les produits laitiers et j'ai aussi travaillé, c'était pas la même chose. J'étais tout jeune dans les produits financiers. Donc, le directeur général de la coopérative veille au bon fonctionnement de cette coopérative. Cette coopérative, c'est un outil qui a été créé dans les années 60. Je reviendrai sur son historique tout à l'heure. Nous développons cette année 39 millions d'euros de chiffre d'affaires avec 180 salariés environ. Nous produisons du Laguiole AOP, comme tu l'as indiqué tout à l'heure, de la tome fraîche de l'Aubrac. et des plats cuisinés identitaires de la région Aubrac, à savoir l'Aligot et la Truffade qui est auvergnate, mais on n'est pas très loin de l'Auvergne. Donc c'est à base de cette tomme fraîche d'Aubrac et de ce Laguiole que nous pouvons aussi produire ces plats cuisinés.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, cette coopérative, combien de personnes travaillent ici ? Alors,

  • Yves SOULHOL

    180 salariés travaillent ici, et par contre... Il y a au total 90 adhérents, 70 qui sont sur le plateau de l'Aubrac, 74 exactement, et une petite quinzaine sur le plateau du Carladès, qui est là aussi dans le nord de l'Aveyron, et qui, eux, produisent du lait pour le Cantal. Ici particulièrement, c'est du lait à l'AOP, Laguiole et IGP tome fraîche de l'Aubrac.

  • Romain LE GAL

    Et aujourd'hui, tu as commencé à l'évoquer, puisqu'on va parler de l'histoire du Laguiole, mais aussi l'histoire de la... coopérative puisque les deux sont un peu liés. D'où ça vient le Laguiole? C'est quoi son histoire à la base ?

  • Yves SOULHOL

    Le Laguiole aujourd'hui est un fromage à pâte pressée non cuite qui pèse 45 kilos et qui peut s'affiner jusqu'à 2 ans. On trouve des traces du Laguiole au Moyen-Âge et notamment les histoires relatent le fait que le plateau de l'Aubrac est un plateau qui a été ... Assénie, qui a été déboisé afin de créer les estives, les prairies, par des moines qui habitaient la région. Et avec les serfs ou les agriculteurs de l'époque, ils ont mis en place ce fromage qui permettait de conserver le lait produit l'été par les animaux pour être utilisé pour vivre l'hiver. Donc comme beaucoup de fromages, c'est la transformation du lait en fromage qui permet d'alimenter. les producteurs toute l'année. C'est l'origine de ce Laguiole. Ensuite, s'est développé sur l'estive un certain nombre de buron et de fermes qui ont produit...

  • Romain LE GAL

    Pour définir, c'est quoi un buron pour ceux qui nous écoutent et qui ne connaissent pas ?

  • Yves SOULHOL

    Alors, le buron, on en trouve, si tu te promènes, il y en a de très beaux qui ont été bien restaurés. C'est un corps de ferme en altitude, dans les prés, où on retrouve le logement des animaux. et où on retrouve une mini-laiterie qui permettait, après la traite, de monter les fromages et de les mettre à affiner. Ces fromages étant descendus dans la vallée ou étant descendus pour être vendus à la fin du pâturage, c'est-à-dire à la fin septembre. Les hivers étaient plus rigoureux qu'aujourd'hui et il fallait descendre à la fin septembre. On retrouve ces traditions dans des fêtes qui sont particulièrement connues. La Transhumance, par exemple, ici, rassemble plus de 3000 personnes tous les ans qui viennent voir les troupeaux qui montent à l'estive.

  • Romain LE GAL

    Donc qui montent au buron.

  • Yves SOULHOL

    Qui montent au buron, alors on va revenir dessus, qui montaient au buron et qui ensuite le fromage redescendait.

  • Romain LE GAL

    Il me semble d'ailleurs que les burons à la base étaient en terre et c'est au fil des siècles qu'ils sont devenus en pierre. Tu sembles avoir lu ça dans la littérature.

  • Yves SOULHOL

    Effectivement, c'était en terre et pierre au tout début. Ils étaient semi-enterrés. Plus généralement, on retrouve aujourd'hui des burons en pierre. pierre couverte en lauze, qui est une roche volcanique qui s'est découpée naturellement. Et donc, dans ce buron, comme je te l'ai expliqué, il y avait le troupeau, il y avait les gens qui s'occupaient du troupeau, le fameux buronnier, il y avait le fromager, qu'on appelait le cantalès. Alors pourquoi le cantalès ? Peut-être parce que certains amenaient la technique de production du fromage. Il y avait en gros quatre personnes qui vivaient sur le buron.

  • Romain LE GAL

    D'accord.

  • Yves SOULHOL

    Et si tu veux, petit à petit, dans la fin du 19e siècle, l'industrialisation passant par là a vu ces campagnes se vider de leur population. Et il faut savoir qu'à la fin du 19e siècle, on produisait à peu près le même volume de fromage qui est produit aujourd'hui. Entre-temps, il y a eu des évolutions.

  • Romain LE GAL

    Donc le volume qui est produit aujourd'hui,

  • Yves SOULHOL

    c'est ? Autour de 600 à 700 tonnes par an, selon l'année. Et donc ça, c'était produit dans des burons. Et la première guerre est passée par là. La deuxième, l'après-guerre, avec l'exode rural encore plus fort. Et donc, dans les années 60, fin des années 50, on retrouve trois burons en activité. Et la production de fromage de Laguiole était en quasi disparition.

  • Romain LE GAL

    D'accord. Tu as un chiffre à donner en termes de volume ?

  • Yves SOULHOL

    Je dirais qu'on est tombé à peu près à 25-30 tonnes.

  • Romain LE GAL

    Donc on passe de 700 tonnes à 25-30 tonnes. On est vraiment arrivé très bas dans la production et à quasi disparition.

  • Yves SOULHOL

    Complètement. Dans le même temps, il faut tout mettre en face. On sent que cette production va disparaître. Et dans le même temps arrivent les obligations de la PAC avec une industrialisation de l'activité fromage, une industrialisation de l'activité laitière. Et donc le plateau d'Aubrac avec ses burons n'est plus en mesure de rivaliser avec ce qui se crée partout, des grosses laiteries, des besoins de l'alimentation au niveau national. Et donc... il n'y a pas 36 solutions. Soit on laisse péricliter et ça disparaît, soit on dit, nous on croit à notre territoire, on croit à ce produit et on va le relancer. Et là, l'histoire du Laguiole recoupe l'histoire de Jeunes Montagnes. En 1960, un groupe de jeunes producteurs amené par André Valadier, qui a fait carrière dans le... le fromage, il a été président de l'INAO.

  • Romain LE GAL

    Effectivement, quand on parle de Laguiole et qu'on commence à s'intéresser au Laguiole, on tombe forcément sur le nom d'André Valadier.

  • Yves SOULHOL

    C'est obligatoire, parce que c'est avec ces jeunes agriculteurs, c'est eux qui disent, voilà, si on veut garder une filière laitière, il faut qu'on la prenne à notre compte. Les grands groupes ne seront pas intéressés pour venir chercher du lait sur le plateau. Nos races qui sont à l'époque l'Aubrac ne sont pas suffisamment productrices pour être en compétition avec les FFPN de l'époque qui sont devenues les Prim'Holstein.

  • Romain LE GAL

    On en parlera tout à l'heure peut-être un petit peu, mais effectivement, l'Aubrac pour la partie laitier a suivi un peu la périclitation du Laguiole. C'est qu'on a vu de moins en moins d'Aubrac dans les troupeaux pour les troupeaux laitiers.

  • Yves SOULHOL

    Les deux histoires sont très liées. C'est-à-dire que l'Aubrac était une race mixte. Ce n'était pas une race très productrice en lait, mais suffisamment pour nourrir un veau. Et ce n'était pas une race très productrice en viande, parce qu'elle avait une carrure, on va dire, qui était plutôt étroite, avec des arrière-mains qui étaient plutôt frêles et qui ne produisaient pas de viande. Donc, à ce moment-là... On retrouve de nouveau l'histoire de la coopérative. D'un côté, des gens qui disent, on est capable de faire du très bon fromage, mais on ne peut plus le faire dans les buron parce que c'est trop compliqué, il n'y en a plus assez. Donc, on va proposer à des agriculteurs de collecter leur lait, de le transformer en un seul endroit, en respectant un cahier des charges. Et c'est là qu'apparaît le cahier des charges en 1961 du Laguiole. Un cahier des charges exigeant qui respecte... les modes de fabrication, qui respectent le lait natif et on va faire, on va produire du Laguiole en plus grande quantité dans un seul endroit. C'est la naissance de Jeune Montagne.

  • Romain LE GAL

    La naissance de Jeune Montagne 1960 et le cahier des charges AOC 1961.

  • Yves SOULHOL

    Exactement. Exactement, tu as bien suivi. Donc, 5 jeunes agriculteurs, 5-6, pilotés par André Valadier. À ce moment-là, ils sont en discussion, ils se font aider par les mairies, ils se font aider par des collaborateurs, je ne peux pas citer tout le monde, mais de façon à être reconnus, et ils disent comment on va s'appeler. Et il y a une dame, deux têtes, c'est de la famille d'André Valadier, qui dit, ma foi, vous êtes jeune, vous êtes à la montagne, appelez-vous Jeune Montagne, et d'où la naissance de la marque et de la coopérative. Et là, ils s'organisent pour... faire du Laguiole de façon recentrée et pour le commercialiser.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, comment on fabrique du Laguiole ? C'est quoi les grandes étapes de fabrication du Laguiole ?

  • Yves SOULHOL

    Pour répondre à ta question, comment faire du Laguiole, il faut d'abord du lait. Il faut d'abord du bon lait. Pourquoi ? Parce qu'on ne fait pas le choix de faire un lait pasteurisé standardisé. On ne fait pas le choix de faire des fromages pasteurisés standardisés, qui étaient un peu... En Vogue, à l'époque, rappelons-nous, on est dans les années 60, la Pâques arrive, il faut nourrir, il faut alimenter une population qui croit énormément, une population qui s'urbanise, et donc il faut faire des fromages en grande quantité. Ce qui est choisi dans le Laguiole, c'est de garder la recette de base, donc un fromage au lait cru et entier. On ne va pas écrémer, comme ça pourrait être le cas dans quelques départements voisins, on part du lait entier. Quand on veut faire ça, on dit que si on ne peut pas standardiser soit en écrémant, soit en rajoutant de la matière protéique, il faut qu'on choisisse une race qui nous amène un lait régulier et à peu près équilibré, matière grasse, matière protéique. C'est la raison pour laquelle, en même temps que le cheptel Aubrac se spécialise en viande, les producteurs de la Jeune Montagne se disent qu'il faut qu'on trouve une race qui pourra remplacer l'Aubrac On est dans les années 65.

  • Romain LE GAL

    Et c'est là où arrive la simmentale.

  • Yves SOULHOL

    Ils choisissent la simmentale. Il y a deux particularités essentielles. La première, c'est d'avoir un bon équilibre en matière grasse et matière protéique dans leur lait. Et la deuxième particularité, c'est d'une vache de montagne qui a l'avantage de ne pas avoir une grosse variation de qualité du lait, que tu sois en ration sèche ou en ration à l'herbe. Et donc, ils vendent toutes leurs bêtes. C'est un travail assez important. Ils sont passés par... C'est facile à dire aujourd'hui quand je te le décris, mais à l'époque, il faut s'imaginer que tu vends les bêtes que tu avais, que tu vas les rechercher. Donc, ils achètent des troupeaux simmentales et avec ces troupeaux simmentales, ils vont produire du lait AOP Laguiole sur le plateau de l'Aubrac. Donc, ce lait AOP Laguiole, qui est répertorié aujourd'hui à l'INEO, l'Institut National des Appellations d'Origine, eh bien, il a un cahier des charges. Et ce cahier des charges, le choix, il est d'être très exigeant. Pourquoi ? On est en marge de la production de masse. On n'est pas taillé pour faire de la production de masse. Donc soit on fait quelque chose d'identitaire qui peut s'identifier et qui reste reconnu comme tel, soit on essaie d'aller dans la production de masse. Comme on n'arrive pas à y aller, on va rester sur l'aspect identitaire. Et donc on va avoir un cahier des charges très exigeant. Première chose, bien évidemment, comme c'est beaucoup le cas dans les AOP, il faut que le lait provienne de la zone.

  • Romain LE GAL

    Donc un terroir.

  • Yves SOULHOL

    Un terroir. Un plateau de l'Aubrac qui est en plus assez facile à délimiter. Au sud, il y a un fleuve qui s'appelle le Lot, un des plus beaux fleuves de France et du monde. Au nord, il y en a un qui est presque aussi joli, c'est la Truyère. Et à l'est, coule la vallée glaciaire. Certains te diraient aujourd'hui que coule l'autoroute, mais à l'époque, c'était une vallée glaciaire. Et donc, ça fait un plateau qui est assez facile à délimiter. qui aujourd'hui est sur le département administratif de l'Aveyron, de la Lozère et du Cantal. Et donc déjà le lait doit provenir de cette zone. Ensuite les animaux doivent être issus de deux races, la race Simmentale. ou la race Aubrac. On reviendra sur l'évolution de la race Aubrac tout à l'heure. Et enfin, parmi les points majeurs, l'alimentation. L'alimentation doit se faire avec des fourrages issus de la zone et avec des fourrages soit de l'herbe, soit du foin.

  • Romain LE GAL

    Pas d'aliments fermentés, pas d'ensilage, pas d'engrainages.

  • Yves SOULHOL

    Voilà. Donc ce sont les éléments majeurs. On pourrait ajouter à cela le fait qu'on limite la production par vache, de façon à ce qu'on n'ait pas une tendance. A l'époque, c'était... Aujourd'hui, on le comprend mieux. A l'époque, ça faisait envie de mettre du granulé, comme on disait, ou alors de mettre un silage de maïs avec un tourteau de soja pour faire beaucoup de volume. Et donc, ce n'est pas ça qui est choisi. Ce qui est choisi, c'est de faire du lait avec la nourriture du plateau. Les bêtes du plateau, la nourriture du plateau, les producteurs du plateau.

  • Romain LE GAL

    et t'as oublié aussi un élément c'est que les vaches doivent être minimum dehors 120 jours par an quand il fait beau c'est indiqué comme ça dans le cahier des charges minimum 120 jours par an oui quand il fait beau tout simplement parce qu'elle même si tu laisses la porte ouverte elle préfère l'herbe c'est pas très étonnant finalement et

  • Yves SOULHOL

    puis parce que la tradition est là dessus on faisait du lait l'été quand il y avait de l'herbe On arrive à en faire quand il y a du foin, mais on faisait quand il y avait de l'herbe. Donc voilà, en gros, l'origine du lait AOP Laguiole. Ensuite, ce lait est collecté tous les jours, il est transformé en fromage tous les jours. On est sur une pâte préssé non-cuite. Alors, sans être trop technique, on va y mettre des présures pour faire cailler le lait, des ferments pour le faire transformer en fromage. On va le monter en fourmes, des fourmes de 50 kg, qui feront à peu près 40.

  • Romain LE GAL

    Donc, les fourmes, avant de les monter, il y a quand même une autre particularité technologique de ce fromage, c'est que ça va être broyé et salé dans la masse. C'est ça. C'est vraiment une particularité de ce fromage.

  • Yves SOULHOL

    De ce fromage, de cette région aussi. Donc, effectivement, je te disais tout à l'heure qu'on faisait cailler le lait. Pour avoir un fromage de cette taille et pour qu'il vieillisse, il faut évacuer un maximum de sérum. On n'est pas sur des pâtes molles, donc il faut obtenir des extraits secs élevés, de façon à ce qu'on n'ait pas d'apparition d'humidité du fromage en vieillissant. Et donc pour faire ça, on le presse plusieurs fois après caillage, et ensuite on obtient une tomme qui est broyée de nouveau, qui est salée dans la masse comme tu l'as dit, et qui est ensuite de nouveau pressée dans les fourmes, ici on appelle ça les fourmes ou les moules comme tu voudras. et qui ensuite va être parti en cave, frotté régulièrement pour obtenir un affinage a souhait. Il y a trois types d'affinage dans le Laguiole. Il y a le Laguiole jeune, 4 mois minimum, c'est le cahier des charges qu'il exige. Ensuite, il y a le Laguiole qu'on appelle sélection, c'est un fromage qui va jusqu'à 12-14 mois. Et ensuite, il y a le fromage affinage long qui peut aller jusqu'à 18-2 ans. Au milieu de tout ça... existe un fromage qui est fait à partir du lait lorsque les animaux sont à l'herbe, qu'on appelle le grand Aubrac . Ce sont les fromages qui sont mis sur le marché aujourd'hui, qui permettent d'avoir une palette de goûts assez grande en fonction de ce que tu vas rechercher. Soit tu cherches un fromage un peu moins marqué en goût, mais tu vas quand même retrouver les goûts lactés, tu vas retrouver ce que la prairie a amené au lait, tu vas trouver un certain nombre de... d'identification par rapport à l'herbe. Et ça, différent selon l'affinage que tu auras choisi.

  • Romain LE GAL

    Si on revient, alors du coup, là tu nous as parlé de la production du Laguiole dans sa globalité. On pourrait aussi rajouter, effectivement, pour le reconnaître, l'empreinte avec justement le taureau. Alors pourquoi le taureau ?

  • Yves SOULHOL

    Pourquoi le taureau ? Effectivement, ce ne sont pas les taureaux qui donnent du lait. Ça, jusque-là, tout le monde le sait. Tout simplement parce que sur la place de... De Laguiole existe une très belle sculpture en bronze qui date du milieu du siècle précédent et qui fait apparaître un taureau Aubrac. Et donc on a fait l'emblème de notre fromage.

  • Romain LE GAL

    Et du coup on peut retrouver aussi une petite plaque blanche sur le Laguiole, une petite plaque en plastique blanche avec des indications dessus qui certifient bien que c'est du Laguiole.

  • Yves SOULHOL

    C'est ça.

  • Romain LE GAL

    Et c'est le moment aussi de parler peut-être un petit peu en amont. Donc le lait est emprésuré, il va y avoir le caillé, et on va décailler, passer par un bac de pré-pressage. C'est ça. Et derrière, avoir des pains qui vont nous donner finalement qu'on va mettre dans, ensuite qu'on va couper, qu'on va mettre dans des toiles et qu'on va presser plusieurs fois. Alors dans l'aïeul minimum cinq fois au niveau du cahier des charges. Et c'est là aussi où on va parler de la Tome Fraîche. Est-ce que tu peux nous expliquer un petit peu, parce que la Tome Fraîche, sa technologie, sa vie commence ici.

  • Yves SOULHOL

    On va partir du lait. Tu l'as très bien expliqué. Notre lait, il va jusqu'au caillé. Et avant d'être broyé, il va donner ce qu'on appelle globalement la tome. Cette tomme fraîche, elle va avoir deux...

  • Romain LE GAL

    Tome avec un M ou deux M ? Oui,

  • Yves SOULHOL

    une Tome avec un seul M. Puisque c'est la partie... C'est du lait caillé, la Tome. C'est assez régional. Ce n'est... pas comparable à une Tomme de Savoie avec deux M qui, elle, est un fromage qui a été affiné. La Tome fraîche n'a pas été affinée. Ce qu'il faut dire, c'est qu'elle provient du même lait, c'est-à-dire qu'elle a le même cahier des charges en matière de production de lait pour plusieurs raisons. Parce que et là, je reviens à Jeune Montagne. Une des réussites de Jeune Montagne, notamment ces dernières années, c'est de ne pas avoir de lait d'excédent. C'est-à-dire que pour réussir à Jeune Montagne, Il faut qu'on transforme tout notre lait. Si on est obligé de vendre du lait sur le marché européen, on perdra de l'argent parce qu'on le paye beaucoup plus cher que le marché européen. C'est normal parce que le cahier des charges est exigeant. Donc, c'est normal qu'on le paye plus cher. Mais du coup, ça veut dire qu'il faut tout le vendre. Et donc, ce qu'on a essayé de faire, c'est un cahier des charges identique. Parce que quand tu es producteur, que le laitier passe, s'il faut commencer à trier du lait, c'est impossible. Donc, on a un cahier des charges identique. Donc, je le répète, ni ensilage, ni enrubanage, les simmentales, pas plus de 6000 litres par vache.

  • Romain LE GAL

    Simentales et Aubrac ?

  • Yves SOULHOL

    Simentales et Aubrac, pas plus de 6000 litres par vache. Donc tout ça, c'est un cahier de charge identique jusqu'à la séparation de la Tome et du fromage. Le fromage, comme tu l'as dit, il est broyé, salé dans la masse et monté en moule.

  • Romain LE GAL

    Donc là, on part sur le Laguiole.

  • Yves SOULHOL

    On part sur le Laguiole. La Tome fraîche de l'Aubrac, ça va être un ingrédient. pour tous ceux qui aiment travailler à la maison, mais aussi pour le fameux produit originel et puis très marqué dans notre région, l'Aligot.

  • Romain LE GAL

    Alors l'Aligot, c'était et c'est encore un plat populaire ?

  • Yves SOULHOL

    C'était et c'est encore un plat populaire. Là aussi, l'Aligot on retrouve des traces dans les burons. où les gens qui travaillaient dans les burons, des fois, avaient un petit peu faim. Ils n'avaient pas le droit de prélever du fromage. Et donc, ils prélevaient de la Tome avant que le fromage soit affiné. Et ils le mélangeaient avec du pain, du pain sec. Et ils se sont aperçus qu'en le faisant chauffer, d'abord ça réchauffait. Ensuite, ça remplissait l'estomac. C'était bien nourrissant. Et petit à petit, ils ont pris cette habitude. Quand les pommes de terre sont arrivées, on a... On a essayé de mélanger ça avec la purée et ça a donné l'Aligot qu'on connaît aujourd'hui.

  • Romain LE GAL

    Et c'est quoi une bonne recette d'Aligot pour toi Yves ?

  • Yves SOULHOL

    Pour moi c'est un Aligot avec de la pomme de terre.

  • Romain LE GAL

    Tu as des proportions à donner à nos auditeurs ? Oui,

  • Yves SOULHOL

    aujourd'hui, bien sûr que selon les mamies du coin ça varie, mais on est plutôt sur 30 à 35% de Tomes. Et à peu près 65 à 70% de pommes de terre. Avec un peu de crème qui va être ajoutée. Et rien de plus. A la rigueur, un peu de sel et poivre, mais rien de plus. Certains ajoutent de l'ail. Sur l'Aligot originale, il y en avait très peu d'ail. Je me méfie des Alligots où il y a beaucoup trop d'ail. C'est souvent pour cacher autre chose. L'Aligot de l'Aubrac à Jeunes-Montagne, on décide de ne pas mettre d'ail. Si le consommateur veut en rajouter, il peut très bien le faire.

  • Romain LE GAL

    Est-ce que tu as un conseil à donner à ceux qui veulent arriver à faire un bon filant à l'Aligot ?

  • Yves SOULHOL

    J'en ai plusieurs, mais le principal conseil, c'est de ne pas se précipiter. Quand tu fais un Aligot, il faut un certain temps. La première chose, c'est que tes pommes de terre soient bien cuites, pas trop. Qu'elles restent un tout petit peu fermes, mais il ne faut pas qu'elles soient trop fermes parce qu'il ne faut pas qu'on retrouve la pomme de terre dans le produit final. La deuxième chose, c'est qu'il faut que la Tome ait le temps de bien se mélanger à la pomme de terre quand elle est chaude. Pour bien se mélanger, il faut que ça se mélange à une température de 70-80 degrés. Il ne s'agirait pas de faire bouillir une purée en disant ça va aller plus vite, ça sera plus vite fondu. c'est là qu'on va casser le fil. Donc les conseils c'est une Tome fraîche de l'Aubrac IGP une bonne pomme de terre, et du temps, et d'une température pas trop élevée, sans aucun ingrédient supplémentaire, bien sûr un peu de sel si on veut, mais l'origine c'est ça. Après, certains effectivement peuvent mettre de l'ail, et on peut aussi avoir des Aligots qui sont aromatisés. On mange de la montagne, on en travaille avec de la truffe, on en travaille avec du cèpe, mais le conseil que je peux te donner, c'est surtout... Ne pas trop monter en température, ne pas vouloir aller trop vite et rester là. Il ne s'agit pas d'un plat qu'on met dans un coin et qu'on revient chercher une heure après. Il faut rester là.

  • Romain LE GAL

    C'est un plat où il faut être à côté, mais prendre son temps de le faire.

  • Yves SOULHOL

    C'est ça. J'aime bien dire des fois qu'on n'a pas le geste sous la main, mais que l'Aligot, il faut le caresser un peu. C'est-à-dire que la spatule, elle va faire tourner l'Aligot de façon à répartir la Tome. Mais doucement, il ne s'agit pas de matraquer, on n'est pas au batteur. On fait les choses au rythme de l'évolution de la Tome et de la pomme de terre. Et si on respecte ce rythme-là, on aura un super Aligot.

  • Romain LE GAL

    Du coup, on a parlé du Laguiole, on a parlé de la Tome fraîche. Maintenant, je te propose de parler un petit peu de la filière, parce qu'il y a une particularité dans votre AOP. C'est que 100% des producteurs de lait ou de fromage de Laguiole sont adhérents à la coopérative. C'est ça. Et aujourd'hui, c'est quoi ce modèle unique ? Comment ça fonctionne ?

  • Yves SOULHOL

    Le principe, il est depuis la création, la mise en place de Jeune Montagne a démontré que le travail qui se faisait, il se faisait au profit des gens qui adhéraient. Et donc, l'adhérent ne se pose pas de question. Quand tu es adhérent à la coopérative depuis les années 60, tu es là pour en tirer les avantages et pour participer au développement. J'aime bien dire qu'il s'agit d'une communauté de destin. C'est-à-dire que si tu n'as pas de producteur, tu n'auras pas de coopérative. Et si tu n'as pas de fromager dans la coopérative, tu n'auras pas de producteur qui seront payés à 650, 680 euros les 1000 litres. Donc tout le monde comprend l'intérêt de travailler ensemble et d'évoluer ensemble. Après, ce qui est important, c'est que l'accompagnement des producteurs, bien sûr, il tient par son prix du lait, mais pas que. Dans la coopérative. on va organiser un service de remplacement qui permettra de prendre des congés, qui permettra de prendre un week-end, qui permettra de se faire remplacer par quelqu'un qui s'est traire si tu es malade. Et ça paraît tout simple, mais ce n'est pas très facile à faire. Et aujourd'hui, par exemple, si on a six salariés au service de remplacement, c'est parce que les gens aiment le métier. de la traite des vaches, mais se sentent sécurisés par une structure qui est derrière qui s'appelle le coopérative Jeune Montagne. Et c'est pareil pour le producteur. Le producteur, aujourd'hui, il peut avoir des journées de services de remplacement qui sont financées par la coopérative ou qui sont en partie financées par la coopérative. Donc tout ça, ça fait une filière. Quand tu es producteur fermier...

  • Romain LE GAL

    Donc aujourd'hui, il y en a combien des producteurs fermiers ?

  • Yves SOULHOL

    Quand tu es producteur fermier, le week-end, tu as... apprécier de ne pas avoir besoin de cailler le lait. Ou en période haute, tu vas apprécier de pouvoir envoyer tes excédents à la coopérative. Et la coopérative est d'accord avec ça. Pourquoi ? Parce que si tu n'aides pas ce producteur fermier, il va arriver un moment où il transformera quel que soit le débouché. Et il arrivera un moment où au bout de l'entonnoir, il sera obligé de vendre pour dégager ça. Et il n'arrivera pas à maintenir ses prix. Donc tout ça, c'est un fonctionnement en commun. qui crée une réelle filière. Je vais te donner un autre exemple qui va dans un autre sens. C'est que lorsqu'on va voir des crémiers parisiens, pour faire connaître notre Laguiole, qui n'est pas non plus le fromage le plus connu au monde, eh bien, ce sont des producteurs qui prennent leur dimanche, qui du coup sont remplacés par un service de remplacement. Ils prennent le week-end et ils vont pendant le week-end parler aux consommateurs du Laguiole. Donc voilà, pour moi, maintenant ça fait bientôt sept ans que j'y suis, ça me paraît assez naturel. C'est vrai que quand on vient de l'extérieur, on a du mal à le comprendre, mais... il y a deux choses dans nos slogans à Jeune Montagne. Le premier, c'est celui que je viens de te dire. C'est vraiment la communauté de destin. C'est-à-dire, les producteurs travaillent pour la coopérative, la coopérative travaille pour les producteurs.

  • Romain LE GAL

    C'est un cercle vertueux.

  • Yves SOULHOL

    C'est un cercle vertueux, qui s'applique aussi à tout l'environnement. Si Laguiole, aujourd'hui, s'il y a 110 000 visiteurs à la coopérative Jeune Montagne, tous les ans,

  • Romain LE GAL

    ils ne viennent pas qu'à la coopérative. Quand ils viennent à la coopérative, ils vont acheter quelques couteaux, ils vont faire un bon repas à midi, ils vont aller visiter cheminées sur les chemins de l'Aubrac, sur celui de Saint-Jacques-de-Compostelle, comme tu en connais certains. Donc voilà, c'est un tout. Pour l'instant, ça fonctionne et on va tout faire pour que ça fonctionne longtemps, puisque ça amène de la quiétude, ça amène au risque d'être exagéré, mais ça amène du bonheur quand même sur la zone.

  • Yves SOULHOL

    On échangeait tout à l'heure un peu en off, on en a un petit peu parlé au début de l'entretien. Aujourd'hui, vous accompagnez les producteurs à réintroduire de l'Aubrac dans leur troupeau. Comment vous faites aujourd'hui ? C'est quoi votre accompagnement ? Est-ce que tu peux nous donner des proportions sur le cheptel global, de combien pèsent encore aujourd'hui les vaches Aubrac ?

  • Romain LE GAL

    En gros, il faut retenir qu'on a 3 ou 4 vaches laitières Aubrac par troupeau, ce qui veut dire qu'on est de l'ordre de 5% à peu près. On aurait un objectif à 10%. Donc, ce qui se passe, c'est que depuis maintenant une quinzaine d'années, on relance la branche laitière de la race Aubrac. Tout à l'heure, je l'ai expliqué rapidement, race mixte. la plupart de la sélection s'est portée pour développer sa carcasse et sa viande et la branche laitière a été abandonnée. Depuis 15 ans, on a réussi à identifier quelques mères beaucoup plus productrices de lait. On a, via l'insémination, via la démultiplication par les embryons, trouvé quelques taureaux. Et petit à petit, on intègre cette race dans les cheptels. On réintègre cette race dans les cheptels. C'est pas... aussi évident que ça parce que de toute façon elle produit moins que la Simmentale. Bon, c'est une vache qui est très attachée à son veau, donc il faut vraiment qu'elle soit de bonnes conditions pour être sympa à la traite. Donc tout ça, ce sont des efforts que mènent les producteurs. S'ils le font, ce n'est pas un aspect économique. S'ils le font, c'est parce qu'ils ont envie. Ils ont envie de se dire, eh bien voilà.

  • Yves SOULHOL

    Il y a des défenseurs de cette race.

  • Romain LE GAL

    Il y a des défenseurs. Il y a des défenseurs, il y a des gens qui disent, bon, on a un cheptel de 50 vaches, on peut bien faire l'effort d'avoir 4 ou 5 vaches Aubrac au milieu. C'est vraiment identitaire. Voilà, c'est une Aubrac, on est sur le plateau de l'Aubrac. Ça fonctionne. Alors la coopérative accompagne aussi, puisqu'elle donne une subvention à peu près équivalente au manque à produire entre une Aubrac et une Simmentale. Pour aller vite, une très bonne Aubrac va faire 3000 litres de lait, une Simmentale de... On pourrait faire 10 000, mais chez nous, ça reste à 6 000, puisqu'on est limité à 6 000. Mais voilà, ça fait partie de la responsabilité sociétale de l'entreprise. Comme on le fait pour la flore, on va le faire pour la faune, et notamment pour la race Aubrac. On va essayer de conserver ce rameau laitier. Ça fait partie de nos responsabilités.

  • Yves SOULHOL

    Aujourd'hui, vous travaillez tous vos fromages au lait cru. Pour toi, est-ce que c'est une difficulté ? Tu le vois ? Comment dans l'avenir, aujourd'hui on est défenseur de notre biodiversité fromagère, comment tu vois ça dans l'avenir ?

  • Romain LE GAL

    Alors, ça c'est une excellente question. Ce n'est pas une question de piège, parce que de toute façon déjà à l'âge que j'ai, maintenant je considère que je peux presque dire tout ce que j'ai envie de dire. Le problème que nous avons globalement en France, c'est que nous évoluons vers de plus en plus de recherches de naturalité. Qu'on soit consommateur ou qu'on soit opinion publique, parce que quelquefois on peut avoir une opinion publique différente d'un consommateur. On peut dire moi j'aime du lait cru et ne jamais en acheter. Aujourd'hui sur le lait cru, moi je suis convaincu que comme tout produit, il y a une balance bénéfice-risque. Et je suis convaincu que la balance bénéfice pèse beaucoup plus lourd et donc elle est inclinée la balance que la balance risque. Le problème que nous avons, c'est qu'aujourd'hui, nous sommes en face de consommateurs, mais aussi de pouvoirs publics qui n'acceptent pas de prendre le moindre risque. Et donc, le risque que nous avons sur le lait cru, c'est que si on parle de lait cru, c'est parce qu'il doit y avoir des micro-organismes à l'intérieur, des bactéries.

  • Yves SOULHOL

    De la vie.

  • Romain LE GAL

    De la vie, qui sont positives. et qui sont naturelles. Depuis que l'homme existe, ça existe. Depuis que l'homme existe, son estomac a été étudié pour vivre avec. Malheureusement, de temps en temps, il y en a une ou deux qui sont un peu plus dangereuses et qui créent le risque. Tant qu'on n'aura pas déterminé si on veut se pencher vers les nombreux avantages du lait cru par rapport au moindre risque, on fera prendre des risques à la production au lait cru. Aujourd'hui c'est compliqué parce que la science permet d'analyser et d'approfondir les bactéries qui sont à l'intérieur de tous les produits alimentaires. Et du coup, pour le lait, on prend l'exemple des steaks, les sécrétions des Echirichia coli. qui peuvent être pathogènes. On ne l'a pas complètement prouvé sur le lait, mais ça peut être pathogène. C'est quelque chose qu'on a découvert il y a 20 ans et qui aujourd'hui nous pousse à détruire du produit, nous pousse à détruire du lait. Pour l'avenir, ce sera compliqué de concilier les deux. Et donc, je pense que les pouvoirs publics, s'ils souhaitent que le lait cru continue à apporter ses bénéfices, ont intérêt à se pencher sur la question, et notamment des scientifiques bien approfondis. Je voulais juste citer un chercheur de l'INRA d'Aurillac qui me précisait qu'aux USA, qu'on suit souvent avec 4 ou 5 ans de retard, ils sont à la recherche d'insémination de bactéries à l'intérieur des estomacs et des intestins. Parce qu'ils se sont aperçus qu'à force de tout aseptiser, les estomacs et les intestins ont perdu toute résistance. On est à l'aberration où on va ingérer des gélules ou des pilules chargées en bactéries.

  • Yves SOULHOL

    Alors qu'il suffirait de manger un morceau de fromage au lait cru.

  • Romain LE GAL

    Et de préférence du laguiole. Donc c'est ça qui, aujourd'hui, me fait peur. Mais ça me fait peur parce que, face à des pouvoirs publics qui font... qui accomplissent leur mission et leur rôle, on est complètement impuissant. Donc on a un travail à faire. Il y a un gros travail qui s'est fait sur la qualité des laits. Dans le dénombrement, dans le suivi de la listeria, dans le suivi des salmonelles, il y a un gros travail qui s'est fait, on a bien avancé. Mais il faut qu'on travaille en coopérant. Il ne faut pas qu'on travaille en s'affrontant sur le risque et sur le bénéfice. Et pour l'instant, je ne sent pas ça dans les orientations. Peut-être que dans nos pays d'Europe, et particulièrement en France, qui est quand même un des pays les plus porteurs en matière de diversité de fromage au lait cru, peut-être qu'on s'apercevra un jour qu'on peut suivre les Américains et du coup essayer de libérer un peu la production de lait cru. Je ne peux pas être plus explicite parce qu'à quelque part... J'ai besoin de vendre du fromage tous les jours. Tous nos fromages sont analysés pour être libérés. Donc, on ne fait pas n'importe quoi avec des fromages au lait cru. Donc, je veux rester prudent, mais je suis soucieux.

  • Yves SOULHOL

    Et j'aurais une dernière question pour terminer cet entretien, Yves. Oui. Vous verriez la tête de Yves. Il se dit, qu'est-ce qu'il va encore poser comme question ? Yves, quelle est ta pizza préférée ?

  • Romain LE GAL

    C'est une excellente question. C'est la pizza quatres fromages.

  • Yves SOULHOL

    Avec du Laguiole.

  • Romain LE GAL

    Du Laguiole.

  • Yves SOULHOL

    De la Tome fraîche.

  • Romain LE GAL

    De la Tome fraîche de l'Aubrac. Tu peux essayer d'y mettre un peu de buronnier, c'est pas mal. Allez, puis mets-y un peu de Cantal au lait cru de Thérondels.

  • Yves SOULHOL

    Une pizza pas du tout orientée.

  • Romain LE GAL

    Pas du tout.

  • Yves SOULHOL

    Pas du tout. Merci beaucoup Yves de nous avoir reçus aujourd'hui.

  • Romain LE GAL

    C'est toujours avec plaisir qu'on reçoit. J'ai oublié de te dire que ton premier slogan, c'est la communauté de destin. Le deuxième, c'est si tu ne me crois pas, viens me voir.

  • Yves SOULHOL

    Je suis venu.

  • Romain LE GAL

    Donc, tu es venu.

  • Yves SOULHOL

    J'ai vu qu'il ne faisait pas beau à Laguiole.

  • Romain LE GAL

    Non,

  • Yves SOULHOL

    on ne va pas rester là-dessus.

  • Romain LE GAL

    Il faudra revenir.

  • Yves SOULHOL

    On viendra remanger un Aligot. Merci beaucoup Yves de m'avoir reçu.

  • Romain LE GAL

    Avec plaisir.

  • Yves SOULHOL

    Merci à vous de nous avoir écouté jusqu'au bout. Si cet épisode vous a plu, n'hésitez pas à le partager ou à nous envoyer des messages ou à mettre 5 étoiles, par exemple, sur Spotify. Et je vous dis à bientôt pour un nouvel épisode de Lait'Change.

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • Présentation de Yves SOULHOL

    01:34

  • Présentation de la Coopérative Jeune Montagne

    02:07

  • Adhérent à la Coopérative

    02:55

  • Histoire du Laguiole AOP

    03:32

  • Qu'est ce qu'un Buron ?

    04:27

  • Histoire du Laguiole AOP (suite)

    06:32

  • Histoire de la Coopérative Jeune Montagne

    08:29

  • Les races laitières de l'Aubrac

    09:11

  • Les débuts de l'AOP Laguiole

    10:14

  • Origine du nom "Jeune Montagne"

    11:10

  • Comment est fabriqué le Laguiole AOP ?

    11:33

  • Introduction de la Simmentale

    12:37

  • Cahiers des charges de l'AOP Laguiole

    13:41

  • Les étapes de fabrication du Laguiole AOP

    16:33

  • Les trois types d'affinages du Laguiole AOP

    18:01

  • Pourquoi le symbole du taureau sur le Laguiole AOP ?

    19:04

  • Les étapes de fabrication du Laguiole AOP (suite)

    19:44

  • La Tome Fraîche de l'Aubrac IGP

    20:28

  • L'Aligot et son origine dans l'Aubrac

    22:28

  • Comment faire un bon Aligot ?

    23:12

  • La particularité de la Coopérative Jeune Montagne

    26:06

  • L'accompagnement des producteurs

    27:15

  • Préservation du patrimoine et de la Région

    29:32

  • Réintroduction de l'Aubrac

    30:10

  • La défense du Lait cru

    32:51

  • LA dernière question

    37:44

  • Conclusion

    38:19

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