- Romain LE GAL
Bienvenue sur Lait'Change, le podcast qui donne la parole aux actrices et aux acteurs de la filière laitière et fromagère. Je suis Romain LE GAL et nous allons démarrer un épisode un peu spécial. Cette année, nous allons fêter les 100 ans de la plus vieille appellation d'origine de France. Je parle évidemment du Roquefort. A cette occasion, nous allons vous proposer une série de deux épisodes sur ce fromage connu et reconnu dans le monde entier. Pour comprendre ce qui se cache... derrière chacune des bouchées de roquefort que nous mangeons, aujourd'hui nous partons à la rencontre de celles et ceux qui rendent cette magie possible, les éleveurs. Je suis parti à la fraîche ce matin pour rejoindre le petit village de Durenc à une heure à l'ouest de Millau, dans ce pays qui revêt un manteau verdoyant creusé de vallées occupées par des moulins à eau, des puèches, appelées également collines, et des boris. Les prairies y sont bordées d'eau bépine, de murier, de houe. Un beau cage entrecoupé de bois et de forêts essentiellement constituées de hêtres et de chênes, parmi lesquelles s'insèrent des plantations de conifères. Notre invité du jour, François Durand, du GAEC des Sonailles, va partager avec nous son quotidien d'éleveur de brebis laitières. Entre passion, tradition et défi, il nous dévoilera les coulisses de son métier, son lien avec son terroir et l'importance du lait dans la fabrication de ce romage emblématique. Bonjour François.
- François DURAND
Bonjour Romain.
- Romain LE GAL
Comment vas-tu ce matin ?
- François DURAND
Très bien.
- Romain LE GAL
Donc on est avec toi depuis quelques temps maintenant, ça fait plusieurs heures, on est arrivé vers 6h30 ce matin, au moment de la traite. François, est-ce que tu peux te présenter en quelques mots ?
- François DURAND
J'ai 58 ans, ça fait 40 ans que je suis spot-on sur la ferme de Père Bencousse. Ma grande fierté c'est d'avoir mes enfants avec moi depuis quelques temps, Maxime depuis 2016 et Clémence depuis janvier, début janvier.
- Romain LE GAL
Donc janvier 2025, nous citer C'est tout récent.
- François DURAND
C'est tout récent.
- Romain LE GAL
Et du coup, l'exploitation, si tu peux la définir, la décrire en quelques mots.
- François DURAND
C'est une exploitation située à 800 mètres d'altitude, avec beaucoup de pâturage, quelques céréales pour le troupeau. C'est un terrain assez maigre puisqu'on est sur des pueches, ce qu'on appelle ici des pueches, des collines.
- Romain LE GAL
Je l'ai bien prononcé tout à l'heure ? Oui. À peu près ?
- François DURAND
Oui, très bien.
- Romain LE GAL
Et du coup, tu fais de la brebis laitière ?
- François DURAND
billetière et on a quelques bovins bien pour les parcelles qui sont Pas adapté aux brebis laitières.
- Romain LE GAL
On reviendra sur les brebis laitières un petit peu plus tard. Et avant, toi, sur cette exploitation, c'était une exploitation familiale ?
- François DURAND
Oui, familiale. Mon père avait repris la propriété après-guerre, en 1946. Comme toutes les fermes à l'époque, Beauvins, Auvin, Cochon.
- Romain LE GAL
Et il l'avait reprise aussi de ses parents ?
- François DURAND
Il l'avait reprise de ses parents,
- Romain LE GAL
oui. Donc ici, il y a des durants depuis...
- François DURAND
Depuis 1922.
- Romain LE GAL
D'accord. Donc ça fait plus de 100 ans.
- François DURAND
Oui, c'est pas très long pour une exploitation familiale.
- Romain LE GAL
C'est déjà pas mal. Oui. Un siècle. Comme le Roquefort, finalement. Ben voilà. Et du coup, aujourd'hui, est-ce que tu pourrais nous décrire un peu ton quotidien d'éleveur ? Éleveur de brebis laitière.
- François DURAND
Oui, éleveur de brebis laitière, oui. Le quotidien hivernal, c'est... Ben, t'as bien vu, ce matin, on commence par la traite le matin à 6h45. La fourrache, je mens après. Une petite période de la journée où on est tranquille, où on se pose. Et on rataque l'après-midi sur les coups de 4h. avec de nouveau de l'affouragement et la traite à 5h moins le quart et à 7h.
- Romain LE GAL
Donc ça, c'est le rythme d'hiver ? Ça,
- François DURAND
c'est le rythme hivernal.
- Romain LE GAL
Et du coup, après, ça évolue en fonction des périodes de l'année ? Oui,
- François DURAND
après, dès que tu arrives en février, il y a les travails extérieurs qui arrivent. Ici, on travaille beaucoup avec les effluents d'élevage, fumier, compost. On chole beaucoup puisqu'on a des terrains très acides.
- Romain LE GAL
Tu pourrais nous expliquer, c'est quoi choler pour ceux qui nous écoutent ?
- François DURAND
Mais on a des terrains acides donc qui manquent du calcium. On est obligé d'apporter du calcium si on veut avoir des prairies à base de luzerne et qu'elles durent dans le temps. Annuellement, on porte pour 75 hectares approximativement 30 tonnes de calcium, ce qui fait des 800 kg à 900 kg hectares. On passe à peu près l'ensemble de la propriété tous les deux ans.
- Romain LE GAL
Et du coup, après, donc là on est en février, c'est quoi le reste des grandes... période de l'année ?
- François DURAND
Après, c'est les récoltes qui commencent fin avril, début mai. Depuis deux ans, des années pluvieuses, on a l'impression de faire que ça tout l'été. Du printemps au septembre, ça fait deux ans qu'on récolte sans arrêt. Ce n'est pas toujours le cas puisqu'on est des périodes, on est des terrains qui sont très peu profonds et dès qu'il fait sec, on est vraiment impacté par la sécheresse.
- Romain LE GAL
Et cette brebis, elle est très... toute l'année ? Comment fonctionne une brebis laitière ?
- François DURAND
La brebis laitière, elle est nôtre, elle met bas fin septembre. Elle reste avec leurs agneaux 5 semaines à peu près. On sèvre à ce moment-là les agnelles de renouvellement, les petites femelles. qui vont arriver dans un an pour la production laitière. Tous les mâles seront vendus à un petit ingresseur. Les autres femelles de renouvellement seront vendues pour la repro. Et la traite commencera effectivement au 1er novembre, puisque la laiterie ouvrera au 1er novembre.
- Romain LE GAL
Le temps de gestation d'une brebis, c'est combien de temps ?
- François DURAND
5 mois moins 8 jours.
- Romain LE GAL
Et du coup, comment vous gérez la partie reproduction ?
- François DURAND
Alors la repro, ça se fait début mai ici, par insémination artificielle. Sur l'ensemble du troupeau, adultes et jeunes, les jeunes de Nant, tout le même jour, 400 et quelques brebis à l'insémination artificielle.
- Romain LE GAL
Et après, vous introduisez des béliers ?
- François DURAND
Oui, dix jours après, on introduit les béliers. Et après, tout se fera par monte naturelle.
- Romain LE GAL
Aujourd'hui, pour faire du lait pour le Roquefort, vous utilisez une race particulière. La lacone. La lacone. Est-ce que tu peux décrire un petit peu cette brebis, ses grandes caractéristiques ?
- François DURAND
Je pense que c'est une brebis qui s'adapte très bien au territoire. qui s'adaptent aussi bien à la sécheresse qu'aux zones un peu plus humides. Elles ne crèment pas trop le mauvais temps. Nous, on les a rendues peut-être un peu plus délicates maintenant, puisque on a des brebis qui produisent beaucoup plus qu'il y a 20 ans ou 30 ans.
- Romain LE GAL
Tu as vu l'évolution ?
- François DURAND
Oui, on a des brebis qui sont peut-être un peu moins rustiques, mais elles sont toujours rustiques. C'est une race qui s'adapte partout. On voit qu'on les porte un petit peu partout dans les pays limitrophes, Espagne, Italie, Grèce. C'est bien une brebis qui s'adapte un petit peu à tout type de... de climat et de sol.
- Romain LE GAL
Et aujourd'hui, une brebis, elle produit combien sur une saison ?
- François DURAND
Nous, on est à 450 litres l'année dernière, par brebis laitière.
- Romain LE GAL
Et si tu reviens, quand tu t'es installé ?
- François DURAND
Quand je me suis installé, on était à 160 litres en 1984.
- Romain LE GAL
Ah oui, donc il y a un sacré delta.
- François DURAND
Oui, il y a eu une évolution.
- Romain LE GAL
Quasiment fois trois.
- François DURAND
Oui, mais c'est général. Oui,
- Romain LE GAL
c'est général, mais c'est général. Et comment on fait ? Merci. C'est par rapport à l'alimentation ?
- François DURAND
L'alimentation joue beaucoup, puis la génétique aussi.
- Romain LE GAL
Et qu'est-ce qu'on donne à manger à nos brebis ? Donc en été, elles doivent aller dehors, elles vont en pâture ?
- François DURAND
Elles pâturent à partir du mois, fin mars, on met nos brebis dehors. On essaie de les faire pâturer un minimum de 4 heures pour dire que c'est un impact au niveau de la production laitière. Parce que l'herbe, c'est l'aliment, c'est le summum au niveau de la production laitière. C'est ce qu'il y a de mieux, qui revient le moins cher. après sa peinture ici il y en a pas mal de prairies naturelles puisqu'on a beaucoup de pentes. Ce n'est pas l'herbe qu'elles préfèrent. Elles préfèrent un bon riz granglé avec du trèfle blanc. Mais bon, elles n'ont pas le choix. Il faut qu'elles pâturent les prairies qui ne sont pas destinées à la fauche et qu'on ne peut pas mécaniser.
- Romain LE GAL
Et sur la partie hiver, du coup ?
- François DURAND
Sur la partie hiver, jusqu'à il y a 5-6 ans, on était en sec, on ne mangeait que du foin. Puis en ayant augmenté un peu les effectifs, Et il n'y a pas les bâtiments dimensionnés pour les effectifs qu'on a augmentés. On donne un petit peu d'enrubanage et un peu d'ensilage de maïs.
- Romain LE GAL
Donc les aliments fermentés sont autorisés dans le cahier des charges de l'AOP Roquefort. Et un petit peu de maïs et après ?
- François DURAND
Tout ce qui est ration à base d'orge, bouchons de luzerne. Puisqu'il faut bien savoir que pour qu'une brebis produise 450 litres, elle a une capacité d'ingestion assez limitée. Donc, il faut trouver des aliments qui sont un peu plus concentrés. C'est pour ça qu'on a de la ration orge, bouchon de luzerne, dredge de maïs.
- Romain LE GAL
Et aujourd'hui, par rapport au cahier des charges AOP, il y a des notions d'autonomie, d'autonomie fourragère. Est-ce que tu peux nous les donner ?
- François DURAND
Il ne faut pas dépasser les 200 kilos d'achat de concentré. Il faut acheter sur le rayon.
- Romain LE GAL
De la zone ?
- François DURAND
De la zone, pour ce qui est fourrage grossier, je pense. C'est tellement machinal que je crois que le cahier des charges, je ne l'ai pas intégré.
- Romain LE GAL
Tu le fais naturellement depuis tellement d'années. Oui,
- François DURAND
oui, oui.
- Romain LE GAL
Ton papa faisait aussi du lait qui était transformé en Roquefort ?
- François DURAND
Oui, oui. Depuis, on est entré chez Vernière depuis les origines, je pensais.
- Romain LE GAL
D'accord. Donc, toi, tu as toujours travaillé. Oui. Alors là, on va en revenir après avec une laiterie. Oui, oui. Aujourd'hui, toi, tu es ramassé par Vernière, mais on en parlera un peu plus tard. un petit peu plus tard. Et pour ceux qui ne connaissent pas la région, comment tu pourrais décrire ton terroir ?
- François DURAND
C'est toujours le meilleur, le plus beau. On a deux régions ici. On a du Ségala et du Lévesou. Le Ségala, ce sont des zones avec des terrains assez profonds. Et le Lévesou, c'est plus aride,
- Romain LE GAL
un peu plus froid,
- François DURAND
des terrains plus légers, plus pauvres. Et ici, on est vraiment sur la limite. On a des terres en bas de communes qui sont...
- Romain LE GAL
Qui sont pratiques pour l'éculture.
- François DURAND
Qui sont pratiques pour l'éculture. Et sur le haut, c'est pratique pour la peinture.
- Romain LE GAL
Donc, c'est pratique pour les brebis. Donc, idéalement, c'est...
- François DURAND
et situation. Pas le mot que je dirais, puisque l'idéal, ce serait d'avoir des terres à la bourrable un petit peu partout et pas avoir des cailloux à ramasser. Mais ce n'est pas le cas, on s'adapte.
- Romain LE GAL
Est-ce que dans ta vie d'éleveur, tu as eu, depuis que tu t'es installé, des événements marquants, que ce soit positifs ou que ce soit des événements négatifs qui ont marqué ta vie d'éleveur ?
- François DURAND
En 40 ans, j'ai vu pas mal d'évolutions. quand j'ai démarré euh... Mon papa avait 68 ans, donc c'était l'ancienne génération. On travaillait comme dans les années 70. Il a fallu évoluer.
- Romain LE GAL
Toi, ton côté d'apport, finalement, positif ? Oui,
- François DURAND
mais c'est allé très doucement puisqu'on n'avait pas les moyens. En 1984, je crois qu'on produisait dans les 360 hectolitres. C'était une misère. Tu sortais un salaire, mais il ne fallait pas aller au-delà.
- Romain LE GAL
Finalement au début c'était dur parce que... Oui,
- François DURAND
pas de bâtiment adapté à l'époque. J'ai fait ma bergerie en 1993. Après là du coup, tout décolle. La production décolle, les brebis sont mieux dans le bâtiment. Puis le problème c'est la production. On ne pouvait pas produire. On avait le bâtiment mais on ne pouvait pas produire.
- Romain LE GAL
C'est-à-dire ? Explique-nous.
- François DURAND
Le Roquefort a mis des références dans les années 87. Ils avaient pris la moyenne des trois dernières meilleures années je crois. Du coup, on était plafonnés. Je crois que j'avais 560 hectolitres.
- Romain LE GAL
Pour que tout le monde comprenne, tu avais un quota ?
- François DURAND
J'avais un quota avec trois prix de lait.
- Romain LE GAL
D'accord.
- François DURAND
Un prix Roquefort, un prix diversification et après un prix poudre de lait. C'était une misère. C'était 40 centimes. Plus tu faisais de poudre de lait, plus ton prix du lait baissait. Du coup, tu essayais d'en faire le moins possible, mais tu ne pouvais pas évoluer au niveau production.
- Romain LE GAL
Et ce système de quotas, ça a duré jusqu'à quand ?
- François DURAND
Jusqu'en 2015. 2016, Roquefort un peu implosé. Des nouvelles laiteries sont arrivées sur le territoire, ce qui a fait monter le prix du lait. Notre laiterie nous a donné des droits à produire. Un prix du lait un peu revalorisé, petit à petit. Et du coup, on est passé, je crois, de 900 hectolitres en 2016 à l'année dernière, 1900. Ce qui a permis à Maxime de s'installer et maintenant à Clémence.
- Romain LE GAL
Donc ça, on reviendra un petit peu à la partie de transition tout à l'heure. Et ça tombe bien, tu fais la transition avec le sujet qu'on va aborder maintenant. Aujourd'hui, tu as quelqu'un qui te collègue, donc une laiterie. Comment ça s'organise pour la relation avec la laiterie ? Comment ça fonctionne ?
- François DURAND
Après, je pense que depuis qu'on a les organisations de producteurs, on se retrouve assez régulièrement avec les producteurs en réunion.
- Romain LE GAL
Vous avez une organisation de producteurs, vous êtes combien de producteurs sur cette liste ?
- François DURAND
On est 53 dans la laiterie. Je pense qu'il y en a rien qu'un ou deux qui n'ont pas adhéré peut-être au...
- Romain LE GAL
Ok, donc en gros, c'est votre organisation de producteurs, c'est tous les producteurs qui livrent la laiterie, là aujourd'hui, Vernière. Aujourd'hui, toi, en tant que producteur, tu as des relations régulières avec Vernière ?
- François DURAND
La littorie, ça se limite souvent avec Adeline.
- Romain LE GAL
Adeline qui nous accompagne ce matin.
- François DURAND
Qui nous accompagne ce matin.
- Romain LE GAL
Alors tu as dit, Adeline, elle t'a souvent au téléphone. Pourquoi tu as Adeline au téléphone ?
- François DURAND
Parce que c'est elle qui suit un peu l'évolution de notre production en qualité.
- Romain LE GAL
Oui. Et donc, quand elle t'a appelé pour que je vienne te voir ce matin,
- François DURAND
Ah ouais, j'avais un gros souci, je me suis dit,
- Romain LE GAL
oh là là. Il y a eu un petit coup de stress.
- François DURAND
Ouais, salmonelle, butyrique, coliforme, voilà.
- Romain LE GAL
C'est ce qui était venu à l'esprit.
- François DURAND
Et puis finalement,
- Romain LE GAL
c'était que moi.
- François DURAND
Ouais, ouais.
- Romain LE GAL
Donc, c'était une bonne nouvelle.
- François DURAND
C'était bon, ouais.
- Romain LE GAL
Final, c'était un ascenseur émotionnel.
- François DURAND
Voilà.
- Romain LE GAL
Et du coup, c'est elle, toi, principale. Oui, c'est la principale interlocutrice. Ouais, ouais. Et donc la laiterie, elle te ramasse... Tous les jours ?
- François DURAND
Quotidiennement, oui.
- Romain LE GAL
Pour ensuite transformer ton lait sur Bill Fringe Panna. Aujourd'hui, tu as des objectifs. Justement, tu parlais de qualité du lait. C'est quoi les objectifs de qualité du lait pour transformer en Roquefort ?
- François DURAND
Il faut savoir qu'on a une grille qualité. Si on est bon partout, on a une plus-value.
- Romain LE GAL
Et qu'est-ce qu'ils vous demandent, par exemple, pour avoir la plus-value ?
- François DURAND
Je crois que les critères, je ne les ai pas. Moi, j'essaie d'être assez bon. Il faut être bon. Il y a plusieurs germes dans le lait. Il y a les cellules somatiques, il y a les coliformes, il y a les butyriques. Ça se venduit souvent par les aliments humides, un rubanage ou un silage. Puis après, pour les qualités des litières aussi.
- Romain LE GAL
En ce moment, on le voyait ce matin, vous payez le matin et le soir pour que les gens...
- François DURAND
Pour prévenir, oui.
- Romain LE GAL
Pour que les brebis soient bien aussi en termes de bien-être animal. Est-ce que toi déjà, tu as visité la laiterie ou les caves d'affinage ?
- François DURAND
On a eu l'occasion, mais moi, je n'étais pas disponible le jour où ça s'est fait. Les caves d'affinerie, à part le bureau, je pense que je ne suis jamais rentré là où ils transforment.
- Romain LE GAL
Je pense que Jean-François ou Adeline qui nous entend, te proposons prochainement d'aller visiter et les caves d'affinage et la laiterie. Comme ça, ça permettra. Et toi, aujourd'hui, quand tu pars en vacances, tu prends un petit peu de vacances quand même ?
- François DURAND
Oui, on essaie de partir quelques jours,
- Romain LE GAL
oui. C'est l'avantage d'avoir les enfants aussi qui peuvent prendre, maintenant qu'ils sont même dans le projet.
- François DURAND
Même quand ils étaient petits, on essayait de partir. J'avais les voisins qui venaient faire le boulot.
- Romain LE GAL
Et c'est quoi ton sentiment quand tu vas voir un crémier fromager ou quand tu vois du Roquefort vernière dans d'autres régions ?
- François DURAND
Déjà, quand on va chez un fromager, on voit du vernière.
- Romain LE GAL
C'est déjà la première chose. On sort tout de suite ?
- François DURAND
Non, on ne sort pas tout de suite. Non, parce qu'on essaie quand même de... d'apprécier ce qui se fait sur le local, mais on regarde si on bat notre produit.
- Romain LE GAL
Dans l'avenir, ça va être quoi les plus gros enjeux ? C'est quoi les défis qui arrivent dans l'avenir par rapport à toi ? Comment tu as vu évoluer le métier ? Comment tu as vu évoluer aussi tout ce qui gravite autour ? On parle souvent de météo, on parle souvent...
- François DURAND
Nous, des défis, on en a un gros là. Et puisque, avec l'installation de Clémence, on redélocalise tous nos bâtiments. Et là-dessus se greffe, oui, le souci au niveau climatique. Parce qu'on s'aperçoit qu'on a des périodes très sèches, où ici c'est compliqué de faire du stock. Des périodes très pluvieuses, où c'est compliqué de faire de la qualité. Même avec un séchage, c'est très compliqué de faire de la qualité. Un fourrage, quand il pleut, on va croire que ça se fait tout seul. Mais oui, je pense que le plus gros défi, ce sera de s'adapter aux défis climatiques.
- Romain LE GAL
Pour toi, c'est... Ah ouais.
- François DURAND
C'est ce que j'appréhende le plus.
- Romain LE GAL
Est-ce que toi, tu as vu un peu la topographie changer dans le paysage sur ces 40 dernières années, justement par rapport à, on parle de réchauffement climatique, aujourd'hui dans la région, est-ce que tu as vu évoluer ?
- François DURAND
Ici, oui, parce qu'on était vraiment à la limite, on avait tout le temps de la neige. Ici, il y a 30 ans, on passait un mois sous la neige, maintenant c'est fini.
- Romain LE GAL
Aujourd'hui, on est début janvier.
- François DURAND
Ça a blanchi un matin, mais c'est tout. On n'a pas vu de neige encore.
- Romain LE GAL
Donc des hivers beaucoup moins rudes.
- François DURAND
Beaucoup moins rudes, beaucoup plus pluvieux.
- Romain LE GAL
Et ça a impacté quoi sur ta production ?
- François DURAND
Ça n'impacte pas grand-chose, si tu veux, pour le moment. C'est simplement que ça change. Tu te dis que le midi est très sec. Est-ce que dans 20 ans, ce ne sera pas le cas ici ? On se demande, on investit, mais on a toujours cette arrière-pensée. Est-ce qu'on vivra toujours un entrantant comme on vit aujourd'hui ? Est-ce qu'il ne faudra pas aller chercher des entrants plus loin ? Peut-être que ça peut être l'inverse. On peut avoir un climat très pluvieux comme on l'a eu. On ne sait pas trop.
- Romain LE GAL
Il y a des variations qui sont très changeantes.
- François DURAND
Très changeantes, oui.
- Romain LE GAL
On n'a plus de grandes règles. Non. C'est un sujet sur lequel j'échange souvent avec les producteurs. Maintenant, on n'a plus réellement les quatre saisons. Non, non. On en a deux. Voilà. On a l'hiver et on a l'été. Il n'y a plus la transition à l'été. Très soudaine, très brusque. Très vite, oui. Et puis on peut avoir un retour en arrière aussi rapide.
- François DURAND
Voilà, c'est ça.
- Romain LE GAL
Donc là, toi, tu as la chance d'avoir une nouvelle génération qui arrive. Comment tu accompagnes tes enfants dans cette transmission ? Est-ce que ça a toujours été un projet qui te rejoigne sur l'exploitation ?
- François DURAND
Moi, ça a toujours été dans mes attentes, que mes enfants s'intéressent à l'agriculture. Moi, je suis très agricole, très éleveur.
- Romain LE GAL
Très éleveur ?
- François DURAND
Pas très matériel, très éleveur.
- Romain LE GAL
Donc finalement, tu les as incités à venir ?
- François DURAND
Incités, mais je pense que ça s'est fait tout seul, puisque mon petit, déjà, il suivait le mouvement.
- Romain LE GAL
Et qu'est-ce que tu peux leur souhaiter ? Parce que là, toi, tu vas les accompagner, tu n'es pas encore à la retraite ? Non. Ton papa, tu me disais qu'il t'a accompagné sur l'exploitation, jusqu'à quel âge ?
- François DURAND
Jusqu'à 85 ans.
- Romain LE GAL
Donc, tu as encore un petit peu de temps à travailler ? Oui, oui.
- François DURAND
Oui, oui. Après ça, moi, de toute façon, je m'ennuierais ici si je ne fais rien.
- Romain LE GAL
Tu ne te vois pas arrêté ? De toute façon, tu es né avec les brebis. Tu ne te vois pas, et pour toi, il n'y a pas de question réellement de retraite ?
- François DURAND
Non, je ne pense pas, non. Je trouverais d'autres occupations, peut-être, mais bon...
- Romain LE GAL
Faire du bois ?
- François DURAND
Le bois, le jardinage, la rigueur.
- Romain LE GAL
Et toi, cette reprise, elle est dans un cadre familial ? Aujourd'hui, est-ce que dans la région, il y a des reprises qui sont faites hors cadre familial ? Est-ce que finalement, il y a des possibilités pour des jeunes de venir, s'ils sont passionnés, s'investir ?
- François DURAND
Je pense qu'il y aura des possibilités, puisque on s'aperçoit qu'au niveau agricole, il y a beaucoup de fils agriculteurs qui ne reprennent pas. Il y a des exploitations vacantes et il y a des jeunes hors cadre qui ont vraiment le goût de l'élevage et de l'agriculture. Et si les sédans sont assez favorables à installer des jeunes hors cadre, s'ils leur font des faveurs, qu'ils essayent de les accompagner, ça se fera. Mais il ne faut pas être trop gourmand.
- Romain LE GAL
Toi, comment tu pourrais motiver s'il y a des gens qui nous écoutent, des jeunes ? Qu'est-ce que tu pourrais leur dire pour les motiver à rejoindre ce métier d'éleveur ?
- François DURAND
Déjà, pour connaître, il faut s'impliquer, soit faire des stages.
- Romain LE GAL
S'il y a quelqu'un qui est intéressé, il peut te contacter pour venir faire un stage ?
- François DURAND
Là, on a un jeune stagiaire, on en avait eu un l'année dernière. C'est le troisième qu'on prend. Moi, je n'étais pas très stagiaire à l'époque. Quand j'étais tout seul, c'était compliqué d'accompagner quelqu'un. Bon, maintenant, c'est différent. On est plusieurs. on arriva Ça m'occupait, parce que quand tu as quelqu'un sur une exploitation, tu es obligé de passer du temps, de lui montrer.
- Romain LE GAL
Tu as fait aussi partie du rôle d'un maître d'étage, de justement transmettre. Là, tu as parlé de transmission. Donc aujourd'hui, tu penses que la clé, c'est par la transmission.
- François DURAND
C'est par la transmission, oui.
- Romain LE GAL
Et par la passion.
- François DURAND
Et la passion aussi. Enfin, un jeune qui a la passion des animaux, déjà... Mais il faut la passion de l'élevage. Pour faire des brebis laitiens, il faut la passion de l'élevage. Tu ne vas pas venir sur une propriété si tu aimes conduire que le tracteur.
- Romain LE GAL
Sur ce type de propriété, non. Sur ce type de propriété,
- François DURAND
il faut rester leveur.
- Romain LE GAL
Ce n'est pas la bonne région. Et toi, si tu devais donner un symbole de ton attachement à ton métier, ça serait quoi ?
- François DURAND
Tu me poses une école.
- Romain LE GAL
Qu'est-ce qui fait que tu es attaché à ce métier ?
- François DURAND
Déjà, c'est la liberté de faire ce que je veux.
- Romain LE GAL
On ne t'embête pas ?
- François DURAND
On ne m'embête pas, oui. On a des contraintes au niveau réglementation, mais je fais ce que je veux.
- Romain LE GAL
Tu es chez toi, tu es le patron et tu fais ce que tu veux.
- François DURAND
Si je vais aller faire la sieste, je vais faire la sieste.
- Romain LE GAL
La gestion du temps.
- François DURAND
La gestion du temps, oui.
- Romain LE GAL
Ça, c'est une liberté qui est importante.
- François DURAND
Il y a des contraintes du boulot, ça c'est sûr. Mais après la journée, si on veut se poser, si on va aller se promener, on peut.
- Romain LE GAL
Si tu devais garder un seul moment de ta vie d'éleveur, ça serait lequel ?
- François DURAND
Je pense que c'est le jour où mes enfants sont rentrés sur le Gaïc.
- Romain LE GAL
Donc finalement, la deuxième plus grande fête, c'était il n'y a pas si longtemps que ça.
- François DURAND
Pour la transmission de mon père. Mon père, c'était...
- Romain LE GAL
C'était ? C'était quelque chose qui tenait à cœur de vraiment revenir sur l'exploitation. On va pleurer tous les deux, François. Si tu pleures, je pleure. Bon, et toi, comment tu dégustes le Roquefort ? Parce que t'en manges deux fois par jour, mais tu le dégustes comment ?
- François DURAND
Je le déguste... Alors, il y en a beaucoup qui mettent de la confiture, moi non. Moi, c'est un bon pain de campagne.
- Romain LE GAL
Et du Roquefort.
- François DURAND
Et du Roquefort.
- Romain LE GAL
Tu ne manges pas le roquefort tout seul ? Tu l'accompagnes forcément ?
- François DURAND
Ah, il faut du pain.
- Romain LE GAL
Et dans la région, on le consomme comment majoritairement, le roquefort ?
- François DURAND
Le roquefort, c'est ça, ça veut dire du bon pain de campagne. Après, les érudits, peut-être, prennent de la confiture, de mûres ou de broseilles.
- Romain LE GAL
Les érudits, complètement, les érudits.
- François DURAND
Mais bon, moi non, moi je suis... C'est terroir, c'est pain de campagne et une bonne couche de roquefort. Il y en a qui rajoutent du beurre, mais bon, non.
- Romain LE GAL
Pour finir sur une question bonus, François, c'est quoi ta pizza préférée ?
- François DURAND
Bon, moi, je dis pizza, mais je ne suis pas très pizza.
- Romain LE GAL
Et si tu devais en choisir une ?
- François DURAND
Magritte canard.
- Romain LE GAL
Une pizza au magritte canard. D'accord.
- François DURAND
Parce qu'on a une pizza YOLO qui vient sur du Rhin, qui fait de bonnes pizzas avec du magritte canard.
- Romain LE GAL
Donc, du coup, c'est ta pizza préférée ?
- François DURAND
Oui, c'est ma pizza préférée, oui.
- Romain LE GAL
Merci beaucoup d'avoir pris le temps.
- François DURAND
Merci à toi d'être venu.
- Romain LE GAL
Merci beaucoup d'avoir pris le temps de nous accueillir ce matin. Merci à vous de nous avoir écoutés. J'espère que cet épisode vous a plu. On se retrouve dès la semaine prochaine pour un nouvel épisode sur cette série spéciale consacrée au Roquefort. N'hésitez pas à nous laisser des commentaires, à partager cet épisode et à nous mettre plein d'étoiles sur les plateformes d'écoute. Je vous dis à très bientôt pour un nouvel épisode de l'Échange.