- Romain Le Gal
Bienvenue sur Lait'Change, le podcast qui donne la parole aux actrices et aux acteurs de la filière laitière et fromagère. Je suis Romain Le Gal et avec France Frais, nous sommes très heureux de te retrouver pour ce nouvel épisode. Aujourd'hui, nous te proposons de partir à la découverte d'un fromage emblématique d'Auvergne, le salaire. Actualité météorologique de cet été 2024, ce faisant, nous allons aussi parler de Cantal. Mais bon, ça vous comprendrez bien pourquoi dans le podcast. Je me suis donc rendu fin juillet dans le Cantal pour aller à la rencontre de Joël Mercier et son fils Benjamin. Ils sont installés à Levigeant, juste à côté de Mauriac, dans les monts du Cantal. Lors de cet épisode, nous allons parler de Salers, de Cantal fermier, d'histoire de la région, mais aussi de transmission. Bonne écoute ! Quand on se rend à la ferme, pas évident de prendre le bon chemin. En arrivant, je suis accueilli par Joël, qui me dit que son fils Benjamin est déjà à la traite. Je vais donc directement le retrouver. Bonjour Benjamin. Bonjour Romain. Comment vas-tu ce matin ? Ça va,
- Benjamin Mercier
ça va, en pleine forme.
- Romain Le Gal
Donc toi Benjamin, t'es le fils de Joël. Voilà. Et t'es en cours d'installation. C'est ça. C'est quoi ton... ça va se passer quand ? Comment ça se passe ?
- Benjamin Mercier
Donc là, le projet, il est sur la fin. Ça serait pour une date d'installation à partir du 1er janvier 2026.
- Romain Le Gal
1er janvier 2026, donc c'est en cours. Aujourd'hui, c'est quoi l'exploitation en quelques chiffres ?
- Benjamin Mercier
Donc l'exploitation, c'est 45 vaches laitières à la traite toute l'année pour 50 vaches en bâtiment, avec une surface de 92 hectares de SAU.
- Romain Le Gal
Surface agricole utile.
- Benjamin Mercier
Surface agricole utile, avec un atelier de transformation fromagère en Cantal et Salers. Et une partie sur trois mois en livraison en laiterie à notre coopérative chez Duroux.
- Romain Le Gal
Vous avez quoi comme race de vaches ?
- Benjamin Mercier
Donc nous on est en Montbéliard et en Prim'Holstein. Après on est tout en race pure, conduit en race pure. Une partie un peu en croisé limousin sur des vaches qui ont quelques problèmes à retenir. Et sinon...
- Romain Le Gal
Il y a une vache un peu particulière aussi.
- Benjamin Mercier
Une petite kiwi, une croisée suisse Holstein.
- Romain Le Gal
Et c'est quelque chose que tu as toujours voulu faire, revenir sur l'exploitation ?
- Benjamin Mercier
Moi, depuis que je suis tout petit, c'est travailler avec papa à la ferme et j'ai toujours dit que j'arriverais à faire ça et on est en train de réaliser ce projet.
- Romain Le Gal
Donc là, vous produisez du Salers et du Cantal fermier, c'est quoi qu'il faut dans le cahier des charges pour avoir du bon lait, pour faire ces bons fromages ?
- Benjamin Mercier
C'est une alimentation basée en 100% à l'herbe, avec une partie, on a le droit sur le cahier des charges à 5% de matières sèches, donc un peu de concentré et un petit peu de foin. Et après, la différence avec le Cantal, c'est que le Cantal, il n'y a pas trop de restrictions. Les vaches ont le droit de manger de l'enruba nage, ont le droit de manger du foin, et on considérait comme un bâtiment toute l'année, sauf qu'elles sont obligées d'aller dehors, pâturer un peu d'herbe quand même.
- Romain Le Gal
Donc aujourd'hui, vous travaillez votre assolement aussi en fonction de ça ?
- Benjamin Mercier
En fonction du temps qu'il fait, comme là, on est au mois de juillet, on est en pleine sécheresse, on est repassé en Cantal parce qu'on n'a plus d'herbes et il faut bien faire manger les vaches. On ne peut pas les laisser crever de faim, donc on tourne en foin et en rubanage, vaches laitières et un peu de farine, d'orge et maïs.
- Romain Le Gal
Alors la particularité du Salers, c'est qu'il y a des périodes de production où on peut produire le Salers.
- Benjamin Mercier
Donc le production Salers, c'est 15 avril, 15 novembre. Et après le Cantal, c'est 15 novembre, 15 avril.
- Romain Le Gal
Alors où ? Quand les vaches ne sont plus à l'herbe. Pour produire du Salers, il faut que les vaches soient absolument à l'herbe. Bon bah super, je vais te laisser finir de traire et puis on se retrouve tout à l'heure. Eh bien à tout à l'heure. A tout. La traite est finie, Joël est déjà en fromagerie. Je vais donc m'équiper et vais le rejoindre pour suivre sa matinée. Tu vas voir, il n'arrête pas une seconde. Là qu'est-ce que tu es en train de faire Joël ?
- Joël Mercier
Je suis en train de décompacter la tome, la tome broyée salée. Je suis en train de la décompacter pour monter la pièce.
- Romain Le Gal
Une étape un peu physique ?
- Joël Mercier
Une étape physique parce qu'on a le dos un peu... La caisse est basse et il faut se plier un peu. Il est vrai que c'est assez usant et les mouvements sont intenses donc ça consomme un peu d'énergie humaine.
- Romain Le Gal
Alors là, Joël, tu es en train de faire une étape importante.
- Joël Mercier
Donc là, c'est le décaillage. J'ai pris mon tranche caillé et je vais découper le caillé jusqu'à obtenir des grains entre des grains de riz et des grains de maïs. Cette opération dure à peu près 10 minutes. Au début, on y va tout doucement pour ne pas... Briser trop le caillé trop rapidement et ensuite j'augmenterai le rythme avant de réussir l'étape finale, c'est-à-dire des grains de maïs bien indépendants les uns des autres qui vont permettre un égouttage plus facilité de l'atome.
- Romain Le Gal
Aujourd'hui tu produis du Cantal fermier et du Salers, les vaches ne sont pas à l'herbe du coup on est en Cantal fermier ce matin. Mais le lait a été mis dans une cuve un peu particulière, est-ce que tu peux nous en parler ?
- Joël Mercier
Donc là, le lait est réceptionné à la traite du matin et du soir dans une gerle. Cette gerle est en châtaignier, c'est un bois qui permet un bon ensemencement en bactéries lactiques. Nous, on n'utilise aucun ferment lactique, tout est ensemencé directement dans le bois. Et j'utilise la gerle donc bien sûr pour le Salers mais aussi le cantal fermier qui on a le droit aussi de faire du cantal fermier dans une gerle en bois.
- Romain Le Gal
Aujourd'hui, t'aime ce contact tous les matins, tous les soirs avec la matière ?
- Joël Mercier
Oui, après le fait de transformer le produit issu de nos vaches, c'est une finalité, un aboutissement dans notre travail aussi quoi. On va au bout du produit.
- Romain Le Gal
Là tu continues de décailler, qu'est-ce que tu penses de ton caillé ?
- Joël Mercier
Là il est encore du travail parce que c'est pas fini. On voit qu'il y a encore des morceaux qui sont collés les uns aux autres. Donc il faut continuer parce qu'on voit qu'il y a quelques morceaux qui remontent qui sont encore un peu trop gros. Donc il faut continuer.
- Romain Le Gal
Joël, tu m'indiques que c'est terminé ?
- Joël Mercier
Donc là, l'étape du décaillage se termine. On voit que les grains de maïs sont tous indépendants les uns des autres. Donc là, l'étape se termine. Je donne un petit dernier coup de planche rapide, un coup de tranche-caillé rapide. Et après, c'est terminé. Je vais laisser reposer pendant 10 minutes. Et après, je posséderai à l'étape du rassemblage avec la planche.
- Romain Le Gal
Ça, c'est aussi une particularité.
- Joël Mercier
C'est une particularité, c'est-à-dire qu'on procède à l'égouttage, on commence l'égouttage des graines caillés pour obtenir la future tome à venir.
- Romain Le Gal
Qu'est-ce que tu es en train de faire là Joël ?
- Joël Mercier
Je monte une pièce de Cantal, donc la tome que j'ai décompactée tout à l'heure, je suis en train de la remettre, de la réagglomérer, c'est-à-dire qu'elle va dans le moule, afin d'obtenir un fromage de 45 kg, donc un cantal fermier.
- Romain Le Gal
Alors, ce moule, il est différent entre un Cantal et un Salers ?
- Joël Mercier
Donc là, c'est un moule Cantal, c'est-à-dire c'est un moule qui est formé d'une seule pièce, donc avec une poignée, il s'ouvre, il se referme tout simplement, et avec deux assiettes, une assiette dessous, une assiette dessus, et donc c'est ça le moule à Cantal. Par contre, le moule Salers, donc si on veut prendre un moule Salers, on a une assiette, on a une...
- Romain Le Gal
Une assiette qui a un bord un peu détalonné, vraiment le diamètre du bas de l'assiette n'est pas le même que du haut de l'assiette.
- Joël Mercier
C'est-à-dire qu'on met le moule à l'intérieur comme ça, on met les deux parties du moule et il y a une partie mobile à l'intérieur. C'est-à-dire qu'on la soulève et on monte la pièce au fur et à mesure.
- Romain Le Gal
Donc le moule a trois parties, il a l'assiette, la tresse. Et le corps du moule.
- Joël Mercier
C'est ça. Donc le corps du moule reste immobile, lui il ne bouge pas. Et après on a juste à monter la partie, la tresse à l'intérieur qui va monter, qui nous permet de monter progressivement la pièce de Salers. Et dessus après on met une plaque en téflon, dessus, qui nous permet le pressage du fromage.
- Romain Le Gal
Et ces moules, tu mets aussi quelque chose dans le moule, il y a une toile. On n'en a pas parlé de la toile ? Oui. Elle a quel usage cette toile ?
- Joël Mercier
La toile a eu pour usage de tenir les grains de tome les uns avec les autres.
- Romain Le Gal
C'est déjà pratique ?
- Joël Mercier
Déjà oui, parce que sinon c'est impossible de le faire. Et en plus, cette toile on l'ensemence afin d'obtenir au cours de l'affinage une croûte régulière, homogène, boutonnée, qui va être spécifique et du cantal que je suis en train de fabriquer aujourd'hui et quand on est en Salers aussi, de permettre de développer la flore microbienne extérieure pour obtenir une belle croûte du fromage.
- Romain Le Gal
Donc là, la tomme est finie d'être montée. Et là, qu'est-ce qui va se passer du coup, Joël ?
- Joël Mercier
Le cantal qui est... Je vais le mettre sous la presse. Je vais adapter la pression afin de procéder au pressage du fromage.
- Romain Le Gal
Et ça va rester là jusque quand ?
- Joël Mercier
Il va rester 48 heures sous presse et je vais le retourner 5-6 fois au minimum.
- Romain Le Gal
Et l'empreinte, tu vas la mettre quand ?
- Joël Mercier
Je la mettrai au dernier moment, à la fin, c'est-à-dire avant d'aller à la cave, c'est-à-dire 12 heures avant la cave, d'entrer à la cave.
- Romain Le Gal
Donc l'empreinte sur un cantal fermier, ça sera marqué « Cantal fermier » dessus ?
- Joël Mercier
Deux faces « Cantal fermier » , et si c'était du Salers, on met une seule empreinte marquée « Salers» .
- Romain Le Gal
« Salers» , « Salers».
- Joël Mercier
« Salers» , « Salers» , deux fois.
- Romain Le Gal
Deux fois ?
- Joël Mercier
Mais sur une seule face.
- Romain Le Gal
Donc là, ce
- Joël Mercier
Cantal, il va aller à la cave ce soir.
- Romain Le Gal
D'accord. Donc là,
- Joël Mercier
je vais enlever le moule, changer la toile et mettre les deux empreintes Cantal Fermier.
- Romain Le Gal
Plaque verte Cantal au lait cru, avec marqué Cantal Fermier après sur les deux faces, donc Cantal Fermier. S'il n'y avait pas ces plaques-là, ça pourrait être Cantal lait cru seulement. Alors que sur un Salers, la plaque, elle sera rouge. Rouge, évidemment. Et c'est aussi un caractère qu'on peut voir sur le bord du fromage. Donc, c'est une petite plaque en plastique qui est mise. Donc là, la trace a été mise d'un côté. Retournement, c'est du sport. 45 kilos, pas besoin de salle de sport, Joël. Non,
- Joël Mercier
non, ça va. La muscu, ça se fait tous les jours. Et c'est du boulot, mais bon, c'est pas trop usant, ça va. Donc là, c'est la tomme d'hier soir. Je suis en train d'enlever la toile. Je vais couper la tome en tranches, en grosses tranches, et la mettre sur la table de maturation qui est derrière moi.
- Romain Le Gal
Donc il y a une phase de maturation qui est assez longue de la tomme.
- Joël Mercier
Voilà, c'est ça. Donc là, la tome qui est devant nous, elle va être broyée et salée.
- Romain Le Gal
Donc ça,
- Joël Mercier
c'est la tomme d'hier matin qui est restée sur la table de maturation.
- Romain Le Gal
Qui là va être salée, broyée et attendre quand pour être moulée ?
- Joël Mercier
Elle attendra. Donc ça, je vais le faire dans les minutes qui suivent. Et elle va être broyée et salée et elle sera mise en moule ce soir. Je découpe ma tome et je vais la mettre après sur la table de maturation.
- Romain Le Gal
Là, tu es en train de...
- Joël Mercier
Je suis en train d'installer mon brise-tome. Je vais y mettre la caisse dessous et on va procéder au broyage de la tome et du salage en même temps. On met à peu près 20 grammes, entre 20 et 24 grammes de sel par kilo de tome.
- Romain Le Gal
Donc ça, c'est vraiment une spécificité de la technologie dans la région. C'est pâte pressée non cuite, à caillé broyé avec le salage dans la masse.
- Joël Mercier
C'est ça exactement, broyage, salage.
- Romain Le Gal
Et le salage, que ce soit un saers ou un cantal, c'est...
- Joël Mercier
On est à peu près sur une quantité de sel qui va de 20 à 24 grammes au kilo.
- Romain Le Gal
Ok. Étape importante du coup, tu es en train de...
- Joël Mercier
Donc là, broyage et salage en même temps de la tome. Donc là, je termine le premier broyage. Je vais reprendre la tome au fond de la caisse et la repasser une deuxième fois dans le brise-tome pour obtenir des grains bien fins, pas trop fins, et qu'ils assimilent au maximum le sel.
- Romain Le Gal
Maintenant la tome est faite et rassemblée et là tu es en train de soutirer
- Joël Mercier
Donc après avoir rassemblé la tome, j'enlève le lacto pour garder que le gâteau de tome au fond de la gerle et après on le passera dans le brise-tome, dans le presse-tome.
- Romain Le Gal
Et qu'est-ce que t'en fais du lacto-sérum ?
- Joël Mercier
Donc le lacto il va dans une cuve et après ça sert à alimenter les cochons.
- Romain Le Gal
Consommation ?
- Joël Mercier
Les cochons ils sont vendus au mois de décembre pour faire de la charcuterie.
- Romain Le Gal
Bonne charcuterie.
- Joël Mercier
Chambon, jambon, saucisson, pâté.
- Romain Le Gal
Pas de pertes. Le lacto... Il part au cochon. Alors qu'est-ce que tu vas faire là Joël ?
- Joël Mercier
Donc là on a enlevé le lacto, on a soutiré le lacto. Maintenant je vais découper ma tome dans la gerle avec le couteau pour permettre un égouttage dans la gerle déjà dans un premier temps. Et ensuite je vais retirer les morceaux que j'aurais prédécoupés pour les mettre dans le prestom.
- Romain Le Gal
Et c'est quoi l'outil que tu as mis au milieu ?
- Joël Mercier
Donc là c'est le pouset. Donc je vais m'en servir pour pousser en même temps, donc comme son nom l'indique, on pousse sur la tome, ça permet de sortir du lacto et pour faciliter le travail aussi au presse-tome.
- Romain Le Gal
Au prestum qu'on appelle aussi ?
- Joël Mercier
Catcheuse.
- Romain Le Gal
Ah on va aller à...
- Joël Mercier
Catchaïre, catcheuse, catchaïre.
- Romain Le Gal
D'accord, moi je disais catchaïre, mais ça dépend des cantons ça.
- Joël Mercier
Ça dépend de la façon dont on parle le patois.
- Romain Le Gal
Exactement.
- Joël Mercier
Nous on est plus des catchaïres ici.
- Romain Le Gal
Donc on va aller voir la catcheuse.
- Joël Mercier
Voilà.
- Romain Le Gal
La tome a été mis dans la catcheuse. Qu'est-ce qu'on y fait et à quoi ça sert ?
- Joël Mercier
La catcheuse sert à obtenir un extrait sec souhaité pour après avoir des fromages qui vont être aptes à bien vieillir en cave. Du coup, moi je vais utiliser le presse-tome pour faire en grosso modo une dizaine de retournements. On soulève la partie mobile, on découpe. Et après, au niveau du manomètre, on règle les pressions successives à chaque fois qu'on procède au pressage.
- Romain Le Gal
Donc là, le but du jeu, c'est d'enlever de l'humidité ?
- Joël Mercier
On enlève, oui. Donc on essaye d'obtenir, au dernier retournement, il faut qu'on soit environ entre 54 et 55% d'extrait sec. L'extrait sec, on l'obtient bien sûr en découpant, en rassemblant une nouvelle fois et en pressant.
- Romain Le Gal
Et ça dure combien de temps cette phase de pressage de cette tome ?
- Joël Mercier
On va dire que dès que la tome est dans le presse-tome, il faut bien compter entre une heure, minimum une heure pour moi, et une heure vingt maximum de pressage.
- Romain Le Gal
Ok. Pas évident de remettre tout cela dans l'ordre quand on suit Joël. qui ne perd pas une minute pour que tout s'enchaîne correctement. On sent vraiment qu'il y a du métier et de l'habitude. Si on synthétise, pour se remettre les idées au clair, le lait tout juste trait va directement dans la gerle. La gerle, c'est cette fameuse cuve en bois de châtaignier qui va permettre d'ensemencer le lait. On va ensuite rajouter la présure, puis laisser coaguler. On va décailler avec le tranche caillé, aussi appelé frénial, Puis On laisse ce caillé se rassembler dans le fond de la gerle. On peut l'aider avec un outil qu'on appelle la planche. Après avoir soutiré le petit lait, on va remettre une pression sur le pain de cillé pour aider à l'égouttage à l'aide du pouset. Passage ensuite à l'étape du presse-tome, aussi appelée catchaïre ou catcheuse. On va mettre ce pain de callé qu'on va découper en gros blocs. et presser au moins six fois dans le process du salers. On laisse ensuite cette tomm acidifier avec un temps de repos de 8 à 12 heures. Cela va aider à favoriser le développement des germes lactiques. La tome sera ensuite broyée et salée, puis il y a encore un peu de repos. Passage à l'étape du montage de la pièce avec un moule qui a trois parties pour le salers. Il va être tapissé d'une toile en lin. La tome En moule est ensuite placé sous un pressoir, qu'on appelle aussi pesadou, pendant 48 heures. On n'en a pas parlé avec Joël, mais chez lui, après quelques jours, les fromages sont ramassés pour partir chez l'affineur. Pour devenir salers AOP, l'affinage est de minimum 3 mois à compter du montage de la pièce. Maintenant que tout cela est remis dans l'ordre, on peut retrouver Joël et Benjamin pour continuer notre temps d'échange sur une table en bois dehors. au pied de la fromagerie. Joël, toi, tu m'as indiqué que tu n'étais pas fils d'agriculteur. Comment tu es arrivé là ?
- Joël Mercier
Exactement. Mes parents n'étaient pas dans le milieu agricole, mais j'ai toujours baigné dedans parce que du côté de la famille, il y a quand même du monde dans l'agriculture. Toutes les vacances, je les passais au milieu des vaches chez un oncle et une tante. Et ils m'ont donné ce goût de l'agriculture. Cette passion pour l'élevage en premier, et après le choix de la fabrication est venu un peu plus tard, mais c'était quelque chose qui était ancré en moi depuis très longtemps.
- Romain Le Gal
Et donc le choix de la fabrication, pourquoi du coup le Salers, et puis qu'on ne peut pas faire du Salers, du Cantal ?
- Joël Mercier
Parce que c'était pour moi un objectif essentiel, et ça donnait un aboutissement au travail quotidien que j'allais exercer à l'avenir. S'il n'y a pas de fromage, pour moi il n'y a pas de métier, ce métier pour moi il n'existe pas, pour moi personnellement.
- Romain Le Gal
Alors on va parler de Salers, aujourd'hui on a vu de la fabrication de cantal fermier mais c'est que les vaches ne peuvent pas être à l'herbe dû à la sécheresse même si on est au mois de juillet, il n'y a pas beaucoup d'herbe. C'est un très vieux fromage, est-ce que tu peux me conter un peu cette histoire ?
- Joël Mercier
Sur des ouvrages que j'ai pu lire, ça remonte au XIIe siècle où c'était les moines cisteriennes de l'époque qui étaient basées en Corrèze en fait. Sur la zone d'Aubazine, en Corrèze, là-bas, et ils avaient des fermes, bien sûr, ils avaient aussi des abbayes et des fermes dans le Cantal, dans lesquelles ils faisaient de l'élevage à l'époque déjà, et ils avaient lancé cette pratique du fromage dans les montagnes, sur les plateaux du Limon, et là, ils avaient commencé des fabrications qui commençaient, bien sûr, la traite, le pressage du fromage. Des volumes, des gabarits de fromage qui n'étaient pas aussi gros qu'aujourd'hui, parce que la technique de l'époque était quand même assez rudimentaire, on va dire.
- Romain Le Gal
Et puis les vaches avaient moins de rendement également.
- Joël Mercier
Les vaches sûrement moins de rendement, des troupeaux qui peut-être n'étaient pas très importants, il n'y a pas trop de données là-dessus, mais c'était déjà les prémices du futur salers qu'on fabrique aujourd'hui, dans des burons, et c'était déjà une technique qui était déjà pour moi... Quand on lit ça et qu'on est en 2025, on se dit mais comment ils faisaient quoi ?
- Romain Le Gal
Alors tu me parlais tout à l'heure que toi t'as vécu un petit peu, t'as été dans les burns jeunes. Déjà c'est quoi un buron ? Parce que tout le monde n'est pas venu encore en Auvergne. C'est quoi ces buron ?
- Joël Mercier
Donc les burons étaient construits au milieu, sur des parcelles de montagne. Donc chaque montagne avait son bureau.
- Romain Le Gal
C'était un bâtiment assez bas.
- Joël Mercier
C'était un bâtiment en pierre avec une partie en bas au sous-sol. Donc on a une petite partie avec une porte d'entrée, une cheminée, une pièce qui ressemble à une petite cuisine en quelque sorte. Et au fond de cette cuisine, il y a une cave voûtée en pierre. Et à l'étage, il y avait le logement et des fromagers de l'époque. Les fromagers, les aides fromagers. Et la partie aussi de l'autre côté du buron, bien souvent, qui était sur la cave, dans laquelle vivaient les éleveurs de l'époque.
- Romain Le Gal
Qu'on appelait les cantalous.
- Joël Mercier
Oui, les cantalous, les gars qui montaient dans les montagnes. Les vachés. Oui, les vachés, les boutillers, les patres.
- Romain Le Gal
C'était quand même assez masculin.
- Joël Mercier
Oui, là c'était vraiment un monde masculin. Et donc là, de cette deuxième partie du buron, il y avait la partie où ils mettaient les veaux. Donc ça, c'était au-dessus de la cave en fait. Ils appelaient ça le bidela.
- Romain Le Gal
Et toi Benjamin, comment tu décrirais ton terroir, ta région ? Parce qu'aujourd'hui tu as 20 ans, tu es né là. Comment tu donnerais envie aux gens de venir ? Qu'est-ce qu'il y a à voir ? Comment tu décrirais ton terroir ?
- Benjamin Mercier
On a des montagnes qui sont quand même mythiques du coin. Le Puy-mary, le Col de Néron, tout ça c'est des coins qui sont vraiment beaux à voir. On a des paysages magnifiques sur la région. Il y a plein d'exploitations à visiter. C'est des paysages...
- Joël Mercier
A perte de vue de l'herbe,
- Benjamin Mercier
de l'herbe, de tout un tas de cultures différentes qui se développent aussi dans la région. Il y a plein de choses à voir. C'est une région magnifique.
- Romain Le Gal
C'est une région magnifique. Aujourd'hui, tu es impliqué dans le syndicat du salers ? Tu agis ? Donc, je suis membre de la section salers au niveau, au sein du CIF.
- Joël Mercier
Alors, le CIF,
- Romain Le Gal
c'est quoi ? Le CIF, c'est le Comité Interprofessionnel des Fromages. Donc, ils s'occupent de gérer l'AOP Cantal et l'AOP Salers. Et au sein du CIF, il y a une section salers. Donc, on est des producteurs, il y a des affineurs. Et tous les mois, on se réunit pour parler de l'avenir de la filière de salers. et de travailler sur certains sujets, la qualité, la communication, tout ce qui concerne le cahier des charges qu'on est en train de revoir actuellement, qui est en phase finale en fait.
- Joël Mercier
Sur quel point ce cahier des charges est en train d'être revu ?
- Romain Le Gal
Donc on essaye de voir un peu pour assouplir un peu ce cahier des charges, pour qu'il y ait moins de contraintes, tout en gardant les fondamentaux du salers, parce qu'il ne faut pas s'écarter de trop. Donc l'herbe est toujours la base première de notre alimentation. Mais par contre, on a souhaité, pour éviter certaines périodes qu'on reconnaît, qu'on retrouve actuellement avec les changements un peu du climat, c'est des périodes de plus en plus tendues au niveau de la pousse de l'herbe. Donc on a essayé d'incorporer dans la ration des vaches une base de foin, de fourrage. Du fourrage qui est produit sur les exploitations exclusivement,
- Joël Mercier
pas sur la zone,
- Romain Le Gal
ça serait uniquement... Non, c'est sur la zone, c'est là le fourrage qui est distribué, si on doit en distribuer, c'est pas une obligation, s'il y a de l'herbe, assez d'herbe, on n'a pas besoin de donner de foin, mais c'est du fourrage qui est exclusivement issu de l'exploitation dans laquelle est fabriqué le salers.
- Joël Mercier
Donc c'est principalement ça dans la révision ?
- Romain Le Gal
Il y a cette révision au niveau de la quantité de fourrage qu'on peut apporter en période de critique, on va dire. Après, c'est plus de l'aspect technique au niveau de la fabrication. Donc, on a des tolérances au niveau de la maturation de la tome qui donne un peu plus de souplesse.
- Joël Mercier
Et aujourd'hui, on en discutait un petit peu hors micro, chaque producteur de salers, a un petit peu sa façon de faire aussi. Ce qui fait qu'on a aujourd'hui un peu plus de 70 producteurs. Il y a 70 fromages différents. Oui,
- Romain Le Gal
parce que la gerle, en fait, c'est l'ADN de l'exploitation. tout l'environnement de notre exploitation. Déjà, il y a la traite, il y a ce que mangent nos animaux sur nos pâtures, mais le lait qui est récolté, qui passe dans la gerle, il a notre identité. C'est notre identité qui est dans la gerle.
- Joël Mercier
Et puis après, on a vu, il y a quand même beaucoup de facteurs où il y a la main de l'homme qui fait que le travail du fromager est important. Toi, Benjamin, comment tu décrirais le salers ?
- Benjamin Mercier
Le salers à décrire c'est un fromage qui a du goût, un caractère quand même. C'est un fromage qui est fait avec exclusivement de l'herbe, donc on se retrouve quand même ce côté un peu herbagé quand même.
- Joël Mercier
Un peu beurré. Un peu beurré,
- Benjamin Mercier
assez beurré même je dirais. C'est un fromage qui est quand même assez riche. C'est un fromage qui est fait, surtout un fromage qu'on retrouve riche, surtout au printemps. Quand les vaches sortent, l'herbe est pleine de sucre. Tout ça, ça se retrouve automatiquement dans le fromage. Et puis de la fabrication, de la traite au moment où on récolte, on traite les vaches au moment où le lait passe dans les tuyaux pour aller dans la gerle. Dès qu'il arrive dans la gerle, l'essence même du bois donne un goût et ça se retrouve tout de suite dans le fromage.
- Joël Mercier
C'est quoi pour toi Benjamin ? de ta jeunesse un peu moins de recul, mais aussi une approche qui est un peu différente. Et c'est intéressant d'avoir deux générations à la table. C'est quoi pour toi les enjeux de l'agriculture et du salers demain ?
- Benjamin Mercier
Au niveau du climat, je ne peux pas m'avancer. Je ne sais pas ce qui va se passer. On a eu deux années exceptionnelles avec de l'eau qui tombait l'année dernière. Certes, du fourrage un peu moins bon pour l'hiver, mais on a pu fabriquer du salers jusqu'à la fin septembre. Après, tout le groupe a eu une baisse de production, donc tout le monde a été impacté. Donc du coup après on est passé en Cantal mais c'est vraiment le climat qui va décider dans les années à venir ce qui va se décider.
- Romain Le Gal
Même si toi il te reste quand même quelques années à bosser, pour toi c'est quoi les enjeux demain que Benjamin va avoir à relever ou qu'on aura à relever de manière générale ?
- Joël Mercier
Déjà on va les relever ensemble parce qu'il va s'installer avec moi là, là il est salarié depuis deux ans. Il est salarié et puis 1er janvier prochain il faudra qu'on vienne avec une bouteille de champagne apparemment. Il va s'installer donc avec moi là complètement.
- Romain Le Gal
Ou deux salers.
- Joël Mercier
au début de l'année 2026. Mais du coup, moi, je souhaite... Bon, déjà, on va travailler au minimum 10 ans ensemble. Moi, j'ai posé les premières pierres de l'exploitation. Lui, il va continuer de les poser avec moi. Et après, je souhaite que tout se passe pour mieux.
- Romain Le Gal
Et tu penses qu'il aura des défis, des choses, dans les 20 prochaines années qui vont arriver ?
- Joël Mercier
Les défis, on en a tous les jours. Donc, chaque jour est un défi.
- Romain Le Gal
Chaque jour suffit sa faible.
- Joël Mercier
Il faut être là tous les jours. Il faut être attentif tous les jours. Il faut... Il faut se forcer à faire des choses, peut-être que des fois on n'a pas envie de faire, mais il faut quand même les faire. Bon,
- Romain Le Gal
tu disais qu'effectivement, vous avez chacun plus ou moins vos tâches. Vous arrivez quand même à vous dégager des week-ends, l'un puis l'autre. Et puis toi, tu me disais aussi, Benjamin, tu vas un petit peu moins aux fromageries aujourd'hui. C'est plus la partie de ton papa.
- Benjamin Mercier
Après, je ne vais pas souvent à la fromagerie, sauf aux réunions ou comme on disait tout à l'heure, si mon père est malade. Mais après, si j'y vais pas, pour qu'on ait toujours un produit régulier. Parce que, bon, ça fait longtemps, même mon père et tout ça, on en avait parlé, mais ça reste, quand c'est toujours le même qui fait la même chose, le produit reste toujours régulier et c'est toujours la même qualité, la main de l'homme.
- Joël Mercier
Oui, on privilégie l'homogénéité du fromage, mais même tout en sachant que d'un jour à l'autre, t'as peut-être pas toujours les mêmes goûts, mais quand c'est... La rigueur, elle est là, quoi. site du tu dis, aujourd'hui, ce n'est pas moi, c'est toi. Je veux dire, il faut qu'il y ait de la rigueur. Donc, c'est ce qu'on a voulu. Moi, je vais à la fromagerie parce que ça me plaît. Et après, comme s'il y a besoin de partir quelque part, Benjamin est tout à fait apte à me remplacer. Mais c'est ma fonction principale de faire le fromage.
- Romain Le Gal
Avant de terminer, j'aurais une dernière question. Quelle est votre pizza préférée ? Alors, c'est la question un peu rituelle du podcast. C'est quoi votre pizza préférée ?
- Benjamin Mercier
Moi, je vais rester sur le local, c'est la moriaquoise.
- Joël Mercier
La moriaquoise, qu'est-ce que c'est ?
- Benjamin Mercier
C'est une base de tomates avec du fromage dessus. C'est une pizza basique. Fromage, tomates. Après dessus, il y a des lardons, quelques champignons. Après, passé à la maison, on rajoute un peu de cantal dessus, un peu de salers,
- Romain Le Gal
c'est toujours mieux. et toi Joël ? moi je vais dire la 4 fromages pour être un peu classique mais les fromages attention que du fromage d'Auvergne je suis prêt du local merci beaucoup de m'avoir accueilli ce matin c'était un super moment de partage ensemble et puis comment on dit à bientôt ici en patois ?
- Joël Mercier
à la prochaine c'est pas du patois ça vous dites à la prochaine aussi Merci beaucoup les gars.
- Romain Le Gal
A bientôt, salut. Quel épisode et quelle rencontre ? Le Salers AOP, qui est une appellation 100% fermière au lait cru entier, a une vraie identité avec un savoir-faire et une histoire reliées à son terroir. La gerle permet vraiment d'illustrer cela. C'est unique et donne une réelle spécificité à ce fromage. Même si cela n'était pas prévu, cette rencontre nous aura également permis de montrer quelques différences entre le salers et le cantal fermier, notamment sur l'alimentation. On espère que cet épisode t'a plu. N'hésite pas à le partager ou à nous laisser des commentaires sur les réseaux. On te dit à très bientôt pour un nouvel épisode de Lait'change.