- Romain Le Gal
Bienvenue sur Lait'Change, le podcast qui... Ah ! Cette fois-ci, c'est un truc un peu spécial. L'échange n'est pas tout seul. Bonjour Laetitia.
- Laëtitia
Bonjour Romain.
- Romain Le Gal
On fait une première collab avec...
- Laëtitia
Le guide du fromage.
- Romain Le Gal
.com
- Laëtitia
.com, tout à fait.
- Romain Le Gal
Et on va vous proposer une série un peu spéciale tournée où, Laetitia ?
- Laëtitia
Eh bien, nous sommes sur le Mondial de Tours.
- Romain Le Gal
Le Mondial du fromage de Tours. Et on va vous proposer quelques épisodes un peu spéciaux avec plein d'invités et plein de surprises. Et on vous souhaite quoi ? On vous souhaite une très belle écoute ! Dans ce premier épisode inédit, nous allons te proposer d'aller à la rencontre de 4 invités et de traiter 3 sujets. Nous allons tout d'abord parler du Mothais-sur-Feuille qui a obtenu son AOC fin 2024 avec Delphine Georgelet, productrice de fromage de chèvre fermier dans les Deux-Sèvres. Cela sera ensuite le tour de Matthieu Thuillier, qui a représenté la France au concours mondial du meilleur fromager. Avec Laëtitia, nous lui avons tendu le micro la veille de la compétition. Matthieu nous parlera de son parcours, mais également de sa préparation à ce concours. Pour clôturer cet épisode incroyable, on parlera de transmission. Pour ce faire, nous avons eu la chance d'avoir comme invités Pierre Gay et Paul Morpain, nous donnons quelques clés de réussite, avec leur exemple inspirant. Sur ce, nous te souhaitons une très bonne écoute. Bon Laëtitia, on accueille qui là tout de suite maintenant ?
- Laëtitia
Eh bien écoute, moi j'ai le bonheur à l'accueillir, c'est Delphine Georgelet qui est avec nous.
- Romain Le Gal
Ah bonjour Delphine ! Bonjour ! Comment ça va ?
- Delphine Georgelet
Ça va bien, merci.
- Romain Le Gal
Delphine, on t'a proposé de venir pour parler d'un fromage que tu connais bien, c'est quoi ?
- Delphine Georgelet
Le Mothais-sur-feuille.
- Romain Le Gal
Le Mothais-sur-Feuille. Et donc... Toi, pour commencer, est-ce que tu pourrais te présenter en quelques mots ? Qui es-tu Delphine ?
- Delphine Georgelet
Alors moi je suis dirigeante de la ferme Georgelet. Une ferme qui a les champs, qui a les chèvres, la transfo-fromagère et la commercialisation. On fait tout de A à Z.
- Romain Le Gal
Et cette ferme-là, elle est où ?
- Delphine Georgelet
Elle est à Villemain, dans un tout petit village dans le sud des Deux-Sèvres.
- Romain Le Gal
Donc le 79.
- Delphine Georgelet
Exactement, c'est ça.
- Romain Le Gal
Et t'as combien de chèvres ?
- Delphine Georgelet
Aujourd'hui on en a 670. Et on va tout transformer en lit.
- Romain Le Gal
Ok, et donc tu fais aussi ce fameux fromage qui est ?
- Delphine Georgelet
Le Mothais-sur-Feuille.
- Romain Le Gal
Alors tu ne fais pas que ça sur la ferme ?
- Delphine Georgelet
Non, le Chabichou du Poitou qui est en AOP, le carré, la tomme, on a une tomme en lactique entre 2 et 4 mois d'affinage, une tour de Paul, une petite dédicace pour mon papa, le dôme, le carré, des frais aussi et à la fleur de sel.
- Romain Le Gal
Et le Mothais-sur-Feuille, ça a été un fromage que vous faites depuis toujours ?
- Delphine Georgelet
Alors, moi depuis que je suis petite, j'entends parler du Mothais. Et du coup, c'est un Mothais que mon père a beaucoup, beaucoup défendu. Il a mis 23 ans pour obtenir l'AOC, donc plus de la moitié de ma vie.
- Romain Le Gal
Est-ce que tu peux nous parler un peu les caractéristiques de ce Mothais ?
- Delphine Georgelet
Fromage de chèvre avec un caillage lactique, un caillage lent. 24-48 heures de caillage, donc c'est vraiment très très lent. Moulé à la louche, avec un nombre de tours aussi de louche.
- Romain Le Gal
C'est combien de louches ?
- Delphine Georgelet
Trois minimums, ce qui va lui permettre d'avoir quelque chose de très onctueux. Et du coup, on ne va pas tasser le caillé quand on va le mouler. On va mettre la feuille à deux jours après démoulage, pour que du coup la feuille donne vraiment une saveur particulière. C'est une feuille de châtaignier.
- Romain Le Gal
Et ça vient d'où alors ? C'est quoi cette fameuse... Feuille de châtaignier.
- Delphine Georgelet
Alors, nous, dans notre territoire, il y a beaucoup de châtaigniers. C'est ce qu'on appelle les terres rouges, il y a beaucoup de châtaigniers. Et la feuille, elle est cueillie, elle n'est pas ramassée. On la cueille dans l'arbre, parce qu'il ne faut pas qu'elle soit humide. Et après, on la fait sécher pendant au moins une année, juste tranquillement dans de l'air, avec l'air. On la met, et sa caractéristique, c'est qu'elle va donner un goût boisé au Mothais-sur-Feuille.
- Romain Le Gal
Donc toi, tu fais ramasser tes propres feuilles sur tes propres châtaigniers ?
- Delphine Georgelet
Non, je n'ai pas encore des forêts de châtaigniers. Non, il y a des parcelles et du coup, on définit les parcelles aussi. Avec le syndicat, on définit les parcelles, ce qui nous permet de savoir où est-ce qu'on a pris les feuilles. Et en fait, on doit au minimum avoir... Pour que le châtaignier aussi donne des jolies feuilles, il faut des repousses. C'est vraiment assez particulier par rapport déjà à l'arbre, en fait, qui va donner vraiment une caractéristique au fromage.
- Romain Le Gal
Donc fromage de chèvre, lait cru, entier, caillage long, cette petite feuille et puis après c'est combien de temps d'affinage minimum ce fromage ?
- Delphine Georgelet
On peut le faire partir à moins de 12 jours. Et là, par exemple, on a un Mothais qui a deux semaines et un qui a quatre semaines.
- Romain Le Gal
D'accord, donc devant nous, pour ceux qui nous écoutent et qui n'ont pas la vidéo, on a bien des Mothais avec cette petite feuille caractéristique. On voit une croûte un peu plissée, vermiculée, et trois jolis fromages avec ici un petit bleuissement. Et toi comment tu les trouves Laëtitia ces fromages ?
- Laëtitia
Alors moi je les connais bien, on va pas se cacher.
- Romain Le Gal
On va pas mentir.
- Laëtitia
On va pas mentir, je les connais très bien et je les adore mais ça c'est vrai c'est pas du tout parce que Delphine est devant moi que je dis ça. Ce sont des super fromages mais de manière générale les fromages de la ferme Georgelet sont délicieux.
- Romain Le Gal
Comment tu décrirais organoleptiquement ce Mothais-sur-Feuille en fonction des stades d'affinage ?
- Delphine Georgelet
Déjà c'est un fromage qui est extrêmement moelleux et plus il va s'affiner, plus il va prendre en saveur. Mais en saveur, ça va être vraiment un échange avec la feuille. Du coup, c'est sa caractéristique. Aussi, nous, dans nos fromages, on n'a pas de geotrichum de surface de synthèse. C'est notre géo qui est dans notre ferme. Ce qui fait qu'a priori, on reconnaît le goût de la ferme.
- Romain Le Gal
Il me semble que ça, c'est une particularité aussi de ce fromage. Quand j'ai lu le cahier des charges de l'AOC, vous êtes obligés de cultiver vos propres... levain ou travailler avec des ferments de la zone, issus de la zone et pour avoir cette spécificité aussi.
- Delphine Georgelet
C'est ça, alors on peut le faire soit au sérum, on peut faire le caillage direct au sérum.
- Romain Le Gal
Donc on rajoute du petit lait pour en semencer. Exactement. Sinon il y a d'autres méthodes.
- Delphine Georgelet
Avec un levain qu'on fabrique après chacun sa petite méthode, sa petite recette de grand-mère ou de grand-père. Voilà. Tu ne peux pas tout nous dire. C'est secret.
- Laëtitia
En tout cas, elle n'a pas l'air de vouloir tout nous dire. Je pense qu'il ne faut pas assister.
- Delphine Georgelet
Donc, on a effectivement cet élément-là. Et après, ce qui est spécifique chez nous, c'est que du coup, on ne rajoute pas une flore de surface.
- Romain Le Gal
D'accord.
- Delphine Georgelet
Donc, notre flore, elle est dans notre air ambiant, qui vient dès la chèvrerie, en fait. Parce que du coup, quand on va traire, déjà, en fait, le lait va...
- Romain Le Gal
C'est les flores endogènes. Donc, c'est vraiment les flores qui sont... présents sur la ferme. Comment tu décrirais ton terroir et comment tu mettrais ça en jonction avec le fromage de chèvre dans ta région ?
- Delphine Georgelet
On est sur une terre argilo-calcaire, avec du coup très peu de terre, beaucoup de pierres. Et ça, c'est une des caractéristiques pour faire pousser la luzerne. La luzerne, c'est le premier aliment des chèvres. Et on est une région où il n'y a quasiment pas beaucoup de pâturage parce qu'en fait, il n'y a pas d'herbe.
- Romain Le Gal
C'est des terres à cailloux.
- Delphine Georgelet
C'est des terres à cailloux, comme on dit. C'est ça.
- Romain Le Gal
Il n'y a pas grand chose qui pousse.
- Delphine Georgelet
Et les chèvres, elles adorent parce qu'en fait, elles ont besoin de grimper. Elles ont besoin historique. Enfin, depuis tout le temps, elles ont besoin d'aller grignoter. Elles cueillent. Et donc, du coup, nous, vraiment dans notre terre, c'est adapté pour les chèvres. Donc, il y avait à l'origine beaucoup, beaucoup de chèvres. et c'est une zone aussi où la chèvre, historiquement, c'était l'animal de la femme. Et du coup, dans les familles, la femme avait la chèvre, enfin les quelques chèvres, et les hommes avaient plutôt les cultures ou alors les vaches. Et à la base, il y avait un moule, une faisselle en terre avec quelques petits trous. Et ça, c'était le fromage frais qui était fait par les femmes pour la famille. Et après, du coup, il y a eu les châtaigniers et ils ont mis une feuille. Et voilà comment, enfin, vraiment la caractéristique. Et ce qui fait qu'aujourd'hui, on a effectivement tout le temps aussi cette feuille-là.
- Romain Le Gal
Et il me semble avoir lu qu'il y a eu aussi à un moment un essor sur la partie production laitière caprine dans la région, due à une crise, avec quelque chose qui était fort cultivé avant. Terre à cailloux, il y avait de la vigne. Et tu peux nous en parler un petit peu ?
- Delphine Georgelet
Oui, c'était la phylloxéra.
- Romain Le Gal
Le phylloxéra,
- Delphine Georgelet
oui. Il y avait beaucoup de vignes. Il n'y avait plus de vignes. Il n'y avait plus de vignes et du coup il fallait cultiver quelque chose. Et c'est là où la luzerne est arrivée. La luzerne est arrivée. La luzerne est arrivée.
- Romain Le Gal
Mothais ! Mothais ! Mothais-sur-feuille !
- Delphine Georgelet
Du coup la luzerne est arrivée à... pris effectivement la place des vignes. Et là, on a eu effectivement l'essor vraiment des élevages caprins dans les fermes.
- Laëtitia
Et on n'a pas trop parlé des races, justement, de chèvres ?
- Delphine Georgelet
Historiquement, il y avait la poitevine. C'est une chèvre avec les poils noirs un peu longs. Elles sont très têtues, les poitesvines, et elles ne peuvent vivre qu'entre elles. C'est-à-dire qu'il ne faut que cette race-là. C'est un petit groupe qui ne s'organise qu'entre elles. Après, sont arrivées deux autres races, les saanes, les blanches, et les alpines, les marrons.
- Romain Le Gal
Et chez toi, c'est ?
- Delphine Georgelet
Alors moi, c'est alpine, saanens et croisée. Moi je veux les trois races, j'ai pas un élevage avec qu'une seule race parce que du coup il y a des caractéristiques de lait selon les races et en fait moi étant fermière il y a aussi le côté je fais pas un lait typique, enfin mon lait il est typique mais parce qu'aussi il y a cette variété là.
- Romain Le Gal
On passe à un autre, tout à l'heure tu as déjà commencé à en parler cet AOC alors toi tu... ça va être la moitié de ton ta vie où tu as connu. C'est quoi un peu l'histoire ? Comment on en est arrivé là ?
- Delphine Georgelet
À la base, c'est un petit groupe de producteurs fermiers dont mon papa, Paul, qui, effectivement, ils fabriquaient tous du Mothais. Et à un moment, ils se sont dit ce Mothais-là, il faut qu'on le défende, il faut qu'on écrive un cahier des charges. Du coup, ils ont dû rédiger un cahier des charges pendant 23 ans.
- Romain Le Gal
C'est long.
- Delphine Georgelet
C'est extrêmement long.
- Romain Le Gal
Qu'est-ce qui fait que c'est aussi long ?
- Delphine Georgelet
Je crois que c'est les accords entre des fermiers qui ont, par exemple, juste 5 ans de chèvre, avec leur méthodologie. Et aussi, il y a eu une coopérative des laiteries. Il fallait accorder un petit peu déjà tout le monde. Il y a eu ce qu'on appelle les allers-retours avec l'INAO pour rédiger les...
- Romain Le Gal
L'Institut National d'Appellation d'Origine.
- Delphine Georgelet
Oui, pour rédiger les petites lignes. Donc là, on est sur la partie administrative. Mais ça en fait partie.
- Romain Le Gal
Pas du tout une spécificité de notre pays.
- Delphine Georgelet
Voilà, c'est hyper simple.
- Romain Le Gal
Et c'est assez rapide.
- Delphine Georgelet
C'est ça. Voilà, donc du coup, tout le monde a dû s'accorder, déjà nous, dans notre territoire. Et après, il a fallu s'accorder avec la partie administrative. Donc 23 ans et en novembre 2024. Il y a eu l'obtention de l'AOC, l'appellation d'origine contrôlée, qui est en fait la validation française.
- Romain Le Gal
Donc là, pour l'instant, c'est reconnu AOC, c'est franco-français.
- Delphine Georgelet
C'est ça, donc l'INAO a validé le cahier des charges et a voté pour obtenir l'AOC. Maintenant, le dossier est parti à Bruxelles pour que l'Union européenne valide l'AOP, l'appellation d'origine protégée.
- Romain Le Gal
Et du coup, c'est quoi le next step ? C'est quoi la prochaine étape ?
- Delphine Georgelet
Bien que l'Europe valide. On espère vraiment, étant membre du l'INAO, j'ai pu échanger aussi avec eux. A priori, on va croiser les doigts, il n'y a rien qui ferait que le dossier serait retoqué. Mais on est là aussi dans la partie très administrative, de rédaction des lignes, du point, de la virgule. En soi, ça ne changera pas le cahier des charges, mais c'est une partie rédactionnelle.
- Romain Le Gal
Et qu'est-ce que ça changerait ? Qu'est-ce que ça a changé déjà pour le Mothais sur feuille d'être AOC ? Qu'est-ce que ça va changer qu'il soit AOP ? Pourquoi c'est important ?
- Delphine Georgelet
Déjà pour nous, en tant que producteurs, j'avoue qu'on est surveillés, on est contrôlés quand même. Le jour où on a... La structure externe qui vient dans nos fermes, et qui vient prendre tous nos critères et valide, j'avoue que c'est une étape extrêmement importante. Et ça change que, ok, en fait, on répond vraiment au cahier des charges. C'est-à-dire que tout le travail qu'on a fait pendant nous aussi des années, parce que c'est un travail vraiment de longue haleine,
- Romain Le Gal
23 ans déjà.
- Delphine Georgelet
Pour rédiger le cahier des charges, mais pour nous en tant que producteurs, C'est énorme. Je donne un exemple très concret. On doit avoir plus de 85% de notre alimentation qui est fabriquée dans notre zone et qui nous appartient. Par exemple, pour moi, pendant trois ans, j'ai dû revoir tout mon assolement pour répondre à ce critère-là.
- Romain Le Gal
L'assolement, c'est la répartition des différentes cultures sur l'exploitation dans ce but-là.
- Delphine Georgelet
C'est ça, exactement. Donc 85% autonome, c'est le moment où on prépare notre assoulement, où on plante, on sème, on récolte. Et l'année d'après, c'est la nourriture qui est donnée à nos chèvres.
- Romain Le Gal
On est sur un mode agricole, on est sur un temps long. On ne change pas la nature en claquant des doigts.
- Delphine Georgelet
C'est ça. C'est un des exemples où il a fallu se préparer à tout ça. Et quand on a toutes les données qui sont validées dans un petit tableau Excel, j'avoue que déjà pour nous, on se dit « ok » , en fait, on répond vraiment au cahier des charges. Après, au niveau de la vente, c'est vraiment chouette de pouvoir dire à nos grossistes et à nos crémiers fromagers « ok, en fait, on fabrique, on a l'estampille AOC, on répond au cahier des charges » . donc c'est une super nouvelle c'est une super nouvelle et c'est une fierté je crois aussi pour mes équipes en fait de se dire ok on fabrique un fromage qui est reconnu en fait au niveau national au niveau européen c'est une fierté.
- Romain Le Gal
Est-ce que tu poses la dernière question ?
- Laëtitia
ah tu me laisses cet honneur je te laisse oui évidemment merci Romain. Alors Delphine, quelle est ta pizza préférée ?
- Delphine Georgelet
c'est la pizza saumon citron aneth.
- Romain Le Gal
Sur une base crème, du coup. Mais pas crème de chèvre.
- Delphine Georgelet
Non, crème de vache normande.
- Romain Le Gal
Crème de vache normande. Tu le fais très très bien Delphine. Merci beaucoup Delphine de ton temps. On va te laisser retourner sur le salon. Oui. Faut aller bosser maintenant. Ouais,
- Delphine Georgelet
voilà. C'est bien beau. Merci Delphine. Merci.
- Romain Le Gal
On accueille qui Laetitia ?
- Laëtitia
Une star du coup.
- Romain Le Gal
Une star. Pas encore, on lui souhaite. C'est tout le mal qu'on le souhaite puisqu'on est avant. A Star Is Born c'est ça A Star Is Born donc on a la chance d'être avec avec Matthieu Tuillier, le représentant français du concours qui aura lieu demain. Donc c'est le concours du mondial du fromage, c'est quoi le nom exactement du concours ?
- Matthieu Thuillier
ah direct un piège ! je crois que c'est le mondial du meilleur fromager exactement
- Romain Le Gal
c'est pas la coupe du monde des fromagers des fois on fait un peu l'amalgame on voit un peu des choses écrites dans tous les sens mais c'est bien Le mondial du meilleur fromager. C'est ça. Et toi Matthieu, qui t'es ?
- Matthieu Thuillier
Je suis un des prétendants à ce titre, tant qu'à faire cette année.
- Romain Le Gal
Et l'âge que tu as ?
- Matthieu Thuillier
Je vais avoir 40 ans cette année. Moi je suis de Brive-la-Gaillarde. Je suis à Brive-la-Gaillarde depuis une dizaine d'années et je suis fromager depuis deux ans et demi maintenant. C'est une reconversion. Je suis installé en Corrèze, une très belle région.
- Romain Le Gal
En Corrèze,
- Laëtitia
et on a le droit de donner le nom de la boutique.
- Romain Le Gal
Bah oui,évidemment !
- Matthieu Thuillier
J'ai la chance et le plaisir de travailler pour le Bois d'Amalthée.
- Romain Le Gal
Alors le Bois d'Amalthée qui est aussi un producteur ?
- Matthieu Thuillier
Qui est un producteur effectivement de Rocamadour fermier à la base et de dérivés à partir de Rocamadour qu'on retrouve dans toutes les grandes et belles crèmeries de France et de Navarre.
- Romain Le Gal
Et c'est quoi ton boulot du coup au Bois d'Amalthée ?
- Matthieu Thuillier
Alors moi je suis employé et je suis vendeur à la boutique de Brive. Donc voilà, je suis vendeur boutique et pas vendeur camion. Il y a quelques spécificités qui font que ce n'est pas toujours le même boulot. Je suis très bien en boutique et j'ai la chance de travailler, de gérer et d'enchaîner mes journées à la boutique auprès des clients et des produits.
- Romain Le Gal
Tu disais que c'est une reconversion. Qu'est-ce que tu faisais avant ? On se pose la question même si on sait un petit peu la réponse avec Laëtitia.
- Matthieu Thuillier
J'ai été infirmier pendant 15 ans.
- Romain Le Gal
À un moment, qu'est-ce qui a fait que tu as eu ce déclic ?
- Matthieu Thuillier
Je pense que c'était l'affinité que j'avais avec le Bois d'Amalthée en tant que groupe et le fait de se dire que la conjoncture était bonne, il cherchait quelqu'un. J'étais dispo, on a dit, c'était une blague de toujours dire qu'on allait travailler ensemble un jour, mais en fait on est parti manger au resto, on s'est serré la main et on a dit on tente. Donc un parcours assez atypique, mais comme quoi un joli parcours de vie.
- Romain Le Gal
Et est-ce que du coup on peut lui demander, Laetitia, si c'est son premier concours ?
- Laëtitia
On peut demander, est-ce que c'est ton premier concours ?
- Matthieu Thuillier
Ce n'est pas mon premier concours, j'aurais la chance d'avoir, dans cette année de mes 40 ans, vécu un championnat de France au SIRHA, à Lyon.
- Romain Le Gal
La Coupe de France, où j'ai eu le plaisir de te juger.
- Matthieu Thuillier
J'ai jugé mon travail, c'est vrai, on s'est rencontrés à cette occasion, où j'ai eu la chance de monter sur le podium et de devenir vice-champion de France. Donc ça a été une très très belle entrée en matière pour moi. Ça faisait à peine un an et demi que je faisais du fromage. Et donc j'enchaîne là sur ce concours de meilleur fromager du monde. Donc tout ça dans la même année, c'est assez joli, c'est inattendu, mais c'est certainement que je devais le vivre dès maintenant. Donc je suis très très très content.
- Romain Le Gal
Dans quel état d'esprit tu es là ?
- Matthieu Thuillier
Écoute, je me trouve dans le même état d'esprit qu'au Sirha pour la Coupe de France. D'accord, plutôt détendu ? Plutôt détendu.
- Romain Le Gal
C'est ce qu'on ressent ? Est-ce que c'est de la vraie détente ou est-ce que tu intériorises beaucoup ?
- Matthieu Thuillier
Je pense que j'ai appris avec le temps, avec mon expérience passée, à évacuer les choses un peu plus facilement, à revenir à l'essentiel. Je me raccroche toujours au fait que j'ai, je pense, la chance aujourd'hui d'avoir pu changer de boulot, d'avoir trouvé un boulot passion, et que cette passion c'est quand même couper du fromage à la base, goûter du fromage, parler de fromage. Donc il y a vraiment pire comme boulot. Donc je m'y raccroche toujours, sans minimiser quand même l'enjeu et la hauteur de l'événement, c'est clair et net. Le stress monte doucement. J'arrive à le transformer de manière assez positive.
- Romain Le Gal
Est-ce qu'on peut te demander de nous présenter les épreuves rapidement, nous brosser les épreuves ? Et puis au fur et à mesure, on te demandera avec Laetitia un peu comment tu t'es préparé. Parce qu'à un moment, quand on prépare un concours, il y a préparation. Il y a prépa. Et on ne peut pas arriver avec la fleur au fusil le jour J.
- Matthieu Thuillier
Je peux avoir le sourire, mais effectivement, il fallait bosser un petit peu avant. Rapidement, pour parler de ma prépa. Elle a été un petit peu plus rapide que les autres candidats Malheureusement On peut faire hommage à Jules On a une pensée pour sa famille Avec qui j'ai la chance d'avoir des contacts D'ailleurs encore aujourd'hui On communique beaucoup là-dessus Et c'est important pour moi de l'intégrer
- Laëtitia
Donc Jules Jules qui a eu le titre de champion de France Cette année Et qui malheureusement nous a quitté A la Crémerie des Marchés A Annecy C'est ça.
- Romain Le Gal
Et donc, on a vraiment une pensée pour lui. Oui,
- Matthieu Thuillier
il m'accompagne. Il m'a accompagné dans ma prépa. Il va m'accompagner avec beaucoup de clin d'œil. Il n'y a que moi qui les connaîtraient. Mais sur mes plateaux, sur mes œuvres, il y a des choses. Et je sais qu'il m'accompagne là-dedans. Donc, c'est assez chouette. Et j'avais envie de lui faire vivre ce moment aussi. C'est important. Donc, oui, une prépa tronquée fatalement par ce drame. J'ai eu deux mois et demi pour me préparer, accepter de me présenter. C'était une évidence d'une part pour Jules. par rapport à la soudaineté de la chose et de lui faire vivre l'événement aussi. Et puis, je vivais ça un peu comme un vieux sportif que j'ai été, un peu rouillé, où on ne refuse pas une sélection nationale. Et je pense que quand on a l'honneur de pouvoir représenter son pays, d'être le seul en plus, pour le coup, sur cette session-là, une petite pression supplémentaire, mais on ne peut pas refuser.
- Romain Le Gal
Comment il te regarde de toute façon,
- Matthieu Thuillier
Matthieu ? Au début, je pensais vraiment qu'avec la Coupe de France, étant champion de France ou vice-champion de France, de facto, tu es champion du monde ou vice-champion du monde. Après, j'ai découvert qu'il y avait quand même deux pays qui bossaient dans le fromage et qu'il fallait se battre un peu avec eux. Donc, voilà, j'ai accepté, bien évidemment. Je me suis lancé assez rapidement dans la préparation. Donc, on reçoit par rapport au règlement le nombre des épreuves. Bon, un QCM technique classique.
- Romain Le Gal
Questionnaire choix multiple. Il y a une vingtaine de questions. C'est ça. De mémoire.
- Matthieu Thuillier
Oui,normalement.
- Romain Le Gal
Le compte pose deux, trois questions, histoire de...
- Matthieu Thuillier
De rire.
- Romain Le Gal
C'est une blague.
- Matthieu Thuillier
Volontiers. Donc, QCM, je crois qu'ensuite, on doit avoir des coupes à l'aveugle. On va avoir quatre parts de fromage qui vont être... Des coupes de 250 grammes.
- Laëtitia
De 250 grammes, c'est ça.
- Matthieu Thuillier
Sans connaître le fromage. Sans connaître le fromage.
- Romain Le Gal
Et vous avez déjà le poids ?
- Matthieu Thuillier
On a déjà le poids, ce qui est pas mal, c'est vrai. Et puis, c'est quatre portions identiques. Alors, soit tu te gourdes quatre fois, soit vraiment tu vises mal. Mais normalement, soit tu vas faire quatre fois 300 grammes. Voilà, on verre bien. Là, c'est la préparation du quotidien en boutique. T'entraîner, prendre des repères en fonction des fromages. Une fois de plus, on ne sait pas quel fromage on va avoir. Donc, on verra bien. C'est une habitude, je pense, après, qui s'acquiert avec l'expérience.
- Romain Le Gal
La dégustation à l'aveugle ? Parce que là, c'est des fromages européens ?
- Matthieu Thuillier
Sur l'Europe.
- Laëtitia
Est-ce que vous vous connaissez, les garçons, la dégustation à l'aveugle ? Mais je crois que c'est bien de préciser.
- Matthieu Thuillier
On n'a pas les yeux bandés.
- Romain Le Gal
on n'a pas les yeux bandés on a le fromage des fois Alors ça dépend, tu peux aussi avoir des croûtes, pas de croûte, ça dépend ce qu'ils te mettent. Et il peut y avoir croûte ou pas croûte et on doit trouver le nom du fromage, l'affinage.
- Matthieu Thuillier
La technologie.
- Romain Le Gal
Là tu sais que ça sera déjà une appellation d'origine protégée.
- Matthieu Thuillier
Souvent.
- Romain Le Gal
Là c'est marqué dans le règlement.
- Matthieu Thuillier
Il y a des appareils, ça, et puis il y a des fromages que fatalement tous les candidats peuvent trouver aussi dans leur pays, en fonction des importations et autres et dans leur shop. Donc bon, ça réduit un peu le champ d'origine. Comparé à une Coupe de France, je pense que c'est... Peut-être, peut-être, attention, je mets les langues humaines.
- Romain Le Gal
En plus, t'as vu, là, dans l'angle, il y a le gagnant de l'année dernière, il y a Vincent. Il rigole, il rigole, il faisait moins le malin il y a deux ans.
- Laëtitia
Maintenant, il peut faire le malin, mais il y a deux ans.
- Matthieu Thuillier
Vincent Philippe. Ça y est, il peut se permettre,
- Laëtitia
Vincent. On verra ça plus tard avec lui, puisqu'il fera partie de nos invités aussi.
- Matthieu Thuillier
Je crois qu'il suit, ouais, ouais, ouais.
- Romain Le Gal
Et donc, dégustation à l'a veugle, comment tu t'es préparé ?
- Matthieu Thuillier
Là, c'est un travail notamment en famille. Ma femme a joué le jeu, elle a été assez géniale.
- Romain Le Gal
Elle a été prendre l'avion pour aller chercher des...
- Matthieu Thuillier
Au quatre coins de la planète, ça nous a coûté une fortune. Je suis sur la paille avec ce concours. J'ai besoin de fonds s'il y a des sponsors qui m'écoutent. Non, mais surtout, ce qu'on dit, c'est que sur les dégustations à l'aveugle, on a l'habitude de déguster nos fromages dans notre boutique. On les affine, on veut les vendre à un temps d'affinage optimal. On sait qu'en concours, ce n'est pas forcément ce qu'on va retrouver comme fromage. Donc, elle est allée acheter chez la concurrence. Elle est allée acheter en grande surface sur les grands noms des fromages. Alors je lui faisais des listes assez larges de noms de fromages et elle a été géniale à organiser avec mes enfants et le soir. Elle m'en a fait plusieurs et je crois que c'est comme pour les coupes à faire à 250 grammes, il y a des jours où tu es porté par les dieux, tout marche, tout fonctionne, tu trouves tout et puis le lendemain tu te vautres pleinement. Donc on verra demain, on jettera une pièce et c'est parti.
- Romain Le Gal
L'oral, en français ou en anglais ?
- Matthieu Thuillier
Écoute, défi dans le défi. Ça m'aurait bien rassuré de le faire en français. Pareil, à 40 ans, mes études, je n'ai pas poussé sur l'anglais.
- Romain Le Gal
Il nous a parlé quand même allemand avant de commencer l'interview.
- Matthieu Thuillier
J'aurais peut-être préféré le faire en allemand. C'est vrai, j'aurais peut-être été plus à l'aise. Après, je pense que les membres du jury sont majoritairement non francophones. C'est peut-être un truc à jouer.
- Romain Le Gal
Il faut y aller Matthieu, il faut y aller.
- Matthieu Thuillier
Quitte à passer un bon moment, autant qu'on se marre en entendant un français parler anglais, je me dis que ça peut être cadeau. Un oral, un fromage choisi de notre terroir, un fromage coup de cœur à présenter au jury.
- Romain Le Gal
Et puis après, là, on a parlé des épreuves où on ne touche pas le fromage, et puis après, on peut parler des épreuves où on touche le fromage.
- Matthieu Thuillier
C'est ça, je crois qu'il y a une assiette, enfin je crois, j'ai entendu dire...
- Romain Le Gal
Il paraîtrait que...
- Matthieu Thuillier
Il y a une assiette de 5 fromages à monter. Voilà, c'est le thème.
- Romain Le Gal
Mais ce n'est pas encore les fromages.
- Matthieu Thuillier
Ce n'est pas les fromages, on ne sait pas tellement ce qui est attendu, donc c'est à nous de trouver un axe directeur et puis de faire quelque chose de sympa, tout au moins qui nous ressemble. C'est vraiment le fil de tout ce qu'on court de cette préparation. Je veux qu'on retrouve ma personnalité et qu'on me voit, les gens qui me connaissent en tant que fromager, ils savent que je bosse comme ça et c'est ce que j'aime.
- Romain Le Gal
Ensuite, la préparation fromagère.
- Matthieu Thuillier
Préparation fromagère.
- Romain Le Gal
Alors là, on parle sur un P.D.O.
- Matthieu Thuillier
Là, on est d'accord. C'est un P.D.O., donc le Stilton. Le Blue Stilton.
- Romain Le Gal
Blue Stilton exactement.
- Matthieu Thuillier
Donc, une idée préparation fromagère. Nous, on en fait très peu, voire pas, dans notre quotidien en boutique. donc c'était aussi un joli défi, j'adore cuisiner. Donc c'est un joli challenge de pouvoir aussi lier ça à la cuisine, d'être en cuisine et d'essayer de réfléchir à quelque chose. Vous voulez aussi des infos ? Je suis parti sur quelque chose d'un peu très typé pâtisserie, donc avec un joli fond de tarte, avec une confiture de pois, où il y aura une chantilly à l'aneth et au Marmite, pour ajouter au Marmite.
- Romain Le Gal
C'est vraiment quelque chose, le Marmite, qui me rappelle de très mauvais souvenirs, en Australie notamment.
- Matthieu Thuillier
Ça peut être soit très bon,
- Romain Le Gal
soit... Vegemite, Marmite, c'est vraiment pas... Pourquoi pas. Qui ramène aussi Un petit côté salé
- Matthieu Thuillier
Ça va ramener Le côté salé en fait il nous sert à ça. Il s'est très légèrement Dosé dans la chantilly Avec des copeaux Des copeaux disposés De stilton Des zestes de citron Pour amener de la fraîcheur Donc vert et jaune Pour amener vraiment Une pointe d'acidité Puis au nez En mettant en bouche Qu'on est déjà au nez quelque chose de très très sympa. Et il y aura des petites pipettes de Marmite si les gens veulent vraiment, s'il y a des fans et qu'ils veulent en rajouter, ils pourront en rajouter un peu.
- Laëtitia
Il a pensé à tout.
- Matthieu Thuillier
J'ai tenté, j'ai tenté, j'ai tenté.
- Laëtitia
En tout cas, ça donne envie. Voilà, vraiment. Et moi, je crois que Matthieu a aussi une vraie sensibilité qui va, je pense, beaucoup de l'aider dans ce concours.
- Matthieu Thuillier
J'espère,
- Laëtitia
Ça va peut-être un peu plus vite.
- Matthieu Thuillier
On me dit souvent que je suis assez féminin dans mon travail. Alors, c'est rigolo, avec mon mètre 90 et mes 107 kilos, mais je le reconnais aisément et c'est quelque chose qui me plaît. Je le revendique. Oui, j'aime les choses assez lichées, assez graphiques, assez laser, comme on dit un peu en ce moment. C'est ce que j'aime. Et puis, au final, malgré mes grosses pognes, j'arrive à faire des choses plutôt assez fines, donc je me retrouve bien, c'est gentil En tout cas, merci.
- Laëtitia
Merci beaucoup.
- Romain Le Gal
Laetitia, je pense qu'il est temps déjà, malheureusement. Déjà. Il y a tellement de médias qui t'attendent là juste derrière.
- Laëtitia
Le service d'ordre, de les retenir de force pour ne pas venir te voler.
- Romain Le Gal
Une question qui est rituel du podcast.
- Laëtitia
C'est la question de Romain. Il me fait l'honneur de me laisser poser la question.
- Romain Le Gal
C'est un privilège de lui laisser.
- Matthieu Thuillier
C'est vrai, ce n'est pas faux.
- Laëtitia
Alors dis-nous Matthieu, quelle étape ? pizza préférée ?
- Matthieu Thuillier
ma pizza préférée écoute avec le temps je crois et en vieillissant j'aime les pizzas les plus simples possibles c'est à dire que je pense que jeune il me fallait le max d'ingrédients le plus de suppléments le plus de trucs prise de masse tu vois on y va et aujourd'hui non moi juste une pâte fine alors je sais pas ce serait une margaritha en classique c'est à dire jambon fromage ouais vraiment très très simple petit affect sur les champignons quand même j'aime bien Mais il y a des choses délicieuses avec maintenant des burrata, des stratiatella, ça marche bien. La stratiatella, c'est canon quand même.
- Romain Le Gal
C'est de la crème et de la mozzarella.
- Matthieu Thuillier
Donc on y va. Mais ouais, très simple.
- Romain Le Gal
Pas de soucis,généreux.
- Matthieu Thuillier
Très, très simple. Et plus ça va, plus je vais vers la simplicité.
- Romain Le Gal
Merci beaucoup, Matthieu.
- Matthieu Thuillier
Merci.
- Romain Le Gal
On essaie de se recapter après t'es sué un peu.
- Matthieu Thuillier
Ouais, avec plaisir.
- Romain Le Gal
Pour avoir quelques commentaires à chaud.
- Matthieu Thuillier
Ça marche, je serai là.
- Laëtitia
Et forcément, on croise les doigts pour toi.
- Matthieu Thuillier
C'est cool. Je prends,
- Romain Le Gal
A tantôt !
- Matthieu Thuillier
Ciao ! A tantôt !
- Romain Le Gal
Bonjour les gars ! Bonjour à tous ! Merci beaucoup d'avoir répondu présent. Ça fait vraiment plaisir de vous accueillir, puisque pour moi, quand on a échangé avec Laetitia pour parler de ce sujet qu'est la transmission, il y a eu naturellement un exemple qui est en cours à donner. Quel voltre ? Est-ce que on va commencer par le plus ancien de vous deux ?
- Speaker #4
Pas moi encore du coup !
- Romain Le Gal
Paul ! Pierre, est-ce que tu pourrais te présenter en quelques mots ?
- Pierre Gay
Alors, je m'appelle Pierre Gay, j'étais crémier fromager affineur, je le suis toujours, crémier fromager est meilleur ouvrier de France, parce que ça on le garde à vie et ça, ça m'arrange bien. J'ai repris l'entreprise de mes grands-parents qui a été créée en 1935, donc on fêtait les 90 ans cette année. Paul est venu faire un BTS chez nous, on l'a accueilli, il avait à peine ses 18 ans et puis quelques années plus tard, c'est lui le nouveau propriétaire de l'entreprise parce qu'il s'y est intéressé, parce qu'il y a apporté une fraîcheur, que moi j'avais apporté à mon époque mais quand il est le temps de passer, il faut passer.
- Romain Le Gal
Et toi Paul, du coup, comment t'es arrivé là ? Qui tu es ? Alors t'es le plus jeune des deux, ça on a compris.
- Laëtitia
Quand Pierre disait quelques années plus tard, c'est des petites années plus tard.
- Paul Morpain
J'ai que 25 ans, je suis un 2000 moi. Un millenials. Je suis un millium, millénaire, tout ce que tu veux. Et je suis des Hautes Alpes, de Gap, à côté de Gap. Je suis issu du monde agricole, parce que mon père a une exploitation agricole mais dans la viande, dans les agneaux. Et je suis arrivé là un petit peu par hasard, je voulais arrêter l'école et j'ai trouvé cette formation à l'ENIVL à la Roche-sur-Foron là où j'ai rencontré Pierre et où je suis arrivé dans l'entreprise en 2018. Donc j'ai pu faire mon BTS sur deux ans.
- Romain Le Gal
C'était quoi comme BTS ?
- Paul Morpain
C'était un BTS plutôt accès sur la vente, c'était un technico-commercial. Et donc j'ai passé deux ans avec Pierre, là où j'ai tout appris parce que je suis arrivé, je n'y connaissais vraiment rien du tout. Et j'ai tout appris, le commerce, les produits, la vente, vraiment tout ce qui est la base du métier. Pendant deux ans, j'ai fait vraiment...
- Romain Le Gal
Et le fromage, pourquoi le fromage ? Comme ça, par hasard ?
- Paul Morpain
Vraiment par hasard, oui. Alors, j'avais toujours ce côté rural, donc nous, c'était plutôt viande. Mais là, le fromage, c'était quand même un axe, c'était l'axe parallèle, on va dire, à la viande. Donc, c'était quelque chose qui m'attirait quand même.
- Romain Le Gal
Et toi, tu prenais toujours des apprentis, des alternants ?
- Pierre Gay
Oui, régulièrement, nous avons eu d'autres BTS, j'ai eu des CQP bien entendu, et puis des jeunes qui étaient de passage, souvent pour s'installer, je les accueillais volontiers, et je leur disais, allez voir aussi ailleurs, n'allez pas que chez des meilleurs ouvriers de France pour apprendre à travailler, parce que vous allez peut-être trouver la vie facile, le téléphone qui sonne, les clients qui remplissent la boutique, mais allez voir aussi les gens qui viennent de s'installer, et là vous pourrez peut-être découvrir aussi la difficulté du métier et non pas... Je vais dire la simplicité de la réussite. Avant d'arriver à la simplicité de la réussite, il y a tout le travail en amont qui permet de travailler. Et ce que je disais à Paul quand il est arrivé chez nous, parce qu'il faut savoir une chose, c'est que très peu de temps après son arrivée, il m'a dit un jour je vous rachèterai.
- Romain Le Gal
Ah mais il était déjà... Ah oui,
- Laëtitia
c'était clair.
- Pierre Gay
Alors je lui ai dit commence par bosser et on en reparle après. Et si tu veux, ce qui était intéressant, c'est que je lui ai dit il n'y a aucune question taboue, tu peux parler de tout avec moi. Donc, il parle vraiment de tout. Parce que ce n'est pas un gros mot de parler d'argent. Ce n'est pas un gros mot de parler de producteur. Il n'y a pas de secret. Seulement, si on veut apprendre, il ne faut pas hésiter à donner les cordes aussi. Voilà, c'est tout de suite bien entendu. Beaucoup de gens le prennent et le prenaient pour mon fils.
- Romain Le Gal
C'était ma question d'après. Tu n'avais pas d'enfant parce que toi, tu as repris. Non, mais qui avait envie ? Non.
- Pierre Gay
Non, non, j'ai deux garçons d'une première union, j'ai une fille qui rentre dans une école de pâtisserie supérieure aujourd'hui chez Ducasse. Donc voilà, depuis qu'elle avait 8 ans, elle voulait faire de la pâtisserie. Aujourd'hui, elle a 18 ans, elle fait de la pâtisserie. Les grands ont d'autres objectifs et d'autres parcours de vie. Et Paul, c'est vraiment intéressé.
- Romain Le Gal
Donc t'avais pas forcément de transmission familiale ?
- Pierre Gay
Non, direct, non. Alors... sincèrement j'aurais pu faire quelques années supplémentaires de travail j'ai eu un souci de santé il y a quelques années qui m'a fait réfléchir un petit peu que je pouvais bénéficier d'un départ à la retraite anticipé parce que j'ai eu une carrière longue et que quand c'est le moment de partir si on est prêt intellectuellement, psychologiquement on peut y aller à condition de s'être préparé à faire autre chose parce que la fin de carrière c'est pas la fin de vie il faut pouvoir préparer quelque chose mais Et la chance que j'ai, c'est de pouvoir transmettre justement avec la douceur que l'on a mis avec Paul. C'est-à-dire que je continue à l'accompagner pendant le temps qu'il souhaitera que je l'accompagne d'abord. Si demain je l'embête un petit peu trop, il me mettra un peu à la porte.
- Paul Morpain
Voilà, c'est bon d'ailleurs.
- Pierre Gay
Pour l'instant, ce n'était pas d'actualité. Et surtout, l'intérêt que l'on peut trouver à cette passation de pouvoir, justement, c'est le fait que je puisse malgré tout faire quelque chose d'autre à côté. Aujourd'hui, je donne des cours dans un campus à Groisy, en périphérie d'Annecy. Et puis j'interviens à droite à gauche quand on me le sollicite, comme aujourd'hui sur le salon auprès du stand chez la ferme Georgelet.
- Romain Le Gal
Et toi, Paul, quand tu es arrivé dans le monde du fromage, tout de suite, peu de temps après, tu dis je vais vous racheter ou au démarrage ? Tu avais déjà ça dans un coin de ta tête ?
- Paul Morpain
Oui, j'ai toujours été baigné dans l'exploitation familiale. Pareil, c'était entrepreneur. Je connaissais tout, vraiment, les tenants, les aboutissants, le financier, le pas financier. On a vraiment vécu le projet de A à Z. Pareil, c'était une reprise de mon grand-père, mais maternelle. Mon père était le gendre, donc il en a vraiment bavé parce qu'il y a eu beaucoup d'emprunts, beaucoup d'exigences, puis dans le monde rural c'est encore autre chose et c'était très difficile.
- Romain Le Gal
Dès qu'il y a des terres c'est compliqué.
- Paul Morpain
Il y avait des gros emprunts et on a mangé des pâtes, des patates, on en a mangé. Donc ça, ça m'a vraiment forgé et puis quand je suis arrivé là, j'ai... Trouver un petit peu la même chose, alors c'est pas du tout le même système mais...
- Pierre Gay
On mange toujours des pâtes et des patates. Ouais,
- Paul Morpain
on n'a pas de sous, on n'en a jamais eu.
- Romain Le Gal
Ça c'est les savoyards.
- Paul Morpain
Ça c'est les commerçants savoyards.
- Pierre Gay
Ils mettent de l'argent par les fenêtres mais de l'intérieur vers l'extérieur. C'est ça les savoyards.
- Paul Morpain
Mais c'est surtout que j'ai trouvé quelque chose de vraiment humble, même s'il était meilleur ouvrier de France, moi je ne savais même pas ce que c'était.
- Romain Le Gal
Et la boutique quand tu es arrivé dans la boutique, elle t'a tout de suite plu ou il y a des choses ?
- Paul Morpain
C'est pas la plus dégueulasse de France.
- Romain Le Gal
Non,
- Paul Morpain
je vous confirme.
- Romain Le Gal
Il avait fait ça à peu près bien ?
- Paul Morpain
Ouais, il avait fait ça à peu près bien. Il y avait 2-3 traits de peinture qui traînaient mais bon après ça s'arrangera. Mais c'est une boutique qui est... Moi ce qui me plaît c'est l'histoire, c'est pareil que le produit, c'est l'histoire. T'arrives là, il y a 3 générations avant, t'avais son père, bon qui est décédé cette année, mais t'avais ton père qui était là ça te prend aux tripes mon papa l'avait adoubé mon papa avait
- Pierre Gay
Je transmets à qui ? À Paul, ça va. C'est aussi une sécurité pour lui.
- Paul Morpain
Et moi, tu ne peux pas laisser une entreprise comme ça dans les mains de je ne sais pas qui ou partir dans un autre magasin de vêtements, dans un autre commerce X ou Y. Moi, c'était important de continuer ça au milieu d'une rue qui est vraiment passante et avec une institution comme ça, tu ne peux pas laisser à l'abandon.
- Pierre Gay
Si on veut parler business, si je voulais faire de l'argent proprement dit, ce n'est pas un fromager qu'il faut aller vendre. Moi j'ai fait une transmission, et quand je dis une transmission douce, c'est-à-dire une transmission sur la durée. Parce que quand vous avez un jeune de 24 ans qui se pointe à la banque, même si j'étais avec lui, le banquier il le prend pour un rigolo, faut pas exagérer, t'as combien d'argent quoi mon gars ? À un moment faut parler d'argent. Et à la sortie, quand tu échanges avec le banquier et qu'il voit le gars qui en face de lui est un rigolo, dans le sens amusant mais pro quand on parle d'argent et de... de budget, etc., le banquier commence à l'écouter un petit peu plus. Et moi, pour avoir été off de mon entreprise, en tant que chef d'entreprise, pendant pratiquement un an et demi, Paul et mon épouse tenaient la barque. Et comme j'avais passé tous les codes des cartes bleues aussi à Paul, les clés, il avait tout, eh bien, en fait, le jour où je me suis retrouvé off pour cause de maladie, c'est comme si de rien ne s'était passé, sauf que je n'étais plus là. Eh bien, ça, si on l'avait fait à couvert, à mots cachés, pour ne pas tout dire, pour ne pas tout divulguer, pour on ne sait qui a le raison, eh bien, je pense que ça serait pas passé.
- Romain Le Gal
Un brie de Meaux cachés ou pas ?
- Pierre Gay
Un brie de Meaux cachés, ouais. C'est vrai. Mais, ouais, moi je peux...
- Paul Morpain
Ouais, ça c'était vraiment super important.
- Pierre Gay
Notre rencontre a été super intéressante.
- Laëtitia
Oui, c'est forcément passé quelque chose de vraiment, vraiment spécial dans votre histoire. Déjà, effectivement, d'avoir le courage. du côté de Paul d'assumer cette responsabilité de reprendre une entreprise familiale si jeune et avec autant de et puis avec un nom autant de niaques ça t'a pas fait peur ?
- Paul Morpain
non jamais j'ai peur de rien j'ai peur de rien il n'y a pas grand chose qui me fait peur par contre il a déjà mis sa patte dedans il faut mettre sa patte j'ai l'impression d'être un je m'en foutiste mais il faut toujours laisser ce côté je m'en foutiste s'installer et puis après par contre il faut que Il faut assurer derrière, il faut assurer. C'est sûr qu'avec un nom comme ça, on a, j'aime pas trop dire ça, mais on a quand même moins le droit à l'erreur que quelqu'un d'autre, mine de rien. Et je trouve qu'on a bien réussi aujourd'hui la transmission parce que je suis quand même mis en avant et je pensais pas que ça soit fait comme ça. C'est d'ailleurs l'interview d'aujourd'hui. Je me pensais pas me retrouver derrière un micro aussi rapidement. Enfin, des choses qui sont pour moi des choses vraiment...
- Pierre Gay
arrête de dire que t'es pas reconnu c'est vrai que t'es lauréat d'association initiative s'il vous plaît pas de scène de ménage sur le plateau Non mais il se sous-estime.
- Paul Morpain
Non mais je ne vais pas que je me souvienne.
- Romain Le Gal
Mais ça c'est, on a tous un petit peu le symbole de l'imposteur parfois.
- Pierre Gay
Ouais, c'est lui qui est allé le chercher. Les sous qu'on lui a donné, il ne les a pas volés, il est allé le chercher. C'était de passer derrière lui,
- Paul Morpain
c'était peut-être de travailler un peu dans son ombre, ce qui est normal je trouve au début, parce que forcément tu reprends une entreprise comme ça, une institution, tu ne sais pas trop ce qui va se passer, est-ce que les gens vont le prendre bien, est-ce qu'il va y avoir un changement notoire, est-ce que... Ça c'était les seuls doutes qui m'ont posé, ce n'était pas le problème financier.
- Romain Le Gal
Et qu'est-ce que toi tu souhaites garder et qu'est-ce que tu souhaites faire évoluer demain ?
- Paul Morpain
Ça va faire un an le 25 septembre, donc depuis un an mon but c'était vraiment de voir comment ça allait se passer, de stabiliser le bébé et de voir vraiment s'il y avait... S'il y avait des choses qui allaient se modifier, tout ça, donc à l'intérieur, on a eu des petites évolutions au niveau technique, au niveau informatique. Là où on était...
- Pierre Gay
Je suis 1.0, et donc il a remis à zéro la partie qui était à 1, mais il l'a passé à 2 ou à 3. Donc il y a une évolution là-dessus.
- Paul Morpain
Donc aujourd'hui, la communication, même si c'est un petit peu de ma génération, c'est un truc qui me passe un peu au-dessus et que je ne pensais pas très importante. Et finalement, je vois que toutes ces vidéos, toutes ces interviews... Toutes les mises en avant qu'on peut avoir pour la boutique sont très importantes. Donc on se développe là-dessus, au niveau de la com, au niveau des réseaux sociaux, au niveau de tout ça.
- Romain Le Gal
Donc finalement c'est garder l'ADN et toi c'est compléter en réactualisant un petit peu avec les outils modernes.
- Paul Morpain
Exactement.
- Romain Le Gal
C'est-à-dire que Pierre n'était pas sur TokTok par exemple, ou pas ?
- Pierre Gay
Non, je suis sur TokTok, quand j'arrive maintenant je n'ai plus la clé, donc je suis sur TokTok maintenant.
- Romain Le Gal
Tu n'as plus la clé.
- Pierre Gay
Elle a la clé du magasin, tu rigoles, je ne suis pas le propriétaire. Alors ma femme qui travaille encore au magasin a la clé, mais moi je n'ai plus la clé.
- Romain Le Gal
Mais elle ne te donne pas quand même.
- Pierre Gay
Non parce qu'elle va au boulot. Et moi quand j'y vais, il est déjà ouvert le boulot. Parce que nos horaires d'ouverture sont quand même très larges, 6 jours sur 7. Et Paul, j'ai toujours commencé à 5h30 du matin, tout le temps, tout le temps, tout le temps, pendant 40 ans. Paul a suivi cette ligne là, parce qu'on fait beaucoup plus de boulot avant l'ouverture. Parce que nous, on ouvre à 8h et on va jusqu'à 19h et on est en zone piétonne. Donc, ce qui veut dire qu'à 10h, on n'a plus accès au centre-ville et toutes les commandes doivent être parties, toutes doivent être livrées. Donc, ça demande un travail en amont. Mais avant l'ouverture du magasin, le téléphone ne sonne pas. On n'a pas de clientèle qui ne nous dérange pas. Bien au contraire, puisqu'on en a besoin. Mais tout le travail qui était fait en amont a été fait dans la douceur. Il pouvait arriver à 8h moins 5 avec le café en gobelet à la main. Ce n'est pas le genre de la famille.
- Romain Le Gal
Ou 8h moins 2
- Pierre Gay
Ou 8h moins 2. Ou 1. Ou pas venir du tout et faire vous avec quelqu'un d'autre. Non, il ne le fait pas. Ce n'est pas le but de la manœuvre. Non, ce n'est pas le but du jeune homme.
- Laëtitia
Et donc, justement, on parlait de ta femme qui travaille encore dans l'entreprise. Tous les salariés sont restés.
- Paul Morpain
Oui.
- Pierre Gay
On a Laetitia qui est... Voilà, 25 ans aujourd'hui.
- Laëtitia
Et une boutique qui est combien salariée ?
- Paul Morpain
Là on est 6 à temps complet, plus moi. 6 en CDI.
- Pierre Gay
Nous on est monté jusqu'à 10 à l'époque, mais pour une simple et bonne raison, c'est que quand on partait en vacances, parce qu'on prenait quand même des vacances avec ma femme, on partait à deux personnes responsables. Donc on avait besoin d'un petit peu plus de monde pour ne pas affaiblir la capacité de travail de l'équipe. Paul ne prend pas de vacances parce qu'il est jeune, il n'en a pas besoin. Puis il a un gros crédit à rembourser.
- Romain Le Gal
Un petit réchaud de très gros crédit à rembourser.
- Pierre Gay
Non, il prend des vacances. on peut suppléer, l'équipe est performante, il n'y a pas de risque.
- Paul Morpain
Aujourd'hui je pars au salon, je n'ai aucune pression, l'équipe est vraiment béton.
- Romain Le Gal
Aujourd'hui tu t'appuies sur toutes les personnes dans l'entreprise ?
- Paul Morpain
Toutes les personnes, ça a un petit peu changé aussi, c'est vrai que c'était le père Bocuse, c'était le paternaliste un peu vieux réac.
- Pierre Gay
Non,
- Paul Morpain
peut-être pas vieux réac. C'était à l'ancienne époque, moi j'étais très content d'apprendre comme ça parce que Moi j'ai toujours vécu, j'ai toujours appris dans ces conditions là, mais c'est vrai que je pense que la nouvelle génération n'est pas du tout dans la même philosophie de ce style de management, alors que moi qui me convenait très bien, alors aujourd'hui c'est plus, ça fait grande école, mais plus participatif, où tout le monde met la main à la tâche et il y a des responsabilités qui sont données. Et c'est vrai qu'aujourd'hui je suis là au salon et j'ai aucun souci. Peut-être que c'est en train de brûler, mais on verra. Il y a l'assurance.
- Romain Le Gal
En résumé, une belle histoire de passation. Est-ce que vous pourriez nous donner trois clés de réussite chacun ? On va laisser commencer Paul là-dessus pour finalement qu'une transmission se passe bien.
- Paul Morpain
Tu veux trois mots, trois clés ? Je pense qu'il faut être observateur. Faut apprendre et écouter surtout, faut écouter quand même le prédécesseur parce que c'est quand même très important. Alors oui, il y a eu des fois où je me suis dit...
- Romain Le Gal
Vous êtes frité quand même de temps en temps.
- Paul Morpain
Jamais, jamais. Honnêtement,
- Pierre Gay
jamais. Honnêtement, jamais.
- Paul Morpain
On s'est toujours tourné la langue à la bouche. Honnêtement,
- Pierre Gay
jamais.
- Paul Morpain
On s'est toujours mordu notre langue.
- Romain Le Gal
Comme tu disais,
- Laëtitia
votre secret c'est quand même de vous dire les choses. Les choses sont dites.
- Pierre Gay
Exactement.
- Paul Morpain
Les choses sont dites et...
- Romain Le Gal
Vous avez bien des sujets où vous n'êtes pas d'accord ? Non.
- Paul Morpain
Non. Moi non.
- Pierre Gay
sur le choix de ma moto sur le choix de ma moto c'est à cause de la transmission c'est à cause de la transmission le choix du curbitacé le choix du curbitacé également dans mon jardin on arrive bientôt à Halloween donc on va y penser on pourra mettre un coup de tronçonneuse sincèrement s'il y a des mots de partage à mettre c'est écoute écoute, voix et rencontre parce que Écouter, c'est important d'écouter les autres pour mieux se comprendre soi-même, échanger bien entendu, et puis d'aller voir un petit peu ce qui se passe chez les producteurs, l'amont. On a toujours tendance à nous regarder le bout de la filière, le bout de la lorniette, et quand on va travailler avec les producteurs, et Paul, par rapport à son passé familial, agricole, Je l'ai emmené chez des producteurs Qui pour moi étaient... entre guillemets au départ difficile d'accès avec qui ça a matché avec moi au bout de quelques temps Paul je l'ai amené en lui disant je t'avertis mon gars ça va être compliqué et on n'arrivait plus à partir parce qu'il ne le laissait plus partir mais est-ce que tu avais les mêmes codes ?
- Paul Morpain
complètement,
- Pierre Gay
du respect et du respect, humilité et respect on va pas là-bas, on va pas là-bas et puis partage je pense qu'un partage,
- Paul Morpain
ce qu'il a dit au début ça résume le truc c'est que moi je suis arrivé car j'ai repris Ça m'a juste allégé le portefeuille, le reste je savais tout, j'ai aucune surprise.
- Romain Le Gal
Alors le portefeuille qui ne t'appartenait pas encore parce qu'il est à la banque. Et là-dessus du coup, Pierre, comment tu as fait pour l'accompagner ? Parce que tu l'as dit, ça a un certain coût.
- Pierre Gay
C'est un accord, c'est un accord. Alors vous savez quand on veut parler d'argent, c'est toujours un gros mot, c'est toujours tabou, etc. En France surtout. En France en particulier. Mais même dans l'interprofession, c'est-à-dire dans la profession de fromager, on vous dit ton chiffre d'affaires c'est ça. Tu vas vendre ça, c'est tant de pourcentages. C'est complètement utopique, ça ne veut rien dire. Et ce n'est pas la réalité du sujet. J'ai des copains restaurateurs qui vendent à 150, 200% de leur chiffre d'affaires. Comment en fromagerie on pourrait arriver à ce niveau-là ? Donc on a mis le curseur à l'espace qui nous semblait le plus adapté et qui lui correspondait. Est-ce qu'on a besoin de plusieurs millions d'euros pour vivre ? Je ne pense pas. Il y a plein de gens qui vivent en dessous et largement en dessous. Je pense que mon travail sur trois générations mérite un revenu. Alors, on est dans une ville très chère et très compliquée. Mais est-ce que c'est nécessaire de monter sur des sommes colossales pour qu'ils ne puissent pas l'assumer et affirmer jusqu'au bout ? Paul, il a fait un effort. Paul, il est devenu chef d'entreprise. Il n'a pas bougé un centime de son salaire. Et ça, j'y tiens. Moi, quand j'ai repris l'entreprise familiale, j'ai coupé mon salaire par deux. Parce que j'étais le fils et j'avais un salaire qui était un petit peu plus... Mais je suis revenu à un salaire d'employé. Évidemment, une fois qu'on avait fini de payer le bébé, ça allait quand même nettement mieux. Mais il faut quand même accepter quelques sacrifices qui sont professionnels, qui sont familiaux, mais qui sont aussi financiers.
- Romain Le Gal
Paul a 60 ans du coup.
- Paul Morpain
Ouais, 60 ans, ouais. Non, non, alors,
- Pierre Gay
et Paul,
- Paul Morpain
faut pas oublier,
- Pierre Gay
Paul a payé déjà un an, il a juste 25 ans. Ça veut dire que sur 7 ans, à 31 ans, le bébé est complètement à lui. C'est quand même, non mais, c'est quand même un truc de malade. Parce que moi, j'ai encore des charges, pas sur le fonds bien entendu, mais sur l'entreprise, puisque j'ai encore la propriété des murs, qui ne sont pas finies, et j'ai plus la source initiale qui me le finançait naturellement avec mon travail. Donc, j'allais dire, c'est une chance incroyable pour lui que j'aurais pu avoir moi avant, puisque j'ai racheté 50% de la société en 1989. Je suis sorti de l'ENIL en 1981. En 1989, je rachète 50% de la société et j'ai dû attendre 2006 pour racheter les autres 50% quand mon père a pris sa retraite. Parce que mon père n'est pas parti à la retraite à 60 ans comme son fils, son dernier fils, mais bien plus tard. Et ce qui fait qu'à la sortie, quand on refait des gros crédits pour acquérir...
- Romain Le Gal
En pré-retraite, Pierre, en pré-retraite.
- Pierre Gay
En pré-retraite. En pré-retraite. Prêt-retraite. Prêt-retraite. Il y a eu une chance de pouvoir obtenir, j'allais dire, les cartes, pas les clés. les cartes pour y arriver que moi j'aurais peut-être pris un peu plus de rapidité pour l'acquérir. Et moi je suis super heureux de voir l'évolution. On a tiré notre premier bilan. Enfin, il a tiré son premier bilan.
- Romain Le Gal
C'est ce que j'allais dire, tu vois. J'ai plus les clés mais je fais le bilan quand même.
- Pierre Gay
J'ai une part. J'ai une part dans la société. J'ai une part comme ça, ça lui permettait de pouvoir garder mon nom et mon titre. C'est une...
- Paul Morpain
De l'exploiter un peu.
- Pierre Gay
Voilà, de m'exploiter. Donc j'ai participé et pour moi c'est une fierté. On ne parle pas argent tous les jours, mais quand je suis allé voir le bilan et qu'on voit qu'on a un bilan dans une année difficile et une première année et qu'il est plutôt positif et que le démarrage de l'année suivante se déroule plutôt très bien, et bien moi je me dis, voilà, bravo, bravo.
- Laëtitia
Et bien voilà,
- Romain Le Gal
je peux passer à la dernière question.
- Laëtitia
Qui va répondre en premier d'ailleurs ? Paul ?
- Romain Le Gal
Paul,
- Laëtitia
c'est bien. Quel est ta pizza préférée Paul ?
- Paul Morpain
Chèvre au miel.
- Laëtitia
Chèvre au miel.
- Romain Le Gal
Et Pierre ?
- Pierre Gay
Une savoyarde.
- Paul Morpain
Sainte-Maure
- Romain Le Gal
Pardon ? Et une pizza savoyarde.
- Pierre Gay
Une pizza savoyarde, je suis désolé. Lui il est expatrié, moi je suis dans mes racines. Alors j'aurais pu dire une pizza welsh ?
- Romain Le Gal
Mais pourquoi pas ?
- Laëtitia
On peut en parler,
- Romain Le Gal
non ? On peut en parler, parce qu'on aura la chance d'accueillir Pierre comme jury au Welsh Fest pour le concours international du Welsh sur les trois catégories, l'espoir, l'amateur et le professionnel. Pierre, mon conseil, pour avoir quand même donné un peu dans ce concours-là, ne mange pas pendant trois jours avant.
- Pierre Gay
Voilà, et puis je ne mangerai certainement pas pendant trois jours après. Et puis le citrate de bétaine pour faire passer tout ça le soir.
- Romain Le Gal
Ou une petite bière.
- Pierre Gay
Un petit coup de blanc. Un biloute.
- Romain Le Gal
Merci beaucoup les gars. Avec plaisir. Et bravo.
- Pierre Gay
Merci beaucoup.
- Paul Morpain
Merci.
- Romain Le Gal
Matthieu ? Ouais. On se retrouve, on s'est vu avant, on se voit après. Alors, t'as réussi à faire tout ce que tu voulais ?
- Matthieu Thuillier
Écoute, ouais, ouais, ouais. Mon gros plaisir, ça a été de sortir tout ce que je voulais, et surtout dans le temps imparti. Je me suis pas mis de pression sur le temps. Et j'ai sorti toutes mes épreuves nickel. C'était une grosse satisfaction. J'ai un peu de temps pour finir ma déco, et ça, c'était assez magique, ouais.
- Romain Le Gal
Deuxième place, c'est une belle consécration. Deux ans, deuxième place.
- Matthieu Thuillier
Ouais, abonné aux deux, les poulies d'or de la caséine, je te l'avais dit, mais... Mais ça me va, tout le monde adore Polydor et quel parcours en deux ans je le mesure aujourd'hui et ça c'est incroyable.
- Romain Le Gal
En tout cas félicitations et merci beaucoup d'avoir pris le temps de repartager quelques secondes.
- Laëtitia
Regarde qui est là. Le boss, tu parles, le boss il est là le boss.
- Romain Le Gal
Est-ce que tu peux te présenter pour ceux qui nous écoutent ?
- Franck
Je suis Franck, le créateur de la fromagerie Le Bois d'Amalthée. Toute la journée j'étais au stand parce qu'on a un stand là-bas à présenter les fromages aux clients. Et j'entendais tout le monde qui venait me dire « Oh mais c'est bien, pardon ! » « Oh mais c'est bien ce qu'il fait, oui, il a un podium ! » Et donc je n'ai pas vécu, donc là je vis la victoire, parce que pour moi c'est une victoire. Et donc je trouve ça, je lâche l'émotion. Je trouve que Mathieu a été exceptionnel, à la fois avec le vice-championnat de France. Là, il se retrouve propulsé au championnat du monde au milieu de l'été. On était à fond dans la saison, on ne pensait pas trop à ça. Il a tout géré dans son coin, il a donné deux, trois conseils. Puis là, pof, fini deuxième. Sur 18, je trouve ça fabuleux, quoi. Énorme.
- Romain Le Gal
Merci beaucoup, Franck. Fêtez bien ça.
- Franck
On va fêter ça, voilà. Et puis je voudrais surtout remercier Antoine.
- Romain Le Gal
Antoine.
- Antoine
Bonjour. Bonjour, Romain. Ça va ? Ah ouais, bien sûr. Bien sûr. On est absolument extatiques, t'es dingue. C'est incroyable pour nous. C'est incroyable.
- Romain Le Gal
C'est toujours une aventure d'équipe.
- Antoine
Oui, mais là, si tu veux, le premier championnat, on l'avait vraiment préparé à deux. Je l'avais coaché à fond. Et là, il m'en a presque un peu voulu, mais je lui ai dit, vas-y, là, c'est toi. Il faut que ce soit ta médaille. Il faut que tu comprends. C'est important de... Oui, c'est toi. Mets ton identité, mets tout dedans. Bien sûr, on l'a un peu orienté. Quand il avait une question, on lui répondait. Je ne l'ai pas non plus complètement laissé dans le noir. Mais là, il peut vraiment dire que c'est sa deuxième place. Il se l'est prise toute seule. Il a été la chercher toute seule. Il a travaillé tout seul. Ça, c'est vraiment canon.C'est incroyable.
- Romain Le Gal
Merci beaucoup. Profitez bien. Et oui, c'est déjà fini pour ce premier épisode inédit. On aura échangé sur le parcours, l'histoire, le terroir de ce petit fromage de chèvre au lait cru qui est le mothais-sur-feuille. Quel engagement, quelle énergie de toute une filière pendant plusieurs décennies pour obtenir une appellation. Avec Mathieu, on a vu une belle aventure humaine et quel défi c'est de préparer un concours. Enjore bravo pour cette deuxième place au concours mondial du meilleur fromager. Et cela seulement après deux ans dans la profession. Respect. Et enfin, une des clés du succès de la transmission semble déjà d'y avoir pensé. D'accompagner et ensuite d'être ouvert dans les deux sens pour transmettre des boutiques et des affaires qui ont parfois vu plusieurs générations de fromagers. Avec Lait'Change et leguidedufromage.com, nous espérons que cet épisode t'a plu. Merci à toi de nous avoir écouté jusqu'au bout. N'hésite pas à le partager, commenter, à nous mettre 5 étoiles sur les plateformes et nous te donnons rendez-vous dès la semaine prochaine pour la suite de cette série spéciale. A bientôt, salut !