- Romain Le Gal
Bienvenue sur Lait'Change, le podcast qui donne la parole aux actrices et aux acteurs de la filière laitière et fromagère. Je suis Romain Le Gal et avec France Frais, on est très heureux de te retrouver pour un nouveau beau moment d'échange avec celles et ceux qui font nos bons fromages. Aujourd'hui, on te propose de prendre la route pour les monts du Forez, dans le département de la Loire, et on part à la découverte de la Fourme de Montbrison AOP. Cette pâte persillée est parfois un peu méconnue quand on la compare à sa cousine, la Fourme d'Ambert. Rendez-vous donc à Sauvain, au Gaec des Épilobes, où nous attendent Véronique, Raphaël et Étienne. Ils vont nous parler de leur exploitation, de la production de ce fromage AOP mais également comment ils ont réussi le pari de redémarrer la fabrication fermière de fourme de Montbrison qui avait jusqu'alors disparu. C'est parti pour un nouvel épisode en immersion. Je te souhaite une très bonne écoute.
- Raphaël Charles
Bonjour Raphaël. Bonjour Romain.
- Romain Le Gal
Comment ça va ce matin ?
- Raphaël Charles
Ça va bien.
- Romain Le Gal
On est dans le Forez. Merci de m'accueillir. Tu m'emmènes où là pour démarrer ?
- Raphaël Charles
Je t'emmène à l'intérieur de notre ferme, donc où il y a les vaches et où il y a notre fromagerie.
- Romain Le Gal
Et on commence peut-être parce que là il y a encore la traite qui n'est pas finie ?
- Raphaël Charles
C'est ça, donc on va continuer de traire les vaches et puis après on ira faire de la fourme de montbrison.
- Romain Le Gal
Ok, bah cool, c'est parti.
- Raphaël Charles
Allez.
- Romain Le Gal
Je retrouve Véronique en salle de traite. Bonjour Véronique.
- Véronique Murat
Bonjour.
- Romain Le Gal
Je suis très content de vous retrouver ce matin au gaec avec les épilobes. Véronique, du coup, toi, tu es la maman d'Étienne.
- Véronique Murat
Oui.
- Romain Le Gal
Et tu es productrice de lait depuis combien de temps ?
- Véronique Murat
Alors moi, je suis productrice depuis 1994, date de mon installation. Donc aujourd'hui, j'ai 57 ans. Et donc, je suis arrivée à la campagne déjà en rencontrant mon mari. D'accord, pas fille d'éleveur. Non. Pas du tout. Je travaillais à l'extérieur au départ et puis au bout de trois ans de travail à la banque, j'ai dit j'en ai marre. Donc je suis revenue, je me suis formée et je suis revenue en m'installant avec Serge et à l'époque son père.
- Romain Le Gal
Donc du coup, cette exploitation, avant c'était quoi ?
- Véronique Murat
C'était 35 vaches laitières, du lait en respectant toujours le cahier des charges de l'AOP Fourme de Montbrison. Et on vendait tout notre lait à la laiterie, et c'est la laiterie qui fabriquait la fourme.
- Romain Le Gal
Et quand Étienne a eu le projet de s'installer, ça a été quoi le sentiment ? Ça a été quoi un peu ?
- Véronique Murat
Alors, il faut être honnête avec Raphaël, depuis qu'ils sont hauts comme trois pommes, amis d'enfance, ils étaient toujours chez l'un ou chez l'autre, et on savait qu'ils allaient s'installer ensemble.
- Romain Le Gal
D'accord.
- Véronique Murat
C'était déjà écrit ça, voilà. Et après, oui, avec nous. C'est une nouvelle géniale. Quand on voit deux jeunes aussi passionnés, c'est beau.
- Romain Le Gal
Et donc, comment tu as vu évoluer ? Là, on est en salle de traite. Comment tu as vu évoluer un petit peu avec la construction du nouveau bâtiment, ton confort ?
- Véronique Murat
Oui, alors là, c'est bien amélioré. Oui, c'est vrai. Donc, c'est vrai que les jeunes... Dans leurs deux années de BTS, on réfléchit, on mijotait tous leurs projets. Et c'est vrai que c'est eux qui ont fait les plans du bâtiment. Et honnêtement, ils ont cherché à être le plus efficient possible. Donc, de façon à ce qu'on perd le moins de temps possible, que le travail soit le plus efficace. Sachant qu'on y passe déjà bien assez de temps, il fallait que ce soit efficace. Donc, c'était un très bon raisonnement. Donc, c'est vrai que la salle de traite, c'est une traite par l'arrière. Il n'y a aucun mur. les vaches sortent directement sur les airs et du coup on a très peu de nettoyage et franchement c'est un plaisir de travailler tous les jours c'est beaucoup moins pénible qu'avant et et on est efficace on le sent que voilà c'est on perd pas de temps sur des choses qui sont nécessaires mais si on peut les éviter autant le faire quoi.
- Romain Le Gal
Toi il te reste encore quelques années avant la retraite. Et comment toi tu vois l'avenir du monde agricole ?
- Véronique Murat
Alors je pense qu'on est à un tournant aujourd'hui, il y a un gros virage parce qu'aujourd'hui les jeunes s'installent, mais rien ne dit qu'ils feront ça jusqu'à la fin de leur vie. Et à la limite, on va dire tant mieux. Enfin je veux dire, si ils en ont marre, si physiquement c'est trop compliqué, il faut savoir dire stop plutôt que d'arriver à des suicides ou à des choses tristes. Donc ça c'est une vraie révolution je pense C'est qu'aujourd'hui les jeunes Ils commencent leur carrière Mais ils savent très bien que peut-être un jour Il y aura quelque chose, ils vont changer de route Donc c'est pour ça qu'à la base c'est bien que les jeunes soient formés Parce que s'ils ont fait des études Ça leur servira toujours un jour Donc ça c'est important C'est toujours ce qu'on apprenait Avec nos enfants Tu fais quand même un million d'études minimum d'études au départ et ça te servira toujours un moment ou un autre.
- Romain Le Gal
On va tout à l'heure aller voir la fourme de Montbrison après avec Raphaël. Tu la connais un petit peu l'histoire de ce vieux fromage ?
- Véronique Murat
À la base, les femmes l'été montient sur la montagne avec les vaches.
- Romain Le Gal
Dans les hautes chaumes ?
- Véronique Murat
Voilà, sur les hautes chaumes. Elles s'appelaient "jasseries".
- Romain Le Gal
C'était des anciennes fermes finalement où elles vivaient.
- Véronique Murat
C'était un seul bâtiment allongé plat où d'un côté il y avait les vaches, de l'autre côté la maison. C'était tout ensemble. Et donc elles montaient là-haut l'été pour utiliser les pâtures qui étaient là-haut. Et donc comme tous les fromages de France, c'est un moyen de conserver du lait. Donc elles fabriquaient ce fromage. Et à la base, les marchands montaient sur la montagne dans chaque ferme, récupéraient les fromages et les vendaient. Alors, s'ils les vendaient sur Montbrison, ils les appelaient Fourme de Montbrison. S'ils les vendaient sur Ambert, ils les appelaient Fourme d'Ambert.
- Romain Le Gal
D'accord, ok. Donc,
- Véronique Murat
c'était, voilà, on part de très loin.
- Romain Le Gal
Il n'y avait pas à l'époque, il me semble, qu'il n'y avait plus de fermiers.
- Véronique Murat
Voilà, on était les premiers à redemander l'AOP fermière. Au niveau du syndicat. Donc, aujourd'hui,
- Romain Le Gal
il y a quatre fermiers.
- Véronique Murat
Voilà.
- Romain Le Gal
Et il y a trois autres entreprises qui fabriquent de la Forme de Montbrison. Voilà,
- Véronique Murat
un artisan et deux entreprises.
- Romain Le Gal
Deux entreprises pour un volume annuel d'environ 700 tonnes.
- Véronique Murat
Voilà.
- Romain Le Gal
Et donc, du coup, c'est une super histoire parce que finalement, vous avez, avec l'installation de Raphaël et Étienne, redémarré un peu cette tradition sur des structures plus petites.
- Véronique Murat
Ça a permis de relancer cette filière. C'est vrai que la fourme de Montbrison, pendant longtemps, c'était le caractère des foréziens. Les foréziens, ils se contentent de ce qu'ils ont. Et là, on peut faire vraiment le parallèle avec l'Auvergne, par exemple, où la fourme d'Ambert, ils sont montés à Paris, ils l'ont développée, développée, alors que nous, non, on se contentait de ce qu'on avait. Et donc, du coup, c'est pour ça que la fourme de Montbrison, aujourd'hui, finalement, elle n'est pas très connue parce qu'il n'y a jamais eu une grande volonté d'aventurier, d'aller la vendre. Donc maintenant, les jeunes l'ont, cette mentalité, mais c'est un peu plus dur à revenir.
- Romain Le Gal
On va à Paris tous les ans pour les poudres dans les yeux.
- Véronique Murat
On va faire le concours annuel. C'est le CGA. On a eu d'ailleurs deux fois des médailles d'or. Je suis assez fière de travail de mes jeunes. C'est bien. Depuis deux ans, avec le conseil départemental qui a un centre Loire à Paris, pour le salon de l'agriculture.
- Romain Le Gal
On parle de la fourme de Montbrison à fond.
- Véronique Murat
Bien sûr qu'on y va à fond.
- Romain Le Gal
Merci beaucoup Véronique. J'aurais une dernière question. C'est quoi ta pizza préférée ?
- Véronique Murat
pizza préférée. Elle a la fourme de Montbrison, ça c'est une évidence. Et puis elle a un peu d'artichaut, un peu de jambon, un peu de champignon. Moi je suis assez...
- Romain Le Gal
Une pizza généreuse.
- Véronique Murat
Oui. Ah bah généreuse, oui, ça c'est clair.
- Romain Le Gal
Merci. Raphaël, tu démarres ta matinée par ce qu'on est en train de voir là. Qu'est-ce que t'es en train de faire ?
- Raphaël Charles
Donc là je suis en train de démouler. Donc c'est des fourmes que j'ai fabriquées hier matin. Donc elles sont restées pendant 20 heures en moule. Et donc là je les moule, je les sale, je les roule dans le gros sel. Et je les mets sur les chenots en bois d'épicéa, donc couchés. Et le but du gros sel ça va être de permettre de continuer d'égoutter. Voilà, continuer d'égoutter. Le gros sel va permettre de drainer, de tenir les fourmes en hauteur. Pour que le sérum s'écoule bien.
- Romain Le Gal
Et puis après tu les mets sur la particularité, la spécificité de la fourme de Montbrison. Ces chéneaux en bois, ces gouttières que là on voit qui sont en résineux, elles sont un peu penchées ces gouttières ?
- Raphaël Charles
Voilà, c'est le but d'égoutter le sérum. Le fait de les mettre dessus, c'est de faire développer notre croutage orangé, notre fameux croutage. Il y a un biofilm qui est présent dans le bois. Le fait de tourner les fourmes d'un quart de tour deux fois par jour, ça va prélever la flore du bois et au bout d'une semaine, on a un croutage orangé. Et les fourmes sont sèches et c'est parti pour la suite.
- Romain Le Gal
Et donc pendant ce temps-là, tu as déjà mis la présure de l'autre côté ?
- Raphaël Charles
C'est ça, la cuve de la journée est en route, donc le lait est en train de cailler. Donc on va aller pouvoir voir le temps de prise ensemble.
- Romain Le Gal
Donc là, c'est combien de temps le temps de prise en forme de Montbrison ?
- Raphaël Charles
16 minutes chez nous. Donc ça varie en fonction de la température. Donc là, on se rend compte que ce n'est pas encore pris. Les 16 minutes ne sont pas encore passées. on est qu'à... 12-13 minutes, il manque encore.
- Romain Le Gal
On voit des choses dans la cuve qui sont remontées.
- Raphaël Charles
C'est ça. C'est de la matière grasse.
- Romain Le Gal
On sait qu'il y en a un petit peu. Un petit peu ?
- Raphaël Charles
C'est l'aspect mécanique, c'est les pompes qui donnent un peu cette... Mais bon, ça va, il n'y a pas de mal.
- Romain Le Gal
Et là Raphaël, tu es en train de faire quoi ?
- Raphaël Charles
Je prélave les moules juste avant de les mettre dans le lave-vaisselle.
- Romain Le Gal
Souvent les gens qui nous écoutent en fromagerie, on passe beaucoup de temps à travailler, mais on passe aussi beaucoup de temps à nettoyer.
- Raphaël Charles
C'est ça. La fabrication, certes, c'est technique, mais ça reste assez court. Le découpage du caillé, c'est 10 minutes. Le moulage, ça dure 20 minutes. Le nettoyage derrière, il y a une heure, une heure et quart de boulot.
- Romain Le Gal
Qu'est-ce que tu es en train de faire là Raphaël ?
- Raphaël Charles
Je suis en train de décailler.
- Romain Le Gal
Alors du coup, on t'a vérifié après un temps de prise.
- Raphaël Charles
C'est ça. Donc le temps de prise était bien à l'heure. Donc du coup, je peux bien décailler à l'heure.
- Romain Le Gal
Tu dois décailler pendant combien de temps environ ?
- Raphaël Charles
Donc normalement, ça dure à peu près 10 minutes. en fonction du caillé, comment il est en fait. Plus le caillé est mou, plus il faut aller lentement. Donc au départ, quand on met en route, on va à la plus petite vitesse pour que ça prenne bien le temps de couper. Et plus le temps passe, plus on va vite. Nous, l'objectif, c'est d'avoir un grain de caillé de la taille d'un grain de blé.
- Romain Le Gal
Comment tu as appris tout ça ?
- Raphaël Charles
J'ai eu la chance de travailler en tant que fromager chez Hubert Tarit, fromagerie des Hautes Chaumes, c'est une fromagerie artisanale. J'ai travaillé chez lui pendant 5 mois en tant que fromager. C'est là que j'ai appris tous les secrets de la forme de Montbrison.
- Romain Le Gal
Ce que tu me disais tout à l'heure, c'est que la première fois que tu as transformé ici, tu es passé sur une cuve un petit peu plus petite.
- Raphaël Charles
Voilà, donc du coup, je suis passé de... D'habitude je transformais 4000 par jour et là je suis arrivé chez moi avec 1200. Donc c'était pour moi pas un gros changement. Ça m'a pas fait peur du tout.
- Romain Le Gal
Donc le process continue et là la phase du brassage a commencé. C'est quoi le but du brassage ?
- Raphaël Charles
Le but du brassage c'est d'égoutter le grain. Donc nous, contrairement à la fourme d'ambert, on n'est pas là pour coiffer le grain, mais juste l'égoutter. Donc c'est vraiment un brassage tranquille. Il faut juste que le grain de caillé monte à la surface et qu'il soit bien mélangé encore au sérum. Il ne faut pas qu'il y ait de paquets qui apparaissent, sinon on va les retrouver après, par la suite, ça peut faire des noyaux acides.
- Romain Le Gal
Et pour ceux qui nous écoutent, le coiffage du grain, c'est quand on brasse, le grain vient se recouvrir d'une petite couche et vient se protéger.
- Raphaël Charles
Il se fait une petite coque autour de lui-même.
- Romain Le Gal
Et du coup, sur la fourme d'Ambert, c'est recherché, notamment pour faire des petits interstices pour que le bleu vienne derrière se développer.
- Raphaël Charles
Donc c'est un bleu veiné et non avec des cavernes.
- Romain Le Gal
Donc là, le brassage est terminé. Maintenant, tu as commencé à finalement... À soutirer. Soutirer, vider la cuve.
- Raphaël Charles
C'est ça.
- Romain Le Gal
Et c'est quoi l'objectif ?
- Raphaël Charles
On va séparer le caillé du petit lait. Le petit lait va partir au cochon et nous, on va garder le caillé pour fabriquer la fourme de montbrison.
- Romain Le Gal
Là, ça s'égoutte. Ça va s'égoutter.
- Raphaël Charles
Il y aura un léger pressage. Vraiment léger. C'est vraiment aider un petit peu à l'évacuation du reste de lactosérum. Il faut que ça aille un peu plus vite. Le but. pour égoutter. Après, on démarre le moulage.
- Romain Le Gal
Et qu'est-ce que tu penses de ce que tu vois ?
- Raphaël Charles
Le grain de caillé a l'air parfait. On voit que le fromager est bon.
- Romain Le Gal
Raphaël, du coup, l'égouttage a été fait. C'est quoi qui se passe après ? Qu'est-ce que tu es en train de faire ?
- Raphaël Charles
Donc là, on broye le caillé, on met le sel, on mélange et on met un moule.
- Romain Le Gal
Là, toi, tu mélanges de manière manuelle. Pourquoi ?
- Raphaël Charles
C'est ça. Ça permet d'être vachement régulier. On va dire que, vu de mon œil, il n'y a rien qui passe à travers. Tout le caillé est bien mélangé, bien broyé. Je re-broye un peu à la main. Je ressuis, en fait, parce que les machines ne font pas d'efforts régulièrement.
- Romain Le Gal
Et ça permet aussi que ton grain ne sèche pas trop ?
- Raphaël Charles
Non, c'est ça. Le but, c'est d'aller au plus vite.
- Romain Le Gal
Donc, la forme de montbrison, la particularité, c'est que c'est le salé dans la masse. et Et le pénicillium, tu l'as mis à quel moment du coup ?
- Raphaël Charles
Le pénicillium, je l'ai mis avec les ferments dans la cuve de fabrication, donc en début de matinée, à 6h30 ce matin, quand le lait arrivait dans la cuve tout de suite, au fur et à mesure que les vaches se traient.
- Romain Le Gal
Et le fromage, une fois moulé, il va rester combien de temps, c'est goûté ?
- Raphaël Charles
Il va rester... C'est pendant 20 heures à peu près.
- Romain Le Gal
Et il va y avoir des retournements ?
- Raphaël Charles
Il va y avoir 5 retournements pendant ces 20 heures.
- Romain Le Gal
Donc là, ça fait un peu les bras finalement ?
- Raphaël Charles
C'est ça, ça réchauffe.
- Romain Le Gal
Ça réchauffe. Tu nous emmènes où là Raphaël ?
- Raphaël Charles
On va aller dans le sens de sortie, donc là où on a mis les fourmes qui sont sorties des chéneaux ce matin même.
- Romain Le Gal
Alors ce matin, les fromages restent combien de temps sur les chéneaux ?
- Raphaël Charles
Donc sur les chéneaux, elles restent une semaine.
- Romain Le Gal
D'accord.
- Raphaël Charles
Elles sont tournées un quart de tour matin et soir.
- Romain Le Gal
Ok.
- Raphaël Charles
Pour bien qu'elles gardent la forme. Et donc voilà, au bout d'une semaine, la forme est toute orange. Donc le fait de l'avoir tournée deux fois par jour sur les chéneaux, on va pouvoir regarder l'aspect cylindrique. Le retournement en moule permet de mettre une jolie plateforme bien régulière avec un angle bien accentué.
- Romain Le Gal
Donc là, elles sont affinées la suite. De manière verticale ? C'est ça. Elles sont affinées debout ?
- Raphaël Charles
Donc là, elles sont prêtes à partir en cave.
- Romain Le Gal
Ok.
- Raphaël Charles
Chez notre affineur. Donc là, elles vont rester trois jours en caisse. Et après, l'affineur va les emmener dans sa cave où là, se passe le piquage. Donc le piquage, c'est des aiguilles qui transpercent la fourme.
- Romain Le Gal
Qui permettent de faire passer de l'air ?
- Raphaël Charles
C'est ça. Qui va faire rentrer l'oxygène à l'intérieur de la fourme et qui va permettre de transformer la pâte et faire développer le bleu.
- Romain Le Gal
Le penicillium roqueforti qui a besoin d'air, d'humidité et de sel. Ça tombe bien. Je crois qu'il y a un peu de sel dans la fourme de montbrison. La fourme de montbrison, elle peut être AOP à partir de combien de jours ?
- Raphaël Charles
Au bout du 32e jour.
- Romain Le Gal
Date d'emprésurage.
- Raphaël Charles
C'est ça.
- Romain Le Gal
En dessous, ce n'est pas de la fourme. C'est ça. De montbrison.
- Raphaël Charles
Ce n'est pas de la fourme de montbrison. Ça peut être de la fourme, mais pas de montbrison.
- Romain Le Gal
Alors là, je me retrouve avec Étienne. perché à combien de mètres ?
- Étienne Murat
On est à
- Romain Le Gal
6 mètres de haut. Je suis posé sur une petite planche, donc il faut faire attention que je ne parte pas à l'inverse. Et du coup, c'est quoi cet endroit ?
- Étienne Murat
On est dans la griffe à fourrage qui nous sert à rentrer le foin dans le séchage en grange.
- Romain Le Gal
Vous apportez tout le foin en séchage en grange. C'est un projet que vous aviez, c'est une volonté. C'est quoi le séchage en grange ? Pour ceux qui nous écoutent, pour expliquer un petit peu.
- Étienne Murat
En fait, à l'origine de notre projet, on vendait du lait à la fromagerie des Hautes-Chaumes, qui était un lait spécial foin. Pour continuer cette vente-là, il fallait qu'on ait un système tout herbe et tout en foin. Donc, à la création du bâtiment, on s'est dit que le meilleur système, c'est le séchage en grange. L'objectif, c'est de rentrer de l'herbe qui est plutôt humide et de finir de la sécher à l'intérieur du bâtiment grâce à de l'herbe ventilée.
- Romain Le Gal
Ok. Et du coup, comment ça fonctionne après ? Donc vous séchez l'herbe et puis vous distribuez au fur et à mesure ?
- Étienne Murat
C'est ça. Donc en fait, le séchage est équipé de quatre cellules de séchage. Donc en fait, on peut trier nos foins en fonction de la qualité et d'altitude de récolte. Et l'herbe est séchée par dessous. En fait, il y a un caillotique qui sert à faire passer l'air, qu'on récupère en grande partie sous le toit. C'est de l'air qui est réchauffé par le bac acier qui est sur le toit. Et après, il passe dans une machine de déshumidification pour enlever l'eau qui est dans l'air.
- Romain Le Gal
Et c'est un système que toi tu voulais absolument ou parce que j'ai déjà vu des séchages où c'est des séchages en balles, mais ça c'était vraiment une volonté de votre part ?
- Étienne Murat
Oui c'est ça en fait, c'était le système le plus efficace et nous on voulait avoir un système qui fonctionne vraiment bien, où on n'est pas embêté. Donc on a fait beaucoup de visites, on a fait des stages pour voir comment ça fonctionne et c'est là qu'après on a décidé quel système de séchage on voulait. Donc là on est à 1000 mètres d'altitude, donc c'est vrai qu'au printemps pour sécher de l'herbe c'est quand même assez dur. Donc le système avec des humidificateurs nous facilite la vie.
- Romain Le Gal
Je te laisse jouer avec ta griffe.
- Étienne Murat
C'est parti.
- Romain Le Gal
On est dans le bâtiment Vache Laitière, donc là tu as une partie du troupeau de renouvellement.
- Étienne Murat
C'est ça. Derrière nous, nous avons les petites génisses qui ont entre un an et un an et demi.
- Romain Le Gal
Et comment vous travaillez justement ce renouvellement ? Vous travaillez de la génétique ?
- Étienne Murat
Donc c'est ça en fait, c'est mon grand-père qui avait monté le troupeau de Vache Montbéliarde. Dès le début, il s'est rendu compte que la génétique pouvait apporter des bienfaits sur la qualité du lait. Donc il a tout de suite travaillé la race. Et après il a transmis cette passion à mon père qui a beaucoup continué. Et maintenant il me la transmise moi aussi.
- Romain Le Gal
Qu'est-ce que tu cherches quand tu sélectionnes tes taureaux ? Et pour ta génétique, qu'est-ce que tu regardes ?
- Étienne Murat
La première chose qu'on regarde c'est le lait, la valeur du lait et la qualité. Pour avoir un lait qui soit de bonne qualité pour faire du fromage.
- Romain Le Gal
Donc avec un bon taux protéique et un bon taux butyreux.
- Étienne Murat
C'est ça. pour avoir le meilleur rendement. Et après, on regarde aussi ce qu'on appelle les risques sanitaires du lait qui sont indexés et qui nous permettent de savoir s'il y a des vaches qui potentiellement peuvent avoir des problèmes sanitaires. Donc ça, c'est la qualité du lait. Et après, on regarde aussi la partie morphologie.
- Romain Le Gal
Pour avoir des bons pieds, un port de mamelle qui ne soit pas trop bas pour éviter que ça traîne.
- Étienne Murat
Voilà, c'est des mamelles les plus solides possibles pour qu'elles durent très longtemps et avoir des pieds très très costauds pour aller à la pâture. Les vaches prennent beaucoup de chemin, donc il faut qu'elles soient aptes à marcher pendant beaucoup de temps.
- Romain Le Gal
Dans le cas des charges de la fourme de montbrison, elles doivent passer combien de temps dehors ?
- Étienne Murat
C'est minimum 150 jours de pâturage.
- Romain Le Gal
Vous êtes, je pense, bien au-dessus ?
- Étienne Murat
Oui, c'est ça. Le principal objectif, c'est de faire pâturer. Donc, dès qu'il fait beau, les vaches sont dehors. Après, maintenant, avec les risques de sécheresse, l'été, on a de plus en plus de mal à tenir un pâturage sur toute la journée. Donc, on trouve d'autres solutions pour leur donner à manger.
- Romain Le Gal
C'est-à-dire ?
- Étienne Murat
Elles mangent du foin à l'intérieur, ou des fois, on va chercher de l'herbe en verre dans des parcelles beaucoup plus lourdes.
- Romain Le Gal
Vous faites un petit peu d'affouragement en vert aussi ?
- Étienne Murat
Pour qu'elles aient toujours le maximum d'herbes vertes à manger, soit auprès, soit dans le bâtiment.
- Romain Le Gal
Vous êtes autonome au niveau des fourrages ?
- Étienne Murat
On l'est en fonction des années. Comme l'année passée, on a ramassé beaucoup d'herbes, nous aide pour cette année qui est un peu plus sèche. Et dans l'ensemble, on est à peu près autonomes.
- Romain Le Gal
Bon les gars, on vient de voir la traite, on a fait un passage en fromagerie, séchage en grange, plein de belles choses. Et puis là, on est monté, on est finalement à côté des vaches en pâture. Comment vous décririez votre région ? Le Forez, les Hauts Forez, comment vous le décririez ?
- Étienne Murat
C'est des champs verts de pâture. des bois, de l'altitude et plein de petites maisons qui sont perchées sur les petites collines d'un côté et de l'autre.
- Romain Le Gal
C'est quoi le climat ici ? Parce que c'est vert, on est fin juillet, c'est encore vert. Vous me disiez quand on était en train de monter qu'il a plu pas mal et qu'il caille ces derniers temps dans le coin. On a de la chance aujourd'hui d'avoir un rayon de soleil. C'est quoi le climat normalement en fonction des saisons ici ?
- Raphaël Charles
L'hiver, on a de la neige.
- Romain Le Gal
Oui, encore maintenant.
- Raphaël Charles
Plutôt moins qu'avant, bien sûr. La neige a un peu disparu, on en a souvent autour de fin d'année. Après, on a plutôt des printemps plutôt doux, des printemps qui sont avancés par rapport à avant. Et après, plutôt des étés secs à partir de début juillet jusqu'à fin août. Nous, ce qu'on aime, c'est un temps qui change, un temps où il y a du soleil et de la pluie.
- Romain Le Gal
C'est bon pour l'herbe ?
- Raphaël Charles
Voilà, c'est ça. Pour faire la pousse de l'herbe et pour que les vaches mangent. le maximum à l'extérieur.
- Romain Le Gal
Ta maman, Étienne, tout à l'heure, nous en a déjà un petit peu parlé. C'est quoi votre histoire ? Comment vous vous êtes rencontrés et comment vous êtes arrivés à être ici aujourd'hui ?
- Étienne Murat
L'histoire nous a démarré il y a déjà très très longtemps. Depuis tout petit, on est voisins et on se voyait d'un jour chez l'un à un jour chez l'autre pour travailler, entre guillemets. Donc, on allait faire des petites bricoles pour se dépanner. Et puis naturellement, le projet de se mettre en GAEC ensemble était une évidence. Donc c'est pour ça que depuis 6 ans maintenant, on est en GAEC ensemble.
- Romain Le Gal
C'était quoi votre vision ? Parce que c'était donc deux petites exploitations. De ce que j'ai compris, l'exploitation de toi Raphaël, de tes parents, c'était 15 vaches laitières ?
- Raphaël Charles
Ouais, une vingtaine, ouais.
- Romain Le Gal
15-20 et toi c'était 30-35 vaches laitières ?
- Raphaël Charles
C'est ça.
- Romain Le Gal
Vous avez regroupé les deux troupeaux ? C'était quoi votre vision par rapport à ça ?
- Raphaël Charles
Le but au départ, c'était de regrouper les deux troupeaux et de travailler ensemble. Le but, c'était de produire du lait comme nos parents le faisaient et d'envoyer le lait en laiterie. Donc, on avait quand même l'objectif de garder la fromagerie des Hautes-Chaumes qui voulait du lait tout foin. Donc, on a décidé de chiffrer un séchage en grange, sauf que le prix du lait ne payait pas le coût du séchage. Donc, c'est de là qu'on a décidé de monter une fromagerie à la ferme. Vu que la valeur ajoutée est supérieure, ça nous paye à financer le séchage en grange.
- Romain Le Gal
Donc c'est vraiment le séchage en grange, le système finalement pour garder le tout foin, qui a fait réfléchir à la fromagerie.
- Raphaël Charles
C'est ça.
- Romain Le Gal
Au niveau du fonctionnement de la filière, vous êtes une petite filière, on en a déjà parlé tout à l'heure. Comment vous travaillez ensemble ?
- Raphaël Charles
Alors nous, déjà sur notre ferme, on a la chance de travailler un peu avec tout le monde parce que nos fourmes sont affinées à l'entreprise Laitière de Sauvain, par Éric Soubeyrand. On livre du lait, donc le reste du lait est livré à la fromagerie des Hautes-Chaumes, chez Hervé Mons. Et en plus de ça, l'autre partie du lait est vendue à la fromagerie du Pont de la Pierre, chez Lactalis.
- Romain Le Gal
Pour vous, c'est quoi une bonne fourme de Montbrison ?
- Raphaël Charles
Disons une fourme avec un bleu doux, on peut dire, avec un petit goût de noisette. Et après, visuellement, il ne faut pas que le bleu soit trop présent, mais il faut qu'il y en ait suffisamment. Et voilà, avec une belle couleur de croutage orangé.
- Romain Le Gal
Et toi, tu l'aimes comment, Etienne, la fourme ?
- Étienne Murat
L'idéal, c'est qu'elle est très douce. Et légèrement fondu avec un petit peu de miel, ça régale.
- Romain Le Gal
Ça régale, donc chaude plutôt, toi, tu la consommes ? Plutôt chaude, oui. Ok. Et j'ai lu au niveau du syndicat qu'il y avait pas mal de projets, notamment, qui ont trouvé un petit jeu de mots sympa, transformation, je ne sais pas si... Est-ce que vous pouvez m'en dire quelques mots ?
- Étienne Murat
À l'origine, le projet de transformation, c'était... une ouverture d'esprit sur l'avenir de l'AOP. Donc à la suite de plusieurs réunions de travail, il y a eu des groupes de travail qui se sont montés. Donc il y avait quatre groupes. Un groupe plutôt santé animale, un groupe production fourragère et sécurité alimentaire. Après il y avait un groupe sur la communication et un dernier groupe sur la fabrication du fromage. Donc au sein de ces différents groupes, des pistes ont été évoquées en fonction des projets de chacun. Et donc voilà, donc ça La partie fourragère, on a beaucoup travaillé sur les prairies, sur comment être autonome et gérer les phases de sécheresse. Et sur la partie ferrandaise, c'était une idée qui était sortie du groupe production animale. Et c'est la race emblématique de notre secteur, donc c'est vrai que la réintroduire c'est une bonne chose. Après il faut faire ça dans de bonnes conditions pour que ce soit vraiment un projet qui soit mené à terme et qui soit plutôt objectif.
- Romain Le Gal
Comment vous voyez l'avenir de manière générale ? Dans votre région, le monde agricole, le monde fromager, le lait cru ?
- Étienne Murat
Avec la zone AOP, on est sur un bassin de production qui est quand même assez dynamique. Donc sur la partie vraiment territoriale, on a beaucoup de jeunes qui s'installent, les paysans sont motivés. Donc je pense qu'on arrivera à maintenir nos outils de production aussi, puisqu'avec trois laiteries sur la même commune, il faut quand même qu'il y ait un bassin de production de lait qui soit important. Et après, c'est vrai que le lait cru, c'est quand même des goûts qui sont différents. C'est une meilleure qualité de fromage, par exemple. Et ça apporte aussi au corps humain une autodéfense liée au potentiel microbes qui peuvent être toucher. Donc, il ne faut pas avoir peur de manger du lait cru, de consommer et tout ira bien.
- Romain Le Gal
Donc, un bel avenir dans le forez.
- Raphaël Charles
C'est ça, pour le lait cru.
- Romain Le Gal
Pour le lait cru. J'ai une dernière question avant qu'on se quitte. quel est votre pizza ? préférée ?
- Raphaël Charles
Montbrisonnaise.
- Romain Le Gal
C'est très objectif ça comme réponse.
- Raphaël Charles
Ce qui m'est venu à l'idée en premier. Bizarrement, on est un peu chauvin.
- Romain Le Gal
Et toi ?
- Étienne Murat
Moi j'aurais dit la 4 fromages.
- Romain Le Gal
La 4 fromages mais avec de la fourme de montbrison évidemment. Merci beaucoup pour votre accueil. Et puis à très bientôt. A plus. Vive la fourme. Notre épisode touche bientôt à sa fin. Quel moment de partage autour de ce fromage AOP qu'est la forme de Montbrison, avec toutes ses particularités. On peut citer le salage dans la masse, qui lui confère une texture ferme et un persillage doux et fin, ou encore l'affinage sur ce chéneau en bois, cette fameuse gouttière de résineux, qui lui donne un joli croutage orangé et une pâte de couleur crème. Il était intéressant de voir comment sur une petite filière organisée, les gens s'entraident pour que tout le monde progresse. Un bel exemple qui peut inspirer. La fourme de Montbrison est encore un peu méconnue. On compte donc sur toi pour en parler et la faire découvrir. C'était une très belle histoire de famille et d'amitié que nous a partagé le Gaec des Épilobes. Il est beau de voir que des projets, des rêves d'enfants peuvent se réaliser. Merci vraiment à tous les trois pour ce moment de partage et d'échange. On espère que cet épisode t'a plu. N'hésite pas à le partager ou à laisser des commentaires sur les réseaux. Et on te dit à très bientôt pour un nouvel épisode de Lait'Change.