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Lait'Change #3 - Le Langres AOP avec Marie REMILLET

Lait'Change #3 - Le Langres AOP avec Marie REMILLET

38min |30/09/2024
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Description

Retrouvez Romain LE GAL dans ce troisième épisode de Lait'Change, en compagnie de Marie REMILLET dans la Haute-Marne pour parler du fromage éponyme au plateau « Le Langres » un fromage AOP à pâte molle et croute lavé. Pendant son affinage, il prend une couleur orange, sa forme spécifique en dôme est creusé en son centre, formant une « cuvette ». Il existe trois formats : petit (150-250 gramme), moyen (250-350), gros format : 800 – 1300 grammes.

Cette AOP très récente (2009), est née en Haute-Marne. Ce bassin laitier compte depuis longtemps énormément de fromagerie, mais on y fabriquait avant tout beaucoup d’emmental à cause des difficultés de transport et de l’isolement de leur région. Avec l’évolution des transports et la facilité de se rendre dans des grandes villes, le développement d’autres fromages, plus frais, comme le Langres a pu se faire en transportant leur fromage dans d’autres régions pour le vendre, et notamment sur la région Île-de-France pour vendre les fromages sur le Min de Rungis.

La Haute-Marne, zone d’appellation du Langres, est un des départements les plus boisés de France. On y trouve très peu d’habitant par rapport à sa superficie, elle est très verte avec beaucoup de champ et de forêt. Il est également très humide ce qui profite à la croissance de l’osier qui a besoin de beaucoup d’eau, La ferme REMILLET se situe à 10 km de la capitale de l’Osiériculture.

Lait’Change, le podcast qui donne la parole aux actrices et acteurs de la filière laitière et fromagère. Romain LE GAL, Meilleur Ouvrier de France Fromager 2023 fait le tour des régions de France pour nous faire découvrir des fromages AOP, des coopératives et rencontrer des passionnées de fromages pour en apprendre plus sur leurs histoires. Ces garants du patrimoine et de leurs métiers font la richesse de notre pays et notre culture. Produit par France Frais, le distributeur, tout proche de vous.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Romain LE GAL

    Bienvenue sur Lait'Change, le podcast qui donne la parole aux actrices et aux acteurs de la filière laitière et fromagère. Je suis Romain Le Gal et je vous retrouve en Haute-Marne. Le fromage AOP dont nous allons parler aujourd'hui est l'éponyme d'une ville fortifiée située sur un plateau du même nom, à 466 mètres. Je parle bien sûr du Langres. Et pour parler de ce joli fromage, je suis en compagnie de Marie Remillet. Bonjour Marie.

  • Marie Remillet

    Bonjour Romain.

  • Romain LE GAL

    Marie, pour démarrer cette interview... Ce que je te propose, c'est de te présenter.

  • Marie Remillet

    Tout à fait. Je m'appelle Marie Remillet, j'ai 31 ans. Du coup, je suis née à Langres et j'ai grandi à Genevrière, où se trouve la fromagerie.

  • Romain LE GAL

    La fromagerie Remillet.

  • Marie Remillet

    C'est ça. Et donc, du coup, à mes 15 ans, j'ai commencé à travailler les étés à la fromagerie. Et puis, de là, j'ai vraiment... aimé le métier de fromager, de faire vraiment de la fabrication de fromage. Donc, j'ai orienté mes études tout d'abord dans un diplôme agricole, un bac agricole, pour apprendre la production laitière. Et ensuite, j'ai réalisé un BTS et une licence en produits laitiers, donc à l'école de Poligny, donc l'ENIL, l'École Nationale d'Industrie Laitière.

  • Romain LE GAL

    D'accord. Et du coup, qu'est-ce que tu as appris à l'ENIL ? C'est quoi les études à l'ENIL ?

  • Marie Remillet

    J'ai appris à pouvoir fabriquer du fromage et puis aussi tout ce qui est autour du fromage. Parce qu'en fait, il y a la fabrication, mais il y a aussi tout ce qui est la qualité, ce qui est le recherche et développement, ou aussi quand il y a un problème de fabrication, pouvoir arriver à identifier le problème et à le résoudre. Donc voilà, et j'ai fait aussi une partie de management. parce que du coup, aujourd'hui, c'est aussi encore un autre métier, mais on a besoin aujourd'hui. Donc, pour pouvoir échanger avec une équipe, gérer une équipe et voilà.

  • Romain LE GAL

    Et après, pendant tes études ou après tes études, tu as été travailler dans d'autres fromageries ? Tu as fait un petit tour de France, un petit tour du monde peut-être ?

  • Marie Remillet

    Donc oui, j'ai travaillé dans différentes fromageries. Donc moi, j'ai toujours aimé la transformation fermière et la transformation au lait cru. Donc c'est vrai que je suis restée dans... dans des structures qui respectaient ces deux points pour moi qui étaient très importants. Donc je suis partie, au tout début je suis partie dans une chèvrerie dans le nord, où là j'étais sur la partie exploitation et également sur la partie fabrication de fromage.

  • Romain LE GAL

    Donc on peut le citer chez Jean-Philippe Bourgois.

  • Marie Remillet

    Voilà, la fromagerie de l'Écaillier. Ensuite je suis partie au Québec, où là j'étais... également sur la partie traite des vaches et récolte de fourrage. Et après, du coup, je partais en fabrication, on fabriquait différents fromages. Et ensuite, je suis partie en Aveyron pour mon stage de BTS. Et j'y suis retournée aussi travailler quelques années plus tard, où là, j'étais beaucoup plus sur la partie fabrication de fromages.

  • Romain LE GAL

    Aujourd'hui, si on peut, parce qu'on n'en a pas encore parlé, si on peut... te présenter aussi, c'est que ton papa, Sylvain Rémié, était et producteur de langres. Et toi, t'es un peu née dans une ferme avec une production fromagère.

  • Marie Remillet

    Oui. Donc du coup, nous, c'est vrai que depuis toute petite, que ce soit dans ma famille, donc mes soeurs, mes cousines, on a toujours été sur la ferme, déjà. Quand j'étais vraiment petite, ce n'était pas la fabrication, c'était vraiment on allait aider à traire les vaches, on allait aider à rentrer les vaches ou à donner le fourrage, etc. Donc depuis toute petite, par contre, on a toujours été sur la ferme. Et après, je me suis un peu orientée sur la fromagerie. Mais il faut aussi savoir que du coup, mon père était... Toujours agriculteur, mais du coup, il avait un travail qui était très prenant. Ma maman travaillait à l'extérieur et donc du coup, on n'avait pas forcément toujours de nounou. Donc du coup, c'est vrai que c'est mon papa qui, depuis toute petite, m'emmenait avec lui faire des livraisons. On partait à 3h du matin et j'étais avec lui dans le camion et pareil pour les week-ends. Et donc du coup, c'est vrai que depuis toute petite, il m'a emmené voir. Après, je l'ai suivi sur des salons professionnels où j'étais là, mais au départ, c'était... C'était juste pour l'aider dans l'organisation, les installations de stands, également sur des foires, également sur des marchés. Et puis après, j'ai vraiment travaillé à la fromagerie. Et après, c'est là que j'ai décidé d'orienter mes études dans le milieu agricole.

  • Romain LE GAL

    Ton but, c'était de revenir après sur la fromagerie ou c'était peut-être d'aller travailler ailleurs ? Ou ça a toujours été ton projet de revenir fabriquer du langre ?

  • Marie Remillet

    Pour être honnête, non. J'avais orienté mes études dans la partie fabrication, mais je ne pensais pas revenir. dans l'entreprise familiale. Et puis, de fil en aiguille, je suis revenue travailler ici au tout début en tant que salariée où il y avait un responsable. Donc, j'étais vraiment dans l'équipe. Et puis après, il y a eu une opportunité. Il y a eu des choses de la vie qui ont fait que, après avoir échangé avec mon papa, il faut quand même se dire qu'on est le dernier producteur de langue fermée au lait cru. On a une ferme. une fromagerie, on est indépendant aujourd'hui, on n'est vraiment que la famille remillet, il n'y a personne derrière nous. Je me suis dit qu'il y avait peut-être un pari, un challenge, et puis chez nous, les remillets, on aime assez le challenge, donc j'ai dit pourquoi pas, et du coup, ça fait maintenant dix ans que je suis à la fromagerie remillet, et ça fait cinq ans que je suis responsable de toute la partie transformation de fromage.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, aujourd'hui, toi, tu n'interviens pas du tout sur la partie exploitation agricole ?

  • Marie Remillet

    Non, c'est ça. Donc aujourd'hui, en fait, du coup, nous, on a la ferme et la fromagerie. Donc, c'est quand même deux métiers bien différents, avec des organisations différentes, des connaissances qui sont bien différentes. Et pour faire les choses bien chez nous, on s'est dit qu'il fallait quand même avoir une hiérarchie, que chacun ait des responsabilités. Donc, en fait, ici, on est sur la fromagerie, mais il y a la ferme qui est à 100 mètres, où c'est mon oncle et mon cousin avec une équipe qui s'occupe de... La récolte des fourrages, la production laitière, des céréales. Et nous ici, on est sur la fromagerie, où là, c'est donc mon père et moi et 11 salariés, où on s'occupe tous les jours de fabriquer le lait qu'on produit sur notre exploitation agricole.

  • Romain LE GAL

    Ce que tu disais juste avant, le langre, c'est une toute petite filière, puisque c'est une des plus petites appellations de... de fromage de vache, une des plus petites AOP. Le langre, il est AOC depuis 91 et puis AOP depuis 2009. Aujourd'hui, si tu veux, pour ceux qui nous écoutent, parce que vu que c'est une petite appellation, il y a peut-être des gens qui ne connaissent pas le langre. Comment tu pourrais décrire ce fromage ? C'est quoi le langre déjà physiquement ? Qu'est-ce que c'est que ce fromage ?

  • Marie Remillet

    Alors le langre, il fait partie des fromages à pâte molle à croûte lavée. Donc, c'est un fromage qu'aujourd'hui, on peut trouver en trois formats différents. Donc, il y a le petit format qui est entre 150 et 250 grammes, le moyen format entre 250 et 350 grammes et le gros format, celui à la coupe, qui est entre 800 grammes et 1,3 kg. Donc, ce sont des pâtes molles qui sont... C'est une pâte molle qui est affinée, frottée pendant son affinage. avec de l'eau et du sel. Et pendant l'affinage, il va avoir une couleur orange. Donc c'est un fromage déjà qui se distingue par sa couleur, mais aussi par son aspect, parce qu'en fait, le fromage est creusé au milieu. Donc il a ce qu'on appelle soit une cuvette, un puits ou une fontaine, suivant où on se trouve, chacun à son terme différent. Et en fait, la particularité, il se démarque via. sa forme avec sa cuvette et sa couleur orange.

  • Romain LE GAL

    Aujourd'hui, du coup, tu parlais d'une petite filière. Vous êtes combien d'acteurs sur la filière ?

  • Marie Remillet

    Alors, aujourd'hui, on est trois producteurs, donc à vraiment fabriquer le Langres. Donc, il y a trois fromageries.

  • Romain LE GAL

    Qui est le seul fermier au lait cru.

  • Marie Remillet

    Voilà. Mais à côté de ça, il faut savoir qu'il y a, de mémoire, je crois, 15 ou 17... producteurs de lait au total. Donc voilà, on va dire qu'on est 17 producteurs de lait sur le département et pour 3 fromageries.

  • Romain LE GAL

    Et donc les deux autres fromageries, ça va être fromagerie Germain et Chartenleb et l'appellation fait un peu moins de 700 tonnes de production annuelle. Donc c'est un produit qui est quand même assez confidentiel, hors les experts on va dire.

  • Marie Remillet

    Tout à fait.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, cette zone d'appellation, là, tu parlais de la Haute-Marne. Comment tu pourrais décrire la région dans laquelle on se trouve ? À part, c'est ce qu'on parlait juste avant l'interview, au niveau du climat, la réputation d'être une région assez froide.

  • Marie Remillet

    Alors, il faut savoir que la Haute-Marne, c'est un des départements les plus boisés de France. Donc, il y a énormément de forêts. C'est vrai qu'il y a très peu d'habitants. On est par rapport à la distance, on va dire la superficie du département. C'est un département très vert. Il y a énormément de champs, énormément de forêts. C'est un département très humide. C'est-à-dire que nous, ici, on est à Gennevrière, à Fébiot, qui est à moins de 10 km, c'est la capitale de la vannerie, donc la capitale de l'osier. Par chez nous, ici, il y a énormément d'osiers. L'osier a besoin de beaucoup d'eau. Donc il faut savoir que nous, on est déjà, de manière naturelle, on a déjà un département riche en eau. En plus de ça, il faut savoir par exemple que Gennevrière, nous, il y a trois sources pour le village, où on est dans un village de 100 habitants. Et on dessert plusieurs villages aux alentours. Donc voilà, nous, c'est un département très humide, très vert. Et donc, ce que je peux dire... Alors oui, c'est vrai qu'on peut dire qu'il fait froid l'hiver, mais ça va, c'est que c'est... C'est un vide. Voilà. Oui, c'est qu'en fait, c'est un froid, mais c'est que c'est humide. Donc le ressenti est très fort.

  • Romain LE GAL

    Vous ne voulez pas que les gens viennent s'installer ici, c'est pour ça. Vous voulez garder votre région, du coup.

  • Marie Remillet

    Mais c'est vrai que c'est un département très nature. Il y a... eu peu d'impact par... Forcément, il y a eu des impacts par l'homme, mais c'est beaucoup de petits villages. Il n'y a que trois grandes villes qui sont Langres, 7000 habitants, après Chaumont qui est notre préfecture et après Saint-Dizier. Et Langres, c'est quand même que 7000 habitants.

  • Romain LE GAL

    Une grande ville. À toute proportion gardée,

  • Marie Remillet

    comme on dit.

  • Romain LE GAL

    Est-ce que tu pourrais nous conter, Marie, l'histoire du Langres ?

  • Marie Remillet

    Le Langres, c'est une AOP qui est plutôt récente, parce qu'en fait, il faut savoir qu'ici, en Haute-Marne... Là, on est vraiment dans le sud de la Haute-Marne. Dans le sud de la Haute-Marne, il y avait énormément de fromagerie. Mais ici, on est dans un bassin de production laitière. Mais à la base, c'était beaucoup des mentales. Dans tous les villages, il y avait une coopérative des mentales. D'ailleurs, à Genrières, il y en avait une où ils étaient, à l'époque, de mes grands-parents, il y avait 30 fermes, donc 30 producteurs de lait. Et puis... Parce qu'en fait, il faut savoir qu'on faisait des produits de garde, parce que du coup, à l'époque, c'était des produits qu'on pouvait garder. Nous, il faut savoir qu'on n'est qu'à 3h30, 3h de Paris, sauf qu'à l'époque, pour se déplacer à cheval, c'était compliqué. Donc du coup, c'est pour ça qu'ils faisaient des fromages de garde. Et puis après, ça a évolué. Et donc du coup, on gardait le lait, en fait, de ce que je peux savoir. C'est qu'en fait, ils fabriquaient des petits fromages et qui, avec le temps, vu qu'ils n'étaient pas retournés, se creusaient et devenaient jaunes. Parce qu'en fait, du coup, c'était des fromages affinés et donc du coup, ils prenaient la couleur, mais grâce au temps. Et puis, il faut savoir aussi que c'était beaucoup à la base des producteurs fermiers. C'était des fermiers qui les fabriquaient. Et puis après, sont arrivées des familles qui connaissaient la production laitière, qui se sont installées, en tout cas la transformation laitière, qui se sont installées. Et donc du coup, l'AOP a vu le jour.

  • Romain LE GAL

    Oui, il y a eu trois phases finalement dans l'histoire. Il y a eu la phase fin des années 1800 et début des années 1900, où là c'était de la production fermière. Et puis après est arrivée la première gamme mondiale avec le besoin de main d'œuvre et un début d'exode rural par rapport à ça. Et on a eu la renaissance, moi, de ce que j'ai pu lire. du langre dans les années 1950 avec la reproduction. Et on peut même, un des premiers ouvrages où est cité le langre, c'est un célèbre traité de laiterie de Pourriot qui est à la fin du XVIIIe. Donc c'est quand même un fromage qui n'est pas tout récent. Et oui, on parle déjà de la cuvette ou de la fontaine. Aujourd'hui, Marie... On a parlé de la filière, on a parlé de à quoi ressemblait le langre. Avant de rentrer dans les secrets de la fabrication, si on peut dire les secrets, mais expliquer à ceux qui nous écoutent la fabrication du langre, est-ce que tu pourrais nous expliquer un peu la fromagerie et la ferme remillée, qu'est-ce que c'est ? Parce que tu as déjà commencé à donner quelques chiffres, mais c'est combien de vaches laitières ? C'est quoi comme race ? Parce que quand on fait du lait et qu'on fait du fromage, la race laitière est importante. C'est quoi ?

  • Marie Remillet

    Alors, donc... Nous, ici, juste pour reprendre, il faut savoir que c'est une création. Donc du coup, mes grands-parents étaient agriculteurs, mais ils avaient très peu de vaches. Et donc, très peu de moyens. Il faut savoir que mes grands-parents, donc ma grand-mère, est toujours vivante. Et donc du coup, avec mon grand-père, ils ont eu six enfants. Et donc du coup... Ils étaient producteurs de lait et du coup, ils descendaient leur lait à la coopérative agricole. Ensuite, mon oncle s'est installé sur la ferme. Il a voulu reprendre la ferme, mais il n'y avait pas assez d'activités pour installer d'autres enfants. Et mon père, ça a toujours été un souhait de revenir sur l'entreprise familiale, sur la ferme. C'est vraiment... Un agriculteur pur et dur. Et donc après, pour pouvoir s'installer, il a fallu quand même créer une activité en plus. Et donc c'est là qu'est née la transformation de lait en fromage. Alors à la base, c'était uniquement un produit frais. Et par la suite, du coup, du fait de l'AOP Langres, où on fait partie de la zone, ils ont créé après, dans la fromagerie, une partie pour pouvoir fabriquer.

  • Romain LE GAL

    En quelle année ça a commencé le fromage ?

  • Marie Remillet

    Alors la transformation chez nous ça a commencé il y a à peu près 35-40 ans et l'AOP Langres chez nous à peu près 30-35 ans.

  • Romain LE GAL

    Et l'exploitation laitière c'est combien d'hectares ? C'est combien de vaches laitières ?

  • Marie Remillet

    Alors ici donc du coup la ferme on a à peu près 130 vaches en moyenne à l'année donc principalement en brune des Alpes. Parce que du coup, dans le cahier des charges, il y a trois vaches. Donc il y a soit la Montbéliarde, la Cimentale ou la Brune des Alpes. Donc nous, chez nous, on a choisi la Brune des Alpes pour ses taux de matière grasse et ses taux de protéines. C'est une vache qui, pour faire du fromage, elle fait vraiment du bon lait. Donc voilà, ensuite, elle sort à peu près six mois de l'année dehors. Donc du coup, ça veut dire qu'il faut quand même qu'on arrive à avoir de grandes parcelles. Donc on a, on va dire à peu près 300-400 hectares, mais qui sont répartis. C'est-à-dire qu'il y a une partie pour faire du fourrage exclusivement sec, donc du foin, de la luzerne. Et ensuite, une partie de céréales avec de l'orge, du blé, du maïs. Et donc voilà. Et ensuite, on parle de dire pour la fromagerie. Et bien, du coup, nous, vu qu'il y a 100 mètres qui nous séparent. On a un camion de lait et donc du coup, tous les jours, on va chercher du lait pour pouvoir le transformer directement derrière en fromage de Langres.

  • Romain LE GAL

    D'accord. Et aujourd'hui, la fromagerie, elle transforme combien de litres de lait ? Est-ce que vous transformez tout le lait de la ferme ? Comment ça fonctionne ?

  • Marie Remillet

    Alors aujourd'hui, la ferme, elle produit à peu près un million d'œufs à l'année et nous, on en transforme à peu près un bon million. Et le reste, il est vendu à une coopérative de lait située à Langres pour faire de l'émmental.

  • Romain LE GAL

    Ok, toujours l'émmental.

  • Marie Remillet

    Voilà.

  • Romain LE GAL

    Ça revient un peu à l'histoire. Et la fromagerie produit quel volume de fromage de manière annuelle ?

  • Marie Remillet

    Eh bien nous, on effleure à peu près 100 tonnes de Langres en moyenne à l'année.

  • Romain LE GAL

    Et avec toutes les autres productions fromagères que vous faites ?

  • Marie Remillet

    Non, non, à côté, on fait quand même des produits frais qui représentent à peu près 30 tonnes.

  • Romain LE GAL

    Donc, une fromagerie qui fait un peu moins de 150 tonnes. Voilà. Maintenant, Marie, est-ce que tu peux nous expliquer comment on produit ce fameux Langres ? Parce que c'est quand même un peu pour ça qu'on est là aujourd'hui, parler du Langres.

  • Marie Remillet

    Alors, il faut savoir que dans le cahier des charges... Au niveau du lait, on a 48 heures pour pouvoir le transformer. Donc du coup, une fois que la traite est terminée, on va chercher le lait. Et là, il va être réchauffé pour ce qu'on appelle l'étape de maturation. C'est-à-dire qu'on va le réchauffer à une température qui est à peu près entre 17 et 21 degrés, suivant la saison. On doit prendre plusieurs facteurs en compte. On doit prendre la saison, savoir s'il y a beaucoup de matière grasse, beaucoup de protéines dedans, comment ça va pouvoir évoluer. Donc en fonction de ça, on va réchauffer entre 17 et 21 degrés.

  • Romain LE GAL

    Et à quoi ça sert cette maturation ?

  • Marie Remillet

    C'est-à-dire que dans le lait, il y a ce qu'on appelle la flore initiale. C'est vraiment la qualité de lait. Et donc du coup, en le réchauffant, le lait va s'acidifier. tout doucement. En fait, c'est pour commencer l'acidification du lait. Et en fait, faire du fromage, c'est ça, c'est acidifier un lait, voire le conserver. Et donc, nous, à cette étape de maturation, on va réchauffer le lait pour que les bactéries puissent se développer. Et on va également ajouter ce qu'on appelle des ferments. Alors très peu, mais en fait, ces ferments-là vont permettre d'orienter la fabrication. Parce que si on n'avait que la flore initiale, on se retrouverait avec des produits tout le temps différents. Là, c'est quand même pour orienter la fabrication et pour que l'acidification se passe correctement, pour qu'elle descende pour les étapes qui suivent. On va réchauffer le lait et pendant à peu près 15-20 heures, le lait va rester en citerne à cette température-là et les ferments qu'on va ajouter dans le lait vont consommer le sucre pour pouvoir s'acidifier. Ensuite, Le lendemain, on va reprendre ce même lait qu'on va réchauffer à 30 degrés. Et on va devoir le mettre en bassine pour l'emprésurer. Donc on l'emprésure avec de la présure animale, qui est aussi issue de la caillette de veau, et qui en contact avec le lait, va passer de l'état liquide à solide. Alors au départ, ça va être un gel, plutôt comme un flan. Ça va être quelque chose de très fragile. Et au bout de deux heures et demie, là, il sera plus compact, plus solide. Donc on aura un gros cube d'à peu près 125 litres de lait dans notre bassine et qu'on va venir trancher. Donc en fait, l'étape du tranchage, c'est de pouvoir découper le cahier, le gel, en petits cubes. Et en fait, ces petits cubes-là, ils vont pouvoir rentrer plus facilement dans les moules et ça va permettre également l'égouttage du cahier.

  • Romain LE GAL

    Ils font quelle taille pour faire du langre ces cubes ?

  • Marie Remillet

    Alors nous, on est très gros, on fait du... Parce que c'est le cahier des charges, mais voilà, on est en 2 cm par 2 cm. Et donc du coup, ces cubes vont rentrer... Après, on va arriver à l'étape de moulage. Et donc du coup, on va pouvoir mouler et mettre ce cahier dans les moules. Et tout de suite après moulage, une étape qui est vraiment très importante pour le langre, si vous voulez avoir une belle fontaine, c'est l'étape de retournement. Il faut qu'il y ait deux retournements successifs. pour que la cuvette puisse se former après pendant l'étape qui suit, qui sera l'étape d'acidification.

  • Romain LE GAL

    De toute façon, dans le cahier des charges, c'est deux retournements maximum. C'est ça. Et après, on n'a plus le droit de retourner du tout le fromage sur toute la durée.

  • Marie Remillet

    Voilà, tout à fait. Et donc, du coup, toute la nuit, ces fromages vont rester dans la salle d'acidification, où il fait à peu près entre 25 et 30 degrés, pour faire... pour que le sérum puisse s'égoutter au maximum, qu'on retire le maximum d'eau et de sucre du produit et que le lendemain, on va pouvoir démouler nos fromages qui auront vraiment l'aspect du langre. Et donc du coup, ils seront formés et ensuite on va pouvoir les saler. Donc en fait, le salage, ça va permettre de conserver notre produit et ça va également permettre aux levures de pouvoir se développer par la suite.

  • Romain LE GAL

    Et c'est un salage, c'est quel type de salage du coup ?

  • Marie Remillet

    Alors nous ici, on est en salage manuel, c'est-à-dire que c'est nous qui allons venir, on est quatre à savoir saler, on va pouvoir jeter du sel, comme si on donnait à manger aux pigeons par exemple. C'est vraiment...

  • Romain LE GAL

    En charge du langre, c'est du sel sec de toute façon obligatoire. Oui,

  • Marie Remillet

    c'est ça. Mais je veux dire, il n'y a pas de machine, c'est vraiment une étape très manuelle où on est tous formés les fromagers, mais ça dure à peu près cinq mois à bien se former parce que chez nous... Ça c'est un souhait de notre fromagerie et c'est aussi un souhait des fromagers, c'est qu'on sale très peu. Alors le sel c'est vrai que c'est un exauceur de goût, mais ça peut aussi cacher s'il y a un défaut ou il y a quelque chose.

  • Romain LE GAL

    Ça peut emmener d'autres défauts.

  • Marie Remillet

    Oui aussi. Mais nous voilà, on se dit aujourd'hui on a notre ferme où on produit notre lait au lait cru, où depuis plusieurs années on fait suivant les... On a quand même pris en compte les aléas climatiques, etc. On a travaillé énormément sur la ferme, sur les récoltes de fourrage. On a diminué tout ce qui était ensilage, donc produits fermentés, pour apporter vraiment beaucoup plus de fourrage sec, via de la luzerne, des régras, etc. Donc on s'est dit, voilà, aujourd'hui, on produit un lait de qualité, et donc du coup, on veut que ça soit... dans notre fromage, ça puisse se ressentir. Donc on sale très peu pour que ce soit vraiment le goût du lait qui l'emporte, le goût de crème et pas le sel. Donc chez nous, on sale très peu et c'est pour ça que cette étape est très importante. Et une fois le salage terminé, après le langre, il va partir en cave d'affinage où là il sera frotté plusieurs fois pour apporter de l'humidité. Et puis il passera dans différentes caves où il y a des températures et des hygrométries, donc des taux d'humidité différents. Et là, c'est une étape qui est aussi assez complexe parce que du coup, on a un fromager, Cédric, qui est lui, tous les jours, tous les jours. Il va dans les caves et il déplace les piles pour éviter que ça sèche ou au contraire pour éviter que les fromages deviennent trop mous.

  • Romain LE GAL

    En gros, c'est quoi la température d'affinage d'un langre ?

  • Marie Remillet

    Eh bien, à peu près, chez nous, c'est à peu près 10 degrés, 10-11 degrés. Et ils vont rester à peu près, donc le cahier des charges, c'est...

  • Romain LE GAL

    Et en hygrométrie, avant de passer...

  • Marie Remillet

    Ah, l'hygrométrie, c'est à peu près 90%.

  • Romain LE GAL

    OK. Parce que quand on parle, effectivement, c'est toujours un couple... Finalement, température, hygrométrie, quand on parle d'affinage, 90% d'hygrométrie.

  • Marie Remillet

    Voilà, et qui est gérée chez nous. Alors, c'est une particularité. Il ne faut pas me demander pourquoi, mais notre humidité, elle est simplement réglée par nos fromages. C'est-à-dire, je m'explique. Aujourd'hui, nous, dans nos caves, on peut contrôler la température avec des consignes qu'on va demander pour obtenir une température. Pour l'hygrométrie, c'est à nous de la gérer. C'est-à-dire qu'il n'y a pas de buses qui vont apporter de l'humidité. Non, c'est-à-dire qu'on va frotter nos fromages et c'est cette humidité-là après qui va arriver dans la cave et qui va venir régler l'humidité. Donc, il y a un énorme travail. C'est-à-dire que si on a des fromages trop secs, il va falloir bien observer et par exemple les mettre à côté d'un fromage très humide pour arriver à régler de manière naturelle nos caves en hygrométrie.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, un langre, c'est affiné en fonction des formats, combien de temps ?

  • Marie Remillet

    Alors, chez nous, vu qu'on fait le petit format, c'est 15 jours d'affinage minimum et 21 pour le gros. Sauf que nous, ici, on aime bien que les petits formats, donc le 200 grammes, on l'affine à peu près 28 jours et le gros à peu près 35. Après, suivant la demande, mais on aime quand même avoir des fromages un peu plus affinés. Donc on préfère qu'ils restent quand même un peu plus longtemps chez nous.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, si tu devais maintenant qu'on voit comment, qu'on a entendu comment se produit un langues, si tu devais décrire les caractéristiques organoleptiques d'un langues ?

  • Marie Remillet

    Alors, le langues consommée comme aujourd'hui, parce que c'est vrai que comme on disait tout à l'heure, donc l'AOP... Le fromage de Langres est fabriqué depuis très longtemps, mais il a quand même évolué dans le temps. Il a beaucoup plus de finesse qu'avant. Déjà, c'est une pâte molle à croûte lavée. Donc déjà, il y a quand même une odeur, une couleur qui s'en dégage. Mais cette odeur-là, on ne la retrouve pas dans le fromage. On a des fromages quand même assez doux, assez subtils. Donc avec un cœur creilleux et un coulant sous croûte qui a bien commencé.

  • Romain LE GAL

    On ne l'a pas dit juste avant, mais tu as parlé de lavage. En fonction des formats, c'est combien de lavage ?

  • Marie Remillet

    Alors le langre 200 grammes, le petit format, c'est 2 minimums. Et le gros format également. Chez nous, on le frotte 3 fois.

  • Romain LE GAL

    Et avec quoi vous le frottez du coup ?

  • Marie Remillet

    Alors avec de l'eau, du sel, de la poudre Droukou qui va donner la couleur orange à notre langre.

  • Romain LE GAL

    Ok. Et sur la fromagerie, vous faites aussi d'autres fromages ? Je crois que tu as inventé, quand tu es arrivé, tu as développé, tu as mis au point d'autres fabrications fromagères ?

  • Marie Remillet

    Alors ici, à côté, on fabrique également de la faisselle, parce qu'il faut savoir que du coup, nous, étant agriculteurs, notre lait, il arrive tous les jours. Donc il faut arriver à en transformer un maximum. Et donc du coup, c'est aussi pour ça qu'on a dû élargir aussi la gamme. Donc on fait aussi... des produits frais, énormément de faisselle qui est moulée à la louche. Donc là, c'est vraiment le produit pour moi le plus brut, parce que c'est vraiment du lait qui est réchauffé à très faible température et il y aura trois jours de moulage. Donc ça, c'est vraiment le lait qui travaille de manière naturelle. Il travaille naturellement. Ensuite, à côté des produits frais, on fait une pâte molle à croûte fleurie. qui s'appelle Delicatesse, qui est très crémeuse. Et on fait une autre pâte molle à croûte lavée, en petit format, qui lui est affinée, donc il est frotté au ratafia de champagne.

  • Romain LE GAL

    Le ratafia de champagne, pourquoi ?

  • Marie Remillet

    Alors, il faut savoir que nous, on est dans le département de la Haute-Marne. Notre région, c'est la Champagne-Ardenne. Et en plus de ça, le champagne est également fabriqué en Haute-Marne. Il y a quand même une zone pour fabriquer du champagne en Haute-Marne. Donc voilà, on a voulu mettre en lien... On cherchait un alcool et on a voulu mettre en lien avec ce qu'on fabrique chez nous. Et donc, du coup, c'est pour ça qu'est arrivé le ratafia de champagne.

  • Romain LE GAL

    Aujourd'hui, tu es salarié de la société. Demain, tu aurais la volonté de t'installer. Qu'est-ce que c'est ta vision demain ? Comment tu vois un peu l'avenir dans la région de la production fromagère ? Les difficultés ? C'est quoi ta vision par rapport à ça ?

  • Marie Remillet

    Il faut savoir que le métier de fromager... C'est un très beau métier. Pour moi, c'est un métier très noble. Je trouve ce métier très joli. Mais c'est aussi très prenant. C'est-à-dire que nous, le lait, il arrive tous les jours, donc il faut le transformer tous les jours. Et c'est des produits très fragiles. Le lait, on ne peut pas le conserver énormément dans le temps. Donc du coup, il faut faire les fabrications tous les jours. En plus de ça, comme on l'a dit tout à l'heure, on est dans un département où la population, on n'est pas beaucoup, c'est vrai. Aujourd'hui, certes, j'aimerais vraiment reprendre. Il y a cette envie de reprendre l'entreprise familiale parce que, comme on l'a dit, on est quand même le seul producteur à faire du langre fermée au lait cru. On est le seul dans l'AOP, mais on pourrait dire que je suis la seule au monde, par exemple. C'est quand même quelque chose de grand. C'est quelque chose, en plus, qui a été créé par nous, par nos parents. Donc ça, c'est très beau. Et en plus de ça, mon père, il a quand même réussi... à me transmettre sa passion, son métier. Et je trouve que c'est très beau dans la transmission parce que certes, j'aime fabriquer. J'aime fabriquer l'encre. Mais ce que j'aime par-dessus, c'est de se dire, voilà, on est une famille. On a réussi à créer quelque chose. Il faut que ça arrive à perdurer dans le temps. Et puis, en plus de ça, on a une super équipe avec nous. Moi, aujourd'hui, je suis très contente de travailler avec... Moi, je suis tous les jours en production, de travailler avec l'équipe qu'on a aujourd'hui. Donc, oui. c'est sûr que l'envie aujourd'hui de reprendre elle est là. Après il faut l'avouer aujourd'hui entre avoir envie et pouvoir c'est quand même très compliqué parce que comme je l'ai dit moi aujourd'hui j'ai fait des études de fromagerie sauf que aujourd'hui c'est plus du tout ça qu'on arrive à gérer l'administratif prend énormément de temps de pouvoir aussi expliquer notre métier. En fait on a plusieurs casquettes et aujourd'hui ça prend énormément de temps et beaucoup beaucoup d'énergie... Donc, il faut quand même bien pouvoir réfléchir à ça. Et donc, moi, j'aimerais bien aujourd'hui pouvoir être plus présente auprès des clients, d'expliquer notre métier, de sensibiliser aussi ce que c'est le lait cru, ce que c'est le fermier et donc pouvoir quitter quand même la partie production.

  • Romain LE GAL

    Est-ce que tu penses que demain, ça sera de plus en plus difficile de maintenir le lait cru ? Comment toi, tu te bats tous les jours pour ça ? C'est quoi ta vision par rapport à ça ?

  • Marie Remillet

    Alors moi, je pense que le lait cru, il a toujours existé et qu'il existera. Ça, j'en suis persuadée. Après, il faut savoir que le lait cru, pour moi, 95%, il ne se passe pas dans les fromageries, ça se passe dans les fermes. Donc, il faut qu'il y ait un énorme accompagnement entre les fromagers et les agriculteurs. Nous, aujourd'hui, c'est vrai qu'on fait les deux. Donc, moi, mon cousin qui gère toute la partie lait, la partie vache, on se voit tous les jours. On échange tous les jours. C'est bon, là, aujourd'hui, je vais les mettre à l'herbe. Là, il va y avoir ça comme consommation. Il va falloir faire attention. Et en plus de ça, on sait qu'on a en lait cru. Donc, c'est-à-dire qu'à la ferme, elle sait que derrière, c'est la production au lait cru. Donc, tout est fait différemment. C'est-à-dire que quand il y a les récoltes, on va se permettre de récolter un peu plus haut pour être sûr de ne pas pouvoir ramasser de la terre et que derrière, ça nous apporte des problèmes dans l'hygiène. Tous les jours, tous les jours, c'est comme ça. Par exemple, la semaine dernière, mon cousin m'a appelé. Il m'a dit Bon, ben voilà, j'ai tant de fourrages, je ne les trouve pas très beaux. Eh bien, tant pis, je préfère les jeter que de les donner aux vaches pour pouvoir après avoir des problèmes dans le lait. C'est vrai qu'il y a quand même une réflexion qui est différente. Donc moi, je pense que le lait cru va exister. Il existera toujours. Par contre, oui, ça va être quand même de plus en plus compliqué à expliquer notre métier quand même, de ce que c'est vraiment le lait cru, de ce que ça implique derrière. en tout ce qui est en normes d'hygiène, en tout ce qui est en communication. Donc ça va être ça qui va être compliqué aujourd'hui. Et ce qui sera compliqué, c'est de défendre tous les jours, tous les jours, notre métier. Alors, c'est un sacré beau challenge, mais c'est quand même beaucoup de temps et d'énergie.

  • Romain LE GAL

    Tu parlais d'exode rural. Toi, tu es investie dans la vie locale pour essayer de faire venir des gens ? Parce que vous êtes le plus gros employeur de la commune, je pense ?

  • Marie Remillet

    Oui, il y a quand même quelques entreprises, on ne croirait pas, mais oui, sur le village. Mais alors, du coup, nous, Genre Rire, c'est moins de 100 habitants. Aujourd'hui, les villages aux alentours, c'est entre 20 et 100 habitants. Donc, c'est vrai que ce n'est pas évident aujourd'hui de recruter, surtout que voilà.

  • Romain LE GAL

    On disait tout à l'heure qu'il y a une personne qui a un poste ouvert depuis un an. Oui. Et que pour l'instant, les profils ne courent pas les rues.

  • Marie Remillet

    Non, tout à fait. Mais après, on y croit quand même parce que... Je me dis qu'il y a quand même des personnes qui sont avec nous aujourd'hui dans la fromagerie, qui sont là depuis plusieurs années et qui ont des très bons profils, qui sont très investis. Moi, j'ai toujours dit sur la fromagerie, c'est écrit remillé, mais c'est le travail de tout le monde. C'est pas... Voilà, donc aujourd'hui, pour exister, pour que la fromagerie existe, la fromagerie remillée, voilà, il y a un poste qui est ouvert. Moi, j'invite à trouver... trouver quelqu'un qui souhaite s'investir.

  • Romain LE GAL

    Qui nous écoutez, n'hésitez pas à contacter Marie.

  • Marie Remillet

    Voilà, pour s'il a envie, il prend. Mais après, je sais que c'est... Il faut savoir que c'est un métier, voilà, avec des horaires quand même qui sont prenants. Ça, c'est vrai. Mais derrière, il y a quand même une belle valorisation de...

  • Romain LE GAL

    En plus de ça, si vous aimez la nature.

  • Marie Remillet

    Oui, voilà.

  • Romain LE GAL

    Les bois.

  • Marie Remillet

    C'est sûr que voilà, ici, on fait tous du potager, on fait tous du bois à côté. Voilà. On est quand même des gens... On est des gens ruraux, mais... ici, que ça soit moi, c'est vrai, je l'ai toujours défendu, mais l'ensemble de l'équipe, on défend notre territoire parce qu'on aime vraiment la Haute-Marne parce qu'elle nous offre énormément de choses. Elle nous offre la nature, elle nous respecte, elle nous offre le calme et voilà, on a une autre manière de vivre. Et le langre.

  • Romain LE GAL

    C'est quoi un bon langre pour toi, Marie ?

  • Marie Remillet

    Alors, moi, j'aime un langre quand le cœur est créieux. Moi, je préfère un fromage plus sec que trop coulant.

  • Romain LE GAL

    Donc finalement, quelque chose peut-être qu'on trouvait plus facilement avant ?

  • Marie Remillet

    Oui, peut-être.

  • Romain LE GAL

    La langue qui te rappelle un peu ton enfance ?

  • Marie Remillet

    Peut-être.

  • Romain LE GAL

    Pour terminer, Marie, j'aurais une dernière question. C'est quoi ta pizza préférée ?

  • Marie Remillet

    Ah ah ! Alors, ma pizza préférée ? Ah ben, alors je ne dirais pas aux langues. Ça ferait un peu trop là, parce qu'en plus de ça... Non. Eh bien, ça serait une pizza avec de l'ananas dessus. Les pizzas hawaïennes. Voilà.

  • Romain LE GAL

    Ah, ça, c'est le grand débat de la hawaïenne qu'on a à chaque fois. On a une fan de la hawaïenne. Voilà. Voilà, vous pouvez critiquer Marie, du coup, qui, elle, aime la hawaïenne. Merci beaucoup, Marie, de ton accueil.

  • Marie Remillet

    Eh bien, de rien.

  • Romain LE GAL

    Merci à vous de nous avoir écoutés. J'espère que cet épisode vous a plu. N'hésitez pas à le partager. On se retrouve bientôt pour un nouvel épisode de l'échange. Salut Marie !

  • Marie Remillet

    Merci, au revoir !

Description

Retrouvez Romain LE GAL dans ce troisième épisode de Lait'Change, en compagnie de Marie REMILLET dans la Haute-Marne pour parler du fromage éponyme au plateau « Le Langres » un fromage AOP à pâte molle et croute lavé. Pendant son affinage, il prend une couleur orange, sa forme spécifique en dôme est creusé en son centre, formant une « cuvette ». Il existe trois formats : petit (150-250 gramme), moyen (250-350), gros format : 800 – 1300 grammes.

Cette AOP très récente (2009), est née en Haute-Marne. Ce bassin laitier compte depuis longtemps énormément de fromagerie, mais on y fabriquait avant tout beaucoup d’emmental à cause des difficultés de transport et de l’isolement de leur région. Avec l’évolution des transports et la facilité de se rendre dans des grandes villes, le développement d’autres fromages, plus frais, comme le Langres a pu se faire en transportant leur fromage dans d’autres régions pour le vendre, et notamment sur la région Île-de-France pour vendre les fromages sur le Min de Rungis.

La Haute-Marne, zone d’appellation du Langres, est un des départements les plus boisés de France. On y trouve très peu d’habitant par rapport à sa superficie, elle est très verte avec beaucoup de champ et de forêt. Il est également très humide ce qui profite à la croissance de l’osier qui a besoin de beaucoup d’eau, La ferme REMILLET se situe à 10 km de la capitale de l’Osiériculture.

Lait’Change, le podcast qui donne la parole aux actrices et acteurs de la filière laitière et fromagère. Romain LE GAL, Meilleur Ouvrier de France Fromager 2023 fait le tour des régions de France pour nous faire découvrir des fromages AOP, des coopératives et rencontrer des passionnées de fromages pour en apprendre plus sur leurs histoires. Ces garants du patrimoine et de leurs métiers font la richesse de notre pays et notre culture. Produit par France Frais, le distributeur, tout proche de vous.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Romain LE GAL

    Bienvenue sur Lait'Change, le podcast qui donne la parole aux actrices et aux acteurs de la filière laitière et fromagère. Je suis Romain Le Gal et je vous retrouve en Haute-Marne. Le fromage AOP dont nous allons parler aujourd'hui est l'éponyme d'une ville fortifiée située sur un plateau du même nom, à 466 mètres. Je parle bien sûr du Langres. Et pour parler de ce joli fromage, je suis en compagnie de Marie Remillet. Bonjour Marie.

  • Marie Remillet

    Bonjour Romain.

  • Romain LE GAL

    Marie, pour démarrer cette interview... Ce que je te propose, c'est de te présenter.

  • Marie Remillet

    Tout à fait. Je m'appelle Marie Remillet, j'ai 31 ans. Du coup, je suis née à Langres et j'ai grandi à Genevrière, où se trouve la fromagerie.

  • Romain LE GAL

    La fromagerie Remillet.

  • Marie Remillet

    C'est ça. Et donc, du coup, à mes 15 ans, j'ai commencé à travailler les étés à la fromagerie. Et puis, de là, j'ai vraiment... aimé le métier de fromager, de faire vraiment de la fabrication de fromage. Donc, j'ai orienté mes études tout d'abord dans un diplôme agricole, un bac agricole, pour apprendre la production laitière. Et ensuite, j'ai réalisé un BTS et une licence en produits laitiers, donc à l'école de Poligny, donc l'ENIL, l'École Nationale d'Industrie Laitière.

  • Romain LE GAL

    D'accord. Et du coup, qu'est-ce que tu as appris à l'ENIL ? C'est quoi les études à l'ENIL ?

  • Marie Remillet

    J'ai appris à pouvoir fabriquer du fromage et puis aussi tout ce qui est autour du fromage. Parce qu'en fait, il y a la fabrication, mais il y a aussi tout ce qui est la qualité, ce qui est le recherche et développement, ou aussi quand il y a un problème de fabrication, pouvoir arriver à identifier le problème et à le résoudre. Donc voilà, et j'ai fait aussi une partie de management. parce que du coup, aujourd'hui, c'est aussi encore un autre métier, mais on a besoin aujourd'hui. Donc, pour pouvoir échanger avec une équipe, gérer une équipe et voilà.

  • Romain LE GAL

    Et après, pendant tes études ou après tes études, tu as été travailler dans d'autres fromageries ? Tu as fait un petit tour de France, un petit tour du monde peut-être ?

  • Marie Remillet

    Donc oui, j'ai travaillé dans différentes fromageries. Donc moi, j'ai toujours aimé la transformation fermière et la transformation au lait cru. Donc c'est vrai que je suis restée dans... dans des structures qui respectaient ces deux points pour moi qui étaient très importants. Donc je suis partie, au tout début je suis partie dans une chèvrerie dans le nord, où là j'étais sur la partie exploitation et également sur la partie fabrication de fromage.

  • Romain LE GAL

    Donc on peut le citer chez Jean-Philippe Bourgois.

  • Marie Remillet

    Voilà, la fromagerie de l'Écaillier. Ensuite je suis partie au Québec, où là j'étais... également sur la partie traite des vaches et récolte de fourrage. Et après, du coup, je partais en fabrication, on fabriquait différents fromages. Et ensuite, je suis partie en Aveyron pour mon stage de BTS. Et j'y suis retournée aussi travailler quelques années plus tard, où là, j'étais beaucoup plus sur la partie fabrication de fromages.

  • Romain LE GAL

    Aujourd'hui, si on peut, parce qu'on n'en a pas encore parlé, si on peut... te présenter aussi, c'est que ton papa, Sylvain Rémié, était et producteur de langres. Et toi, t'es un peu née dans une ferme avec une production fromagère.

  • Marie Remillet

    Oui. Donc du coup, nous, c'est vrai que depuis toute petite, que ce soit dans ma famille, donc mes soeurs, mes cousines, on a toujours été sur la ferme, déjà. Quand j'étais vraiment petite, ce n'était pas la fabrication, c'était vraiment on allait aider à traire les vaches, on allait aider à rentrer les vaches ou à donner le fourrage, etc. Donc depuis toute petite, par contre, on a toujours été sur la ferme. Et après, je me suis un peu orientée sur la fromagerie. Mais il faut aussi savoir que du coup, mon père était... Toujours agriculteur, mais du coup, il avait un travail qui était très prenant. Ma maman travaillait à l'extérieur et donc du coup, on n'avait pas forcément toujours de nounou. Donc du coup, c'est vrai que c'est mon papa qui, depuis toute petite, m'emmenait avec lui faire des livraisons. On partait à 3h du matin et j'étais avec lui dans le camion et pareil pour les week-ends. Et donc du coup, c'est vrai que depuis toute petite, il m'a emmené voir. Après, je l'ai suivi sur des salons professionnels où j'étais là, mais au départ, c'était... C'était juste pour l'aider dans l'organisation, les installations de stands, également sur des foires, également sur des marchés. Et puis après, j'ai vraiment travaillé à la fromagerie. Et après, c'est là que j'ai décidé d'orienter mes études dans le milieu agricole.

  • Romain LE GAL

    Ton but, c'était de revenir après sur la fromagerie ou c'était peut-être d'aller travailler ailleurs ? Ou ça a toujours été ton projet de revenir fabriquer du langre ?

  • Marie Remillet

    Pour être honnête, non. J'avais orienté mes études dans la partie fabrication, mais je ne pensais pas revenir. dans l'entreprise familiale. Et puis, de fil en aiguille, je suis revenue travailler ici au tout début en tant que salariée où il y avait un responsable. Donc, j'étais vraiment dans l'équipe. Et puis après, il y a eu une opportunité. Il y a eu des choses de la vie qui ont fait que, après avoir échangé avec mon papa, il faut quand même se dire qu'on est le dernier producteur de langue fermée au lait cru. On a une ferme. une fromagerie, on est indépendant aujourd'hui, on n'est vraiment que la famille remillet, il n'y a personne derrière nous. Je me suis dit qu'il y avait peut-être un pari, un challenge, et puis chez nous, les remillets, on aime assez le challenge, donc j'ai dit pourquoi pas, et du coup, ça fait maintenant dix ans que je suis à la fromagerie remillet, et ça fait cinq ans que je suis responsable de toute la partie transformation de fromage.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, aujourd'hui, toi, tu n'interviens pas du tout sur la partie exploitation agricole ?

  • Marie Remillet

    Non, c'est ça. Donc aujourd'hui, en fait, du coup, nous, on a la ferme et la fromagerie. Donc, c'est quand même deux métiers bien différents, avec des organisations différentes, des connaissances qui sont bien différentes. Et pour faire les choses bien chez nous, on s'est dit qu'il fallait quand même avoir une hiérarchie, que chacun ait des responsabilités. Donc, en fait, ici, on est sur la fromagerie, mais il y a la ferme qui est à 100 mètres, où c'est mon oncle et mon cousin avec une équipe qui s'occupe de... La récolte des fourrages, la production laitière, des céréales. Et nous ici, on est sur la fromagerie, où là, c'est donc mon père et moi et 11 salariés, où on s'occupe tous les jours de fabriquer le lait qu'on produit sur notre exploitation agricole.

  • Romain LE GAL

    Ce que tu disais juste avant, le langre, c'est une toute petite filière, puisque c'est une des plus petites appellations de... de fromage de vache, une des plus petites AOP. Le langre, il est AOC depuis 91 et puis AOP depuis 2009. Aujourd'hui, si tu veux, pour ceux qui nous écoutent, parce que vu que c'est une petite appellation, il y a peut-être des gens qui ne connaissent pas le langre. Comment tu pourrais décrire ce fromage ? C'est quoi le langre déjà physiquement ? Qu'est-ce que c'est que ce fromage ?

  • Marie Remillet

    Alors le langre, il fait partie des fromages à pâte molle à croûte lavée. Donc, c'est un fromage qu'aujourd'hui, on peut trouver en trois formats différents. Donc, il y a le petit format qui est entre 150 et 250 grammes, le moyen format entre 250 et 350 grammes et le gros format, celui à la coupe, qui est entre 800 grammes et 1,3 kg. Donc, ce sont des pâtes molles qui sont... C'est une pâte molle qui est affinée, frottée pendant son affinage. avec de l'eau et du sel. Et pendant l'affinage, il va avoir une couleur orange. Donc c'est un fromage déjà qui se distingue par sa couleur, mais aussi par son aspect, parce qu'en fait, le fromage est creusé au milieu. Donc il a ce qu'on appelle soit une cuvette, un puits ou une fontaine, suivant où on se trouve, chacun à son terme différent. Et en fait, la particularité, il se démarque via. sa forme avec sa cuvette et sa couleur orange.

  • Romain LE GAL

    Aujourd'hui, du coup, tu parlais d'une petite filière. Vous êtes combien d'acteurs sur la filière ?

  • Marie Remillet

    Alors, aujourd'hui, on est trois producteurs, donc à vraiment fabriquer le Langres. Donc, il y a trois fromageries.

  • Romain LE GAL

    Qui est le seul fermier au lait cru.

  • Marie Remillet

    Voilà. Mais à côté de ça, il faut savoir qu'il y a, de mémoire, je crois, 15 ou 17... producteurs de lait au total. Donc voilà, on va dire qu'on est 17 producteurs de lait sur le département et pour 3 fromageries.

  • Romain LE GAL

    Et donc les deux autres fromageries, ça va être fromagerie Germain et Chartenleb et l'appellation fait un peu moins de 700 tonnes de production annuelle. Donc c'est un produit qui est quand même assez confidentiel, hors les experts on va dire.

  • Marie Remillet

    Tout à fait.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, cette zone d'appellation, là, tu parlais de la Haute-Marne. Comment tu pourrais décrire la région dans laquelle on se trouve ? À part, c'est ce qu'on parlait juste avant l'interview, au niveau du climat, la réputation d'être une région assez froide.

  • Marie Remillet

    Alors, il faut savoir que la Haute-Marne, c'est un des départements les plus boisés de France. Donc, il y a énormément de forêts. C'est vrai qu'il y a très peu d'habitants. On est par rapport à la distance, on va dire la superficie du département. C'est un département très vert. Il y a énormément de champs, énormément de forêts. C'est un département très humide. C'est-à-dire que nous, ici, on est à Gennevrière, à Fébiot, qui est à moins de 10 km, c'est la capitale de la vannerie, donc la capitale de l'osier. Par chez nous, ici, il y a énormément d'osiers. L'osier a besoin de beaucoup d'eau. Donc il faut savoir que nous, on est déjà, de manière naturelle, on a déjà un département riche en eau. En plus de ça, il faut savoir par exemple que Gennevrière, nous, il y a trois sources pour le village, où on est dans un village de 100 habitants. Et on dessert plusieurs villages aux alentours. Donc voilà, nous, c'est un département très humide, très vert. Et donc, ce que je peux dire... Alors oui, c'est vrai qu'on peut dire qu'il fait froid l'hiver, mais ça va, c'est que c'est... C'est un vide. Voilà. Oui, c'est qu'en fait, c'est un froid, mais c'est que c'est humide. Donc le ressenti est très fort.

  • Romain LE GAL

    Vous ne voulez pas que les gens viennent s'installer ici, c'est pour ça. Vous voulez garder votre région, du coup.

  • Marie Remillet

    Mais c'est vrai que c'est un département très nature. Il y a... eu peu d'impact par... Forcément, il y a eu des impacts par l'homme, mais c'est beaucoup de petits villages. Il n'y a que trois grandes villes qui sont Langres, 7000 habitants, après Chaumont qui est notre préfecture et après Saint-Dizier. Et Langres, c'est quand même que 7000 habitants.

  • Romain LE GAL

    Une grande ville. À toute proportion gardée,

  • Marie Remillet

    comme on dit.

  • Romain LE GAL

    Est-ce que tu pourrais nous conter, Marie, l'histoire du Langres ?

  • Marie Remillet

    Le Langres, c'est une AOP qui est plutôt récente, parce qu'en fait, il faut savoir qu'ici, en Haute-Marne... Là, on est vraiment dans le sud de la Haute-Marne. Dans le sud de la Haute-Marne, il y avait énormément de fromagerie. Mais ici, on est dans un bassin de production laitière. Mais à la base, c'était beaucoup des mentales. Dans tous les villages, il y avait une coopérative des mentales. D'ailleurs, à Genrières, il y en avait une où ils étaient, à l'époque, de mes grands-parents, il y avait 30 fermes, donc 30 producteurs de lait. Et puis... Parce qu'en fait, il faut savoir qu'on faisait des produits de garde, parce que du coup, à l'époque, c'était des produits qu'on pouvait garder. Nous, il faut savoir qu'on n'est qu'à 3h30, 3h de Paris, sauf qu'à l'époque, pour se déplacer à cheval, c'était compliqué. Donc du coup, c'est pour ça qu'ils faisaient des fromages de garde. Et puis après, ça a évolué. Et donc du coup, on gardait le lait, en fait, de ce que je peux savoir. C'est qu'en fait, ils fabriquaient des petits fromages et qui, avec le temps, vu qu'ils n'étaient pas retournés, se creusaient et devenaient jaunes. Parce qu'en fait, du coup, c'était des fromages affinés et donc du coup, ils prenaient la couleur, mais grâce au temps. Et puis, il faut savoir aussi que c'était beaucoup à la base des producteurs fermiers. C'était des fermiers qui les fabriquaient. Et puis après, sont arrivées des familles qui connaissaient la production laitière, qui se sont installées, en tout cas la transformation laitière, qui se sont installées. Et donc du coup, l'AOP a vu le jour.

  • Romain LE GAL

    Oui, il y a eu trois phases finalement dans l'histoire. Il y a eu la phase fin des années 1800 et début des années 1900, où là c'était de la production fermière. Et puis après est arrivée la première gamme mondiale avec le besoin de main d'œuvre et un début d'exode rural par rapport à ça. Et on a eu la renaissance, moi, de ce que j'ai pu lire. du langre dans les années 1950 avec la reproduction. Et on peut même, un des premiers ouvrages où est cité le langre, c'est un célèbre traité de laiterie de Pourriot qui est à la fin du XVIIIe. Donc c'est quand même un fromage qui n'est pas tout récent. Et oui, on parle déjà de la cuvette ou de la fontaine. Aujourd'hui, Marie... On a parlé de la filière, on a parlé de à quoi ressemblait le langre. Avant de rentrer dans les secrets de la fabrication, si on peut dire les secrets, mais expliquer à ceux qui nous écoutent la fabrication du langre, est-ce que tu pourrais nous expliquer un peu la fromagerie et la ferme remillée, qu'est-ce que c'est ? Parce que tu as déjà commencé à donner quelques chiffres, mais c'est combien de vaches laitières ? C'est quoi comme race ? Parce que quand on fait du lait et qu'on fait du fromage, la race laitière est importante. C'est quoi ?

  • Marie Remillet

    Alors, donc... Nous, ici, juste pour reprendre, il faut savoir que c'est une création. Donc du coup, mes grands-parents étaient agriculteurs, mais ils avaient très peu de vaches. Et donc, très peu de moyens. Il faut savoir que mes grands-parents, donc ma grand-mère, est toujours vivante. Et donc du coup, avec mon grand-père, ils ont eu six enfants. Et donc du coup... Ils étaient producteurs de lait et du coup, ils descendaient leur lait à la coopérative agricole. Ensuite, mon oncle s'est installé sur la ferme. Il a voulu reprendre la ferme, mais il n'y avait pas assez d'activités pour installer d'autres enfants. Et mon père, ça a toujours été un souhait de revenir sur l'entreprise familiale, sur la ferme. C'est vraiment... Un agriculteur pur et dur. Et donc après, pour pouvoir s'installer, il a fallu quand même créer une activité en plus. Et donc c'est là qu'est née la transformation de lait en fromage. Alors à la base, c'était uniquement un produit frais. Et par la suite, du coup, du fait de l'AOP Langres, où on fait partie de la zone, ils ont créé après, dans la fromagerie, une partie pour pouvoir fabriquer.

  • Romain LE GAL

    En quelle année ça a commencé le fromage ?

  • Marie Remillet

    Alors la transformation chez nous ça a commencé il y a à peu près 35-40 ans et l'AOP Langres chez nous à peu près 30-35 ans.

  • Romain LE GAL

    Et l'exploitation laitière c'est combien d'hectares ? C'est combien de vaches laitières ?

  • Marie Remillet

    Alors ici donc du coup la ferme on a à peu près 130 vaches en moyenne à l'année donc principalement en brune des Alpes. Parce que du coup, dans le cahier des charges, il y a trois vaches. Donc il y a soit la Montbéliarde, la Cimentale ou la Brune des Alpes. Donc nous, chez nous, on a choisi la Brune des Alpes pour ses taux de matière grasse et ses taux de protéines. C'est une vache qui, pour faire du fromage, elle fait vraiment du bon lait. Donc voilà, ensuite, elle sort à peu près six mois de l'année dehors. Donc du coup, ça veut dire qu'il faut quand même qu'on arrive à avoir de grandes parcelles. Donc on a, on va dire à peu près 300-400 hectares, mais qui sont répartis. C'est-à-dire qu'il y a une partie pour faire du fourrage exclusivement sec, donc du foin, de la luzerne. Et ensuite, une partie de céréales avec de l'orge, du blé, du maïs. Et donc voilà. Et ensuite, on parle de dire pour la fromagerie. Et bien, du coup, nous, vu qu'il y a 100 mètres qui nous séparent. On a un camion de lait et donc du coup, tous les jours, on va chercher du lait pour pouvoir le transformer directement derrière en fromage de Langres.

  • Romain LE GAL

    D'accord. Et aujourd'hui, la fromagerie, elle transforme combien de litres de lait ? Est-ce que vous transformez tout le lait de la ferme ? Comment ça fonctionne ?

  • Marie Remillet

    Alors aujourd'hui, la ferme, elle produit à peu près un million d'œufs à l'année et nous, on en transforme à peu près un bon million. Et le reste, il est vendu à une coopérative de lait située à Langres pour faire de l'émmental.

  • Romain LE GAL

    Ok, toujours l'émmental.

  • Marie Remillet

    Voilà.

  • Romain LE GAL

    Ça revient un peu à l'histoire. Et la fromagerie produit quel volume de fromage de manière annuelle ?

  • Marie Remillet

    Eh bien nous, on effleure à peu près 100 tonnes de Langres en moyenne à l'année.

  • Romain LE GAL

    Et avec toutes les autres productions fromagères que vous faites ?

  • Marie Remillet

    Non, non, à côté, on fait quand même des produits frais qui représentent à peu près 30 tonnes.

  • Romain LE GAL

    Donc, une fromagerie qui fait un peu moins de 150 tonnes. Voilà. Maintenant, Marie, est-ce que tu peux nous expliquer comment on produit ce fameux Langres ? Parce que c'est quand même un peu pour ça qu'on est là aujourd'hui, parler du Langres.

  • Marie Remillet

    Alors, il faut savoir que dans le cahier des charges... Au niveau du lait, on a 48 heures pour pouvoir le transformer. Donc du coup, une fois que la traite est terminée, on va chercher le lait. Et là, il va être réchauffé pour ce qu'on appelle l'étape de maturation. C'est-à-dire qu'on va le réchauffer à une température qui est à peu près entre 17 et 21 degrés, suivant la saison. On doit prendre plusieurs facteurs en compte. On doit prendre la saison, savoir s'il y a beaucoup de matière grasse, beaucoup de protéines dedans, comment ça va pouvoir évoluer. Donc en fonction de ça, on va réchauffer entre 17 et 21 degrés.

  • Romain LE GAL

    Et à quoi ça sert cette maturation ?

  • Marie Remillet

    C'est-à-dire que dans le lait, il y a ce qu'on appelle la flore initiale. C'est vraiment la qualité de lait. Et donc du coup, en le réchauffant, le lait va s'acidifier. tout doucement. En fait, c'est pour commencer l'acidification du lait. Et en fait, faire du fromage, c'est ça, c'est acidifier un lait, voire le conserver. Et donc, nous, à cette étape de maturation, on va réchauffer le lait pour que les bactéries puissent se développer. Et on va également ajouter ce qu'on appelle des ferments. Alors très peu, mais en fait, ces ferments-là vont permettre d'orienter la fabrication. Parce que si on n'avait que la flore initiale, on se retrouverait avec des produits tout le temps différents. Là, c'est quand même pour orienter la fabrication et pour que l'acidification se passe correctement, pour qu'elle descende pour les étapes qui suivent. On va réchauffer le lait et pendant à peu près 15-20 heures, le lait va rester en citerne à cette température-là et les ferments qu'on va ajouter dans le lait vont consommer le sucre pour pouvoir s'acidifier. Ensuite, Le lendemain, on va reprendre ce même lait qu'on va réchauffer à 30 degrés. Et on va devoir le mettre en bassine pour l'emprésurer. Donc on l'emprésure avec de la présure animale, qui est aussi issue de la caillette de veau, et qui en contact avec le lait, va passer de l'état liquide à solide. Alors au départ, ça va être un gel, plutôt comme un flan. Ça va être quelque chose de très fragile. Et au bout de deux heures et demie, là, il sera plus compact, plus solide. Donc on aura un gros cube d'à peu près 125 litres de lait dans notre bassine et qu'on va venir trancher. Donc en fait, l'étape du tranchage, c'est de pouvoir découper le cahier, le gel, en petits cubes. Et en fait, ces petits cubes-là, ils vont pouvoir rentrer plus facilement dans les moules et ça va permettre également l'égouttage du cahier.

  • Romain LE GAL

    Ils font quelle taille pour faire du langre ces cubes ?

  • Marie Remillet

    Alors nous, on est très gros, on fait du... Parce que c'est le cahier des charges, mais voilà, on est en 2 cm par 2 cm. Et donc du coup, ces cubes vont rentrer... Après, on va arriver à l'étape de moulage. Et donc du coup, on va pouvoir mouler et mettre ce cahier dans les moules. Et tout de suite après moulage, une étape qui est vraiment très importante pour le langre, si vous voulez avoir une belle fontaine, c'est l'étape de retournement. Il faut qu'il y ait deux retournements successifs. pour que la cuvette puisse se former après pendant l'étape qui suit, qui sera l'étape d'acidification.

  • Romain LE GAL

    De toute façon, dans le cahier des charges, c'est deux retournements maximum. C'est ça. Et après, on n'a plus le droit de retourner du tout le fromage sur toute la durée.

  • Marie Remillet

    Voilà, tout à fait. Et donc, du coup, toute la nuit, ces fromages vont rester dans la salle d'acidification, où il fait à peu près entre 25 et 30 degrés, pour faire... pour que le sérum puisse s'égoutter au maximum, qu'on retire le maximum d'eau et de sucre du produit et que le lendemain, on va pouvoir démouler nos fromages qui auront vraiment l'aspect du langre. Et donc du coup, ils seront formés et ensuite on va pouvoir les saler. Donc en fait, le salage, ça va permettre de conserver notre produit et ça va également permettre aux levures de pouvoir se développer par la suite.

  • Romain LE GAL

    Et c'est un salage, c'est quel type de salage du coup ?

  • Marie Remillet

    Alors nous ici, on est en salage manuel, c'est-à-dire que c'est nous qui allons venir, on est quatre à savoir saler, on va pouvoir jeter du sel, comme si on donnait à manger aux pigeons par exemple. C'est vraiment...

  • Romain LE GAL

    En charge du langre, c'est du sel sec de toute façon obligatoire. Oui,

  • Marie Remillet

    c'est ça. Mais je veux dire, il n'y a pas de machine, c'est vraiment une étape très manuelle où on est tous formés les fromagers, mais ça dure à peu près cinq mois à bien se former parce que chez nous... Ça c'est un souhait de notre fromagerie et c'est aussi un souhait des fromagers, c'est qu'on sale très peu. Alors le sel c'est vrai que c'est un exauceur de goût, mais ça peut aussi cacher s'il y a un défaut ou il y a quelque chose.

  • Romain LE GAL

    Ça peut emmener d'autres défauts.

  • Marie Remillet

    Oui aussi. Mais nous voilà, on se dit aujourd'hui on a notre ferme où on produit notre lait au lait cru, où depuis plusieurs années on fait suivant les... On a quand même pris en compte les aléas climatiques, etc. On a travaillé énormément sur la ferme, sur les récoltes de fourrage. On a diminué tout ce qui était ensilage, donc produits fermentés, pour apporter vraiment beaucoup plus de fourrage sec, via de la luzerne, des régras, etc. Donc on s'est dit, voilà, aujourd'hui, on produit un lait de qualité, et donc du coup, on veut que ça soit... dans notre fromage, ça puisse se ressentir. Donc on sale très peu pour que ce soit vraiment le goût du lait qui l'emporte, le goût de crème et pas le sel. Donc chez nous, on sale très peu et c'est pour ça que cette étape est très importante. Et une fois le salage terminé, après le langre, il va partir en cave d'affinage où là il sera frotté plusieurs fois pour apporter de l'humidité. Et puis il passera dans différentes caves où il y a des températures et des hygrométries, donc des taux d'humidité différents. Et là, c'est une étape qui est aussi assez complexe parce que du coup, on a un fromager, Cédric, qui est lui, tous les jours, tous les jours. Il va dans les caves et il déplace les piles pour éviter que ça sèche ou au contraire pour éviter que les fromages deviennent trop mous.

  • Romain LE GAL

    En gros, c'est quoi la température d'affinage d'un langre ?

  • Marie Remillet

    Eh bien, à peu près, chez nous, c'est à peu près 10 degrés, 10-11 degrés. Et ils vont rester à peu près, donc le cahier des charges, c'est...

  • Romain LE GAL

    Et en hygrométrie, avant de passer...

  • Marie Remillet

    Ah, l'hygrométrie, c'est à peu près 90%.

  • Romain LE GAL

    OK. Parce que quand on parle, effectivement, c'est toujours un couple... Finalement, température, hygrométrie, quand on parle d'affinage, 90% d'hygrométrie.

  • Marie Remillet

    Voilà, et qui est gérée chez nous. Alors, c'est une particularité. Il ne faut pas me demander pourquoi, mais notre humidité, elle est simplement réglée par nos fromages. C'est-à-dire, je m'explique. Aujourd'hui, nous, dans nos caves, on peut contrôler la température avec des consignes qu'on va demander pour obtenir une température. Pour l'hygrométrie, c'est à nous de la gérer. C'est-à-dire qu'il n'y a pas de buses qui vont apporter de l'humidité. Non, c'est-à-dire qu'on va frotter nos fromages et c'est cette humidité-là après qui va arriver dans la cave et qui va venir régler l'humidité. Donc, il y a un énorme travail. C'est-à-dire que si on a des fromages trop secs, il va falloir bien observer et par exemple les mettre à côté d'un fromage très humide pour arriver à régler de manière naturelle nos caves en hygrométrie.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, un langre, c'est affiné en fonction des formats, combien de temps ?

  • Marie Remillet

    Alors, chez nous, vu qu'on fait le petit format, c'est 15 jours d'affinage minimum et 21 pour le gros. Sauf que nous, ici, on aime bien que les petits formats, donc le 200 grammes, on l'affine à peu près 28 jours et le gros à peu près 35. Après, suivant la demande, mais on aime quand même avoir des fromages un peu plus affinés. Donc on préfère qu'ils restent quand même un peu plus longtemps chez nous.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, si tu devais maintenant qu'on voit comment, qu'on a entendu comment se produit un langues, si tu devais décrire les caractéristiques organoleptiques d'un langues ?

  • Marie Remillet

    Alors, le langues consommée comme aujourd'hui, parce que c'est vrai que comme on disait tout à l'heure, donc l'AOP... Le fromage de Langres est fabriqué depuis très longtemps, mais il a quand même évolué dans le temps. Il a beaucoup plus de finesse qu'avant. Déjà, c'est une pâte molle à croûte lavée. Donc déjà, il y a quand même une odeur, une couleur qui s'en dégage. Mais cette odeur-là, on ne la retrouve pas dans le fromage. On a des fromages quand même assez doux, assez subtils. Donc avec un cœur creilleux et un coulant sous croûte qui a bien commencé.

  • Romain LE GAL

    On ne l'a pas dit juste avant, mais tu as parlé de lavage. En fonction des formats, c'est combien de lavage ?

  • Marie Remillet

    Alors le langre 200 grammes, le petit format, c'est 2 minimums. Et le gros format également. Chez nous, on le frotte 3 fois.

  • Romain LE GAL

    Et avec quoi vous le frottez du coup ?

  • Marie Remillet

    Alors avec de l'eau, du sel, de la poudre Droukou qui va donner la couleur orange à notre langre.

  • Romain LE GAL

    Ok. Et sur la fromagerie, vous faites aussi d'autres fromages ? Je crois que tu as inventé, quand tu es arrivé, tu as développé, tu as mis au point d'autres fabrications fromagères ?

  • Marie Remillet

    Alors ici, à côté, on fabrique également de la faisselle, parce qu'il faut savoir que du coup, nous, étant agriculteurs, notre lait, il arrive tous les jours. Donc il faut arriver à en transformer un maximum. Et donc du coup, c'est aussi pour ça qu'on a dû élargir aussi la gamme. Donc on fait aussi... des produits frais, énormément de faisselle qui est moulée à la louche. Donc là, c'est vraiment le produit pour moi le plus brut, parce que c'est vraiment du lait qui est réchauffé à très faible température et il y aura trois jours de moulage. Donc ça, c'est vraiment le lait qui travaille de manière naturelle. Il travaille naturellement. Ensuite, à côté des produits frais, on fait une pâte molle à croûte fleurie. qui s'appelle Delicatesse, qui est très crémeuse. Et on fait une autre pâte molle à croûte lavée, en petit format, qui lui est affinée, donc il est frotté au ratafia de champagne.

  • Romain LE GAL

    Le ratafia de champagne, pourquoi ?

  • Marie Remillet

    Alors, il faut savoir que nous, on est dans le département de la Haute-Marne. Notre région, c'est la Champagne-Ardenne. Et en plus de ça, le champagne est également fabriqué en Haute-Marne. Il y a quand même une zone pour fabriquer du champagne en Haute-Marne. Donc voilà, on a voulu mettre en lien... On cherchait un alcool et on a voulu mettre en lien avec ce qu'on fabrique chez nous. Et donc, du coup, c'est pour ça qu'est arrivé le ratafia de champagne.

  • Romain LE GAL

    Aujourd'hui, tu es salarié de la société. Demain, tu aurais la volonté de t'installer. Qu'est-ce que c'est ta vision demain ? Comment tu vois un peu l'avenir dans la région de la production fromagère ? Les difficultés ? C'est quoi ta vision par rapport à ça ?

  • Marie Remillet

    Il faut savoir que le métier de fromager... C'est un très beau métier. Pour moi, c'est un métier très noble. Je trouve ce métier très joli. Mais c'est aussi très prenant. C'est-à-dire que nous, le lait, il arrive tous les jours, donc il faut le transformer tous les jours. Et c'est des produits très fragiles. Le lait, on ne peut pas le conserver énormément dans le temps. Donc du coup, il faut faire les fabrications tous les jours. En plus de ça, comme on l'a dit tout à l'heure, on est dans un département où la population, on n'est pas beaucoup, c'est vrai. Aujourd'hui, certes, j'aimerais vraiment reprendre. Il y a cette envie de reprendre l'entreprise familiale parce que, comme on l'a dit, on est quand même le seul producteur à faire du langre fermée au lait cru. On est le seul dans l'AOP, mais on pourrait dire que je suis la seule au monde, par exemple. C'est quand même quelque chose de grand. C'est quelque chose, en plus, qui a été créé par nous, par nos parents. Donc ça, c'est très beau. Et en plus de ça, mon père, il a quand même réussi... à me transmettre sa passion, son métier. Et je trouve que c'est très beau dans la transmission parce que certes, j'aime fabriquer. J'aime fabriquer l'encre. Mais ce que j'aime par-dessus, c'est de se dire, voilà, on est une famille. On a réussi à créer quelque chose. Il faut que ça arrive à perdurer dans le temps. Et puis, en plus de ça, on a une super équipe avec nous. Moi, aujourd'hui, je suis très contente de travailler avec... Moi, je suis tous les jours en production, de travailler avec l'équipe qu'on a aujourd'hui. Donc, oui. c'est sûr que l'envie aujourd'hui de reprendre elle est là. Après il faut l'avouer aujourd'hui entre avoir envie et pouvoir c'est quand même très compliqué parce que comme je l'ai dit moi aujourd'hui j'ai fait des études de fromagerie sauf que aujourd'hui c'est plus du tout ça qu'on arrive à gérer l'administratif prend énormément de temps de pouvoir aussi expliquer notre métier. En fait on a plusieurs casquettes et aujourd'hui ça prend énormément de temps et beaucoup beaucoup d'énergie... Donc, il faut quand même bien pouvoir réfléchir à ça. Et donc, moi, j'aimerais bien aujourd'hui pouvoir être plus présente auprès des clients, d'expliquer notre métier, de sensibiliser aussi ce que c'est le lait cru, ce que c'est le fermier et donc pouvoir quitter quand même la partie production.

  • Romain LE GAL

    Est-ce que tu penses que demain, ça sera de plus en plus difficile de maintenir le lait cru ? Comment toi, tu te bats tous les jours pour ça ? C'est quoi ta vision par rapport à ça ?

  • Marie Remillet

    Alors moi, je pense que le lait cru, il a toujours existé et qu'il existera. Ça, j'en suis persuadée. Après, il faut savoir que le lait cru, pour moi, 95%, il ne se passe pas dans les fromageries, ça se passe dans les fermes. Donc, il faut qu'il y ait un énorme accompagnement entre les fromagers et les agriculteurs. Nous, aujourd'hui, c'est vrai qu'on fait les deux. Donc, moi, mon cousin qui gère toute la partie lait, la partie vache, on se voit tous les jours. On échange tous les jours. C'est bon, là, aujourd'hui, je vais les mettre à l'herbe. Là, il va y avoir ça comme consommation. Il va falloir faire attention. Et en plus de ça, on sait qu'on a en lait cru. Donc, c'est-à-dire qu'à la ferme, elle sait que derrière, c'est la production au lait cru. Donc, tout est fait différemment. C'est-à-dire que quand il y a les récoltes, on va se permettre de récolter un peu plus haut pour être sûr de ne pas pouvoir ramasser de la terre et que derrière, ça nous apporte des problèmes dans l'hygiène. Tous les jours, tous les jours, c'est comme ça. Par exemple, la semaine dernière, mon cousin m'a appelé. Il m'a dit Bon, ben voilà, j'ai tant de fourrages, je ne les trouve pas très beaux. Eh bien, tant pis, je préfère les jeter que de les donner aux vaches pour pouvoir après avoir des problèmes dans le lait. C'est vrai qu'il y a quand même une réflexion qui est différente. Donc moi, je pense que le lait cru va exister. Il existera toujours. Par contre, oui, ça va être quand même de plus en plus compliqué à expliquer notre métier quand même, de ce que c'est vraiment le lait cru, de ce que ça implique derrière. en tout ce qui est en normes d'hygiène, en tout ce qui est en communication. Donc ça va être ça qui va être compliqué aujourd'hui. Et ce qui sera compliqué, c'est de défendre tous les jours, tous les jours, notre métier. Alors, c'est un sacré beau challenge, mais c'est quand même beaucoup de temps et d'énergie.

  • Romain LE GAL

    Tu parlais d'exode rural. Toi, tu es investie dans la vie locale pour essayer de faire venir des gens ? Parce que vous êtes le plus gros employeur de la commune, je pense ?

  • Marie Remillet

    Oui, il y a quand même quelques entreprises, on ne croirait pas, mais oui, sur le village. Mais alors, du coup, nous, Genre Rire, c'est moins de 100 habitants. Aujourd'hui, les villages aux alentours, c'est entre 20 et 100 habitants. Donc, c'est vrai que ce n'est pas évident aujourd'hui de recruter, surtout que voilà.

  • Romain LE GAL

    On disait tout à l'heure qu'il y a une personne qui a un poste ouvert depuis un an. Oui. Et que pour l'instant, les profils ne courent pas les rues.

  • Marie Remillet

    Non, tout à fait. Mais après, on y croit quand même parce que... Je me dis qu'il y a quand même des personnes qui sont avec nous aujourd'hui dans la fromagerie, qui sont là depuis plusieurs années et qui ont des très bons profils, qui sont très investis. Moi, j'ai toujours dit sur la fromagerie, c'est écrit remillé, mais c'est le travail de tout le monde. C'est pas... Voilà, donc aujourd'hui, pour exister, pour que la fromagerie existe, la fromagerie remillée, voilà, il y a un poste qui est ouvert. Moi, j'invite à trouver... trouver quelqu'un qui souhaite s'investir.

  • Romain LE GAL

    Qui nous écoutez, n'hésitez pas à contacter Marie.

  • Marie Remillet

    Voilà, pour s'il a envie, il prend. Mais après, je sais que c'est... Il faut savoir que c'est un métier, voilà, avec des horaires quand même qui sont prenants. Ça, c'est vrai. Mais derrière, il y a quand même une belle valorisation de...

  • Romain LE GAL

    En plus de ça, si vous aimez la nature.

  • Marie Remillet

    Oui, voilà.

  • Romain LE GAL

    Les bois.

  • Marie Remillet

    C'est sûr que voilà, ici, on fait tous du potager, on fait tous du bois à côté. Voilà. On est quand même des gens... On est des gens ruraux, mais... ici, que ça soit moi, c'est vrai, je l'ai toujours défendu, mais l'ensemble de l'équipe, on défend notre territoire parce qu'on aime vraiment la Haute-Marne parce qu'elle nous offre énormément de choses. Elle nous offre la nature, elle nous respecte, elle nous offre le calme et voilà, on a une autre manière de vivre. Et le langre.

  • Romain LE GAL

    C'est quoi un bon langre pour toi, Marie ?

  • Marie Remillet

    Alors, moi, j'aime un langre quand le cœur est créieux. Moi, je préfère un fromage plus sec que trop coulant.

  • Romain LE GAL

    Donc finalement, quelque chose peut-être qu'on trouvait plus facilement avant ?

  • Marie Remillet

    Oui, peut-être.

  • Romain LE GAL

    La langue qui te rappelle un peu ton enfance ?

  • Marie Remillet

    Peut-être.

  • Romain LE GAL

    Pour terminer, Marie, j'aurais une dernière question. C'est quoi ta pizza préférée ?

  • Marie Remillet

    Ah ah ! Alors, ma pizza préférée ? Ah ben, alors je ne dirais pas aux langues. Ça ferait un peu trop là, parce qu'en plus de ça... Non. Eh bien, ça serait une pizza avec de l'ananas dessus. Les pizzas hawaïennes. Voilà.

  • Romain LE GAL

    Ah, ça, c'est le grand débat de la hawaïenne qu'on a à chaque fois. On a une fan de la hawaïenne. Voilà. Voilà, vous pouvez critiquer Marie, du coup, qui, elle, aime la hawaïenne. Merci beaucoup, Marie, de ton accueil.

  • Marie Remillet

    Eh bien, de rien.

  • Romain LE GAL

    Merci à vous de nous avoir écoutés. J'espère que cet épisode vous a plu. N'hésitez pas à le partager. On se retrouve bientôt pour un nouvel épisode de l'échange. Salut Marie !

  • Marie Remillet

    Merci, au revoir !

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Description

Retrouvez Romain LE GAL dans ce troisième épisode de Lait'Change, en compagnie de Marie REMILLET dans la Haute-Marne pour parler du fromage éponyme au plateau « Le Langres » un fromage AOP à pâte molle et croute lavé. Pendant son affinage, il prend une couleur orange, sa forme spécifique en dôme est creusé en son centre, formant une « cuvette ». Il existe trois formats : petit (150-250 gramme), moyen (250-350), gros format : 800 – 1300 grammes.

Cette AOP très récente (2009), est née en Haute-Marne. Ce bassin laitier compte depuis longtemps énormément de fromagerie, mais on y fabriquait avant tout beaucoup d’emmental à cause des difficultés de transport et de l’isolement de leur région. Avec l’évolution des transports et la facilité de se rendre dans des grandes villes, le développement d’autres fromages, plus frais, comme le Langres a pu se faire en transportant leur fromage dans d’autres régions pour le vendre, et notamment sur la région Île-de-France pour vendre les fromages sur le Min de Rungis.

La Haute-Marne, zone d’appellation du Langres, est un des départements les plus boisés de France. On y trouve très peu d’habitant par rapport à sa superficie, elle est très verte avec beaucoup de champ et de forêt. Il est également très humide ce qui profite à la croissance de l’osier qui a besoin de beaucoup d’eau, La ferme REMILLET se situe à 10 km de la capitale de l’Osiériculture.

Lait’Change, le podcast qui donne la parole aux actrices et acteurs de la filière laitière et fromagère. Romain LE GAL, Meilleur Ouvrier de France Fromager 2023 fait le tour des régions de France pour nous faire découvrir des fromages AOP, des coopératives et rencontrer des passionnées de fromages pour en apprendre plus sur leurs histoires. Ces garants du patrimoine et de leurs métiers font la richesse de notre pays et notre culture. Produit par France Frais, le distributeur, tout proche de vous.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Romain LE GAL

    Bienvenue sur Lait'Change, le podcast qui donne la parole aux actrices et aux acteurs de la filière laitière et fromagère. Je suis Romain Le Gal et je vous retrouve en Haute-Marne. Le fromage AOP dont nous allons parler aujourd'hui est l'éponyme d'une ville fortifiée située sur un plateau du même nom, à 466 mètres. Je parle bien sûr du Langres. Et pour parler de ce joli fromage, je suis en compagnie de Marie Remillet. Bonjour Marie.

  • Marie Remillet

    Bonjour Romain.

  • Romain LE GAL

    Marie, pour démarrer cette interview... Ce que je te propose, c'est de te présenter.

  • Marie Remillet

    Tout à fait. Je m'appelle Marie Remillet, j'ai 31 ans. Du coup, je suis née à Langres et j'ai grandi à Genevrière, où se trouve la fromagerie.

  • Romain LE GAL

    La fromagerie Remillet.

  • Marie Remillet

    C'est ça. Et donc, du coup, à mes 15 ans, j'ai commencé à travailler les étés à la fromagerie. Et puis, de là, j'ai vraiment... aimé le métier de fromager, de faire vraiment de la fabrication de fromage. Donc, j'ai orienté mes études tout d'abord dans un diplôme agricole, un bac agricole, pour apprendre la production laitière. Et ensuite, j'ai réalisé un BTS et une licence en produits laitiers, donc à l'école de Poligny, donc l'ENIL, l'École Nationale d'Industrie Laitière.

  • Romain LE GAL

    D'accord. Et du coup, qu'est-ce que tu as appris à l'ENIL ? C'est quoi les études à l'ENIL ?

  • Marie Remillet

    J'ai appris à pouvoir fabriquer du fromage et puis aussi tout ce qui est autour du fromage. Parce qu'en fait, il y a la fabrication, mais il y a aussi tout ce qui est la qualité, ce qui est le recherche et développement, ou aussi quand il y a un problème de fabrication, pouvoir arriver à identifier le problème et à le résoudre. Donc voilà, et j'ai fait aussi une partie de management. parce que du coup, aujourd'hui, c'est aussi encore un autre métier, mais on a besoin aujourd'hui. Donc, pour pouvoir échanger avec une équipe, gérer une équipe et voilà.

  • Romain LE GAL

    Et après, pendant tes études ou après tes études, tu as été travailler dans d'autres fromageries ? Tu as fait un petit tour de France, un petit tour du monde peut-être ?

  • Marie Remillet

    Donc oui, j'ai travaillé dans différentes fromageries. Donc moi, j'ai toujours aimé la transformation fermière et la transformation au lait cru. Donc c'est vrai que je suis restée dans... dans des structures qui respectaient ces deux points pour moi qui étaient très importants. Donc je suis partie, au tout début je suis partie dans une chèvrerie dans le nord, où là j'étais sur la partie exploitation et également sur la partie fabrication de fromage.

  • Romain LE GAL

    Donc on peut le citer chez Jean-Philippe Bourgois.

  • Marie Remillet

    Voilà, la fromagerie de l'Écaillier. Ensuite je suis partie au Québec, où là j'étais... également sur la partie traite des vaches et récolte de fourrage. Et après, du coup, je partais en fabrication, on fabriquait différents fromages. Et ensuite, je suis partie en Aveyron pour mon stage de BTS. Et j'y suis retournée aussi travailler quelques années plus tard, où là, j'étais beaucoup plus sur la partie fabrication de fromages.

  • Romain LE GAL

    Aujourd'hui, si on peut, parce qu'on n'en a pas encore parlé, si on peut... te présenter aussi, c'est que ton papa, Sylvain Rémié, était et producteur de langres. Et toi, t'es un peu née dans une ferme avec une production fromagère.

  • Marie Remillet

    Oui. Donc du coup, nous, c'est vrai que depuis toute petite, que ce soit dans ma famille, donc mes soeurs, mes cousines, on a toujours été sur la ferme, déjà. Quand j'étais vraiment petite, ce n'était pas la fabrication, c'était vraiment on allait aider à traire les vaches, on allait aider à rentrer les vaches ou à donner le fourrage, etc. Donc depuis toute petite, par contre, on a toujours été sur la ferme. Et après, je me suis un peu orientée sur la fromagerie. Mais il faut aussi savoir que du coup, mon père était... Toujours agriculteur, mais du coup, il avait un travail qui était très prenant. Ma maman travaillait à l'extérieur et donc du coup, on n'avait pas forcément toujours de nounou. Donc du coup, c'est vrai que c'est mon papa qui, depuis toute petite, m'emmenait avec lui faire des livraisons. On partait à 3h du matin et j'étais avec lui dans le camion et pareil pour les week-ends. Et donc du coup, c'est vrai que depuis toute petite, il m'a emmené voir. Après, je l'ai suivi sur des salons professionnels où j'étais là, mais au départ, c'était... C'était juste pour l'aider dans l'organisation, les installations de stands, également sur des foires, également sur des marchés. Et puis après, j'ai vraiment travaillé à la fromagerie. Et après, c'est là que j'ai décidé d'orienter mes études dans le milieu agricole.

  • Romain LE GAL

    Ton but, c'était de revenir après sur la fromagerie ou c'était peut-être d'aller travailler ailleurs ? Ou ça a toujours été ton projet de revenir fabriquer du langre ?

  • Marie Remillet

    Pour être honnête, non. J'avais orienté mes études dans la partie fabrication, mais je ne pensais pas revenir. dans l'entreprise familiale. Et puis, de fil en aiguille, je suis revenue travailler ici au tout début en tant que salariée où il y avait un responsable. Donc, j'étais vraiment dans l'équipe. Et puis après, il y a eu une opportunité. Il y a eu des choses de la vie qui ont fait que, après avoir échangé avec mon papa, il faut quand même se dire qu'on est le dernier producteur de langue fermée au lait cru. On a une ferme. une fromagerie, on est indépendant aujourd'hui, on n'est vraiment que la famille remillet, il n'y a personne derrière nous. Je me suis dit qu'il y avait peut-être un pari, un challenge, et puis chez nous, les remillets, on aime assez le challenge, donc j'ai dit pourquoi pas, et du coup, ça fait maintenant dix ans que je suis à la fromagerie remillet, et ça fait cinq ans que je suis responsable de toute la partie transformation de fromage.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, aujourd'hui, toi, tu n'interviens pas du tout sur la partie exploitation agricole ?

  • Marie Remillet

    Non, c'est ça. Donc aujourd'hui, en fait, du coup, nous, on a la ferme et la fromagerie. Donc, c'est quand même deux métiers bien différents, avec des organisations différentes, des connaissances qui sont bien différentes. Et pour faire les choses bien chez nous, on s'est dit qu'il fallait quand même avoir une hiérarchie, que chacun ait des responsabilités. Donc, en fait, ici, on est sur la fromagerie, mais il y a la ferme qui est à 100 mètres, où c'est mon oncle et mon cousin avec une équipe qui s'occupe de... La récolte des fourrages, la production laitière, des céréales. Et nous ici, on est sur la fromagerie, où là, c'est donc mon père et moi et 11 salariés, où on s'occupe tous les jours de fabriquer le lait qu'on produit sur notre exploitation agricole.

  • Romain LE GAL

    Ce que tu disais juste avant, le langre, c'est une toute petite filière, puisque c'est une des plus petites appellations de... de fromage de vache, une des plus petites AOP. Le langre, il est AOC depuis 91 et puis AOP depuis 2009. Aujourd'hui, si tu veux, pour ceux qui nous écoutent, parce que vu que c'est une petite appellation, il y a peut-être des gens qui ne connaissent pas le langre. Comment tu pourrais décrire ce fromage ? C'est quoi le langre déjà physiquement ? Qu'est-ce que c'est que ce fromage ?

  • Marie Remillet

    Alors le langre, il fait partie des fromages à pâte molle à croûte lavée. Donc, c'est un fromage qu'aujourd'hui, on peut trouver en trois formats différents. Donc, il y a le petit format qui est entre 150 et 250 grammes, le moyen format entre 250 et 350 grammes et le gros format, celui à la coupe, qui est entre 800 grammes et 1,3 kg. Donc, ce sont des pâtes molles qui sont... C'est une pâte molle qui est affinée, frottée pendant son affinage. avec de l'eau et du sel. Et pendant l'affinage, il va avoir une couleur orange. Donc c'est un fromage déjà qui se distingue par sa couleur, mais aussi par son aspect, parce qu'en fait, le fromage est creusé au milieu. Donc il a ce qu'on appelle soit une cuvette, un puits ou une fontaine, suivant où on se trouve, chacun à son terme différent. Et en fait, la particularité, il se démarque via. sa forme avec sa cuvette et sa couleur orange.

  • Romain LE GAL

    Aujourd'hui, du coup, tu parlais d'une petite filière. Vous êtes combien d'acteurs sur la filière ?

  • Marie Remillet

    Alors, aujourd'hui, on est trois producteurs, donc à vraiment fabriquer le Langres. Donc, il y a trois fromageries.

  • Romain LE GAL

    Qui est le seul fermier au lait cru.

  • Marie Remillet

    Voilà. Mais à côté de ça, il faut savoir qu'il y a, de mémoire, je crois, 15 ou 17... producteurs de lait au total. Donc voilà, on va dire qu'on est 17 producteurs de lait sur le département et pour 3 fromageries.

  • Romain LE GAL

    Et donc les deux autres fromageries, ça va être fromagerie Germain et Chartenleb et l'appellation fait un peu moins de 700 tonnes de production annuelle. Donc c'est un produit qui est quand même assez confidentiel, hors les experts on va dire.

  • Marie Remillet

    Tout à fait.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, cette zone d'appellation, là, tu parlais de la Haute-Marne. Comment tu pourrais décrire la région dans laquelle on se trouve ? À part, c'est ce qu'on parlait juste avant l'interview, au niveau du climat, la réputation d'être une région assez froide.

  • Marie Remillet

    Alors, il faut savoir que la Haute-Marne, c'est un des départements les plus boisés de France. Donc, il y a énormément de forêts. C'est vrai qu'il y a très peu d'habitants. On est par rapport à la distance, on va dire la superficie du département. C'est un département très vert. Il y a énormément de champs, énormément de forêts. C'est un département très humide. C'est-à-dire que nous, ici, on est à Gennevrière, à Fébiot, qui est à moins de 10 km, c'est la capitale de la vannerie, donc la capitale de l'osier. Par chez nous, ici, il y a énormément d'osiers. L'osier a besoin de beaucoup d'eau. Donc il faut savoir que nous, on est déjà, de manière naturelle, on a déjà un département riche en eau. En plus de ça, il faut savoir par exemple que Gennevrière, nous, il y a trois sources pour le village, où on est dans un village de 100 habitants. Et on dessert plusieurs villages aux alentours. Donc voilà, nous, c'est un département très humide, très vert. Et donc, ce que je peux dire... Alors oui, c'est vrai qu'on peut dire qu'il fait froid l'hiver, mais ça va, c'est que c'est... C'est un vide. Voilà. Oui, c'est qu'en fait, c'est un froid, mais c'est que c'est humide. Donc le ressenti est très fort.

  • Romain LE GAL

    Vous ne voulez pas que les gens viennent s'installer ici, c'est pour ça. Vous voulez garder votre région, du coup.

  • Marie Remillet

    Mais c'est vrai que c'est un département très nature. Il y a... eu peu d'impact par... Forcément, il y a eu des impacts par l'homme, mais c'est beaucoup de petits villages. Il n'y a que trois grandes villes qui sont Langres, 7000 habitants, après Chaumont qui est notre préfecture et après Saint-Dizier. Et Langres, c'est quand même que 7000 habitants.

  • Romain LE GAL

    Une grande ville. À toute proportion gardée,

  • Marie Remillet

    comme on dit.

  • Romain LE GAL

    Est-ce que tu pourrais nous conter, Marie, l'histoire du Langres ?

  • Marie Remillet

    Le Langres, c'est une AOP qui est plutôt récente, parce qu'en fait, il faut savoir qu'ici, en Haute-Marne... Là, on est vraiment dans le sud de la Haute-Marne. Dans le sud de la Haute-Marne, il y avait énormément de fromagerie. Mais ici, on est dans un bassin de production laitière. Mais à la base, c'était beaucoup des mentales. Dans tous les villages, il y avait une coopérative des mentales. D'ailleurs, à Genrières, il y en avait une où ils étaient, à l'époque, de mes grands-parents, il y avait 30 fermes, donc 30 producteurs de lait. Et puis... Parce qu'en fait, il faut savoir qu'on faisait des produits de garde, parce que du coup, à l'époque, c'était des produits qu'on pouvait garder. Nous, il faut savoir qu'on n'est qu'à 3h30, 3h de Paris, sauf qu'à l'époque, pour se déplacer à cheval, c'était compliqué. Donc du coup, c'est pour ça qu'ils faisaient des fromages de garde. Et puis après, ça a évolué. Et donc du coup, on gardait le lait, en fait, de ce que je peux savoir. C'est qu'en fait, ils fabriquaient des petits fromages et qui, avec le temps, vu qu'ils n'étaient pas retournés, se creusaient et devenaient jaunes. Parce qu'en fait, du coup, c'était des fromages affinés et donc du coup, ils prenaient la couleur, mais grâce au temps. Et puis, il faut savoir aussi que c'était beaucoup à la base des producteurs fermiers. C'était des fermiers qui les fabriquaient. Et puis après, sont arrivées des familles qui connaissaient la production laitière, qui se sont installées, en tout cas la transformation laitière, qui se sont installées. Et donc du coup, l'AOP a vu le jour.

  • Romain LE GAL

    Oui, il y a eu trois phases finalement dans l'histoire. Il y a eu la phase fin des années 1800 et début des années 1900, où là c'était de la production fermière. Et puis après est arrivée la première gamme mondiale avec le besoin de main d'œuvre et un début d'exode rural par rapport à ça. Et on a eu la renaissance, moi, de ce que j'ai pu lire. du langre dans les années 1950 avec la reproduction. Et on peut même, un des premiers ouvrages où est cité le langre, c'est un célèbre traité de laiterie de Pourriot qui est à la fin du XVIIIe. Donc c'est quand même un fromage qui n'est pas tout récent. Et oui, on parle déjà de la cuvette ou de la fontaine. Aujourd'hui, Marie... On a parlé de la filière, on a parlé de à quoi ressemblait le langre. Avant de rentrer dans les secrets de la fabrication, si on peut dire les secrets, mais expliquer à ceux qui nous écoutent la fabrication du langre, est-ce que tu pourrais nous expliquer un peu la fromagerie et la ferme remillée, qu'est-ce que c'est ? Parce que tu as déjà commencé à donner quelques chiffres, mais c'est combien de vaches laitières ? C'est quoi comme race ? Parce que quand on fait du lait et qu'on fait du fromage, la race laitière est importante. C'est quoi ?

  • Marie Remillet

    Alors, donc... Nous, ici, juste pour reprendre, il faut savoir que c'est une création. Donc du coup, mes grands-parents étaient agriculteurs, mais ils avaient très peu de vaches. Et donc, très peu de moyens. Il faut savoir que mes grands-parents, donc ma grand-mère, est toujours vivante. Et donc du coup, avec mon grand-père, ils ont eu six enfants. Et donc du coup... Ils étaient producteurs de lait et du coup, ils descendaient leur lait à la coopérative agricole. Ensuite, mon oncle s'est installé sur la ferme. Il a voulu reprendre la ferme, mais il n'y avait pas assez d'activités pour installer d'autres enfants. Et mon père, ça a toujours été un souhait de revenir sur l'entreprise familiale, sur la ferme. C'est vraiment... Un agriculteur pur et dur. Et donc après, pour pouvoir s'installer, il a fallu quand même créer une activité en plus. Et donc c'est là qu'est née la transformation de lait en fromage. Alors à la base, c'était uniquement un produit frais. Et par la suite, du coup, du fait de l'AOP Langres, où on fait partie de la zone, ils ont créé après, dans la fromagerie, une partie pour pouvoir fabriquer.

  • Romain LE GAL

    En quelle année ça a commencé le fromage ?

  • Marie Remillet

    Alors la transformation chez nous ça a commencé il y a à peu près 35-40 ans et l'AOP Langres chez nous à peu près 30-35 ans.

  • Romain LE GAL

    Et l'exploitation laitière c'est combien d'hectares ? C'est combien de vaches laitières ?

  • Marie Remillet

    Alors ici donc du coup la ferme on a à peu près 130 vaches en moyenne à l'année donc principalement en brune des Alpes. Parce que du coup, dans le cahier des charges, il y a trois vaches. Donc il y a soit la Montbéliarde, la Cimentale ou la Brune des Alpes. Donc nous, chez nous, on a choisi la Brune des Alpes pour ses taux de matière grasse et ses taux de protéines. C'est une vache qui, pour faire du fromage, elle fait vraiment du bon lait. Donc voilà, ensuite, elle sort à peu près six mois de l'année dehors. Donc du coup, ça veut dire qu'il faut quand même qu'on arrive à avoir de grandes parcelles. Donc on a, on va dire à peu près 300-400 hectares, mais qui sont répartis. C'est-à-dire qu'il y a une partie pour faire du fourrage exclusivement sec, donc du foin, de la luzerne. Et ensuite, une partie de céréales avec de l'orge, du blé, du maïs. Et donc voilà. Et ensuite, on parle de dire pour la fromagerie. Et bien, du coup, nous, vu qu'il y a 100 mètres qui nous séparent. On a un camion de lait et donc du coup, tous les jours, on va chercher du lait pour pouvoir le transformer directement derrière en fromage de Langres.

  • Romain LE GAL

    D'accord. Et aujourd'hui, la fromagerie, elle transforme combien de litres de lait ? Est-ce que vous transformez tout le lait de la ferme ? Comment ça fonctionne ?

  • Marie Remillet

    Alors aujourd'hui, la ferme, elle produit à peu près un million d'œufs à l'année et nous, on en transforme à peu près un bon million. Et le reste, il est vendu à une coopérative de lait située à Langres pour faire de l'émmental.

  • Romain LE GAL

    Ok, toujours l'émmental.

  • Marie Remillet

    Voilà.

  • Romain LE GAL

    Ça revient un peu à l'histoire. Et la fromagerie produit quel volume de fromage de manière annuelle ?

  • Marie Remillet

    Eh bien nous, on effleure à peu près 100 tonnes de Langres en moyenne à l'année.

  • Romain LE GAL

    Et avec toutes les autres productions fromagères que vous faites ?

  • Marie Remillet

    Non, non, à côté, on fait quand même des produits frais qui représentent à peu près 30 tonnes.

  • Romain LE GAL

    Donc, une fromagerie qui fait un peu moins de 150 tonnes. Voilà. Maintenant, Marie, est-ce que tu peux nous expliquer comment on produit ce fameux Langres ? Parce que c'est quand même un peu pour ça qu'on est là aujourd'hui, parler du Langres.

  • Marie Remillet

    Alors, il faut savoir que dans le cahier des charges... Au niveau du lait, on a 48 heures pour pouvoir le transformer. Donc du coup, une fois que la traite est terminée, on va chercher le lait. Et là, il va être réchauffé pour ce qu'on appelle l'étape de maturation. C'est-à-dire qu'on va le réchauffer à une température qui est à peu près entre 17 et 21 degrés, suivant la saison. On doit prendre plusieurs facteurs en compte. On doit prendre la saison, savoir s'il y a beaucoup de matière grasse, beaucoup de protéines dedans, comment ça va pouvoir évoluer. Donc en fonction de ça, on va réchauffer entre 17 et 21 degrés.

  • Romain LE GAL

    Et à quoi ça sert cette maturation ?

  • Marie Remillet

    C'est-à-dire que dans le lait, il y a ce qu'on appelle la flore initiale. C'est vraiment la qualité de lait. Et donc du coup, en le réchauffant, le lait va s'acidifier. tout doucement. En fait, c'est pour commencer l'acidification du lait. Et en fait, faire du fromage, c'est ça, c'est acidifier un lait, voire le conserver. Et donc, nous, à cette étape de maturation, on va réchauffer le lait pour que les bactéries puissent se développer. Et on va également ajouter ce qu'on appelle des ferments. Alors très peu, mais en fait, ces ferments-là vont permettre d'orienter la fabrication. Parce que si on n'avait que la flore initiale, on se retrouverait avec des produits tout le temps différents. Là, c'est quand même pour orienter la fabrication et pour que l'acidification se passe correctement, pour qu'elle descende pour les étapes qui suivent. On va réchauffer le lait et pendant à peu près 15-20 heures, le lait va rester en citerne à cette température-là et les ferments qu'on va ajouter dans le lait vont consommer le sucre pour pouvoir s'acidifier. Ensuite, Le lendemain, on va reprendre ce même lait qu'on va réchauffer à 30 degrés. Et on va devoir le mettre en bassine pour l'emprésurer. Donc on l'emprésure avec de la présure animale, qui est aussi issue de la caillette de veau, et qui en contact avec le lait, va passer de l'état liquide à solide. Alors au départ, ça va être un gel, plutôt comme un flan. Ça va être quelque chose de très fragile. Et au bout de deux heures et demie, là, il sera plus compact, plus solide. Donc on aura un gros cube d'à peu près 125 litres de lait dans notre bassine et qu'on va venir trancher. Donc en fait, l'étape du tranchage, c'est de pouvoir découper le cahier, le gel, en petits cubes. Et en fait, ces petits cubes-là, ils vont pouvoir rentrer plus facilement dans les moules et ça va permettre également l'égouttage du cahier.

  • Romain LE GAL

    Ils font quelle taille pour faire du langre ces cubes ?

  • Marie Remillet

    Alors nous, on est très gros, on fait du... Parce que c'est le cahier des charges, mais voilà, on est en 2 cm par 2 cm. Et donc du coup, ces cubes vont rentrer... Après, on va arriver à l'étape de moulage. Et donc du coup, on va pouvoir mouler et mettre ce cahier dans les moules. Et tout de suite après moulage, une étape qui est vraiment très importante pour le langre, si vous voulez avoir une belle fontaine, c'est l'étape de retournement. Il faut qu'il y ait deux retournements successifs. pour que la cuvette puisse se former après pendant l'étape qui suit, qui sera l'étape d'acidification.

  • Romain LE GAL

    De toute façon, dans le cahier des charges, c'est deux retournements maximum. C'est ça. Et après, on n'a plus le droit de retourner du tout le fromage sur toute la durée.

  • Marie Remillet

    Voilà, tout à fait. Et donc, du coup, toute la nuit, ces fromages vont rester dans la salle d'acidification, où il fait à peu près entre 25 et 30 degrés, pour faire... pour que le sérum puisse s'égoutter au maximum, qu'on retire le maximum d'eau et de sucre du produit et que le lendemain, on va pouvoir démouler nos fromages qui auront vraiment l'aspect du langre. Et donc du coup, ils seront formés et ensuite on va pouvoir les saler. Donc en fait, le salage, ça va permettre de conserver notre produit et ça va également permettre aux levures de pouvoir se développer par la suite.

  • Romain LE GAL

    Et c'est un salage, c'est quel type de salage du coup ?

  • Marie Remillet

    Alors nous ici, on est en salage manuel, c'est-à-dire que c'est nous qui allons venir, on est quatre à savoir saler, on va pouvoir jeter du sel, comme si on donnait à manger aux pigeons par exemple. C'est vraiment...

  • Romain LE GAL

    En charge du langre, c'est du sel sec de toute façon obligatoire. Oui,

  • Marie Remillet

    c'est ça. Mais je veux dire, il n'y a pas de machine, c'est vraiment une étape très manuelle où on est tous formés les fromagers, mais ça dure à peu près cinq mois à bien se former parce que chez nous... Ça c'est un souhait de notre fromagerie et c'est aussi un souhait des fromagers, c'est qu'on sale très peu. Alors le sel c'est vrai que c'est un exauceur de goût, mais ça peut aussi cacher s'il y a un défaut ou il y a quelque chose.

  • Romain LE GAL

    Ça peut emmener d'autres défauts.

  • Marie Remillet

    Oui aussi. Mais nous voilà, on se dit aujourd'hui on a notre ferme où on produit notre lait au lait cru, où depuis plusieurs années on fait suivant les... On a quand même pris en compte les aléas climatiques, etc. On a travaillé énormément sur la ferme, sur les récoltes de fourrage. On a diminué tout ce qui était ensilage, donc produits fermentés, pour apporter vraiment beaucoup plus de fourrage sec, via de la luzerne, des régras, etc. Donc on s'est dit, voilà, aujourd'hui, on produit un lait de qualité, et donc du coup, on veut que ça soit... dans notre fromage, ça puisse se ressentir. Donc on sale très peu pour que ce soit vraiment le goût du lait qui l'emporte, le goût de crème et pas le sel. Donc chez nous, on sale très peu et c'est pour ça que cette étape est très importante. Et une fois le salage terminé, après le langre, il va partir en cave d'affinage où là il sera frotté plusieurs fois pour apporter de l'humidité. Et puis il passera dans différentes caves où il y a des températures et des hygrométries, donc des taux d'humidité différents. Et là, c'est une étape qui est aussi assez complexe parce que du coup, on a un fromager, Cédric, qui est lui, tous les jours, tous les jours. Il va dans les caves et il déplace les piles pour éviter que ça sèche ou au contraire pour éviter que les fromages deviennent trop mous.

  • Romain LE GAL

    En gros, c'est quoi la température d'affinage d'un langre ?

  • Marie Remillet

    Eh bien, à peu près, chez nous, c'est à peu près 10 degrés, 10-11 degrés. Et ils vont rester à peu près, donc le cahier des charges, c'est...

  • Romain LE GAL

    Et en hygrométrie, avant de passer...

  • Marie Remillet

    Ah, l'hygrométrie, c'est à peu près 90%.

  • Romain LE GAL

    OK. Parce que quand on parle, effectivement, c'est toujours un couple... Finalement, température, hygrométrie, quand on parle d'affinage, 90% d'hygrométrie.

  • Marie Remillet

    Voilà, et qui est gérée chez nous. Alors, c'est une particularité. Il ne faut pas me demander pourquoi, mais notre humidité, elle est simplement réglée par nos fromages. C'est-à-dire, je m'explique. Aujourd'hui, nous, dans nos caves, on peut contrôler la température avec des consignes qu'on va demander pour obtenir une température. Pour l'hygrométrie, c'est à nous de la gérer. C'est-à-dire qu'il n'y a pas de buses qui vont apporter de l'humidité. Non, c'est-à-dire qu'on va frotter nos fromages et c'est cette humidité-là après qui va arriver dans la cave et qui va venir régler l'humidité. Donc, il y a un énorme travail. C'est-à-dire que si on a des fromages trop secs, il va falloir bien observer et par exemple les mettre à côté d'un fromage très humide pour arriver à régler de manière naturelle nos caves en hygrométrie.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, un langre, c'est affiné en fonction des formats, combien de temps ?

  • Marie Remillet

    Alors, chez nous, vu qu'on fait le petit format, c'est 15 jours d'affinage minimum et 21 pour le gros. Sauf que nous, ici, on aime bien que les petits formats, donc le 200 grammes, on l'affine à peu près 28 jours et le gros à peu près 35. Après, suivant la demande, mais on aime quand même avoir des fromages un peu plus affinés. Donc on préfère qu'ils restent quand même un peu plus longtemps chez nous.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, si tu devais maintenant qu'on voit comment, qu'on a entendu comment se produit un langues, si tu devais décrire les caractéristiques organoleptiques d'un langues ?

  • Marie Remillet

    Alors, le langues consommée comme aujourd'hui, parce que c'est vrai que comme on disait tout à l'heure, donc l'AOP... Le fromage de Langres est fabriqué depuis très longtemps, mais il a quand même évolué dans le temps. Il a beaucoup plus de finesse qu'avant. Déjà, c'est une pâte molle à croûte lavée. Donc déjà, il y a quand même une odeur, une couleur qui s'en dégage. Mais cette odeur-là, on ne la retrouve pas dans le fromage. On a des fromages quand même assez doux, assez subtils. Donc avec un cœur creilleux et un coulant sous croûte qui a bien commencé.

  • Romain LE GAL

    On ne l'a pas dit juste avant, mais tu as parlé de lavage. En fonction des formats, c'est combien de lavage ?

  • Marie Remillet

    Alors le langre 200 grammes, le petit format, c'est 2 minimums. Et le gros format également. Chez nous, on le frotte 3 fois.

  • Romain LE GAL

    Et avec quoi vous le frottez du coup ?

  • Marie Remillet

    Alors avec de l'eau, du sel, de la poudre Droukou qui va donner la couleur orange à notre langre.

  • Romain LE GAL

    Ok. Et sur la fromagerie, vous faites aussi d'autres fromages ? Je crois que tu as inventé, quand tu es arrivé, tu as développé, tu as mis au point d'autres fabrications fromagères ?

  • Marie Remillet

    Alors ici, à côté, on fabrique également de la faisselle, parce qu'il faut savoir que du coup, nous, étant agriculteurs, notre lait, il arrive tous les jours. Donc il faut arriver à en transformer un maximum. Et donc du coup, c'est aussi pour ça qu'on a dû élargir aussi la gamme. Donc on fait aussi... des produits frais, énormément de faisselle qui est moulée à la louche. Donc là, c'est vraiment le produit pour moi le plus brut, parce que c'est vraiment du lait qui est réchauffé à très faible température et il y aura trois jours de moulage. Donc ça, c'est vraiment le lait qui travaille de manière naturelle. Il travaille naturellement. Ensuite, à côté des produits frais, on fait une pâte molle à croûte fleurie. qui s'appelle Delicatesse, qui est très crémeuse. Et on fait une autre pâte molle à croûte lavée, en petit format, qui lui est affinée, donc il est frotté au ratafia de champagne.

  • Romain LE GAL

    Le ratafia de champagne, pourquoi ?

  • Marie Remillet

    Alors, il faut savoir que nous, on est dans le département de la Haute-Marne. Notre région, c'est la Champagne-Ardenne. Et en plus de ça, le champagne est également fabriqué en Haute-Marne. Il y a quand même une zone pour fabriquer du champagne en Haute-Marne. Donc voilà, on a voulu mettre en lien... On cherchait un alcool et on a voulu mettre en lien avec ce qu'on fabrique chez nous. Et donc, du coup, c'est pour ça qu'est arrivé le ratafia de champagne.

  • Romain LE GAL

    Aujourd'hui, tu es salarié de la société. Demain, tu aurais la volonté de t'installer. Qu'est-ce que c'est ta vision demain ? Comment tu vois un peu l'avenir dans la région de la production fromagère ? Les difficultés ? C'est quoi ta vision par rapport à ça ?

  • Marie Remillet

    Il faut savoir que le métier de fromager... C'est un très beau métier. Pour moi, c'est un métier très noble. Je trouve ce métier très joli. Mais c'est aussi très prenant. C'est-à-dire que nous, le lait, il arrive tous les jours, donc il faut le transformer tous les jours. Et c'est des produits très fragiles. Le lait, on ne peut pas le conserver énormément dans le temps. Donc du coup, il faut faire les fabrications tous les jours. En plus de ça, comme on l'a dit tout à l'heure, on est dans un département où la population, on n'est pas beaucoup, c'est vrai. Aujourd'hui, certes, j'aimerais vraiment reprendre. Il y a cette envie de reprendre l'entreprise familiale parce que, comme on l'a dit, on est quand même le seul producteur à faire du langre fermée au lait cru. On est le seul dans l'AOP, mais on pourrait dire que je suis la seule au monde, par exemple. C'est quand même quelque chose de grand. C'est quelque chose, en plus, qui a été créé par nous, par nos parents. Donc ça, c'est très beau. Et en plus de ça, mon père, il a quand même réussi... à me transmettre sa passion, son métier. Et je trouve que c'est très beau dans la transmission parce que certes, j'aime fabriquer. J'aime fabriquer l'encre. Mais ce que j'aime par-dessus, c'est de se dire, voilà, on est une famille. On a réussi à créer quelque chose. Il faut que ça arrive à perdurer dans le temps. Et puis, en plus de ça, on a une super équipe avec nous. Moi, aujourd'hui, je suis très contente de travailler avec... Moi, je suis tous les jours en production, de travailler avec l'équipe qu'on a aujourd'hui. Donc, oui. c'est sûr que l'envie aujourd'hui de reprendre elle est là. Après il faut l'avouer aujourd'hui entre avoir envie et pouvoir c'est quand même très compliqué parce que comme je l'ai dit moi aujourd'hui j'ai fait des études de fromagerie sauf que aujourd'hui c'est plus du tout ça qu'on arrive à gérer l'administratif prend énormément de temps de pouvoir aussi expliquer notre métier. En fait on a plusieurs casquettes et aujourd'hui ça prend énormément de temps et beaucoup beaucoup d'énergie... Donc, il faut quand même bien pouvoir réfléchir à ça. Et donc, moi, j'aimerais bien aujourd'hui pouvoir être plus présente auprès des clients, d'expliquer notre métier, de sensibiliser aussi ce que c'est le lait cru, ce que c'est le fermier et donc pouvoir quitter quand même la partie production.

  • Romain LE GAL

    Est-ce que tu penses que demain, ça sera de plus en plus difficile de maintenir le lait cru ? Comment toi, tu te bats tous les jours pour ça ? C'est quoi ta vision par rapport à ça ?

  • Marie Remillet

    Alors moi, je pense que le lait cru, il a toujours existé et qu'il existera. Ça, j'en suis persuadée. Après, il faut savoir que le lait cru, pour moi, 95%, il ne se passe pas dans les fromageries, ça se passe dans les fermes. Donc, il faut qu'il y ait un énorme accompagnement entre les fromagers et les agriculteurs. Nous, aujourd'hui, c'est vrai qu'on fait les deux. Donc, moi, mon cousin qui gère toute la partie lait, la partie vache, on se voit tous les jours. On échange tous les jours. C'est bon, là, aujourd'hui, je vais les mettre à l'herbe. Là, il va y avoir ça comme consommation. Il va falloir faire attention. Et en plus de ça, on sait qu'on a en lait cru. Donc, c'est-à-dire qu'à la ferme, elle sait que derrière, c'est la production au lait cru. Donc, tout est fait différemment. C'est-à-dire que quand il y a les récoltes, on va se permettre de récolter un peu plus haut pour être sûr de ne pas pouvoir ramasser de la terre et que derrière, ça nous apporte des problèmes dans l'hygiène. Tous les jours, tous les jours, c'est comme ça. Par exemple, la semaine dernière, mon cousin m'a appelé. Il m'a dit Bon, ben voilà, j'ai tant de fourrages, je ne les trouve pas très beaux. Eh bien, tant pis, je préfère les jeter que de les donner aux vaches pour pouvoir après avoir des problèmes dans le lait. C'est vrai qu'il y a quand même une réflexion qui est différente. Donc moi, je pense que le lait cru va exister. Il existera toujours. Par contre, oui, ça va être quand même de plus en plus compliqué à expliquer notre métier quand même, de ce que c'est vraiment le lait cru, de ce que ça implique derrière. en tout ce qui est en normes d'hygiène, en tout ce qui est en communication. Donc ça va être ça qui va être compliqué aujourd'hui. Et ce qui sera compliqué, c'est de défendre tous les jours, tous les jours, notre métier. Alors, c'est un sacré beau challenge, mais c'est quand même beaucoup de temps et d'énergie.

  • Romain LE GAL

    Tu parlais d'exode rural. Toi, tu es investie dans la vie locale pour essayer de faire venir des gens ? Parce que vous êtes le plus gros employeur de la commune, je pense ?

  • Marie Remillet

    Oui, il y a quand même quelques entreprises, on ne croirait pas, mais oui, sur le village. Mais alors, du coup, nous, Genre Rire, c'est moins de 100 habitants. Aujourd'hui, les villages aux alentours, c'est entre 20 et 100 habitants. Donc, c'est vrai que ce n'est pas évident aujourd'hui de recruter, surtout que voilà.

  • Romain LE GAL

    On disait tout à l'heure qu'il y a une personne qui a un poste ouvert depuis un an. Oui. Et que pour l'instant, les profils ne courent pas les rues.

  • Marie Remillet

    Non, tout à fait. Mais après, on y croit quand même parce que... Je me dis qu'il y a quand même des personnes qui sont avec nous aujourd'hui dans la fromagerie, qui sont là depuis plusieurs années et qui ont des très bons profils, qui sont très investis. Moi, j'ai toujours dit sur la fromagerie, c'est écrit remillé, mais c'est le travail de tout le monde. C'est pas... Voilà, donc aujourd'hui, pour exister, pour que la fromagerie existe, la fromagerie remillée, voilà, il y a un poste qui est ouvert. Moi, j'invite à trouver... trouver quelqu'un qui souhaite s'investir.

  • Romain LE GAL

    Qui nous écoutez, n'hésitez pas à contacter Marie.

  • Marie Remillet

    Voilà, pour s'il a envie, il prend. Mais après, je sais que c'est... Il faut savoir que c'est un métier, voilà, avec des horaires quand même qui sont prenants. Ça, c'est vrai. Mais derrière, il y a quand même une belle valorisation de...

  • Romain LE GAL

    En plus de ça, si vous aimez la nature.

  • Marie Remillet

    Oui, voilà.

  • Romain LE GAL

    Les bois.

  • Marie Remillet

    C'est sûr que voilà, ici, on fait tous du potager, on fait tous du bois à côté. Voilà. On est quand même des gens... On est des gens ruraux, mais... ici, que ça soit moi, c'est vrai, je l'ai toujours défendu, mais l'ensemble de l'équipe, on défend notre territoire parce qu'on aime vraiment la Haute-Marne parce qu'elle nous offre énormément de choses. Elle nous offre la nature, elle nous respecte, elle nous offre le calme et voilà, on a une autre manière de vivre. Et le langre.

  • Romain LE GAL

    C'est quoi un bon langre pour toi, Marie ?

  • Marie Remillet

    Alors, moi, j'aime un langre quand le cœur est créieux. Moi, je préfère un fromage plus sec que trop coulant.

  • Romain LE GAL

    Donc finalement, quelque chose peut-être qu'on trouvait plus facilement avant ?

  • Marie Remillet

    Oui, peut-être.

  • Romain LE GAL

    La langue qui te rappelle un peu ton enfance ?

  • Marie Remillet

    Peut-être.

  • Romain LE GAL

    Pour terminer, Marie, j'aurais une dernière question. C'est quoi ta pizza préférée ?

  • Marie Remillet

    Ah ah ! Alors, ma pizza préférée ? Ah ben, alors je ne dirais pas aux langues. Ça ferait un peu trop là, parce qu'en plus de ça... Non. Eh bien, ça serait une pizza avec de l'ananas dessus. Les pizzas hawaïennes. Voilà.

  • Romain LE GAL

    Ah, ça, c'est le grand débat de la hawaïenne qu'on a à chaque fois. On a une fan de la hawaïenne. Voilà. Voilà, vous pouvez critiquer Marie, du coup, qui, elle, aime la hawaïenne. Merci beaucoup, Marie, de ton accueil.

  • Marie Remillet

    Eh bien, de rien.

  • Romain LE GAL

    Merci à vous de nous avoir écoutés. J'espère que cet épisode vous a plu. N'hésitez pas à le partager. On se retrouve bientôt pour un nouvel épisode de l'échange. Salut Marie !

  • Marie Remillet

    Merci, au revoir !

Description

Retrouvez Romain LE GAL dans ce troisième épisode de Lait'Change, en compagnie de Marie REMILLET dans la Haute-Marne pour parler du fromage éponyme au plateau « Le Langres » un fromage AOP à pâte molle et croute lavé. Pendant son affinage, il prend une couleur orange, sa forme spécifique en dôme est creusé en son centre, formant une « cuvette ». Il existe trois formats : petit (150-250 gramme), moyen (250-350), gros format : 800 – 1300 grammes.

Cette AOP très récente (2009), est née en Haute-Marne. Ce bassin laitier compte depuis longtemps énormément de fromagerie, mais on y fabriquait avant tout beaucoup d’emmental à cause des difficultés de transport et de l’isolement de leur région. Avec l’évolution des transports et la facilité de se rendre dans des grandes villes, le développement d’autres fromages, plus frais, comme le Langres a pu se faire en transportant leur fromage dans d’autres régions pour le vendre, et notamment sur la région Île-de-France pour vendre les fromages sur le Min de Rungis.

La Haute-Marne, zone d’appellation du Langres, est un des départements les plus boisés de France. On y trouve très peu d’habitant par rapport à sa superficie, elle est très verte avec beaucoup de champ et de forêt. Il est également très humide ce qui profite à la croissance de l’osier qui a besoin de beaucoup d’eau, La ferme REMILLET se situe à 10 km de la capitale de l’Osiériculture.

Lait’Change, le podcast qui donne la parole aux actrices et acteurs de la filière laitière et fromagère. Romain LE GAL, Meilleur Ouvrier de France Fromager 2023 fait le tour des régions de France pour nous faire découvrir des fromages AOP, des coopératives et rencontrer des passionnées de fromages pour en apprendre plus sur leurs histoires. Ces garants du patrimoine et de leurs métiers font la richesse de notre pays et notre culture. Produit par France Frais, le distributeur, tout proche de vous.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Romain LE GAL

    Bienvenue sur Lait'Change, le podcast qui donne la parole aux actrices et aux acteurs de la filière laitière et fromagère. Je suis Romain Le Gal et je vous retrouve en Haute-Marne. Le fromage AOP dont nous allons parler aujourd'hui est l'éponyme d'une ville fortifiée située sur un plateau du même nom, à 466 mètres. Je parle bien sûr du Langres. Et pour parler de ce joli fromage, je suis en compagnie de Marie Remillet. Bonjour Marie.

  • Marie Remillet

    Bonjour Romain.

  • Romain LE GAL

    Marie, pour démarrer cette interview... Ce que je te propose, c'est de te présenter.

  • Marie Remillet

    Tout à fait. Je m'appelle Marie Remillet, j'ai 31 ans. Du coup, je suis née à Langres et j'ai grandi à Genevrière, où se trouve la fromagerie.

  • Romain LE GAL

    La fromagerie Remillet.

  • Marie Remillet

    C'est ça. Et donc, du coup, à mes 15 ans, j'ai commencé à travailler les étés à la fromagerie. Et puis, de là, j'ai vraiment... aimé le métier de fromager, de faire vraiment de la fabrication de fromage. Donc, j'ai orienté mes études tout d'abord dans un diplôme agricole, un bac agricole, pour apprendre la production laitière. Et ensuite, j'ai réalisé un BTS et une licence en produits laitiers, donc à l'école de Poligny, donc l'ENIL, l'École Nationale d'Industrie Laitière.

  • Romain LE GAL

    D'accord. Et du coup, qu'est-ce que tu as appris à l'ENIL ? C'est quoi les études à l'ENIL ?

  • Marie Remillet

    J'ai appris à pouvoir fabriquer du fromage et puis aussi tout ce qui est autour du fromage. Parce qu'en fait, il y a la fabrication, mais il y a aussi tout ce qui est la qualité, ce qui est le recherche et développement, ou aussi quand il y a un problème de fabrication, pouvoir arriver à identifier le problème et à le résoudre. Donc voilà, et j'ai fait aussi une partie de management. parce que du coup, aujourd'hui, c'est aussi encore un autre métier, mais on a besoin aujourd'hui. Donc, pour pouvoir échanger avec une équipe, gérer une équipe et voilà.

  • Romain LE GAL

    Et après, pendant tes études ou après tes études, tu as été travailler dans d'autres fromageries ? Tu as fait un petit tour de France, un petit tour du monde peut-être ?

  • Marie Remillet

    Donc oui, j'ai travaillé dans différentes fromageries. Donc moi, j'ai toujours aimé la transformation fermière et la transformation au lait cru. Donc c'est vrai que je suis restée dans... dans des structures qui respectaient ces deux points pour moi qui étaient très importants. Donc je suis partie, au tout début je suis partie dans une chèvrerie dans le nord, où là j'étais sur la partie exploitation et également sur la partie fabrication de fromage.

  • Romain LE GAL

    Donc on peut le citer chez Jean-Philippe Bourgois.

  • Marie Remillet

    Voilà, la fromagerie de l'Écaillier. Ensuite je suis partie au Québec, où là j'étais... également sur la partie traite des vaches et récolte de fourrage. Et après, du coup, je partais en fabrication, on fabriquait différents fromages. Et ensuite, je suis partie en Aveyron pour mon stage de BTS. Et j'y suis retournée aussi travailler quelques années plus tard, où là, j'étais beaucoup plus sur la partie fabrication de fromages.

  • Romain LE GAL

    Aujourd'hui, si on peut, parce qu'on n'en a pas encore parlé, si on peut... te présenter aussi, c'est que ton papa, Sylvain Rémié, était et producteur de langres. Et toi, t'es un peu née dans une ferme avec une production fromagère.

  • Marie Remillet

    Oui. Donc du coup, nous, c'est vrai que depuis toute petite, que ce soit dans ma famille, donc mes soeurs, mes cousines, on a toujours été sur la ferme, déjà. Quand j'étais vraiment petite, ce n'était pas la fabrication, c'était vraiment on allait aider à traire les vaches, on allait aider à rentrer les vaches ou à donner le fourrage, etc. Donc depuis toute petite, par contre, on a toujours été sur la ferme. Et après, je me suis un peu orientée sur la fromagerie. Mais il faut aussi savoir que du coup, mon père était... Toujours agriculteur, mais du coup, il avait un travail qui était très prenant. Ma maman travaillait à l'extérieur et donc du coup, on n'avait pas forcément toujours de nounou. Donc du coup, c'est vrai que c'est mon papa qui, depuis toute petite, m'emmenait avec lui faire des livraisons. On partait à 3h du matin et j'étais avec lui dans le camion et pareil pour les week-ends. Et donc du coup, c'est vrai que depuis toute petite, il m'a emmené voir. Après, je l'ai suivi sur des salons professionnels où j'étais là, mais au départ, c'était... C'était juste pour l'aider dans l'organisation, les installations de stands, également sur des foires, également sur des marchés. Et puis après, j'ai vraiment travaillé à la fromagerie. Et après, c'est là que j'ai décidé d'orienter mes études dans le milieu agricole.

  • Romain LE GAL

    Ton but, c'était de revenir après sur la fromagerie ou c'était peut-être d'aller travailler ailleurs ? Ou ça a toujours été ton projet de revenir fabriquer du langre ?

  • Marie Remillet

    Pour être honnête, non. J'avais orienté mes études dans la partie fabrication, mais je ne pensais pas revenir. dans l'entreprise familiale. Et puis, de fil en aiguille, je suis revenue travailler ici au tout début en tant que salariée où il y avait un responsable. Donc, j'étais vraiment dans l'équipe. Et puis après, il y a eu une opportunité. Il y a eu des choses de la vie qui ont fait que, après avoir échangé avec mon papa, il faut quand même se dire qu'on est le dernier producteur de langue fermée au lait cru. On a une ferme. une fromagerie, on est indépendant aujourd'hui, on n'est vraiment que la famille remillet, il n'y a personne derrière nous. Je me suis dit qu'il y avait peut-être un pari, un challenge, et puis chez nous, les remillets, on aime assez le challenge, donc j'ai dit pourquoi pas, et du coup, ça fait maintenant dix ans que je suis à la fromagerie remillet, et ça fait cinq ans que je suis responsable de toute la partie transformation de fromage.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, aujourd'hui, toi, tu n'interviens pas du tout sur la partie exploitation agricole ?

  • Marie Remillet

    Non, c'est ça. Donc aujourd'hui, en fait, du coup, nous, on a la ferme et la fromagerie. Donc, c'est quand même deux métiers bien différents, avec des organisations différentes, des connaissances qui sont bien différentes. Et pour faire les choses bien chez nous, on s'est dit qu'il fallait quand même avoir une hiérarchie, que chacun ait des responsabilités. Donc, en fait, ici, on est sur la fromagerie, mais il y a la ferme qui est à 100 mètres, où c'est mon oncle et mon cousin avec une équipe qui s'occupe de... La récolte des fourrages, la production laitière, des céréales. Et nous ici, on est sur la fromagerie, où là, c'est donc mon père et moi et 11 salariés, où on s'occupe tous les jours de fabriquer le lait qu'on produit sur notre exploitation agricole.

  • Romain LE GAL

    Ce que tu disais juste avant, le langre, c'est une toute petite filière, puisque c'est une des plus petites appellations de... de fromage de vache, une des plus petites AOP. Le langre, il est AOC depuis 91 et puis AOP depuis 2009. Aujourd'hui, si tu veux, pour ceux qui nous écoutent, parce que vu que c'est une petite appellation, il y a peut-être des gens qui ne connaissent pas le langre. Comment tu pourrais décrire ce fromage ? C'est quoi le langre déjà physiquement ? Qu'est-ce que c'est que ce fromage ?

  • Marie Remillet

    Alors le langre, il fait partie des fromages à pâte molle à croûte lavée. Donc, c'est un fromage qu'aujourd'hui, on peut trouver en trois formats différents. Donc, il y a le petit format qui est entre 150 et 250 grammes, le moyen format entre 250 et 350 grammes et le gros format, celui à la coupe, qui est entre 800 grammes et 1,3 kg. Donc, ce sont des pâtes molles qui sont... C'est une pâte molle qui est affinée, frottée pendant son affinage. avec de l'eau et du sel. Et pendant l'affinage, il va avoir une couleur orange. Donc c'est un fromage déjà qui se distingue par sa couleur, mais aussi par son aspect, parce qu'en fait, le fromage est creusé au milieu. Donc il a ce qu'on appelle soit une cuvette, un puits ou une fontaine, suivant où on se trouve, chacun à son terme différent. Et en fait, la particularité, il se démarque via. sa forme avec sa cuvette et sa couleur orange.

  • Romain LE GAL

    Aujourd'hui, du coup, tu parlais d'une petite filière. Vous êtes combien d'acteurs sur la filière ?

  • Marie Remillet

    Alors, aujourd'hui, on est trois producteurs, donc à vraiment fabriquer le Langres. Donc, il y a trois fromageries.

  • Romain LE GAL

    Qui est le seul fermier au lait cru.

  • Marie Remillet

    Voilà. Mais à côté de ça, il faut savoir qu'il y a, de mémoire, je crois, 15 ou 17... producteurs de lait au total. Donc voilà, on va dire qu'on est 17 producteurs de lait sur le département et pour 3 fromageries.

  • Romain LE GAL

    Et donc les deux autres fromageries, ça va être fromagerie Germain et Chartenleb et l'appellation fait un peu moins de 700 tonnes de production annuelle. Donc c'est un produit qui est quand même assez confidentiel, hors les experts on va dire.

  • Marie Remillet

    Tout à fait.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, cette zone d'appellation, là, tu parlais de la Haute-Marne. Comment tu pourrais décrire la région dans laquelle on se trouve ? À part, c'est ce qu'on parlait juste avant l'interview, au niveau du climat, la réputation d'être une région assez froide.

  • Marie Remillet

    Alors, il faut savoir que la Haute-Marne, c'est un des départements les plus boisés de France. Donc, il y a énormément de forêts. C'est vrai qu'il y a très peu d'habitants. On est par rapport à la distance, on va dire la superficie du département. C'est un département très vert. Il y a énormément de champs, énormément de forêts. C'est un département très humide. C'est-à-dire que nous, ici, on est à Gennevrière, à Fébiot, qui est à moins de 10 km, c'est la capitale de la vannerie, donc la capitale de l'osier. Par chez nous, ici, il y a énormément d'osiers. L'osier a besoin de beaucoup d'eau. Donc il faut savoir que nous, on est déjà, de manière naturelle, on a déjà un département riche en eau. En plus de ça, il faut savoir par exemple que Gennevrière, nous, il y a trois sources pour le village, où on est dans un village de 100 habitants. Et on dessert plusieurs villages aux alentours. Donc voilà, nous, c'est un département très humide, très vert. Et donc, ce que je peux dire... Alors oui, c'est vrai qu'on peut dire qu'il fait froid l'hiver, mais ça va, c'est que c'est... C'est un vide. Voilà. Oui, c'est qu'en fait, c'est un froid, mais c'est que c'est humide. Donc le ressenti est très fort.

  • Romain LE GAL

    Vous ne voulez pas que les gens viennent s'installer ici, c'est pour ça. Vous voulez garder votre région, du coup.

  • Marie Remillet

    Mais c'est vrai que c'est un département très nature. Il y a... eu peu d'impact par... Forcément, il y a eu des impacts par l'homme, mais c'est beaucoup de petits villages. Il n'y a que trois grandes villes qui sont Langres, 7000 habitants, après Chaumont qui est notre préfecture et après Saint-Dizier. Et Langres, c'est quand même que 7000 habitants.

  • Romain LE GAL

    Une grande ville. À toute proportion gardée,

  • Marie Remillet

    comme on dit.

  • Romain LE GAL

    Est-ce que tu pourrais nous conter, Marie, l'histoire du Langres ?

  • Marie Remillet

    Le Langres, c'est une AOP qui est plutôt récente, parce qu'en fait, il faut savoir qu'ici, en Haute-Marne... Là, on est vraiment dans le sud de la Haute-Marne. Dans le sud de la Haute-Marne, il y avait énormément de fromagerie. Mais ici, on est dans un bassin de production laitière. Mais à la base, c'était beaucoup des mentales. Dans tous les villages, il y avait une coopérative des mentales. D'ailleurs, à Genrières, il y en avait une où ils étaient, à l'époque, de mes grands-parents, il y avait 30 fermes, donc 30 producteurs de lait. Et puis... Parce qu'en fait, il faut savoir qu'on faisait des produits de garde, parce que du coup, à l'époque, c'était des produits qu'on pouvait garder. Nous, il faut savoir qu'on n'est qu'à 3h30, 3h de Paris, sauf qu'à l'époque, pour se déplacer à cheval, c'était compliqué. Donc du coup, c'est pour ça qu'ils faisaient des fromages de garde. Et puis après, ça a évolué. Et donc du coup, on gardait le lait, en fait, de ce que je peux savoir. C'est qu'en fait, ils fabriquaient des petits fromages et qui, avec le temps, vu qu'ils n'étaient pas retournés, se creusaient et devenaient jaunes. Parce qu'en fait, du coup, c'était des fromages affinés et donc du coup, ils prenaient la couleur, mais grâce au temps. Et puis, il faut savoir aussi que c'était beaucoup à la base des producteurs fermiers. C'était des fermiers qui les fabriquaient. Et puis après, sont arrivées des familles qui connaissaient la production laitière, qui se sont installées, en tout cas la transformation laitière, qui se sont installées. Et donc du coup, l'AOP a vu le jour.

  • Romain LE GAL

    Oui, il y a eu trois phases finalement dans l'histoire. Il y a eu la phase fin des années 1800 et début des années 1900, où là c'était de la production fermière. Et puis après est arrivée la première gamme mondiale avec le besoin de main d'œuvre et un début d'exode rural par rapport à ça. Et on a eu la renaissance, moi, de ce que j'ai pu lire. du langre dans les années 1950 avec la reproduction. Et on peut même, un des premiers ouvrages où est cité le langre, c'est un célèbre traité de laiterie de Pourriot qui est à la fin du XVIIIe. Donc c'est quand même un fromage qui n'est pas tout récent. Et oui, on parle déjà de la cuvette ou de la fontaine. Aujourd'hui, Marie... On a parlé de la filière, on a parlé de à quoi ressemblait le langre. Avant de rentrer dans les secrets de la fabrication, si on peut dire les secrets, mais expliquer à ceux qui nous écoutent la fabrication du langre, est-ce que tu pourrais nous expliquer un peu la fromagerie et la ferme remillée, qu'est-ce que c'est ? Parce que tu as déjà commencé à donner quelques chiffres, mais c'est combien de vaches laitières ? C'est quoi comme race ? Parce que quand on fait du lait et qu'on fait du fromage, la race laitière est importante. C'est quoi ?

  • Marie Remillet

    Alors, donc... Nous, ici, juste pour reprendre, il faut savoir que c'est une création. Donc du coup, mes grands-parents étaient agriculteurs, mais ils avaient très peu de vaches. Et donc, très peu de moyens. Il faut savoir que mes grands-parents, donc ma grand-mère, est toujours vivante. Et donc du coup, avec mon grand-père, ils ont eu six enfants. Et donc du coup... Ils étaient producteurs de lait et du coup, ils descendaient leur lait à la coopérative agricole. Ensuite, mon oncle s'est installé sur la ferme. Il a voulu reprendre la ferme, mais il n'y avait pas assez d'activités pour installer d'autres enfants. Et mon père, ça a toujours été un souhait de revenir sur l'entreprise familiale, sur la ferme. C'est vraiment... Un agriculteur pur et dur. Et donc après, pour pouvoir s'installer, il a fallu quand même créer une activité en plus. Et donc c'est là qu'est née la transformation de lait en fromage. Alors à la base, c'était uniquement un produit frais. Et par la suite, du coup, du fait de l'AOP Langres, où on fait partie de la zone, ils ont créé après, dans la fromagerie, une partie pour pouvoir fabriquer.

  • Romain LE GAL

    En quelle année ça a commencé le fromage ?

  • Marie Remillet

    Alors la transformation chez nous ça a commencé il y a à peu près 35-40 ans et l'AOP Langres chez nous à peu près 30-35 ans.

  • Romain LE GAL

    Et l'exploitation laitière c'est combien d'hectares ? C'est combien de vaches laitières ?

  • Marie Remillet

    Alors ici donc du coup la ferme on a à peu près 130 vaches en moyenne à l'année donc principalement en brune des Alpes. Parce que du coup, dans le cahier des charges, il y a trois vaches. Donc il y a soit la Montbéliarde, la Cimentale ou la Brune des Alpes. Donc nous, chez nous, on a choisi la Brune des Alpes pour ses taux de matière grasse et ses taux de protéines. C'est une vache qui, pour faire du fromage, elle fait vraiment du bon lait. Donc voilà, ensuite, elle sort à peu près six mois de l'année dehors. Donc du coup, ça veut dire qu'il faut quand même qu'on arrive à avoir de grandes parcelles. Donc on a, on va dire à peu près 300-400 hectares, mais qui sont répartis. C'est-à-dire qu'il y a une partie pour faire du fourrage exclusivement sec, donc du foin, de la luzerne. Et ensuite, une partie de céréales avec de l'orge, du blé, du maïs. Et donc voilà. Et ensuite, on parle de dire pour la fromagerie. Et bien, du coup, nous, vu qu'il y a 100 mètres qui nous séparent. On a un camion de lait et donc du coup, tous les jours, on va chercher du lait pour pouvoir le transformer directement derrière en fromage de Langres.

  • Romain LE GAL

    D'accord. Et aujourd'hui, la fromagerie, elle transforme combien de litres de lait ? Est-ce que vous transformez tout le lait de la ferme ? Comment ça fonctionne ?

  • Marie Remillet

    Alors aujourd'hui, la ferme, elle produit à peu près un million d'œufs à l'année et nous, on en transforme à peu près un bon million. Et le reste, il est vendu à une coopérative de lait située à Langres pour faire de l'émmental.

  • Romain LE GAL

    Ok, toujours l'émmental.

  • Marie Remillet

    Voilà.

  • Romain LE GAL

    Ça revient un peu à l'histoire. Et la fromagerie produit quel volume de fromage de manière annuelle ?

  • Marie Remillet

    Eh bien nous, on effleure à peu près 100 tonnes de Langres en moyenne à l'année.

  • Romain LE GAL

    Et avec toutes les autres productions fromagères que vous faites ?

  • Marie Remillet

    Non, non, à côté, on fait quand même des produits frais qui représentent à peu près 30 tonnes.

  • Romain LE GAL

    Donc, une fromagerie qui fait un peu moins de 150 tonnes. Voilà. Maintenant, Marie, est-ce que tu peux nous expliquer comment on produit ce fameux Langres ? Parce que c'est quand même un peu pour ça qu'on est là aujourd'hui, parler du Langres.

  • Marie Remillet

    Alors, il faut savoir que dans le cahier des charges... Au niveau du lait, on a 48 heures pour pouvoir le transformer. Donc du coup, une fois que la traite est terminée, on va chercher le lait. Et là, il va être réchauffé pour ce qu'on appelle l'étape de maturation. C'est-à-dire qu'on va le réchauffer à une température qui est à peu près entre 17 et 21 degrés, suivant la saison. On doit prendre plusieurs facteurs en compte. On doit prendre la saison, savoir s'il y a beaucoup de matière grasse, beaucoup de protéines dedans, comment ça va pouvoir évoluer. Donc en fonction de ça, on va réchauffer entre 17 et 21 degrés.

  • Romain LE GAL

    Et à quoi ça sert cette maturation ?

  • Marie Remillet

    C'est-à-dire que dans le lait, il y a ce qu'on appelle la flore initiale. C'est vraiment la qualité de lait. Et donc du coup, en le réchauffant, le lait va s'acidifier. tout doucement. En fait, c'est pour commencer l'acidification du lait. Et en fait, faire du fromage, c'est ça, c'est acidifier un lait, voire le conserver. Et donc, nous, à cette étape de maturation, on va réchauffer le lait pour que les bactéries puissent se développer. Et on va également ajouter ce qu'on appelle des ferments. Alors très peu, mais en fait, ces ferments-là vont permettre d'orienter la fabrication. Parce que si on n'avait que la flore initiale, on se retrouverait avec des produits tout le temps différents. Là, c'est quand même pour orienter la fabrication et pour que l'acidification se passe correctement, pour qu'elle descende pour les étapes qui suivent. On va réchauffer le lait et pendant à peu près 15-20 heures, le lait va rester en citerne à cette température-là et les ferments qu'on va ajouter dans le lait vont consommer le sucre pour pouvoir s'acidifier. Ensuite, Le lendemain, on va reprendre ce même lait qu'on va réchauffer à 30 degrés. Et on va devoir le mettre en bassine pour l'emprésurer. Donc on l'emprésure avec de la présure animale, qui est aussi issue de la caillette de veau, et qui en contact avec le lait, va passer de l'état liquide à solide. Alors au départ, ça va être un gel, plutôt comme un flan. Ça va être quelque chose de très fragile. Et au bout de deux heures et demie, là, il sera plus compact, plus solide. Donc on aura un gros cube d'à peu près 125 litres de lait dans notre bassine et qu'on va venir trancher. Donc en fait, l'étape du tranchage, c'est de pouvoir découper le cahier, le gel, en petits cubes. Et en fait, ces petits cubes-là, ils vont pouvoir rentrer plus facilement dans les moules et ça va permettre également l'égouttage du cahier.

  • Romain LE GAL

    Ils font quelle taille pour faire du langre ces cubes ?

  • Marie Remillet

    Alors nous, on est très gros, on fait du... Parce que c'est le cahier des charges, mais voilà, on est en 2 cm par 2 cm. Et donc du coup, ces cubes vont rentrer... Après, on va arriver à l'étape de moulage. Et donc du coup, on va pouvoir mouler et mettre ce cahier dans les moules. Et tout de suite après moulage, une étape qui est vraiment très importante pour le langre, si vous voulez avoir une belle fontaine, c'est l'étape de retournement. Il faut qu'il y ait deux retournements successifs. pour que la cuvette puisse se former après pendant l'étape qui suit, qui sera l'étape d'acidification.

  • Romain LE GAL

    De toute façon, dans le cahier des charges, c'est deux retournements maximum. C'est ça. Et après, on n'a plus le droit de retourner du tout le fromage sur toute la durée.

  • Marie Remillet

    Voilà, tout à fait. Et donc, du coup, toute la nuit, ces fromages vont rester dans la salle d'acidification, où il fait à peu près entre 25 et 30 degrés, pour faire... pour que le sérum puisse s'égoutter au maximum, qu'on retire le maximum d'eau et de sucre du produit et que le lendemain, on va pouvoir démouler nos fromages qui auront vraiment l'aspect du langre. Et donc du coup, ils seront formés et ensuite on va pouvoir les saler. Donc en fait, le salage, ça va permettre de conserver notre produit et ça va également permettre aux levures de pouvoir se développer par la suite.

  • Romain LE GAL

    Et c'est un salage, c'est quel type de salage du coup ?

  • Marie Remillet

    Alors nous ici, on est en salage manuel, c'est-à-dire que c'est nous qui allons venir, on est quatre à savoir saler, on va pouvoir jeter du sel, comme si on donnait à manger aux pigeons par exemple. C'est vraiment...

  • Romain LE GAL

    En charge du langre, c'est du sel sec de toute façon obligatoire. Oui,

  • Marie Remillet

    c'est ça. Mais je veux dire, il n'y a pas de machine, c'est vraiment une étape très manuelle où on est tous formés les fromagers, mais ça dure à peu près cinq mois à bien se former parce que chez nous... Ça c'est un souhait de notre fromagerie et c'est aussi un souhait des fromagers, c'est qu'on sale très peu. Alors le sel c'est vrai que c'est un exauceur de goût, mais ça peut aussi cacher s'il y a un défaut ou il y a quelque chose.

  • Romain LE GAL

    Ça peut emmener d'autres défauts.

  • Marie Remillet

    Oui aussi. Mais nous voilà, on se dit aujourd'hui on a notre ferme où on produit notre lait au lait cru, où depuis plusieurs années on fait suivant les... On a quand même pris en compte les aléas climatiques, etc. On a travaillé énormément sur la ferme, sur les récoltes de fourrage. On a diminué tout ce qui était ensilage, donc produits fermentés, pour apporter vraiment beaucoup plus de fourrage sec, via de la luzerne, des régras, etc. Donc on s'est dit, voilà, aujourd'hui, on produit un lait de qualité, et donc du coup, on veut que ça soit... dans notre fromage, ça puisse se ressentir. Donc on sale très peu pour que ce soit vraiment le goût du lait qui l'emporte, le goût de crème et pas le sel. Donc chez nous, on sale très peu et c'est pour ça que cette étape est très importante. Et une fois le salage terminé, après le langre, il va partir en cave d'affinage où là il sera frotté plusieurs fois pour apporter de l'humidité. Et puis il passera dans différentes caves où il y a des températures et des hygrométries, donc des taux d'humidité différents. Et là, c'est une étape qui est aussi assez complexe parce que du coup, on a un fromager, Cédric, qui est lui, tous les jours, tous les jours. Il va dans les caves et il déplace les piles pour éviter que ça sèche ou au contraire pour éviter que les fromages deviennent trop mous.

  • Romain LE GAL

    En gros, c'est quoi la température d'affinage d'un langre ?

  • Marie Remillet

    Eh bien, à peu près, chez nous, c'est à peu près 10 degrés, 10-11 degrés. Et ils vont rester à peu près, donc le cahier des charges, c'est...

  • Romain LE GAL

    Et en hygrométrie, avant de passer...

  • Marie Remillet

    Ah, l'hygrométrie, c'est à peu près 90%.

  • Romain LE GAL

    OK. Parce que quand on parle, effectivement, c'est toujours un couple... Finalement, température, hygrométrie, quand on parle d'affinage, 90% d'hygrométrie.

  • Marie Remillet

    Voilà, et qui est gérée chez nous. Alors, c'est une particularité. Il ne faut pas me demander pourquoi, mais notre humidité, elle est simplement réglée par nos fromages. C'est-à-dire, je m'explique. Aujourd'hui, nous, dans nos caves, on peut contrôler la température avec des consignes qu'on va demander pour obtenir une température. Pour l'hygrométrie, c'est à nous de la gérer. C'est-à-dire qu'il n'y a pas de buses qui vont apporter de l'humidité. Non, c'est-à-dire qu'on va frotter nos fromages et c'est cette humidité-là après qui va arriver dans la cave et qui va venir régler l'humidité. Donc, il y a un énorme travail. C'est-à-dire que si on a des fromages trop secs, il va falloir bien observer et par exemple les mettre à côté d'un fromage très humide pour arriver à régler de manière naturelle nos caves en hygrométrie.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, un langre, c'est affiné en fonction des formats, combien de temps ?

  • Marie Remillet

    Alors, chez nous, vu qu'on fait le petit format, c'est 15 jours d'affinage minimum et 21 pour le gros. Sauf que nous, ici, on aime bien que les petits formats, donc le 200 grammes, on l'affine à peu près 28 jours et le gros à peu près 35. Après, suivant la demande, mais on aime quand même avoir des fromages un peu plus affinés. Donc on préfère qu'ils restent quand même un peu plus longtemps chez nous.

  • Romain LE GAL

    Et du coup, si tu devais maintenant qu'on voit comment, qu'on a entendu comment se produit un langues, si tu devais décrire les caractéristiques organoleptiques d'un langues ?

  • Marie Remillet

    Alors, le langues consommée comme aujourd'hui, parce que c'est vrai que comme on disait tout à l'heure, donc l'AOP... Le fromage de Langres est fabriqué depuis très longtemps, mais il a quand même évolué dans le temps. Il a beaucoup plus de finesse qu'avant. Déjà, c'est une pâte molle à croûte lavée. Donc déjà, il y a quand même une odeur, une couleur qui s'en dégage. Mais cette odeur-là, on ne la retrouve pas dans le fromage. On a des fromages quand même assez doux, assez subtils. Donc avec un cœur creilleux et un coulant sous croûte qui a bien commencé.

  • Romain LE GAL

    On ne l'a pas dit juste avant, mais tu as parlé de lavage. En fonction des formats, c'est combien de lavage ?

  • Marie Remillet

    Alors le langre 200 grammes, le petit format, c'est 2 minimums. Et le gros format également. Chez nous, on le frotte 3 fois.

  • Romain LE GAL

    Et avec quoi vous le frottez du coup ?

  • Marie Remillet

    Alors avec de l'eau, du sel, de la poudre Droukou qui va donner la couleur orange à notre langre.

  • Romain LE GAL

    Ok. Et sur la fromagerie, vous faites aussi d'autres fromages ? Je crois que tu as inventé, quand tu es arrivé, tu as développé, tu as mis au point d'autres fabrications fromagères ?

  • Marie Remillet

    Alors ici, à côté, on fabrique également de la faisselle, parce qu'il faut savoir que du coup, nous, étant agriculteurs, notre lait, il arrive tous les jours. Donc il faut arriver à en transformer un maximum. Et donc du coup, c'est aussi pour ça qu'on a dû élargir aussi la gamme. Donc on fait aussi... des produits frais, énormément de faisselle qui est moulée à la louche. Donc là, c'est vraiment le produit pour moi le plus brut, parce que c'est vraiment du lait qui est réchauffé à très faible température et il y aura trois jours de moulage. Donc ça, c'est vraiment le lait qui travaille de manière naturelle. Il travaille naturellement. Ensuite, à côté des produits frais, on fait une pâte molle à croûte fleurie. qui s'appelle Delicatesse, qui est très crémeuse. Et on fait une autre pâte molle à croûte lavée, en petit format, qui lui est affinée, donc il est frotté au ratafia de champagne.

  • Romain LE GAL

    Le ratafia de champagne, pourquoi ?

  • Marie Remillet

    Alors, il faut savoir que nous, on est dans le département de la Haute-Marne. Notre région, c'est la Champagne-Ardenne. Et en plus de ça, le champagne est également fabriqué en Haute-Marne. Il y a quand même une zone pour fabriquer du champagne en Haute-Marne. Donc voilà, on a voulu mettre en lien... On cherchait un alcool et on a voulu mettre en lien avec ce qu'on fabrique chez nous. Et donc, du coup, c'est pour ça qu'est arrivé le ratafia de champagne.

  • Romain LE GAL

    Aujourd'hui, tu es salarié de la société. Demain, tu aurais la volonté de t'installer. Qu'est-ce que c'est ta vision demain ? Comment tu vois un peu l'avenir dans la région de la production fromagère ? Les difficultés ? C'est quoi ta vision par rapport à ça ?

  • Marie Remillet

    Il faut savoir que le métier de fromager... C'est un très beau métier. Pour moi, c'est un métier très noble. Je trouve ce métier très joli. Mais c'est aussi très prenant. C'est-à-dire que nous, le lait, il arrive tous les jours, donc il faut le transformer tous les jours. Et c'est des produits très fragiles. Le lait, on ne peut pas le conserver énormément dans le temps. Donc du coup, il faut faire les fabrications tous les jours. En plus de ça, comme on l'a dit tout à l'heure, on est dans un département où la population, on n'est pas beaucoup, c'est vrai. Aujourd'hui, certes, j'aimerais vraiment reprendre. Il y a cette envie de reprendre l'entreprise familiale parce que, comme on l'a dit, on est quand même le seul producteur à faire du langre fermée au lait cru. On est le seul dans l'AOP, mais on pourrait dire que je suis la seule au monde, par exemple. C'est quand même quelque chose de grand. C'est quelque chose, en plus, qui a été créé par nous, par nos parents. Donc ça, c'est très beau. Et en plus de ça, mon père, il a quand même réussi... à me transmettre sa passion, son métier. Et je trouve que c'est très beau dans la transmission parce que certes, j'aime fabriquer. J'aime fabriquer l'encre. Mais ce que j'aime par-dessus, c'est de se dire, voilà, on est une famille. On a réussi à créer quelque chose. Il faut que ça arrive à perdurer dans le temps. Et puis, en plus de ça, on a une super équipe avec nous. Moi, aujourd'hui, je suis très contente de travailler avec... Moi, je suis tous les jours en production, de travailler avec l'équipe qu'on a aujourd'hui. Donc, oui. c'est sûr que l'envie aujourd'hui de reprendre elle est là. Après il faut l'avouer aujourd'hui entre avoir envie et pouvoir c'est quand même très compliqué parce que comme je l'ai dit moi aujourd'hui j'ai fait des études de fromagerie sauf que aujourd'hui c'est plus du tout ça qu'on arrive à gérer l'administratif prend énormément de temps de pouvoir aussi expliquer notre métier. En fait on a plusieurs casquettes et aujourd'hui ça prend énormément de temps et beaucoup beaucoup d'énergie... Donc, il faut quand même bien pouvoir réfléchir à ça. Et donc, moi, j'aimerais bien aujourd'hui pouvoir être plus présente auprès des clients, d'expliquer notre métier, de sensibiliser aussi ce que c'est le lait cru, ce que c'est le fermier et donc pouvoir quitter quand même la partie production.

  • Romain LE GAL

    Est-ce que tu penses que demain, ça sera de plus en plus difficile de maintenir le lait cru ? Comment toi, tu te bats tous les jours pour ça ? C'est quoi ta vision par rapport à ça ?

  • Marie Remillet

    Alors moi, je pense que le lait cru, il a toujours existé et qu'il existera. Ça, j'en suis persuadée. Après, il faut savoir que le lait cru, pour moi, 95%, il ne se passe pas dans les fromageries, ça se passe dans les fermes. Donc, il faut qu'il y ait un énorme accompagnement entre les fromagers et les agriculteurs. Nous, aujourd'hui, c'est vrai qu'on fait les deux. Donc, moi, mon cousin qui gère toute la partie lait, la partie vache, on se voit tous les jours. On échange tous les jours. C'est bon, là, aujourd'hui, je vais les mettre à l'herbe. Là, il va y avoir ça comme consommation. Il va falloir faire attention. Et en plus de ça, on sait qu'on a en lait cru. Donc, c'est-à-dire qu'à la ferme, elle sait que derrière, c'est la production au lait cru. Donc, tout est fait différemment. C'est-à-dire que quand il y a les récoltes, on va se permettre de récolter un peu plus haut pour être sûr de ne pas pouvoir ramasser de la terre et que derrière, ça nous apporte des problèmes dans l'hygiène. Tous les jours, tous les jours, c'est comme ça. Par exemple, la semaine dernière, mon cousin m'a appelé. Il m'a dit Bon, ben voilà, j'ai tant de fourrages, je ne les trouve pas très beaux. Eh bien, tant pis, je préfère les jeter que de les donner aux vaches pour pouvoir après avoir des problèmes dans le lait. C'est vrai qu'il y a quand même une réflexion qui est différente. Donc moi, je pense que le lait cru va exister. Il existera toujours. Par contre, oui, ça va être quand même de plus en plus compliqué à expliquer notre métier quand même, de ce que c'est vraiment le lait cru, de ce que ça implique derrière. en tout ce qui est en normes d'hygiène, en tout ce qui est en communication. Donc ça va être ça qui va être compliqué aujourd'hui. Et ce qui sera compliqué, c'est de défendre tous les jours, tous les jours, notre métier. Alors, c'est un sacré beau challenge, mais c'est quand même beaucoup de temps et d'énergie.

  • Romain LE GAL

    Tu parlais d'exode rural. Toi, tu es investie dans la vie locale pour essayer de faire venir des gens ? Parce que vous êtes le plus gros employeur de la commune, je pense ?

  • Marie Remillet

    Oui, il y a quand même quelques entreprises, on ne croirait pas, mais oui, sur le village. Mais alors, du coup, nous, Genre Rire, c'est moins de 100 habitants. Aujourd'hui, les villages aux alentours, c'est entre 20 et 100 habitants. Donc, c'est vrai que ce n'est pas évident aujourd'hui de recruter, surtout que voilà.

  • Romain LE GAL

    On disait tout à l'heure qu'il y a une personne qui a un poste ouvert depuis un an. Oui. Et que pour l'instant, les profils ne courent pas les rues.

  • Marie Remillet

    Non, tout à fait. Mais après, on y croit quand même parce que... Je me dis qu'il y a quand même des personnes qui sont avec nous aujourd'hui dans la fromagerie, qui sont là depuis plusieurs années et qui ont des très bons profils, qui sont très investis. Moi, j'ai toujours dit sur la fromagerie, c'est écrit remillé, mais c'est le travail de tout le monde. C'est pas... Voilà, donc aujourd'hui, pour exister, pour que la fromagerie existe, la fromagerie remillée, voilà, il y a un poste qui est ouvert. Moi, j'invite à trouver... trouver quelqu'un qui souhaite s'investir.

  • Romain LE GAL

    Qui nous écoutez, n'hésitez pas à contacter Marie.

  • Marie Remillet

    Voilà, pour s'il a envie, il prend. Mais après, je sais que c'est... Il faut savoir que c'est un métier, voilà, avec des horaires quand même qui sont prenants. Ça, c'est vrai. Mais derrière, il y a quand même une belle valorisation de...

  • Romain LE GAL

    En plus de ça, si vous aimez la nature.

  • Marie Remillet

    Oui, voilà.

  • Romain LE GAL

    Les bois.

  • Marie Remillet

    C'est sûr que voilà, ici, on fait tous du potager, on fait tous du bois à côté. Voilà. On est quand même des gens... On est des gens ruraux, mais... ici, que ça soit moi, c'est vrai, je l'ai toujours défendu, mais l'ensemble de l'équipe, on défend notre territoire parce qu'on aime vraiment la Haute-Marne parce qu'elle nous offre énormément de choses. Elle nous offre la nature, elle nous respecte, elle nous offre le calme et voilà, on a une autre manière de vivre. Et le langre.

  • Romain LE GAL

    C'est quoi un bon langre pour toi, Marie ?

  • Marie Remillet

    Alors, moi, j'aime un langre quand le cœur est créieux. Moi, je préfère un fromage plus sec que trop coulant.

  • Romain LE GAL

    Donc finalement, quelque chose peut-être qu'on trouvait plus facilement avant ?

  • Marie Remillet

    Oui, peut-être.

  • Romain LE GAL

    La langue qui te rappelle un peu ton enfance ?

  • Marie Remillet

    Peut-être.

  • Romain LE GAL

    Pour terminer, Marie, j'aurais une dernière question. C'est quoi ta pizza préférée ?

  • Marie Remillet

    Ah ah ! Alors, ma pizza préférée ? Ah ben, alors je ne dirais pas aux langues. Ça ferait un peu trop là, parce qu'en plus de ça... Non. Eh bien, ça serait une pizza avec de l'ananas dessus. Les pizzas hawaïennes. Voilà.

  • Romain LE GAL

    Ah, ça, c'est le grand débat de la hawaïenne qu'on a à chaque fois. On a une fan de la hawaïenne. Voilà. Voilà, vous pouvez critiquer Marie, du coup, qui, elle, aime la hawaïenne. Merci beaucoup, Marie, de ton accueil.

  • Marie Remillet

    Eh bien, de rien.

  • Romain LE GAL

    Merci à vous de nous avoir écoutés. J'espère que cet épisode vous a plu. N'hésitez pas à le partager. On se retrouve bientôt pour un nouvel épisode de l'échange. Salut Marie !

  • Marie Remillet

    Merci, au revoir !

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