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Comment transformer un savoir-faire local en groupe national : l’ascension de Ninkasi | Christophe Fargier | Déclic 333 cover
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Le Déclic | Podcast par Alec Henry

Comment transformer un savoir-faire local en groupe national : l’ascension de Ninkasi | Christophe Fargier | Déclic 333

Comment transformer un savoir-faire local en groupe national : l’ascension de Ninkasi | Christophe Fargier | Déclic 333

43min |15/09/2025
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Le Déclic | Podcast par Alec Henry

Comment transformer un savoir-faire local en groupe national : l’ascension de Ninkasi | Christophe Fargier | Déclic 333

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43min |15/09/2025
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Description

Il y a 25 ans, Christophe Fargier rentrait des États-Unis avec une idée folle : créer en France un lieu de vie autour de la bière artisanale, des burgers faits maison et de la musique live.


En 1997, il ouvre le premier Ninkasi à Lyon.


Aujourd’hui ? Plus de 27 établissements, une fabrique ultramoderne, des bières distribuées en grande surface, une marque devenue culte… Mais surtout : un modèle de croissance à contre-courant des chaînes standardisées.


Dans cet épisode du Déclic, Christophe vous raconte comment il a transformé un projet local, presque militant, en un groupe national sans jamais perdre son âme.


On parle ensemble de :

  • Son déclic aux États-Unis et la naissance du concept Ninkasi

  • Comment faire grandir un projet artisanal sans le dénaturer

  • Les secrets pour franchiser sans standardiser

  • La manière de garder une vision humaine et culturelle, même dans une grande structure

  • Les changements d’état d’esprit essentiels pour passer d’artisan passionné à entrepreneur visionnaire


Vous voulez créer un lieu, un projet ou un business avec du sens et de l’ambition ? Cet épisode va vous parler.


Si vous avez aimé ce podcast, je vous invite à vous abonner pour ne manquer aucun de nos prochains épisodes.


Pensez aussi à mettre 5 étoiles sur votre plateforme d’écoute préférée et à nous laisser votre avis !


Enfin, si vous avez des questions ou des sujets spécifiques que vous aimeriez que j’aborde dans un futur épisode, n’hésitez pas à m’en faire part.


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Depuis 2017, j'accompagne et côtoie des entrepreneurs à succès. Chaque rencontre est unique et permet d'identifier ce qui crée la réussite. Je suis Alec Henry, l'initiateur du mouvement Entrepreneurs.com et dans ce podcast, j'ai l'opportunité d'échanger avec des personnalités inspirantes qui ont su créer la différence. Avec Le Déclic, je vous offre une perspective unique afin que vous puissiez à votre tour faire la différence. Bonjour et bienvenue dans ce nouvel épisode du podcast Le Déclic. Encore une fois, bien accompagné, je suis avec Christophe Fargier, fondateur du groupe Ninkasi, Christophe, comment tu vas ?

  • Speaker #1

    Ça va très bien, merci.

  • Speaker #0

    Eh bien écoute, heureux de t'avoir ici sur le plateau du Pottiast Le Déclic. Rapidement, je te présente, inspiré par les group-up américains, le mouvement craft également, tu ramènes en 1997 en France un concept inédit, les brasseries artisanales alliant bière, burgers et musique. En 25 ans, Ninkasi est passé d'une micro-brasserie à plus de 27 établissements en France. avec une fabrique ultra moderne, des bières distribuées en grande surface et une notoriété nationale. Le pari que vous avez pris, grandir comme un groupe sans perdre l'âme d'artisan avec la conviction que l'entrepreneuriat ne doit pas seulement créer de la valeur économique mais aussi un impact collectif durable et culturel en renforçant le lien social autour de chaque établissement. Dans cet épisode, on va explorer avec toi un sujet extrêmement intéressant, comment transformer un savoir-faire local en un groupe national. Bienvenue sur le Déclic Christophe.

  • Speaker #1

    Merci. Merci aussi pour cette présentation. Oui, il y a un vrai challenge dans ce que tu as présenté, qui est comment je grandis sans perdre mon âme, sans rentrer en contradiction avec les valeurs qui ont fondé le projet. Nous, on a une phrase qu'on aime bien utiliser, c'est finalement « rester une entreprise enracinée dans son territoire » . et qu'il le vivifie. Je pense que c'est un peu comme la nature. Un arbre peut grandir, mais il ne faut pas qu'il devienne trop grand, sinon il va faire le vide autour de lui. Sous un arbre énorme, la lumière ne passe plus, il n'y a plus rien qui pousse, donc il faut trouver des équilibres.

  • Speaker #0

    Justement, tu découvres les brewpubs aux Etats-Unis à 20 ans. Qu'est-ce qui t'a frappé au point de vouloir importer ce modèle en France ?

  • Speaker #1

    Après, je termine mes études, je me suis fait un très bon ami américain, Kurt Hoffman,

  • Speaker #2

    qui est venu étudier,

  • Speaker #1

    lui, en France, et on se pose tous les deux la question de ce qu'on va faire à la fin de nos études, et lui me parle de ce phénomène aux Etats-Unis, il est originaire de Portland, Portland c'est une ville qui fait à l'époque un peu plus de 3 millions d'habitants, et qui a une centaine de brasseries. Il me dit Christophe, je suis persuadé que ça, c'est quelque chose qui peut marcher. Je pense que ce qui a également motivé notre envie de se lancer dans cette aventure, c'est l'envie d'apprendre aussi à fabriquer quelque chose de nos mains. Moi, j'ai appris à fabriquer la bière et Kurt a appris à fabriquer le pain, sachant que le pain et la bière, c'est deux produits qui sont très proches. C'est deux produits issus de céréales qui nécessitent une fermentation. Donc je pense que... Ça part de l'observation de succès et aussi d'envie profonde. On avait tous les deux envie de se lancer dans une aventure où on allait produire quelque chose de nomin.

  • Speaker #0

    Et justement, à ce moment-là, le premier Ninkasi ouvre en 1997 dans une ancienne usine. Comment tu t'as convaincu, tes proches, les partenaires, de croire à un projet aussi atypique ? Parce qu'à cette époque, importer... un projet quel qu'il soit depuis les Etats-Unis ou autre c'est pas forcément quelque chose d'anodin l'information elle circule pas comme aujourd'hui y'a pas les réseaux sociaux, y'a pas internet, y'a pas tout ça en tout cas pas dans les mêmes proportions comment est-ce que tu t'y es pris quelles étaient les premières étapes de façon à ce que celles et ceux qui nous écoutent qui sont peut-être porteurs de projets, qui se lancent ou qui veulent développer ou importer quelque chose d'un pays X ou Y à un autre, pourraient s'en inspirer

  • Speaker #1

    Moi, je pense que quand on entreprend, il y a une énergie qui est très importante, c'est l'énergie du rêve.

  • Speaker #2

    Voilà,

  • Speaker #1

    on est resté un an aux États-Unis, on a visité un maximum de lieux, on a vraiment construit notre projet et quand on est revenu en France, ce rêve, on l'a partagé en fait. Les gens qu'on a rencontrés, nos amis, la famille, les banquiers, mais même le propriétaire du bâtiment. c'était un entrepôt 1500 m² on allait lui transformer son local si on se casse la figure qu'est-ce que mon local peut devenir derrière donc il y a eu beaucoup de gens à convaincre et je pense que cette énergie qu'on avait tous les deux on a su la communiquer et pour te donner un exemple en fait sur le site on a été en concurrence avec une discothèque à l'époque quelqu'un proposer aux propriétaires d'en faire une discothèque. Et dans le quartier où on s'est installé, il y avait un McDonald's qui avait ouvert et on a Quick qui a proposé aux propriétaires d'ouvrir un Quick. Ils prenaient beaucoup moins de risques à ouvrir un Quick qu'à l'époque un Inkazi. Et finalement, les gens ont aimé. Cette histoire qu'on était en train de commencer à écrire, ces deux jeunes qui reviennent des États-Unis, enthousiastes, et on a eu l'appui du propriétaire, l'appui du maire du 7e arrondissement de Lyon. Effectivement, les banquiers qui nous ont suivis, à l'époque, on a eu besoin d'apporter 20% en fonds propres et on a réussi à emprunter 80% sur un concept qui n'existait pas. Je pense qu'il y a une énergie, un enthousiasme qu'on a réussi à communiquer à toutes ces personnes qu'on a sollicitées.

  • Speaker #0

    Et ce qui est intéressant de tout ça aussi, c'est que tu n'as pas simplement copié le modèle américain, tu l'as enrichi d'une identité propre. Qu'est-ce que tu voulais transmettre à travers ce triptyque bière, burger, musique ?

  • Speaker #1

    En fait, on a ramené des choses des États-Unis, mais on a combiné aussi beaucoup de choses qu'on aimait. Moi, je crois que quand on entreprend, il faut partir de... de ce qu'on a dans les tripes, de ce qui nous fait vibrer, du plaisir qu'on peut prendre à faire les choses. Donc, on a fait une fabrique de bières. On était heureux de proposer des bières qui se démarquaient de ce qu'on pouvait trouver en France à l'époque. À l'époque, vous aviez dans les bars Heineken, les verres, Cronenbourg, les rouges. Et nous, on venait là pour faire redécouvrir la richesse du monde de la bière et tous les styles qui existent. Et puis, on s'est dit, puisqu'on s'est rendu compte très rapidement que si on voulait écouler notre production, il fallait qu'on crée notre propre point de distribution, donc un lieu de vie, qu'on allait faire le lieu de nos rêves, celui qu'on aurait aimé avoir en tant qu'étudiant. Alors, Kurt, comme il faisait du pain, on a fait notre pain, les bonnes de nos burgers, on a fait du burger gourmet, où les gens composaient eux-mêmes leurs burgers, on a un peu Kurt, il a amené cette dimension un peu à l'américaine, un gros bol de salade. On faisait au tout début des pizzas américaines, une offre barbecue. Ce n'était pas des cuisses de poulet, c'est des cuisses de dinde.

  • Speaker #2

    Voilà,

  • Speaker #1

    un peu en mettre plein les yeux. Et évidemment, on a mis la musique parce qu'on était des gros fans de musique. On était un peu extentrés, donc on avait besoin d'attirer le public. Voilà, on a fait un lieu qui... On a embarqué des gens dans notre aventure, un ami architecte, Cyril Alanik, qui nous a fait la décoration du lieu. Et on a eu un parti pris à l'époque qui était vraiment en rupture. À l'époque, les pubs, on avait l'impression qu'on ouvrait un pub qui était là déjà depuis 100 ans avec de la moquette et des rideaux et des vieilles photos. Nous, on a pris le parti pris de faire quelque chose de très industriel, très froid, matériaux bruts, béton, inox. des moellons et on a fait un lieu blanc en disant qu'il allait se charger de sa propre histoire qu'on ne voulait pas tricher, qu'on voulait être vrai parce qu'on voulait en faire un lieu dans lequel la musique, la culture allaient mettre son empreinte et on a eu un premier article à l'époque dans Le Progrès qui nous a trucidés en disant qu'on était un lieu froid, sans âme Je crois qu'ils avaient appelé ça une cantine Ikea à l'époque. Mais finalement, il ne faut pas craindre de prendre ces risques parce que ces parties-pris fait que vous allez susciter de l'intérêt. Il y a des gens qui vont aimer et des gens qui ne vont pas aimer. Mais si vous êtes tiède, finalement, vous ne plaisez à personne. Donc, c'est vrai que l'article dans le progrès,

  • Speaker #2

    il nous a beaucoup inquiétés.

  • Speaker #1

    On s'est dit, oulala, ça va être difficile. On était loin. du centre, il a fallu qu'on construise notre clientèle, ça a pris du temps il ne faut pas se décourager, il ne faut pas baisser les bras, mais petit à petit le fait d'être marqué dans notre positionnement fait qu'on a trouvé nos clients des clients qui ont adoré ce qu'on faisait, qui en ont parlé, donc le bouche à oreille avec des gens qui adhèrent, ils marchent très bien et finalement pour réussir dans un projet comme le nôtre, on n'a pas besoin de plaire à 100% des gens, il faut trouver juste suffisamment de clients pour que le modèle y tourne.

  • Speaker #0

    Complètement. Et justement, Ninkasi est passé de un établissement à quelques établissements, à plus de 25 établissements aujourd'hui. Le but, c'est de continuer à grandir. Vous êtes encore dans ce cycle d'expansion avec la volonté d'en ouvrir un, deux, trois, quatre, cinq par an. Comment on fait pour préserver la qualité et l'authenticité de ses produits, de son âme, sa culture, de son concept, malgré l'expansion ? Alors certes, il y a le côté franchise et standardisation. Mais est-ce qu'il y a d'autres choses que vous avez mis en place pour continuer à grandir sans perdre cette âme dont tu parles ?

  • Speaker #1

    En fait, je pense que ce qui a d'importance, c'est le rythme. de la croissance. Finalement, on a ouvert en 1997, on est en 2025, on se rapproche de nos 30 ans. C'est quelque chose qu'on a fait progressivement. Finalement, on s'est développé sur la métropole lyonnaise, on s'est ensuite développé sur la région Auvergne-Rhône-Alpes et on commence à sortir de la région Auvergne-Rhône-Alpes depuis 2-3 ans. Donc on a construit... solide, c'est des paliers. Passer d'un établissement à quelques établissements, c'est un premier palier. Il faut apprendre de nouvelles choses, animer un réseau. Alors, quand c'est un réseau en propre, il faut apprendre à piloter des sites distants. Quand ça devient défranchisé, on n'est plus dans la même posture. Piloter un site qui nous appartient et piloter un site qui a signé un contrat de franchise, ce n'est pas la même chose. On a appris le métier de franchiseur et on a toujours veillé à être très cohérent entre les valeurs, le sens qu'on donnait à notre projet. En fait, je n'en ai pas parlé, mais quand on a démarré l'aventure avec Kurt en 1995, On a mis deux ans entre le moment où on a dit on se lance dans cette aventure et le moment où on a ouvert. On a vraiment pris le temps de discuter du sens du projet. Une entreprise citoyenne qui allait s'enraciner dans son territoire, participer à la vie de la cité, qui allait prendre soin de ses collaborateurs pour ensuite être légitime à leur demander de prendre soin des clients, qui allait travailler sur des circuits courts, qui allait connaître ses fournisseurs. qu'elle ait ce souci de son impact, tout ça, c'est des choses dont on a pris le temps de discuter et qu'on a construit au départ et qu'après, on a cherché à préserver. C'est-à-dire que finalement, le circuit court, c'est connaître ses fournisseurs, être dans une relation directe. Mais une fois que j'ai créé une filière sur, par exemple, la pomme de terre pour les frites, cette filière, elle peut bénéficier à un réseau d'établissements qui est au niveau national. Quand on monte un projet et qu'on a passé du temps aux États-Unis, la France, c'est un petit bout des États-Unis, donc le terrain de jeu est suffisamment petit pour que le développement ne nous fasse pas perdre nos valeurs. On s'est rendu compte aussi qu'il y a un portant, parce que c'est des débats qu'on a eus à un moment. Est-ce qu'on reste une entreprise régionale ? Parce que là, c'est un terrain de jeu qu'on maîtrise. On est vraiment au circuit court aussi en distance. Où est-ce qu'on devient une entreprise nationale ? Et on a fait le choix, ça a été une discussion qui a pris un peu de temps en interne, de devenir nationale parce qu'on s'est dit que finalement, c'était renoncer à un combat qui nous tenait à cœur, c'est de faire bouger les lignes dans nos secteurs d'activité. Finalement, je reste une petite brasserie régionale, je laisse la place aux gros acteurs industriels qui rachètent des petites brasseries. de prendre cette place dans le monde de la bière indépendante. On s'est rendu compte que finalement, le fait de grandir, d'avoir plus d'établissements nous rendait structurants. On a pu travailler sur des sujets, la filière sur la viande. Donc, c'est des histoires d'équilibre qu'il faut garder. Comme je l'ai dit, un arbre, ça ne grimpe pas au ciel. À un moment, il sera assez petit. certainement temps de dire on a aujourd'hui atteint une taille qui est optimum. Si on grandit plus, finalement on va fragiliser un certain nombre de nos valeurs, on va y perdre notre âme. Mais je pense que l'ambition nationale du Ninkasi actuellement ne met pas en péril l'âme et les valeurs d'origine.

  • Speaker #0

    Complètement. Et quel conseil tu pourrais donner justement à quelqu'un qui nous écoute, qui désire transformer... un concept, un local, une boutique, un restaurant, peu importe finalement une agence, peu importe le type de commerce, d'affaires, qui l'ou qu'elle a, mais un concept qu'on peut franchiser. Parce que finalement, la franchise reste aujourd'hui un des leviers les plus réplicables et efficaces pour développer une expansion et une... une couverture nationale, voire internationale derrière. Pour autant, ce n'est pas forcément quelque chose que beaucoup maîtrisent. Ce n'est pas si simple de lancer un concept de franchise. Souvent, en plus, on fait quelques erreurs lorsqu'on lance... le premier restaurant, la première affaire. Du coup, ensuite, on doit en lancer un second en mode pilote par rapport à tout ce qu'on a pu optimiser pour faire en sorte que ces futurs franchisés soient en capacité de répliquer la chose et d'aller chercher aussi de la rentabilité et de la performance. Quelles ont été pour vous les étapes ? Est-ce que tout de suite, lorsque vous avez créé le premier Linkassi en 1997, il y avait cette volonté de développer en franchise ? Ou est-ce que c'est venu après ? Et si c'est venu après, comment est-ce que vous vous y êtes pris ?

  • Speaker #1

    Tu vois, il y a des gens qui me disent « Christophe, tu as été visionnaire dans ce que tu as fait » . Moi, je leur dis non, non, pas du tout. En fait, je n'ai pas été visionnaire, je suis un entrepreneur,

  • Speaker #2

    c'est-à-dire que je suis actif,

  • Speaker #1

    je passe à l'acte. C'est-à-dire qu'en plus de l'énergie du rêve qui est présente, il y a une capacité de mise en action. Ce qui fait qu'on tente beaucoup de choses et quand on tente des choses, on se met en difficulté. Je te donne un exemple. On est un gros café-concert au démarrage. Très rapidement, les artistes nous disent qu'on aimerait pouvoir faire de l'entrée payante pour pouvoir améliorer nos rémunérations. Et moi, je dis que c'est hors de question. C'est le principe du Ninkasi, il est ouvert à tous, lieu de brassage. Donc je dis, si vous voulez qu'on fasse du concert, on va créer une salle de spectacle. Donc 97, trois ans plus tard, 2000, on crée une salle de concert. de 2000 personnes,

  • Speaker #2

    de

  • Speaker #1

    700 personnes, 700 places. Et ça nous met en grande difficulté, parce qu'évidemment, on a fait les choses sous le coup un peu de l'émotion, de l'envie, et cette salle, elle n'est absolument pas viable. Qu'est-ce que je fais ? Je la ferme ou je la transforme en discothèque, ou finalement, je ne renonce pas à mon rêve. Je ne renonce pas à mon rêve. Et on décide d'élargir la base commerciale du Ninkasi. C'est ça qui va nous amener à ouvrir dans le centre de Lyon trois petits Ninkasi. Parce qu'on se dit, mais cette salle, elle a augmenté notre notoriété, notre image. Elle a même valorisé la notoriété et l'image du Ninkasi. Donc, plutôt que de la fermer, parce qu'elle est devenue un gros foyer de pertes, on va ouvrir trois petits Ninkasi dans le centre de Lyon pour que la base économique, celle qui tourne, soit plus large et nous permette de maintenir le projet. On en a ouvert après deux autres, on est arrivé à cinq. Et puis, j'ai un de mes directeurs qui me dit, « Mais tu sais, moi, Christophe, je suis hyper content. Je suis rentré chez toi comme serveur. Aujourd'hui, je suis directeur d'un établissement, mais mon rêve, c'est de devenir mon propre patron. Est-ce que c'est possible ? » Et ça a été notre premier franchisé. Donc, tu vois, ce n'est pas une vision. C'est-à-dire que moi, je ne savais absolument pas en 97 qu'on allait se développer sous cette forme-là. En fait… on entreprend, on fait des choses. Souvent, c'est une envie profonde qui est à l'origine d'un projet qu'on initie. Et puis, face aux difficultés qu'on rencontre, on trouve des solutions. Et ces solutions, elles ouvrent des chemins. Voilà, donc, moi, j'ai découvert la franchise par ce biais-là. Et la franchise, c'est quelque chose d'extraordinaire parce que finalement, aujourd'hui, on est dans un monde où il faut de l'agilité. Si tu es sur un système où tu te développes avec des directeurs, des succursales qu'il faut que tu contrôles sous des régimes salariés, ça va être très compliqué. L'intérêt de la franchise, c'est que tu vas recruter des commerçants indépendants qui sont des entrepreneurs. Et tu démultiplies, c'est l'intelligence collective. Ils vont entreprendre, ils vont tenter des choses, ils vont te challenger, ils vont faire vivre ton concept, développer ton savoir-faire. Alors évidemment, il faut faire des bons castings, et parfois on fait des hors-casting, mais en fait, on ne peut pas progresser si on ne commet pas des erreurs et chaque erreur doit être une source d'apprentissage. Donc moi, je crois beaucoup au modèle de la franchise qui est finalement un modèle de développement en réseau. C'est une forme de décentralisation synchronisée qui peut permettre de ne pas perdre son âme et même de devenir plus agile et plus robuste. Effectivement, il faut développer une compétence qui est une compétence de franchiseur, formaliser un savoir-faire, animer un réseau. C'est une relation qui est contractuelle, le contrat de franchise. Il faut savoir gérer cette relation contractuelle. On a fait des erreurs de casting, on a fait des erreurs d'emplacement. Très important de pouvoir apprendre de ces erreurs et devenir plus performant.

  • Speaker #2

    Mais moi,

  • Speaker #1

    je conseille ce mode de développement qui, à mon avis, est très adapté au monde dans lequel on est rentré, qui est un monde vu-cas, et où il vaut mieux être sur un modèle souple qu'un modèle très rigide, très centralisé.

  • Speaker #0

    Et c'est hyper intéressant ce point, excuse-moi j'ai failli te couper, je voulais rebondir parce que ça a attisé ma curiosité. Donc là, il y a ton collaborateur qui est passé de, je ne sais plus exactement quel job serveur à directeur du premier Ninkasi, qui te dit, j'ai envie d'être mon propre patron, tu te dis ok, pas de problème, on trouve une solution, franchise. Quelles ont été les étapes ? pour lancer la franchise parce que souvent, l'entrepreneur a tendance à se poser mille et une questions, à se dire, est-ce que j'ai tous les outils ? Est-ce que j'ai les bonnes stratégies ? Est-ce que j'ai les bons éléments ? Ou est-ce que là, tu t'es juste dit, j'ai un super élément, il a envie de se lancer, j'ai un super concept, on va répliquer le concept, on va voir ce qui se fait un peu ailleurs mais grosso modo, rendre la chose viable et puis ensuite, on verra. En d'autres termes, tu sautes de l'avion et tu construis le parachute dans la descente.

  • Speaker #1

    Je saute dans la piscine et j'apprends à nager. Non, c'est une démarche heuristique, c'est-à-dire qu'on apprend en faisant. Je pense qu'aujourd'hui, chercher à tout maîtriser avant de se lancer, ce n'est plus possible. Il y a énormément de gens qui auront eu le temps de faire plein de choses et tout va trop vite aujourd'hui pour perdre du temps à être sûr d'être en maîtrise pour pouvoir se lancer. Bien sûr, on va faire des erreurs. Mais si on est agile, si on apprend très rapidement de ses erreurs, donc il faut être dans une capacité de remise en cause introspective très forte. Ça demande de l'humilité. Moi, je le dis en permanence, les gens pétris de certitude sont des terroristes. Aujourd'hui, tout est immanent. C'est-à-dire que la vérité d'un jour, c'est la vérité d'un jour. Tout peut être remis en cause le lendemain. Ce n'est pas parce qu'on avait dit ça aujourd'hui que demain, ça restera vrai. Il faut que finalement, c'est une culture qu'on a construit au Ninkasi. c'est l'instabilité en fait. Tout peut être mis en cause, tout peut changer, et faire de la conduite du changement quelque chose d'agréable, pas une source de stress. Finalement,

  • Speaker #2

    on est en mouvement et c'est passionnant.

  • Speaker #1

    Chaque journée qui démarre est une nouvelle journée qui peut nous surprendre ou il peut y avoir des choses qui se passent qu'on n'avait pas prévues. On n'est pas dans la monotonie. Et finalement, nous le métier de franchiseur, on l'a appris. en marchant. Bien sûr qu'on a commis des erreurs,

  • Speaker #2

    mais aujourd'hui,

  • Speaker #1

    on a suffisamment marché pour avoir un savoir-faire de franchiseur qui est solide et qui nous permet d'être plus ambitieux. On a commencé à se développer dans la métropole lyonnaise, après dans la région auvergne-en-Alpes, et puis maintenant, on a une ambition nationale et les choses se sont faites progressivement.

  • Speaker #0

    Je rebondis sur ces éléments parce qu'aujourd'hui, Il y a effectivement une envergure nationale. Beaucoup d'artisans ont peur que la croissance dénature leur projet. Quels choix concrets t'ont permis de garder une âme artisanale dans un réseau national ?

  • Speaker #1

    La notion d'artisanat dans la bière, elle a créé beaucoup de polémiques. On a participé à la création du syndicat national des brasseurs indépendants. Et un des sujets, c'est comment... on défend l'appellation artisanale dans le monde de la bière. On n'y est pas arrivé. Pourquoi ? Si on voulait défendre la notion d'artisanat, il fallait obligatoirement que quelqu'un qui fabrique de la bière passe un diplôme, qu'il s'enregistre à la chambre des métiers et que son entreprise ne dépasse pas 10 personnes.

  • Speaker #2

    Donc,

  • Speaker #1

    il y a tellement de brasseurs qui se sont... Et j'en fais partie. Alors si, j'ai fait une école aux États-Unis, mais... Le diplôme, il n'est pas reconnu en France. Il y a tellement de brasseurs qui se sont lancés en apprenant dans les livres ou en en prenant tout seul qu'il était hors de question qu'à un moment, on crée une barrière à la création d'une brasserie. Donc, finalement, il n'a pas été possible d'encadrer l'utilisation du mot artisan. Et aujourd'hui, Heineken utilise sur certaines de ses bières le mot artisan. Donc, le mot ne peut pas être défendu. Le mot artisan aussi, il veut dire fait avec les mains. Et finalement, la fabrication de la bière, quand on grandit, il s'industrialise.

  • Speaker #2

    Nous,

  • Speaker #1

    on a démarré avec une brasserie où je faisais avec les mains. Puis, on est à notre troisième brasserie où les brasseurs, aujourd'hui, sont derrière des écrans. Alors, ils continuent de faire de la bière de manière artisanale. Parce que finalement, le fait de produire nos bières standards de manière très processée leur a redonné du temps. pour travailler sur un petit système de brassage et faire ce qu'on appelle des pilotes. C'est-à-dire qu'on fait de la création, on innove. Et finalement, c'est la logique du « en même temps » . Ce n'est pas du macronisme, c'est du taoïsme. L'industrialisation du process nous a permis de faire de meilleures bières, plus qualitatives, plus constantes, et à libérer du temps pour continuer d'être innovants.

  • Speaker #2

    et créer des bières,

  • Speaker #1

    des recettes de bières originales. Et je pense que ce qu'il faut garder pour ne pas perdre son âme, c'est l'amour du produit. Tu vois, dans l'histoire du business, ça a été la production qui, pendant un temps, détenait le pouvoir dans les entreprises. Puis après, ça a été le marketing. Aujourd'hui, on vit à une époque où c'est la finance. Au Ninkasi, c'est la production qui a le pouvoir. Il n'y a pas un service marketing qui dit il faut que tu me fasses une bière comme ci, comme ça. C'est les brasseurs qui aujourd'hui ont un rôle essentiel et qui décident si une bière va sortir ou pas. Et le produit reste le cœur, le cœur du modèle. Et je pense que c'est une façon de préserver l'authenticité, ce qui a été à l'origine en fait. Et aujourd'hui, on s'est lancé par une belle rencontre dans l'univers des spiritueux qui nous a permis de découvrir des univers extraordinaires, l'univers de la tonnerie, la civil culture. On a des forêts de chênes extraordinaires dans nos pays, les savoir-faire des vignerons dans l'élevage de leurs vins. Et c'est l'amour du produit et la passion du produit qui doit rester le moteur principal.

  • Speaker #0

    Et c'est hyper intéressant ce point justement où c'est le produit qui est au centre également du... du marketing, de la vente et ça touche beaucoup de domaines aujourd'hui, on a des marchés qui sont très sophistiqués où effectivement le produit compte pour beaucoup alors que pendant longtemps, d'autres éléments pouvaient faire la différence. Comment vous vous êtes également développé sur la partie distribution en grande surface ? C'est un terrain qui a priori est également à l'opposé de l'artisanat, pour autant vous avez réussi à concilier l'élargissement de la surface où vous pouvez... offrir et distribuer vos produits à ceux qui les désirent, tout en gardant l'identité craft ?

  • Speaker #1

    En fait, il faut toujours rester très lucide sur les enjeux. 80% de la bière en France se vend en GMS. Le reste, 10% dans les bars, et puis après dans des réseaux spécialisés, sur des sites d'e-commerce et encore e-commerce, c'est extrêmement faible. Si on veut... être une brasserie qui défend la bière. Soit on décide d'aller jouer sur le terrain de jeu où tout se passe, soit on décide de ne pas y aller. Mais moi, à un moment, j'ai été confronté à des brassières artisanales qui me disaient « Les petites brasseries, Christophe, t'as perdu ton âme, t'es allé en GMS. » Ben non. Aujourd'hui, quand on regarde ce qui s'est passé, la GMS, elle a créé des rayons bière. C'est elle qui a fait une bière artisanale à la Bière Craft. Chez les cavistes, Il n'y a jamais eu ce phénomène. Donc, on a réussi à faire bouger les lignes. Nous, à Lyon, je me souviens, en fait, quand on a commencé à devenir un petit peu connu à Lyon, au début des années 2000, on est allé voir les petits casinos en leur disant, prenez la bière Ninkasi. Parce que la marque commençait à être inconnue. Si les gens viennent dans nos établissements pour boire la bière, je suis persuadé qu'ils seront contents de la retrouver, qu'ils l'achèteront. Ça s'est passé. Et on a réussi à créer ce rayon bière artisanal. C'est quelque chose qui s'est développé lentement, au point que finalement, la bière en GMS, en grande distribution, est devenue un facteur de croissance qui a attiré des clients et qui s'est fortement développé. Donc aujourd'hui, il faut être très clairvoyant sur ce qui se passe. et aller se battre là où ça vaut la peine de se battre.

  • Speaker #0

    Et on a fait bouger le marché de la bière. Il y a 2500 brasseries qui se sont créées, des rayons bière qui se sont développés et les gros acteurs de la bière qui se sont intéressés. Aujourd'hui, les gros acteurs de la bière, ils sont très contents de ce phénomène-là. Ça a revalorisé la bière. La bière était devenue un produit qui avait une image assez pauvre puisque finalement, le style dominant, c'était la bière blonde légère industrielle. Et la bière a retrouvé ses lettres de noblesse et a été un produit qui s'est... à nouveau valorisé. Voilà. Moi, en 97, on achetait des packs de Crow ou de Heineken et on se battait sur le prix. En 2025, aujourd'hui, vous avez le choix de plein de styles et la bière a retrouvé de la valeur.

  • Speaker #1

    Complètement. Tu as une vision assez claire aujourd'hui de la chose et c'est une vision vraiment d'entrepreneur, de chef d'entreprise, tout en gardant cette passion que tu as pour le concept, la bière, le partage et ce qui t'a lancé également. Quand tu démarres Ninkasi, tu es avant tout un passionné qui veut brasser de la bière et créer un lien convivial et un lieu convivial pour les gens. À quel moment tu as compris que tu devais devenir un chef d'entreprise et pas seulement un artisan ? Je te pose cette question parce qu'il y a beaucoup de gens qui nous écoutent et qui s'en rendent compte même parfois trop tard et qui pendant des années en fait pensaient que c'est en restant dans ce schéma qu'ils auraient le plus d'impact et qu'ils pourraient faire véhiculer le plus possible leur message, mettre leurs produits dans la main de plus de gens, alors qu'en réalité, les leviers ne se situent pas ici uniquement.

  • Speaker #0

    Oui, en fait, le développement d'une entreprise, c'est qu'on franchit des paliers et à un moment, il faut arriver à se rendre compte qu'on est le frein au développement de l'entreprise. en fait C'est des questions de taille. Moi, c'est arrivé à un moment où je me rendais compte qu'en fait, tout passait par moi et que j'étais devenu un nœud d'étranglement. Et que si je n'apprenais pas à déléguer et à faire de la place aux autres et à descendre de la scène et à pouvoir confier à d'autres des choses que j'estimais être le mieux à même de faire, eh bien, je n'aurais pas de développement. Voilà. Et en fait... À un moment, comprendre qu'il faut descendre de la scène et devenir un chef d'orchestre et laisser de la place à d'autres et donc d'apprendre un métier qui est un métier de chef d'orchestre ou de metteur en scène, c'est quelque chose de pas naturel parce que quand au début, on a fabriqué la bière, on a été derrière le bar, on a programmé des artistes, on faisait tout, on faisait la cuisine, on faisait la compta, on faisait les RH. Voilà, mais en fait... Comment on y arrive quand on crée des relations très saines avec ses collaborateurs et qu'on n'a pas construit une cour qui est toujours là pour nous dire t'es génial, t'es le plus fort, mais des gens qui vous parlent sincèrement et qui disent là Christophe tu me fais chier ou là Christophe si ça continue comme ça je me barre, et bien ça vous fait bouger, c'est-à-dire que feedback is a gift, il faut créer les conditions pour que son entourage, mais même son écosystème, ses fournisseurs. soit dans une relation authentique et vous renvoie parfois tous les mauvais gestes et toutes les mauvaises postures que vous pouvez avoir pour que vous compreniez qu'il faut changer, qu'il faut se remettre en cause ou peut-être que vous compreniez que là-dessus, vous n'êtes pas bon et que ce n'est peut-être pas vous de le faire. Et pour te donner aussi un exemple très illustrant de ça, moi, au moment de la crise Covid, moi, je n'ai pas eu peur du... du Covid, moi j'ai eu peur que mon entreprise disparaisse. Donc mon travail, ça a été de trouver des moyens pour qu'on continue d'être en activité. Et moi, les équipes, ils n'en étaient pas là. Les équipes, ils étaient inquiets pour leurs proches, pour leur famille. Donc j'étais en avance de phase. Et à l'époque, j'ai des gens qui m'ont dit « Christophe, là tu déconnes, parce que tu n'as pas actuellement le bon discours. Donc laisse-nous faire, prépare demain. Mais là, dans l'instant présent... » tu n'es pas la bonne personne pour gérer la situation. Et j'ai eu cette capacité à m'effacer, à leur laisser prendre la main pour gérer cette période où il a fallu cette phase de sidération et de digestion où moi, j'étais en avance de phase. Et en fait, le fait d'avoir des équipes où on est dans des relations très vraies, c'est extrêmement utile parce qu'on est systématiquement un problème. Ça n'existe pas une situation de crise dysfonctionnelle où le chef d'entreprise... ou la chaîne d'entreprise n'est pas une partie du problème. Il faut que tout ça puisse être perçu, être dit. On s'enferme dans des boucles et on ne franchit pas le palier.

  • Speaker #1

    Totalement. Je ne peux que confirmer tout ce que tu évoques. Et justement, grandir implique de changer de rôle à plusieurs reprises. Tu l'as évoqué indirectement, mais quand tu as le goulot d'étranglement de ta boîte, c'est très complexe. Donc, tu dois déléguer, tu dois structurer, tu dois gérer les fonds, tu dois lever des fonds, tu dois projeter ta trésorerie, tu dois recruter, tu dois faire face au challenge que tu as évoqué. le Covid ou autre et garder, ne pas perdre pied. Quelles ont été pour toi les transitions les plus difficiles dans ce passage d'artisan à entrepreneur ? Parce que tu l'as évoqué aussi, c'est plein d'étapes. Quand tu passes de 1 à 3, de 3 à 5, à 10, à 20, à 25, à ce que vous voulez mettre en place ou même à la grande distribution et tous ces sujets. Quelles ont été les différentes étapes ? À quel moment ça a été le plus dur ? Est-ce que c'est le moment où tu délègues ? Est-ce que c'est le moment où tu as l'impression de perdre le contrôle sur certains sujets ? Est-ce que c'est le moment où ça devient trop gros pour le gérer ? Est-ce qu'il y a eu des points où ça a été vraiment un challenge pour toi ?

  • Speaker #0

    Écoute, je crois que... Tu vois, là, je suis en train de m'en vivre un. Un challenge... En fait, on a décidé de basculer sur un modèle industriel. On a investi dans un... dans un outil qui nous a coûté 32 millions d'euros, alors qu'on faisait, au moment où on a investi, 25 millions d'euros de chiffre d'affaires. Et finalement, passer d'un modèle où l'activité de franchise, de restaurant, de pub, était dominante à un modèle où c'est la dimension industrielle qui vient de dominante, c'est radicalement différent. Et en fait, ces transitions, ces basculements, il nécessite de... modifier en profondeur tes croyances, tes référentiels, tes convictions. Et c'est ça qui a de compliqué, en fait, parce qu'on est des êtres paresseux, et la remise en cause de manière profonde, c'est un effort qui est immense à faire. Voilà, et puis, à chaque fois, la question que je me pose aujourd'hui, j'ai 55 ans. de dire mais est-ce que t'es pas dépassé ? Est-ce que t'es toujours suffisamment lucide ? Est-ce qu'il n'y a pas finalement des choses, aujourd'hui le monde va tellement vite, s'accélère, des choses que tu ne comprends plus, que tu ne vois plus, que tu ne perçois plus. Donc voilà, c'est des moments qui sont difficiles parce que le doute s'installe et on n'est sûr de rien. Donc ce qui est très important, c'est d'être bien entouré. de s'entourer de gens qui ne nous ressemblent pas, qui nous complètent. J'ai la chance d'avoir une moyenne d'âge au Ninkasi qui est très basse. Il y a du sang neuf, il y a des gens qui viennent d'horizons très différents et c'est quelque chose qui me rassure parce que finalement, j'ai une vraie qualité de dialogue au Ninkasi, quelque chose que j'entretiens. Les gens se sentent libres d'exprimer ce qu'ils pensent, de dire ce qu'ils pensent. La notion d'intelligence collective, ce n'est pas un slogan, c'est quelque chose qui se vit concrètement et je trouve que c'est une sorte de filet de sécurité pour finalement aider à la bonne prise de décision.

  • Speaker #1

    C'est hyper intéressant cette conscience d'hyperlucidité sur son niveau de compétence, mais d'éveil par rapport à l'évolution d'un marché. par exemple par rapport à la technologie, par exemple par rapport aux réseaux sociaux, par exemple par rapport à l'intelligence artificielle. Et ça, je pense que c'est une des choses qu'on doit retenir de ce super échange. J'ai deux dernières questions pour toi. La première, c'est pour les artisans qui nous écoutent et qui hésitent à viser plus grand, quel changement de mentalité est indispensable pour oser se projeter en entrepreneur avec un grand E et avec une vision comme tu as, où tu as osé finalement prendre... un produit artisanal et le déployer à grande échelle pour faire en sorte que ça devienne ce que c'est aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    En fait, on prend des décisions parce qu'on pense que ça sert le projet. Si je parle de la bière, on a la chance, sur les enjeux de limites planétaires, d'être dans l'industrie agroalimentaire, qui est responsable de 70% des dépassements des limites planétaires. Mais si je reste petit, je ne vais rien changer. Si je deviens plus gros, je peux structurer la filière. Qu'est-ce qui se passe actuellement ? On travaille avec le groupe Soufflé, qui est le premier producteur de malt en France, et je me demande s'il ne l'est pas également au monde. Pendant des années, on n'a rien fait bouger chez le groupe Soufflé. On commence à acheter des volumes plus importants, il commence à voir que le Ninkasi a une audience de plus en plus large et en 2025, on travaille avec le groupe Soufflé sur la création d'une filière malte régénératrice. Quelque part, le fait de grossir va nous permettre d'atteindre un des objectifs qui est le plus important pour nous. c'est de faire en sorte que le projet serve la transformation de nos modèles, notamment le modèle agroalimentaire. Et donc, ça nous motive, ça nous donne de l'énergie, ça donne du sens. Moi, je crois que ce qu'il y a d'important, c'est de conserver cet alignement. C'est-à-dire que finalement, peut-être que derrière le mot artisan, il y a cette notion de sens, de fierté, et ça, il ne faut pas le perdre. Il ne faut pas qu'une décision qu'on prend à un moment nous écarte du chemin et qu'on y perde notre âme moi je crois, et attention c'est très difficile et parfois on peut prendre de mauvaises décisions mais c'est peut-être ça qui doit être notre ligne de conduite et nous aujourd'hui on devient entreprise à mission on évalue ce qu'on fait, on le diffuse auprès de nos communautés et on prend des retours de bâton voilà parce que aujourd'hui il faut amener de la transparence dans tout ça et sur ce qu'on fait bien et sur ce qu'on fait moins bien pour que cette confiance qu'on construit avec sa chaîne de valeur elle soit solide.

  • Speaker #1

    Merci Christophe pour ces éléments, pour cet épisode, j'ai adoré partager ce moment avec toi et avoir cet échange je pourrais rester des heures et j'aurais plein de questions encore à creuser à te poser, aller plus en profondeur sur certains sujets, d'ailleurs si vous avez eu autant de plaisir à écouter cet épisode que je n'en ai eu à l'anime, faites-le nous savoir comme à chaque fois en mettant 5 étoiles sur votre plateforme de streaming préférée, en partageant également cet épisode. On va faire un article LinkedIn sur celui-ci, comme à chaque fois, n'hésitez pas à interagir dessus. Et Christophe, j'ai une dernière question pour toi que je pose à chacun de nos invités sur le déclic. Est-ce que tu peux nous partager le déclic qui a fait toute la différence pour toi dans ta vie, que ce soit professionnel comme personnel, que tu n'as pas encore partagé dans cet épisode, que peut-être tu n'as jamais partagé ailleurs ? Ça peut être une simple phrase, ça peut être un peu Une décision, ça peut être une frustration, ça peut être quelque chose de positif, ça peut être quelque chose de moins positif, peu importe. Tu as carte blanche pour le mot de la fin.

  • Speaker #0

    Écoute, le déclic dans ma vie, c'est des rencontres. La rencontre avec Kurt, la rencontre avec Henri Saval, qui m'a initié au management socio-économique, la rencontre avec Alban, qui m'a ouvert l'univers du whisky, la rencontre avec... Christophe et Thierry qui m'ont ouvert l'univers de la musique, du live. Et je crois que moi, je cultive cette culture de la rencontre. Je suis beaucoup sollicité, mais je laisse toujours de la bande passante pour rencontrer des gens que logiquement, rien ne m'invite à rencontrer. Et je dirais même, parfois... Les gens sont surpris que je réponde à leurs sollicitations. Et j'essaye de dire à mes équipes, faites de même. Finalement, dans la vie, restez et soyez ouverts à la rencontre. Parce que les choses dans la vie, on les fait avec d'autres êtres humains. Et souvent, on construit de très, très belles choses suite à une belle rencontre.

  • Speaker #1

    Merci Christophe.

  • Speaker #0

    Merci à toi, Alec.

Description

Il y a 25 ans, Christophe Fargier rentrait des États-Unis avec une idée folle : créer en France un lieu de vie autour de la bière artisanale, des burgers faits maison et de la musique live.


En 1997, il ouvre le premier Ninkasi à Lyon.


Aujourd’hui ? Plus de 27 établissements, une fabrique ultramoderne, des bières distribuées en grande surface, une marque devenue culte… Mais surtout : un modèle de croissance à contre-courant des chaînes standardisées.


Dans cet épisode du Déclic, Christophe vous raconte comment il a transformé un projet local, presque militant, en un groupe national sans jamais perdre son âme.


On parle ensemble de :

  • Son déclic aux États-Unis et la naissance du concept Ninkasi

  • Comment faire grandir un projet artisanal sans le dénaturer

  • Les secrets pour franchiser sans standardiser

  • La manière de garder une vision humaine et culturelle, même dans une grande structure

  • Les changements d’état d’esprit essentiels pour passer d’artisan passionné à entrepreneur visionnaire


Vous voulez créer un lieu, un projet ou un business avec du sens et de l’ambition ? Cet épisode va vous parler.


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Enfin, si vous avez des questions ou des sujets spécifiques que vous aimeriez que j’aborde dans un futur épisode, n’hésitez pas à m’en faire part.


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Transcription

  • Speaker #0

    Depuis 2017, j'accompagne et côtoie des entrepreneurs à succès. Chaque rencontre est unique et permet d'identifier ce qui crée la réussite. Je suis Alec Henry, l'initiateur du mouvement Entrepreneurs.com et dans ce podcast, j'ai l'opportunité d'échanger avec des personnalités inspirantes qui ont su créer la différence. Avec Le Déclic, je vous offre une perspective unique afin que vous puissiez à votre tour faire la différence. Bonjour et bienvenue dans ce nouvel épisode du podcast Le Déclic. Encore une fois, bien accompagné, je suis avec Christophe Fargier, fondateur du groupe Ninkasi, Christophe, comment tu vas ?

  • Speaker #1

    Ça va très bien, merci.

  • Speaker #0

    Eh bien écoute, heureux de t'avoir ici sur le plateau du Pottiast Le Déclic. Rapidement, je te présente, inspiré par les group-up américains, le mouvement craft également, tu ramènes en 1997 en France un concept inédit, les brasseries artisanales alliant bière, burgers et musique. En 25 ans, Ninkasi est passé d'une micro-brasserie à plus de 27 établissements en France. avec une fabrique ultra moderne, des bières distribuées en grande surface et une notoriété nationale. Le pari que vous avez pris, grandir comme un groupe sans perdre l'âme d'artisan avec la conviction que l'entrepreneuriat ne doit pas seulement créer de la valeur économique mais aussi un impact collectif durable et culturel en renforçant le lien social autour de chaque établissement. Dans cet épisode, on va explorer avec toi un sujet extrêmement intéressant, comment transformer un savoir-faire local en un groupe national. Bienvenue sur le Déclic Christophe.

  • Speaker #1

    Merci. Merci aussi pour cette présentation. Oui, il y a un vrai challenge dans ce que tu as présenté, qui est comment je grandis sans perdre mon âme, sans rentrer en contradiction avec les valeurs qui ont fondé le projet. Nous, on a une phrase qu'on aime bien utiliser, c'est finalement « rester une entreprise enracinée dans son territoire » . et qu'il le vivifie. Je pense que c'est un peu comme la nature. Un arbre peut grandir, mais il ne faut pas qu'il devienne trop grand, sinon il va faire le vide autour de lui. Sous un arbre énorme, la lumière ne passe plus, il n'y a plus rien qui pousse, donc il faut trouver des équilibres.

  • Speaker #0

    Justement, tu découvres les brewpubs aux Etats-Unis à 20 ans. Qu'est-ce qui t'a frappé au point de vouloir importer ce modèle en France ?

  • Speaker #1

    Après, je termine mes études, je me suis fait un très bon ami américain, Kurt Hoffman,

  • Speaker #2

    qui est venu étudier,

  • Speaker #1

    lui, en France, et on se pose tous les deux la question de ce qu'on va faire à la fin de nos études, et lui me parle de ce phénomène aux Etats-Unis, il est originaire de Portland, Portland c'est une ville qui fait à l'époque un peu plus de 3 millions d'habitants, et qui a une centaine de brasseries. Il me dit Christophe, je suis persuadé que ça, c'est quelque chose qui peut marcher. Je pense que ce qui a également motivé notre envie de se lancer dans cette aventure, c'est l'envie d'apprendre aussi à fabriquer quelque chose de nos mains. Moi, j'ai appris à fabriquer la bière et Kurt a appris à fabriquer le pain, sachant que le pain et la bière, c'est deux produits qui sont très proches. C'est deux produits issus de céréales qui nécessitent une fermentation. Donc je pense que... Ça part de l'observation de succès et aussi d'envie profonde. On avait tous les deux envie de se lancer dans une aventure où on allait produire quelque chose de nomin.

  • Speaker #0

    Et justement, à ce moment-là, le premier Ninkasi ouvre en 1997 dans une ancienne usine. Comment tu t'as convaincu, tes proches, les partenaires, de croire à un projet aussi atypique ? Parce qu'à cette époque, importer... un projet quel qu'il soit depuis les Etats-Unis ou autre c'est pas forcément quelque chose d'anodin l'information elle circule pas comme aujourd'hui y'a pas les réseaux sociaux, y'a pas internet, y'a pas tout ça en tout cas pas dans les mêmes proportions comment est-ce que tu t'y es pris quelles étaient les premières étapes de façon à ce que celles et ceux qui nous écoutent qui sont peut-être porteurs de projets, qui se lancent ou qui veulent développer ou importer quelque chose d'un pays X ou Y à un autre, pourraient s'en inspirer

  • Speaker #1

    Moi, je pense que quand on entreprend, il y a une énergie qui est très importante, c'est l'énergie du rêve.

  • Speaker #2

    Voilà,

  • Speaker #1

    on est resté un an aux États-Unis, on a visité un maximum de lieux, on a vraiment construit notre projet et quand on est revenu en France, ce rêve, on l'a partagé en fait. Les gens qu'on a rencontrés, nos amis, la famille, les banquiers, mais même le propriétaire du bâtiment. c'était un entrepôt 1500 m² on allait lui transformer son local si on se casse la figure qu'est-ce que mon local peut devenir derrière donc il y a eu beaucoup de gens à convaincre et je pense que cette énergie qu'on avait tous les deux on a su la communiquer et pour te donner un exemple en fait sur le site on a été en concurrence avec une discothèque à l'époque quelqu'un proposer aux propriétaires d'en faire une discothèque. Et dans le quartier où on s'est installé, il y avait un McDonald's qui avait ouvert et on a Quick qui a proposé aux propriétaires d'ouvrir un Quick. Ils prenaient beaucoup moins de risques à ouvrir un Quick qu'à l'époque un Inkazi. Et finalement, les gens ont aimé. Cette histoire qu'on était en train de commencer à écrire, ces deux jeunes qui reviennent des États-Unis, enthousiastes, et on a eu l'appui du propriétaire, l'appui du maire du 7e arrondissement de Lyon. Effectivement, les banquiers qui nous ont suivis, à l'époque, on a eu besoin d'apporter 20% en fonds propres et on a réussi à emprunter 80% sur un concept qui n'existait pas. Je pense qu'il y a une énergie, un enthousiasme qu'on a réussi à communiquer à toutes ces personnes qu'on a sollicitées.

  • Speaker #0

    Et ce qui est intéressant de tout ça aussi, c'est que tu n'as pas simplement copié le modèle américain, tu l'as enrichi d'une identité propre. Qu'est-ce que tu voulais transmettre à travers ce triptyque bière, burger, musique ?

  • Speaker #1

    En fait, on a ramené des choses des États-Unis, mais on a combiné aussi beaucoup de choses qu'on aimait. Moi, je crois que quand on entreprend, il faut partir de... de ce qu'on a dans les tripes, de ce qui nous fait vibrer, du plaisir qu'on peut prendre à faire les choses. Donc, on a fait une fabrique de bières. On était heureux de proposer des bières qui se démarquaient de ce qu'on pouvait trouver en France à l'époque. À l'époque, vous aviez dans les bars Heineken, les verres, Cronenbourg, les rouges. Et nous, on venait là pour faire redécouvrir la richesse du monde de la bière et tous les styles qui existent. Et puis, on s'est dit, puisqu'on s'est rendu compte très rapidement que si on voulait écouler notre production, il fallait qu'on crée notre propre point de distribution, donc un lieu de vie, qu'on allait faire le lieu de nos rêves, celui qu'on aurait aimé avoir en tant qu'étudiant. Alors, Kurt, comme il faisait du pain, on a fait notre pain, les bonnes de nos burgers, on a fait du burger gourmet, où les gens composaient eux-mêmes leurs burgers, on a un peu Kurt, il a amené cette dimension un peu à l'américaine, un gros bol de salade. On faisait au tout début des pizzas américaines, une offre barbecue. Ce n'était pas des cuisses de poulet, c'est des cuisses de dinde.

  • Speaker #2

    Voilà,

  • Speaker #1

    un peu en mettre plein les yeux. Et évidemment, on a mis la musique parce qu'on était des gros fans de musique. On était un peu extentrés, donc on avait besoin d'attirer le public. Voilà, on a fait un lieu qui... On a embarqué des gens dans notre aventure, un ami architecte, Cyril Alanik, qui nous a fait la décoration du lieu. Et on a eu un parti pris à l'époque qui était vraiment en rupture. À l'époque, les pubs, on avait l'impression qu'on ouvrait un pub qui était là déjà depuis 100 ans avec de la moquette et des rideaux et des vieilles photos. Nous, on a pris le parti pris de faire quelque chose de très industriel, très froid, matériaux bruts, béton, inox. des moellons et on a fait un lieu blanc en disant qu'il allait se charger de sa propre histoire qu'on ne voulait pas tricher, qu'on voulait être vrai parce qu'on voulait en faire un lieu dans lequel la musique, la culture allaient mettre son empreinte et on a eu un premier article à l'époque dans Le Progrès qui nous a trucidés en disant qu'on était un lieu froid, sans âme Je crois qu'ils avaient appelé ça une cantine Ikea à l'époque. Mais finalement, il ne faut pas craindre de prendre ces risques parce que ces parties-pris fait que vous allez susciter de l'intérêt. Il y a des gens qui vont aimer et des gens qui ne vont pas aimer. Mais si vous êtes tiède, finalement, vous ne plaisez à personne. Donc, c'est vrai que l'article dans le progrès,

  • Speaker #2

    il nous a beaucoup inquiétés.

  • Speaker #1

    On s'est dit, oulala, ça va être difficile. On était loin. du centre, il a fallu qu'on construise notre clientèle, ça a pris du temps il ne faut pas se décourager, il ne faut pas baisser les bras, mais petit à petit le fait d'être marqué dans notre positionnement fait qu'on a trouvé nos clients des clients qui ont adoré ce qu'on faisait, qui en ont parlé, donc le bouche à oreille avec des gens qui adhèrent, ils marchent très bien et finalement pour réussir dans un projet comme le nôtre, on n'a pas besoin de plaire à 100% des gens, il faut trouver juste suffisamment de clients pour que le modèle y tourne.

  • Speaker #0

    Complètement. Et justement, Ninkasi est passé de un établissement à quelques établissements, à plus de 25 établissements aujourd'hui. Le but, c'est de continuer à grandir. Vous êtes encore dans ce cycle d'expansion avec la volonté d'en ouvrir un, deux, trois, quatre, cinq par an. Comment on fait pour préserver la qualité et l'authenticité de ses produits, de son âme, sa culture, de son concept, malgré l'expansion ? Alors certes, il y a le côté franchise et standardisation. Mais est-ce qu'il y a d'autres choses que vous avez mis en place pour continuer à grandir sans perdre cette âme dont tu parles ?

  • Speaker #1

    En fait, je pense que ce qui a d'importance, c'est le rythme. de la croissance. Finalement, on a ouvert en 1997, on est en 2025, on se rapproche de nos 30 ans. C'est quelque chose qu'on a fait progressivement. Finalement, on s'est développé sur la métropole lyonnaise, on s'est ensuite développé sur la région Auvergne-Rhône-Alpes et on commence à sortir de la région Auvergne-Rhône-Alpes depuis 2-3 ans. Donc on a construit... solide, c'est des paliers. Passer d'un établissement à quelques établissements, c'est un premier palier. Il faut apprendre de nouvelles choses, animer un réseau. Alors, quand c'est un réseau en propre, il faut apprendre à piloter des sites distants. Quand ça devient défranchisé, on n'est plus dans la même posture. Piloter un site qui nous appartient et piloter un site qui a signé un contrat de franchise, ce n'est pas la même chose. On a appris le métier de franchiseur et on a toujours veillé à être très cohérent entre les valeurs, le sens qu'on donnait à notre projet. En fait, je n'en ai pas parlé, mais quand on a démarré l'aventure avec Kurt en 1995, On a mis deux ans entre le moment où on a dit on se lance dans cette aventure et le moment où on a ouvert. On a vraiment pris le temps de discuter du sens du projet. Une entreprise citoyenne qui allait s'enraciner dans son territoire, participer à la vie de la cité, qui allait prendre soin de ses collaborateurs pour ensuite être légitime à leur demander de prendre soin des clients, qui allait travailler sur des circuits courts, qui allait connaître ses fournisseurs. qu'elle ait ce souci de son impact, tout ça, c'est des choses dont on a pris le temps de discuter et qu'on a construit au départ et qu'après, on a cherché à préserver. C'est-à-dire que finalement, le circuit court, c'est connaître ses fournisseurs, être dans une relation directe. Mais une fois que j'ai créé une filière sur, par exemple, la pomme de terre pour les frites, cette filière, elle peut bénéficier à un réseau d'établissements qui est au niveau national. Quand on monte un projet et qu'on a passé du temps aux États-Unis, la France, c'est un petit bout des États-Unis, donc le terrain de jeu est suffisamment petit pour que le développement ne nous fasse pas perdre nos valeurs. On s'est rendu compte aussi qu'il y a un portant, parce que c'est des débats qu'on a eus à un moment. Est-ce qu'on reste une entreprise régionale ? Parce que là, c'est un terrain de jeu qu'on maîtrise. On est vraiment au circuit court aussi en distance. Où est-ce qu'on devient une entreprise nationale ? Et on a fait le choix, ça a été une discussion qui a pris un peu de temps en interne, de devenir nationale parce qu'on s'est dit que finalement, c'était renoncer à un combat qui nous tenait à cœur, c'est de faire bouger les lignes dans nos secteurs d'activité. Finalement, je reste une petite brasserie régionale, je laisse la place aux gros acteurs industriels qui rachètent des petites brasseries. de prendre cette place dans le monde de la bière indépendante. On s'est rendu compte que finalement, le fait de grandir, d'avoir plus d'établissements nous rendait structurants. On a pu travailler sur des sujets, la filière sur la viande. Donc, c'est des histoires d'équilibre qu'il faut garder. Comme je l'ai dit, un arbre, ça ne grimpe pas au ciel. À un moment, il sera assez petit. certainement temps de dire on a aujourd'hui atteint une taille qui est optimum. Si on grandit plus, finalement on va fragiliser un certain nombre de nos valeurs, on va y perdre notre âme. Mais je pense que l'ambition nationale du Ninkasi actuellement ne met pas en péril l'âme et les valeurs d'origine.

  • Speaker #0

    Complètement. Et quel conseil tu pourrais donner justement à quelqu'un qui nous écoute, qui désire transformer... un concept, un local, une boutique, un restaurant, peu importe finalement une agence, peu importe le type de commerce, d'affaires, qui l'ou qu'elle a, mais un concept qu'on peut franchiser. Parce que finalement, la franchise reste aujourd'hui un des leviers les plus réplicables et efficaces pour développer une expansion et une... une couverture nationale, voire internationale derrière. Pour autant, ce n'est pas forcément quelque chose que beaucoup maîtrisent. Ce n'est pas si simple de lancer un concept de franchise. Souvent, en plus, on fait quelques erreurs lorsqu'on lance... le premier restaurant, la première affaire. Du coup, ensuite, on doit en lancer un second en mode pilote par rapport à tout ce qu'on a pu optimiser pour faire en sorte que ces futurs franchisés soient en capacité de répliquer la chose et d'aller chercher aussi de la rentabilité et de la performance. Quelles ont été pour vous les étapes ? Est-ce que tout de suite, lorsque vous avez créé le premier Linkassi en 1997, il y avait cette volonté de développer en franchise ? Ou est-ce que c'est venu après ? Et si c'est venu après, comment est-ce que vous vous y êtes pris ?

  • Speaker #1

    Tu vois, il y a des gens qui me disent « Christophe, tu as été visionnaire dans ce que tu as fait » . Moi, je leur dis non, non, pas du tout. En fait, je n'ai pas été visionnaire, je suis un entrepreneur,

  • Speaker #2

    c'est-à-dire que je suis actif,

  • Speaker #1

    je passe à l'acte. C'est-à-dire qu'en plus de l'énergie du rêve qui est présente, il y a une capacité de mise en action. Ce qui fait qu'on tente beaucoup de choses et quand on tente des choses, on se met en difficulté. Je te donne un exemple. On est un gros café-concert au démarrage. Très rapidement, les artistes nous disent qu'on aimerait pouvoir faire de l'entrée payante pour pouvoir améliorer nos rémunérations. Et moi, je dis que c'est hors de question. C'est le principe du Ninkasi, il est ouvert à tous, lieu de brassage. Donc je dis, si vous voulez qu'on fasse du concert, on va créer une salle de spectacle. Donc 97, trois ans plus tard, 2000, on crée une salle de concert. de 2000 personnes,

  • Speaker #2

    de

  • Speaker #1

    700 personnes, 700 places. Et ça nous met en grande difficulté, parce qu'évidemment, on a fait les choses sous le coup un peu de l'émotion, de l'envie, et cette salle, elle n'est absolument pas viable. Qu'est-ce que je fais ? Je la ferme ou je la transforme en discothèque, ou finalement, je ne renonce pas à mon rêve. Je ne renonce pas à mon rêve. Et on décide d'élargir la base commerciale du Ninkasi. C'est ça qui va nous amener à ouvrir dans le centre de Lyon trois petits Ninkasi. Parce qu'on se dit, mais cette salle, elle a augmenté notre notoriété, notre image. Elle a même valorisé la notoriété et l'image du Ninkasi. Donc, plutôt que de la fermer, parce qu'elle est devenue un gros foyer de pertes, on va ouvrir trois petits Ninkasi dans le centre de Lyon pour que la base économique, celle qui tourne, soit plus large et nous permette de maintenir le projet. On en a ouvert après deux autres, on est arrivé à cinq. Et puis, j'ai un de mes directeurs qui me dit, « Mais tu sais, moi, Christophe, je suis hyper content. Je suis rentré chez toi comme serveur. Aujourd'hui, je suis directeur d'un établissement, mais mon rêve, c'est de devenir mon propre patron. Est-ce que c'est possible ? » Et ça a été notre premier franchisé. Donc, tu vois, ce n'est pas une vision. C'est-à-dire que moi, je ne savais absolument pas en 97 qu'on allait se développer sous cette forme-là. En fait… on entreprend, on fait des choses. Souvent, c'est une envie profonde qui est à l'origine d'un projet qu'on initie. Et puis, face aux difficultés qu'on rencontre, on trouve des solutions. Et ces solutions, elles ouvrent des chemins. Voilà, donc, moi, j'ai découvert la franchise par ce biais-là. Et la franchise, c'est quelque chose d'extraordinaire parce que finalement, aujourd'hui, on est dans un monde où il faut de l'agilité. Si tu es sur un système où tu te développes avec des directeurs, des succursales qu'il faut que tu contrôles sous des régimes salariés, ça va être très compliqué. L'intérêt de la franchise, c'est que tu vas recruter des commerçants indépendants qui sont des entrepreneurs. Et tu démultiplies, c'est l'intelligence collective. Ils vont entreprendre, ils vont tenter des choses, ils vont te challenger, ils vont faire vivre ton concept, développer ton savoir-faire. Alors évidemment, il faut faire des bons castings, et parfois on fait des hors-casting, mais en fait, on ne peut pas progresser si on ne commet pas des erreurs et chaque erreur doit être une source d'apprentissage. Donc moi, je crois beaucoup au modèle de la franchise qui est finalement un modèle de développement en réseau. C'est une forme de décentralisation synchronisée qui peut permettre de ne pas perdre son âme et même de devenir plus agile et plus robuste. Effectivement, il faut développer une compétence qui est une compétence de franchiseur, formaliser un savoir-faire, animer un réseau. C'est une relation qui est contractuelle, le contrat de franchise. Il faut savoir gérer cette relation contractuelle. On a fait des erreurs de casting, on a fait des erreurs d'emplacement. Très important de pouvoir apprendre de ces erreurs et devenir plus performant.

  • Speaker #2

    Mais moi,

  • Speaker #1

    je conseille ce mode de développement qui, à mon avis, est très adapté au monde dans lequel on est rentré, qui est un monde vu-cas, et où il vaut mieux être sur un modèle souple qu'un modèle très rigide, très centralisé.

  • Speaker #0

    Et c'est hyper intéressant ce point, excuse-moi j'ai failli te couper, je voulais rebondir parce que ça a attisé ma curiosité. Donc là, il y a ton collaborateur qui est passé de, je ne sais plus exactement quel job serveur à directeur du premier Ninkasi, qui te dit, j'ai envie d'être mon propre patron, tu te dis ok, pas de problème, on trouve une solution, franchise. Quelles ont été les étapes ? pour lancer la franchise parce que souvent, l'entrepreneur a tendance à se poser mille et une questions, à se dire, est-ce que j'ai tous les outils ? Est-ce que j'ai les bonnes stratégies ? Est-ce que j'ai les bons éléments ? Ou est-ce que là, tu t'es juste dit, j'ai un super élément, il a envie de se lancer, j'ai un super concept, on va répliquer le concept, on va voir ce qui se fait un peu ailleurs mais grosso modo, rendre la chose viable et puis ensuite, on verra. En d'autres termes, tu sautes de l'avion et tu construis le parachute dans la descente.

  • Speaker #1

    Je saute dans la piscine et j'apprends à nager. Non, c'est une démarche heuristique, c'est-à-dire qu'on apprend en faisant. Je pense qu'aujourd'hui, chercher à tout maîtriser avant de se lancer, ce n'est plus possible. Il y a énormément de gens qui auront eu le temps de faire plein de choses et tout va trop vite aujourd'hui pour perdre du temps à être sûr d'être en maîtrise pour pouvoir se lancer. Bien sûr, on va faire des erreurs. Mais si on est agile, si on apprend très rapidement de ses erreurs, donc il faut être dans une capacité de remise en cause introspective très forte. Ça demande de l'humilité. Moi, je le dis en permanence, les gens pétris de certitude sont des terroristes. Aujourd'hui, tout est immanent. C'est-à-dire que la vérité d'un jour, c'est la vérité d'un jour. Tout peut être remis en cause le lendemain. Ce n'est pas parce qu'on avait dit ça aujourd'hui que demain, ça restera vrai. Il faut que finalement, c'est une culture qu'on a construit au Ninkasi. c'est l'instabilité en fait. Tout peut être mis en cause, tout peut changer, et faire de la conduite du changement quelque chose d'agréable, pas une source de stress. Finalement,

  • Speaker #2

    on est en mouvement et c'est passionnant.

  • Speaker #1

    Chaque journée qui démarre est une nouvelle journée qui peut nous surprendre ou il peut y avoir des choses qui se passent qu'on n'avait pas prévues. On n'est pas dans la monotonie. Et finalement, nous le métier de franchiseur, on l'a appris. en marchant. Bien sûr qu'on a commis des erreurs,

  • Speaker #2

    mais aujourd'hui,

  • Speaker #1

    on a suffisamment marché pour avoir un savoir-faire de franchiseur qui est solide et qui nous permet d'être plus ambitieux. On a commencé à se développer dans la métropole lyonnaise, après dans la région auvergne-en-Alpes, et puis maintenant, on a une ambition nationale et les choses se sont faites progressivement.

  • Speaker #0

    Je rebondis sur ces éléments parce qu'aujourd'hui, Il y a effectivement une envergure nationale. Beaucoup d'artisans ont peur que la croissance dénature leur projet. Quels choix concrets t'ont permis de garder une âme artisanale dans un réseau national ?

  • Speaker #1

    La notion d'artisanat dans la bière, elle a créé beaucoup de polémiques. On a participé à la création du syndicat national des brasseurs indépendants. Et un des sujets, c'est comment... on défend l'appellation artisanale dans le monde de la bière. On n'y est pas arrivé. Pourquoi ? Si on voulait défendre la notion d'artisanat, il fallait obligatoirement que quelqu'un qui fabrique de la bière passe un diplôme, qu'il s'enregistre à la chambre des métiers et que son entreprise ne dépasse pas 10 personnes.

  • Speaker #2

    Donc,

  • Speaker #1

    il y a tellement de brasseurs qui se sont... Et j'en fais partie. Alors si, j'ai fait une école aux États-Unis, mais... Le diplôme, il n'est pas reconnu en France. Il y a tellement de brasseurs qui se sont lancés en apprenant dans les livres ou en en prenant tout seul qu'il était hors de question qu'à un moment, on crée une barrière à la création d'une brasserie. Donc, finalement, il n'a pas été possible d'encadrer l'utilisation du mot artisan. Et aujourd'hui, Heineken utilise sur certaines de ses bières le mot artisan. Donc, le mot ne peut pas être défendu. Le mot artisan aussi, il veut dire fait avec les mains. Et finalement, la fabrication de la bière, quand on grandit, il s'industrialise.

  • Speaker #2

    Nous,

  • Speaker #1

    on a démarré avec une brasserie où je faisais avec les mains. Puis, on est à notre troisième brasserie où les brasseurs, aujourd'hui, sont derrière des écrans. Alors, ils continuent de faire de la bière de manière artisanale. Parce que finalement, le fait de produire nos bières standards de manière très processée leur a redonné du temps. pour travailler sur un petit système de brassage et faire ce qu'on appelle des pilotes. C'est-à-dire qu'on fait de la création, on innove. Et finalement, c'est la logique du « en même temps » . Ce n'est pas du macronisme, c'est du taoïsme. L'industrialisation du process nous a permis de faire de meilleures bières, plus qualitatives, plus constantes, et à libérer du temps pour continuer d'être innovants.

  • Speaker #2

    et créer des bières,

  • Speaker #1

    des recettes de bières originales. Et je pense que ce qu'il faut garder pour ne pas perdre son âme, c'est l'amour du produit. Tu vois, dans l'histoire du business, ça a été la production qui, pendant un temps, détenait le pouvoir dans les entreprises. Puis après, ça a été le marketing. Aujourd'hui, on vit à une époque où c'est la finance. Au Ninkasi, c'est la production qui a le pouvoir. Il n'y a pas un service marketing qui dit il faut que tu me fasses une bière comme ci, comme ça. C'est les brasseurs qui aujourd'hui ont un rôle essentiel et qui décident si une bière va sortir ou pas. Et le produit reste le cœur, le cœur du modèle. Et je pense que c'est une façon de préserver l'authenticité, ce qui a été à l'origine en fait. Et aujourd'hui, on s'est lancé par une belle rencontre dans l'univers des spiritueux qui nous a permis de découvrir des univers extraordinaires, l'univers de la tonnerie, la civil culture. On a des forêts de chênes extraordinaires dans nos pays, les savoir-faire des vignerons dans l'élevage de leurs vins. Et c'est l'amour du produit et la passion du produit qui doit rester le moteur principal.

  • Speaker #0

    Et c'est hyper intéressant ce point justement où c'est le produit qui est au centre également du... du marketing, de la vente et ça touche beaucoup de domaines aujourd'hui, on a des marchés qui sont très sophistiqués où effectivement le produit compte pour beaucoup alors que pendant longtemps, d'autres éléments pouvaient faire la différence. Comment vous vous êtes également développé sur la partie distribution en grande surface ? C'est un terrain qui a priori est également à l'opposé de l'artisanat, pour autant vous avez réussi à concilier l'élargissement de la surface où vous pouvez... offrir et distribuer vos produits à ceux qui les désirent, tout en gardant l'identité craft ?

  • Speaker #1

    En fait, il faut toujours rester très lucide sur les enjeux. 80% de la bière en France se vend en GMS. Le reste, 10% dans les bars, et puis après dans des réseaux spécialisés, sur des sites d'e-commerce et encore e-commerce, c'est extrêmement faible. Si on veut... être une brasserie qui défend la bière. Soit on décide d'aller jouer sur le terrain de jeu où tout se passe, soit on décide de ne pas y aller. Mais moi, à un moment, j'ai été confronté à des brassières artisanales qui me disaient « Les petites brasseries, Christophe, t'as perdu ton âme, t'es allé en GMS. » Ben non. Aujourd'hui, quand on regarde ce qui s'est passé, la GMS, elle a créé des rayons bière. C'est elle qui a fait une bière artisanale à la Bière Craft. Chez les cavistes, Il n'y a jamais eu ce phénomène. Donc, on a réussi à faire bouger les lignes. Nous, à Lyon, je me souviens, en fait, quand on a commencé à devenir un petit peu connu à Lyon, au début des années 2000, on est allé voir les petits casinos en leur disant, prenez la bière Ninkasi. Parce que la marque commençait à être inconnue. Si les gens viennent dans nos établissements pour boire la bière, je suis persuadé qu'ils seront contents de la retrouver, qu'ils l'achèteront. Ça s'est passé. Et on a réussi à créer ce rayon bière artisanal. C'est quelque chose qui s'est développé lentement, au point que finalement, la bière en GMS, en grande distribution, est devenue un facteur de croissance qui a attiré des clients et qui s'est fortement développé. Donc aujourd'hui, il faut être très clairvoyant sur ce qui se passe. et aller se battre là où ça vaut la peine de se battre.

  • Speaker #0

    Et on a fait bouger le marché de la bière. Il y a 2500 brasseries qui se sont créées, des rayons bière qui se sont développés et les gros acteurs de la bière qui se sont intéressés. Aujourd'hui, les gros acteurs de la bière, ils sont très contents de ce phénomène-là. Ça a revalorisé la bière. La bière était devenue un produit qui avait une image assez pauvre puisque finalement, le style dominant, c'était la bière blonde légère industrielle. Et la bière a retrouvé ses lettres de noblesse et a été un produit qui s'est... à nouveau valorisé. Voilà. Moi, en 97, on achetait des packs de Crow ou de Heineken et on se battait sur le prix. En 2025, aujourd'hui, vous avez le choix de plein de styles et la bière a retrouvé de la valeur.

  • Speaker #1

    Complètement. Tu as une vision assez claire aujourd'hui de la chose et c'est une vision vraiment d'entrepreneur, de chef d'entreprise, tout en gardant cette passion que tu as pour le concept, la bière, le partage et ce qui t'a lancé également. Quand tu démarres Ninkasi, tu es avant tout un passionné qui veut brasser de la bière et créer un lien convivial et un lieu convivial pour les gens. À quel moment tu as compris que tu devais devenir un chef d'entreprise et pas seulement un artisan ? Je te pose cette question parce qu'il y a beaucoup de gens qui nous écoutent et qui s'en rendent compte même parfois trop tard et qui pendant des années en fait pensaient que c'est en restant dans ce schéma qu'ils auraient le plus d'impact et qu'ils pourraient faire véhiculer le plus possible leur message, mettre leurs produits dans la main de plus de gens, alors qu'en réalité, les leviers ne se situent pas ici uniquement.

  • Speaker #0

    Oui, en fait, le développement d'une entreprise, c'est qu'on franchit des paliers et à un moment, il faut arriver à se rendre compte qu'on est le frein au développement de l'entreprise. en fait C'est des questions de taille. Moi, c'est arrivé à un moment où je me rendais compte qu'en fait, tout passait par moi et que j'étais devenu un nœud d'étranglement. Et que si je n'apprenais pas à déléguer et à faire de la place aux autres et à descendre de la scène et à pouvoir confier à d'autres des choses que j'estimais être le mieux à même de faire, eh bien, je n'aurais pas de développement. Voilà. Et en fait... À un moment, comprendre qu'il faut descendre de la scène et devenir un chef d'orchestre et laisser de la place à d'autres et donc d'apprendre un métier qui est un métier de chef d'orchestre ou de metteur en scène, c'est quelque chose de pas naturel parce que quand au début, on a fabriqué la bière, on a été derrière le bar, on a programmé des artistes, on faisait tout, on faisait la cuisine, on faisait la compta, on faisait les RH. Voilà, mais en fait... Comment on y arrive quand on crée des relations très saines avec ses collaborateurs et qu'on n'a pas construit une cour qui est toujours là pour nous dire t'es génial, t'es le plus fort, mais des gens qui vous parlent sincèrement et qui disent là Christophe tu me fais chier ou là Christophe si ça continue comme ça je me barre, et bien ça vous fait bouger, c'est-à-dire que feedback is a gift, il faut créer les conditions pour que son entourage, mais même son écosystème, ses fournisseurs. soit dans une relation authentique et vous renvoie parfois tous les mauvais gestes et toutes les mauvaises postures que vous pouvez avoir pour que vous compreniez qu'il faut changer, qu'il faut se remettre en cause ou peut-être que vous compreniez que là-dessus, vous n'êtes pas bon et que ce n'est peut-être pas vous de le faire. Et pour te donner aussi un exemple très illustrant de ça, moi, au moment de la crise Covid, moi, je n'ai pas eu peur du... du Covid, moi j'ai eu peur que mon entreprise disparaisse. Donc mon travail, ça a été de trouver des moyens pour qu'on continue d'être en activité. Et moi, les équipes, ils n'en étaient pas là. Les équipes, ils étaient inquiets pour leurs proches, pour leur famille. Donc j'étais en avance de phase. Et à l'époque, j'ai des gens qui m'ont dit « Christophe, là tu déconnes, parce que tu n'as pas actuellement le bon discours. Donc laisse-nous faire, prépare demain. Mais là, dans l'instant présent... » tu n'es pas la bonne personne pour gérer la situation. Et j'ai eu cette capacité à m'effacer, à leur laisser prendre la main pour gérer cette période où il a fallu cette phase de sidération et de digestion où moi, j'étais en avance de phase. Et en fait, le fait d'avoir des équipes où on est dans des relations très vraies, c'est extrêmement utile parce qu'on est systématiquement un problème. Ça n'existe pas une situation de crise dysfonctionnelle où le chef d'entreprise... ou la chaîne d'entreprise n'est pas une partie du problème. Il faut que tout ça puisse être perçu, être dit. On s'enferme dans des boucles et on ne franchit pas le palier.

  • Speaker #1

    Totalement. Je ne peux que confirmer tout ce que tu évoques. Et justement, grandir implique de changer de rôle à plusieurs reprises. Tu l'as évoqué indirectement, mais quand tu as le goulot d'étranglement de ta boîte, c'est très complexe. Donc, tu dois déléguer, tu dois structurer, tu dois gérer les fonds, tu dois lever des fonds, tu dois projeter ta trésorerie, tu dois recruter, tu dois faire face au challenge que tu as évoqué. le Covid ou autre et garder, ne pas perdre pied. Quelles ont été pour toi les transitions les plus difficiles dans ce passage d'artisan à entrepreneur ? Parce que tu l'as évoqué aussi, c'est plein d'étapes. Quand tu passes de 1 à 3, de 3 à 5, à 10, à 20, à 25, à ce que vous voulez mettre en place ou même à la grande distribution et tous ces sujets. Quelles ont été les différentes étapes ? À quel moment ça a été le plus dur ? Est-ce que c'est le moment où tu délègues ? Est-ce que c'est le moment où tu as l'impression de perdre le contrôle sur certains sujets ? Est-ce que c'est le moment où ça devient trop gros pour le gérer ? Est-ce qu'il y a eu des points où ça a été vraiment un challenge pour toi ?

  • Speaker #0

    Écoute, je crois que... Tu vois, là, je suis en train de m'en vivre un. Un challenge... En fait, on a décidé de basculer sur un modèle industriel. On a investi dans un... dans un outil qui nous a coûté 32 millions d'euros, alors qu'on faisait, au moment où on a investi, 25 millions d'euros de chiffre d'affaires. Et finalement, passer d'un modèle où l'activité de franchise, de restaurant, de pub, était dominante à un modèle où c'est la dimension industrielle qui vient de dominante, c'est radicalement différent. Et en fait, ces transitions, ces basculements, il nécessite de... modifier en profondeur tes croyances, tes référentiels, tes convictions. Et c'est ça qui a de compliqué, en fait, parce qu'on est des êtres paresseux, et la remise en cause de manière profonde, c'est un effort qui est immense à faire. Voilà, et puis, à chaque fois, la question que je me pose aujourd'hui, j'ai 55 ans. de dire mais est-ce que t'es pas dépassé ? Est-ce que t'es toujours suffisamment lucide ? Est-ce qu'il n'y a pas finalement des choses, aujourd'hui le monde va tellement vite, s'accélère, des choses que tu ne comprends plus, que tu ne vois plus, que tu ne perçois plus. Donc voilà, c'est des moments qui sont difficiles parce que le doute s'installe et on n'est sûr de rien. Donc ce qui est très important, c'est d'être bien entouré. de s'entourer de gens qui ne nous ressemblent pas, qui nous complètent. J'ai la chance d'avoir une moyenne d'âge au Ninkasi qui est très basse. Il y a du sang neuf, il y a des gens qui viennent d'horizons très différents et c'est quelque chose qui me rassure parce que finalement, j'ai une vraie qualité de dialogue au Ninkasi, quelque chose que j'entretiens. Les gens se sentent libres d'exprimer ce qu'ils pensent, de dire ce qu'ils pensent. La notion d'intelligence collective, ce n'est pas un slogan, c'est quelque chose qui se vit concrètement et je trouve que c'est une sorte de filet de sécurité pour finalement aider à la bonne prise de décision.

  • Speaker #1

    C'est hyper intéressant cette conscience d'hyperlucidité sur son niveau de compétence, mais d'éveil par rapport à l'évolution d'un marché. par exemple par rapport à la technologie, par exemple par rapport aux réseaux sociaux, par exemple par rapport à l'intelligence artificielle. Et ça, je pense que c'est une des choses qu'on doit retenir de ce super échange. J'ai deux dernières questions pour toi. La première, c'est pour les artisans qui nous écoutent et qui hésitent à viser plus grand, quel changement de mentalité est indispensable pour oser se projeter en entrepreneur avec un grand E et avec une vision comme tu as, où tu as osé finalement prendre... un produit artisanal et le déployer à grande échelle pour faire en sorte que ça devienne ce que c'est aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    En fait, on prend des décisions parce qu'on pense que ça sert le projet. Si je parle de la bière, on a la chance, sur les enjeux de limites planétaires, d'être dans l'industrie agroalimentaire, qui est responsable de 70% des dépassements des limites planétaires. Mais si je reste petit, je ne vais rien changer. Si je deviens plus gros, je peux structurer la filière. Qu'est-ce qui se passe actuellement ? On travaille avec le groupe Soufflé, qui est le premier producteur de malt en France, et je me demande s'il ne l'est pas également au monde. Pendant des années, on n'a rien fait bouger chez le groupe Soufflé. On commence à acheter des volumes plus importants, il commence à voir que le Ninkasi a une audience de plus en plus large et en 2025, on travaille avec le groupe Soufflé sur la création d'une filière malte régénératrice. Quelque part, le fait de grossir va nous permettre d'atteindre un des objectifs qui est le plus important pour nous. c'est de faire en sorte que le projet serve la transformation de nos modèles, notamment le modèle agroalimentaire. Et donc, ça nous motive, ça nous donne de l'énergie, ça donne du sens. Moi, je crois que ce qu'il y a d'important, c'est de conserver cet alignement. C'est-à-dire que finalement, peut-être que derrière le mot artisan, il y a cette notion de sens, de fierté, et ça, il ne faut pas le perdre. Il ne faut pas qu'une décision qu'on prend à un moment nous écarte du chemin et qu'on y perde notre âme moi je crois, et attention c'est très difficile et parfois on peut prendre de mauvaises décisions mais c'est peut-être ça qui doit être notre ligne de conduite et nous aujourd'hui on devient entreprise à mission on évalue ce qu'on fait, on le diffuse auprès de nos communautés et on prend des retours de bâton voilà parce que aujourd'hui il faut amener de la transparence dans tout ça et sur ce qu'on fait bien et sur ce qu'on fait moins bien pour que cette confiance qu'on construit avec sa chaîne de valeur elle soit solide.

  • Speaker #1

    Merci Christophe pour ces éléments, pour cet épisode, j'ai adoré partager ce moment avec toi et avoir cet échange je pourrais rester des heures et j'aurais plein de questions encore à creuser à te poser, aller plus en profondeur sur certains sujets, d'ailleurs si vous avez eu autant de plaisir à écouter cet épisode que je n'en ai eu à l'anime, faites-le nous savoir comme à chaque fois en mettant 5 étoiles sur votre plateforme de streaming préférée, en partageant également cet épisode. On va faire un article LinkedIn sur celui-ci, comme à chaque fois, n'hésitez pas à interagir dessus. Et Christophe, j'ai une dernière question pour toi que je pose à chacun de nos invités sur le déclic. Est-ce que tu peux nous partager le déclic qui a fait toute la différence pour toi dans ta vie, que ce soit professionnel comme personnel, que tu n'as pas encore partagé dans cet épisode, que peut-être tu n'as jamais partagé ailleurs ? Ça peut être une simple phrase, ça peut être un peu Une décision, ça peut être une frustration, ça peut être quelque chose de positif, ça peut être quelque chose de moins positif, peu importe. Tu as carte blanche pour le mot de la fin.

  • Speaker #0

    Écoute, le déclic dans ma vie, c'est des rencontres. La rencontre avec Kurt, la rencontre avec Henri Saval, qui m'a initié au management socio-économique, la rencontre avec Alban, qui m'a ouvert l'univers du whisky, la rencontre avec... Christophe et Thierry qui m'ont ouvert l'univers de la musique, du live. Et je crois que moi, je cultive cette culture de la rencontre. Je suis beaucoup sollicité, mais je laisse toujours de la bande passante pour rencontrer des gens que logiquement, rien ne m'invite à rencontrer. Et je dirais même, parfois... Les gens sont surpris que je réponde à leurs sollicitations. Et j'essaye de dire à mes équipes, faites de même. Finalement, dans la vie, restez et soyez ouverts à la rencontre. Parce que les choses dans la vie, on les fait avec d'autres êtres humains. Et souvent, on construit de très, très belles choses suite à une belle rencontre.

  • Speaker #1

    Merci Christophe.

  • Speaker #0

    Merci à toi, Alec.

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Description

Il y a 25 ans, Christophe Fargier rentrait des États-Unis avec une idée folle : créer en France un lieu de vie autour de la bière artisanale, des burgers faits maison et de la musique live.


En 1997, il ouvre le premier Ninkasi à Lyon.


Aujourd’hui ? Plus de 27 établissements, une fabrique ultramoderne, des bières distribuées en grande surface, une marque devenue culte… Mais surtout : un modèle de croissance à contre-courant des chaînes standardisées.


Dans cet épisode du Déclic, Christophe vous raconte comment il a transformé un projet local, presque militant, en un groupe national sans jamais perdre son âme.


On parle ensemble de :

  • Son déclic aux États-Unis et la naissance du concept Ninkasi

  • Comment faire grandir un projet artisanal sans le dénaturer

  • Les secrets pour franchiser sans standardiser

  • La manière de garder une vision humaine et culturelle, même dans une grande structure

  • Les changements d’état d’esprit essentiels pour passer d’artisan passionné à entrepreneur visionnaire


Vous voulez créer un lieu, un projet ou un business avec du sens et de l’ambition ? Cet épisode va vous parler.


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Transcription

  • Speaker #0

    Depuis 2017, j'accompagne et côtoie des entrepreneurs à succès. Chaque rencontre est unique et permet d'identifier ce qui crée la réussite. Je suis Alec Henry, l'initiateur du mouvement Entrepreneurs.com et dans ce podcast, j'ai l'opportunité d'échanger avec des personnalités inspirantes qui ont su créer la différence. Avec Le Déclic, je vous offre une perspective unique afin que vous puissiez à votre tour faire la différence. Bonjour et bienvenue dans ce nouvel épisode du podcast Le Déclic. Encore une fois, bien accompagné, je suis avec Christophe Fargier, fondateur du groupe Ninkasi, Christophe, comment tu vas ?

  • Speaker #1

    Ça va très bien, merci.

  • Speaker #0

    Eh bien écoute, heureux de t'avoir ici sur le plateau du Pottiast Le Déclic. Rapidement, je te présente, inspiré par les group-up américains, le mouvement craft également, tu ramènes en 1997 en France un concept inédit, les brasseries artisanales alliant bière, burgers et musique. En 25 ans, Ninkasi est passé d'une micro-brasserie à plus de 27 établissements en France. avec une fabrique ultra moderne, des bières distribuées en grande surface et une notoriété nationale. Le pari que vous avez pris, grandir comme un groupe sans perdre l'âme d'artisan avec la conviction que l'entrepreneuriat ne doit pas seulement créer de la valeur économique mais aussi un impact collectif durable et culturel en renforçant le lien social autour de chaque établissement. Dans cet épisode, on va explorer avec toi un sujet extrêmement intéressant, comment transformer un savoir-faire local en un groupe national. Bienvenue sur le Déclic Christophe.

  • Speaker #1

    Merci. Merci aussi pour cette présentation. Oui, il y a un vrai challenge dans ce que tu as présenté, qui est comment je grandis sans perdre mon âme, sans rentrer en contradiction avec les valeurs qui ont fondé le projet. Nous, on a une phrase qu'on aime bien utiliser, c'est finalement « rester une entreprise enracinée dans son territoire » . et qu'il le vivifie. Je pense que c'est un peu comme la nature. Un arbre peut grandir, mais il ne faut pas qu'il devienne trop grand, sinon il va faire le vide autour de lui. Sous un arbre énorme, la lumière ne passe plus, il n'y a plus rien qui pousse, donc il faut trouver des équilibres.

  • Speaker #0

    Justement, tu découvres les brewpubs aux Etats-Unis à 20 ans. Qu'est-ce qui t'a frappé au point de vouloir importer ce modèle en France ?

  • Speaker #1

    Après, je termine mes études, je me suis fait un très bon ami américain, Kurt Hoffman,

  • Speaker #2

    qui est venu étudier,

  • Speaker #1

    lui, en France, et on se pose tous les deux la question de ce qu'on va faire à la fin de nos études, et lui me parle de ce phénomène aux Etats-Unis, il est originaire de Portland, Portland c'est une ville qui fait à l'époque un peu plus de 3 millions d'habitants, et qui a une centaine de brasseries. Il me dit Christophe, je suis persuadé que ça, c'est quelque chose qui peut marcher. Je pense que ce qui a également motivé notre envie de se lancer dans cette aventure, c'est l'envie d'apprendre aussi à fabriquer quelque chose de nos mains. Moi, j'ai appris à fabriquer la bière et Kurt a appris à fabriquer le pain, sachant que le pain et la bière, c'est deux produits qui sont très proches. C'est deux produits issus de céréales qui nécessitent une fermentation. Donc je pense que... Ça part de l'observation de succès et aussi d'envie profonde. On avait tous les deux envie de se lancer dans une aventure où on allait produire quelque chose de nomin.

  • Speaker #0

    Et justement, à ce moment-là, le premier Ninkasi ouvre en 1997 dans une ancienne usine. Comment tu t'as convaincu, tes proches, les partenaires, de croire à un projet aussi atypique ? Parce qu'à cette époque, importer... un projet quel qu'il soit depuis les Etats-Unis ou autre c'est pas forcément quelque chose d'anodin l'information elle circule pas comme aujourd'hui y'a pas les réseaux sociaux, y'a pas internet, y'a pas tout ça en tout cas pas dans les mêmes proportions comment est-ce que tu t'y es pris quelles étaient les premières étapes de façon à ce que celles et ceux qui nous écoutent qui sont peut-être porteurs de projets, qui se lancent ou qui veulent développer ou importer quelque chose d'un pays X ou Y à un autre, pourraient s'en inspirer

  • Speaker #1

    Moi, je pense que quand on entreprend, il y a une énergie qui est très importante, c'est l'énergie du rêve.

  • Speaker #2

    Voilà,

  • Speaker #1

    on est resté un an aux États-Unis, on a visité un maximum de lieux, on a vraiment construit notre projet et quand on est revenu en France, ce rêve, on l'a partagé en fait. Les gens qu'on a rencontrés, nos amis, la famille, les banquiers, mais même le propriétaire du bâtiment. c'était un entrepôt 1500 m² on allait lui transformer son local si on se casse la figure qu'est-ce que mon local peut devenir derrière donc il y a eu beaucoup de gens à convaincre et je pense que cette énergie qu'on avait tous les deux on a su la communiquer et pour te donner un exemple en fait sur le site on a été en concurrence avec une discothèque à l'époque quelqu'un proposer aux propriétaires d'en faire une discothèque. Et dans le quartier où on s'est installé, il y avait un McDonald's qui avait ouvert et on a Quick qui a proposé aux propriétaires d'ouvrir un Quick. Ils prenaient beaucoup moins de risques à ouvrir un Quick qu'à l'époque un Inkazi. Et finalement, les gens ont aimé. Cette histoire qu'on était en train de commencer à écrire, ces deux jeunes qui reviennent des États-Unis, enthousiastes, et on a eu l'appui du propriétaire, l'appui du maire du 7e arrondissement de Lyon. Effectivement, les banquiers qui nous ont suivis, à l'époque, on a eu besoin d'apporter 20% en fonds propres et on a réussi à emprunter 80% sur un concept qui n'existait pas. Je pense qu'il y a une énergie, un enthousiasme qu'on a réussi à communiquer à toutes ces personnes qu'on a sollicitées.

  • Speaker #0

    Et ce qui est intéressant de tout ça aussi, c'est que tu n'as pas simplement copié le modèle américain, tu l'as enrichi d'une identité propre. Qu'est-ce que tu voulais transmettre à travers ce triptyque bière, burger, musique ?

  • Speaker #1

    En fait, on a ramené des choses des États-Unis, mais on a combiné aussi beaucoup de choses qu'on aimait. Moi, je crois que quand on entreprend, il faut partir de... de ce qu'on a dans les tripes, de ce qui nous fait vibrer, du plaisir qu'on peut prendre à faire les choses. Donc, on a fait une fabrique de bières. On était heureux de proposer des bières qui se démarquaient de ce qu'on pouvait trouver en France à l'époque. À l'époque, vous aviez dans les bars Heineken, les verres, Cronenbourg, les rouges. Et nous, on venait là pour faire redécouvrir la richesse du monde de la bière et tous les styles qui existent. Et puis, on s'est dit, puisqu'on s'est rendu compte très rapidement que si on voulait écouler notre production, il fallait qu'on crée notre propre point de distribution, donc un lieu de vie, qu'on allait faire le lieu de nos rêves, celui qu'on aurait aimé avoir en tant qu'étudiant. Alors, Kurt, comme il faisait du pain, on a fait notre pain, les bonnes de nos burgers, on a fait du burger gourmet, où les gens composaient eux-mêmes leurs burgers, on a un peu Kurt, il a amené cette dimension un peu à l'américaine, un gros bol de salade. On faisait au tout début des pizzas américaines, une offre barbecue. Ce n'était pas des cuisses de poulet, c'est des cuisses de dinde.

  • Speaker #2

    Voilà,

  • Speaker #1

    un peu en mettre plein les yeux. Et évidemment, on a mis la musique parce qu'on était des gros fans de musique. On était un peu extentrés, donc on avait besoin d'attirer le public. Voilà, on a fait un lieu qui... On a embarqué des gens dans notre aventure, un ami architecte, Cyril Alanik, qui nous a fait la décoration du lieu. Et on a eu un parti pris à l'époque qui était vraiment en rupture. À l'époque, les pubs, on avait l'impression qu'on ouvrait un pub qui était là déjà depuis 100 ans avec de la moquette et des rideaux et des vieilles photos. Nous, on a pris le parti pris de faire quelque chose de très industriel, très froid, matériaux bruts, béton, inox. des moellons et on a fait un lieu blanc en disant qu'il allait se charger de sa propre histoire qu'on ne voulait pas tricher, qu'on voulait être vrai parce qu'on voulait en faire un lieu dans lequel la musique, la culture allaient mettre son empreinte et on a eu un premier article à l'époque dans Le Progrès qui nous a trucidés en disant qu'on était un lieu froid, sans âme Je crois qu'ils avaient appelé ça une cantine Ikea à l'époque. Mais finalement, il ne faut pas craindre de prendre ces risques parce que ces parties-pris fait que vous allez susciter de l'intérêt. Il y a des gens qui vont aimer et des gens qui ne vont pas aimer. Mais si vous êtes tiède, finalement, vous ne plaisez à personne. Donc, c'est vrai que l'article dans le progrès,

  • Speaker #2

    il nous a beaucoup inquiétés.

  • Speaker #1

    On s'est dit, oulala, ça va être difficile. On était loin. du centre, il a fallu qu'on construise notre clientèle, ça a pris du temps il ne faut pas se décourager, il ne faut pas baisser les bras, mais petit à petit le fait d'être marqué dans notre positionnement fait qu'on a trouvé nos clients des clients qui ont adoré ce qu'on faisait, qui en ont parlé, donc le bouche à oreille avec des gens qui adhèrent, ils marchent très bien et finalement pour réussir dans un projet comme le nôtre, on n'a pas besoin de plaire à 100% des gens, il faut trouver juste suffisamment de clients pour que le modèle y tourne.

  • Speaker #0

    Complètement. Et justement, Ninkasi est passé de un établissement à quelques établissements, à plus de 25 établissements aujourd'hui. Le but, c'est de continuer à grandir. Vous êtes encore dans ce cycle d'expansion avec la volonté d'en ouvrir un, deux, trois, quatre, cinq par an. Comment on fait pour préserver la qualité et l'authenticité de ses produits, de son âme, sa culture, de son concept, malgré l'expansion ? Alors certes, il y a le côté franchise et standardisation. Mais est-ce qu'il y a d'autres choses que vous avez mis en place pour continuer à grandir sans perdre cette âme dont tu parles ?

  • Speaker #1

    En fait, je pense que ce qui a d'importance, c'est le rythme. de la croissance. Finalement, on a ouvert en 1997, on est en 2025, on se rapproche de nos 30 ans. C'est quelque chose qu'on a fait progressivement. Finalement, on s'est développé sur la métropole lyonnaise, on s'est ensuite développé sur la région Auvergne-Rhône-Alpes et on commence à sortir de la région Auvergne-Rhône-Alpes depuis 2-3 ans. Donc on a construit... solide, c'est des paliers. Passer d'un établissement à quelques établissements, c'est un premier palier. Il faut apprendre de nouvelles choses, animer un réseau. Alors, quand c'est un réseau en propre, il faut apprendre à piloter des sites distants. Quand ça devient défranchisé, on n'est plus dans la même posture. Piloter un site qui nous appartient et piloter un site qui a signé un contrat de franchise, ce n'est pas la même chose. On a appris le métier de franchiseur et on a toujours veillé à être très cohérent entre les valeurs, le sens qu'on donnait à notre projet. En fait, je n'en ai pas parlé, mais quand on a démarré l'aventure avec Kurt en 1995, On a mis deux ans entre le moment où on a dit on se lance dans cette aventure et le moment où on a ouvert. On a vraiment pris le temps de discuter du sens du projet. Une entreprise citoyenne qui allait s'enraciner dans son territoire, participer à la vie de la cité, qui allait prendre soin de ses collaborateurs pour ensuite être légitime à leur demander de prendre soin des clients, qui allait travailler sur des circuits courts, qui allait connaître ses fournisseurs. qu'elle ait ce souci de son impact, tout ça, c'est des choses dont on a pris le temps de discuter et qu'on a construit au départ et qu'après, on a cherché à préserver. C'est-à-dire que finalement, le circuit court, c'est connaître ses fournisseurs, être dans une relation directe. Mais une fois que j'ai créé une filière sur, par exemple, la pomme de terre pour les frites, cette filière, elle peut bénéficier à un réseau d'établissements qui est au niveau national. Quand on monte un projet et qu'on a passé du temps aux États-Unis, la France, c'est un petit bout des États-Unis, donc le terrain de jeu est suffisamment petit pour que le développement ne nous fasse pas perdre nos valeurs. On s'est rendu compte aussi qu'il y a un portant, parce que c'est des débats qu'on a eus à un moment. Est-ce qu'on reste une entreprise régionale ? Parce que là, c'est un terrain de jeu qu'on maîtrise. On est vraiment au circuit court aussi en distance. Où est-ce qu'on devient une entreprise nationale ? Et on a fait le choix, ça a été une discussion qui a pris un peu de temps en interne, de devenir nationale parce qu'on s'est dit que finalement, c'était renoncer à un combat qui nous tenait à cœur, c'est de faire bouger les lignes dans nos secteurs d'activité. Finalement, je reste une petite brasserie régionale, je laisse la place aux gros acteurs industriels qui rachètent des petites brasseries. de prendre cette place dans le monde de la bière indépendante. On s'est rendu compte que finalement, le fait de grandir, d'avoir plus d'établissements nous rendait structurants. On a pu travailler sur des sujets, la filière sur la viande. Donc, c'est des histoires d'équilibre qu'il faut garder. Comme je l'ai dit, un arbre, ça ne grimpe pas au ciel. À un moment, il sera assez petit. certainement temps de dire on a aujourd'hui atteint une taille qui est optimum. Si on grandit plus, finalement on va fragiliser un certain nombre de nos valeurs, on va y perdre notre âme. Mais je pense que l'ambition nationale du Ninkasi actuellement ne met pas en péril l'âme et les valeurs d'origine.

  • Speaker #0

    Complètement. Et quel conseil tu pourrais donner justement à quelqu'un qui nous écoute, qui désire transformer... un concept, un local, une boutique, un restaurant, peu importe finalement une agence, peu importe le type de commerce, d'affaires, qui l'ou qu'elle a, mais un concept qu'on peut franchiser. Parce que finalement, la franchise reste aujourd'hui un des leviers les plus réplicables et efficaces pour développer une expansion et une... une couverture nationale, voire internationale derrière. Pour autant, ce n'est pas forcément quelque chose que beaucoup maîtrisent. Ce n'est pas si simple de lancer un concept de franchise. Souvent, en plus, on fait quelques erreurs lorsqu'on lance... le premier restaurant, la première affaire. Du coup, ensuite, on doit en lancer un second en mode pilote par rapport à tout ce qu'on a pu optimiser pour faire en sorte que ces futurs franchisés soient en capacité de répliquer la chose et d'aller chercher aussi de la rentabilité et de la performance. Quelles ont été pour vous les étapes ? Est-ce que tout de suite, lorsque vous avez créé le premier Linkassi en 1997, il y avait cette volonté de développer en franchise ? Ou est-ce que c'est venu après ? Et si c'est venu après, comment est-ce que vous vous y êtes pris ?

  • Speaker #1

    Tu vois, il y a des gens qui me disent « Christophe, tu as été visionnaire dans ce que tu as fait » . Moi, je leur dis non, non, pas du tout. En fait, je n'ai pas été visionnaire, je suis un entrepreneur,

  • Speaker #2

    c'est-à-dire que je suis actif,

  • Speaker #1

    je passe à l'acte. C'est-à-dire qu'en plus de l'énergie du rêve qui est présente, il y a une capacité de mise en action. Ce qui fait qu'on tente beaucoup de choses et quand on tente des choses, on se met en difficulté. Je te donne un exemple. On est un gros café-concert au démarrage. Très rapidement, les artistes nous disent qu'on aimerait pouvoir faire de l'entrée payante pour pouvoir améliorer nos rémunérations. Et moi, je dis que c'est hors de question. C'est le principe du Ninkasi, il est ouvert à tous, lieu de brassage. Donc je dis, si vous voulez qu'on fasse du concert, on va créer une salle de spectacle. Donc 97, trois ans plus tard, 2000, on crée une salle de concert. de 2000 personnes,

  • Speaker #2

    de

  • Speaker #1

    700 personnes, 700 places. Et ça nous met en grande difficulté, parce qu'évidemment, on a fait les choses sous le coup un peu de l'émotion, de l'envie, et cette salle, elle n'est absolument pas viable. Qu'est-ce que je fais ? Je la ferme ou je la transforme en discothèque, ou finalement, je ne renonce pas à mon rêve. Je ne renonce pas à mon rêve. Et on décide d'élargir la base commerciale du Ninkasi. C'est ça qui va nous amener à ouvrir dans le centre de Lyon trois petits Ninkasi. Parce qu'on se dit, mais cette salle, elle a augmenté notre notoriété, notre image. Elle a même valorisé la notoriété et l'image du Ninkasi. Donc, plutôt que de la fermer, parce qu'elle est devenue un gros foyer de pertes, on va ouvrir trois petits Ninkasi dans le centre de Lyon pour que la base économique, celle qui tourne, soit plus large et nous permette de maintenir le projet. On en a ouvert après deux autres, on est arrivé à cinq. Et puis, j'ai un de mes directeurs qui me dit, « Mais tu sais, moi, Christophe, je suis hyper content. Je suis rentré chez toi comme serveur. Aujourd'hui, je suis directeur d'un établissement, mais mon rêve, c'est de devenir mon propre patron. Est-ce que c'est possible ? » Et ça a été notre premier franchisé. Donc, tu vois, ce n'est pas une vision. C'est-à-dire que moi, je ne savais absolument pas en 97 qu'on allait se développer sous cette forme-là. En fait… on entreprend, on fait des choses. Souvent, c'est une envie profonde qui est à l'origine d'un projet qu'on initie. Et puis, face aux difficultés qu'on rencontre, on trouve des solutions. Et ces solutions, elles ouvrent des chemins. Voilà, donc, moi, j'ai découvert la franchise par ce biais-là. Et la franchise, c'est quelque chose d'extraordinaire parce que finalement, aujourd'hui, on est dans un monde où il faut de l'agilité. Si tu es sur un système où tu te développes avec des directeurs, des succursales qu'il faut que tu contrôles sous des régimes salariés, ça va être très compliqué. L'intérêt de la franchise, c'est que tu vas recruter des commerçants indépendants qui sont des entrepreneurs. Et tu démultiplies, c'est l'intelligence collective. Ils vont entreprendre, ils vont tenter des choses, ils vont te challenger, ils vont faire vivre ton concept, développer ton savoir-faire. Alors évidemment, il faut faire des bons castings, et parfois on fait des hors-casting, mais en fait, on ne peut pas progresser si on ne commet pas des erreurs et chaque erreur doit être une source d'apprentissage. Donc moi, je crois beaucoup au modèle de la franchise qui est finalement un modèle de développement en réseau. C'est une forme de décentralisation synchronisée qui peut permettre de ne pas perdre son âme et même de devenir plus agile et plus robuste. Effectivement, il faut développer une compétence qui est une compétence de franchiseur, formaliser un savoir-faire, animer un réseau. C'est une relation qui est contractuelle, le contrat de franchise. Il faut savoir gérer cette relation contractuelle. On a fait des erreurs de casting, on a fait des erreurs d'emplacement. Très important de pouvoir apprendre de ces erreurs et devenir plus performant.

  • Speaker #2

    Mais moi,

  • Speaker #1

    je conseille ce mode de développement qui, à mon avis, est très adapté au monde dans lequel on est rentré, qui est un monde vu-cas, et où il vaut mieux être sur un modèle souple qu'un modèle très rigide, très centralisé.

  • Speaker #0

    Et c'est hyper intéressant ce point, excuse-moi j'ai failli te couper, je voulais rebondir parce que ça a attisé ma curiosité. Donc là, il y a ton collaborateur qui est passé de, je ne sais plus exactement quel job serveur à directeur du premier Ninkasi, qui te dit, j'ai envie d'être mon propre patron, tu te dis ok, pas de problème, on trouve une solution, franchise. Quelles ont été les étapes ? pour lancer la franchise parce que souvent, l'entrepreneur a tendance à se poser mille et une questions, à se dire, est-ce que j'ai tous les outils ? Est-ce que j'ai les bonnes stratégies ? Est-ce que j'ai les bons éléments ? Ou est-ce que là, tu t'es juste dit, j'ai un super élément, il a envie de se lancer, j'ai un super concept, on va répliquer le concept, on va voir ce qui se fait un peu ailleurs mais grosso modo, rendre la chose viable et puis ensuite, on verra. En d'autres termes, tu sautes de l'avion et tu construis le parachute dans la descente.

  • Speaker #1

    Je saute dans la piscine et j'apprends à nager. Non, c'est une démarche heuristique, c'est-à-dire qu'on apprend en faisant. Je pense qu'aujourd'hui, chercher à tout maîtriser avant de se lancer, ce n'est plus possible. Il y a énormément de gens qui auront eu le temps de faire plein de choses et tout va trop vite aujourd'hui pour perdre du temps à être sûr d'être en maîtrise pour pouvoir se lancer. Bien sûr, on va faire des erreurs. Mais si on est agile, si on apprend très rapidement de ses erreurs, donc il faut être dans une capacité de remise en cause introspective très forte. Ça demande de l'humilité. Moi, je le dis en permanence, les gens pétris de certitude sont des terroristes. Aujourd'hui, tout est immanent. C'est-à-dire que la vérité d'un jour, c'est la vérité d'un jour. Tout peut être remis en cause le lendemain. Ce n'est pas parce qu'on avait dit ça aujourd'hui que demain, ça restera vrai. Il faut que finalement, c'est une culture qu'on a construit au Ninkasi. c'est l'instabilité en fait. Tout peut être mis en cause, tout peut changer, et faire de la conduite du changement quelque chose d'agréable, pas une source de stress. Finalement,

  • Speaker #2

    on est en mouvement et c'est passionnant.

  • Speaker #1

    Chaque journée qui démarre est une nouvelle journée qui peut nous surprendre ou il peut y avoir des choses qui se passent qu'on n'avait pas prévues. On n'est pas dans la monotonie. Et finalement, nous le métier de franchiseur, on l'a appris. en marchant. Bien sûr qu'on a commis des erreurs,

  • Speaker #2

    mais aujourd'hui,

  • Speaker #1

    on a suffisamment marché pour avoir un savoir-faire de franchiseur qui est solide et qui nous permet d'être plus ambitieux. On a commencé à se développer dans la métropole lyonnaise, après dans la région auvergne-en-Alpes, et puis maintenant, on a une ambition nationale et les choses se sont faites progressivement.

  • Speaker #0

    Je rebondis sur ces éléments parce qu'aujourd'hui, Il y a effectivement une envergure nationale. Beaucoup d'artisans ont peur que la croissance dénature leur projet. Quels choix concrets t'ont permis de garder une âme artisanale dans un réseau national ?

  • Speaker #1

    La notion d'artisanat dans la bière, elle a créé beaucoup de polémiques. On a participé à la création du syndicat national des brasseurs indépendants. Et un des sujets, c'est comment... on défend l'appellation artisanale dans le monde de la bière. On n'y est pas arrivé. Pourquoi ? Si on voulait défendre la notion d'artisanat, il fallait obligatoirement que quelqu'un qui fabrique de la bière passe un diplôme, qu'il s'enregistre à la chambre des métiers et que son entreprise ne dépasse pas 10 personnes.

  • Speaker #2

    Donc,

  • Speaker #1

    il y a tellement de brasseurs qui se sont... Et j'en fais partie. Alors si, j'ai fait une école aux États-Unis, mais... Le diplôme, il n'est pas reconnu en France. Il y a tellement de brasseurs qui se sont lancés en apprenant dans les livres ou en en prenant tout seul qu'il était hors de question qu'à un moment, on crée une barrière à la création d'une brasserie. Donc, finalement, il n'a pas été possible d'encadrer l'utilisation du mot artisan. Et aujourd'hui, Heineken utilise sur certaines de ses bières le mot artisan. Donc, le mot ne peut pas être défendu. Le mot artisan aussi, il veut dire fait avec les mains. Et finalement, la fabrication de la bière, quand on grandit, il s'industrialise.

  • Speaker #2

    Nous,

  • Speaker #1

    on a démarré avec une brasserie où je faisais avec les mains. Puis, on est à notre troisième brasserie où les brasseurs, aujourd'hui, sont derrière des écrans. Alors, ils continuent de faire de la bière de manière artisanale. Parce que finalement, le fait de produire nos bières standards de manière très processée leur a redonné du temps. pour travailler sur un petit système de brassage et faire ce qu'on appelle des pilotes. C'est-à-dire qu'on fait de la création, on innove. Et finalement, c'est la logique du « en même temps » . Ce n'est pas du macronisme, c'est du taoïsme. L'industrialisation du process nous a permis de faire de meilleures bières, plus qualitatives, plus constantes, et à libérer du temps pour continuer d'être innovants.

  • Speaker #2

    et créer des bières,

  • Speaker #1

    des recettes de bières originales. Et je pense que ce qu'il faut garder pour ne pas perdre son âme, c'est l'amour du produit. Tu vois, dans l'histoire du business, ça a été la production qui, pendant un temps, détenait le pouvoir dans les entreprises. Puis après, ça a été le marketing. Aujourd'hui, on vit à une époque où c'est la finance. Au Ninkasi, c'est la production qui a le pouvoir. Il n'y a pas un service marketing qui dit il faut que tu me fasses une bière comme ci, comme ça. C'est les brasseurs qui aujourd'hui ont un rôle essentiel et qui décident si une bière va sortir ou pas. Et le produit reste le cœur, le cœur du modèle. Et je pense que c'est une façon de préserver l'authenticité, ce qui a été à l'origine en fait. Et aujourd'hui, on s'est lancé par une belle rencontre dans l'univers des spiritueux qui nous a permis de découvrir des univers extraordinaires, l'univers de la tonnerie, la civil culture. On a des forêts de chênes extraordinaires dans nos pays, les savoir-faire des vignerons dans l'élevage de leurs vins. Et c'est l'amour du produit et la passion du produit qui doit rester le moteur principal.

  • Speaker #0

    Et c'est hyper intéressant ce point justement où c'est le produit qui est au centre également du... du marketing, de la vente et ça touche beaucoup de domaines aujourd'hui, on a des marchés qui sont très sophistiqués où effectivement le produit compte pour beaucoup alors que pendant longtemps, d'autres éléments pouvaient faire la différence. Comment vous vous êtes également développé sur la partie distribution en grande surface ? C'est un terrain qui a priori est également à l'opposé de l'artisanat, pour autant vous avez réussi à concilier l'élargissement de la surface où vous pouvez... offrir et distribuer vos produits à ceux qui les désirent, tout en gardant l'identité craft ?

  • Speaker #1

    En fait, il faut toujours rester très lucide sur les enjeux. 80% de la bière en France se vend en GMS. Le reste, 10% dans les bars, et puis après dans des réseaux spécialisés, sur des sites d'e-commerce et encore e-commerce, c'est extrêmement faible. Si on veut... être une brasserie qui défend la bière. Soit on décide d'aller jouer sur le terrain de jeu où tout se passe, soit on décide de ne pas y aller. Mais moi, à un moment, j'ai été confronté à des brassières artisanales qui me disaient « Les petites brasseries, Christophe, t'as perdu ton âme, t'es allé en GMS. » Ben non. Aujourd'hui, quand on regarde ce qui s'est passé, la GMS, elle a créé des rayons bière. C'est elle qui a fait une bière artisanale à la Bière Craft. Chez les cavistes, Il n'y a jamais eu ce phénomène. Donc, on a réussi à faire bouger les lignes. Nous, à Lyon, je me souviens, en fait, quand on a commencé à devenir un petit peu connu à Lyon, au début des années 2000, on est allé voir les petits casinos en leur disant, prenez la bière Ninkasi. Parce que la marque commençait à être inconnue. Si les gens viennent dans nos établissements pour boire la bière, je suis persuadé qu'ils seront contents de la retrouver, qu'ils l'achèteront. Ça s'est passé. Et on a réussi à créer ce rayon bière artisanal. C'est quelque chose qui s'est développé lentement, au point que finalement, la bière en GMS, en grande distribution, est devenue un facteur de croissance qui a attiré des clients et qui s'est fortement développé. Donc aujourd'hui, il faut être très clairvoyant sur ce qui se passe. et aller se battre là où ça vaut la peine de se battre.

  • Speaker #0

    Et on a fait bouger le marché de la bière. Il y a 2500 brasseries qui se sont créées, des rayons bière qui se sont développés et les gros acteurs de la bière qui se sont intéressés. Aujourd'hui, les gros acteurs de la bière, ils sont très contents de ce phénomène-là. Ça a revalorisé la bière. La bière était devenue un produit qui avait une image assez pauvre puisque finalement, le style dominant, c'était la bière blonde légère industrielle. Et la bière a retrouvé ses lettres de noblesse et a été un produit qui s'est... à nouveau valorisé. Voilà. Moi, en 97, on achetait des packs de Crow ou de Heineken et on se battait sur le prix. En 2025, aujourd'hui, vous avez le choix de plein de styles et la bière a retrouvé de la valeur.

  • Speaker #1

    Complètement. Tu as une vision assez claire aujourd'hui de la chose et c'est une vision vraiment d'entrepreneur, de chef d'entreprise, tout en gardant cette passion que tu as pour le concept, la bière, le partage et ce qui t'a lancé également. Quand tu démarres Ninkasi, tu es avant tout un passionné qui veut brasser de la bière et créer un lien convivial et un lieu convivial pour les gens. À quel moment tu as compris que tu devais devenir un chef d'entreprise et pas seulement un artisan ? Je te pose cette question parce qu'il y a beaucoup de gens qui nous écoutent et qui s'en rendent compte même parfois trop tard et qui pendant des années en fait pensaient que c'est en restant dans ce schéma qu'ils auraient le plus d'impact et qu'ils pourraient faire véhiculer le plus possible leur message, mettre leurs produits dans la main de plus de gens, alors qu'en réalité, les leviers ne se situent pas ici uniquement.

  • Speaker #0

    Oui, en fait, le développement d'une entreprise, c'est qu'on franchit des paliers et à un moment, il faut arriver à se rendre compte qu'on est le frein au développement de l'entreprise. en fait C'est des questions de taille. Moi, c'est arrivé à un moment où je me rendais compte qu'en fait, tout passait par moi et que j'étais devenu un nœud d'étranglement. Et que si je n'apprenais pas à déléguer et à faire de la place aux autres et à descendre de la scène et à pouvoir confier à d'autres des choses que j'estimais être le mieux à même de faire, eh bien, je n'aurais pas de développement. Voilà. Et en fait... À un moment, comprendre qu'il faut descendre de la scène et devenir un chef d'orchestre et laisser de la place à d'autres et donc d'apprendre un métier qui est un métier de chef d'orchestre ou de metteur en scène, c'est quelque chose de pas naturel parce que quand au début, on a fabriqué la bière, on a été derrière le bar, on a programmé des artistes, on faisait tout, on faisait la cuisine, on faisait la compta, on faisait les RH. Voilà, mais en fait... Comment on y arrive quand on crée des relations très saines avec ses collaborateurs et qu'on n'a pas construit une cour qui est toujours là pour nous dire t'es génial, t'es le plus fort, mais des gens qui vous parlent sincèrement et qui disent là Christophe tu me fais chier ou là Christophe si ça continue comme ça je me barre, et bien ça vous fait bouger, c'est-à-dire que feedback is a gift, il faut créer les conditions pour que son entourage, mais même son écosystème, ses fournisseurs. soit dans une relation authentique et vous renvoie parfois tous les mauvais gestes et toutes les mauvaises postures que vous pouvez avoir pour que vous compreniez qu'il faut changer, qu'il faut se remettre en cause ou peut-être que vous compreniez que là-dessus, vous n'êtes pas bon et que ce n'est peut-être pas vous de le faire. Et pour te donner aussi un exemple très illustrant de ça, moi, au moment de la crise Covid, moi, je n'ai pas eu peur du... du Covid, moi j'ai eu peur que mon entreprise disparaisse. Donc mon travail, ça a été de trouver des moyens pour qu'on continue d'être en activité. Et moi, les équipes, ils n'en étaient pas là. Les équipes, ils étaient inquiets pour leurs proches, pour leur famille. Donc j'étais en avance de phase. Et à l'époque, j'ai des gens qui m'ont dit « Christophe, là tu déconnes, parce que tu n'as pas actuellement le bon discours. Donc laisse-nous faire, prépare demain. Mais là, dans l'instant présent... » tu n'es pas la bonne personne pour gérer la situation. Et j'ai eu cette capacité à m'effacer, à leur laisser prendre la main pour gérer cette période où il a fallu cette phase de sidération et de digestion où moi, j'étais en avance de phase. Et en fait, le fait d'avoir des équipes où on est dans des relations très vraies, c'est extrêmement utile parce qu'on est systématiquement un problème. Ça n'existe pas une situation de crise dysfonctionnelle où le chef d'entreprise... ou la chaîne d'entreprise n'est pas une partie du problème. Il faut que tout ça puisse être perçu, être dit. On s'enferme dans des boucles et on ne franchit pas le palier.

  • Speaker #1

    Totalement. Je ne peux que confirmer tout ce que tu évoques. Et justement, grandir implique de changer de rôle à plusieurs reprises. Tu l'as évoqué indirectement, mais quand tu as le goulot d'étranglement de ta boîte, c'est très complexe. Donc, tu dois déléguer, tu dois structurer, tu dois gérer les fonds, tu dois lever des fonds, tu dois projeter ta trésorerie, tu dois recruter, tu dois faire face au challenge que tu as évoqué. le Covid ou autre et garder, ne pas perdre pied. Quelles ont été pour toi les transitions les plus difficiles dans ce passage d'artisan à entrepreneur ? Parce que tu l'as évoqué aussi, c'est plein d'étapes. Quand tu passes de 1 à 3, de 3 à 5, à 10, à 20, à 25, à ce que vous voulez mettre en place ou même à la grande distribution et tous ces sujets. Quelles ont été les différentes étapes ? À quel moment ça a été le plus dur ? Est-ce que c'est le moment où tu délègues ? Est-ce que c'est le moment où tu as l'impression de perdre le contrôle sur certains sujets ? Est-ce que c'est le moment où ça devient trop gros pour le gérer ? Est-ce qu'il y a eu des points où ça a été vraiment un challenge pour toi ?

  • Speaker #0

    Écoute, je crois que... Tu vois, là, je suis en train de m'en vivre un. Un challenge... En fait, on a décidé de basculer sur un modèle industriel. On a investi dans un... dans un outil qui nous a coûté 32 millions d'euros, alors qu'on faisait, au moment où on a investi, 25 millions d'euros de chiffre d'affaires. Et finalement, passer d'un modèle où l'activité de franchise, de restaurant, de pub, était dominante à un modèle où c'est la dimension industrielle qui vient de dominante, c'est radicalement différent. Et en fait, ces transitions, ces basculements, il nécessite de... modifier en profondeur tes croyances, tes référentiels, tes convictions. Et c'est ça qui a de compliqué, en fait, parce qu'on est des êtres paresseux, et la remise en cause de manière profonde, c'est un effort qui est immense à faire. Voilà, et puis, à chaque fois, la question que je me pose aujourd'hui, j'ai 55 ans. de dire mais est-ce que t'es pas dépassé ? Est-ce que t'es toujours suffisamment lucide ? Est-ce qu'il n'y a pas finalement des choses, aujourd'hui le monde va tellement vite, s'accélère, des choses que tu ne comprends plus, que tu ne vois plus, que tu ne perçois plus. Donc voilà, c'est des moments qui sont difficiles parce que le doute s'installe et on n'est sûr de rien. Donc ce qui est très important, c'est d'être bien entouré. de s'entourer de gens qui ne nous ressemblent pas, qui nous complètent. J'ai la chance d'avoir une moyenne d'âge au Ninkasi qui est très basse. Il y a du sang neuf, il y a des gens qui viennent d'horizons très différents et c'est quelque chose qui me rassure parce que finalement, j'ai une vraie qualité de dialogue au Ninkasi, quelque chose que j'entretiens. Les gens se sentent libres d'exprimer ce qu'ils pensent, de dire ce qu'ils pensent. La notion d'intelligence collective, ce n'est pas un slogan, c'est quelque chose qui se vit concrètement et je trouve que c'est une sorte de filet de sécurité pour finalement aider à la bonne prise de décision.

  • Speaker #1

    C'est hyper intéressant cette conscience d'hyperlucidité sur son niveau de compétence, mais d'éveil par rapport à l'évolution d'un marché. par exemple par rapport à la technologie, par exemple par rapport aux réseaux sociaux, par exemple par rapport à l'intelligence artificielle. Et ça, je pense que c'est une des choses qu'on doit retenir de ce super échange. J'ai deux dernières questions pour toi. La première, c'est pour les artisans qui nous écoutent et qui hésitent à viser plus grand, quel changement de mentalité est indispensable pour oser se projeter en entrepreneur avec un grand E et avec une vision comme tu as, où tu as osé finalement prendre... un produit artisanal et le déployer à grande échelle pour faire en sorte que ça devienne ce que c'est aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    En fait, on prend des décisions parce qu'on pense que ça sert le projet. Si je parle de la bière, on a la chance, sur les enjeux de limites planétaires, d'être dans l'industrie agroalimentaire, qui est responsable de 70% des dépassements des limites planétaires. Mais si je reste petit, je ne vais rien changer. Si je deviens plus gros, je peux structurer la filière. Qu'est-ce qui se passe actuellement ? On travaille avec le groupe Soufflé, qui est le premier producteur de malt en France, et je me demande s'il ne l'est pas également au monde. Pendant des années, on n'a rien fait bouger chez le groupe Soufflé. On commence à acheter des volumes plus importants, il commence à voir que le Ninkasi a une audience de plus en plus large et en 2025, on travaille avec le groupe Soufflé sur la création d'une filière malte régénératrice. Quelque part, le fait de grossir va nous permettre d'atteindre un des objectifs qui est le plus important pour nous. c'est de faire en sorte que le projet serve la transformation de nos modèles, notamment le modèle agroalimentaire. Et donc, ça nous motive, ça nous donne de l'énergie, ça donne du sens. Moi, je crois que ce qu'il y a d'important, c'est de conserver cet alignement. C'est-à-dire que finalement, peut-être que derrière le mot artisan, il y a cette notion de sens, de fierté, et ça, il ne faut pas le perdre. Il ne faut pas qu'une décision qu'on prend à un moment nous écarte du chemin et qu'on y perde notre âme moi je crois, et attention c'est très difficile et parfois on peut prendre de mauvaises décisions mais c'est peut-être ça qui doit être notre ligne de conduite et nous aujourd'hui on devient entreprise à mission on évalue ce qu'on fait, on le diffuse auprès de nos communautés et on prend des retours de bâton voilà parce que aujourd'hui il faut amener de la transparence dans tout ça et sur ce qu'on fait bien et sur ce qu'on fait moins bien pour que cette confiance qu'on construit avec sa chaîne de valeur elle soit solide.

  • Speaker #1

    Merci Christophe pour ces éléments, pour cet épisode, j'ai adoré partager ce moment avec toi et avoir cet échange je pourrais rester des heures et j'aurais plein de questions encore à creuser à te poser, aller plus en profondeur sur certains sujets, d'ailleurs si vous avez eu autant de plaisir à écouter cet épisode que je n'en ai eu à l'anime, faites-le nous savoir comme à chaque fois en mettant 5 étoiles sur votre plateforme de streaming préférée, en partageant également cet épisode. On va faire un article LinkedIn sur celui-ci, comme à chaque fois, n'hésitez pas à interagir dessus. Et Christophe, j'ai une dernière question pour toi que je pose à chacun de nos invités sur le déclic. Est-ce que tu peux nous partager le déclic qui a fait toute la différence pour toi dans ta vie, que ce soit professionnel comme personnel, que tu n'as pas encore partagé dans cet épisode, que peut-être tu n'as jamais partagé ailleurs ? Ça peut être une simple phrase, ça peut être un peu Une décision, ça peut être une frustration, ça peut être quelque chose de positif, ça peut être quelque chose de moins positif, peu importe. Tu as carte blanche pour le mot de la fin.

  • Speaker #0

    Écoute, le déclic dans ma vie, c'est des rencontres. La rencontre avec Kurt, la rencontre avec Henri Saval, qui m'a initié au management socio-économique, la rencontre avec Alban, qui m'a ouvert l'univers du whisky, la rencontre avec... Christophe et Thierry qui m'ont ouvert l'univers de la musique, du live. Et je crois que moi, je cultive cette culture de la rencontre. Je suis beaucoup sollicité, mais je laisse toujours de la bande passante pour rencontrer des gens que logiquement, rien ne m'invite à rencontrer. Et je dirais même, parfois... Les gens sont surpris que je réponde à leurs sollicitations. Et j'essaye de dire à mes équipes, faites de même. Finalement, dans la vie, restez et soyez ouverts à la rencontre. Parce que les choses dans la vie, on les fait avec d'autres êtres humains. Et souvent, on construit de très, très belles choses suite à une belle rencontre.

  • Speaker #1

    Merci Christophe.

  • Speaker #0

    Merci à toi, Alec.

Description

Il y a 25 ans, Christophe Fargier rentrait des États-Unis avec une idée folle : créer en France un lieu de vie autour de la bière artisanale, des burgers faits maison et de la musique live.


En 1997, il ouvre le premier Ninkasi à Lyon.


Aujourd’hui ? Plus de 27 établissements, une fabrique ultramoderne, des bières distribuées en grande surface, une marque devenue culte… Mais surtout : un modèle de croissance à contre-courant des chaînes standardisées.


Dans cet épisode du Déclic, Christophe vous raconte comment il a transformé un projet local, presque militant, en un groupe national sans jamais perdre son âme.


On parle ensemble de :

  • Son déclic aux États-Unis et la naissance du concept Ninkasi

  • Comment faire grandir un projet artisanal sans le dénaturer

  • Les secrets pour franchiser sans standardiser

  • La manière de garder une vision humaine et culturelle, même dans une grande structure

  • Les changements d’état d’esprit essentiels pour passer d’artisan passionné à entrepreneur visionnaire


Vous voulez créer un lieu, un projet ou un business avec du sens et de l’ambition ? Cet épisode va vous parler.


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Transcription

  • Speaker #0

    Depuis 2017, j'accompagne et côtoie des entrepreneurs à succès. Chaque rencontre est unique et permet d'identifier ce qui crée la réussite. Je suis Alec Henry, l'initiateur du mouvement Entrepreneurs.com et dans ce podcast, j'ai l'opportunité d'échanger avec des personnalités inspirantes qui ont su créer la différence. Avec Le Déclic, je vous offre une perspective unique afin que vous puissiez à votre tour faire la différence. Bonjour et bienvenue dans ce nouvel épisode du podcast Le Déclic. Encore une fois, bien accompagné, je suis avec Christophe Fargier, fondateur du groupe Ninkasi, Christophe, comment tu vas ?

  • Speaker #1

    Ça va très bien, merci.

  • Speaker #0

    Eh bien écoute, heureux de t'avoir ici sur le plateau du Pottiast Le Déclic. Rapidement, je te présente, inspiré par les group-up américains, le mouvement craft également, tu ramènes en 1997 en France un concept inédit, les brasseries artisanales alliant bière, burgers et musique. En 25 ans, Ninkasi est passé d'une micro-brasserie à plus de 27 établissements en France. avec une fabrique ultra moderne, des bières distribuées en grande surface et une notoriété nationale. Le pari que vous avez pris, grandir comme un groupe sans perdre l'âme d'artisan avec la conviction que l'entrepreneuriat ne doit pas seulement créer de la valeur économique mais aussi un impact collectif durable et culturel en renforçant le lien social autour de chaque établissement. Dans cet épisode, on va explorer avec toi un sujet extrêmement intéressant, comment transformer un savoir-faire local en un groupe national. Bienvenue sur le Déclic Christophe.

  • Speaker #1

    Merci. Merci aussi pour cette présentation. Oui, il y a un vrai challenge dans ce que tu as présenté, qui est comment je grandis sans perdre mon âme, sans rentrer en contradiction avec les valeurs qui ont fondé le projet. Nous, on a une phrase qu'on aime bien utiliser, c'est finalement « rester une entreprise enracinée dans son territoire » . et qu'il le vivifie. Je pense que c'est un peu comme la nature. Un arbre peut grandir, mais il ne faut pas qu'il devienne trop grand, sinon il va faire le vide autour de lui. Sous un arbre énorme, la lumière ne passe plus, il n'y a plus rien qui pousse, donc il faut trouver des équilibres.

  • Speaker #0

    Justement, tu découvres les brewpubs aux Etats-Unis à 20 ans. Qu'est-ce qui t'a frappé au point de vouloir importer ce modèle en France ?

  • Speaker #1

    Après, je termine mes études, je me suis fait un très bon ami américain, Kurt Hoffman,

  • Speaker #2

    qui est venu étudier,

  • Speaker #1

    lui, en France, et on se pose tous les deux la question de ce qu'on va faire à la fin de nos études, et lui me parle de ce phénomène aux Etats-Unis, il est originaire de Portland, Portland c'est une ville qui fait à l'époque un peu plus de 3 millions d'habitants, et qui a une centaine de brasseries. Il me dit Christophe, je suis persuadé que ça, c'est quelque chose qui peut marcher. Je pense que ce qui a également motivé notre envie de se lancer dans cette aventure, c'est l'envie d'apprendre aussi à fabriquer quelque chose de nos mains. Moi, j'ai appris à fabriquer la bière et Kurt a appris à fabriquer le pain, sachant que le pain et la bière, c'est deux produits qui sont très proches. C'est deux produits issus de céréales qui nécessitent une fermentation. Donc je pense que... Ça part de l'observation de succès et aussi d'envie profonde. On avait tous les deux envie de se lancer dans une aventure où on allait produire quelque chose de nomin.

  • Speaker #0

    Et justement, à ce moment-là, le premier Ninkasi ouvre en 1997 dans une ancienne usine. Comment tu t'as convaincu, tes proches, les partenaires, de croire à un projet aussi atypique ? Parce qu'à cette époque, importer... un projet quel qu'il soit depuis les Etats-Unis ou autre c'est pas forcément quelque chose d'anodin l'information elle circule pas comme aujourd'hui y'a pas les réseaux sociaux, y'a pas internet, y'a pas tout ça en tout cas pas dans les mêmes proportions comment est-ce que tu t'y es pris quelles étaient les premières étapes de façon à ce que celles et ceux qui nous écoutent qui sont peut-être porteurs de projets, qui se lancent ou qui veulent développer ou importer quelque chose d'un pays X ou Y à un autre, pourraient s'en inspirer

  • Speaker #1

    Moi, je pense que quand on entreprend, il y a une énergie qui est très importante, c'est l'énergie du rêve.

  • Speaker #2

    Voilà,

  • Speaker #1

    on est resté un an aux États-Unis, on a visité un maximum de lieux, on a vraiment construit notre projet et quand on est revenu en France, ce rêve, on l'a partagé en fait. Les gens qu'on a rencontrés, nos amis, la famille, les banquiers, mais même le propriétaire du bâtiment. c'était un entrepôt 1500 m² on allait lui transformer son local si on se casse la figure qu'est-ce que mon local peut devenir derrière donc il y a eu beaucoup de gens à convaincre et je pense que cette énergie qu'on avait tous les deux on a su la communiquer et pour te donner un exemple en fait sur le site on a été en concurrence avec une discothèque à l'époque quelqu'un proposer aux propriétaires d'en faire une discothèque. Et dans le quartier où on s'est installé, il y avait un McDonald's qui avait ouvert et on a Quick qui a proposé aux propriétaires d'ouvrir un Quick. Ils prenaient beaucoup moins de risques à ouvrir un Quick qu'à l'époque un Inkazi. Et finalement, les gens ont aimé. Cette histoire qu'on était en train de commencer à écrire, ces deux jeunes qui reviennent des États-Unis, enthousiastes, et on a eu l'appui du propriétaire, l'appui du maire du 7e arrondissement de Lyon. Effectivement, les banquiers qui nous ont suivis, à l'époque, on a eu besoin d'apporter 20% en fonds propres et on a réussi à emprunter 80% sur un concept qui n'existait pas. Je pense qu'il y a une énergie, un enthousiasme qu'on a réussi à communiquer à toutes ces personnes qu'on a sollicitées.

  • Speaker #0

    Et ce qui est intéressant de tout ça aussi, c'est que tu n'as pas simplement copié le modèle américain, tu l'as enrichi d'une identité propre. Qu'est-ce que tu voulais transmettre à travers ce triptyque bière, burger, musique ?

  • Speaker #1

    En fait, on a ramené des choses des États-Unis, mais on a combiné aussi beaucoup de choses qu'on aimait. Moi, je crois que quand on entreprend, il faut partir de... de ce qu'on a dans les tripes, de ce qui nous fait vibrer, du plaisir qu'on peut prendre à faire les choses. Donc, on a fait une fabrique de bières. On était heureux de proposer des bières qui se démarquaient de ce qu'on pouvait trouver en France à l'époque. À l'époque, vous aviez dans les bars Heineken, les verres, Cronenbourg, les rouges. Et nous, on venait là pour faire redécouvrir la richesse du monde de la bière et tous les styles qui existent. Et puis, on s'est dit, puisqu'on s'est rendu compte très rapidement que si on voulait écouler notre production, il fallait qu'on crée notre propre point de distribution, donc un lieu de vie, qu'on allait faire le lieu de nos rêves, celui qu'on aurait aimé avoir en tant qu'étudiant. Alors, Kurt, comme il faisait du pain, on a fait notre pain, les bonnes de nos burgers, on a fait du burger gourmet, où les gens composaient eux-mêmes leurs burgers, on a un peu Kurt, il a amené cette dimension un peu à l'américaine, un gros bol de salade. On faisait au tout début des pizzas américaines, une offre barbecue. Ce n'était pas des cuisses de poulet, c'est des cuisses de dinde.

  • Speaker #2

    Voilà,

  • Speaker #1

    un peu en mettre plein les yeux. Et évidemment, on a mis la musique parce qu'on était des gros fans de musique. On était un peu extentrés, donc on avait besoin d'attirer le public. Voilà, on a fait un lieu qui... On a embarqué des gens dans notre aventure, un ami architecte, Cyril Alanik, qui nous a fait la décoration du lieu. Et on a eu un parti pris à l'époque qui était vraiment en rupture. À l'époque, les pubs, on avait l'impression qu'on ouvrait un pub qui était là déjà depuis 100 ans avec de la moquette et des rideaux et des vieilles photos. Nous, on a pris le parti pris de faire quelque chose de très industriel, très froid, matériaux bruts, béton, inox. des moellons et on a fait un lieu blanc en disant qu'il allait se charger de sa propre histoire qu'on ne voulait pas tricher, qu'on voulait être vrai parce qu'on voulait en faire un lieu dans lequel la musique, la culture allaient mettre son empreinte et on a eu un premier article à l'époque dans Le Progrès qui nous a trucidés en disant qu'on était un lieu froid, sans âme Je crois qu'ils avaient appelé ça une cantine Ikea à l'époque. Mais finalement, il ne faut pas craindre de prendre ces risques parce que ces parties-pris fait que vous allez susciter de l'intérêt. Il y a des gens qui vont aimer et des gens qui ne vont pas aimer. Mais si vous êtes tiède, finalement, vous ne plaisez à personne. Donc, c'est vrai que l'article dans le progrès,

  • Speaker #2

    il nous a beaucoup inquiétés.

  • Speaker #1

    On s'est dit, oulala, ça va être difficile. On était loin. du centre, il a fallu qu'on construise notre clientèle, ça a pris du temps il ne faut pas se décourager, il ne faut pas baisser les bras, mais petit à petit le fait d'être marqué dans notre positionnement fait qu'on a trouvé nos clients des clients qui ont adoré ce qu'on faisait, qui en ont parlé, donc le bouche à oreille avec des gens qui adhèrent, ils marchent très bien et finalement pour réussir dans un projet comme le nôtre, on n'a pas besoin de plaire à 100% des gens, il faut trouver juste suffisamment de clients pour que le modèle y tourne.

  • Speaker #0

    Complètement. Et justement, Ninkasi est passé de un établissement à quelques établissements, à plus de 25 établissements aujourd'hui. Le but, c'est de continuer à grandir. Vous êtes encore dans ce cycle d'expansion avec la volonté d'en ouvrir un, deux, trois, quatre, cinq par an. Comment on fait pour préserver la qualité et l'authenticité de ses produits, de son âme, sa culture, de son concept, malgré l'expansion ? Alors certes, il y a le côté franchise et standardisation. Mais est-ce qu'il y a d'autres choses que vous avez mis en place pour continuer à grandir sans perdre cette âme dont tu parles ?

  • Speaker #1

    En fait, je pense que ce qui a d'importance, c'est le rythme. de la croissance. Finalement, on a ouvert en 1997, on est en 2025, on se rapproche de nos 30 ans. C'est quelque chose qu'on a fait progressivement. Finalement, on s'est développé sur la métropole lyonnaise, on s'est ensuite développé sur la région Auvergne-Rhône-Alpes et on commence à sortir de la région Auvergne-Rhône-Alpes depuis 2-3 ans. Donc on a construit... solide, c'est des paliers. Passer d'un établissement à quelques établissements, c'est un premier palier. Il faut apprendre de nouvelles choses, animer un réseau. Alors, quand c'est un réseau en propre, il faut apprendre à piloter des sites distants. Quand ça devient défranchisé, on n'est plus dans la même posture. Piloter un site qui nous appartient et piloter un site qui a signé un contrat de franchise, ce n'est pas la même chose. On a appris le métier de franchiseur et on a toujours veillé à être très cohérent entre les valeurs, le sens qu'on donnait à notre projet. En fait, je n'en ai pas parlé, mais quand on a démarré l'aventure avec Kurt en 1995, On a mis deux ans entre le moment où on a dit on se lance dans cette aventure et le moment où on a ouvert. On a vraiment pris le temps de discuter du sens du projet. Une entreprise citoyenne qui allait s'enraciner dans son territoire, participer à la vie de la cité, qui allait prendre soin de ses collaborateurs pour ensuite être légitime à leur demander de prendre soin des clients, qui allait travailler sur des circuits courts, qui allait connaître ses fournisseurs. qu'elle ait ce souci de son impact, tout ça, c'est des choses dont on a pris le temps de discuter et qu'on a construit au départ et qu'après, on a cherché à préserver. C'est-à-dire que finalement, le circuit court, c'est connaître ses fournisseurs, être dans une relation directe. Mais une fois que j'ai créé une filière sur, par exemple, la pomme de terre pour les frites, cette filière, elle peut bénéficier à un réseau d'établissements qui est au niveau national. Quand on monte un projet et qu'on a passé du temps aux États-Unis, la France, c'est un petit bout des États-Unis, donc le terrain de jeu est suffisamment petit pour que le développement ne nous fasse pas perdre nos valeurs. On s'est rendu compte aussi qu'il y a un portant, parce que c'est des débats qu'on a eus à un moment. Est-ce qu'on reste une entreprise régionale ? Parce que là, c'est un terrain de jeu qu'on maîtrise. On est vraiment au circuit court aussi en distance. Où est-ce qu'on devient une entreprise nationale ? Et on a fait le choix, ça a été une discussion qui a pris un peu de temps en interne, de devenir nationale parce qu'on s'est dit que finalement, c'était renoncer à un combat qui nous tenait à cœur, c'est de faire bouger les lignes dans nos secteurs d'activité. Finalement, je reste une petite brasserie régionale, je laisse la place aux gros acteurs industriels qui rachètent des petites brasseries. de prendre cette place dans le monde de la bière indépendante. On s'est rendu compte que finalement, le fait de grandir, d'avoir plus d'établissements nous rendait structurants. On a pu travailler sur des sujets, la filière sur la viande. Donc, c'est des histoires d'équilibre qu'il faut garder. Comme je l'ai dit, un arbre, ça ne grimpe pas au ciel. À un moment, il sera assez petit. certainement temps de dire on a aujourd'hui atteint une taille qui est optimum. Si on grandit plus, finalement on va fragiliser un certain nombre de nos valeurs, on va y perdre notre âme. Mais je pense que l'ambition nationale du Ninkasi actuellement ne met pas en péril l'âme et les valeurs d'origine.

  • Speaker #0

    Complètement. Et quel conseil tu pourrais donner justement à quelqu'un qui nous écoute, qui désire transformer... un concept, un local, une boutique, un restaurant, peu importe finalement une agence, peu importe le type de commerce, d'affaires, qui l'ou qu'elle a, mais un concept qu'on peut franchiser. Parce que finalement, la franchise reste aujourd'hui un des leviers les plus réplicables et efficaces pour développer une expansion et une... une couverture nationale, voire internationale derrière. Pour autant, ce n'est pas forcément quelque chose que beaucoup maîtrisent. Ce n'est pas si simple de lancer un concept de franchise. Souvent, en plus, on fait quelques erreurs lorsqu'on lance... le premier restaurant, la première affaire. Du coup, ensuite, on doit en lancer un second en mode pilote par rapport à tout ce qu'on a pu optimiser pour faire en sorte que ces futurs franchisés soient en capacité de répliquer la chose et d'aller chercher aussi de la rentabilité et de la performance. Quelles ont été pour vous les étapes ? Est-ce que tout de suite, lorsque vous avez créé le premier Linkassi en 1997, il y avait cette volonté de développer en franchise ? Ou est-ce que c'est venu après ? Et si c'est venu après, comment est-ce que vous vous y êtes pris ?

  • Speaker #1

    Tu vois, il y a des gens qui me disent « Christophe, tu as été visionnaire dans ce que tu as fait » . Moi, je leur dis non, non, pas du tout. En fait, je n'ai pas été visionnaire, je suis un entrepreneur,

  • Speaker #2

    c'est-à-dire que je suis actif,

  • Speaker #1

    je passe à l'acte. C'est-à-dire qu'en plus de l'énergie du rêve qui est présente, il y a une capacité de mise en action. Ce qui fait qu'on tente beaucoup de choses et quand on tente des choses, on se met en difficulté. Je te donne un exemple. On est un gros café-concert au démarrage. Très rapidement, les artistes nous disent qu'on aimerait pouvoir faire de l'entrée payante pour pouvoir améliorer nos rémunérations. Et moi, je dis que c'est hors de question. C'est le principe du Ninkasi, il est ouvert à tous, lieu de brassage. Donc je dis, si vous voulez qu'on fasse du concert, on va créer une salle de spectacle. Donc 97, trois ans plus tard, 2000, on crée une salle de concert. de 2000 personnes,

  • Speaker #2

    de

  • Speaker #1

    700 personnes, 700 places. Et ça nous met en grande difficulté, parce qu'évidemment, on a fait les choses sous le coup un peu de l'émotion, de l'envie, et cette salle, elle n'est absolument pas viable. Qu'est-ce que je fais ? Je la ferme ou je la transforme en discothèque, ou finalement, je ne renonce pas à mon rêve. Je ne renonce pas à mon rêve. Et on décide d'élargir la base commerciale du Ninkasi. C'est ça qui va nous amener à ouvrir dans le centre de Lyon trois petits Ninkasi. Parce qu'on se dit, mais cette salle, elle a augmenté notre notoriété, notre image. Elle a même valorisé la notoriété et l'image du Ninkasi. Donc, plutôt que de la fermer, parce qu'elle est devenue un gros foyer de pertes, on va ouvrir trois petits Ninkasi dans le centre de Lyon pour que la base économique, celle qui tourne, soit plus large et nous permette de maintenir le projet. On en a ouvert après deux autres, on est arrivé à cinq. Et puis, j'ai un de mes directeurs qui me dit, « Mais tu sais, moi, Christophe, je suis hyper content. Je suis rentré chez toi comme serveur. Aujourd'hui, je suis directeur d'un établissement, mais mon rêve, c'est de devenir mon propre patron. Est-ce que c'est possible ? » Et ça a été notre premier franchisé. Donc, tu vois, ce n'est pas une vision. C'est-à-dire que moi, je ne savais absolument pas en 97 qu'on allait se développer sous cette forme-là. En fait… on entreprend, on fait des choses. Souvent, c'est une envie profonde qui est à l'origine d'un projet qu'on initie. Et puis, face aux difficultés qu'on rencontre, on trouve des solutions. Et ces solutions, elles ouvrent des chemins. Voilà, donc, moi, j'ai découvert la franchise par ce biais-là. Et la franchise, c'est quelque chose d'extraordinaire parce que finalement, aujourd'hui, on est dans un monde où il faut de l'agilité. Si tu es sur un système où tu te développes avec des directeurs, des succursales qu'il faut que tu contrôles sous des régimes salariés, ça va être très compliqué. L'intérêt de la franchise, c'est que tu vas recruter des commerçants indépendants qui sont des entrepreneurs. Et tu démultiplies, c'est l'intelligence collective. Ils vont entreprendre, ils vont tenter des choses, ils vont te challenger, ils vont faire vivre ton concept, développer ton savoir-faire. Alors évidemment, il faut faire des bons castings, et parfois on fait des hors-casting, mais en fait, on ne peut pas progresser si on ne commet pas des erreurs et chaque erreur doit être une source d'apprentissage. Donc moi, je crois beaucoup au modèle de la franchise qui est finalement un modèle de développement en réseau. C'est une forme de décentralisation synchronisée qui peut permettre de ne pas perdre son âme et même de devenir plus agile et plus robuste. Effectivement, il faut développer une compétence qui est une compétence de franchiseur, formaliser un savoir-faire, animer un réseau. C'est une relation qui est contractuelle, le contrat de franchise. Il faut savoir gérer cette relation contractuelle. On a fait des erreurs de casting, on a fait des erreurs d'emplacement. Très important de pouvoir apprendre de ces erreurs et devenir plus performant.

  • Speaker #2

    Mais moi,

  • Speaker #1

    je conseille ce mode de développement qui, à mon avis, est très adapté au monde dans lequel on est rentré, qui est un monde vu-cas, et où il vaut mieux être sur un modèle souple qu'un modèle très rigide, très centralisé.

  • Speaker #0

    Et c'est hyper intéressant ce point, excuse-moi j'ai failli te couper, je voulais rebondir parce que ça a attisé ma curiosité. Donc là, il y a ton collaborateur qui est passé de, je ne sais plus exactement quel job serveur à directeur du premier Ninkasi, qui te dit, j'ai envie d'être mon propre patron, tu te dis ok, pas de problème, on trouve une solution, franchise. Quelles ont été les étapes ? pour lancer la franchise parce que souvent, l'entrepreneur a tendance à se poser mille et une questions, à se dire, est-ce que j'ai tous les outils ? Est-ce que j'ai les bonnes stratégies ? Est-ce que j'ai les bons éléments ? Ou est-ce que là, tu t'es juste dit, j'ai un super élément, il a envie de se lancer, j'ai un super concept, on va répliquer le concept, on va voir ce qui se fait un peu ailleurs mais grosso modo, rendre la chose viable et puis ensuite, on verra. En d'autres termes, tu sautes de l'avion et tu construis le parachute dans la descente.

  • Speaker #1

    Je saute dans la piscine et j'apprends à nager. Non, c'est une démarche heuristique, c'est-à-dire qu'on apprend en faisant. Je pense qu'aujourd'hui, chercher à tout maîtriser avant de se lancer, ce n'est plus possible. Il y a énormément de gens qui auront eu le temps de faire plein de choses et tout va trop vite aujourd'hui pour perdre du temps à être sûr d'être en maîtrise pour pouvoir se lancer. Bien sûr, on va faire des erreurs. Mais si on est agile, si on apprend très rapidement de ses erreurs, donc il faut être dans une capacité de remise en cause introspective très forte. Ça demande de l'humilité. Moi, je le dis en permanence, les gens pétris de certitude sont des terroristes. Aujourd'hui, tout est immanent. C'est-à-dire que la vérité d'un jour, c'est la vérité d'un jour. Tout peut être remis en cause le lendemain. Ce n'est pas parce qu'on avait dit ça aujourd'hui que demain, ça restera vrai. Il faut que finalement, c'est une culture qu'on a construit au Ninkasi. c'est l'instabilité en fait. Tout peut être mis en cause, tout peut changer, et faire de la conduite du changement quelque chose d'agréable, pas une source de stress. Finalement,

  • Speaker #2

    on est en mouvement et c'est passionnant.

  • Speaker #1

    Chaque journée qui démarre est une nouvelle journée qui peut nous surprendre ou il peut y avoir des choses qui se passent qu'on n'avait pas prévues. On n'est pas dans la monotonie. Et finalement, nous le métier de franchiseur, on l'a appris. en marchant. Bien sûr qu'on a commis des erreurs,

  • Speaker #2

    mais aujourd'hui,

  • Speaker #1

    on a suffisamment marché pour avoir un savoir-faire de franchiseur qui est solide et qui nous permet d'être plus ambitieux. On a commencé à se développer dans la métropole lyonnaise, après dans la région auvergne-en-Alpes, et puis maintenant, on a une ambition nationale et les choses se sont faites progressivement.

  • Speaker #0

    Je rebondis sur ces éléments parce qu'aujourd'hui, Il y a effectivement une envergure nationale. Beaucoup d'artisans ont peur que la croissance dénature leur projet. Quels choix concrets t'ont permis de garder une âme artisanale dans un réseau national ?

  • Speaker #1

    La notion d'artisanat dans la bière, elle a créé beaucoup de polémiques. On a participé à la création du syndicat national des brasseurs indépendants. Et un des sujets, c'est comment... on défend l'appellation artisanale dans le monde de la bière. On n'y est pas arrivé. Pourquoi ? Si on voulait défendre la notion d'artisanat, il fallait obligatoirement que quelqu'un qui fabrique de la bière passe un diplôme, qu'il s'enregistre à la chambre des métiers et que son entreprise ne dépasse pas 10 personnes.

  • Speaker #2

    Donc,

  • Speaker #1

    il y a tellement de brasseurs qui se sont... Et j'en fais partie. Alors si, j'ai fait une école aux États-Unis, mais... Le diplôme, il n'est pas reconnu en France. Il y a tellement de brasseurs qui se sont lancés en apprenant dans les livres ou en en prenant tout seul qu'il était hors de question qu'à un moment, on crée une barrière à la création d'une brasserie. Donc, finalement, il n'a pas été possible d'encadrer l'utilisation du mot artisan. Et aujourd'hui, Heineken utilise sur certaines de ses bières le mot artisan. Donc, le mot ne peut pas être défendu. Le mot artisan aussi, il veut dire fait avec les mains. Et finalement, la fabrication de la bière, quand on grandit, il s'industrialise.

  • Speaker #2

    Nous,

  • Speaker #1

    on a démarré avec une brasserie où je faisais avec les mains. Puis, on est à notre troisième brasserie où les brasseurs, aujourd'hui, sont derrière des écrans. Alors, ils continuent de faire de la bière de manière artisanale. Parce que finalement, le fait de produire nos bières standards de manière très processée leur a redonné du temps. pour travailler sur un petit système de brassage et faire ce qu'on appelle des pilotes. C'est-à-dire qu'on fait de la création, on innove. Et finalement, c'est la logique du « en même temps » . Ce n'est pas du macronisme, c'est du taoïsme. L'industrialisation du process nous a permis de faire de meilleures bières, plus qualitatives, plus constantes, et à libérer du temps pour continuer d'être innovants.

  • Speaker #2

    et créer des bières,

  • Speaker #1

    des recettes de bières originales. Et je pense que ce qu'il faut garder pour ne pas perdre son âme, c'est l'amour du produit. Tu vois, dans l'histoire du business, ça a été la production qui, pendant un temps, détenait le pouvoir dans les entreprises. Puis après, ça a été le marketing. Aujourd'hui, on vit à une époque où c'est la finance. Au Ninkasi, c'est la production qui a le pouvoir. Il n'y a pas un service marketing qui dit il faut que tu me fasses une bière comme ci, comme ça. C'est les brasseurs qui aujourd'hui ont un rôle essentiel et qui décident si une bière va sortir ou pas. Et le produit reste le cœur, le cœur du modèle. Et je pense que c'est une façon de préserver l'authenticité, ce qui a été à l'origine en fait. Et aujourd'hui, on s'est lancé par une belle rencontre dans l'univers des spiritueux qui nous a permis de découvrir des univers extraordinaires, l'univers de la tonnerie, la civil culture. On a des forêts de chênes extraordinaires dans nos pays, les savoir-faire des vignerons dans l'élevage de leurs vins. Et c'est l'amour du produit et la passion du produit qui doit rester le moteur principal.

  • Speaker #0

    Et c'est hyper intéressant ce point justement où c'est le produit qui est au centre également du... du marketing, de la vente et ça touche beaucoup de domaines aujourd'hui, on a des marchés qui sont très sophistiqués où effectivement le produit compte pour beaucoup alors que pendant longtemps, d'autres éléments pouvaient faire la différence. Comment vous vous êtes également développé sur la partie distribution en grande surface ? C'est un terrain qui a priori est également à l'opposé de l'artisanat, pour autant vous avez réussi à concilier l'élargissement de la surface où vous pouvez... offrir et distribuer vos produits à ceux qui les désirent, tout en gardant l'identité craft ?

  • Speaker #1

    En fait, il faut toujours rester très lucide sur les enjeux. 80% de la bière en France se vend en GMS. Le reste, 10% dans les bars, et puis après dans des réseaux spécialisés, sur des sites d'e-commerce et encore e-commerce, c'est extrêmement faible. Si on veut... être une brasserie qui défend la bière. Soit on décide d'aller jouer sur le terrain de jeu où tout se passe, soit on décide de ne pas y aller. Mais moi, à un moment, j'ai été confronté à des brassières artisanales qui me disaient « Les petites brasseries, Christophe, t'as perdu ton âme, t'es allé en GMS. » Ben non. Aujourd'hui, quand on regarde ce qui s'est passé, la GMS, elle a créé des rayons bière. C'est elle qui a fait une bière artisanale à la Bière Craft. Chez les cavistes, Il n'y a jamais eu ce phénomène. Donc, on a réussi à faire bouger les lignes. Nous, à Lyon, je me souviens, en fait, quand on a commencé à devenir un petit peu connu à Lyon, au début des années 2000, on est allé voir les petits casinos en leur disant, prenez la bière Ninkasi. Parce que la marque commençait à être inconnue. Si les gens viennent dans nos établissements pour boire la bière, je suis persuadé qu'ils seront contents de la retrouver, qu'ils l'achèteront. Ça s'est passé. Et on a réussi à créer ce rayon bière artisanal. C'est quelque chose qui s'est développé lentement, au point que finalement, la bière en GMS, en grande distribution, est devenue un facteur de croissance qui a attiré des clients et qui s'est fortement développé. Donc aujourd'hui, il faut être très clairvoyant sur ce qui se passe. et aller se battre là où ça vaut la peine de se battre.

  • Speaker #0

    Et on a fait bouger le marché de la bière. Il y a 2500 brasseries qui se sont créées, des rayons bière qui se sont développés et les gros acteurs de la bière qui se sont intéressés. Aujourd'hui, les gros acteurs de la bière, ils sont très contents de ce phénomène-là. Ça a revalorisé la bière. La bière était devenue un produit qui avait une image assez pauvre puisque finalement, le style dominant, c'était la bière blonde légère industrielle. Et la bière a retrouvé ses lettres de noblesse et a été un produit qui s'est... à nouveau valorisé. Voilà. Moi, en 97, on achetait des packs de Crow ou de Heineken et on se battait sur le prix. En 2025, aujourd'hui, vous avez le choix de plein de styles et la bière a retrouvé de la valeur.

  • Speaker #1

    Complètement. Tu as une vision assez claire aujourd'hui de la chose et c'est une vision vraiment d'entrepreneur, de chef d'entreprise, tout en gardant cette passion que tu as pour le concept, la bière, le partage et ce qui t'a lancé également. Quand tu démarres Ninkasi, tu es avant tout un passionné qui veut brasser de la bière et créer un lien convivial et un lieu convivial pour les gens. À quel moment tu as compris que tu devais devenir un chef d'entreprise et pas seulement un artisan ? Je te pose cette question parce qu'il y a beaucoup de gens qui nous écoutent et qui s'en rendent compte même parfois trop tard et qui pendant des années en fait pensaient que c'est en restant dans ce schéma qu'ils auraient le plus d'impact et qu'ils pourraient faire véhiculer le plus possible leur message, mettre leurs produits dans la main de plus de gens, alors qu'en réalité, les leviers ne se situent pas ici uniquement.

  • Speaker #0

    Oui, en fait, le développement d'une entreprise, c'est qu'on franchit des paliers et à un moment, il faut arriver à se rendre compte qu'on est le frein au développement de l'entreprise. en fait C'est des questions de taille. Moi, c'est arrivé à un moment où je me rendais compte qu'en fait, tout passait par moi et que j'étais devenu un nœud d'étranglement. Et que si je n'apprenais pas à déléguer et à faire de la place aux autres et à descendre de la scène et à pouvoir confier à d'autres des choses que j'estimais être le mieux à même de faire, eh bien, je n'aurais pas de développement. Voilà. Et en fait... À un moment, comprendre qu'il faut descendre de la scène et devenir un chef d'orchestre et laisser de la place à d'autres et donc d'apprendre un métier qui est un métier de chef d'orchestre ou de metteur en scène, c'est quelque chose de pas naturel parce que quand au début, on a fabriqué la bière, on a été derrière le bar, on a programmé des artistes, on faisait tout, on faisait la cuisine, on faisait la compta, on faisait les RH. Voilà, mais en fait... Comment on y arrive quand on crée des relations très saines avec ses collaborateurs et qu'on n'a pas construit une cour qui est toujours là pour nous dire t'es génial, t'es le plus fort, mais des gens qui vous parlent sincèrement et qui disent là Christophe tu me fais chier ou là Christophe si ça continue comme ça je me barre, et bien ça vous fait bouger, c'est-à-dire que feedback is a gift, il faut créer les conditions pour que son entourage, mais même son écosystème, ses fournisseurs. soit dans une relation authentique et vous renvoie parfois tous les mauvais gestes et toutes les mauvaises postures que vous pouvez avoir pour que vous compreniez qu'il faut changer, qu'il faut se remettre en cause ou peut-être que vous compreniez que là-dessus, vous n'êtes pas bon et que ce n'est peut-être pas vous de le faire. Et pour te donner aussi un exemple très illustrant de ça, moi, au moment de la crise Covid, moi, je n'ai pas eu peur du... du Covid, moi j'ai eu peur que mon entreprise disparaisse. Donc mon travail, ça a été de trouver des moyens pour qu'on continue d'être en activité. Et moi, les équipes, ils n'en étaient pas là. Les équipes, ils étaient inquiets pour leurs proches, pour leur famille. Donc j'étais en avance de phase. Et à l'époque, j'ai des gens qui m'ont dit « Christophe, là tu déconnes, parce que tu n'as pas actuellement le bon discours. Donc laisse-nous faire, prépare demain. Mais là, dans l'instant présent... » tu n'es pas la bonne personne pour gérer la situation. Et j'ai eu cette capacité à m'effacer, à leur laisser prendre la main pour gérer cette période où il a fallu cette phase de sidération et de digestion où moi, j'étais en avance de phase. Et en fait, le fait d'avoir des équipes où on est dans des relations très vraies, c'est extrêmement utile parce qu'on est systématiquement un problème. Ça n'existe pas une situation de crise dysfonctionnelle où le chef d'entreprise... ou la chaîne d'entreprise n'est pas une partie du problème. Il faut que tout ça puisse être perçu, être dit. On s'enferme dans des boucles et on ne franchit pas le palier.

  • Speaker #1

    Totalement. Je ne peux que confirmer tout ce que tu évoques. Et justement, grandir implique de changer de rôle à plusieurs reprises. Tu l'as évoqué indirectement, mais quand tu as le goulot d'étranglement de ta boîte, c'est très complexe. Donc, tu dois déléguer, tu dois structurer, tu dois gérer les fonds, tu dois lever des fonds, tu dois projeter ta trésorerie, tu dois recruter, tu dois faire face au challenge que tu as évoqué. le Covid ou autre et garder, ne pas perdre pied. Quelles ont été pour toi les transitions les plus difficiles dans ce passage d'artisan à entrepreneur ? Parce que tu l'as évoqué aussi, c'est plein d'étapes. Quand tu passes de 1 à 3, de 3 à 5, à 10, à 20, à 25, à ce que vous voulez mettre en place ou même à la grande distribution et tous ces sujets. Quelles ont été les différentes étapes ? À quel moment ça a été le plus dur ? Est-ce que c'est le moment où tu délègues ? Est-ce que c'est le moment où tu as l'impression de perdre le contrôle sur certains sujets ? Est-ce que c'est le moment où ça devient trop gros pour le gérer ? Est-ce qu'il y a eu des points où ça a été vraiment un challenge pour toi ?

  • Speaker #0

    Écoute, je crois que... Tu vois, là, je suis en train de m'en vivre un. Un challenge... En fait, on a décidé de basculer sur un modèle industriel. On a investi dans un... dans un outil qui nous a coûté 32 millions d'euros, alors qu'on faisait, au moment où on a investi, 25 millions d'euros de chiffre d'affaires. Et finalement, passer d'un modèle où l'activité de franchise, de restaurant, de pub, était dominante à un modèle où c'est la dimension industrielle qui vient de dominante, c'est radicalement différent. Et en fait, ces transitions, ces basculements, il nécessite de... modifier en profondeur tes croyances, tes référentiels, tes convictions. Et c'est ça qui a de compliqué, en fait, parce qu'on est des êtres paresseux, et la remise en cause de manière profonde, c'est un effort qui est immense à faire. Voilà, et puis, à chaque fois, la question que je me pose aujourd'hui, j'ai 55 ans. de dire mais est-ce que t'es pas dépassé ? Est-ce que t'es toujours suffisamment lucide ? Est-ce qu'il n'y a pas finalement des choses, aujourd'hui le monde va tellement vite, s'accélère, des choses que tu ne comprends plus, que tu ne vois plus, que tu ne perçois plus. Donc voilà, c'est des moments qui sont difficiles parce que le doute s'installe et on n'est sûr de rien. Donc ce qui est très important, c'est d'être bien entouré. de s'entourer de gens qui ne nous ressemblent pas, qui nous complètent. J'ai la chance d'avoir une moyenne d'âge au Ninkasi qui est très basse. Il y a du sang neuf, il y a des gens qui viennent d'horizons très différents et c'est quelque chose qui me rassure parce que finalement, j'ai une vraie qualité de dialogue au Ninkasi, quelque chose que j'entretiens. Les gens se sentent libres d'exprimer ce qu'ils pensent, de dire ce qu'ils pensent. La notion d'intelligence collective, ce n'est pas un slogan, c'est quelque chose qui se vit concrètement et je trouve que c'est une sorte de filet de sécurité pour finalement aider à la bonne prise de décision.

  • Speaker #1

    C'est hyper intéressant cette conscience d'hyperlucidité sur son niveau de compétence, mais d'éveil par rapport à l'évolution d'un marché. par exemple par rapport à la technologie, par exemple par rapport aux réseaux sociaux, par exemple par rapport à l'intelligence artificielle. Et ça, je pense que c'est une des choses qu'on doit retenir de ce super échange. J'ai deux dernières questions pour toi. La première, c'est pour les artisans qui nous écoutent et qui hésitent à viser plus grand, quel changement de mentalité est indispensable pour oser se projeter en entrepreneur avec un grand E et avec une vision comme tu as, où tu as osé finalement prendre... un produit artisanal et le déployer à grande échelle pour faire en sorte que ça devienne ce que c'est aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    En fait, on prend des décisions parce qu'on pense que ça sert le projet. Si je parle de la bière, on a la chance, sur les enjeux de limites planétaires, d'être dans l'industrie agroalimentaire, qui est responsable de 70% des dépassements des limites planétaires. Mais si je reste petit, je ne vais rien changer. Si je deviens plus gros, je peux structurer la filière. Qu'est-ce qui se passe actuellement ? On travaille avec le groupe Soufflé, qui est le premier producteur de malt en France, et je me demande s'il ne l'est pas également au monde. Pendant des années, on n'a rien fait bouger chez le groupe Soufflé. On commence à acheter des volumes plus importants, il commence à voir que le Ninkasi a une audience de plus en plus large et en 2025, on travaille avec le groupe Soufflé sur la création d'une filière malte régénératrice. Quelque part, le fait de grossir va nous permettre d'atteindre un des objectifs qui est le plus important pour nous. c'est de faire en sorte que le projet serve la transformation de nos modèles, notamment le modèle agroalimentaire. Et donc, ça nous motive, ça nous donne de l'énergie, ça donne du sens. Moi, je crois que ce qu'il y a d'important, c'est de conserver cet alignement. C'est-à-dire que finalement, peut-être que derrière le mot artisan, il y a cette notion de sens, de fierté, et ça, il ne faut pas le perdre. Il ne faut pas qu'une décision qu'on prend à un moment nous écarte du chemin et qu'on y perde notre âme moi je crois, et attention c'est très difficile et parfois on peut prendre de mauvaises décisions mais c'est peut-être ça qui doit être notre ligne de conduite et nous aujourd'hui on devient entreprise à mission on évalue ce qu'on fait, on le diffuse auprès de nos communautés et on prend des retours de bâton voilà parce que aujourd'hui il faut amener de la transparence dans tout ça et sur ce qu'on fait bien et sur ce qu'on fait moins bien pour que cette confiance qu'on construit avec sa chaîne de valeur elle soit solide.

  • Speaker #1

    Merci Christophe pour ces éléments, pour cet épisode, j'ai adoré partager ce moment avec toi et avoir cet échange je pourrais rester des heures et j'aurais plein de questions encore à creuser à te poser, aller plus en profondeur sur certains sujets, d'ailleurs si vous avez eu autant de plaisir à écouter cet épisode que je n'en ai eu à l'anime, faites-le nous savoir comme à chaque fois en mettant 5 étoiles sur votre plateforme de streaming préférée, en partageant également cet épisode. On va faire un article LinkedIn sur celui-ci, comme à chaque fois, n'hésitez pas à interagir dessus. Et Christophe, j'ai une dernière question pour toi que je pose à chacun de nos invités sur le déclic. Est-ce que tu peux nous partager le déclic qui a fait toute la différence pour toi dans ta vie, que ce soit professionnel comme personnel, que tu n'as pas encore partagé dans cet épisode, que peut-être tu n'as jamais partagé ailleurs ? Ça peut être une simple phrase, ça peut être un peu Une décision, ça peut être une frustration, ça peut être quelque chose de positif, ça peut être quelque chose de moins positif, peu importe. Tu as carte blanche pour le mot de la fin.

  • Speaker #0

    Écoute, le déclic dans ma vie, c'est des rencontres. La rencontre avec Kurt, la rencontre avec Henri Saval, qui m'a initié au management socio-économique, la rencontre avec Alban, qui m'a ouvert l'univers du whisky, la rencontre avec... Christophe et Thierry qui m'ont ouvert l'univers de la musique, du live. Et je crois que moi, je cultive cette culture de la rencontre. Je suis beaucoup sollicité, mais je laisse toujours de la bande passante pour rencontrer des gens que logiquement, rien ne m'invite à rencontrer. Et je dirais même, parfois... Les gens sont surpris que je réponde à leurs sollicitations. Et j'essaye de dire à mes équipes, faites de même. Finalement, dans la vie, restez et soyez ouverts à la rencontre. Parce que les choses dans la vie, on les fait avec d'autres êtres humains. Et souvent, on construit de très, très belles choses suite à une belle rencontre.

  • Speaker #1

    Merci Christophe.

  • Speaker #0

    Merci à toi, Alec.

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