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Le Phil d'Actu - Philosophie et Actualité

Climat et COP29 : une philosophie de la délibération

Climat et COP29 : une philosophie de la délibération

13min |27/11/2024
Play
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13min |27/11/2024
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Description

Et si la philosophie permettait de comprendre pourquoi les COP... ça sert à rien ?


La COP 29, conférence pour le climat, vient de s’achever en Azerbaïdjan. Vous en avez entendu parler ? Non ? Alors que l'année 2024 est la plus chaude jamais enregistrée, cela pose une question : La diplomatie climatique est-elle réellement apte à lutter contre le changement climatique ?

Aujourd’hui, je vous propose une philosophie de la délibération.

On va parler climat, démocratie, énergies fossiles, philosophie de Habermas, et bien sûr, de délibération.

 


Le Phil d'Actu, c'est le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité !

Ce podcast est 100% indépendant, gratuit, sans publicité. Il ne survit que grâce à vos dons.


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Un grand merci aux tipeur-ses : Alice, Veronika, Pierre, Julie, Maya, Michel, Julien, Thomas, Marc, Matthieu, Clément, Agnès, Isabelle, Mariam, Céline.

Grâce à vous, on n'a pas fini de réfléchir ensemble à l'actualité politique !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    La COP 29, conférence pour le climat, vient de s'achever en Azerbaïdjan. Vous en avez entendu parler ? Non ? Pas étonnant, étant donné que la moitié des chefs d'État du monde, dont Emmanuel Macron, n'y sont pas allés. La COP 29 a donné lieu à un accord très décevant, alors que l'année 2024 est la plus chaude jamais enregistrée. 2024 sera même, sans doute, la première année à dépasser 1,5 degré de réchauffement. 1,5 degré, c'était la limite fixée par l'accord de Paris en 2015. Les climatologues s'accordent à dire qu'au-delà de 2 degrés de réchauffement, on se dirigera vers l'inconnu. Un nouveau système climatique, difficile à prédire, mais clairement inquiétant. Avec notamment la fonte de la banquise, la montée des eaux et la disparition des coraux. Or, au rythme actuel, on dépassera les 2 degrés de réchauffement d'ici 20 ans. Deux degrés dit comme ça... ça ne paraît pas forcément énorme. Mais c'est la différence entre être en forme et avoir 39 de fièvre. Vous ne passez pas tout à fait la même journée. Si rien n'est fait pour changer nos modes de vie, les climatologues annoncent qu'on se dirige plutôt vers 4 degrés supplémentaires d'ici 2100. Là, c'est carrément 41 de fièvre pour la planète. Alors comment se fait-il que rien ne bouge ? Comment se fait-il qu'on n'entende même pas parler de la COP ? Les conférences et les délibérations sont-elles réellement aptes à lutter contre le réchauffement climatique ? Aujourd'hui, je vous propose une philosophie de la délibération. On va parler climat, démocratie, énergie fossile, philosophie de Habermas et bien sûr, délibération. Je suis Alice de Rochechouart et vous écoutez le Fil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Et pour des informations exclusives, abonnez-vous à mon compte Instagram, lefildactu.podcast. La COP, Conférence des Partis pour le Climat, existe depuis 1995 et se réunit tous les ans. Elle a été créée après le sommet de Rio en 1992, un sommet considéré comme historique car il a défini le développement durable comme étant une priorité des nations. Depuis cette première COP, pourtant, peu de chemin a été parcouru. La COP 21, qui s'était tenue en 2015 et avait abouti aux accords de Paris, ne semble pas tenir ses promesses, et les COP se succèdent sans changement suffisant. La COP de cette année n'a pas fait exception, avec l'absence de la moitié des chefs d'État du monde, dont les dirigeants chinois, américains, français et indiens. Cette COP 29 avait été surnommée la COP de la finance, car elle devait statuer sur les aides accordées par les pays riches aux pays pauvres, touchées de plein fouet. par le dérèglement climatique. Sans surprise, l'accord a été décevant. Déjà, le montant des aides décidées est largement insuffisant. Les pays riches, qui sont pourtant responsables du réchauffement climatique, ont promis seulement 300 milliards d'ici 2035, alors qu'il faudrait 1300 milliards par an. En plus, l'accord ne mentionne même plus la nécessité de sortir des énergies fossiles, un point qui avait pourtant été négocié de haute lutte l'année dernière. En résumé, non seulement on n'avance pas, mais on recule. L'année prochaine, ce sera les 10 ans de l'accord de Paris, censé être un tournant historique dans la lutte internationale contre le dérèglement du climat. Et il y a fort à parier que cet anniversaire témoigne surtout de l'échec et de l'immobilisme. Alors, ça pose une question. Est-ce que la COP est capable de produire une véritable lutte contre le réchauffement climatique ? Ce type de conférence incarne une certaine philosophie politique qui s'appelle la démocratie délibérative et qui a été théorisée par un philosophe allemand né en 1929, Jürgen Habermas. Ce modèle est-il vraiment efficace ? Habermas est l'un des philosophes dont les écrits ont eu le plus d'influence depuis les années 90. Il est presque devenu le philosophe officiel de l'Union européenne, après avoir été le père spirituel du Traité constitutionnel européen de 2008. Habermas défend l'idée d'une gouvernance mondiale, d'un horizon universel des nations. Il remarque que deux traditions politiques sont souvent opposées. La première, c'est la tradition libérale, qui considère qu'il faut avant tout protéger les libertés individuelles. La seconde, c'est la tradition républicaine, qui cherche plutôt l'unité du peuple et la volonté générale. Les libéraux considèrent que la recherche de l'unité va à l'encontre de leur liberté individuelle. Et les républicains, que l'obsession pour les libertés individuelles empêche de défendre une volonté générale. Habermas veut donc construire un troisième modèle qui réconcilie libéralisme et républicanisme. Construire une unité sans pour autant brimer les droits individuels. Le modèle qu'il propose est celui de la démocratie délibérative, dont l'objectif est de trouver les normes qui permettent de régler la vie en commun. Selon lui, il faut penser la démocratie comme une délibération, qui permet de rationaliser les débats et les décisions. Cette démocratie délibérative s'exerce dans un espace public dans lequel les individus sont libres et égaux. La démocratie, c'est donc le processus, c'est une méthode qui fait droit au pluralisme, qui confronte les désaccords entre les citoyens et citoyennes pour aboutir à une décision commune. Ça permet donc d'allier liberté individuelle et volonté générale. Dans la démocratie délibérative, on n'a pas d'idée préconçue du bien. Le but, c'est précisément de se mettre d'accord sur ce qu'est la justice. C'est ce qu'il appelle le principe de discussion. Toutes les normes sont soumises à la délibération. Autrement dit, on ne peut jamais imposer sa propre conception du bien. On doit toujours la soumettre à la discussion pour interroger sa prétention à l'universalité. La démocratie, c'est toujours un projet en construction et en dialogue. Mais cette conception peut sembler un peu théorique. Déjà parce qu'elle décrit des conditions idéales de délibération, dans lesquelles les participants et participantes représenteraient les intérêts des citoyens-citoyennes. Or, quand on regarde la COP 29, rien n'est moins sûr. Certes, des représentants de la société civile, d'associations pour l'environnement, sont bien présents aux côtés des délégations de chaque pays. Mais il y a aussi énormément de lobéistes pétroliers, à tel point qu'ils sont plus nombreux que les délégations diplomatiques de la plupart des pays. Il y a donc plus de gens qui sont là pour défendre le pétrole que de gens qui sont là pour défendre l'environnement et l'avenir des humains. Sans compter que depuis deux ans, les COP se déroulent dans des pays dont la richesse provient principalement de la production de pétrole. De quoi douter sérieusement du processus délibératif. De plus, la théorie d'Abermas... imaginent des individus égaux et totalement rationnels, ce qui fait abstraction non seulement des émotions, mais aussi des relations de pouvoir qui existent entre les différents participants. Comment imaginer que la voix des pays pauvres soit aussi entendue que celle des pays riches ? Un participant à la COP a d'ailleurs raconté que les pays développés ont contraint les pays en développement à accepter cet accord qui leur est particulièrement défavorable notamment en attendant la dernière minute des négociations pour annoncer un montant d'aides financières. La théorie de la délibération fait totalement abstraction de la réalité, elle fait abstraction des relations de pouvoir, et elle suppose que les gens sont rationnels, bien intentionnés et de bonne foi. Une situation bien utopique, en somme, qui semble totalement s'éloigner de la réalité du politique. D'ailleurs... Vous savez qui est l'homme politique français qui est fan d'Abermas et qui prétend s'en inspirer ? Eh oui, c'est Emmanuel Macron, qui nous a pourtant prouvé plus d'une fois que dialogue et délibération ne sont pas vraiment sa tasse de thé. Alors, la délibération semble un peu illusoire. Mais même si elle était possible, serait-elle réellement souhaitable ? Est-ce qu'elle n'aboutit pas nécessairement à un accord tiède et non contraignant, voire totalement hypocrite ? La preuve, c'est qu'en dépit de l'accord conclu lors de la COP l'année dernière, qui prévoyait de transitionner hors des énergies fossiles, les Émirats Arabes Unis, l'Azerbaïdjan et le Brésil, c'est-à-dire les deux derniers et le prochain pays hôte de la COP, ont décidé d'augmenter leur production de pétrole et de gaz d'un tiers d'ici 2035. Rappelons quand même que les énergies fossiles sont responsables de 80% du réchauffement climatique. Faites ce que je dis, pas ce que je fais. Ainsi, la démocratie délibérative est souvent critiquée car elle parle beaucoup pour ne rien faire. Elle aboutit à une norme, c'est-à-dire qu'elle dit ce qu'il faudrait faire. Mais elle ne le fait pas. Est-ce qu'il n'est pas temps de faire preuve de réalisme climatique, plutôt que de perdre son temps en délibération inutile ? Car la catastrophe climatique ne s'embarrassera pas de la diplomatie. C'est notre sécurité, notre possibilité de vivre sur Terre qui est en jeu, et non la préservation de nos intérêts particuliers. On a peut-être dépassé le moment de la délibération, surtout quand elle s'exerce dans des assemblées fermées et non représentatives. Quelle serait l'alternative ? Un nombre croissant d'États et d'associations appellent à la création d'un traité de non-prolifération des combustibles fossiles. Celui-ci se ferait sur le même modèle que le traité de non-prolifération de l'armement nucléaire signé au moment de la guerre froide, en 1968, par 191 États. Ce traité prévoit des sanctions à l'encontre de ceux qui ne respectent pas les accords sur la non-prolifération des armes nucléaires. S'il n'a pas forcément permis le désarmement, il a tout de même énormément ralenti le développement de ces armes. Le parallèle avec les armes nucléaires me paraît très pertinent, car c'est bien ça qui se joue quand nos actions conduisent à notre destruction. Un traité de non-prolifération change totalement le point de vue par rapport à une simple instance de délibération. Pourquoi ? Parce qu'il prend beaucoup mieux en compte la réalité de la situation et les intérêts des acteurs. Si un État subit des sanctions, par exemple commerciales, s'il ne respecte pas les règles climatiques, alors il a tout intérêt à le faire. Cette approche serait beaucoup plus pragmatique. Elle ne compterait plus uniquement sur la bonne volonté ou la morale des dirigeants, mais sur leur logique. Dans cette configuration, le désarmement fossile devient le principe qui organise toutes les stratégies diplomatiques, et non plus la conclusion tiède et sans contrainte d'une délibération fastidieuse. L'urgence climatique invite ainsi à repenser radicalement nos organisations politiques. Face aux différentes crises que rencontre la démocratie, comme la montée du populisme et de l'extrême droite, le retour de Trump, climato-sceptique notoire à la présidence des États-Unis, et le désintérêt croissant de la population pour la politique, il faut penser l'écologie comme une chance de réinventer la démocratie. Plutôt que de penser une délibération rationnelle illusoire et l'écologie comme un sujet parmi d'autres, on pourrait penser une nouvelle démocratie écologique, fondée sur un réalisme et sur l'action, à partir de la notion de justice climatique. La justice climatique, c'est la possibilité pour chaque humain de vivre sur Terre en sécurité, sans pâtir des conséquences désastreuses du changement climatique. Et il est grand temps que cette justice climatique devienne le point de départ des actions politiques, plutôt que d'être un slogan aussi vide que les caisses de l'État. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode du Fil d'Actu. Et un grand merci à Antoine, Michel, Yama, Alice, Fernando et Oda qui, avec leurs dons, soutiennent l'aventure du Fil d'Actu. Vous aussi, vous pouvez donner en allant sur la page dédiée. Merci et à bientôt !

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Et si la philosophie permettait de comprendre pourquoi les COP... ça sert à rien ?


La COP 29, conférence pour le climat, vient de s’achever en Azerbaïdjan. Vous en avez entendu parler ? Non ? Alors que l'année 2024 est la plus chaude jamais enregistrée, cela pose une question : La diplomatie climatique est-elle réellement apte à lutter contre le changement climatique ?

Aujourd’hui, je vous propose une philosophie de la délibération.

On va parler climat, démocratie, énergies fossiles, philosophie de Habermas, et bien sûr, de délibération.

 


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  • Speaker #0

    La COP 29, conférence pour le climat, vient de s'achever en Azerbaïdjan. Vous en avez entendu parler ? Non ? Pas étonnant, étant donné que la moitié des chefs d'État du monde, dont Emmanuel Macron, n'y sont pas allés. La COP 29 a donné lieu à un accord très décevant, alors que l'année 2024 est la plus chaude jamais enregistrée. 2024 sera même, sans doute, la première année à dépasser 1,5 degré de réchauffement. 1,5 degré, c'était la limite fixée par l'accord de Paris en 2015. Les climatologues s'accordent à dire qu'au-delà de 2 degrés de réchauffement, on se dirigera vers l'inconnu. Un nouveau système climatique, difficile à prédire, mais clairement inquiétant. Avec notamment la fonte de la banquise, la montée des eaux et la disparition des coraux. Or, au rythme actuel, on dépassera les 2 degrés de réchauffement d'ici 20 ans. Deux degrés dit comme ça... ça ne paraît pas forcément énorme. Mais c'est la différence entre être en forme et avoir 39 de fièvre. Vous ne passez pas tout à fait la même journée. Si rien n'est fait pour changer nos modes de vie, les climatologues annoncent qu'on se dirige plutôt vers 4 degrés supplémentaires d'ici 2100. Là, c'est carrément 41 de fièvre pour la planète. Alors comment se fait-il que rien ne bouge ? Comment se fait-il qu'on n'entende même pas parler de la COP ? Les conférences et les délibérations sont-elles réellement aptes à lutter contre le réchauffement climatique ? Aujourd'hui, je vous propose une philosophie de la délibération. On va parler climat, démocratie, énergie fossile, philosophie de Habermas et bien sûr, délibération. Je suis Alice de Rochechouart et vous écoutez le Fil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Et pour des informations exclusives, abonnez-vous à mon compte Instagram, lefildactu.podcast. La COP, Conférence des Partis pour le Climat, existe depuis 1995 et se réunit tous les ans. Elle a été créée après le sommet de Rio en 1992, un sommet considéré comme historique car il a défini le développement durable comme étant une priorité des nations. Depuis cette première COP, pourtant, peu de chemin a été parcouru. La COP 21, qui s'était tenue en 2015 et avait abouti aux accords de Paris, ne semble pas tenir ses promesses, et les COP se succèdent sans changement suffisant. La COP de cette année n'a pas fait exception, avec l'absence de la moitié des chefs d'État du monde, dont les dirigeants chinois, américains, français et indiens. Cette COP 29 avait été surnommée la COP de la finance, car elle devait statuer sur les aides accordées par les pays riches aux pays pauvres, touchées de plein fouet. par le dérèglement climatique. Sans surprise, l'accord a été décevant. Déjà, le montant des aides décidées est largement insuffisant. Les pays riches, qui sont pourtant responsables du réchauffement climatique, ont promis seulement 300 milliards d'ici 2035, alors qu'il faudrait 1300 milliards par an. En plus, l'accord ne mentionne même plus la nécessité de sortir des énergies fossiles, un point qui avait pourtant été négocié de haute lutte l'année dernière. En résumé, non seulement on n'avance pas, mais on recule. L'année prochaine, ce sera les 10 ans de l'accord de Paris, censé être un tournant historique dans la lutte internationale contre le dérèglement du climat. Et il y a fort à parier que cet anniversaire témoigne surtout de l'échec et de l'immobilisme. Alors, ça pose une question. Est-ce que la COP est capable de produire une véritable lutte contre le réchauffement climatique ? Ce type de conférence incarne une certaine philosophie politique qui s'appelle la démocratie délibérative et qui a été théorisée par un philosophe allemand né en 1929, Jürgen Habermas. Ce modèle est-il vraiment efficace ? Habermas est l'un des philosophes dont les écrits ont eu le plus d'influence depuis les années 90. Il est presque devenu le philosophe officiel de l'Union européenne, après avoir été le père spirituel du Traité constitutionnel européen de 2008. Habermas défend l'idée d'une gouvernance mondiale, d'un horizon universel des nations. Il remarque que deux traditions politiques sont souvent opposées. La première, c'est la tradition libérale, qui considère qu'il faut avant tout protéger les libertés individuelles. La seconde, c'est la tradition républicaine, qui cherche plutôt l'unité du peuple et la volonté générale. Les libéraux considèrent que la recherche de l'unité va à l'encontre de leur liberté individuelle. Et les républicains, que l'obsession pour les libertés individuelles empêche de défendre une volonté générale. Habermas veut donc construire un troisième modèle qui réconcilie libéralisme et républicanisme. Construire une unité sans pour autant brimer les droits individuels. Le modèle qu'il propose est celui de la démocratie délibérative, dont l'objectif est de trouver les normes qui permettent de régler la vie en commun. Selon lui, il faut penser la démocratie comme une délibération, qui permet de rationaliser les débats et les décisions. Cette démocratie délibérative s'exerce dans un espace public dans lequel les individus sont libres et égaux. La démocratie, c'est donc le processus, c'est une méthode qui fait droit au pluralisme, qui confronte les désaccords entre les citoyens et citoyennes pour aboutir à une décision commune. Ça permet donc d'allier liberté individuelle et volonté générale. Dans la démocratie délibérative, on n'a pas d'idée préconçue du bien. Le but, c'est précisément de se mettre d'accord sur ce qu'est la justice. C'est ce qu'il appelle le principe de discussion. Toutes les normes sont soumises à la délibération. Autrement dit, on ne peut jamais imposer sa propre conception du bien. On doit toujours la soumettre à la discussion pour interroger sa prétention à l'universalité. La démocratie, c'est toujours un projet en construction et en dialogue. Mais cette conception peut sembler un peu théorique. Déjà parce qu'elle décrit des conditions idéales de délibération, dans lesquelles les participants et participantes représenteraient les intérêts des citoyens-citoyennes. Or, quand on regarde la COP 29, rien n'est moins sûr. Certes, des représentants de la société civile, d'associations pour l'environnement, sont bien présents aux côtés des délégations de chaque pays. Mais il y a aussi énormément de lobéistes pétroliers, à tel point qu'ils sont plus nombreux que les délégations diplomatiques de la plupart des pays. Il y a donc plus de gens qui sont là pour défendre le pétrole que de gens qui sont là pour défendre l'environnement et l'avenir des humains. Sans compter que depuis deux ans, les COP se déroulent dans des pays dont la richesse provient principalement de la production de pétrole. De quoi douter sérieusement du processus délibératif. De plus, la théorie d'Abermas... imaginent des individus égaux et totalement rationnels, ce qui fait abstraction non seulement des émotions, mais aussi des relations de pouvoir qui existent entre les différents participants. Comment imaginer que la voix des pays pauvres soit aussi entendue que celle des pays riches ? Un participant à la COP a d'ailleurs raconté que les pays développés ont contraint les pays en développement à accepter cet accord qui leur est particulièrement défavorable notamment en attendant la dernière minute des négociations pour annoncer un montant d'aides financières. La théorie de la délibération fait totalement abstraction de la réalité, elle fait abstraction des relations de pouvoir, et elle suppose que les gens sont rationnels, bien intentionnés et de bonne foi. Une situation bien utopique, en somme, qui semble totalement s'éloigner de la réalité du politique. D'ailleurs... Vous savez qui est l'homme politique français qui est fan d'Abermas et qui prétend s'en inspirer ? Eh oui, c'est Emmanuel Macron, qui nous a pourtant prouvé plus d'une fois que dialogue et délibération ne sont pas vraiment sa tasse de thé. Alors, la délibération semble un peu illusoire. Mais même si elle était possible, serait-elle réellement souhaitable ? Est-ce qu'elle n'aboutit pas nécessairement à un accord tiède et non contraignant, voire totalement hypocrite ? La preuve, c'est qu'en dépit de l'accord conclu lors de la COP l'année dernière, qui prévoyait de transitionner hors des énergies fossiles, les Émirats Arabes Unis, l'Azerbaïdjan et le Brésil, c'est-à-dire les deux derniers et le prochain pays hôte de la COP, ont décidé d'augmenter leur production de pétrole et de gaz d'un tiers d'ici 2035. Rappelons quand même que les énergies fossiles sont responsables de 80% du réchauffement climatique. Faites ce que je dis, pas ce que je fais. Ainsi, la démocratie délibérative est souvent critiquée car elle parle beaucoup pour ne rien faire. Elle aboutit à une norme, c'est-à-dire qu'elle dit ce qu'il faudrait faire. Mais elle ne le fait pas. Est-ce qu'il n'est pas temps de faire preuve de réalisme climatique, plutôt que de perdre son temps en délibération inutile ? Car la catastrophe climatique ne s'embarrassera pas de la diplomatie. C'est notre sécurité, notre possibilité de vivre sur Terre qui est en jeu, et non la préservation de nos intérêts particuliers. On a peut-être dépassé le moment de la délibération, surtout quand elle s'exerce dans des assemblées fermées et non représentatives. Quelle serait l'alternative ? Un nombre croissant d'États et d'associations appellent à la création d'un traité de non-prolifération des combustibles fossiles. Celui-ci se ferait sur le même modèle que le traité de non-prolifération de l'armement nucléaire signé au moment de la guerre froide, en 1968, par 191 États. Ce traité prévoit des sanctions à l'encontre de ceux qui ne respectent pas les accords sur la non-prolifération des armes nucléaires. S'il n'a pas forcément permis le désarmement, il a tout de même énormément ralenti le développement de ces armes. Le parallèle avec les armes nucléaires me paraît très pertinent, car c'est bien ça qui se joue quand nos actions conduisent à notre destruction. Un traité de non-prolifération change totalement le point de vue par rapport à une simple instance de délibération. Pourquoi ? Parce qu'il prend beaucoup mieux en compte la réalité de la situation et les intérêts des acteurs. Si un État subit des sanctions, par exemple commerciales, s'il ne respecte pas les règles climatiques, alors il a tout intérêt à le faire. Cette approche serait beaucoup plus pragmatique. Elle ne compterait plus uniquement sur la bonne volonté ou la morale des dirigeants, mais sur leur logique. Dans cette configuration, le désarmement fossile devient le principe qui organise toutes les stratégies diplomatiques, et non plus la conclusion tiède et sans contrainte d'une délibération fastidieuse. L'urgence climatique invite ainsi à repenser radicalement nos organisations politiques. Face aux différentes crises que rencontre la démocratie, comme la montée du populisme et de l'extrême droite, le retour de Trump, climato-sceptique notoire à la présidence des États-Unis, et le désintérêt croissant de la population pour la politique, il faut penser l'écologie comme une chance de réinventer la démocratie. Plutôt que de penser une délibération rationnelle illusoire et l'écologie comme un sujet parmi d'autres, on pourrait penser une nouvelle démocratie écologique, fondée sur un réalisme et sur l'action, à partir de la notion de justice climatique. La justice climatique, c'est la possibilité pour chaque humain de vivre sur Terre en sécurité, sans pâtir des conséquences désastreuses du changement climatique. Et il est grand temps que cette justice climatique devienne le point de départ des actions politiques, plutôt que d'être un slogan aussi vide que les caisses de l'État. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode du Fil d'Actu. Et un grand merci à Antoine, Michel, Yama, Alice, Fernando et Oda qui, avec leurs dons, soutiennent l'aventure du Fil d'Actu. Vous aussi, vous pouvez donner en allant sur la page dédiée. Merci et à bientôt !

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Aujourd’hui, je vous propose une philosophie de la délibération.

On va parler climat, démocratie, énergies fossiles, philosophie de Habermas, et bien sûr, de délibération.

 


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    La COP 29, conférence pour le climat, vient de s'achever en Azerbaïdjan. Vous en avez entendu parler ? Non ? Pas étonnant, étant donné que la moitié des chefs d'État du monde, dont Emmanuel Macron, n'y sont pas allés. La COP 29 a donné lieu à un accord très décevant, alors que l'année 2024 est la plus chaude jamais enregistrée. 2024 sera même, sans doute, la première année à dépasser 1,5 degré de réchauffement. 1,5 degré, c'était la limite fixée par l'accord de Paris en 2015. Les climatologues s'accordent à dire qu'au-delà de 2 degrés de réchauffement, on se dirigera vers l'inconnu. Un nouveau système climatique, difficile à prédire, mais clairement inquiétant. Avec notamment la fonte de la banquise, la montée des eaux et la disparition des coraux. Or, au rythme actuel, on dépassera les 2 degrés de réchauffement d'ici 20 ans. Deux degrés dit comme ça... ça ne paraît pas forcément énorme. Mais c'est la différence entre être en forme et avoir 39 de fièvre. Vous ne passez pas tout à fait la même journée. Si rien n'est fait pour changer nos modes de vie, les climatologues annoncent qu'on se dirige plutôt vers 4 degrés supplémentaires d'ici 2100. Là, c'est carrément 41 de fièvre pour la planète. Alors comment se fait-il que rien ne bouge ? Comment se fait-il qu'on n'entende même pas parler de la COP ? Les conférences et les délibérations sont-elles réellement aptes à lutter contre le réchauffement climatique ? Aujourd'hui, je vous propose une philosophie de la délibération. On va parler climat, démocratie, énergie fossile, philosophie de Habermas et bien sûr, délibération. Je suis Alice de Rochechouart et vous écoutez le Fil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Et pour des informations exclusives, abonnez-vous à mon compte Instagram, lefildactu.podcast. La COP, Conférence des Partis pour le Climat, existe depuis 1995 et se réunit tous les ans. Elle a été créée après le sommet de Rio en 1992, un sommet considéré comme historique car il a défini le développement durable comme étant une priorité des nations. Depuis cette première COP, pourtant, peu de chemin a été parcouru. La COP 21, qui s'était tenue en 2015 et avait abouti aux accords de Paris, ne semble pas tenir ses promesses, et les COP se succèdent sans changement suffisant. La COP de cette année n'a pas fait exception, avec l'absence de la moitié des chefs d'État du monde, dont les dirigeants chinois, américains, français et indiens. Cette COP 29 avait été surnommée la COP de la finance, car elle devait statuer sur les aides accordées par les pays riches aux pays pauvres, touchées de plein fouet. par le dérèglement climatique. Sans surprise, l'accord a été décevant. Déjà, le montant des aides décidées est largement insuffisant. Les pays riches, qui sont pourtant responsables du réchauffement climatique, ont promis seulement 300 milliards d'ici 2035, alors qu'il faudrait 1300 milliards par an. En plus, l'accord ne mentionne même plus la nécessité de sortir des énergies fossiles, un point qui avait pourtant été négocié de haute lutte l'année dernière. En résumé, non seulement on n'avance pas, mais on recule. L'année prochaine, ce sera les 10 ans de l'accord de Paris, censé être un tournant historique dans la lutte internationale contre le dérèglement du climat. Et il y a fort à parier que cet anniversaire témoigne surtout de l'échec et de l'immobilisme. Alors, ça pose une question. Est-ce que la COP est capable de produire une véritable lutte contre le réchauffement climatique ? Ce type de conférence incarne une certaine philosophie politique qui s'appelle la démocratie délibérative et qui a été théorisée par un philosophe allemand né en 1929, Jürgen Habermas. Ce modèle est-il vraiment efficace ? Habermas est l'un des philosophes dont les écrits ont eu le plus d'influence depuis les années 90. Il est presque devenu le philosophe officiel de l'Union européenne, après avoir été le père spirituel du Traité constitutionnel européen de 2008. Habermas défend l'idée d'une gouvernance mondiale, d'un horizon universel des nations. Il remarque que deux traditions politiques sont souvent opposées. La première, c'est la tradition libérale, qui considère qu'il faut avant tout protéger les libertés individuelles. La seconde, c'est la tradition républicaine, qui cherche plutôt l'unité du peuple et la volonté générale. Les libéraux considèrent que la recherche de l'unité va à l'encontre de leur liberté individuelle. Et les républicains, que l'obsession pour les libertés individuelles empêche de défendre une volonté générale. Habermas veut donc construire un troisième modèle qui réconcilie libéralisme et républicanisme. Construire une unité sans pour autant brimer les droits individuels. Le modèle qu'il propose est celui de la démocratie délibérative, dont l'objectif est de trouver les normes qui permettent de régler la vie en commun. Selon lui, il faut penser la démocratie comme une délibération, qui permet de rationaliser les débats et les décisions. Cette démocratie délibérative s'exerce dans un espace public dans lequel les individus sont libres et égaux. La démocratie, c'est donc le processus, c'est une méthode qui fait droit au pluralisme, qui confronte les désaccords entre les citoyens et citoyennes pour aboutir à une décision commune. Ça permet donc d'allier liberté individuelle et volonté générale. Dans la démocratie délibérative, on n'a pas d'idée préconçue du bien. Le but, c'est précisément de se mettre d'accord sur ce qu'est la justice. C'est ce qu'il appelle le principe de discussion. Toutes les normes sont soumises à la délibération. Autrement dit, on ne peut jamais imposer sa propre conception du bien. On doit toujours la soumettre à la discussion pour interroger sa prétention à l'universalité. La démocratie, c'est toujours un projet en construction et en dialogue. Mais cette conception peut sembler un peu théorique. Déjà parce qu'elle décrit des conditions idéales de délibération, dans lesquelles les participants et participantes représenteraient les intérêts des citoyens-citoyennes. Or, quand on regarde la COP 29, rien n'est moins sûr. Certes, des représentants de la société civile, d'associations pour l'environnement, sont bien présents aux côtés des délégations de chaque pays. Mais il y a aussi énormément de lobéistes pétroliers, à tel point qu'ils sont plus nombreux que les délégations diplomatiques de la plupart des pays. Il y a donc plus de gens qui sont là pour défendre le pétrole que de gens qui sont là pour défendre l'environnement et l'avenir des humains. Sans compter que depuis deux ans, les COP se déroulent dans des pays dont la richesse provient principalement de la production de pétrole. De quoi douter sérieusement du processus délibératif. De plus, la théorie d'Abermas... imaginent des individus égaux et totalement rationnels, ce qui fait abstraction non seulement des émotions, mais aussi des relations de pouvoir qui existent entre les différents participants. Comment imaginer que la voix des pays pauvres soit aussi entendue que celle des pays riches ? Un participant à la COP a d'ailleurs raconté que les pays développés ont contraint les pays en développement à accepter cet accord qui leur est particulièrement défavorable notamment en attendant la dernière minute des négociations pour annoncer un montant d'aides financières. La théorie de la délibération fait totalement abstraction de la réalité, elle fait abstraction des relations de pouvoir, et elle suppose que les gens sont rationnels, bien intentionnés et de bonne foi. Une situation bien utopique, en somme, qui semble totalement s'éloigner de la réalité du politique. D'ailleurs... Vous savez qui est l'homme politique français qui est fan d'Abermas et qui prétend s'en inspirer ? Eh oui, c'est Emmanuel Macron, qui nous a pourtant prouvé plus d'une fois que dialogue et délibération ne sont pas vraiment sa tasse de thé. Alors, la délibération semble un peu illusoire. Mais même si elle était possible, serait-elle réellement souhaitable ? Est-ce qu'elle n'aboutit pas nécessairement à un accord tiède et non contraignant, voire totalement hypocrite ? La preuve, c'est qu'en dépit de l'accord conclu lors de la COP l'année dernière, qui prévoyait de transitionner hors des énergies fossiles, les Émirats Arabes Unis, l'Azerbaïdjan et le Brésil, c'est-à-dire les deux derniers et le prochain pays hôte de la COP, ont décidé d'augmenter leur production de pétrole et de gaz d'un tiers d'ici 2035. Rappelons quand même que les énergies fossiles sont responsables de 80% du réchauffement climatique. Faites ce que je dis, pas ce que je fais. Ainsi, la démocratie délibérative est souvent critiquée car elle parle beaucoup pour ne rien faire. Elle aboutit à une norme, c'est-à-dire qu'elle dit ce qu'il faudrait faire. Mais elle ne le fait pas. Est-ce qu'il n'est pas temps de faire preuve de réalisme climatique, plutôt que de perdre son temps en délibération inutile ? Car la catastrophe climatique ne s'embarrassera pas de la diplomatie. C'est notre sécurité, notre possibilité de vivre sur Terre qui est en jeu, et non la préservation de nos intérêts particuliers. On a peut-être dépassé le moment de la délibération, surtout quand elle s'exerce dans des assemblées fermées et non représentatives. Quelle serait l'alternative ? Un nombre croissant d'États et d'associations appellent à la création d'un traité de non-prolifération des combustibles fossiles. Celui-ci se ferait sur le même modèle que le traité de non-prolifération de l'armement nucléaire signé au moment de la guerre froide, en 1968, par 191 États. Ce traité prévoit des sanctions à l'encontre de ceux qui ne respectent pas les accords sur la non-prolifération des armes nucléaires. S'il n'a pas forcément permis le désarmement, il a tout de même énormément ralenti le développement de ces armes. Le parallèle avec les armes nucléaires me paraît très pertinent, car c'est bien ça qui se joue quand nos actions conduisent à notre destruction. Un traité de non-prolifération change totalement le point de vue par rapport à une simple instance de délibération. Pourquoi ? Parce qu'il prend beaucoup mieux en compte la réalité de la situation et les intérêts des acteurs. Si un État subit des sanctions, par exemple commerciales, s'il ne respecte pas les règles climatiques, alors il a tout intérêt à le faire. Cette approche serait beaucoup plus pragmatique. Elle ne compterait plus uniquement sur la bonne volonté ou la morale des dirigeants, mais sur leur logique. Dans cette configuration, le désarmement fossile devient le principe qui organise toutes les stratégies diplomatiques, et non plus la conclusion tiède et sans contrainte d'une délibération fastidieuse. L'urgence climatique invite ainsi à repenser radicalement nos organisations politiques. Face aux différentes crises que rencontre la démocratie, comme la montée du populisme et de l'extrême droite, le retour de Trump, climato-sceptique notoire à la présidence des États-Unis, et le désintérêt croissant de la population pour la politique, il faut penser l'écologie comme une chance de réinventer la démocratie. Plutôt que de penser une délibération rationnelle illusoire et l'écologie comme un sujet parmi d'autres, on pourrait penser une nouvelle démocratie écologique, fondée sur un réalisme et sur l'action, à partir de la notion de justice climatique. La justice climatique, c'est la possibilité pour chaque humain de vivre sur Terre en sécurité, sans pâtir des conséquences désastreuses du changement climatique. Et il est grand temps que cette justice climatique devienne le point de départ des actions politiques, plutôt que d'être un slogan aussi vide que les caisses de l'État. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode du Fil d'Actu. Et un grand merci à Antoine, Michel, Yama, Alice, Fernando et Oda qui, avec leurs dons, soutiennent l'aventure du Fil d'Actu. Vous aussi, vous pouvez donner en allant sur la page dédiée. Merci et à bientôt !

Description

Et si la philosophie permettait de comprendre pourquoi les COP... ça sert à rien ?


La COP 29, conférence pour le climat, vient de s’achever en Azerbaïdjan. Vous en avez entendu parler ? Non ? Alors que l'année 2024 est la plus chaude jamais enregistrée, cela pose une question : La diplomatie climatique est-elle réellement apte à lutter contre le changement climatique ?

Aujourd’hui, je vous propose une philosophie de la délibération.

On va parler climat, démocratie, énergies fossiles, philosophie de Habermas, et bien sûr, de délibération.

 


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Transcription

  • Speaker #0

    La COP 29, conférence pour le climat, vient de s'achever en Azerbaïdjan. Vous en avez entendu parler ? Non ? Pas étonnant, étant donné que la moitié des chefs d'État du monde, dont Emmanuel Macron, n'y sont pas allés. La COP 29 a donné lieu à un accord très décevant, alors que l'année 2024 est la plus chaude jamais enregistrée. 2024 sera même, sans doute, la première année à dépasser 1,5 degré de réchauffement. 1,5 degré, c'était la limite fixée par l'accord de Paris en 2015. Les climatologues s'accordent à dire qu'au-delà de 2 degrés de réchauffement, on se dirigera vers l'inconnu. Un nouveau système climatique, difficile à prédire, mais clairement inquiétant. Avec notamment la fonte de la banquise, la montée des eaux et la disparition des coraux. Or, au rythme actuel, on dépassera les 2 degrés de réchauffement d'ici 20 ans. Deux degrés dit comme ça... ça ne paraît pas forcément énorme. Mais c'est la différence entre être en forme et avoir 39 de fièvre. Vous ne passez pas tout à fait la même journée. Si rien n'est fait pour changer nos modes de vie, les climatologues annoncent qu'on se dirige plutôt vers 4 degrés supplémentaires d'ici 2100. Là, c'est carrément 41 de fièvre pour la planète. Alors comment se fait-il que rien ne bouge ? Comment se fait-il qu'on n'entende même pas parler de la COP ? Les conférences et les délibérations sont-elles réellement aptes à lutter contre le réchauffement climatique ? Aujourd'hui, je vous propose une philosophie de la délibération. On va parler climat, démocratie, énergie fossile, philosophie de Habermas et bien sûr, délibération. Je suis Alice de Rochechouart et vous écoutez le Fil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Et pour des informations exclusives, abonnez-vous à mon compte Instagram, lefildactu.podcast. La COP, Conférence des Partis pour le Climat, existe depuis 1995 et se réunit tous les ans. Elle a été créée après le sommet de Rio en 1992, un sommet considéré comme historique car il a défini le développement durable comme étant une priorité des nations. Depuis cette première COP, pourtant, peu de chemin a été parcouru. La COP 21, qui s'était tenue en 2015 et avait abouti aux accords de Paris, ne semble pas tenir ses promesses, et les COP se succèdent sans changement suffisant. La COP de cette année n'a pas fait exception, avec l'absence de la moitié des chefs d'État du monde, dont les dirigeants chinois, américains, français et indiens. Cette COP 29 avait été surnommée la COP de la finance, car elle devait statuer sur les aides accordées par les pays riches aux pays pauvres, touchées de plein fouet. par le dérèglement climatique. Sans surprise, l'accord a été décevant. Déjà, le montant des aides décidées est largement insuffisant. Les pays riches, qui sont pourtant responsables du réchauffement climatique, ont promis seulement 300 milliards d'ici 2035, alors qu'il faudrait 1300 milliards par an. En plus, l'accord ne mentionne même plus la nécessité de sortir des énergies fossiles, un point qui avait pourtant été négocié de haute lutte l'année dernière. En résumé, non seulement on n'avance pas, mais on recule. L'année prochaine, ce sera les 10 ans de l'accord de Paris, censé être un tournant historique dans la lutte internationale contre le dérèglement du climat. Et il y a fort à parier que cet anniversaire témoigne surtout de l'échec et de l'immobilisme. Alors, ça pose une question. Est-ce que la COP est capable de produire une véritable lutte contre le réchauffement climatique ? Ce type de conférence incarne une certaine philosophie politique qui s'appelle la démocratie délibérative et qui a été théorisée par un philosophe allemand né en 1929, Jürgen Habermas. Ce modèle est-il vraiment efficace ? Habermas est l'un des philosophes dont les écrits ont eu le plus d'influence depuis les années 90. Il est presque devenu le philosophe officiel de l'Union européenne, après avoir été le père spirituel du Traité constitutionnel européen de 2008. Habermas défend l'idée d'une gouvernance mondiale, d'un horizon universel des nations. Il remarque que deux traditions politiques sont souvent opposées. La première, c'est la tradition libérale, qui considère qu'il faut avant tout protéger les libertés individuelles. La seconde, c'est la tradition républicaine, qui cherche plutôt l'unité du peuple et la volonté générale. Les libéraux considèrent que la recherche de l'unité va à l'encontre de leur liberté individuelle. Et les républicains, que l'obsession pour les libertés individuelles empêche de défendre une volonté générale. Habermas veut donc construire un troisième modèle qui réconcilie libéralisme et républicanisme. Construire une unité sans pour autant brimer les droits individuels. Le modèle qu'il propose est celui de la démocratie délibérative, dont l'objectif est de trouver les normes qui permettent de régler la vie en commun. Selon lui, il faut penser la démocratie comme une délibération, qui permet de rationaliser les débats et les décisions. Cette démocratie délibérative s'exerce dans un espace public dans lequel les individus sont libres et égaux. La démocratie, c'est donc le processus, c'est une méthode qui fait droit au pluralisme, qui confronte les désaccords entre les citoyens et citoyennes pour aboutir à une décision commune. Ça permet donc d'allier liberté individuelle et volonté générale. Dans la démocratie délibérative, on n'a pas d'idée préconçue du bien. Le but, c'est précisément de se mettre d'accord sur ce qu'est la justice. C'est ce qu'il appelle le principe de discussion. Toutes les normes sont soumises à la délibération. Autrement dit, on ne peut jamais imposer sa propre conception du bien. On doit toujours la soumettre à la discussion pour interroger sa prétention à l'universalité. La démocratie, c'est toujours un projet en construction et en dialogue. Mais cette conception peut sembler un peu théorique. Déjà parce qu'elle décrit des conditions idéales de délibération, dans lesquelles les participants et participantes représenteraient les intérêts des citoyens-citoyennes. Or, quand on regarde la COP 29, rien n'est moins sûr. Certes, des représentants de la société civile, d'associations pour l'environnement, sont bien présents aux côtés des délégations de chaque pays. Mais il y a aussi énormément de lobéistes pétroliers, à tel point qu'ils sont plus nombreux que les délégations diplomatiques de la plupart des pays. Il y a donc plus de gens qui sont là pour défendre le pétrole que de gens qui sont là pour défendre l'environnement et l'avenir des humains. Sans compter que depuis deux ans, les COP se déroulent dans des pays dont la richesse provient principalement de la production de pétrole. De quoi douter sérieusement du processus délibératif. De plus, la théorie d'Abermas... imaginent des individus égaux et totalement rationnels, ce qui fait abstraction non seulement des émotions, mais aussi des relations de pouvoir qui existent entre les différents participants. Comment imaginer que la voix des pays pauvres soit aussi entendue que celle des pays riches ? Un participant à la COP a d'ailleurs raconté que les pays développés ont contraint les pays en développement à accepter cet accord qui leur est particulièrement défavorable notamment en attendant la dernière minute des négociations pour annoncer un montant d'aides financières. La théorie de la délibération fait totalement abstraction de la réalité, elle fait abstraction des relations de pouvoir, et elle suppose que les gens sont rationnels, bien intentionnés et de bonne foi. Une situation bien utopique, en somme, qui semble totalement s'éloigner de la réalité du politique. D'ailleurs... Vous savez qui est l'homme politique français qui est fan d'Abermas et qui prétend s'en inspirer ? Eh oui, c'est Emmanuel Macron, qui nous a pourtant prouvé plus d'une fois que dialogue et délibération ne sont pas vraiment sa tasse de thé. Alors, la délibération semble un peu illusoire. Mais même si elle était possible, serait-elle réellement souhaitable ? Est-ce qu'elle n'aboutit pas nécessairement à un accord tiède et non contraignant, voire totalement hypocrite ? La preuve, c'est qu'en dépit de l'accord conclu lors de la COP l'année dernière, qui prévoyait de transitionner hors des énergies fossiles, les Émirats Arabes Unis, l'Azerbaïdjan et le Brésil, c'est-à-dire les deux derniers et le prochain pays hôte de la COP, ont décidé d'augmenter leur production de pétrole et de gaz d'un tiers d'ici 2035. Rappelons quand même que les énergies fossiles sont responsables de 80% du réchauffement climatique. Faites ce que je dis, pas ce que je fais. Ainsi, la démocratie délibérative est souvent critiquée car elle parle beaucoup pour ne rien faire. Elle aboutit à une norme, c'est-à-dire qu'elle dit ce qu'il faudrait faire. Mais elle ne le fait pas. Est-ce qu'il n'est pas temps de faire preuve de réalisme climatique, plutôt que de perdre son temps en délibération inutile ? Car la catastrophe climatique ne s'embarrassera pas de la diplomatie. C'est notre sécurité, notre possibilité de vivre sur Terre qui est en jeu, et non la préservation de nos intérêts particuliers. On a peut-être dépassé le moment de la délibération, surtout quand elle s'exerce dans des assemblées fermées et non représentatives. Quelle serait l'alternative ? Un nombre croissant d'États et d'associations appellent à la création d'un traité de non-prolifération des combustibles fossiles. Celui-ci se ferait sur le même modèle que le traité de non-prolifération de l'armement nucléaire signé au moment de la guerre froide, en 1968, par 191 États. Ce traité prévoit des sanctions à l'encontre de ceux qui ne respectent pas les accords sur la non-prolifération des armes nucléaires. S'il n'a pas forcément permis le désarmement, il a tout de même énormément ralenti le développement de ces armes. Le parallèle avec les armes nucléaires me paraît très pertinent, car c'est bien ça qui se joue quand nos actions conduisent à notre destruction. Un traité de non-prolifération change totalement le point de vue par rapport à une simple instance de délibération. Pourquoi ? Parce qu'il prend beaucoup mieux en compte la réalité de la situation et les intérêts des acteurs. Si un État subit des sanctions, par exemple commerciales, s'il ne respecte pas les règles climatiques, alors il a tout intérêt à le faire. Cette approche serait beaucoup plus pragmatique. Elle ne compterait plus uniquement sur la bonne volonté ou la morale des dirigeants, mais sur leur logique. Dans cette configuration, le désarmement fossile devient le principe qui organise toutes les stratégies diplomatiques, et non plus la conclusion tiède et sans contrainte d'une délibération fastidieuse. L'urgence climatique invite ainsi à repenser radicalement nos organisations politiques. Face aux différentes crises que rencontre la démocratie, comme la montée du populisme et de l'extrême droite, le retour de Trump, climato-sceptique notoire à la présidence des États-Unis, et le désintérêt croissant de la population pour la politique, il faut penser l'écologie comme une chance de réinventer la démocratie. Plutôt que de penser une délibération rationnelle illusoire et l'écologie comme un sujet parmi d'autres, on pourrait penser une nouvelle démocratie écologique, fondée sur un réalisme et sur l'action, à partir de la notion de justice climatique. La justice climatique, c'est la possibilité pour chaque humain de vivre sur Terre en sécurité, sans pâtir des conséquences désastreuses du changement climatique. Et il est grand temps que cette justice climatique devienne le point de départ des actions politiques, plutôt que d'être un slogan aussi vide que les caisses de l'État. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode du Fil d'Actu. Et un grand merci à Antoine, Michel, Yama, Alice, Fernando et Oda qui, avec leurs dons, soutiennent l'aventure du Fil d'Actu. Vous aussi, vous pouvez donner en allant sur la page dédiée. Merci et à bientôt !

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