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Le Phil d'Actu - Philosophie et Actualité

Flottille de la liberté et conférence sur l’océan : une philosophie de la mer

Flottille de la liberté et conférence sur l’océan : une philosophie de la mer

10min |11/06/2025
Play
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Description

Et si la philosophie était une politique de la mer ?


Cette semaine, la mer est au cœur de l’actualité : la Flottille de la Liberté, le bateau humanitaire qui se dirigeait vers Gaza, a été illégalement arrêté par Israël. Au même moment, s’ouvre à Nice la Conférence mondiale sur l’Océan. Et si c’était l’occasion de faire une philosophie de la mer, de notre rapport à l’océan ? Qu’est-ce que cela changerait dans notre conception de l’humanité ? On en parle avec la philosophe Corine Pelluchon.


Le Phil d'Actu, c'est le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité !

Ce podcast est 100% indépendant, gratuit, sans publicité. Il ne survit que grâce à vos dons.


🙏 Pour me soutenir, vous pouvez faire un don, ponctuel ou régulier, sur cette page .

💜 Merci pour votre soutien !


Si vous aimez l'épisode, n'oubliez pas de vous abonner, de mettre 5 étoiles, et de le partager sur les réseaux sociaux.


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Un grand merci aux tipeur-ses : Matthieu, Clément, Augustin, Laurent, Thomas, Elodie, Bruno, Alexandre, Etienne, Juliette, Bob, Anaïs, Khadija, Yoann, Charles, Quentin, Nico, Solène, Corinne, Vivien, Olivier, Jonathan, Jean-Michel, Nathalie.

Grâce à vous, on n'a pas fini de réfléchir ensemble à l'actualité politique !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Cette semaine, la mer est au cœur de l'actualité. La flottille de la liberté, le bateau humanitaire qui se dirigeait vers Gaza, a été illégalement arrêtée par Israël. Au même moment, souverainise la Conférence mondiale sur l'océan. Et si c'était l'occasion de faire une philosophie de la mer, de notre rapport à l'océan ? Qu'est-ce que cela changerait dans notre conception de l'humanité ? On en parle avec la philosophe Corinne Pelluchon. Je suis Alice de Rochechouart. et vous écoutez le Fil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Ce podcast est totalement indépendant et il ne survit que grâce à vos dons. Alors, si vous voulez soutenir mon travail, vous pouvez faire un don, ponctuel ou récurrent, en cliquant sur la page indiquée en description. Merci pour votre soutien. Il arrive parfois que les actualités se télescopent. Lundi, la flottille de la liberté, un bateau humanitaire qui était en route pour dénoncer le blocus illégal d'Israël contre Gaza et pour dénoncer le génocide, a été arrêtée illégalement dans les eaux internationales. A l'heure où j'enregistre cet épisode, la majeure partie de l'équipage, dont la députée européenne Rima Hassan, sont toujours détenues par Israël. Le symbole est fort. Le bateau a incarné le courage, la lutte, l'espoir et les images de ce navire voguant vers Gaza. ont insufflé une mobilisation mondiale. Cette initiative en a d'ailleurs fait naître d'autres, puisque des convois partent désormais de Tunisie et d'Algérie pour se rendre à Gaza. La flottille a symbolisé la résistance contre les génocides et le colonialisme, tout en naviguant sur une mer méditerranée qui est aujourd'hui un cimetière. On estime en effet que depuis dix ans, près de 30 000 personnes exilées se sont noyées en tentant de franchir la Méditerranée. À Nice, où s'est ouverte la troisième conférence des Nations Unies sur l'océan, C'est une autre ambiance. Cette fois-ci, l'enjeu est plutôt écologique. Plus de 60 chefs d'État sont réunis. L'objectif est de prendre des mesures pour protéger les océans contre la surexploitation et la surpêche, de lutter contre la pollution plastique, de protéger la haute mer et d'empêcher l'extraction minière des fonds marins. Cette conférence devrait conduire à 100 milliards de dollars de financement en faveur du développement durable de l'océan. Cependant, à la différence des COP, les conférences pour le climat, Aucun accord contraignant ne sera signé. De quoi craindre que les engagements ne mènent pas à de véritables changements, alors que l'état de l'océan est très préoccupant. En 2024, la Méditerranée a atteint la température record de 28,9 degrés. Or, l'océan est le principal régulateur du climat terrestre, il absorbe un tiers du CO2 et produit la majeure partie de notre oxygène. Si l'océan se met à bouillir, nous n'y survivrons pas. Ces deux événements font écho l'un à l'autre. D'un côté, une action humanitaire coup de poing, portée par des voix puissantes, comme l'activiste Greta Thunberg, est destinée à dénoncer l'inaction des États comme la France. De l'autre, des négociations géopolitiques, dont Emmanuel Macron veut se présenter comme le leader, alors que son action écologique est quasi inexistante depuis le début de son mandat. Des négociations qui risquent donc à nouveau de montrer le désintérêt politique pour les questions écologiques. Et le point commun entre ces deux événements, c'est le statut ambivalent de la mer et de l'océan, à la fois source de vie et d'espoir, et symbole de mort et de possible destruction. La philosophe Corinne Pelluchon a réfléchi à cette ambivalence de l'océan. Dans son livre « L'être et la mer » , paru en 2024, elle nous invite à penser l'humain à partir de l'eau. En effet, elle montre que l'humanité s'est toujours pensée à partir de la terre. Nous sommes des terriens, des terriennes, et nous pensons l'enracinement, le sol, la terre ferme. Or, selon elle, cette approche nous conduit à penser les frontières et les territoires. Nous cherchons à découper le monde en plusieurs catégories fixes, rigides. La nature contre la culture, l'humanité contre les animaux, les hommes contre les femmes, les différents États, les différentes nationalités. Dans la conception terrestre, chacun se voit attribuer un territoire délimité, une place fixe. Et bien évidemment, certaines catégories sont considérées comme supérieures aux autres. Cela se manifeste aussi dans notre manière d'envisager l'océan d'ailleurs. Nous découpons les territoires maritimes, nous quadrillons les mers, nous fragmentons l'océan. La mer est alors considérée comme une ressource, comme un territoire à exploiter. Et selon Corinne Pelluchon, cette conception terrestre du monde nous conduit à la compétition, la hiérarchisation et au conflit. Or, il est possible de bouleverser notre regard. Pelluchon nous invite à penser à partir de la mer, à partir de l'élément aquatique. L'eau est partout, elle est le fondement de notre existence et tous les êtres vivants sont majoritairement composés d'eau. Et pourtant, l'eau nous est étrangère, elle est ambivalente, parfois accueillante, parfois hostile. Les profondeurs océaniques sont inexplorées à 95%, nous n'avons identifié que 10 à 20% des espèces marines. En réalité, selon Corinne Pelluchon, l'eau symbolise l'abîme de notre existence, son mystère insondable. Or, l'eau, c'est le contraire des frontières. L'eau, c'est la fluidité, le mouvement. D'ailleurs, bien que nous ayons nommé cinq océans différents, ceux-ci sont reliés entre eux. Ils forment un océan unique. Pour Corinne Pelluchon, l'unicité de l'océan fait écho à l'unicité de l'humanité. C'est pour cela qu'il nous faut, dit-elle, cesser de regarder tout ce qui existe à partir du rivage et partir en mer. En pensant l'humanité à partir de la mer, on peut prendre conscience de ce qu'elle appelle le co-existentialisme, le fait que nous appartenons à une communauté de vivants. Il faut sortir de la vision morcelée du territoire pour penser la fluidité aquatique. Cela a des conséquences sur la pensée écologique. L'écologie ne serait pas la protection de l'environnement, qui finalement reconduit une opposition, une frontière entre l'humain et son environnement, qui conforte la supériorité de l'humain, en en faisant un protecteur. En fait, cette approche révèle encore une conception instrumentale de la nature. La nature serait une ressource à exploiter, et le seul enjeu serait de l'exploiter durablement. Pour Corinne Pelluchon, c'est parce que nous sommes encore prisonniers de cette conception terrestre, celle des frontières et de l'exploitation, que nous ne parvenons pas à définir les conditions permettant de défendre le vivant et l'égalité des cultures. Penser l'humain à partir de la mer, Cela veut dire au contraire reconnaître l'interdépendance, la communauté de destin entre l'océan et l'humanité. Cela nous permet de penser les échanges et le mouvement, la solidarité et la communauté, la fluidité plutôt que les frontières, la compétition et la rigidité. Penser la mer, c'est penser un monde commun. On peut donc penser la vie sur Terre à partir de notre dépendance à l'égard de l'eau, cet élément qui est à la fois notre matrice, mais aussi une puissance effrayante et destructrice. Cela doit nous conduire à ce que Corinne Pelluchon appelle une « thalasso politique » , une véritable politique de la mer, où la préservation et la protection de la vie marine seraient une priorité des politiques publiques. Cette conférence pour la mer est ainsi de bonne augure, bien qu'elle soit encore tiraillée entre l'objectif de protection de l'écosystème marin et la tentation de son exploitation. Les déclarations de l'ONU en témoignent. La conférence vise, je cite, « à soutenir la poursuite et l'urgence des mesures visant à conserver et à utiliser de manière durable les océans, les mers et les ressources marines » . Il est donc encore bel et bien question d'utilisation de la mer. Et puis, il ne faut pas oublier que Donald Trump, absent à la conférence, a donné son feu vert pour l'exploitation minière des fonds marins dans les eaux internationales, au mépris du droit. et de tous les dangers environnementaux. L'océan, bien loin d'être protégé, risque de devenir une zone de non-droit. Quant à la Méditerranée, elle est aussi le symbole de la philosophie des frontières et de la territorialité. La flottille de la liberté a navigué contre le colonialisme et la violence génocidaire de l'État d'Israël. Et au cours de son trajet, elle a porté secours à des personnes exilées qui tentaient de rejoindre l'Europe, mais dont l'embarcation de fortune a coulé. Parmi les passagers de ce bateau, Quatre personnes ont préféré se jeter à l'eau plutôt que d'être arrêtées par les forces libyennes, et elles ont pu être sauvées par la flottille de la liberté. Un triste symbole du fait que la souffrance des exilés et celle des Palestiniens et palestiniennes est intimement liée, que cette souffrance prend sa source dans le système international de domination, et que la mer peut être à la fois un espoir et un tombeau. Avec cette philosophie de la mer, on peut donc décentrer notre regard, penser ensemble l'écologie et l'existence. la souffrance humaine et la souffrance de la mer. On peut penser la communauté de destin entre océan, humanité, nature, contre les philosophies de la frontière et de la hiérarchie, afin peut-être de parvenir à éviter le naufrage. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très vite pour un nouvel épisode du Fil d'Actu. En attendant, pour des infos exclusives et parfois des petites blagues, vous pouvez me suivre sur Instagram, sur mon compte, Alice de Rochechouart. Et un grand merci à toutes celles et ceux qui, grâce à leurs dons, me permettent de continuer sereinement le podcast. Merci à Lucie, Élodie, Alix, Bruno, Alexandre, Étienne, Philippe, Cédric, Augustin, Laurent, Thomas, Mathieu, Clément, Louis-Michel, Grégoire, Isabelle, Olympe, Antoine, Franck, Alain, Célia, José, Juliette, Gauthier, Florence, Bastien, Florian, Béatrice, Richard, Vincent, Marie, Charles, Alé, Jean-Marc, Sacha, Sophie et Luc, Nicolas et Tristan. Vous aussi. vous pouvez rejoindre l'aventure du fil d'actu. Merci et à très vite !

Description

Et si la philosophie était une politique de la mer ?


Cette semaine, la mer est au cœur de l’actualité : la Flottille de la Liberté, le bateau humanitaire qui se dirigeait vers Gaza, a été illégalement arrêté par Israël. Au même moment, s’ouvre à Nice la Conférence mondiale sur l’Océan. Et si c’était l’occasion de faire une philosophie de la mer, de notre rapport à l’océan ? Qu’est-ce que cela changerait dans notre conception de l’humanité ? On en parle avec la philosophe Corine Pelluchon.


Le Phil d'Actu, c'est le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité !

Ce podcast est 100% indépendant, gratuit, sans publicité. Il ne survit que grâce à vos dons.


🙏 Pour me soutenir, vous pouvez faire un don, ponctuel ou régulier, sur cette page .

💜 Merci pour votre soutien !


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Un grand merci aux tipeur-ses : Matthieu, Clément, Augustin, Laurent, Thomas, Elodie, Bruno, Alexandre, Etienne, Juliette, Bob, Anaïs, Khadija, Yoann, Charles, Quentin, Nico, Solène, Corinne, Vivien, Olivier, Jonathan, Jean-Michel, Nathalie.

Grâce à vous, on n'a pas fini de réfléchir ensemble à l'actualité politique !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

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  • Speaker #0

    Cette semaine, la mer est au cœur de l'actualité. La flottille de la liberté, le bateau humanitaire qui se dirigeait vers Gaza, a été illégalement arrêtée par Israël. Au même moment, souverainise la Conférence mondiale sur l'océan. Et si c'était l'occasion de faire une philosophie de la mer, de notre rapport à l'océan ? Qu'est-ce que cela changerait dans notre conception de l'humanité ? On en parle avec la philosophe Corinne Pelluchon. Je suis Alice de Rochechouart. et vous écoutez le Fil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Ce podcast est totalement indépendant et il ne survit que grâce à vos dons. Alors, si vous voulez soutenir mon travail, vous pouvez faire un don, ponctuel ou récurrent, en cliquant sur la page indiquée en description. Merci pour votre soutien. Il arrive parfois que les actualités se télescopent. Lundi, la flottille de la liberté, un bateau humanitaire qui était en route pour dénoncer le blocus illégal d'Israël contre Gaza et pour dénoncer le génocide, a été arrêtée illégalement dans les eaux internationales. A l'heure où j'enregistre cet épisode, la majeure partie de l'équipage, dont la députée européenne Rima Hassan, sont toujours détenues par Israël. Le symbole est fort. Le bateau a incarné le courage, la lutte, l'espoir et les images de ce navire voguant vers Gaza. ont insufflé une mobilisation mondiale. Cette initiative en a d'ailleurs fait naître d'autres, puisque des convois partent désormais de Tunisie et d'Algérie pour se rendre à Gaza. La flottille a symbolisé la résistance contre les génocides et le colonialisme, tout en naviguant sur une mer méditerranée qui est aujourd'hui un cimetière. On estime en effet que depuis dix ans, près de 30 000 personnes exilées se sont noyées en tentant de franchir la Méditerranée. À Nice, où s'est ouverte la troisième conférence des Nations Unies sur l'océan, C'est une autre ambiance. Cette fois-ci, l'enjeu est plutôt écologique. Plus de 60 chefs d'État sont réunis. L'objectif est de prendre des mesures pour protéger les océans contre la surexploitation et la surpêche, de lutter contre la pollution plastique, de protéger la haute mer et d'empêcher l'extraction minière des fonds marins. Cette conférence devrait conduire à 100 milliards de dollars de financement en faveur du développement durable de l'océan. Cependant, à la différence des COP, les conférences pour le climat, Aucun accord contraignant ne sera signé. De quoi craindre que les engagements ne mènent pas à de véritables changements, alors que l'état de l'océan est très préoccupant. En 2024, la Méditerranée a atteint la température record de 28,9 degrés. Or, l'océan est le principal régulateur du climat terrestre, il absorbe un tiers du CO2 et produit la majeure partie de notre oxygène. Si l'océan se met à bouillir, nous n'y survivrons pas. Ces deux événements font écho l'un à l'autre. D'un côté, une action humanitaire coup de poing, portée par des voix puissantes, comme l'activiste Greta Thunberg, est destinée à dénoncer l'inaction des États comme la France. De l'autre, des négociations géopolitiques, dont Emmanuel Macron veut se présenter comme le leader, alors que son action écologique est quasi inexistante depuis le début de son mandat. Des négociations qui risquent donc à nouveau de montrer le désintérêt politique pour les questions écologiques. Et le point commun entre ces deux événements, c'est le statut ambivalent de la mer et de l'océan, à la fois source de vie et d'espoir, et symbole de mort et de possible destruction. La philosophe Corinne Pelluchon a réfléchi à cette ambivalence de l'océan. Dans son livre « L'être et la mer » , paru en 2024, elle nous invite à penser l'humain à partir de l'eau. En effet, elle montre que l'humanité s'est toujours pensée à partir de la terre. Nous sommes des terriens, des terriennes, et nous pensons l'enracinement, le sol, la terre ferme. Or, selon elle, cette approche nous conduit à penser les frontières et les territoires. Nous cherchons à découper le monde en plusieurs catégories fixes, rigides. La nature contre la culture, l'humanité contre les animaux, les hommes contre les femmes, les différents États, les différentes nationalités. Dans la conception terrestre, chacun se voit attribuer un territoire délimité, une place fixe. Et bien évidemment, certaines catégories sont considérées comme supérieures aux autres. Cela se manifeste aussi dans notre manière d'envisager l'océan d'ailleurs. Nous découpons les territoires maritimes, nous quadrillons les mers, nous fragmentons l'océan. La mer est alors considérée comme une ressource, comme un territoire à exploiter. Et selon Corinne Pelluchon, cette conception terrestre du monde nous conduit à la compétition, la hiérarchisation et au conflit. Or, il est possible de bouleverser notre regard. Pelluchon nous invite à penser à partir de la mer, à partir de l'élément aquatique. L'eau est partout, elle est le fondement de notre existence et tous les êtres vivants sont majoritairement composés d'eau. Et pourtant, l'eau nous est étrangère, elle est ambivalente, parfois accueillante, parfois hostile. Les profondeurs océaniques sont inexplorées à 95%, nous n'avons identifié que 10 à 20% des espèces marines. En réalité, selon Corinne Pelluchon, l'eau symbolise l'abîme de notre existence, son mystère insondable. Or, l'eau, c'est le contraire des frontières. L'eau, c'est la fluidité, le mouvement. D'ailleurs, bien que nous ayons nommé cinq océans différents, ceux-ci sont reliés entre eux. Ils forment un océan unique. Pour Corinne Pelluchon, l'unicité de l'océan fait écho à l'unicité de l'humanité. C'est pour cela qu'il nous faut, dit-elle, cesser de regarder tout ce qui existe à partir du rivage et partir en mer. En pensant l'humanité à partir de la mer, on peut prendre conscience de ce qu'elle appelle le co-existentialisme, le fait que nous appartenons à une communauté de vivants. Il faut sortir de la vision morcelée du territoire pour penser la fluidité aquatique. Cela a des conséquences sur la pensée écologique. L'écologie ne serait pas la protection de l'environnement, qui finalement reconduit une opposition, une frontière entre l'humain et son environnement, qui conforte la supériorité de l'humain, en en faisant un protecteur. En fait, cette approche révèle encore une conception instrumentale de la nature. La nature serait une ressource à exploiter, et le seul enjeu serait de l'exploiter durablement. Pour Corinne Pelluchon, c'est parce que nous sommes encore prisonniers de cette conception terrestre, celle des frontières et de l'exploitation, que nous ne parvenons pas à définir les conditions permettant de défendre le vivant et l'égalité des cultures. Penser l'humain à partir de la mer, Cela veut dire au contraire reconnaître l'interdépendance, la communauté de destin entre l'océan et l'humanité. Cela nous permet de penser les échanges et le mouvement, la solidarité et la communauté, la fluidité plutôt que les frontières, la compétition et la rigidité. Penser la mer, c'est penser un monde commun. On peut donc penser la vie sur Terre à partir de notre dépendance à l'égard de l'eau, cet élément qui est à la fois notre matrice, mais aussi une puissance effrayante et destructrice. Cela doit nous conduire à ce que Corinne Pelluchon appelle une « thalasso politique » , une véritable politique de la mer, où la préservation et la protection de la vie marine seraient une priorité des politiques publiques. Cette conférence pour la mer est ainsi de bonne augure, bien qu'elle soit encore tiraillée entre l'objectif de protection de l'écosystème marin et la tentation de son exploitation. Les déclarations de l'ONU en témoignent. La conférence vise, je cite, « à soutenir la poursuite et l'urgence des mesures visant à conserver et à utiliser de manière durable les océans, les mers et les ressources marines » . Il est donc encore bel et bien question d'utilisation de la mer. Et puis, il ne faut pas oublier que Donald Trump, absent à la conférence, a donné son feu vert pour l'exploitation minière des fonds marins dans les eaux internationales, au mépris du droit. et de tous les dangers environnementaux. L'océan, bien loin d'être protégé, risque de devenir une zone de non-droit. Quant à la Méditerranée, elle est aussi le symbole de la philosophie des frontières et de la territorialité. La flottille de la liberté a navigué contre le colonialisme et la violence génocidaire de l'État d'Israël. Et au cours de son trajet, elle a porté secours à des personnes exilées qui tentaient de rejoindre l'Europe, mais dont l'embarcation de fortune a coulé. Parmi les passagers de ce bateau, Quatre personnes ont préféré se jeter à l'eau plutôt que d'être arrêtées par les forces libyennes, et elles ont pu être sauvées par la flottille de la liberté. Un triste symbole du fait que la souffrance des exilés et celle des Palestiniens et palestiniennes est intimement liée, que cette souffrance prend sa source dans le système international de domination, et que la mer peut être à la fois un espoir et un tombeau. Avec cette philosophie de la mer, on peut donc décentrer notre regard, penser ensemble l'écologie et l'existence. la souffrance humaine et la souffrance de la mer. On peut penser la communauté de destin entre océan, humanité, nature, contre les philosophies de la frontière et de la hiérarchie, afin peut-être de parvenir à éviter le naufrage. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très vite pour un nouvel épisode du Fil d'Actu. En attendant, pour des infos exclusives et parfois des petites blagues, vous pouvez me suivre sur Instagram, sur mon compte, Alice de Rochechouart. Et un grand merci à toutes celles et ceux qui, grâce à leurs dons, me permettent de continuer sereinement le podcast. Merci à Lucie, Élodie, Alix, Bruno, Alexandre, Étienne, Philippe, Cédric, Augustin, Laurent, Thomas, Mathieu, Clément, Louis-Michel, Grégoire, Isabelle, Olympe, Antoine, Franck, Alain, Célia, José, Juliette, Gauthier, Florence, Bastien, Florian, Béatrice, Richard, Vincent, Marie, Charles, Alé, Jean-Marc, Sacha, Sophie et Luc, Nicolas et Tristan. Vous aussi. vous pouvez rejoindre l'aventure du fil d'actu. Merci et à très vite !

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Cette semaine, la mer est au cœur de l’actualité : la Flottille de la Liberté, le bateau humanitaire qui se dirigeait vers Gaza, a été illégalement arrêté par Israël. Au même moment, s’ouvre à Nice la Conférence mondiale sur l’Océan. Et si c’était l’occasion de faire une philosophie de la mer, de notre rapport à l’océan ? Qu’est-ce que cela changerait dans notre conception de l’humanité ? On en parle avec la philosophe Corine Pelluchon.


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  • Speaker #0

    Cette semaine, la mer est au cœur de l'actualité. La flottille de la liberté, le bateau humanitaire qui se dirigeait vers Gaza, a été illégalement arrêtée par Israël. Au même moment, souverainise la Conférence mondiale sur l'océan. Et si c'était l'occasion de faire une philosophie de la mer, de notre rapport à l'océan ? Qu'est-ce que cela changerait dans notre conception de l'humanité ? On en parle avec la philosophe Corinne Pelluchon. Je suis Alice de Rochechouart. et vous écoutez le Fil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Ce podcast est totalement indépendant et il ne survit que grâce à vos dons. Alors, si vous voulez soutenir mon travail, vous pouvez faire un don, ponctuel ou récurrent, en cliquant sur la page indiquée en description. Merci pour votre soutien. Il arrive parfois que les actualités se télescopent. Lundi, la flottille de la liberté, un bateau humanitaire qui était en route pour dénoncer le blocus illégal d'Israël contre Gaza et pour dénoncer le génocide, a été arrêtée illégalement dans les eaux internationales. A l'heure où j'enregistre cet épisode, la majeure partie de l'équipage, dont la députée européenne Rima Hassan, sont toujours détenues par Israël. Le symbole est fort. Le bateau a incarné le courage, la lutte, l'espoir et les images de ce navire voguant vers Gaza. ont insufflé une mobilisation mondiale. Cette initiative en a d'ailleurs fait naître d'autres, puisque des convois partent désormais de Tunisie et d'Algérie pour se rendre à Gaza. La flottille a symbolisé la résistance contre les génocides et le colonialisme, tout en naviguant sur une mer méditerranée qui est aujourd'hui un cimetière. On estime en effet que depuis dix ans, près de 30 000 personnes exilées se sont noyées en tentant de franchir la Méditerranée. À Nice, où s'est ouverte la troisième conférence des Nations Unies sur l'océan, C'est une autre ambiance. Cette fois-ci, l'enjeu est plutôt écologique. Plus de 60 chefs d'État sont réunis. L'objectif est de prendre des mesures pour protéger les océans contre la surexploitation et la surpêche, de lutter contre la pollution plastique, de protéger la haute mer et d'empêcher l'extraction minière des fonds marins. Cette conférence devrait conduire à 100 milliards de dollars de financement en faveur du développement durable de l'océan. Cependant, à la différence des COP, les conférences pour le climat, Aucun accord contraignant ne sera signé. De quoi craindre que les engagements ne mènent pas à de véritables changements, alors que l'état de l'océan est très préoccupant. En 2024, la Méditerranée a atteint la température record de 28,9 degrés. Or, l'océan est le principal régulateur du climat terrestre, il absorbe un tiers du CO2 et produit la majeure partie de notre oxygène. Si l'océan se met à bouillir, nous n'y survivrons pas. Ces deux événements font écho l'un à l'autre. D'un côté, une action humanitaire coup de poing, portée par des voix puissantes, comme l'activiste Greta Thunberg, est destinée à dénoncer l'inaction des États comme la France. De l'autre, des négociations géopolitiques, dont Emmanuel Macron veut se présenter comme le leader, alors que son action écologique est quasi inexistante depuis le début de son mandat. Des négociations qui risquent donc à nouveau de montrer le désintérêt politique pour les questions écologiques. Et le point commun entre ces deux événements, c'est le statut ambivalent de la mer et de l'océan, à la fois source de vie et d'espoir, et symbole de mort et de possible destruction. La philosophe Corinne Pelluchon a réfléchi à cette ambivalence de l'océan. Dans son livre « L'être et la mer » , paru en 2024, elle nous invite à penser l'humain à partir de l'eau. En effet, elle montre que l'humanité s'est toujours pensée à partir de la terre. Nous sommes des terriens, des terriennes, et nous pensons l'enracinement, le sol, la terre ferme. Or, selon elle, cette approche nous conduit à penser les frontières et les territoires. Nous cherchons à découper le monde en plusieurs catégories fixes, rigides. La nature contre la culture, l'humanité contre les animaux, les hommes contre les femmes, les différents États, les différentes nationalités. Dans la conception terrestre, chacun se voit attribuer un territoire délimité, une place fixe. Et bien évidemment, certaines catégories sont considérées comme supérieures aux autres. Cela se manifeste aussi dans notre manière d'envisager l'océan d'ailleurs. Nous découpons les territoires maritimes, nous quadrillons les mers, nous fragmentons l'océan. La mer est alors considérée comme une ressource, comme un territoire à exploiter. Et selon Corinne Pelluchon, cette conception terrestre du monde nous conduit à la compétition, la hiérarchisation et au conflit. Or, il est possible de bouleverser notre regard. Pelluchon nous invite à penser à partir de la mer, à partir de l'élément aquatique. L'eau est partout, elle est le fondement de notre existence et tous les êtres vivants sont majoritairement composés d'eau. Et pourtant, l'eau nous est étrangère, elle est ambivalente, parfois accueillante, parfois hostile. Les profondeurs océaniques sont inexplorées à 95%, nous n'avons identifié que 10 à 20% des espèces marines. En réalité, selon Corinne Pelluchon, l'eau symbolise l'abîme de notre existence, son mystère insondable. Or, l'eau, c'est le contraire des frontières. L'eau, c'est la fluidité, le mouvement. D'ailleurs, bien que nous ayons nommé cinq océans différents, ceux-ci sont reliés entre eux. Ils forment un océan unique. Pour Corinne Pelluchon, l'unicité de l'océan fait écho à l'unicité de l'humanité. C'est pour cela qu'il nous faut, dit-elle, cesser de regarder tout ce qui existe à partir du rivage et partir en mer. En pensant l'humanité à partir de la mer, on peut prendre conscience de ce qu'elle appelle le co-existentialisme, le fait que nous appartenons à une communauté de vivants. Il faut sortir de la vision morcelée du territoire pour penser la fluidité aquatique. Cela a des conséquences sur la pensée écologique. L'écologie ne serait pas la protection de l'environnement, qui finalement reconduit une opposition, une frontière entre l'humain et son environnement, qui conforte la supériorité de l'humain, en en faisant un protecteur. En fait, cette approche révèle encore une conception instrumentale de la nature. La nature serait une ressource à exploiter, et le seul enjeu serait de l'exploiter durablement. Pour Corinne Pelluchon, c'est parce que nous sommes encore prisonniers de cette conception terrestre, celle des frontières et de l'exploitation, que nous ne parvenons pas à définir les conditions permettant de défendre le vivant et l'égalité des cultures. Penser l'humain à partir de la mer, Cela veut dire au contraire reconnaître l'interdépendance, la communauté de destin entre l'océan et l'humanité. Cela nous permet de penser les échanges et le mouvement, la solidarité et la communauté, la fluidité plutôt que les frontières, la compétition et la rigidité. Penser la mer, c'est penser un monde commun. On peut donc penser la vie sur Terre à partir de notre dépendance à l'égard de l'eau, cet élément qui est à la fois notre matrice, mais aussi une puissance effrayante et destructrice. Cela doit nous conduire à ce que Corinne Pelluchon appelle une « thalasso politique » , une véritable politique de la mer, où la préservation et la protection de la vie marine seraient une priorité des politiques publiques. Cette conférence pour la mer est ainsi de bonne augure, bien qu'elle soit encore tiraillée entre l'objectif de protection de l'écosystème marin et la tentation de son exploitation. Les déclarations de l'ONU en témoignent. La conférence vise, je cite, « à soutenir la poursuite et l'urgence des mesures visant à conserver et à utiliser de manière durable les océans, les mers et les ressources marines » . Il est donc encore bel et bien question d'utilisation de la mer. Et puis, il ne faut pas oublier que Donald Trump, absent à la conférence, a donné son feu vert pour l'exploitation minière des fonds marins dans les eaux internationales, au mépris du droit. et de tous les dangers environnementaux. L'océan, bien loin d'être protégé, risque de devenir une zone de non-droit. Quant à la Méditerranée, elle est aussi le symbole de la philosophie des frontières et de la territorialité. La flottille de la liberté a navigué contre le colonialisme et la violence génocidaire de l'État d'Israël. Et au cours de son trajet, elle a porté secours à des personnes exilées qui tentaient de rejoindre l'Europe, mais dont l'embarcation de fortune a coulé. Parmi les passagers de ce bateau, Quatre personnes ont préféré se jeter à l'eau plutôt que d'être arrêtées par les forces libyennes, et elles ont pu être sauvées par la flottille de la liberté. Un triste symbole du fait que la souffrance des exilés et celle des Palestiniens et palestiniennes est intimement liée, que cette souffrance prend sa source dans le système international de domination, et que la mer peut être à la fois un espoir et un tombeau. Avec cette philosophie de la mer, on peut donc décentrer notre regard, penser ensemble l'écologie et l'existence. la souffrance humaine et la souffrance de la mer. On peut penser la communauté de destin entre océan, humanité, nature, contre les philosophies de la frontière et de la hiérarchie, afin peut-être de parvenir à éviter le naufrage. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très vite pour un nouvel épisode du Fil d'Actu. En attendant, pour des infos exclusives et parfois des petites blagues, vous pouvez me suivre sur Instagram, sur mon compte, Alice de Rochechouart. Et un grand merci à toutes celles et ceux qui, grâce à leurs dons, me permettent de continuer sereinement le podcast. 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Description

Et si la philosophie était une politique de la mer ?


Cette semaine, la mer est au cœur de l’actualité : la Flottille de la Liberté, le bateau humanitaire qui se dirigeait vers Gaza, a été illégalement arrêté par Israël. Au même moment, s’ouvre à Nice la Conférence mondiale sur l’Océan. Et si c’était l’occasion de faire une philosophie de la mer, de notre rapport à l’océan ? Qu’est-ce que cela changerait dans notre conception de l’humanité ? On en parle avec la philosophe Corine Pelluchon.


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Transcription

  • Speaker #0

    Cette semaine, la mer est au cœur de l'actualité. La flottille de la liberté, le bateau humanitaire qui se dirigeait vers Gaza, a été illégalement arrêtée par Israël. Au même moment, souverainise la Conférence mondiale sur l'océan. Et si c'était l'occasion de faire une philosophie de la mer, de notre rapport à l'océan ? Qu'est-ce que cela changerait dans notre conception de l'humanité ? On en parle avec la philosophe Corinne Pelluchon. Je suis Alice de Rochechouart. et vous écoutez le Fil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Ce podcast est totalement indépendant et il ne survit que grâce à vos dons. Alors, si vous voulez soutenir mon travail, vous pouvez faire un don, ponctuel ou récurrent, en cliquant sur la page indiquée en description. Merci pour votre soutien. Il arrive parfois que les actualités se télescopent. Lundi, la flottille de la liberté, un bateau humanitaire qui était en route pour dénoncer le blocus illégal d'Israël contre Gaza et pour dénoncer le génocide, a été arrêtée illégalement dans les eaux internationales. A l'heure où j'enregistre cet épisode, la majeure partie de l'équipage, dont la députée européenne Rima Hassan, sont toujours détenues par Israël. Le symbole est fort. Le bateau a incarné le courage, la lutte, l'espoir et les images de ce navire voguant vers Gaza. ont insufflé une mobilisation mondiale. Cette initiative en a d'ailleurs fait naître d'autres, puisque des convois partent désormais de Tunisie et d'Algérie pour se rendre à Gaza. La flottille a symbolisé la résistance contre les génocides et le colonialisme, tout en naviguant sur une mer méditerranée qui est aujourd'hui un cimetière. On estime en effet que depuis dix ans, près de 30 000 personnes exilées se sont noyées en tentant de franchir la Méditerranée. À Nice, où s'est ouverte la troisième conférence des Nations Unies sur l'océan, C'est une autre ambiance. Cette fois-ci, l'enjeu est plutôt écologique. Plus de 60 chefs d'État sont réunis. L'objectif est de prendre des mesures pour protéger les océans contre la surexploitation et la surpêche, de lutter contre la pollution plastique, de protéger la haute mer et d'empêcher l'extraction minière des fonds marins. Cette conférence devrait conduire à 100 milliards de dollars de financement en faveur du développement durable de l'océan. Cependant, à la différence des COP, les conférences pour le climat, Aucun accord contraignant ne sera signé. De quoi craindre que les engagements ne mènent pas à de véritables changements, alors que l'état de l'océan est très préoccupant. En 2024, la Méditerranée a atteint la température record de 28,9 degrés. Or, l'océan est le principal régulateur du climat terrestre, il absorbe un tiers du CO2 et produit la majeure partie de notre oxygène. Si l'océan se met à bouillir, nous n'y survivrons pas. Ces deux événements font écho l'un à l'autre. D'un côté, une action humanitaire coup de poing, portée par des voix puissantes, comme l'activiste Greta Thunberg, est destinée à dénoncer l'inaction des États comme la France. De l'autre, des négociations géopolitiques, dont Emmanuel Macron veut se présenter comme le leader, alors que son action écologique est quasi inexistante depuis le début de son mandat. Des négociations qui risquent donc à nouveau de montrer le désintérêt politique pour les questions écologiques. Et le point commun entre ces deux événements, c'est le statut ambivalent de la mer et de l'océan, à la fois source de vie et d'espoir, et symbole de mort et de possible destruction. La philosophe Corinne Pelluchon a réfléchi à cette ambivalence de l'océan. Dans son livre « L'être et la mer » , paru en 2024, elle nous invite à penser l'humain à partir de l'eau. En effet, elle montre que l'humanité s'est toujours pensée à partir de la terre. Nous sommes des terriens, des terriennes, et nous pensons l'enracinement, le sol, la terre ferme. Or, selon elle, cette approche nous conduit à penser les frontières et les territoires. Nous cherchons à découper le monde en plusieurs catégories fixes, rigides. La nature contre la culture, l'humanité contre les animaux, les hommes contre les femmes, les différents États, les différentes nationalités. Dans la conception terrestre, chacun se voit attribuer un territoire délimité, une place fixe. Et bien évidemment, certaines catégories sont considérées comme supérieures aux autres. Cela se manifeste aussi dans notre manière d'envisager l'océan d'ailleurs. Nous découpons les territoires maritimes, nous quadrillons les mers, nous fragmentons l'océan. La mer est alors considérée comme une ressource, comme un territoire à exploiter. Et selon Corinne Pelluchon, cette conception terrestre du monde nous conduit à la compétition, la hiérarchisation et au conflit. Or, il est possible de bouleverser notre regard. Pelluchon nous invite à penser à partir de la mer, à partir de l'élément aquatique. L'eau est partout, elle est le fondement de notre existence et tous les êtres vivants sont majoritairement composés d'eau. Et pourtant, l'eau nous est étrangère, elle est ambivalente, parfois accueillante, parfois hostile. Les profondeurs océaniques sont inexplorées à 95%, nous n'avons identifié que 10 à 20% des espèces marines. En réalité, selon Corinne Pelluchon, l'eau symbolise l'abîme de notre existence, son mystère insondable. Or, l'eau, c'est le contraire des frontières. L'eau, c'est la fluidité, le mouvement. D'ailleurs, bien que nous ayons nommé cinq océans différents, ceux-ci sont reliés entre eux. Ils forment un océan unique. Pour Corinne Pelluchon, l'unicité de l'océan fait écho à l'unicité de l'humanité. C'est pour cela qu'il nous faut, dit-elle, cesser de regarder tout ce qui existe à partir du rivage et partir en mer. En pensant l'humanité à partir de la mer, on peut prendre conscience de ce qu'elle appelle le co-existentialisme, le fait que nous appartenons à une communauté de vivants. Il faut sortir de la vision morcelée du territoire pour penser la fluidité aquatique. Cela a des conséquences sur la pensée écologique. L'écologie ne serait pas la protection de l'environnement, qui finalement reconduit une opposition, une frontière entre l'humain et son environnement, qui conforte la supériorité de l'humain, en en faisant un protecteur. En fait, cette approche révèle encore une conception instrumentale de la nature. La nature serait une ressource à exploiter, et le seul enjeu serait de l'exploiter durablement. Pour Corinne Pelluchon, c'est parce que nous sommes encore prisonniers de cette conception terrestre, celle des frontières et de l'exploitation, que nous ne parvenons pas à définir les conditions permettant de défendre le vivant et l'égalité des cultures. Penser l'humain à partir de la mer, Cela veut dire au contraire reconnaître l'interdépendance, la communauté de destin entre l'océan et l'humanité. Cela nous permet de penser les échanges et le mouvement, la solidarité et la communauté, la fluidité plutôt que les frontières, la compétition et la rigidité. Penser la mer, c'est penser un monde commun. On peut donc penser la vie sur Terre à partir de notre dépendance à l'égard de l'eau, cet élément qui est à la fois notre matrice, mais aussi une puissance effrayante et destructrice. Cela doit nous conduire à ce que Corinne Pelluchon appelle une « thalasso politique » , une véritable politique de la mer, où la préservation et la protection de la vie marine seraient une priorité des politiques publiques. Cette conférence pour la mer est ainsi de bonne augure, bien qu'elle soit encore tiraillée entre l'objectif de protection de l'écosystème marin et la tentation de son exploitation. Les déclarations de l'ONU en témoignent. La conférence vise, je cite, « à soutenir la poursuite et l'urgence des mesures visant à conserver et à utiliser de manière durable les océans, les mers et les ressources marines » . Il est donc encore bel et bien question d'utilisation de la mer. Et puis, il ne faut pas oublier que Donald Trump, absent à la conférence, a donné son feu vert pour l'exploitation minière des fonds marins dans les eaux internationales, au mépris du droit. et de tous les dangers environnementaux. L'océan, bien loin d'être protégé, risque de devenir une zone de non-droit. Quant à la Méditerranée, elle est aussi le symbole de la philosophie des frontières et de la territorialité. La flottille de la liberté a navigué contre le colonialisme et la violence génocidaire de l'État d'Israël. Et au cours de son trajet, elle a porté secours à des personnes exilées qui tentaient de rejoindre l'Europe, mais dont l'embarcation de fortune a coulé. Parmi les passagers de ce bateau, Quatre personnes ont préféré se jeter à l'eau plutôt que d'être arrêtées par les forces libyennes, et elles ont pu être sauvées par la flottille de la liberté. Un triste symbole du fait que la souffrance des exilés et celle des Palestiniens et palestiniennes est intimement liée, que cette souffrance prend sa source dans le système international de domination, et que la mer peut être à la fois un espoir et un tombeau. Avec cette philosophie de la mer, on peut donc décentrer notre regard, penser ensemble l'écologie et l'existence. la souffrance humaine et la souffrance de la mer. On peut penser la communauté de destin entre océan, humanité, nature, contre les philosophies de la frontière et de la hiérarchie, afin peut-être de parvenir à éviter le naufrage. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très vite pour un nouvel épisode du Fil d'Actu. En attendant, pour des infos exclusives et parfois des petites blagues, vous pouvez me suivre sur Instagram, sur mon compte, Alice de Rochechouart. Et un grand merci à toutes celles et ceux qui, grâce à leurs dons, me permettent de continuer sereinement le podcast. Merci à Lucie, Élodie, Alix, Bruno, Alexandre, Étienne, Philippe, Cédric, Augustin, Laurent, Thomas, Mathieu, Clément, Louis-Michel, Grégoire, Isabelle, Olympe, Antoine, Franck, Alain, Célia, José, Juliette, Gauthier, Florence, Bastien, Florian, Béatrice, Richard, Vincent, Marie, Charles, Alé, Jean-Marc, Sacha, Sophie et Luc, Nicolas et Tristan. Vous aussi. vous pouvez rejoindre l'aventure du fil d'actu. Merci et à très vite !

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